AVANT-PROPOS

Dans le projet de loi de finances pour 2000 , les crédits du ministère de l'emploi s'élèvent à 122,06 milliards de francs . Ils s'établissaient à 162,05 milliards de francs en 1999.

La baisse apparente des crédits est donc de 24,68 %, en diminution de près de 40 milliards de francs.

Toutefois, il convient de préciser, dès à présent, que le financement de la ristourne générale sur les bas salaires, dite " ristourne Juppé ", n'est plus inscrit au budget de l'emploi dans le projet de loi de finances pour 2000. Les dépenses engagées à ce titre, soit 39,49 milliards de francs , seront en effet prises en charge par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Une part du droit de consommation sur les tabacs manufacturés sera affectée à ce nouveau fonds pour assurer, à même hauteur, le financement de la " ristourne dégressive ".

La nomenclature budgétaire subit ainsi une seconde modification très importante en deux ans. En effet, les crédits concernant des " mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle ", qui étaient inscrits au budget des charges communes pour un montant de 43 milliards de francs en 1998, avaient été intégrés au sein du budget de l'emploi en 1999.

Toutefois, à périmètre constant, le budget de l'emploi croît de 2,3 % par rapport à 1999. Il s'agit donc d'un budget prioritaire, les dépenses du budget général augmentant, en moyenne, de 0,9 %.

CHAPITRE PREMIER

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

I. L'EXÉCUTION DU BUDGET DE L'EMPLOI (1994-1998)

Le rapport de la Cour des comptes relatif à l'exécution des lois de finances pour 1998 contient la première monographie consacrée au budget de l'emploi.

La Cour relève que le budget de l'emploi est le deuxième budget civil de l'Etat , après celui de l'enseignement scolaire, et observe que, depuis 1994, il a connu une croissance considérable de ses dotations : + 36,2 %, et même + 51 % si on y associe le chapitre 44-75 du budget des charges communes (" Mesures diverses en faveur de l'emploi "). Les dotations de ce chapitre ont néanmoins été intégrées au fascicule budgétaire de l'emploi dans la loi de finances initiale pour 1999. Il convient toutefois de préciser que la Cour appelle " budget consolidé de l'emploi " l'ensemble constitué par le budget de l'emploi proprement dit et le chapitre 44-75 du budget des charges communes.

La monographie sur le budget de l'emploi donne à la Cour des comptes l'occasion de faire un certain nombre de remarques et d'observations qui peuvent être analysées en cinq points.

A. DES CRÉDITS DE L'EMPLOI EN FORTE AUGMENTATION

Les crédits inscrits sur ce fascicule s'établissaient, en 1998, à 112,6 milliards de francs. Le titre III a, en comparaison de l'ensemble du budget, évolué modérément (2,06 % en moyenne annuelle). Toutefois, les crédits alloués à l'ANPE ont fortement cru, de 17 % entre 1993 et 1998.

Le titre IV a, lui, connu une évolution beaucoup plus importante, puisqu'il a progressé de 39,3 % entre 1994 et 1998. Les crédits de la 4 ème partie de ce titre (" Action économique ") sont à l'origine de cette forte croissance : ils sont passés de 42,8 à 69,5 milliards de francs.

B. UN BUDGET DE L'EMPLOI BIS ?

Le chapitre 44-75 du budget des charges communes a été doté de montants considérables en loi de finances initiale, souvent largement complétés par les lois de finances rectificatives et des décrets d'avance.

Les dotations sont passées de 20,4 à 43 milliards de francs de 1994 à 1998. Elles ont été -rappelons-le- intégrées au budget de l'emploi en 1999.

C. UN EFFORT DE MAÎTRISE DES DOTATIONS INSUFFISANT

La Cour estime que " l'élaboration des lois de finances montre un effort pour maîtriser la croissance des dotations, effort d'une ampleur insuffisante par rapport à la tendance constatée " , ajoutant que cet effort s'est principalement manifesté dans la révision des services votés figurant dans le projet de loi de finances.

En 1998, les mesures d'ajustement ont été négatives de 4,5 milliards de francs, les réductions l'emportant largement sur les ajustements positifs.

