Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
VASSELLE (Alain)
RAPPORT 58 (1999-2000), Tome 3 - Commission des Affaires sociales
Tableau comparatif au format Acrobat ( 273 Ko )Fichier au format Acrobat ( 273 Ko )
Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
AVANT-PROPOS
- I. LA BRANCHE VIEILLESSE : LE CALME AVANT LA TEMPÊTE
- II. UN CONSTAT RÉITÉRÉ : LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER NOS RÉGIMES DE RETRAITE
- III. LE PROJET DE LOI : L'IMMOBILISME DU GOUVERNEMENT
- IV. LA CONVICTION DE VOTRE COMMISSION : L'URGENCE DES RÉFORMES
N° 58
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME
III
ASSURANCE VIEILLESSE
Par M. Alain VASSELLE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
;
Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM.
Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux,
Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati,
Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet,
André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla,
Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges
Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet,
André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt,
Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès,
André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1835
,
1873
,
1876
et T.A.
368
.
Sénat
:
40
(1999-2000).
Sécurité sociale. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE M. JEAN-LUC CAZETTES, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS
Réunie le mercredi 13 octobre 1999, sous la
présidence de M. Jean-Louis Lorrain, vice-président, la
commission a entendu
M. Jean-Luc Cazettes, président de la Caisse
nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).
M. Charles Descours, rapporteur,
a souhaité savoir quelle
appréciation le conseil d'administration de la CNAVTS portait sur le
prélèvement de 1,77 milliard de francs sur la branche
vieillesse destiné à alimenter le fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Il
a demandé si la CNAVTS avait été associée à
cette décision. Il s'est interrogé sur les modalités
d'évaluation de cette somme et a souhaité savoir si ce montant
figurait également parmi les recettes de la branche dans les comptes
" tendanciels " de l'année 2000 établis par la
commission des comptes de la sécurité sociale. Il a
demandé à M. Jean-Luc Cazettes si le rôle de la
commission des comptes de la sécurité sociale consistait à
prendre acte des prélèvements décidés par le
Gouvernement. Il s'est interrogé sur l'avenir de la gestion paritaire
des régimes de protection sociale.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souhaité connaître
l'appréciation portée par le conseil d'administration de la
CNAVTS sur l'affectation des excédents à venir de la branche
vieillesse au fonds de réserve pour les retraites et sur la
revalorisation de 0,5 % du taux des pensions au
1
er
janvier 2000.
Il s'est enquis de l'état d'avancement réel de la nouvelle phase
de concertation sur la réforme des retraites, décidée par
le Gouvernement, et a souhaité savoir si la CNAVTS y avait
été associée.
En réponse à M. Charles Descours, rapporteur,
M. Jean-Luc
Cazettes
a indiqué que le conseil d'administration de la CNAVTS
s'était prononcé de manière unanime contre le projet de
loi de financement de sécurité sociale pour 2000,
précisément en raison du prélèvement destiné
à alimenter le fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales. Il a précisé qu'il n'avait pas été
informé de cette décision par le Gouvernement et qu'il avait
découvert l'existence de ce prélèvement lors de la
réunion de la commission des comptes de la sécurité
sociale le 21 septembre dernier. Après avoir souligné que le
montant de ce prélèvement serait fixé par décret
à défaut de signature d'une convention avant le
1
er
janvier 2000, il a ajouté qu'il ignorait par quelle
méthode d'évaluation le Gouvernement était parvenu
à la somme de 1,77 milliard. Il a précisé qu'il
n'était pas en mesure de dire si cette somme figurait également
parmi les recettes de la branche dans les comptes " tendanciels " de
l'année 2000 établis par la commission des comptes de la
sécurité sociale.
M. Jean-Luc Cazettes
a également jugé que la
rédaction de l'article 2 du projet de loi, qui instituait ce
prélèvement sur la branche, était pour le moins
imprécise puisqu'elle prévoyait des versements provisionnels en
cours d'année et omettait toute mention d'une éventuelle
régularisation a posteriori.
S'agissant de l'affectation des excédents à venir de la branche
vieillesse au fonds de réserve pour les retraites,
M. Jean-Luc
Cazettes
a rappelé que l'excédent que connaissait aujourd'hui
la branche résultait avant tout du changement de méthode de
répartition des recettes dû à l'introduction du
système RACINE. Il a souligné qu'il subsistait un certain flou
s'agissant de ces résultats et qu'il n'était pas certain que cet
excédent se révèle durable. Il a signalé que le
fonds de réserve allait être alimenté par un
prélèvement sur le régime général mais
bénéficierait aux quatre régimes prévus par la loi
(régime général, Caisse autonome nationale de compensation
de l'assurance vieillesse des artisans (CANCAVA), Organisation autonome
nationale de l'industrie et du commerce (ORGANIC), Mutualité sociale
agricole (MSA)).
Evoquant la nouvelle phase de concertation sur la réforme des retraites
initiée par le Gouvernement,
M. Jean-Luc Cazettes
a
déclaré qu'il n'avait, en tant que président de la CNAVTS,
pas encore été invité à participer à cette
concertation. Il a précisé qu'il avait toutefois rencontré
Mme Martine Aubry sur ce sujet en tant que président de la
Confédération générale de
l'encadrement-Confédération générale des cadres
(CFE-CGC).
M. Jean-Luc Cazettes
a rappelé que la gestion paritaire des
organismes de sécurité sociale présentait un
caractère un peu particulier dans la mesure où les gestionnaires
de ces régimes n'avaient en réalité guère de
pouvoir sur les recettes, les dépenses, le personnel ou l'action sociale
menée par ces régimes. Il a jugé que les
prélèvements sur l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie
et le commerce (UNEDIC), l'Association générale des institutions
de retraite des cadres (AGIRC) et l'Association des régimes de retraites
complémentaires (ARRCO) destinés à financer les
35 heures étaient inacceptables et remettaient en cause l'existence
même de ces régimes. Il a rappelé que l'UNEDIC et les
régimes de retraite complémentaire s'étaient
constitués dans un cadre privé destiné à
gérer les cotisations des entreprises et des salariés. Il a
considéré que la décision de l'Etat de prélever,
sur ces régimes, des sommes destinées à financer les
35 heures remettait en cause l'économie du système et
revenait, en quelque sorte, à nationaliser les dispositifs
d'indemnisation du chômage et de retraite complémentaire.
En réponse à
M. Charles Descours, rapporteur,
qui
l'interrogeait sur la réalité des menaces formulées par
les partenaires sociaux d'abandonner la gestion de ces régimes,
M. Jean-Luc Cazettes
s'est dit très inquiet de l'avenir de
la gestion paritaire. Il a jugé que ces menaces devaient être
prises très au sérieux et s'est dit convaincu du départ
des organisations patronales et syndicales des conseils d'administration des
caisses de sécurité sociale, de l'UNEDIC, de l'AGIRC et de
l'ARRCO, si la décision de prélever sur ces caisses était
maintenue.
M. Guy Fischer
s'est demandé si la menace d'un départ des
organismes paritaires ne constituait pas un nouveau coup de force du patronat.
M. Jean-Luc Cazettes
a souligné que le Mouvement des entreprises
de France (MEDEF) et les cinq confédérations syndicales de
salariés s'étaient opposés de manière unanime
à l'hypothèse de ce prélèvement. Il a
indiqué que l'ensemble des partenaires sociaux partageaient la
même conviction, même si la nature des réactions pouvait
s'avérer différente.
M. Louis Souvet
a rappelé que M. Denis Gautier-Sauvagnac,
président de l'UNEDIC, auditionné la veille par la commission
dans le cadre de l'examen du projet de loi portant réduction du temps de
travail, avait constaté, qu'au jour d'aujourd'hui, les
négociations n'étaient toujours pas engagées pour le
renouvellement de la convention UNEDIC, qui expirait pourtant au
31 décembre de cette année.
M. Alain Gournac
a jugé inacceptable que l'Etat décide
ainsi de prélever de manière unilatérale sur les
organismes de protection sociale. Il a souligné que, outre le MEDEF,
l'ensemble des organisations syndicales s'était uni dans un même
refus de ce prélèvement.
M. Charles Descours
a confirmé que les partenaires sociaux
présents dans les conseils d'administration des caisses de
sécurité sociale s'étaient prononcés de
manière unanime contre cette disposition. Il a souligné que les
partenaires sociaux attendraient, avant d'entamer des négociations avec
le Gouvernement, la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, suite au
recours que la majorité sénatoriale ne manquerait pas de
déposer. Il a jugé que, sans ces conditions, il apparaissait peu
probable que ces négociations puissent réellement aboutir avant
le 1
er
janvier 2000.
M. Jean-Luc Cazettes
a rappelé que le Gouvernement justifiait ce
prélèvement sur les organismes de sécurité sociale
par le surcroît de recettes imputable aux 35 heures. Il a
jugé que ces recettes supplémentaires, qui résultaient des
cotisations des employeurs et des salariés, pouvaient être
consacrées à l'amélioration de certaines prestations,
notamment en matière d'indemnisation du chômage.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'année 1999 va donc s'achever sans qu'aucune décision n'ait
été prise sur les retraites. Les véritables
réformes sont une fois encore différées et rien ne
garantit d'ailleurs qu'elles seront un jour effectivement engagées.
On peut dès lors se demander à quoi aura servi le rapport
Charpin. Il apparaît en effet que ce travail remarquable n'a fait que
confirmer ce que l'on savait déjà : l'impérieuse
nécessité de réformer nos régimes de retraite par
répartition qui seront confrontés à un choc financier
inéluctable à partir de 2006.
Ce rapport aurait pu remplir une fonction pédagogique et faciliter la
prise de conscience, par les partenaires sociaux et l'opinion publique, de
l'ampleur des défis qui menacent notre système de retraite. Cela
n'a pas été le cas : le diagnostic, contrairement aux
ambitions initiales, n'est pas " partagé ".
Ce rapport aurait également pu constituer une aide utile à la
décision pour le Gouvernement. Il n'en a rien été.
L'accent mis sur l'urgence des décisions à prendre n'a pas
convaincu le Gouvernement : ce dernier entreprend une nouvelle
concertation et annonce des
" orientations
générales "
de réforme pour le début de
l'année 2000.
Le projet de loi de financement pour 2000 est à l'image de cet
attentisme. La branche vieillesse du régime général se
voit doublement ponctionnée pour alimenter le fonds de réserve
pour les retraites et financer ainsi indirectement les " 35 heures ",
le fonds de solidarité vieillesse (FSV) sort fragilisé des
arbitrages gouvernementaux et le fonds de réserve se voit
conforté dans son rôle d'alibi - le Gouvernement ne saurait
être accusé d'immobilisme puisqu'il glane de-ci, de-là,
quelques milliards chaque année pour l'alimenter.
Pour sa part, la branche vieillesse jouit aujourd'hui d'une situation
exceptionnellement favorable résultant de la conjugaison d'une
croissance économique forte, d'un nouveau mode d'affectation des
recettes de la sécurité sociale plus avantageux pour elle et
d'une croissance très modérée des dépenses
liée au creux démographique des générations
d'avant-guerre.
Tel le calme qui précède la tempête, cette situation
relativement faste de la branche ne doit pas faire illusion : en affirmant que
rien ne presse, en privilégiant l'attentisme et l'inaction, le
Gouvernement prend implicitement des décisions graves pour l'avenir de
notre pays et reporte sur les générations futures le poids des
ajustements nécessaires.
I. LA BRANCHE VIEILLESSE : LE CALME AVANT LA TEMPÊTE
La
branche vieillesse rassemble les prestations d'assurance vieillesse
correspondant à des droits directs ou dérivés, les
prestations d'assurance veuvage, et les prestations d'invalidité servies
à des bénéficiaires de droits directs âgés de
plus de soixante ans, ou des bénéficiaires de droits
dérivés.
L'objectif de dépenses de la branche vieillesse-veuvage pour 1999,
prévu à l'article 27 du projet de loi, s'élève
à 801,7 milliards de francs après adoption du projet de loi par
l'Assemblée nationale en première lecture.
L'objectif de dépenses figurant dans le projet de loi initial
était de 803,3 milliards de francs. Il a été minoré
de 1,6 milliard de francs après l'abandon de la contribution de 1,77
milliard de francs à la charge de la branche pour le financement de la
réduction du temps de travail et l'annonce, par le Gouvernement, d'une
revalorisation de 1 % du minimum vieillesse au 1
er
janvier
2000, dont le coût est estimé à environ 200 millions de
francs.
La définition des dépenses de vieillesse est
précisée dans l'annexe C du projet de loi : leur champ
couvre l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de
vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres.
L'objectif de dépenses porte sur l'ensemble des dépenses des
régimes, et non sur les seules prestations.
Ces dépenses comprennent :
- les prestations sociales légales ou extra-légales ;
- les prestations des services sociaux (notamment la prise en charge
partielle des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux) ;
- les frais de gestion engagés par les organismes de
sécurité sociale ;
- les transferts entre régimes de protection sociale ;
- les frais financiers et les autres dépenses.
Les objectifs de dépenses par branche du projet de loi de financement
sont définis à partir du total des dépenses de l'ensemble
des régimes de base obligatoires, de la façon suivante :
- sont enlevées les dépenses des régimes de moins de
20.000 cotisants ou bénéficiaires, les transferts internes aux
régimes de base considérés, ainsi que les dépenses
constituant la contrepartie des cotisations prises en charge par la
sécurité sociale ;
- sont ajoutées les dépenses dans les départements
d'outre-mer (DOM) qui, dans les comptes de la sécurité sociale,
sont consolidées avec les recettes perçues dans les DOM.
Pour la branche vieillesse, l'opération de passage est la
suivante :
Passage des dépenses de l'ensemble des régimes
de
base
à l'objectif de dépenses de la branche
vieillesse
Emplois de l'ensemble des régimes de base dans la nomenclature des comptes de la sécurité sociale |
896,8 |
Recettes DOM |
5,9 |
Transferts internes à consolider |
- 97,3 |
Dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires |
-2,1 |
Objectifs de dépenses par branche (régimes de plus de 20.000 cotisants ou bénéficiaires) avant examen par l'Assemblée nationale en première lecture |
803,3 |
Avant
d'analyser la situation des régimes de retraite les plus importans, il
convient de souligner le rôle déterminant joué par
les
transferts de compensation entre régimes.
L'éclatement de notre système de retraite et sa gestion en
répartition -consistant à distribuer, chaque année, aux
retraités les cotisations prélevées sur les actifs- ont
rendu nécessaire la mise en place de mécanismes de
solidarité financière au bénéfice des
régimes dont le nombre de cotisants baissait structurellement. Trois
techniques ont été utilisées: l'intégration
financière de certains régimes au sein du régime
général (par exemple les salariés agricoles), les
compensations entre régimes et, quand ceci ne suffisait pas, le recours
à la solidarité nationale par des transferts de l'Etat ou
l'affectation de taxes (part de TVA pour les exploitants agricoles, C3S pour
les régimes de non-salariés non agricoles).
Les compensations ont pour objectif de corriger, dans le respect de l'autonomie
des régimes de protection sociale, les déséquilibres de
financement provoqués par les mutations socio-économiques et les
déplacements de population active entre secteurs professionnels.
Trois mécanismes se superposent dans le domaine de la vieillesse :
- la compensation généralisée vieillesse entre
régimes de salariés,
- la compensation généralisée vieillesse entre
salariés et non-salariés,
- la surcompensation entre régimes spéciaux de
salariés.
Les deux premiers, institués par la loi n° 74-1094 du
24 décembre 1974, représentent ce qu'on appelle la
compensation " démographique " ou
" généralisée " vieillesse.
Le troisième mécanisme est de création plus récente
(1986). Il est aussi désigné sous le terme de " compensation
spécifique ".
A. LE RÉGIME GÉNÉRAL EN EXCÉDENT
1. 1999 : RACINE ou le retour à l'excédent
En
1998, la branche vieillesse du régime général a connu un
redressement spectaculaire de ses comptes.
La Commission des comptes de la sécurité sociale prévoyait
pourtant en septembre 1998 que le déficit de la branche atteindrait
cette année-là 5,6 milliards de francs. Les comptes
définitifs font en réalité apparaître un
déficit de seulement 224 millions de francs en 1998, soit une situation
proche de l'équilibre.
Solde
1998 de la branche vieillesse du régime général
(en
millions de francs)
|
Tendanciel 1998
|
LFSS 1998 |
1998
|
1998
|
CNAVTS |
|
|
|
|
Recettes |
377.790 |
381.100 |
380.811 |
385.386 |
Dépenses |
386.026 |
385.359 |
386.405 |
385.610 |
Solde |
- 8.236 |
- 4.259 |
- 5.593 |
- 224 |
La
différence entre ces deux chiffres (5,37 milliards de francs) provient
pour l'essentiel d'une augmentation de 4,56 milliards de francs des recettes
attendues (+ 1,2 %), largement imputable à l'instauration, en
1998, du nouveau système de répartition des recettes entre
branches, dit RACINE.
L'affectation des recettes entre les différentes branches du
régime général et les organismes concourant à leur
financement (FSV, CADES) s'effectuait avant 1998 au niveau central de l'ACOSS
selon des clefs de répartition au caractère parfois un peu
arbitraire.
