Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus
CHAUMONT (Jacques)
RAPPORT 60 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
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AVANT-PROPOS
- I. LA REMISE EN CAUSE DU DISPOSITIF PRÉVU PAR LA CONVENTION FRANCO-BELGE DU 10 MARS 1964
- II. L'AVENANT À LA CONVENTION DU 10 MARS 1964
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 60
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d' assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus,
Par M.
Jacques CHAUMONT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir le
numéro :
Sénat
:
486
(1998-1999).
Traités et conventions. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le
projet de loi soumis à votre examen a pour objet d'autoriser
l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la
France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et
à établir des règles d'assistance administrative et
juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus.
Cet avenant tend à confirmer le régime des travailleurs
frontaliers remis en cause pour la partie belge par les juridictions de ce
pays. La France a intérêt à voir ce régime
pérennisé dans la mesure où il permet aux
11.000 frontaliers français qui exercent une activité
salariée en Belgique de bénéficier d'une fiscalité
avantageuse en matière d'impôt sur le revenu et de cotisations
sociales.
I. LA REMISE EN CAUSE DU DISPOSITIF PRÉVU PAR LA CONVENTION FRANCO-BELGE DU 10 MARS 1964
A. L'IMPORTANCE DES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LA FRANCE ET LA BELGIQUE
1. Des relations économiques denses
La
France et la Belgique entretiennent des relations économiques et
commerciales très fortes. Ainsi, la Belgique est le quatrième
client de la France et absorbe 8,4 % de notre commerce
extérieur. Par ailleurs, la France est le deuxième marché
d'exportation pour la Belgique (122 milliards de francs) et le
deuxième pays d'accueil des investissements de l'Union économique
belgo-luxembourgeoise à l'étranger : 170 groupes belges
sont implantés en France, contrôlant 390 filiales et
employant 45.000 personnes.
La France est également très présente en Belgique puisque
116 milliards de francs ont été investis dans l'Union
économique belgo-luxembourgeoise en 1998, qui est la troisième
destination des investissements français à l'étranger.
1000 filiales françaises sont installées en Belgique, qui
emploient environ 190.000 personnes et réalisent un chiffre
d'affaires de 400 milliards de francs, principalement dans le secteur
financier, l'agroalimentaire, les équipements électriques et
électroniques, les produits pharmaceutiques et de parfumerie.
En outre, la France, qui représente le deuxième investisseur
étranger en Belgique, a été très active ces
dernières années en matière de rachats, en particulier par
le biais d'offres publiques d'achat : la Société
Générale de Belgique a été rachetée par
Suez-Lyonnaise des Eaux, Axa a acquis la banque ANHYP en octobre 1998 pour
3,6 milliards de francs, Usinor s'est emparé pour
4,2 milliards de francs de la majorité des parts de Cockerill,
Total a pris le contrôle de Petrofina.
Enfin, la France et la Belgique ont développé une
coopération industrielle et technologique intense, que ce soit dans le
domaine du nucléaire civil ou encore des transports.
2. Un nombre important de travailleurs frontaliers français et belges
L'intensité des relations économiques et
commerciales
entre la France et la Belgique se traduit également par l'importance des
communautés françaises et belges dans ces deux pays.
Au 31 décembre 1998, 69.610 Français résidant en
Belgique étaient immatriculés auprès des consulats
français. 33.029 y exerçaient une activité
professionnelle.
A la même date, les autorités françaises avaient
délivré un titre de séjour à 61.113 Belges.
Par ailleurs, la proximité géographique de la France et de la
Belgique facilite le développement des travailleurs frontaliers.
En 1998, près de 14.000 frontaliers français exerçaient
leur activité en Belgique, tandis que près de 6.000 frontaliers
belges étaient répertoriés.
Il est à noter que depuis 10 ans, les flux de travailleurs
frontaliers sont contrastés selon les nationalités.
Flux des travailleurs frontaliers français et belges de 1990 à 1998
Ainsi, le nombre de frontaliers belges exerçant leur activité en
France a diminué de 20 % en 10 ans, tandis que celui des
frontaliers français a pratiquement doublé sur la même
période.
B. UN RÉGIME FISCAL SPÉCIFIQUE AUJOURD'HUI REMIS EN CAUSE
1. Le régime des travailleurs frontaliers
Le 10
mars 1964, la France et la Belgique avaient conclu une convention fiscale afin
de protéger les résidents de chacun des Etats contractants contre
les doubles impositions qui pourraient résulter de l'application
simultanée de la législation fiscale de ces Etats.
L'article 11 de ladite convention prévoit que les traitements, salaires
et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans
l'Etat contractant sur le territoire duquel s'exerce l'activité
personnelle, source de revenu.