Les principales réductions de crédits ont porté sur :

- les contrats initiative emploi (CIE), pour 4.801 millions de francs ;

- les dispositifs en faveur des retraits d'activité -allocations spéciales du FNE et préretraites progressives- pour un montant de 1.786 millions de francs ;

- la suppression des emplois de ville, soit 430 millions de francs.

Parmi les majorations de crédits , figuraient notamment :

- une forte augmentation des dotations destinées au dispositif d'incitation à la réduction du temps de travail (loi de Robien), pour 1.323,5 millions de francs ;

- et l'inscription d'une dotation de 708 millions de francs pour la subvention à l'association pour la gestion de la structure financière.

Les moyens nouveaux étaient particulièrement élevés (10,7 milliards de francs) :

- 8,35 milliards pour le programme en faveur de l'emploi des jeunes, financé en 1997 par décret d'avance ;

- la revalorisation, à hauteur de 539,7 millions de francs, de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ;

- les crédits destinés aux stages de chômeurs de longue durée, majorés de 571,7 millions de francs pour l'ouverture de 30.000 places supplémentaires en stage d'initiation et de formation à l'emploi (SIFE) ;

- 200 millions de francs pour un nouveau dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles par les jeunes.

La révision des services votés ne s'élevait, en 1998, qu'à 1,3 milliard de francs, soit le montant le plus faible sur la période examinée :

- les dispositifs de retrait d'activité font l'objet d'une révision entraînant une réduction de crédits de 388,8 millions de francs ;

- la suppression des emplois de ville engendre une économie de 183,3 millions de francs ;

- la suppression de l'exonération de cotisations sociales en faveur des travailleurs indépendants créant ou reprenant une activité se traduit par un allégement de charges de 243 millions de francs ;

- un financement à concurrence de 400 millions de francs par voie de fonds de concours des primes d'apprentissage était initialement prévu : cette opération a été réalisée en cours d'année, mais dans des conditions différentes, par un prélèvement de 500 millions de francs sur les fonds de l'AGEFAL, institué par voie législative.

La Cour conclut que, sur les quatre années sous revue, s'est affirmée constamment " une sorte de dialectique entre l'enregistrement obligé des charges liées aux dispositifs existants ou aux nouvelles interventions mises en place, et la recherche d'économies, par la suppression ou le recadrage de certains dispositifs ". Mais elle ajoute : " toutes les mesures d'économies prévues ne sont pas nécessairement entrées en vigueur " , tandis que d'autres " n'ont pu être mises en oeuvre que de façon différée ".

D. DE NOMBREUSES MODIFICATIONS INTERVENUES EN COURS DE GESTION

La Cour des comptes a fait un ensemble d'observations relatives aux modifications intervenues en cours de gestion.

Elle constate de fréquentes adaptations du budget de l'emploi par des décrets d'avance. Les crédits ouverts ont notamment concerné des dispositifs nouveaux, à deux reprises : le financement des emplois de ville en 1996, pour 200 millions de francs, et celui des emplois jeunes en 1997, pour 2 milliards de francs.

Elle observe que les annulations de crédits ont relativement épargné les moyens d'intervention, le budget consolidé de l'emploi bénéficiant d'une sorte de " sanctuarisation ".

Surtout, la Cour relève que " le budget de l'emploi compte parmi les budgets faisant l'objet des ouvertures de crédits par voie de fonds de concours les plus importantes ". Deux sources sont principalement à l'origine des rattachements : les concours du fonds social européen, et la contribution des entreprises aux dispositifs de retrait d'activité. Ainsi, entre 1994 et 1998, les majorations d'autorisations budgétaires par fonds de concours ont-elles augmenté de 47,2 %, cette progression étant due, pour l'essentiel, à celle des concours du FSE. Ces derniers alimentent directement les programmes financés sur le budget de l'emploi, à hauteur d'environ un milliard de francs.

La Cour note également des modifications de la répartition des crédits tenant largement à la " dissociation entre le budget de l'emploi et le budget des charges communes ".