Cette affectation est désormais réalisée selon le
système RACINE qui ventile à la source -au niveau des URSSAF- les
recettes de la sécurité sociale.
Cette modification introduit une rupture dans la série des encaissements
recensés, ce qui rend non significatives les évolutions entre
1997 et 1998 et rend difficile la compréhension du niveau même de
ces encaissements.
RACINE a profondément modifié la répartition des
encaissements entre branches du régime général.
Cette
modification, défavorable à la branche maladie, a
été au contraire très favorable à la branche
vieillesse, qui a bénéficié en 1998 d'un surcroît de
recettes de 5,22 milliards de francs.
Comparaison attributions RACINE / attributions forfaitaires - année 1998
|
Répartition comptable RACINE |
Attributions forfaitaires
|
|
||
|
Montant
|
% |
Montant
|
% |
Ecart (milliards de francs |
CNAVTS |
277,128 |
25,64 |
271,904 |
25,14 |
+ 5,224 |
L'impact de RACINE sur les recettes de la branche s'est
répercuté par un effet de base sur 1999.
Les
prévisions pour 1999 du rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999 intègre donc des
modifications de répartition des encaissements qui n'étaient pas
connues en septembre 1998.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
prévoyait ainsi un déficit de la branche vieillesse de 3,87
milliards de francs en 1999 : le solde devrait être finalement
excédentaire de 4,4 milliards de francs,
les recettes
s'avérant supérieures de 7,67 milliards de francs à ce qui
était anticipé un an plus tôt.
Solde
1999 de la branche vieillesse du régime général
(en
millions de francs)
|
Tendanciel 1998
|
LFSS 1999 |
1999
|
1999
|
CNAVTS |
|
|
|
|
Recettes |
393.062 |
397.042 |
403.663 |
404.700 |
Dépenses |
399.069 |
400.910 |
400.077 |
400.304 |
Solde |
- 5.977 |
- 3.868 |
3.586 |
4.396 |
Cette
amélioration spectaculaire et inattendue du solde de la branche
vieillesse résulte de recettes qui s'avèrent beaucoup plus
élevées que prévues. Pour leur part, les dépenses
de la branche évoluent de manière prévisible : le
rythme d'évolution en volume des prestations financées par le
régime général poursuit son fléchissement de 1996
à 1999, passant pour l'ensemble des droits directs de + 3,2 %
en 1996, à + 3,0 % en 1997, à + 2,9 % en 1998
et à + 2,8 % en 1999.
Ce fléchissement tient d'abord à une évolution
démographique favorable du nombre des bénéficiaires,
caractérisée par l'arrivée à l'âge de la
retraite des générations peu nombreuses des années
précédant la seconde guerre mondiale.
Il s'explique également par les premiers effets de la réforme de
1993 dont l'impact financier est évalué à
1,5 milliard de francs en 1997, 2 milliards de francs en 1998 et
2,5 milliards de francs en 1999.
A législation constante, cette tendance à la moindre progression
des dépenses ne devrait commencer à s'inverser qu'avec
l'arrivée à l'âge de la retraite des
générations nombreuses d'après-guerre.
2. 2000 : un excédent " spontané " de 8,3 milliards de francs
Selon le
rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de
septembre 1999, les recettes atteindraient, en 2000, 416,019 milliards de
francs tandis que les dépenses s'élèveraient à
409,505 milliards de francs. La branche serait par conséquent
excédentaire de 6,513 milliards de francs.
Cet excédent serait ramené à 2,65 milliards de francs
après les différentes mesures nouvelles annoncées par le
Gouvernement et dont l'impact total est estimé à 3,85 milliards
de francs dans l'annexe C du projet de loi.
L'assurance vieillesse des salariés du secteur privé
Leur
protection est assurée par différents régimes.
- Un régime de base obligatoire
Dit régime général, créé en 1945 et qui fait
suite aux premières tentatives des " rentes ouvrières et
paysannes " en 1910 et des " assurances sociales " en 1928 et
1930.
Il est géré, pour les salariés de l'industrie et du
commerce, par seize caisses régionales fédérées par
la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés
(CNAVTS) et, pour les salariés agricoles, par les caisses de
Mutualité sociale agricole (MSA) compétentes au niveau de chaque
département pour l'ensemble des branches de la sécurité
sociale des salariés et des exploitants agricoles.
- Des régimes complémentaires
Gérés paritairement, de manière autonome par les
partenaires sociaux, obligatoires depuis la loi du 29 décembre 1972 et
créés :
. en 1947 pour les cadres : l'AGIRC
Le régime général ne prévoit en effet de
cotisations, et donc de prestations, que sur la tranche de salaire
inférieure au " plafond de la sécurité
sociale ". Au-delà et jusqu'à huit fois ce plafond (quatre
fois avant le 1
er
janvier 1991), une convention collective
nationale en date du 14 mars 1947 a créé un régime
unique pour les cadres, géré par une quarantaine de caisses
organisées sur une base interprofessionnelle, professionnelle,
nationale, régionale ou encore d'entreprise et
fédérées par l'Association générale des
institutions de retraites des cadres (AGIRC).
. en 1961 pour les non-cadres : l'ARRCO
Ceux-ci cotisent sur la totalité de leur rémunération dans
la limite de trois fois le plafond de la sécurité sociale
à 46 régimes, distincts bien que très proches,
compensés par l'Association des régimes de retraite
complémentaires (ARRCO) qui seront, au 1
er
janvier 1999
fondus en un régime unique. Depuis 1976, les cadres cotisent jusqu'au
plafond dans ces mêmes régimes.
Quelques régimes complémentaires obligatoires restent en dehors
des compensations qu'organisent l'ARRCO et l'AGIRC : ceux des agents non
titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), du
personnel navigant de l'aviation civile (CRPNPAC). Le régime des caisses
d'épargne ne participe que partiellement à la compensation ARRCO
et pas du tout à la compensation AGIRC.
- Des régimes supplémentaires facultatifs
Au-delà de ces deux étages obligatoires, les salariés du
secteur privé peuvent bénéficier d'un étage
facultatif sous la forme de régimes collectifs supplémentaires.
Il s'agit d'abord des régimes d'entreprise ou interentreprises
qualifiés de régimes " chapeau " dans la mesure
où ils complètent les prestations des régimes obligatoires
: régimes anciens des grandes entreprises qui se sont maintenus
après l'intégration de leurs affiliés dans les
régimes ARRCO et AGIRC, ou régimes exclusivement
réservés aux cadres supérieurs ou aux dirigeants. Ils
peuvent être gérés au sein d'une institution de retraite
supplémentaire (
titre IV du Livre IX du code de la
sécurité sociale
) créée à cet effet, ou
donner lieu à la souscription d'un contrat ou d'une convention
auprès d'un organisme habilité (
institution de
prévoyance du titre III du Livre IX, mutuelle ou compagnie
d'assurance
) ou peuvent encore être gérés par les
entreprises elles-mêmes.
Les estimations du rapport de la Commission des comptes tiennent en effet
compte d'un certain nombre d'hypothèses qui affectent de manière
très significative les comptes de la branche, à la fois en
recettes comme en dépenses :
- la revalorisation au 1
er
janvier des pensions de
+ 0,2 %, compte tenu d'un rattrapage négatif de
- 0,5 % au titre de l'évolution des prix de 1999 ;
- la prise en compte, à titre provisionnel, d'une contribution de
1,771 milliard de francs de la branche vieillesse au financement de la
réduction du temps de travail.
Si la première hypothèse est traditionnelle, la seconde n'avait
pas vocation à être intégrée dans les comptes de la
branche pour 2000, dans la mesure où elle ne résulte en rien
d'une évolution " spontanée " de la branche mais d'une
décision du Gouvernement affectant l'équilibre de la branche.
Si l'on souhaite avoir une idée de la situation de la branche plus
conforme à la réalité, il convient par conséquent
de
retraiter les comptes publiés dans le rapport de la Commission des
comptes.
Ce retraitement consiste à soustraire du montant des
dépenses la somme relative au financement de la réduction du
temps de travail, soit 1,771 milliard de francs.
On obtient alors un total de dépenses
" spontanées ", c'est-à-dire avant toute mesure
nouvelle décidée par le Gouvernement, de 407,734 milliards
de francs, soit, pour un montant de recettes inchangé, un solde
excédentaire de 8,285 milliards de francs.
Evolution
" spontanée " de la branche vieillesse
(hors mesures nouvelles)
(en milliards de francs)
|
Année 2000 |
Evolution (2000/1999)(1) |
|||
Recettes |
416,019 |
+ 2,8 % |
|||
Dépenses |
407,734 |
+ 1,9 % |
|||
Solde |
+ 8,285 |
|
(1) hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS)
En 2000,
les recettes continuent à croître plus vite (+ 2,8 %) que les
dépenses (+ 1,9 %).
A l'évidence, la branche vieillesse du régime
général jouit aujourd'hui d'une situation exceptionnellement
favorable résultant de la conjugaison d'une croissance économique
forte, d'un nouveau mode d'affectation des recettes de la
sécurité sociale plus avantageux pour elle et d'une croissance
très modérée des dépenses liée au creux
démographique des générations d'avant-guerre.
Ce calme relatif avant la tempête ne doit pas faire illusion : les
menaces subsistent et leurs effets se feront sentir de manière
inéluctable à partir de 2006.
B. DES RÉGIMES DE NON-SALARIÉS ÉQUILIBRÉS
1. L'ORGANIC et la CANCAVA excédentaires en 1999
Les
régimes de base de l'ORGANIC (industriels et commerçants) et de
la CANCAVA (artisans) sont automatiquement équilibrés par un
apport du produit de la contribution sociale de solidarité des
sociétés (C3S) au prorata et dans la limite de leurs
déficits comptables. Dès lors, les soldes de ces régimes
oscillent généralement de manière peu significative autour
de l'équilibre.
Malgré une augmentation de la C3S et de la compensation
démographique, la forte augmentation des dépenses conduit le
régime de base de l'ORGANIC à un déficit de 115 millions
de francs en 1998. La situation s'améliore en 1999 avec un solde
excédentaire de 1,17 milliard de francs. Globalement, les
dépenses diminuent (- 2 %) du fait de la non-reconduction du
versement exceptionnel de 700 millions de francs à la CNAVTS, alors que
les recettes progressent de 4,6 %. Les transferts reçus augmentent
très fortement : + 10 % pour la compensation
démographique et + 4,3 % pour la C3S.
L'année 2000 est une année particulière puisque la
mensualisation du versement des prestations interviendra à compter du
1
er
juillet et entraînera mécaniquement sur cet
exercice un moindre versement correspondant à environ un mois de
prestation. Du fait de cette mensualisation des prestations, les
dépenses devraient diminuer de 7,2 %. Parallèlement la C3S
et la compensation démographique seraient en recul respectivement de
- 33,2 % et de - 9,3 %, soit une perte de recettes de plus
de 2,6 milliards de francs. Le solde 2000 s'établirait à
- 71 milliards de francs.
L'assurance vieillesse des non-salariés
Après leur refus de s'intégrer au régime
général en 1945, la loi du 1
er
janvier 1948 a
créé quatre organisations autonomes d'assurance vieillesse pour
les non-salariés (artisans, industriels et commerçants,
professions libérales, avocats) auxquelles se sont ajoutées
celles des exploitants agricoles et des membres des cultes.
Les artisans
Ils bénéficient de deux étages de retraite
gérés par l'organisation autonome d'assurance vieillesse
artisanale, composée de 32 caisses locales ou professionnelles et d'une
caisse nationale (CANCAVA) dont les conseils d'administration sont élus
par les assurés.
Cette protection est assurée par :
- un régime de base qui est, depuis le 1
er
janvier
1973, aligné sur le régime général ;
- un régime complémentaire obligatoire depuis 1978.
Les industriels et commerçants
Leur protection est assurée par l'organisation autonome nationale de
l'industrie et du commerce, composée de 31 caisses locales ou
professionnelles et d'une Caisse nationale (ORGANIC) dont les conseils
d'administration sont élus par les assurés. Elle comprend :
. un régime de base aligné sur le régime
général depuis 1973 ;
. un régime complémentaire qui demeure facultatif depuis
1978 ;
. un régime complémentaire obligatoire en faveur des
conjoints.
Les professions libérales
Celles-ci sont organisées en :
. 13 sections professionnelles (notaires, officiers ministériels,
médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, sages-femmes,
auxiliaires-médicaux, vétérinaires, professeurs et
artistes, architectes et techniciens, agents d'assurance, experts comptables et
géomètres experts) entre lesquelles la Caisse nationale
d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) exerce un
rôle de compensation financière, limité au régime de
base, et d'intermédiaire vis-à-vis des pouvoirs publics ;
. une Caisse nationale des barreaux français (CNBF) pour les
avocats non salariés.
Ces professions bénéficient :
- d'un régime de base obligatoire, sensiblement identique pour les
13 sections, et d'un régime de base spécifique aux avocats ;
- de régimes complémentaires obligatoires par caisse
(à l'exception des sages-femmes et de petits groupes professionnels
rattachés tardivement par décret à certaines sections pour
le régime de base) dont la création s'est
échelonnée de 1949 à 1984.
Les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés
(médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, biologistes, auxiliaires
médicaux) sont obligatoirement affiliés à des
régimes complémentaires dits ASV (avantages
supplémentaires de vieillesse) dont l'instauration obligatoire s'est
échelonnée de 1972 (médecins) à 1984
(sages-femmes).
Les exploitants agricoles
La loi du 10 juillet 1952 a institué un régime d'assurance
vieillesse de base obligatoire pour les exploitants agricoles,
géré par les caisses de mutualité sociale agricole,
administrées par des délégués élus des
assurés, regroupés en trois collèges (exploitants
indépendants, salariés, employeurs).
En 1998, le solde du régime de base de la CANCAVA redevient positif et
atteint 504 millions de francs. En 1999, la situation du régime devrait
continuer à se redresser, le solde devenant largement
excédentaire (+ 1,44 milliard de francs), la baisse d'environ 600
millions de francs de la C3S étant plus que compensée par la
diminution des prestations de plus de 700 millions de francs, diminution
induite par le passage à la mensualisation des pensions.
En 2000, le solde deviendrait fortement négatif : - 1,73
milliard de francs en raison d'une baisse de 1,8 milliard de francs de
l'attribution de C3S et d'une diminution de 300 millions de francs de la
compensation généralisée.
2. La CNAVPL équilibrée
Le
régime de base de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des
professions libérales (CNAVPL), toutes sections confondues,
présente pour les années 1998 à 2000 un solde positif ou
négatif toujours inférieur à 100 millions de
francs : + 28 millions de francs en 1998, - 60 millions de
francs en 1999 et + 152 millions de francs en 2000.
L'article 13 du présent projet de loi autorise un
prélèvement sur le fonds de réserve et de compensation de
la CNAVPL pour financer l'intégration de la section professionnelle des
géomètres et des experts agricoles et fonciers (CARGE) au sein de
la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse
(CIPAV).
C. DES RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES DE SALARIÉS DONT LA SITUATION S'AMÉLIORE
Pour
faire face aux difficultés annoncées, les régimes
complémentaires de salariés de l'ARRCO (qui couvrent l'ensemble
des salariés du secteur privé, y compris les cadres) et de
l'AGIRC (qui couvre les seuls cadres) ont emprunté la voie de la
négociation collective, ajustant progressivement les règles de
fonctionnement des régimes aux nouvelles contraintes financières.
Les accords du 25 avril 1996 ont permis de préserver la situation de ces
régimes pour les prochaines années.
Conclus pour la période allant du 1er janvier 1996 au
31 décembre 2005, ces accords introduisent deux modifications
institutionnelles importantes : ils prévoient la fusion de l'ensemble
des régimes ARRCO en un régime unique de retraite à
compter du 1er janvier 1999 et ils instaurent, par ailleurs, un
mécanisme de compensation financière entre l'AGIRC et l'ARRCO,
visant à atténuer les effets de la dérive du plafond de la
sécurité sociale. Ces accords prévoient également
des augmentations des taux de cotisation minimaux et une diminution des
rendements.
Les comptes de l'AGIRC et de l'ARRCO illustrent les effets considérables
de cette réforme de 1996.
1. L'ARRCO largement excédentaire
Pour
l'ARRCO, l'exercice 1998 s'est soldé par un excédent de
7,7 milliards de francs. Les prévisions pour 1999 laissent
apparaître un excédent en forte hausse qui devait s'établir
à 14 milliards de francs. Ce solde résulterait d'une conjoncture
démographique et économique favorable pour le régime et de
l'impact des accords du 25 avril 1996. En 2000, ce solde excédentaire
devrait atteindre 15,5 milliards de francs.
La mise en oeuvre des accords du 25 avril 1996 a permis d'améliorer le
solde 1998 de 0,2 milliard de francs et permettra d'améliorer les soldes
1999 et 2000 de respectivement 1,9 milliard de francs et 3,2 milliards de
francs.