Toutefois, par dérogation à ce principe, le même paragraphe
dispose que les travailleurs frontaliers qui justifient de cette qualité
par la production de la carte frontalière instituée par les
conventions particulières intervenues entre les Etats contractants ne
sont imposables sur les traitements, salaires et rémunérations
qu'ils perçoivent à ce titre que dans l'Etat contractant dont ils
sont résidents.
Concrètement, cela signifie que les frontaliers français qui
exercent leur activité professionnelle en Belgique sont imposés
en France.
Parallèlement, les frontaliers belges qui exercent leur activité
professionnelle en France sont imposés en Belgique.
2. La remise en cause du régime fiscal applicable aux travailleurs frontaliers
Or, le
régime fiscal applicable aux travailleurs frontaliers a
été remis en cause par deux arrêts, l'un de la Cour de
cassation belge du 27 octobre 1994 et l'autre de la Cour d'appel de
Liège du 14 janvier 1998. En effet, les juridictions belges ont
considéré que ce régime d'imposition revêtait un
caractère optionnel dans la mesure où les contribuables doivent
se déclarer frontaliers par la production des documents prévus
par les deux Etats contractants pour être soumis à ce
régime.
En conséquence, les travailleurs frontaliers belges exerçant
leurs activités en France peuvent choisir entre une imposition en
Belgique, résultant du régime spécifique des travailleurs
frontaliers, et une imposition en France découlant de la règle
générale d'imposition dans l'Etat d'activité,
prévue dans la convention.
Or, à salaire égal, l'impôt sur le revenu est moins
élevé en France qu'en Belgique.
Comme le montrent les tableaux précédents, quels que soient la
situation familiale et le montant des revenus perçus, la cotisation
d'impôt sur le revenu est toujours plus faible en France qu'en Belgique.
Les travailleurs frontaliers belges ont donc intérêt à
être imposés en France. En revanche, la remise en cause du
régime fiscal applicable aux travailleurs frontaliers entraîne une
perte de recettes fiscales pour l'Etat belge. Celui-ci a donc
intérêt au maintien de ce statut.
La France est également attachée à la confirmation du
régime des travailleurs frontaliers. En effet, la remise en cause dudit
régime aurait deux conséquences négatives.
D'une part, les travailleurs frontaliers français seraient
désormais imposés en Belgique et auraient à acquitter un
impôt sur le revenu plus important, ce qui entraînerait de vives
réactions.
D'autre part, la France verrait ses recettes en matière d'impôt
sur le revenu diminuer en raison d'une assiette plus étroite : au
lieu d'imposer près de 14.000 travailleurs frontaliers français,
elle n'imposerait que 6.000 travailleurs frontaliers belges.
La France et la Belgique ont donc conclu un avenant à la convention
fiscale de 1964 afin de rendre toute leur portée aux dispositions
relatives au régime fiscal des travailleurs frontaliers.
II. L'AVENANT À LA CONVENTION DU 10 MARS 1964
A. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE L'AVENANT
1. L'obligation d'utiliser les formulaires pour les travailleurs frontaliers
L'article premier de l'avenant tend à confirmer le
régime fiscal spécifique des travailleurs frontaliers.
Ainsi, le premier paragraphe réaffirme le principe de l'imposition
exclusive des traitements et salaires reçus par ces personnes dans
l'Etat de la résidence.
Le second paragraphe donne une définition des zones frontalières
qui comprennent "
toutes les communes situées dans la zone
délimitée par la frontière commune aux Etats contractants
et une ligne tracée à une distance de vingt kilomètres de
cette frontière, étant entendu que les communes traversées
par cette ligne sont incorporées dans la zone
frontière
".
Le troisième paragraphe tend à éliminer
l'ambiguïté d'interprétation qu'avaient soulevée la
Cour de cassation et la Cour d'appel belges sur le caractère optionnel
du régime d'imposition des travailleurs frontaliers. Il est ainsi
indiqué que ces derniers doivent utiliser les formulaires actuellement
en vigueur pour faire connaître leur statut de travailleurs frontaliers
et être imposés dans leur Etat de résidence.
La valeur juridique desdits formulaires est établie.
L'article 3 précise que les dispositions de l'avenant s'appliqueront de
manière rétroactive puisqu'elles concerneront les revenus
perçus, réalisés payés ou attribués à
compter du 1
er
janvier 1999, afin d'éviter une perte fiscale
pour l'Etat belge pour l'année 1999.
2. L'extension de la clause de non-discrimination
L'article 25 de la convention franco-belge du 10 mars 1964
reprend, d'une manière plus succincte, les principes du modèle de
convention de l'OCDE suivant lesquels un Etat doit traiter, pour l'application
des règles fiscales, les ressortissants de l'autre Etat de la même
manière que ses propres ressortissants dès lors qu'ils se
trouvent placés dans la même situation, notamment au regard de la
résidence.