L'année 1998 a été marquée par une rupture dans l'évolution de la contribution nette du budget consolidé de l'emploi aux autres budgets avec une forte croissance de cette contribution, passée à 4,2 milliards de francs. Cette évolution provient essentiellement du budget de l'emploi proprement-dit, en raison du programme en faveur de l'emploi des jeunes, à l'origine d'importantes répartitions vers l'enseignement scolaire et l'intérieur.

En outre, la Cour constate de nombreux mouvements de crédits, dans les deux sens, entre le budget du ministère de l'emploi et le chapitre 44-75 du budget des charges communes. Ces mouvements compliquent inutilement la gestion des crédits. Elle se félicite, dès lors, de la suppression du chapitre 44-75 en 1999, et de l'inscription des dotations correspondantes sur le budget de l'emploi, considérant qu'il s'agit d' " une simplification appréciable au dispositif budgétaire de l'emploi ".

La Cour des comptes relève également des taux de reports considérables sur l'ensemble de la période , notamment en ce qui concerne les dépenses en capital. Elle estime qu'il faut y voir " une difficulté manifeste à consommer les dotations ouvertes ".

Enfin, la Cour considère que le budget de l'emploi fait l'objet de " marges de gestion non négligeables ". Elle observe que des modifications de la sous-répartition des crédits en cours d'exécution ont été très importantes sur certains chapitres, notamment les chapitres 44-74 " Fonds national pour l'emploi " et 44-78 " Exonérations de cotisations sociales en faveur de l'emploi ".

Elle estime que le principe de la spécialité budgétaire lui-même est affecté par ce phénomène, l'assouplissement de la spécialité des crédits élargissant les marges de manoeuvre des gestionnaires. Ces derniers bénéficient également de " la surabondance de certaines dotations " , notamment celles destinées aux contrats initiative-emploi (CIE) et aux dispositifs de préretraite.

E. DES RÉSULTATS D'EXÉCUTION BIAISÉS PAR DES DÉFAUTS MÉTHODOLOGIQUES

Selon la Cour, l'analyse des résultats d'exécution du budget de l'emploi impose de prendre des précautions d'ordre méthodologique.

D'une part, la nomenclature budgétaire ordinaire doit être dépassée.
La cour observe que " le budget de l'emploi, pour ce qui est des interventions, manque de lisibilité " : quelques grands chapitres sont gérés comme de larges enveloppes de crédits dont la ventilation est donnée à titre indicatif dans les fascicules budgétaires annexés au projet de loi de finances initial. Cette situation ne peut que nuire à la clarté et au suivi des crédits de l'emploi.

Elle ajoute que la portée essentiellement juridique de la nomenclature budgétaire traditionnelle explique l' insuffisance de cette dernière à décrire correctement la politique de l'emploi. Elle estime donc nécessaire, pour apprécier l'évolution des dépenses de ce budget sur plusieurs années, de les regrouper selon la nomenclature par agrégats, qui constitue, selon elle, " le cadre nature pour le rapprochement des prévisions et des résultats ".

D'autre part, il conviendrait d'améliorer la portée des dépenses budgétaires.

La Cour constate que " le plus souvent, la dépense constatée en matière d'interventions pour l'emploi n'est pas la dépense finale et ne rend pas compte du coût budgétaire des actions menées au cours de l'exercice ".

Il conviendrait, selon elle, de distinguer trois notions ayant une incidence budgétaire distincte : la déconcentration des crédits, la déconcentration de la décision, et la délégation à des organismes tiers de gestion de certaines procédures. La mise en relation des dépenses budgétaires et des résultats physiques doit donc être entreprise avec de grandes précautions. La Cour note en effet : " Il est notamment malaisé de déterminer avec précision, pour chaque dispositif, le coût unitaire des mesures individuelles pour l'Etat à partir des seules données budgétaires ".

La Cour des comptes tire trois conclusions de son examen des crédits de l'emploi :

- le budget de l'Etat ne retrace qu'une partie des financements publics de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle ;

- le budget de l'emploi est soumis à une inertie qui en rend la réorientation difficile ;

- toutefois, les dépenses d'intervention en matière d'emploi traduisent de nouvelles priorités : l'allégement du coût du travail et la prise en charge des cotisations sociales sur les bas salaires par l'Etat, des mesures en faveur des jeunes et la réduction du temps de travail.

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