Conformément aux dispositions des accords du 25 avril 1996, l'ARRCO a
contribué en 1998 à l'équilibre financier de l'AGIRC par
une contribution de 1,36 milliard de francs. Cette contribution devrait
s'élever à 1,77 milliard de francs en 1999.
2. L'AGIRC en redressement
L'exercice 1998 s'est soldé pour l'AGIRC par un
déficit de 2,17 milliards de francs. L'exercice 1999 devrait
connaître une nouvelle réduction du déficit, lequel
s'établirait à 1,4 milliard de francs. Cette amélioration
résulterait de la prolongation d'un contexte économique favorable
et de la poursuite des effets des mesures retenues dans les accords de 1996.
En 2000, l'amélioration de la situation financière du
régime devrait se poursuivre, avec un déficit de 700 millions de
francs.
La mise en oeuvre des accords du 25 avril 1996 a permis d'améliorer le
solde du régime d'environ 5,4 milliards de francs en 1998. Leurs
effets permettront vraisemblablement un redressement des comptes d'environ
8,2 milliards de francs en 1999 et 9,5 milliards de francs en 2000.
Le
contentieux des périodes FNE
entre les régimes de retraite
complémentaire et l'Etat
Un
contentieux oppose depuis 1984 les régimes de retraite
complémentaire ARRCO et AGIRC à l'Etat au sujet du financement
des droits de retraite attribués par ces régimes,
afférents aux périodes pendant lesquelles les salariés
sont indemnisés au titre du Fonds national de l'emploi (FNE) ou des
autres allocations du régime de solidarité.
L'Etat s'était engagé en 1984 à rembourser à ces
régimes la charge des allocations correspondant aux points
attribués selon ces modalités.
Si l'inscription des points au profit des préretraités a donc
été effectuée par les régimes, les factures
adressées à l'Etat à ce titre sont restées
impayées.
Constatant l'absence de contributions de l'Etat, les partenaires sociaux ont
décidé, pour faire pression sur l'Etat, de subordonner
l'attribution de nouveaux droits à compter du 1
er
juillet
1996 à l'engagement explicite de l'Etat de les financer.
Aujourd'hui, environ 40.000 préretraités voient ainsi une partie
de leurs droits " gelée ".
Depuis l'été 1998, les rencontres entre les présidents et
directeurs de l'AGIRC et de l'ARRCO et le cabinet de Mme Aubry se sont
multipliées, et ont permis de confronter les analyses et de faire
converger les vues sur un certain nombre de points.
C'est ainsi qu'un accord paraît obtenu sur le fait de travailler selon
une formule de remboursement de cotisations. Subsistent toutefois, dans ce
cadre, plusieurs questions concernant notamment les bases de calcul des
remboursements de l'Etat : taux de cotisation et assiettes. En outre, la
négociation achoppe jusqu'à présent sur la volonté
de l'Etat de se borner à honorer les seuls points attribués par
les régimes à compter du 1
er
janvier 1999 et de ne pas
prendre en compte la charge correspondant aux points déjà
liquidés ou points déjà notifiés et pas encore
liquidés.
L'ensemble des droits attribués durant la période 1984-1998
représente pour le régime ARRCO une charge de 43 milliards
de francs après actualisation. Pour l'AGIRC, ce montant est
évalué à 9,5 milliards de francs.
II. UN CONSTAT RÉITÉRÉ : LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER NOS RÉGIMES DE RETRAITE
A. LES DÉSÉQUILIBRES FUTURS DE NOS RÉGIMES DE RETRAITE
1. Les enseignements du Livre blanc sur les retraites (1991) et du rapport sur les " Perspectives à long terme des retraites " (1995)
Par
lettre en date du 29 mai 1998, le Premier ministre chargeait
M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan,
d'établir, sur la situation et les perspectives de notre système
de retraite,
" un diagnostic aussi partagé que possible par les
partenaires sociaux et les gestionnaires des différents
régimes. "
Le rapport de M. Charpin, intitulé
" L'avenir de nos retraites ",
a été finalement
remis au Premier ministre le 29 avril 1999.
Au cours des dernières années, un panorama du système de
retraite français avait déjà été
réalisé à deux reprises, donnant lieu à la
publication de deux rapports : le
Livre blanc sur les retraites
en 1991
et le rapport
Perspectives à long terme des retraites
en 1995.
Le
Livre blanc sur les retraites
était l'aboutissement d'un
travail technique interministériel coordonné par le Commissariat
général du Plan. Préfacé par le Premier ministre,
M. Michel Rocard, le Livre blanc présentait la situation de l'ensemble
des régimes de retraite et leurs perspectives d'évolution. Il
proposait également différentes réformes pour faire face
aux effets du vieillissement démographique.
Etabli à la demande du Premier ministre, le rapport
"
Perspectives à long terme des retraites "
était le résultat des travaux d'un groupe
présidé par M. Raoul Briet, Commissaire-adjoint au Plan puis
directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs
salariés (CNAVTS) ; il présentait une actualisation des
diagnostics et projections contenus dans le Livre blanc, avec cependant un
champ d'étude plus restreint puisqu'il ne portait que sur les
régimes des salariés du secteur privé (régime
général, ARRCO, AGIRC), les régimes des fonctionnaires
civils de l'Etat, des exploitants agricoles, de la SNCF et des agents des
collectivités territoriales (CNRACL). Il intégrait en outre les
effets des réformes engagées en 1993 pour le régime
général et les régimes alignés.
Les enseignements de cette étude étaient particulièrement
explicites et ont été rappelés par votre rapporteur dans
son rapport d'information :
" Réforme des retraites :
peut-on encore attendre ? "
1(
*
)
Le rapport
Perspectives à long terme des retraites
de 1995
évaluait ainsi les besoins de financement futurs du seul régime
général à 18,4 milliards de francs en 2000, 17,8 en
2005, 55,4 en 2010 et 107 milliards de francs en 2015, soit à cette date
l'équivalent de 4,3 points de cotisation.
Pour les fonctionnaires civils, le besoin de financement était
évalué à 34,2 milliards de francs en 2005, 56 en 2010
et 80,2 milliards de francs en 2015.
Au total, les besoins de financement en 2015 des différents
régimes étudiés par le rapport de 1995 (régime
général, fonctionnaires civils, CNRACL, SNCF, ARRCO, AGIRC,
exploitants agricoles) atteignaient 330 milliards de francs.
Les déséquilibres futurs prévisibles de nos régimes
de retraite sont par conséquent connus depuis longtemps.
Les
éléments mis en lumière dans le Livre blanc et
confirmés par le rapport
Perspectives à long terme des
retraites
témoignaient de la nécessité et de l'urgence
des réformes entreprises en 1993 et en 1995.
Les réformes entreprises par le Gouvernement de M. Edouard Balladur, en
1993, ont ainsi contribué à résorber les déficits
accumulés et à assurer une évolution des dépenses
plus compatible avec les ressources disponibles.
Les mesures prises portaient sur quatre régimes : le régime
général géré par la CNAVTS, et trois régimes
dits " alignés " : le régime de base des
salariés agricoles, géré par la MSA, le régime de
base des artisans, géré par des caisses relevant de la CANCAVA,
le régime de base des industriels et commerçants
gérés par les caisses relevant de l'ORGANIC.
S'agissant des modes de calcul et de revalorisation des pensions, elles
prévoyaient :
- un allongement de la durée d'assurance prise en compte pour
bénéficier d'une pension à taux plein. Cette durée
passe progressivement de 150 trimestres à 160 trimestres, soit 40
annuités, par adjonction d'un trimestre supplémentaire par an
à compter du 1
er
janvier 1994 ;
- une extension de la période de référence : les
pensions du régime général seront calculées
à l'avenir sur la base des 25 meilleures années de
carrière, au lieu de 10 années. Cette opération est
également réalisée de façon progressive, par
adjonction d'une année supplémentaire tous les ans ;
- une indexation des pensions de retraite sur les prix à la
consommation, pérennisant une pratique de fait depuis 1987. Cette mesure
était valable cinq ans, jusqu'à la fin de l'année 1998.
Pour utile qu'elle soit, cette réforme des retraites n'aurait suffi
à elle seule à limiter l'aggravation des déficits. Quatre
dispositions législatives de recettes ont en effet permis, depuis cette
date, de redresser le solde du régime général d'assurance
vieillesse :
- le relèvement d'1,3 point du taux de la contribution sociale
généralisée au 1er juillet 1993 et la création du
Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au 1er janvier 1994 ;
- la suppression de la remise mensuelle forfaitaire de 42 francs au
1er septembre 1995 ;
- la création de la CADES et de la contribution au remboursement de
la dette sociale (CRDS), ainsi que la taxe de 6 % sur les contributions
à la prévoyance complémentaire, prévues par le plan
de réforme de la protection sociale de novembre 1995.
On remarquera que les gouvernements de gauche semblent plus à l'aise
dans la commande d'études que dans la prise des décisions qui en
découlent et qui s'imposent.
Si le Livre blanc avait été rédigé à la
demande de M. Michel Rocard, les décisions ont été prises
par le gouvernement de M. Edouard Balladur, en 1993.
En 1995, s'appuyant sur les travaux du Commissariat général du
Plan réalisés à l'occasion du rapport sur
" Les
perspectives à long terme des retraites ",
le Premier ministre,
M. Alain Juppé, lançait pour sa part la nécessaire
réforme des régimes de retraite spéciaux, réforme
qui a dû être interrompue dans les conditions que l'on sait.
On rappellera en outre que les partenaires sociaux ont pris, en 1993, 1994 et
1995, des décisions courageuses qui programment la diminution du
" rendement " des régimes de retraites complémentaires
et qui organisent une solidarité financière entre l'AGIRC et
l'ARRCO.
Au vu de ces éléments, et même si la mission Charpin
poursuivait incontestablement des objectifs plus ambitieux que les travaux
menés précédemment,
votre rapporteur se demande
cependant s'il était vraiment nécessaire d'établir un
nouveau diagnostic sur les retraites.
Les conclusions des études existantes étaient suffisamment
explicites pour engager sans tarder les réformes nécessaires.
2. Les confirmations et les apports du rapport Charpin
Le
rapport sur
L'avenir de nos retraites
complète les travaux
antérieurs, notamment le
Livre blanc sur les retraites
et le
rapport Briet de 1995
2(
*
)
:
-
en étendant le champ de la réflexion à
d'autres domaines de la protection sociale
qui sont amenés
à évoluer en fonction du vieillissement de la population :
la politique de l'emploi et la politique familiale, à la fois sous
l'angle des dispositifs de retrait de l'emploi des salariés
âgés
(chapitre II)
et du recyclage éventuel des
interventions publiques dans ces domaines pour permettre de financer les
retraites
(chapitre V)
;
- en analysant
les réformes introduites dans
les pays
étrangers
(chapitre IV)
;
- en réalisant
une projection réellement
multi-régimes
(chapitre V)
et en tentant
une comparaison
entre les régimes de retraite des salariés du privé et
les
régimes spéciaux (chapitre VI)
;
- en allongeant à l'
horizon 2040
la projection dans le
cadre de trois scénarios macro-économiques différents
,
même si une projection à si long terme ne peut être
qu'indicative ;
- en intégrant une
étape de concertation
avec les
principaux régimes de retraite et les partenaires sociaux dans le
déroulement de l'élaboration du rapport.
Les résultats obtenus ne constituent donc que des
projections
.
Les simulations effectuées s'appuient en effet sur des hypothèses
dont chacune peut être discutée. De nombreuses incertitudes
existent concernant l'évolution des comportements et les perspectives
d'environnement macro-économique. Il convient donc d'être prudent
dans l'interprétation des résultats de ces simulations. Comme le
soulignait l'avertissement du rapport de 1995 sur les
" Perspectives
à long terme des retraites "
,
" les projections ne
dictent pas l'avenir. Elles en soulignent les enjeux et éclairent les
choix à opérer. "
De surcroît, il faut convenir de la fragilité de projections
financières et démographiques à un horizon aussi lointain
que 2040. On remarquera cependant que si une projection aussi lointaine est
inhabituelle en France, elle se pratique couramment dans d'autres pays qui
travaillent parfois à des horizons plus lointains encore : 60 ans, voire
70 ans dans certains cas.
Les conclusions du rapport Charpin ne sont guère surprenantes et
confirment les tendances observées dans les travaux
précédents.
Le chapitre premier du rapport fait le constat de la parité des revenus
des actifs et des retraités.
Dans le chapitre II, le rapport relève que la France utilise massivement
les dispositifs de retrait d'activité des salariés
âgés comme instruments de la politique de l'emploi.
Sous la pression de la montée du chômage à la fin des
années soixante-dix, les mécanismes d'incitation au retrait
anticipé du marché du travail ont connu un essor
considérable. Ils ont concouru à l'abaissement de l'âge de
fin d'activité. L'âge de cessation d'activité est ainsi
progressivement devenu un paramètre de régulation du
marché du travail, plus qu'un choix collectif ou individuel sur la
répartition souhaitée des différentes périodes de
la vie. Aujourd'hui, l'âge légal de la retraite, l'âge
effectif de départ en retraite et l'âge de cessation
d'activité ne coïncident donc pas toujours.
Les comparaisons internationales montrent que le taux d'activité des
salariés âgés est l'un des plus bas en France : pour
les hommes, il représente 16 % de la tranche d'âge des 60-64
ans et seulement 68 % de la tranche des 55-59 ans.
Les dispositifs de cessation d'activité concernaient environ
500.000 personnes en 1997, dont 228.000 au titre des préretraites
de l'ASFNE, des préretraites progressives et de l'ARPE. Le coût
annuel de ces trois dispositifs dépasse à lui seul 23 milliards
de francs, soit environ 0,3 point de PIB.
Le chapitre III montre que l'allongement de la durée de la vie et le
vieillissement des générations d'après-guerre conduisent
à un choc financier inéluctable.
Le vieillissement des générations d'après-guerre est en
grande partie une donnée du passé, qui correspond à
l'évolution des naissances depuis 1946. A court terme,
c'est-à-dire à l'horizon 2006, la France est confrontée au
départ en retraite des générations nombreuses de
l'après-guerre : il n'y a eu que 500.000 naissances en 1940,
600.000 en 1945 mais 800.000 en 1946 et 830.000 en 1950.
Ce phénomène se conjugue avec l'allongement de la durée de
la vie et se traduit par un fort vieillissement de la population.
L'espérance de vie devrait en effet continuer à augmenter dans
les prochaines décennies, à un rythme plus lent compte tenu des
niveaux élevés atteints aujourd'hui. En 2040, l'espérance
de vie à la naissance atteindrait près de 81 ans pour les hommes
et 89 ans pour les femmes (contre respectivement 74,2 ans et 82,5 ans
aujourd'hui).
En tendance, avec un taux de fécondité de 1,8 enfant par femme
(contre 2,1 nécessaire au renouvellement des générations),
une poursuite de la baisse de la mortalité et une stabilisation du solde
migratoire (50.000 personnes de solde net) :
- la population totale continuerait de croître jusqu'en 2040, pour
atteindre 66,2 millions d'habitants ;
- le nombre de personnes de plus de 60 ans augmenterait de
10 millions à l'horizon 2040 tandis que le nombre d'actifs
diminuerait d'un million environ, pour s'établir autour de 26,7
millions ; les plus de 60 ans représenteraient 22 millions de
personnes en 2040, soit un tiers de la population totale contre un
cinquième en 1995 ;
- le rapport entre les plus de 60 ans et les 20-59 ans, dit taux de
dépendance, passerait de 4 en 1995 à 7 en 2040 : en 2040, il
y aurait 7 retraités pour 10 actifs.
Une évolution de la fécondité plus favorable que
prévue, assurant le renouvellement des générations, aurait
au total un impact limité. Ses effets ne se feraient sentir qu'en fin de
période, dans les années 2030. Sous ces hypothèses, il y
aurait encore 6 retraités pour 10 actifs en 2040.
Seul un déplacement de l'âge de fin d'activité
permettrait de freiner la hausse du poids relatif des retraités et des
actifs. Ainsi, un âge de fin d'activité de 64,6 ans en 2020
et de 69,6 ans en 2040 permet de maintenir le taux de dépendance
à son niveau actuel (4 retraités pour 10 actifs).
La conséquence de ce déséquilibre est, qu'à
réglementation inchangée, le maintien de la parité de
niveau de vie entre retraités et actifs conduirait à multiplier
par 1,55 le taux de cotisation d'équilibre à l'horizon 2040.
Dans tous les cas de figure, le niveau de vie absolu des retraités
devrait cependant continuer à progresser. Les gains de
productivité, même modestes, réalisés d'une
génération à l'autre, suffisent en effet à assurer
aux retraités des niveaux de pension, et un pouvoir d'achat,
supérieurs à celui de leurs aînés.
Une évolution plus favorable de la productivité ou du
chômage ne suffirait pas à résoudre le problème de
financement des retraites.
Le chapitre IV montre que les pays étrangers ont
réformé ou vont réformer leurs systèmes de
retraite.
Le vieillissement démographique est une évolution commune
à de nombreux pays. Au début du siècle prochain, tous les
régimes de retraite connaîtront une augmentation rapide des
dépenses et seront exposés, comme les régimes
français, à des déséquilibres importants. Des
réformes des régimes publics sont engagées dans la plupart
d'entre eux. Elles présentent certaines modalités communes :
•
les réformes agissent toutes, à des
degrés divers, dans le sens d'une remontée de l'âge de la
retraite.