L'article 2 du présent avenant introduit dans la convention de 1964 une
nouvelle clause de non-discrimination qui va au-delà des obligations
prévues par le modèle de convention de l'OCDE. Elle permettra
d'accorder aux résidents d'un Etat qui exercent leur activité
professionnelle dans l'autre Etat et qui y sont imposables le
bénéfice de certains avantages en matière de
détermination du revenu professionnel imposable et de charges de
famille.
Cette clause aura essentiellement pour effet de donner aux résidents de
France qui exercent leur activité en Belgique les avantages fiscaux
prévus par la législation belge pour ses résidents. Il
avait été constaté que les Français qui
travaillaient en Belgique, hors zone frontalière, étaient soumis
à une forte pression fiscale sous l'effet de deux facteurs.
D'une part, l'impôt sur le revenu belge est plus élevé
que l'impôt sur le revenu français.
D'autre part, lorsqu'ils ne tiraient pas 75 % de leurs revenus de
Belgique, ils étaient taxés comme des non résidents, sans
que soient pris en compte les avantages liés à l'activité
(comme la déduction des frais professionnels) ou à la situation
familiale.
Il est cependant précisé que lesdits avantages seront
calculés au prorata du montant des revenus
1(
*
)
par rapport au montant total des revenus
professionnels des contribuables concernés. En effet, le traitement
fiscal des avantages par la Belgique se traduit souvent par un abattement en
valeur absolue. Un non résident exerçant son activité
professionnelle en Belgique pourrait alors bénéficier d'avantages
plus importants que le résident belge s'il pouvait profiter de la
totalité de l'abattement tout en ne retirant qu'une part réduite
de ses revenus de ses activités dans ce pays.
L'article 3 de l'avenant précise que cette nouvelle clause de
non-discrimination entrera en vigueur de manière rétroactive
puisqu'elle concernera les revenus perçus, réalisés,
payés ou attribués à compter du
1
er
janvier 1996.
Il est à noter que le droit interne français accorde
déjà aux non résidents les avantages donnés aux
résidents en ce qui concerne la détermination des revenus
catégoriels et le quotient familial.
B. UNE SOLUTION TEMPORAIRE
1. La nécessité de confirmer rapidement le régime des travailleurs frontaliers
Les
risques de pertes de recettes fiscales en matière d'impôt sur le
revenu pour l'Etat belge sont réels. En effet, la communauté des
frontaliers belges a largement été informée de la
jurisprudence de la Cour de cassation belge et de nombreux recours ont
déjà été déposés.
C'est la raison pour laquelle la France et la Belgique ont signés
dès le 8 février 1999 l'avenant à la convention du 10
mars 1964.
Le Parlement belge a déjà autorisé l'approbation de
l'avenant. Le Parlement français doit désormais l'approuver pour
qu'il puisse entrer en vigueur.
2. La renégociation d'une nouvelle convention fiscale
Toutefois, si la solution choisie par les deux parties
contractantes
vise à répondre à une situation d'urgence, elle est en
réalité provisoire.
En effet, la convention fiscale en vigueur entre la France et la Belgique en
matière d'impôt sur le revenu est ancienne puisqu'elle a
été signée en 1964 et n'a été
modifiée qu'une seule fois, en 1971.
Aujourd'hui, elle n'est plus adaptée à l'évolution des
législations internes française et belge et à la
réglementation européenne.
Dès le début des années 1980, des négociations ont
été ouvertes en vue de conclure un projet de nouvelle convention.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la quasi
totalité des dispositions de la future convention font l'objet d'un
accord entre les parties. Seule resterait en suspens la rédaction des
dispositions anti-abus susceptibles de concerner certains régimes
fiscaux privilégiés offerts par la Belgique aux entreprises
multinationales (imposition forfaitaire des centres de coordination,
exonération des plus-values sur cessions de participations...).
L'adoption d'un code de conduite en matière fiscale par l'Union
européenne devrait permettre d'aboutir à un accord
définitif d'ensemble en éliminant ces pratiques dommageables.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 9 novembre 1999, sous la
présidence de
M. Alain Lambert, président, la commission a procédé,
sur le rapport de M. Jacques Chaumont, à l'examen du projet de loi
tendant à autoriser l'approbation de l'avenant à la convention du
10 mars 1964 entre la France et la Belgique.
Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de
loi dont le texte suit :
" Article unique
Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et a établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproques en matière d'impôts sur les revenus, signé à Bruxelles le 8 février 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi. "
1 Il s'agit des salaires, des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux.