N° 147
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 1999 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur :
- la proposition de loi de M. Christian Poncelet, Président du Sénat, et M. Jacques Valade, Vice-président, portant création de la chaîne parlementaire ,
- la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant création de La Chaîne Parlementaire,
Par M. Jacques VALADE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1996, 2007 et T.A. 417
Sénat : 112 et 142 (1999-2000).
Audiovisuel et communication. Parlement . |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Les propositions de loi déposées, simultanément et dans les mêmes termes, à l'Assemblée nationale par son Président, M. Laurent Fabius, et au Sénat par le Président Christian Poncelet et votre rapporteur, traduisent l'accord intervenu entre les deux assemblées, après une réflexion poursuivie en commun depuis plusieurs années, en vue de la création d'une chaîne parlementaire et civique.
Cette réflexion procédait d'un constat : les moyens d'expression audiovisuels existants, publics ou privés, ne rendent pas compte de la réalité, de la richesse et de l'étendue du rôle de la représentation nationale. Ceci ne tient pas seulement, d'ailleurs, à l'attrait médiatique supposé des " petites phrases ", des incidents de séance ou des péripéties liées aux hommes et aux institutions mais tout simplement au fait que l'élaboration de la loi, le contrôle de l'exécutif procèdent d'un travail de fond qui suscite peu l'intérêt des médias et que ne sauraient de toute façon restituer la présentation sommaire et les quelques images auxquels se résument les " sujets " des journaux télévisés. Volontiers anecdotique, inévitablement elliptique, l'image que donne de l'institution parlementaire la presse audiovisuelle est donc bien peu faite pour nourrir le débat démocratique et l'intérêt des citoyens pour la chose publique.
Mais cette réflexion s'inscrivait aussi dans une tradition parlementaire nationale qui remonte aux premiers jours de la Révolution française. A l'ère du " village global ", le respect du principe de la publicité des débats parlementaires, affirmé en 1789 et consacré par la Constitution de 1791, passe en effet par l'utilisation de la télévision et des nouvelles technologies de l'information. De même, en voulant produire et faire diffuser La Chaîne Parlementaire, le Parlement d'aujourd'hui n'agit pas autrement que l'Assemblée Nationale de juin 1789 lorsqu'elle s'était préoccupée d'établir et de faire imprimer le procès-verbal de ses séances.
La création de La Chaîne Parlementaire renoue donc avec le " devoir de communication " que s'étaient spontanément assigné les premières assemblées parlementaires françaises, et avec le souci de faire participer la collectivité nationale aux travaux de sa représentation et par conséquent de son Parlement.
Si la définition de ce nouveau service public audiovisuel s'inscrit dans la continuité des travaux et des expériences déjà menés par les assemblées, l'accord intervenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat propose en revanche de donner à La Chaîne Parlementaire un cadre juridique original afin de garantir à la fois l'autonomie du Parlement et la spécificité de chacune des deux assemblées.
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I. LA DÉFINITION D'UN NOUVEAU SERVICE PUBLIC AUDIOVISUEL
" La Chaîne Parlementaire " représentera incontestablement une innovation dans le " paysage audiovisuel français ", à telle enseigne que, depuis que l'on évoque la création en France d'une " chaîne parlementaire et civique ", on se réfère habituellement à des modèles étrangers, et notamment aux chaînes parlementaires américaine et canadienne.
Ces références, pour flatteuses qu'elles puissent être, ne rendent cependant pas compte de la réalité d'un projet qui correspond profondément, tout en la renouvelant, à la notion très française du service public, tant en ce qui concerne le concept de La Chaîne Parlementaire que les conditions de sa mise à la disposition du public.
A. LE CONCEPT
Fruit d'une longue et difficile maturation et de démarches progressivement convergentes des deux assemblées, La Chaîne Parlementaire se définit, aux termes des propositions de loi, comme une " chaîne parlementaire et civique " remplissant " une mission de service public, d'information et de formation des citoyens à la vie publique, par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques ".
• Ses programmes devront faire place, comme le prévoit déjà l'article 45-1 inséré en 1994 dans la loi de 1986 sur la liberté de communication, à la présentation et au compte rendu des travaux des deux assemblées , aussi bien sous forme de retransmission directe ou en différé -comme celles qu'assure déjà " Canal-Assemblées "- des débats en séance publique, des travaux des commissions, des délégations ou des offices parlementaires, que d'émissions permettant d'éclairer ou de replacer dans leur contexte la diffusion " brute " des travaux parlementaires.
• Chaîne " d'information ", elle pourra également, comme l'indique l'exposé des motifs des deux propositions de loi, " faire place aux débats de société, à l'actualité et aux initiatives des collectivités locales, aux travaux du Parlement européen et des Parlements étrangers " et comporter des interviews, des reportages, des émissions de plateau...
• Dans le cadre de sa mission civique et de " formation des citoyens à la vie publique ", elle devra prendre en compte les besoins de publics spécifiques : élus locaux, enseignants, étudiants, public scolaire, et être autant que possible " interactive ", pour permettre aux téléspectateurs de réagir et de participer à ses programmes. Cette interactivité sera complémentaire de celle que permettent déjà les sites internet des assemblées, et tout particulièrement celui du Sénat.
Ce concept ambitieux de " chaîne thématique du débat public " procédant d'une initiative purement parlementaire ne correspond donc en fait à aucun " modèle " étranger. Il convient en effet de rappeler que les chaînes américaines et canadienne, les deux chaînes C. SPAN et la chaîne Cable Parliamentary Channel, créées depuis une vingtaine d'années et considérées comme les exemples les plus réussis de " chaînes parlementaires ", procèdent d'initiatives privées, tandis que d'autres expériences étrangères publiques ou privées, au demeurant inégalement couronnées de succès, sont essentiellement ou uniquement centrées sur la retransmission intégrale ou partielle des débats parlementaires.
B. LES CONDITIONS DE DIFFUSION
L'appartenance de La Chaîne Parlementaire au service public se définit aussi par le choix d'une diffusion gratuite et la plus large possible de ses programmes.
Ce choix se situe également dans la continuité des expériences engagées et des projets élaborés depuis 1993.
• Dans les faits, l'évolution de la diffusion de Canal-Assemblée nationale, devenue en 1996 Canal-Assemblées , a démontré la volonté commune des deux assemblées d'utiliser toutes les " fenêtres " disponibles pour distribuer ses programmes au plus large public : Canal-Assemblée nationale a d'abord utilisé en 1993, le canal " avant Arte " du réseau Paris-TV Câble, puis passé un accord avec les principaux câblo-opérateurs, qui lui a permis d'être transportée par le " bus hertzien " de France Télécom.
Depuis 1996, l'Assemblée nationale et le Sénat cofinancent à parité la location à TPS d'un espace sur le satellite Eutelsat, qui permet de diffuser en clair les programmes de Canal-Assemblées sur les réseaux câblés et à destination des foyers équipés d'antennes de réception directe. Depuis octobre 1999, Canal-Assemblées est également intégrée au bouquet Canal Satellite diffusé par le satellite Astra.
Ces efforts conjoints ont permis d'élargir progressivement la distribution de Canal-Assemblées à 37 réseaux câblés, et d'en permettre également la réception directe aux abonnés des deux " bouquets " TPS et Canal Satellite : l'audience potentielle actuelle de la chaîne peut donc être estimée à environ 2 millions de foyers.
• Au niveau des textes et des projets de textes législatifs , l'article 45-1 de la loi de 1986 que reprennent, sous réserve d'ajustements rédactionnels mineurs, les deux propositions de loi, n'exclut aucun mode de diffusion des programmes produits par les assemblées parlementaires : il mentionne en effet la distribution par câble aussi bien que la diffusion hertzienne, qui recouvre :
- la diffusion satellitaire ;
- la diffusion hertzienne terrestre analogique -peu abordable faute de réseau disponible et en raison de son coût ;
- la diffusion hertzienne numérique terrestre -qui pourra en revanche permettre à moyen terme d'élargir la diffusion de La Chaîne Parlementaire ;
- voire la diffusion sur des réseaux " micro-ondes ", ou faisant appel à d'autres technologies.
L'article 4 de la proposition de loi impose à tous les opérateurs de réseaux câblés ou de bouquets satellitaires de transporter et de mettre gratuitement à la disposition de leurs abonnés La Chaîne Parlementaire : cette clause de " must carry " figurait déjà dans les amendements à l'article 45-1 de la loi de 1986 adoptés en 1997 par le Sénat puis par l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi audiovisuelle présenté par M. Philippe Douste-Blazy, dont la dissolution de l'Assemblée nationale n'a pas permis l'adoption définitive.
En attendant les nouvelles perspectives que pourra offrir la diffusion numérique hertzienne terrestre, cette obligation de reprise devrait donc permettre à tous les foyers desservis par un réseau câblé ou abonnés à un bouquet satellitaire -soit à l'heure actuelle 20 % des foyers français- de recevoir La Chaîne Parlementaire.