Celle-ci peut découler de la hausse de l'âge normal
de liquidation, comme aux Etats-Unis où cet âge sera porté
à 67 ans en 2022 ; la hausse de l'âge de la retraite est
également provoquée par la suppression de dispositions
particulières qui accordaient à certaines catégories un
âge de liquidation inférieur à l'âge normal, c'est le
cas des femmes dont l'âge de la retraite rejoindra progressivement celui
des hommes (65 ans au Royaume-Uni et en Allemagne) ;
•
les réformes agissent également sur les
pensions : la modération de la hausse des prestations
découle d'une liquidation moins généreuse, et d'une
revalorisation limitée à la hausse des prix
. Une meilleure
maîtrise des dépenses de retraite a conduit certains pays à
adopter des règles de calcul contributives, liant étroitement le
montant de la pension aux cotisations versées au cours de la
carrière (Suède, Italie avec uniformisation des règles des
régimes).
•
Dans certains pays (Canada, Etats-Unis), les régimes
publics constituent un fonds de réserve.
Le chapitre V souligne que les projections tendancielles font apparaître
des déficits importants pour la plupart des régimes.
Les hypothèses des projections retiennent une prolongation des tendances
passées et une baisse du chômage. Le rapport fait
l'hypothèse d'une évolution de la productivité du travail
équivalente à celle des 25 dernières années, soit
un gain annuel de + 1,25 %.
L'accroissement du produit intérieur brut (PIB) résulte de
l'évolution de la population active occupée et de celle de la
productivité du travail. Le Commissariat général du plan
retient plusieurs scénarios macro-économiques se
différenciant principalement par le taux de chômage
d'équilibre. Deux scénarios principaux ont été
retenus : un premier scénario dans lequel le taux de chômage
de long terme serait de 9 % et un second scénario dans lequel ce
taux serait de 6 %. Une variante dans laquelle le taux de chômage de
long terme serait encore plus bas (3 %) a de plus été prise en
considération.
A l'horizon 2040, ces hypothèses conduisent, dans le scénario
2 (taux de chômage 6 %), à un doublement du PIB en francs
1998 : de 8.400 milliards de francs en 1998, le PIB atteindrait
18.000 milliards de francs 1998 en 2040.
Les charges de retraite des régimes évoluent en fonction de la
démographie et de la pension moyenne servie annuellement. Bien
qu'atténuée par la réforme de 1993, la pension moyenne
progresse en termes réels de 60 % dans le régime
général d'ici 2040.
Dans l'hypothèse où la règle actuelle d'indexation des
retraites du régime général sur les prix est maintenue,
les charges de retraite des régimes sont multipliées,
en
termes réels,
par un facteur 2,8
et progressent de
12,1 %
du PIB en 1998 à 15,8 % en 2040
, dans le scénario 2.
Dépenses de retraites en points de PIB
|
|
Scénario 1 |
|
Scénario 2 |
|
Variante |
|
|||
|
1998 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
|||
CNAVTS et régimes complémentaires |
7,1 |
9,0 |
10,1 |
8,5 |
9,5 |
8,1 |
9,1 |
|||
Régimes agricoles |
0,9 |
0,6 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
|||
Régimes spéciaux |
3,5 |
4,9 |
5,6 |
4,6 |
5,4 |
4,4 |
5,1 |
|||
Indépendants (hors agricoles) |
0,5 |
0,6 |
0,6 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
|||
Ensemble des régimes |
12,1 |
15,0 |
16,7 |
14,1 |
15,8 |
13,5 |
15,1 |
Source : Commissariat général du Plan.
Les ratios démographiques des régimes diminuent et convergent
à l'horizon 2040.
En 1998, un grand nombre de régimes de retraite ont des rapports
démographiques favorables. Le rapport démographique des effectifs
de droit direct de la majorité des régimes étudiés
est supérieur à 1,5. En 2040, par contre, quasiment tous les
régimes étudiés ont un rapport démographique
inférieur à 1. Ceci réduit sur le long terme l'importance
relative des mécanismes de compensation démographique entre les
régimes.
Rapport démographique des droits directs
(rapport
entre
les effectifs de cotisants et les effectifs de droits directs)
|
|
Scénario 1 |
|
Scénario 2 |
|
Variante |
|
|||
|
1998 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
|||
CNAVTS |
1,7 |
1,1 |
0,8 |
1,2 |
0,9 |
1,3 |
0,9 |
|||
Salariés agricoles |
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,3 |
0,2 |
0,3 |
0,2 |
|||
AGIRC |
2,4 |
1,3 |
0,9 |
1,4 |
1,0 |
1,5 |
1,0 |
|||
ARRCO |
1,7 |
1,1 |
0,7 |
1,1 |
0,8 |
1,2 |
0,8 |
|||
IRCANTEC |
1,7 |
0,7 |
0,4 |
0,8 |
0,4 |
0,8 |
0,5 |
|||
CNRACL |
3,3 |
1,4 |
1,0 |
1,4 |
1,0 |
1,4 |
1,1 |
|||
Fonctionnaires de l'Etat |
1,9 |
1,1 |
0,9 |
1,1 |
0,9 |
1,2 |
1,0 |
|||
Banque de France |
1,3 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
0,9 |
0,9 |
|||
CRPCEN |
1,0 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,6 |
0,8 |
0,7 |
|||
IEG |
1,7 |
0,9 |
1,0 |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
|||
Marins |
0,6 |
0,6 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
0,6 |
0,7 |
|||
Mines |
0,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
|||
Ouvriers de l'Etat |
1,0 |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
0,7 |
0,6 |
0,8 |
|||
RATP |
1,5 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,2 |
1,3 |
1,3 |
|||
SNCF |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,0 |
1,1 |
|||
CANCAVA base |
1,0 |
0,6 |
0,5 |
0,6 |
0,5 |
0,6 |
0,5 |
|||
CANCAVA complémentaire |
1,2 |
0,6 |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
|||
Non-salariés agricoles |
0,4 |
0,3 |
0,4 |
0,3 |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
|||
ORGANIC base |
0,9 |
0,8 |
0,8 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
|||
CNAVPL |
3,6 |
1,5 |
1,1 |
1,5 |
1,1 |
1,6 |
1,2 |
|||
CARCD |
4,2 |
1,4 |
1,1 |
1,4 |
1,1 |
1,5 |
1,1 |
|||
CARMF |
5,0 |
1,6 |
1,3 |
1,6 |
1,3 |
1,6 |
1,3 |
|||
CARPIMKO |
7,9 |
1,7 |
0,9 |
1,7 |
0,9 |
1,8 |
1,0 |
|||
CAVP |
2,9 |
1,3 |
1,0 |
1,3 |
1,0 |
1,3 |
1,0 |
Source : Commissariat général du Plan.
Le besoin de financement de l'ensemble des régimes a tendance à
croître entre 2000 et 2040. Cette progression est surtout marquée
entre 2005 et 2020 mais elle continue au-delà. La situation reste
cependant contrastée. Il est possible de regrouper les régimes en
trois catégories :
• les régimes qui ont de fortes ressources de compensation
démographique actuellement, et qui apparaissent de fait comme ayant un
déséquilibre initial
(CANCAVA, ORGANIC, régimes
agricoles, régime des marins, régime des mines, régime des
ouvriers de l'Etat et SNCF)
; dans ce cas, le besoin de financement
n'évolue que faiblement en général. Ces régimes
devraient cependant perdre des ressources de compensation qui assurent
actuellement en partie leur équilibre financier global ;
• les régimes tels que
l'AGIRC, l'ARRCO, la CNAVPL
ou les régimes complémentaires des professions
libérales
, dont la situation démographique se dégrade
rapidement mais qui, grâce à la stabilité de leur pension
moyenne liées aux hypothèses d'indexation, parviennent à
limiter la dégradation de leur solde ;
• les autres régimes (en particulier
le régime
général, le régime des fonctionnaires de l'Etat, la
CNRACL, l'IRCANTEC et le régime EDF-GDF
) dont la situation
démographique initiale est favorable. Ces régimes subissent une
forte dégradation démographique qui n'est pas compensée
par un écart important d'évolution entre salaire moyen et pension
moyenne. Leurs besoins de financement (ou la hausse relative de la contribution
d'équilibre de l'employeur) s'accroissent fortement en projection.
Compte tenu de ces évolutions, le besoin de financement annuel du
système de retraite par répartition s'élèverait
dans le scénario 2 à environ 400 milliards de francs 1998 en 2020
et 700 milliards de francs 1998 en 2040, soit environ 4 points de PIB. Le cumul
de ces sommes sur plusieurs années donne la mesure de l'ampleur des
besoins.
On remarquera que les résultats des projections financières pour
les différents régimes sont tout à fait cohérents
avec les tendances dégagées dans le rapport
Perspectives
à long terme des retraites
. Le rapport conforte les
évaluations de 1995 et les prolonge à l'horizon 2040.
Les économies envisageables sur l'indemnisation du chômage, la
politique de l'emploi et la politique familiale peuvent, au regard de ces
besoins de financement, ne pas être négligeables si la
collectivité accepte de recycler la totalité des financements au
profit des retraites Elles pourraient atteindre alors entre 0,8 et 1,5 point de
PIB, ce qui reste très insuffisant toutefois pour financer
l'accroissement des charges des régimes de retraite.
Solde
financier des régimes de retraite
(hors transferts de compensation,
produits et charges diverses* et résultats financiers à taux de
cotisation inchangés sauf en cas de réforme en
cours)
|
|
|
Scénario 1 |
|
Scénario 2 |
|
||
|
|
1998 |
2020 |
2040 |
2020 |
2040 |
||
CNAVTS |
MF 98 |
- 1 400 |
- 149 000 |
- 403 200 |
- 124 800 |
- 379 600 |
||
|
points de cotisation |
- 0,1 |
- 5,5 |
- 11,2 |
- 4,3 |
- 9,8 |
||
Salariés agricoles |
MF 98 |
- 15 399 |
- 17 063 |
- 22 008 |
- 17 063 |
- 22 008 |
||
|
points de cotisation |
- 21,8 |
- 18,0 |
- 18,4 |
- 18,0 |
- 18,4 |
||
AGIRC |
MF 98 |
- 6 008 |
- 31 806 |
- 31 554 |
- 22 442 |
- 20 989 |
||
|
points de cotisation |
- 1,7 |
- 5,3 |
- 3,9 |
- 3,5 |
- 2,4 |
||
ARRCO |
MF 98 |
6 208 |
- 16 926 |
- 44 841 |
471 |
- 25 916 |
||
|
points de cotisation |
0,3 |
- 0,5 |
- 1,1 |
0,0 |
- 0,6 |
||
IRCANTEC |
MF 98 |
344 |
- 7 448 |
- 13 291 |
- 7 324 |
- 12 664 |
||
|
points de cotisation |
0,3 |
- 4,5 |
- 6,0 |
- 4,4 |
- 5,5 |
||
CNRACL |
MF 98 |
16 399 |
- 45 825 |
- 110 269 |
- 45 825 |
- 110 269 |
||
|
points de cotisation |
9,2 |
- 16,7 |
- 28,9 |
- 16,7 |
- 28,9 |
||
Fonctionnaires de l'Etat |
MF 98 |
0 |
- 136 651 |
- 280 883 |
- 131 256 |
- 254 785 |
||
|
points de cotisation |
0,0 |
- 26,4 |
- 40,9 |
- 24,7 |
- 33,5 |
||
Banque de France** |
MF 98 |
0 |
- 1 829 |
- 2 323 |
- 1 829 |
- 2 323 |
||
|
points de cotisation |
0,0 |
- 67,2 |
- 74,7 |
- 67,2 |
- 74,7 |
||
CRPCEN |
MF 98 |
- 528 |
- 943 |
- 582 |
- 943 |
- 582 |
||
IEG |
MF 98 |
0 |
- 11 957 |
- 7 601 |
- 11 957 |
- 7 601 |
||
|
points de cotisation |
0,0 |
- 39,4 |
- 18,4 |
- 39,4 |
- 18,4 |
||
Marins |
MF 98 |
- 5 470 |
- 6 848 |
- 7 333 |
- 6 848 |
- 7 333 |
||
Mines |
MF 98 |
- 13 663 |
- 9 138 |
- 4 509 |
- 9 138 |
- 4 509 |
||
Ouvriers de l'Etat |
MF 98 |
- 7 436 |
- 9 518 |
- 9 087 |
- 9 518 |
- 9 087 |
||
|
points de cotisation |
- 77,4 |
- 127,6 |
- 94,8 |
- 127,6 |
- 94,8 |
||
RATP |
MF 98 |
- 2 496 |
- 4 428 |
- 5 771 |
- 4 428 |
- 5 771 |
||
|
points de cotisation |
- 40,3 |
- 49,8 |
- 46,3 |
- 49,8 |
- 46,3 |
||
SNCF |
MF 98 |
- 18 270 |
- 19 918 |
- 24 348 |
- 19 918 |
- 24 348 |
||
|
points de cotisation |
- 73,6 |
- 56,1 |
- 49,0 |
- 56,1 |
- 49,0 |
||
CANCAVA base |
MF 98 |
- 6 961 |
- 10 256 |
- 12 851 |
- 10 016 |
- 12 973 |
||
|
points de cotisation |
- 17,5 |
- 17,4 |
- 16,4 |
- 16,5 |
- 16,0 |
||
CANCAVA |
MF 98 |
- 471 |
- 2 277 |
- 3 110 |
- 2 165 |
- 3 123 |
||
complémentaire*** |
points de cotisation |
- 1,0 |
- 3,3 |
- 3,3 |
- 3,0 |
- 3,2 |
||
Non-salariés agricoles |
MF 98 |
- 39 804 |
- 30 444 |
- 24 820 |
- 30 444 |
- 24 820 |
||
ORGANIC base |
MF 98 |
- 9 743 |
- 12 436 |
- 16 970 |
- 12 094 |
- 16 514 |
||
|
points de cotisation |
- 19,3 |
- 17,1 |
- 17,5 |
- 16,1 |
- 16,5 |
||
CNAVPL |
MF 98 |
2 526 |
554 |
1 140 |
554 |
1 140 |
||
CARCD*** |
MF 98 |
- |
- 476 |
- 429 |
- 476 |
- 429 |
||
CARMF
|
MF 98 |
666 |
- 2 937 |
- 4 439 |
- 2 937 |
- 4 439 |
||
|
points de cotisation |
1,7 |
- 6,1 |
- 7,0 |
- 6,1 |
- 7,0 |
||
CARPIMKO*** |
MF 98 |
189 |
- 1 120 |
- 2 641 |
- 1 120 |
- 2 641 |
||
CAVP*** |
MF 98 |
114 |
- 53 |
- 229 |
- 53 |
- 229 |
*
Notamment hors subvention d'équilibre de l'Etat, hors impôts et
taxes affectés et hors transferts divers (par exemple l'AVPF pour la
CNAVTS).
** Les résultats financiers ont été intégrés
dans le compte de la Banque de France du fait de sa spécificité.
En effet, le régime dispose d'un portefeuille important qui n'est pas
utilisé comme une réserve.
*** Ces régimes disposent d'importantes réserves qui peuvent
être utilisées en période de déséquilibre. En
outre, certains de ces régimes prévoient d'adopter de nouvelles
réformes (par exemple : baisse du rendement plus importante pour la
CARPIMKO non prise en compte dans les soldes présentés).
Source : Commissariat général du Plan.
B. L'ACCROISSEMENT DES ÉCARTS ENTRE RÉGIMES DU SECTEUR PRIVÉ ET RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE
1. Des taux de remplacement nets aujourd'hui comparables
Le
rapport est plus novateur dans sa comparaison du régime des
salariés du privé et des salariés du public, qui fait
l'objet du
chapitre VI.
Il met en évidence les
principales
règles
qui différencient le régime
général et les régimes spéciaux et qui sont
susceptibles de procurer un avantage relatif à ces derniers
:
-
les régimes spéciaux permettent des départs
anticipés
; la répartition des départs au
régime général se concentre autour de deux
âges : à 60 ans, âge minimum légal de la
retraite et à 65 ans, où le taux plein est acquis quelle que soit
la durée d'assurance ; pour la fonction publique et la CNRACL, la
distribution des départs présentent deux pics à 55 ans et
60 ans ; dans les régimes d'entreprises, l'âge moyen de
départ en retraite est de 53,5 ans à la RATP, de 54,1 ans
à la SNCF et de 55,6 ans à EDF-GDF ;
-
l'importance des bonifications d'annuité ;
le taux de
liquidation dans les régimes d'entreprises est proche de 70 %,
malgré une durée de cotisation limitée : 120
trimestres à la RATP, 130 trimestres à la SNCF et au
régime des industries électriques et gazières (IEG) ;
ceci est dû à l'attribution de bonifications de durée
d'assurance, qui atteignent en moyenne, pour les personnels masculins, 3,3 ans
à la SNCF, 4 ans aux IEG et 5,4 ans à la RATP ; il en
résulte que, dans ces régimes, les retraités de moins de
60 ans représentent entre 15 et 25 % du total des pensions de droit
direct :
-
le rendement de la retraite des salariés du secteur
privé se réduit du fait de la réforme de 1993
;
celle-ci incite en effet les salariés à reporter leur
départ en retraite à la date d'obtention du taux plein
correspondant à terme à 40 annuités de cotisations
(à ce jour, l'âge moyen d'entrée dans la vie active est de
21,6 ans).
Le rapport estime cependant que
les différents régimes offrent
aujourd'hui des taux de remplacement nets comparables
: mesuré
par le SESI, le taux de remplacement net des salariés nés en 1926
et ayant effectué une carrière complète
s'élève, en moyenne, à 80 % au régime
général et 76 % pour la fonction publique civile.
2. Des écarts qui se creuseront
A terme, l'écart devrait se creuser entre les salariés qui ont fait l'objet de réformes et les autres : les simulations réalisées pour le futur sur des carrières types complètes représentatives montrent que le taux de remplacement des salariés du privé se réduit du fait de la réforme de 1993 et surtout de la forte baisse de rendement des régimes complémentaires du privé ; à l'inverse, les taux de remplacement restent stables pour les salariés du public.
C. LES PROPOSITIONS DE RÉFORME DU RAPPORT CHARPIN
Dans ce contexte, le rapport examine, dans le chapitre VII , plusieurs pistes de réformes susceptibles d'assurer la viabilité du système de retraite par répartition : l'allongement à 170 trimestres de la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein, la constitution de réserves permettant d'amortir le choc démographique, l'élargissement de l'assiette des cotisations et l'aménagement de différents dispositifs susceptible d'avoir un impact sur le besoin de financement des régimes.
1. L'allongement à 170 trimestres de la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux plein
Cette
mesure, mise en oeuvre progressivement au rythme d'un trimestre par
génération, permettrait de contrecarrer la forte augmentation de
la population des retraités. Le rapport relève qu'elle n'a de
sens que si deux conditions sont satisfaites :
- il ne faut pas qu'elle conduise à retarder l'entrée des
jeunes dans la vie active ;
- il ne faut pas que l'âge effectif de cessation d'activité
reste notablement inférieur à l'âge de départ en
retraite ; il faut donc limiter le recours aux dispositifs de
préretraite.
Ces conditions peuvent être satisfaites si, conformément aux
scénarios macro-économiques retenus, la forte augmentation des
départs en retraite conduit à réduire fortement le
chômage à l'horizon 2010.
Il s'agit donc de
prolonger la réforme de 1993 pour les
salariés du privé et au rythme d'un trimestre par
génération.
Cette mesure ne prendrait réellement effet
qu'à compter de 2004.
Mais il s'agit aussi, pour les régimes qui n'ont pas été
réformés, c'est-à-dire essentiellement
les
régimes spéciaux
, de
rattraper le retard
pour
atteindre, pour l'ensemble des régimes, 170 trimestres à
l'horizon 2020.
L'évolution de l'ensemble des règles
|
Durée d'assurance tous régimes requise pour avoir le taux plein sans abattement pour départ anticipé |
|
Durée d'assurance prise en compte pour la proratisation (RG) |
Valeur de l'annuité dans le secteur public (1) |
Réduction du taux de pension par trimestre manquant tous régimes (2) |
|
||
|
RG (3) |
FP (4) |
RG |
FP |
RG |
FP |
||
Génération 1939 |
156 |
150 |
150 |
2,00 % |
2,5 % |
0,00 % |
||
Génération 1940 |
157 |
151 |
151 |
1,99 % |
2,4 % |
0,06 % |
||
Génération 1941 |
158 |
152 |
152 |
1,97 % |
2,3 % |
0,12 % |
||
Génération 1942 |
159 |
153 |
153 |
1,96 % |
2,2 % |
0,18 % |
||
Génération 1943 |
160 |
154 |
154 |
1,95 % |
2,1 % |
0,24 % |
||
Génération 1944 |
161 |
155 |
155 |
1,94 % |
2,0 % |
0,30 % |
||
Génération 1945 |
162 |
156 |
156 |
1,92 % |
1,9 % |
0,36 % |
||
Génération 1946 |
163 |
157 |
157 |
1,91 % |
1,8 % |
0,42 % |
||
Génération 1947 |
164 |
158 |
158 |
1,90 % |
1,7 % |
0,48 % |
||
Génération 1948 |
= |
159 |
159 |
1,89 % |
1,6 % |
0,54 % |
||
Génération 1949 |
165 |
160 |
160 |
1,88 % |
1,5 % |
0,60 % |
||
Génération 1950 |
= |
161 |
161 |
1,86 % |
1,3 % |
0,66 % |
||
Génération 1951 |
166 |
162 |
162 |
1,85 % |
1,2 % |
0,72 % |
||
Génération 1952 |
= |
163 |
163 |
1,84 % |
1,2 % |
0,78 % |
||
Génération 1953 |
167 |
164 |
164 |
1,83 % |
1,2 % |
0,84 % |
||
Génération 1954 |
= |
165 |
165 |
1,82 % |
1,2 % |
0,90 % |
||
Génération 1955 |
168 |
166 |
166 |
1,81 % |
1,2 % |
0,96 % |
||
Génération 1956 |
= |
167 |
167 |
1,80 % |
1,2 % |
1,02 % |
||
Génération 1957 |
169 |
168 |
168 |
1,79 % |
1,2 % |
1,08 % |
||
Génération 1958 |
= |
169 |
169 |
1,78 % |
1,2 % |
1,14 % |
||
Génération 1959
|
|
|
|
|
|
|
Source : Commissariat général du Plan.
(1)
La valeur de l'annuité est
égale
au taux de pension, avant abattement pour éventuel départ
anticipé, par année validée au régime.
(2)
Le 1,2 % correspond à un abattement de 0,6 % du taux
de liquidation de 50 % au régime général et à un
abattement de 0,9 % du taux de liquidation de 75 % dans les régimes
particuliers de salariés.
(3)
Régime général.
(4)
Fonction publique.
Le relèvement de la durée d'assurance nécessaire à
l'obtention du taux plein s'accompagnerait de deux mesures
complémentaires :
- la
réduction de moitié de l'abattement par trimestre
manquant
d'assurance tous régimes, qui passerait de 2,5 % au
régime général à 1,2 % en 2020 ; cet
abattement serait généralisé à l'ensemble des
régimes, en particulier les régimes spéciaux ;
- la
proratisation de la pension
en fonction de la durée
d'assurance à chaque régime serait de
1/170
ème
.
La réforme envisagée vise à inciter au décalage de
l'âge de départ à la retraite entre 60 et 65 ans et non
à contraindre au travail au-delà de 65 ans. A partir de cet
âge, aucun abattement ne serait retenu sur le niveau de la pension tandis
qu'un dispositif supprimerait, sous certaines conditions, l'effet du passage
à une proratisation à 1/170ème.
Les effets du relèvement de la durée d'assurance dépendent
des modifications de comportement induites par cette mesure. Dans
l'hypothèse où les actifs choisissent de reporter leur
départ en retraite afin d'obtenir le taux plein, la population active
est majorée de 420.000 personnes en 2010, 920.000 personnes en 2020 et
environ 1,4 million en 2040.
Si l'on intègre l'effet des cotisations supplémentaires
consécutives à l'augmentation de la population active, les
besoins de financement apparaissent notablement réduits -mais pas
complètement supprimés- par la réforme.
Besoin de financement |
Avant relèvement à 42,5 ans |
Après relèvement à 42,5 ans |
||
(scénario 2, en points de cotisation) |
|
|
|
|
Régime général |
4,3 |
9,8 |
1,4 |
4 |
Fonctionnaires civils |
21,5 |
32,0 |
10,0 |
19 |
CNRACL |
17,0 |
29,0 |
5,3 |
17 |
2. La constitution de réserves
Cette
voie a été retenue par de nombreux pays pour consolider les
systèmes de retraite publics.
L'ampleur des réserves à constituer varie suivant que l'on se
limite à lisser temporairement les besoins de financement de moyen terme
des régimes de retraite ou que l'on souhaite assurer de manière
permanente, par les produits de placement du fonds, un complément de
ressources aux cotisations.
Dans le premier cas (lissage des besoins de financement), le montant des
réserves à constituer représente 3 à 4 points de
PIB (
350 milliards de francs
aux conditions économiques
actuelles). Dans le second cas, il faut accumuler, dans l'hypothèse d'un
rendement moyen des actifs supérieur de 1 point au taux
obligataire
3(
*
)
, 28 points de PIB (
2.500
milliards de francs
aux conditions économiques actuelles) pour
diminuer le besoin de financement d'1,5 point de cotisations.
Dans le cas d'un fonds permanent, l'apport de ressources est d'autant plus
important que le rendement des placements est élevé, ce qui
conduit à orienter partiellement les investissements vers le
marché actions.
3. L'élargissement de l'assiette des cotisations
Cette
piste n'est pas très approfondie par le rapport, qui prend
néanmoins acte de ce que l'intégration dans l'assiette des
cotisations d'éléments de rémunération actuellement
non soumis à prélèvement -telles les primes des
fonctionnaires de l'Etat- conduirait, à terme, à majorer les
charges de retraite.
Le rapport examine la possibilité de déplafonner les cotisations
sociales patronales, ce qui rendrait le prélèvement global sur
les salaires du privé très progressif. Il évoque les
conséquences d'un éventuel basculement des cotisations de
retraite sur la CSG, qui accroîtrait la pression fiscale sur les
retraités et les revenus de capitaux.
4. L'aménagement de certains dispositifs
Le
rapport évalue les conséquences d'une
modification de
l'indexation des salaires
dans les régimes du privé.
Depuis la réforme de 1993, l'indexation des salaires portés au
compte des assurés du régime général est
effectuée conformément à l'évolution des prix. Les
conséquences d'un changement de cette indexation - et non de
l'indexation des pensions - au profit d'une indexation sur l'évolution
des salaires conduiraient à majorer en 2040 les dépenses du
régime général de 20 % environ, soit 6 points de
cotisation.
Le rapport étudie également la possibilité de faire
financer par la branche famille l'ensemble des avantages familiaux liés
aux retraites, tandis que pourrait être envisagée une meilleure
prise en compte dans la durée d'assurance de certaines périodes
d'activité ou d'inactivité. Le rapport évoque enfin
l'éventualité de prendre en compte dans la durée
d'assurance la pénibilité du travail, sous réserve de
mettre en place un système de modulation de la cotisation des
entreprises concernées.
En conclusion, le rapport du Commissariat général du Plan
recommande
d'engager dès à présent la réforme du
système de retraite,
avant que le choc démographique ne fasse
sentir ses effets, c'est-à-dire avant 2006 :
- si l'on veut décaler l'âge de la retraite, il faut pouvoir
le faire progressivement pour éviter de désavantager certaines
générations et soumettre le marché de l'emploi à un
choc soudain ;
- si l'on veut recourir à des mécanismes de capitalisation,
en complément de la gestion en répartition, il faut accumuler un
capital suffisant avant que soit atteinte la période de plus fort
déséquilibre des régimes de retraite. Ceci contraint
à démarrer l'accumulation avant le début de la phase de
dégradation.
Le rapport recommande enfin de relayer le débat national par des
négociations décentralisées
au sein des
régimes et de mettre en place un
dispositif de pilotage
.
Le rapport de M. Charpin,
qui constitue, il faut le souligner, un
travail remarquable réalisé dans des délais très
brefs,
confirme donc une nouvelle fois la nécessité et
l'urgence de réformer notre système de retraite.
III. LE PROJET DE LOI : L'IMMOBILISME DU GOUVERNEMENT
A. UNE BRANCHE VIEILLESSE DOUBLEMENT PONCTIONNÉE
1. La diminution de 2,3 milliards de francs des recettes qui lui sont affectées
L'article 2 du projet de loi prévoyait initialement la
création d'un fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales de sécurité sociale - chargé, en
réalité, du financement de la réduction du temps de
travail - qui devait être notamment alimenté par une contribution
versée par les organismes de protection sociale
4(
*
)
.
Le montant des contributions des organismes de protection sociale devait
être fixé par voie de convention conclue entre l'Etat et chacun
des organismes intéressés. Toutefois, l'article 2 du projet de
loi précisait :
" A défaut de signature d'une
convention avant le 31 janvier 2000, la contribution de chacun des organismes
est déterminée à partir du surcroît de recettes et
d'économies de dépenses induites par la réduction du temps
de travail pour cet organisme. Les règles servant à calculer le
montant et l'évolution de ces contributions sont définies par
décret en conseil d'Etat ".
Comme le souligne le rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999,
" une telle
estimation pose des problèmes délicats et ne peut être que
très imprécise ".
A titre de " provision ",
dont on ignorait sur quels fondements elle reposait, le rapport retenait
l'hypothèse d'une contribution du régime général de
5,6 milliards de francs en 2000. Pour la branche vieillesse, la
" provision " de ce prélèvement était
fixée dans les comptes figurant dans le rapport à 1,771 milliard
de francs.
Ce prélèvement, qui prenait la forme d'une dépense des
différentes branches du régime général, a fait
l'objet d'un rejet unanime de la part des partenaires sociaux.
Après une négociation engagée en catastrophe le 20 octobre
1999, le ministère de l'emploi et de la solidarité
annonçait le 25 octobre, en fin d'après-midi, que le Gouvernement
renonçait désormais aux prélèvements sur les
organismes sociaux.
Pour compenser la perte des 5,6 milliards de francs attendus du régime
général, le nouveau dispositif adopté par
l'Assemblée nationale à l'article 2 du projet de loi
prévoit l'affectation au fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de 47 % des droits sur les alcools mentionnés
à l'article 403 du code général des impôts (dits
" droits 403 ")
Or, une part de ces droits constituent une des recettes du Fonds de
solidarité vieillesse (FSV), dont les excédents peuvent
être affectés, depuis la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, au fonds de réserve pour les
retraites. L'excédent attendu du FSV pour 2000 étant de 8,3
milliards de francs, le Gouvernement comptait utiliser cette
" manne " pour alimenter le fonds de réserve.
En conséquence, afin de ne pas être accusé de
préférer les 35 heures aux retraites, le Gouvernement a
décidé, par un amendement à l'article 10 du projet de loi
de financement de la sécurité sociale, adopté par
l'Assemblée nationale, d'affecter au fonds de réserve des
retraites une fraction du prélèvement social de 2% sur les
revenus du patrimoine et les produits de placements.
Les branches du régime général de la
sécurité sociale devaient logiquement
" récupérer " les 5,5 milliards de francs
" provisionnés " par le rapport de la Commission des comptes
de la sécurité sociale. Mais le Gouvernement a
préféré
diminuer les ressources affectées aux
différentes branches de 5,5 milliards de francs pour alimenter le fonds
de réserve pour les retraites.
L'amendement présenté par le Gouvernement à l'article 10
du projet de loi modifie la clé de répartition applicable au
prélèvement de 2 % sur les revenus de placement, dont le
produit était initialement affecté pour moitié à la
CNAVTS et pour moitié à la CNAF.
Cette répartition avait déjà été
modifiée -il faut le souligner- en juillet dernier par la loi portant
création d'une couverture maladie universelle (CMU), qui prévoit,
à compter du 1
er
janvier 2000, l'attribution d'une partie de
ce prélèvement à une troisième branche du
régime général : la CNAMTS. La répartition
devait être de 50 % pour la CNAVTS (situation inchangée),
28 % pour la CNAMTS et 22 % pour la CNAF.
Comme le fonds de réserve pour les retraites bénéficierait
désormais de 49 % de ce prélèvement social, la
fraction affectée à la CNAMTS passerait, en application de la
rédaction de l'article 10 adoptée par l'Assemblée
nationale, de 28 % à 8 %, celle de la CNAF de 22 à 13 %, et celle
la CNAVTS de 50 à 30 %.
L'affectation du prélèvement social de 2 %
|
LFSS 1998 |
Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU |
PLFSS 2000 |
CNAF |
50 % |
22 % |
13 % |
CNAVTS |
50 % |
50 % |
30 % |
CNAMTS |
|
28 % |
8 % |
Fonds de réserve pour les retraites |
|
|
49 % |
Total |
100 % |
100 % |
100 % |
Le
Gouvernement n'a donc pas renoncé à ponctionner le régime
général. Les différentes branches contribueront ainsi, de
manière indirecte, au financement des 35 heures, non pas par un
prélèvement classé dans leurs
" dépenses ", mais par une perte de recettes.
L'opération n'est pas neutre pour la branche vieillesse initialement
" taxée " de 1,771 milliard de francs sous le régime de
la contribution initiale : elle perd désormais 2,26 milliards de
francs de recettes au titre du prélèvement 2 %, soit une
ponction supplémentaire de 490 millions de francs.
Des
prélèvements 35 heures aux pertes de recettes affectées au
fonds de réserve
(en millions de francs)
|
Prélèvement
|
Recettes
2 %
|
Recettes
2 %
|
Pertes de recettes |
Solde de l'opération |
CNAVTS |
1.771 |
5.650 |
3.390 |
2.260 |
- 489 |
2. L'affectation des excédents au fonds de réserve pour les retraites
Si la branche vieillesse contribue au financement du fonds
de réserve pour les retraites par la perte de recettes qui lui sont
affectées, elle est également mise à contribution de
manière plus directe, sous la forme d'une affectation permanente de ses
excédents.
L'article 10 du projet de loi prévoit en effet l'affectation des
excédents de la CNAVTS au fonds de réserve pour les retraites.
Cette affectation fait sous une double forme :
- d'une part, l'affectation du résultat excédentaire de
l'exercice clos ;
- d'autre part, le cas échéant, l'affectation en cours
d'exercice d'un montant représentatif d'une fraction de
l'excédent prévisionnel de l'exercice.
L'annexe C du projet de loi prévoit ainsi en 2000,
" à
titre de provision pour acompte sur le versement de l'excédent de la
branche "
un versement de 2,9 milliards de francs au fonds de
réserve, versement qui prendrait la forme d'une dépense de la
branche.
Les mesures accroissant les dépenses de la branche vieillesse seraient
donc les suivantes :
- le versement au fonds de réserve pour les retraites :
2,9 milliards de francs
;
- le " coup de pouce " de 0,3 % accordé en
matière de revalorisation des pensions de retraite :
950
millions de francs
.
L'impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000 sur les recettes, les dépenses et le solde de la branche
vieillesse est résumé dans le tableau suivant :
Incidence des mesures annoncées par le Gouvernement
sur l'équilibre de la branche vieillesse en 2000
(en milliards de francs)
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Evolution spontanée en 2000 |
416,019 |
407,734 |
+ 8,285 |
• Diminution des ressources affectées à la branche vieillesse au titre du prélèvement de 2% |
- 2,26 |
|
- 2,26 |
• Versement au fonds de réserve |
|
+ 2,9 |
- 2,9 |
• " Coup de pouce " de 0,3 % aux pensions |
|
+ 0,95 |
- 0,95 |
Total des mesures : |
- 2,26 |
+ 3,85 |
- 6,11 |
Total général : |
413,759 |
411,584 |
+ 2,175 |
Par les diverses mesures annoncées, le Gouvernement dégrade
de 6,1 milliards de francs le solde de la branche vieillesse en 2000 qui
passerait ainsi de 8,3 milliards de francs en évolution spontanée
à seulement 2,2 milliards de francs. Cette dégradation
résulte d'une diminution des recettes de 2,3 milliards de francs et
d'une augmentation des dépenses de 3,8 milliards de francs.
Au total, la contribution -tant en perte de recettes qu'en dépenses- de
la branche vieillesse au financement du fonds de réserve pour les
retraites serait de 5,2 milliards de francs en 2000.
B. DES MESURES " D'ATTENTE "
A
l'examen des rares mesures concernant la branche vieillesse que comporte ce
projet de loi, il apparaît que le rapport Charpin aura permis au
Gouvernement de repousser une nouvelle fois :
- la nécessaire réforme de notre régime de retraite,
- la mise en place d'un dispositif pérenne de revalorisation des
pensions,
- la décision sur le maintien ou non de l'interdiction du cumul
emploi-retraite.
1. Une revalorisation de 0,5 % des pensions en 2000
L'article 11 du projet de loi revalorise de 0,5 % au 1er
janvier 2000 les pensions de retraite, d'invalidité, les rentes
d'accidents du travail et les salaires portés au compte.
La loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et
à la sauvegarde de la protection sociale avait mis en place, pour une
durée de cinq ans, du 1
er
janvier 1994 au 31
décembre 1998, un mécanisme d'indexation permettant de garantir
une évolution des pensions versées par le régime
général identique à celle des prix. Cette indexation
était, en pratique, déjà appliquée depuis 1987.
Le dispositif de revalorisation prévu par la loi de 1993 se composait de
trois éléments :
- une revalorisation annuelle fixée en fonction de l'indice
d'évolution prévisionnelle des prix (hors tabac) ;
- un ajustement -positif ou négatif- permettant de corriger un
éventuel écart entre le taux prévisionnel et le taux
réel d'évolution annuelle des prix (hors tabac) (ajustement
" en niveau ") ;
- une compensation positive ou négative pour les assurés
titulaires, à la date de la revalorisation, d'un avantage de vieillesse
ou d'invalidité, correspondant à l'écart ainsi
constaté au titre de l'année précédente (ajustement
" en masse ").
Il était également prévu de procéder à un
ajustement au 1
er
janvier 1996 afin de faire
bénéficier les titulaires de pensions de vieillesse ou
d'invalidité des progrès de productivité, ce qui a en fait
été anticipé au 1
er
juillet 1995.
Les dispositions de la loi de 1993 venant à échéance au
31 décembre 1998, il a été nécessaire de
définir, à la fin de l'année 1998, les modalités de
revalorisation pour 1999 et les années suivantes.
Deux options fondamentales s'offraient dès lors au Gouvernement :
- le maintien d'une indexation fondée sur l'évolution des
prix ;
- le choix d'une indexation sur l'évolution des salaires à
laquelle l'actuelle majorité s'était déclarée
favorable lors de la campagne électorale précédant les
élections législatives de mai 1997.
Le Gouvernement n'a pas véritablement tranché entre ces deux
options fondamentales.
L'article 37 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 a ainsi institué un dispositif
d'indexation provisoire, valable pour la seule année 1999
,
" dans l'attente du diagnostic que doit établir le Commissaire
général du Plan en concertation avec les partenaires sociaux et
portant sur la situation de l'ensemble des régimes de
retraite ",
selon l'exposé des motifs de cet article.
Le Gouvernement a donc une première fois repoussé à une
décision ultérieure la définition d'un système
d'indexation des pensions applicable pour les prochaines années.
En 1999, la revalorisation des pensions et la majoration des salaires et
cotisations servant de base au calcul de celles-ci a été
fixée conformément au taux prévisionnel d'évolution
en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, prévu
dans le rapport économique, social et financier annexé au projet
de loi de finances, soit + 1,2 %.
Cette revalorisation était donc bien supérieure à ce
qu'aurait exigé la simple reconduction du mécanisme d'indexation
des pensions instaurée par la loi du 22 juillet 1993. En effet,
l'application de ce mécanisme aurait conduit à procéder
à un rattrapage négatif pour compenser l'écart entre le
taux de l'inflation prévisionnelle qui avait servi de base à la
revalorisation au 1
er
janvier 1998 (1,3 %) et l'inflation qui a
été effectivement constatée pour 1998 (0,8 %).
Le Gouvernement s'était ainsi refusé à appliquer ce
rattrapage négatif, ce qui assurait dès lors automatiquement un
gain du pouvoir d'achat de 0,5 % à l'ensemble des retraités
au titre de l'année 1998.
Pour l'année 2000, le présent article propose une nouvelle
rédaction de l'article L. 351-11 du code de la
sécurité sociale qui supprime toute référence au
mécanisme institué en 1999, qui reposait sur le seul taux
prévisionnel d'évolution en moyenne annuelle hors tabac.
Cette nouvelle rédaction se borne à prévoir, au
1
er
janvier 2000, une revalorisation de 0,5 % des pensions de
vieillesse déjà liquidées ainsi que des cotisations et
salaires servant de base à leur calcul. Cette revalorisation sera
également applicable aux pensions d'invalidité et aux rentes
d'accidents du travail.
Pour justifier le choix de ce taux, l'exposé des motifs du
présent article explique :
" L'évolution en moyenne
annuelle des prix à la consommation de tous les ménages (hors
tabac) pour l'année 2000, telle que prévue dans le rapport
économique, social et financier annexé au projet de loi de
finances pour 2000, est de 0,9 %.
" Toutefois, la base sur laquelle la revalorisation des pensions avait
été effectuée en 1999, à savoir l'indice
prévisionnel des prix pour 1999, s'est révélée
supérieure de 0,7 point à l'indice tel qu'il est estimé
actuellement (1,2 % au lieu de 0,5 %). Cela s'est traduit par un gain
significatif de pouvoir d'achat des retraités en 1999 (0,7 point) qui
s'ajoute au " coup de pouce " de 0,7 point qui avait
été accordé au 1
er
janvier 1999.
" Le maintien strict du pouvoir d'achat des retraités en 2000
conduirait à une revalorisation des pensions limitée à
0,2 % (évolution prévisionnelle de 0,9 % en 2000
corrigée de la surévaluation de 0,7 point de l'indice des prix
pour 1999). Ce mode de calcul, instauré en 1994 pour cinq ans et
reconduit pour 1999 avec un " coup de pouce " de 0,7 point, arrive
à échéance le 31 décembre 1999.
" le Gouvernement souhaitant en 2000 faire participer les retraités
à la croissance, propose de majorer de 0,3 point la revalorisation telle
qu'elle découlerait des règles antérieures. "
Changeant de stratégie par rapport à l'année
précédente, le Gouvernement a donc choisi cette année
d'appliquer à la revalorisation des pensions le rattrapage
négatif découlant de l'année 1999, soit 0,7 point. Il
majore exceptionnellement de 0,3 % le taux ainsi obtenu (0,2 %) pour
atteindre finalement le chiffre de 0,5 %.
Le coût de ce " coup de pouce " de 0,3 % accordé
en 2000 est évalué par l'annexe C du projet de loi à 950
millions de francs pour la branche vieillesse du régime
général
5(
*
)
.
Ce " coup de pouce " affecte également les régimes dont
les pensions sont, en droit ou en fait, revalorisées dans les
mêmes conditions que celles du régime général. Le
coût de cette mesure est ainsi de 50 millions de francs pour l'ORGANIC et
de 40 millions de francs pour la CANCAVA, ce qui réduit à due
concurrence le solde prévisionnel du compte de la C3S.
Le coût pour le régime général -toutes branches
confondues- est en outre plus élevé dans la mesure où la
revalorisation des pensions entraîne -mécaniquement- la
revalorisation d'un certain nombre d'autres prestations dont l'évolution
est alignée sur celle des pensions (rentes d'accidents du travail,
pensions d'invalidité). Le surcoût de cette revalorisation est par
conséquent estimé à 50 millions de francs pour la
branche maladie et 60 millions de francs pour la branche accidents du
travail. Le coût total du " coup de pouce " de 0,3 % est
donc évalué à 1,06 milliard de francs pour le
régime général -toutes branches confondues.
Au total, sur l'ensemble de la période 1990-1999, les pensions ont
été revalorisées plus vite que l'évolution des prix.
Votre rapporteur constate que le Gouvernement s'avère une nouvelle
fois incapable de proposer un mécanisme pérenne de revalorisation
des pensions de retraites et des salaires portés au compte.
L'institution d'un dispositif durable est repoussée d'année en
année. L'exposé des motifs l'article 11 du présent projet
de loi précise ainsi que
" l'élaboration d'une
règle pérenne de revalorisation des pensions pour les
années suivantes sera examinée dans le cadre de la concertation
pour les retraites ".
Votre rapporteur juge que cette situation n'est pas satisfaisante : elle
n'assure aucune garantie aux retraités qui se voient chaque année
soumis, pour la revalorisation de leur pension, à l'arbitraire des
décisions gouvernementales : selon les années, le
Gouvernement choisit ainsi d'appliquer ou non un rattrapage négatif, de
donner un " coup de pouce " plus ou moins généreux...
Votre rapporteur s'était inquiété du coût
particulièrement élevé du " coup de pouce " de
0,5 % accordé aux pensions de retraite en 1999, coût qui
pouvait être évalué à 2,080 milliards de francs
pour le régime général -toutes branches confondues.
Il avait en outre rappelé que, si les pensions de retraite allaient
être revalorisées de 1,2 % en 1999, les prestations
familiales ne le seraient quant à elles que de 0,71 %. Le
Gouvernement avait en effet choisi, pour la deuxième année
consécutive, d'opérer, sur l'évolution de la base
mensuelle des allocations familiales (BMAF) qui conditionne la progression de
la plupart des prestations familiales, le rattrapage négatif de
0,5 % qu'il s'était refusé à appliquer aux pensions
de retraite.
Votre commission constate que le Gouvernement a choisi cette année un
taux de revalorisation des pensions plus raisonnable. Elle a la satisfaction de
constater qu'en 2000 les retraités et les familles
bénéficieront des mêmes conditions, soit une revalorisation
de 0,5 % intégrant une " coup de pouce " de 0,3 %.
2. La prorogation pour un an de l'interdiction du cumul emploi-retraite
Pour
la deuxième année consécutive, le projet de loi de
financement de la sécurité sociale comporte une mesure prorogeant
d'une année les dispositions limitant le cumul emploi-retraite
.
L'article 12 du projet de loi proroge ainsi ces dispositions jusqu'au
31 décembre 2000.
Dans l'exposé des motifs de cet article, le Gouvernement justifie cette
prorogation d'un an par les situations respectives du marché de l'emploi
et de la branche vieillesse. La non-reconduction du dispositif institué
en 1982 reviendrait en effet à autoriser le cumul sans limitation d'un
emploi et d'une retraite, ce qui serait, selon l'exposé des motifs du
projet de loi, préjudiciable à l'emploi et source de
dépenses nouvelles pour la branche vieillesse.
En outre le Gouvernement précise dans l'exposé des motifs
qu'
" un aménagement éventuel des règles
nécessite une réflexion approfondie. Une mission en ce sens a
été confiée à M. Dominique Balmary, conseiller
d'Etat, le 30 juillet 1999, par la ministre de l'emploi et de la
solidarité, le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, le ministre de la fonction publique, de la réforme de
l'Etat et de la décentralisation et le secrétaire d'Etat au
budget. "
Votre rapporteur souhaite rappeler à cette occasion que le Gouvernement
précisait déjà dans l'exposé des motifs de
l'article 30 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, qui allait devenir l'article 39 de la loi et qui prorogeait
les dispositions limitant le cumul emploi-retraite jusqu'au 31 décembre
1999, que "
ce délai d'un an permettra de procéder
à une étude spécifique sur les dispositions
régissant le cumul d'un emploi et d'une retraite dans le cadre de
l'analyse confiée au Commissaire général du Plan sur la
situation de l'ensemble des régimes de retraite, dont les conclusions
doivent être déposées avant le 31 mars 1999
".
Votre rapporteur observe que ce délai d'un an supplémentaire
accordé par la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999 n'a manifestement pas suffi au Gouvernement pour se forger une
opinion sur l'utilité réelle de ce dispositif. La reconduction de
ce dernier jusqu'au 31 décembre 2000, proposé par le
présent article, témoigne à l'évidence de
l'embarras du Gouvernement sur cette question.
Votre rapporteur n'est pas insensible aux arguments avancés par le
Gouvernement. Il relève cependant que les exceptions aux limites du
cumul emploi-retraite sont aujourd'hui nombreuses et que l'impact réel
qu'aurait la suppression de ces dispositions n'est pas clairement établi.
Le dispositif régissant le cumul emploi-retraite apparaît en effet
limité et peu contraignant. Il laisse la place, sans aucune limite :
- au cumul de n'importe quelle activité avec une pension
liquidée avant 60 ans : c'est notamment le cas dans les
régimes spéciaux, principaux " exclus " du disposition
de cumul emploi-retraite ;
- au cumul de n'importe quelle retraite avec une activité
professionnelle nouvelle ou un employeur différent ;
- le niveau de ressources ou de revenus disponibles demeure, dans les
régimes de base, un critère d'autorisation ou d'interdiction de
cumul d'un emploi et d'une retraite à peu près inexistant.
En outre, le système est complexe en raison du foisonnement des
situations dérogatoires, de la multiplication des situations de
polyactivité mettant en cause plusieurs régimes de retraite aux
âges d'accession à la retraite différents.
Enfin, comme l'a montré l'annexe II du rapport
L'avenir de nos
retraites
, ses incidences sur l'emploi apparaissent limitées.
Votre rapporteur espère que la nouvelle étude qui a
été demandée par le Gouvernement permettra d'apporter des
éléments décisifs sur cette question complexe.
C. LE FONDS DE SOLIDARITÉ VIEILLESSE (FSV) FRAGILISÉ
1. Une forte diminution des ressources affectées
L'article 2 du projet de loi comporte désormais un
paragraphe
additionnel I bis (nouveau), inséré par l'Assemblée
nationale, baissant à compter du 1
er
janvier 2000 le taux de
la fraction des droits sur les alcools mentionnés à l'article 403
du code général des impôts (dits " droits 403 ")
affectée au FSV de 55 % à 8 %.
Parallèlement, cette fraction de 47 % des " droits 403 "
est affectée par ledit article au " fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales ".
Ces droits qui avaient été transférés
intégralement au FSV au moment de sa création par la loi du 22
juillet 1993 ont connu depuis une affectation à géométrie
variable.
L'affectation des " droits 403 " sur les alcools
|
Loi de juillet 1993 |
LFSS 1997 |
Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU |
PLFSS 2000 |
FSV |
100 % |
60 % |
55 % |
8 % |
Régimes d'assurance maladie |
|
40 % |
40 % |
|
CNAMTS |
|
|
5 % |
45 % |
Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales |
|
|
|
47 % |
Total |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
Depuis
la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création de la
couverture maladie universelle, ces droits étaient répartis entre
le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) (55 %), la CNAMTS
(5 %) et les régimes d'assurance maladie (40 %).
La nouvelle répartition prévue par le présent projet de
loi n'affecte plus que 8 % de ces droits au FSV.
La perte de recettes pour le FSV est évaluée à 5,6
milliards de francs, soit l'équivalent de la contribution à la
charge du régime général initialement envisagée par
le Gouvernement.
Le FSV se voit dès lors fragilisé.
Il devait être
excédentaire de 8,5 milliards de francs en 2000 ;
l'excédent sera désormais de moins de 3 milliards de francs.
L'analyse de ses comptes révèle en outre que le FSV ne sera
excédentaire en 2000 que parce qu'il percevra l'excédent du
compte de la C3S au titre de l'année 1999, soit 4,2 milliards de francs.
Si le compte de la C3S dégageait un moindre excédent dans les
prochaines années et si la conjoncture s'avérait moins favorable,
l'équilibre du FSV pourrait par conséquent être
menacé.
La loi de financement de la sécurité sociale avait
prévu d'affecter une partie des excédents du FSV au fonds de
réserve pour les retraites. Cette possibilité existe toujours
juridiquement ; elle devient cependant virtuelle, les excédents
futurs de FSV devenant plus hypothétiques.
Le Gouvernement a, il est vrai, choisi un moyen d'alimentation plus directe
pour le fonds de réserve pour les retraites : la ponction sur les
recettes affectées à la sécurité sociale.
En privilégiant le financement des allégements des charges et
la réduction du temps de travail au financement futur des retraites, le
Gouvernement contredit lui-même sa
priorité
de
" sauvegarder les régimes de retraite par
répartition "
par l'intermédiaire du fonds de
réserve.
2. Un avenir menacé ?
Le plan
de financement des " 35 heures " révélant à
terme un " trou " d'une vingtaine de milliards de francs, la
tentation sera grande pour le Gouvernement - qui a d'ailleurs
déjà ouvertement évoqué cette possibilité -
d'ôter au FSV les 8 % restants des " droits 403 ", ce qui
lui ferait perdre près d'un milliard de francs supplémentaires,
voire la totalité des autres droits sur les boissons dont il
bénéficie, ce qui le priverait alors de 5,6 milliards de francs
supplémentaires.
L'équilibre du FSV serait alors durablement compromis.
Votre rapporteur, qui est aussi Président du comité de
surveillance du FSV, regrette solennellement que le Gouvernement ait choisi, en
diminuant le montant des ressources affectées au FSV, de fragiliser cet
organisme dont le rôle est désormais essentiel dans le financement
de la protection sociale.
Il exprime sa crainte que cette mesure ne soit que le prélude à
d'autres ponctions destinées à financer la réduction du
temps de travail.
Il souhaite instamment que le Gouvernement s'engage à assurer la
pérennité des ressources affectées au FSV et garantisse
ainsi l'équilibre futur de ce fonds.
D. UN FONDS DE RÉSERVE ALIBI
1. La constitution de réserves dans les régimes par répartition : réflexions théoriques et expériences étrangères
L'économiste Laurent Vernière a consacré
une
récente étude à la question d'un fonds de réserve
pour les retraites
6(
*
)
, étude que nous
reprenons très largement ici.
Il constate que
de nombreux pays ont déjà organisé
l'accumulation de réserves collectives capitalisées au sein de
leurs régimes de retraite par répartition.
Les Etats-Unis, le
Canada et le Japon présentent à ce sujet des expériences
différentes quant aux objectifs assignés au fonds de
réserve, sa gestion financière, le calendrier et les
circonstances de l'utilisation des réserves collectées. Il y a
néanmoins deux points communs qui caractérisent ces
expériences.
En premier lieu, ces pays ont adopté depuis longtemps
le principe
d'un examen régulier des perspectives de leurs régimes de
retraite sur la base de projections financières à long terme
réalisées et publiées le plus souvent annuellement.
Ces travaux ont pour but d'examiner les conditions de l'équilibre
actuariel des régimes et l'adéquation des paramètres
choisis (taux de cotisation, règles de liquidation et d'indexation des
pensions, etc.)
En second lieu,
les réserves accumulées résultent
toujours d'un effort de surcotisation demandé aux actifs,
effort
d'autant mieux accepté qu'il est modéré et qu'il a lieu
lors de périodes favorables sur le plan démographique et
économique. La surcotisation est une forme d'épargne retraite non
individualisée qui permet de préfinancer collectivement une
partie des droits futurs à la retraite, en investissant l'épargne
accumulée dans des actifs financiers qui permettront de
transférer dans le futur les revenus nécessaires au financement
de ces droits.
Le montant des réserves accumulées dépend de
paramètres techniques tels que le taux et la durée de
surcotisation mais également, en amont, des objectifs assignés au
fonds de réserve. Trois types d'objectifs peuvent être
visés :
- le fonds de réserve est utilisé comme épargne de
précaution afin d'atténuer les à-coups du cycle
économique sur les soldes financiers.
Les réserves sont
équivalentes à de la trésorerie destinée à
couvrir les besoins de financement temporaires en période de basse
conjoncture. Cela suppose que le régime de retraite est
équilibré sur longue période ;
-
les réserves collectives d'un régime par
répartition sont accumulées puis utilisées pour lisser sur
une longue période l'évolution des taux de cotisation. C'est le
principe d'un fonds de lissage
. Le transfert d'épargne par
l'intermédiaire des réserves collectives capitalisées est
un moyen de préfinancer une fraction des charges et, en
conséquence, d'atténuer l'ampleur des hausses de cotisations
pesant sur certaines générations de cotisants. Avec
l'arrivée à l'âge de la retraite des
générations du baby-boom, les taux de cotisation retraite
devraient enregistrer en répartition pure, en l'absence de toute
réforme, de fortes hausses qui absorberont une part importante des gains
de pouvoir d'achat des salaires des actifs appartenant à des
générations creuses. Cette situation risque, d'une part, de
provoquer un " refus de cotiser " parce que les hausses brutales de
taux de cotisation apparaîtraient comme un prélèvement pur
sans lien avec les promesses de pension
7(
*
)
,
d'autre part, de conduire à des iniquités au regard du rendement
implicite offert par le régime aux générations
successives. Les Etats-Unis ont adopté cette démarche à
partir de 1983 ;
-
les réserves sont accumulées pour constituer un
patrimoine de rapport permettant au régime par répartition de
compléter ses recettes courantes, tirées des cotisations
sociales, par les produits financiers encaissés.
C'est le
principe d'un fonds permanent
. Lorsque les taux d'intérêt
à long terme sont plus élevés que le taux de croissance de
la masse salariale, un fonds de réserve important est similaire à
un " troisième financeur " des pensions, à
côté des employeurs et des salariés. C'est la voie qui
semble être suivie par le Canada après la réforme du
régime des pensions en 1997.
Les trois objectifs diffèrent essentiellement par la taille du fonds de
réserve qui sera effectivement accumulé mais seuls les deux
derniers s'inscrivent dans un cadre de régulation à très
long terme des régimes de retraite.
La création du fonds de réserve en France semble retenir en
priorité la fonction de lissage des taux de cotisation, le
préfinancement devant alléger les charges qui pèseront sur
les actifs à partir de 2005.
Pour essayer d'évaluer le montant du fonds de réserve en fonction
de différentes cibles, Laurent Vernière a simulé
différentes politiques de surcotisation et d'abondement du fonds,
à l'aide d'une maquette fondée sur un programme d'optimisation
cherchant à minimiser les augmentations successives de taux de
cotisation.
•
Le fonds de réserve et la fonction de lissage des
taux de cotisation
La logique d'un fonds de réserve dans un régime de retraite par
répartition est de fournir une fonction d'assurance contre le risque
démographique.
Le risque démographique est caractérisé par la
détérioration brutale des indicateurs démographiques
à partir de 2005 lorsque les premières générations
nombreuses du baby-boom arriveront à l'âge de la retraite.
Pour
éviter ce " choc " qui se traduirait, dans un régime en
répartition pure, par une augmentation brutale et continue des taux de
cotisation qui risque d'avoir des effets négatifs sur les performances
de l'économie et le niveau de vie des actifs, une épargne
collective est accumulée préalablement au moment où la
situation démographique et économique est favorable, et
utilisée pour ensuite financer une partie des engagements du
régime
. Il y a en conséquence un préfinancement des
charges par une épargne collective investie dans des actifs financiers,
support pour transférer des revenus dans le futur.
Ce mécanisme revient à chercher une programmation des variations
de taux de cotisation de sorte que, dans un premier temps, une surcotisation
temporaire permet d'accumuler des réserves pour, dans un second temps,
diminuer le taux de cotisation par rapport à celui de la
répartition pure.
On obtient ainsi une évolution
régulière et programmée des taux de cotisation. Cependant
cette opération de lissage des taux de cotisation ne constitue pas et ne
se substitue pas à une réforme du régime de retraite
lorsque celui-ci n'est pas actuariellement équilibré. C'est une
politique d'accompagnement destinée à atténuer le choc de
ruptures brutales qu'impliquerait le maintien de la répartition pure.
La recherche d'une évolution lissée du taux de cotisation
retraite, c'est-à-dire la minimisation des variations successives du
taux, est l'objectif et la constitution d'un fonds de réserve est
l'instrument de ce lissage.
Un fonds de réserve peut être alimenté par deux
sources :
- une surcotisation temporaire : pendant la période
d'accumulation des réserves, les cotisations sont appelées
à un taux supérieur à celui de la répartition
pure ;
- un abondement extérieur, c'est-à-dire l'affectation
d'apports financiers externes au régime de retraite.
La taille du fonds de réserve va varier au cours du temps et
dépendre de plusieurs paramètres :
- la longueur de la période pendant laquelle la procédure de
lissage est mise en oeuvre. Au terme de cette période, deux situations
peuvent se présenter : soit le taux de cotisation rejoint le taux
de cotisation de la répartition pure après épuisement du
fonds de réserve, soit il est fixé à un niveau
inférieur au taux de la répartition pure avec un fonds de
réserve positif produisant des revenus financiers qui complètent
les recettes du régime,
- le montant des abondements externes durant toute la période de
lissage,
- le taux de surcotisation temporaire pendant la phase d'accumulation des
réserves,
- le taux de rendement des actifs financiers dans lesquels les
réserves sont investies.
Les trois premiers paramètres peuvent être
considérés comme des variables exogènes dans les mains du
décideur qui pourra les choisir en fonction des cibles qu'il vise :
la durée du lissage et le montant du fonds de réserve au terme du
lissage. Cette notion de cibles est importante car elle permet, d'une part, de
structurer la politique de retraite pour les 20 ou 30 années
à venir et, d'autre part, de fixer le taux de cotisation souhaité.
Le fonds de réserve créé par l'article 2 de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 serait
utilisé pour consolider le régime général (la
CNAVTS) et les régimes alignés (Organic, Cancava, salariés
agricoles).
Compte tenu des masses financières en jeu dans chaque
régime
8(
*
)
, Laurent Vernière a
choisi de réaliser les simulations du fonds de réserve à
partir des projections de la seule CNAVTS qui est le principal
régime
9(
*
)
.
La simulation est réalisée
à législation
inchangée, en lissant le taux de cotisation apparent
10(
*
)
nécessaire pour financer les pensions.
Le graphique suivant retrace l'évolution entre 1999 et 2040 du taux de
cotisation apparent nécessaire pour financer les pensions versées
par la CNAV tel qu'il résulte des exercices de projection menés
dans le cadre de la Mission de concertation sur les retraites. On observe que
ce taux devrait décroître entre 1999 et 2003 compte tenu du
dynamisme de la masse salariale et de la moindre progression des pensions
versées avant l'arrivée à l'âge de la retraite des
premières générations du baby-boom.
Taux
de cotisation apparent (en points)
Entre
2004 et 2035, le taux de cotisation apparent devrait croître de plus de
10 points puis enregistrer un ralentissement de sa progression jusqu'en
2040
.
L'examen du graphique montre que le fonds de réserve va
dépendre des cibles que se fixeront les pouvoirs publics. Deux cibles au
moins doivent être explicitées pour calibrer la programmation des
taux de cotisation et l'évolution du fonds de réserve :
- la longueur de période durant laquelle il est souhaitable de
lisser le taux de cotisation ;
- le taux de cotisation qu'il serait souhaitable d'atteindre au terme de
la période de lissage ou alternativement le niveau du fonds de
réserve en fin de période de lissage.
•
Les différents scénarios de constitution et
d'utilisation du fonds de réserve.
Les principales hypothèses concernant les simulations et les variables
exogènes sont les suivantes :
- les simulations se déroulent au plus sur la période de
2000-2040, l'année 1999 étant considérée comme
l'année de démarrage du fonds de réserve avec une dotation
de 2 milliards de francs,
- le champ des simulations se rapporte au lissage du taux de cotisation
apparent (sous plafond) nécessaire pour financer les pensions
versées par la CNAVTS,
- les projections à l'horizon 2040 des pensions et de l'assiette
des cotisations (la masse salariale plafonnée) sont issues des travaux
pour la commission de concertation sur les retraites,
- le taux d'intérêt à long terme, c'est-à-dire
le rendement des actifs financiers dans lesquels seraient investies les
réserves, est supérieur d'un point au taux de croissance de la
masse salariale de l'économie sur toute la période de
projection,
11(
*
)
conformément à
l'hypothèse retenue pour les travaux de la commission de concertation
sur les retraites. C'est une hypothèse habituelle dans ce type
d'exercice,
- les pouvoirs publics choisissent le taux de surcotisation de
l'année 2000 et le programme d'optimisation détermine
simultanément le taux de cotisation lissé et l'évolution
du fonds de réserve, compte tenu de l'hypothèse retenue pour le
niveau du fonds en fin de période,
- conventionnellement, un abondement extérieur annuel, lorsqu'il
est versé, l'est à la date du 1
er
janvier et produit
des intérêts pour l'année en cours. On fait
également l'hypothèse, faute d'informations, que le taux de
cotisation de la répartition pure pour l'année 2041 est identique
à celui de l'année 2040. Les données monétaires
sont exprimées en francs constants de l'année 1998.
Dans un premier temps, un premier scénario de référence de
lissage du taux de cotisation est simulé, suivi de quatre variantes
portant sur le taux de surcotisation initial, le versement d'un abondement
extérieur, le niveau du rendement financier du fonds, la durée de
la période de lissage. Ces scénarios, notés de 1 à
5, permettent de fixer des ordres de grandeur et d'examiner la
sensibilité des résultats à la variation des variables
exogènes.
Dans un second temps, on s'intéresse au choix du niveau du fonds de
réserve en fin de période de lissage compatible avec un taux de
cotisation stable et inférieur au taux de la répartition pure.
•
Les cinq premiers différents scénarios de
lissage du taux de cotisation avec épuisement du fonds de réserve
en fin de période.
-
Le scénario 1
de référence :
surcotisation de 0,5 point en 2000, épuisement du fonds de
réserve en 2040, aucun abondement extérieur.
Dans ce cas, la période de surcotisation durerait 18 années, de
2000 à 2017. A partir de 2018 et jusqu'en 2040, le taux de cotisation
lissé serait inférieur au taux de cotisation apparent de la
répartition pure.
Le fonds de réserve atteindrait son maximum
en 2020, où il comptabiliserait 470,3 millions de francs de 1998
(3,7 points de PIB).
On observe que le taux de surcotisation serait croissant de 2000 à 2005,
année où l'écart par rapport au taux de la
répartition pure serait maximal (+ 1,76 point), puis diminuerait
régulièrement jusqu'en 2017. A partir de 2018, la diminution du
taux de cotisation par rapport au taux de la répartition pure serait
maximale en 2034 (- 1,36 point).
Mesuré en années de
prestations, le fonds de réserve atteindrait son maximum en 2015 avec
l'équivalent de 9 mois de prestations en réserves.
-
Le scénario 2
: surcotisation de + 1 point en 2000,
épuisement du fonds en 2040, aucun abondement extérieur.
La période de surcotisation s'étend de 2000 à 2015 et
le fonds de réserve atteint son maximum en 2019 avec 542 millions
de francs de 1998 (4,3 points de PIB).
La surcotisation maximale est
appelée en 2005 (+ 2,0 points par rapport au taux de la
répartition pure). Après 2015, la diminution du taux de
cotisation serait maximale en 2032 (- 1,32 point). Les variations annuelles du
taux lissé sont croissantes de + 0,13 point en 2001 à +
0,35 point en 2040.
Le fonds de réserve exprimé en
années de prestations atteindrait son maximum en 2014 avec 11 mois de
prestations.
La comparaison des deux scénarios montre qu'un taux de surcotisation
initial plus élevé conduit à des économies de
cotisations plus importantes ultérieurement.
-
Le scénario 3
: scénario 1 + abondement
extérieur annuel de 10 milliards de francs de 2000 à 2010.
A l'instar de l'abondement de 2 milliards de francs déjà
décidé pour 1999, on fait l'hypothèse que les pouvoirs
publics peuvent affecter au fonds de réserve l'équivalent d'une
dotation budgétaire annuelle de 10 millions de francs de l'année
2000 à l'année 2010.
Par rapport aux scénarios précédents, la période
de surcotisation est plus courte et s'étend de 2000 à 2014. Le
fonds de réserve atteint son maximum en 2019 avec 548,7 millions de
francs (4,4 points de PIB).
La surcotisation maximale est appelée en
2005 (+ 1 ,66 point par rapport au taux de la répartition pure,
soit 0,1 point de moins que dans le scénario 1). Après 2014, la
diminution du taux de cotisation serait maximale en 2032 avec - 1,5 point
par rapport au taux de la répartition pure (soit - 0,14 point
de plus par rapport au scénario 1).
Le fonds de réserve
exprimé en années de prestations atteindrait son maximum en 2013
avec plus de 11 mois de réserves
.
-
Le scénario 4
: scénario 1 et un taux
d'intérêt à long terme supérieur de
+ 1 point de 2000 à 2010.
Cette variante du scénario 1 permet de tester la sensibilité des
résultats à une modification du rendement financier obtenu par le
fonds dans le placement des réserves accumulées. On suppose que
le rendement financier est plus élevé d'un point de 2000 à
2010.
On observe que les résultats sont peu modifiés par rapport au
scénario 1.
La période de surcotisation s'étend de 2000
à 2016 et le fonds de réserve atteint son maximum en 2020 avec
478,9 millions de francs de 1998 (3,8 points de PIB),
soit
+ 8,6 millions de francs par rapport au scénario 1. Le taux de
surcotisation est à son maximum en 2005 avec + 1,75 point et,
après 2016, la réduction du taux de cotisation par rapport
à la répartition pure est maximale en 2033 avec - 1,33 point.
-
Le scénario 5
: lissage sur la période
2000-2035, + 0,5 point de surcotisation en 2000, épuisement du
fonds de réserve en 2035.
La période de surcotisation s'étend de 2000 à 2012 et
le fonds de réserve atteint son maximum en 2015 avec 298,8 millions de
francs de 1998 (2,5 points de PIB).
Le taux de surcotisation atteint son
maximum en 2005 avec + 1,47 point et après 2012, la
réduction du taux par rapport à la répartition pure est
maximale en 2025 avec - 0,89 point. Les variations annuelles du taux de
cotisation lissé sont croissantes de + 0,11 point en 2001 à
+ 0,42 point en 2040.
Le tableau récapitulatif suivant permet de visualiser l'ensemble des
résultats des cinq premiers scénarios.
Principaux résultats des cinq scénarios
|
scénario 1 |
scénario 2 |
scénario 3 |
scénario 4 |
scénario 5 |
Taux de surcotisation en 2000 |
0,5 point |
1 point |
0,5 point |
0,5 point |
0,5 point |
Période de lissage |
2000-2040 |
2000-2040 |
2000-2040 |
2000-2040 |
2000-2035 |
Abondement extérieur |
0 |
0 |
10 Mdf (1) |
0 |
0 |
Rendement financier |
|
|
|
+ 1 point (2) |
|
Période de surcotisation |
200-2017 |
2000-2015 |
2000-2014 |
2000-2016 |
2000-2012 |
Fonds de réserve maximum |
470,3 Mdf |
542 Mdf |
548,7 Mdf |
478,9 Mdf |
298,8 Mdf |
Année où le fonds est maximum |
2020 |
2019 |
2019 |
2020 |
2015 |
Fonds maximum en mois de prestations |
9 mois |
11 mois |
11 mois |
8,5 mois |
6,5 mois |
Taux de surcotisation maximum (3) |
+ 1,77 point |
+ 2,0 points |
+ 1,66 point |
+ 1,75 point |
+ 1,47 point |
Année où le taux est maximum |
2005 |
2005 |
2005 |
2005 |
2005 |
Réduction maximale du taux lissé (3) |
- 1,36 point |
- 1,51 point |
- 1,50 point |
- 1,37 point |
- 0,89 point |
Année de la réduction maximale |
2034 |
2032 |
2032 |
2033 |
2025 |
(1)
De 2000 à 2010
(2)
De 2000 à 2010
(3)
Par rapport au taux de la répartition pure.
On remarque que, quels que soient les scénarios, le fonds de
réserve ne dépasse pas, à son maximum, une année de
prestations et il est épuisé à la fin de la période
de lissage.
Ce résultat peut ne pas être satisfaisant ni souhaité. On
peut faire l'hypothèse qu'après 2035-2040, l'ensemble des
générations du baby-boom seront à la retraite, de telle
sorte que les indicateurs socio-démographiques (tel que le taux de
dépendance) seront certes dégradés mais stables. Dans ces
circonstances, il pourrait être judicieux de disposer d'un fonds de
réserve procurant au régime de retraite des recettes
financières d'un montant suffisant pour stabiliser durablement le taux
de cotisation à un niveau inférieur au taux de la
répartition pure.
•
Scénarios avec un fonds de réserve positif en
fin de période de lissage et un taux de cotisation inférieur au
taux de répartition pure
Deux cibles sont simultanément visées : le niveau du fonds
de réserve en fin de période de lissage et un taux de cotisation
inférieur au taux de la répartition pure et stable sur longue
période.
Faire jouer au fonds de réserve le rôle de " troisième
financeur " des régimes de retraite signifie que les gestionnaires
souhaitent bénéficier des rendements financiers plus
élevés que le rythme de croissance de la masse salariale pour
baisser significativement le taux de cotisation.
Les gestionnaires des régimes se trouvent devant des arbitrages
difficiles. Pour accumuler un fonds de réserve d'un niveau suffisant
pour diminuer le taux de cotisation de façon permanente, il est
nécessaire au préalable de surcotiser temporairement pendant une
période suffisamment longue, avec des taux de surcotisation qui peuvent
être élevés.
Il est probable que les
générations qui surcotiseront ne seront pas les mêmes que
celles qui bénéficieront de la baisse des taux de cotisations.
Ces dernières, par contre, pourraient bénéficier de
taux de cotisation plus faibles pendant une période très longue,
après le passage à la retraite des générations du
baby-boom.
Il y a donc un arbitrage intergénérationnel
difficile entre les cotisants d'aujourd'hui et les cotisants de demain.
Le
Canada semble avoir arbitré, à l'occasion de la réforme du
RPC, en faveur des futurs cotisants, c'est-à-dire les enfants et
petits-enfants des générations du baby-boom.
Deux scénarios ont été construits pour examiner la
faisabilité d'une telle politique :
-
Le scénario 6
: taux de surcotisation initial de
+ 0,5 point en 2000, lissage des taux jusqu'en 2040 qui se termine avec un
fonds de réserve égal à la masse salariale de
l'année 2040 (21,2 points de PIB).
Compte tenu d'une hypothèse de taux moyen de rendement financier des
réserves de 2,5 % par an, ce scénario induit que le taux de
cotisation après 2040 serait inférieur de 2,5 points au taux de
la répartition pure. Cela signifie que le taux lissé ne rejoint
pas le taux de la répartition pure.
Ce scénario rend bien compte des arbitrages qui devraient être
rendus :
- la période de surcotisation durerait jusqu'en 2031,
c'est-à-dire que les générations creuses de cotisants
après 2010 supporteraient pleinement la charge de la constitution d'un
fonds de réserve important en fin de période de lissage, alors
même qu'à législation inchangée, le taux de
cotisation devrait croître fortement,
- le taux de surcotisation serait de 3 et 4 points pendant près de
15 ans entre 2004 et 2020. Le taux de cotisation lissé passerait
par un maximum en 2031 puis diminuerait lentement pour se stabiliser à
un niveau inférieur d'environ 2,5 points par rapport au taux de la
répartition pure. Les bénéficiaires de cet effort de
surcotisation seraient les générations actives après 2031,
- le fonds de réserve représenterait en 2040 près de
3,3 années de prestations.
Une telle politique apparaîtrait particulièrement difficile
à mettre en oeuvre puisque l'effort de surcotisation serait
principalement réalisé par les générations dont on
souhaite a priori, via le fonds de réserve, alléger le coût
du financement des retraites.
Toutefois, cette appréciation devrait
être nuancée si la législation restait inchangée
dans le futur. En effet, en l'absence de toute réforme, les
générations actives après 2040 seraient toujours dans une
situation plus défavorable vis-à-vis du coût des retraites
que les générations antérieures, et en particulier
vis-à-vis des générations actives entre 2010 et 2020. Il
ne serait donc pas injustifié de " léguer " à
ces générations un fonds de réserve pour leur permettre de
diminuer ce coût.
Le scénario 6 montre également le rôle
prépondérant joué par le rendement financier du fonds de
réserve et donc l'intérêt d'une gestion financière
active de ce fonds. Toute augmentation durable de la performance
financière est rétrocédée aux cotisants sous la
forme soit d'une surcotisation plus faible, soit d'une plus forte diminution du
taux de cotisation en dessous du taux de la répartition pure. C'est la
démarche retenue par le Canada qui a créé, à
l'occasion de la réforme de 1997, un Office d'investissement
auprès du régime des pensions du Canada, organe chargé de
diversifier les placements des réserves afin d'en maximiser le
rendement.
-
Le scénario 7
examine l'impact d'un taux de rendement
financier plus élevé des réserves.
On fait l'hypothèse que le taux de rendement financier des
réserves est plus élevé d'un point sur la période
2000-2040 par rapport au scénario de référence. En fin de
période, le rendement financier moyen serait de 3,5 % par an. Ce
scénario est simulé avec un taux de surcotisation initial en 2000
de + 0,5 point et un niveau du fonds de réserve égal
à 60 % de la masse salariale en 2040 (12,7 points de PIB),
soit l'équivalent de 2 années de prestations. Avec ces
hypothèses, le taux de cotisation après 2040 pourrait être
inférieur de 2,1 points par rapport au taux de la
répartition pure.
Ce scénario est légèrement plus favorable que le
précédent :
- la période de surcotisation durerait jusqu'en 2026, avec un
taux de surcotisation dépassant 2 points de 2003 à 2013 et un
maximum de 2,8 points. Dès 2035, le taux de cotisation serait
inférieur de 2 points par rapport au taux de la répartition pure,
- le fonds de réserve en fin de période de lissage
représenterait près de deux années de prestations ce qui,
compte tenu d'un rendement annuel moyen de 3,5 %, permettrait de financer
7 % des pensions versées annuellement. C'est la
" contribution " du troisième financeur.
Fonds de réserve (en milliards de francs de 1998)
(en gras, année où le fonds est maximal)
|
Scénario 1 |
Scénario 2 |
Scénario 3 |
Scénario 4 |
Scénario 5 |
Scénario 6 |
Scénario 7 |
1999 |
2,0 |
2,0 |
2,0 |
2,0 |
2,0 |
2,0 |
2,0 |
2000 |
11,2 |
20,3 |
21,5 |
11,2 |
11,2 |
11,2 |
11,2 |
2001 |
28,1 |
45,9 |
48,7 |
28,1 |
26,8 |
35,9 |
32,5 |
2002 |
51,9 |
78,0 |
82,8 |
52,1 |
47,9 |
75,5 |
65,3 |
2003 |
82,5 |
116,4 |
123,5 |
83,0 |
74,5 |
130,2 |
109,8 |
2004 |
118,8 |
160,1 |
170,0 |
119,9 |
105,4 |
199,0 |
164,9 |
2005 |
159,3 |
207,1 |
220,0 |
161,3 |
139,4 |
279,8 |
228,9 |
2006 |
200,1 |
253,8 |
270,2 |
203,4 |
172,5 |
369,1 |
298,1 |
2007 |
239,0 |
298,1 |
318,4 |
244,0 |
202,7 |
464,3 |
370,3 |
2008 |
274,5 |
338,1 |
363,0 |
281,5 |
228,4 |
563,6 |
443,6 |
2009 |
306,4 |
374,1 |
404,0 |
316,0 |
249,7 |
666,9 |
517,9 |
2010 |
334,7 |
405,6 |
441,0 |
347,1 |
266,6 |
773,0 |
592,6 |
2011 |
359,7 |
433,3 |
464,4 |
371,9 |
279,6 |
882,8 |
668,2 |
2012 |
381,5 |
457,1 |
484,3 |
393,4 |
288,8 |
996,0 |
744,7 |
2013 |
400,6 |
477,7 |
501,1 |
412,2 |
295,0 |
1.112,9 |
822,3 |
2014 |
417,1 |
495,1 |
515,1 |
428,4 |
298,2 |
1.233,2 |
901,0 |
2015 |
431,0 |
509,2 |
526,0 |
441,9 |
298,8 |
1.355,9 |
980,1 |
2016 |
443,6 |
521,4 |
535,3 |
454,1 |
298,0 |
1.482,4 |
1.061,0 |
2017 |
454,7 |
531,7 |
542,9 |
464,8 |
295,9 |
1.612,2 |
1.143,4 |
2018 |
463,0 |
538,6 |
547,4 |
472,6 |
291,4 |
1.743,3 |
1.225,5 |
2019 |
468,3 |
542,0 |
548,7 |
477,5 |
284,4 |
1.875,1 |
1.306,9 |
2020 |
470,3 |
541,6 |
546,4 |
478,9 |
274,8 |
2.006,7 |
1.386,8 |
2021 |
469,5 |
538,2 |
541,3 |
477,7 |
263,5 |
2.138,2 |
1.465,7 |
2022 |
466,0 |
531,5 |
533,2 |
473,6 |
250,5 |
2.268,8 |
1.543,0 |
2023 |
458,7 |
520,7 |
521,2 |
465,7 |
235,0 |
2.396,8 |
1.617,4 |
2024 |
447,4 |
505,6 |
505,1 |
453,9 |
217,2 |
2.521,4 |
1.688,1 |
2025 |
431,7 |
486,0 |
484,7 |
437,7 |
196,9 |
2.641,6 |
1.754,5 |
2026 |
413,2 |
463,2 |
461,3 |
418,6 |
175,7 |
2.757,9 |
1.817,4 |
2027 |
391,5 |
437,1 |
434,8 |
396,3 |
153,8 |
2.869,4 |
1.876,3 |
2028 |
366,5 |
407,6 |
405,0 |
370,8 |
131,3 |
2.975,1 |
1.930,3 |
2029 |
338,1 |
374,6 |
371,8 |
341,9 |
108,3 |
3.073,9 |
1.978,8 |
2030 |
306,0 |
337,8 |
335,1 |
309,2 |
84,7 |
3.164,7 |
2.020,9 |
2031 |
272,3 |
299,6 |
297,0 |
275,0 |
63,2 |
3.248,6 |
2.058,3 |
2032 |
236,1 |
258,9 |
256,5 |
238,3 |
43,1 |
3.323,6 |
2.089,3 |
2033 |
198,1 |
216,7 |
214,6 |
200,0 |
25,4 |
3.389,6 |
2.114,0 |
2034 |
158,4 |
173,0 |
171,2 |
159,8 |
10,7 |
3.445,2 |
2.131,8 |
2035 |
117,8 |
128,7 |
127,2 |
118,8 |
0,0 |
3.490,3 |
2.142,7 |
2036 |
82,3 |
89,9 |
88,9 |
83,1 |
0,0 |
3.529,7 |
2.152,0 |
2037 |
52,5 |
57,2 |
56,5 |
52,9 |
0,0 |
3.562,3 |
2.159,4 |
2038 |
28,7 |
31,1 |
30,8 |
28,9 |
0,0 |
3.587,3 |
2.164,6 |
2039 |
11,4 |
12,2 |
12,1 |
11,4 |
0,0 |
3.603,6 |
2.167,1 |
2040 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
3.609,2 |
2.165,5 |
C'est à la lumière des enseignements de ces travaux théoriques et des expériences menées dans les pays étrangers que votre rapporteur portera un jugement sur le fonds de réserve créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
2. Le fonds de réserve créé par le Gouvernement : un instrument peu crédible
L'article 2 de la loi de financement de la
sécurité
sociale pour 1999 a créé, au sein du fonds de solidarité
vieillesse, un fonds de réserve pour les régimes d'assurance
vieillesse des salariés et des commerçants et artisans. Le champ
d'intervention de ce fonds est en effet limité aux régimes
concernés par la réforme de 1993, c'est-à-dire le
régime général, le régime de base des
salariés agricoles, l'ORGANIC et la CANCAVA.
Cet article prévoyait en outre l'alimentation du fonds de réserve
par une fraction fixée par arrêté des ministres
chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du
produit de la contribution sociale de solidarité des
sociétés (C3S) après affectation, conformément
à l'article L. 651-2 du code de la sécurité sociale, du
produit de cette contribution au régime d'assurance maladie des
travailleurs non salariés des professions non agricoles et des
régimes d'assurance vieillesse des professions indépendantes
(artisanales, industrielles et commerciales, libérales et agricoles) au
prorata et dans la limite de leurs déficits comptables. Selon les
prévisions annexées au projet de loi de financement pour 1999,
sur les 5,6 milliards de francs de C3S que percevrait le FSV au titre de
l'année 1999, 2 milliards seraient versés au fonds de
réserve.
La loi prévoyait enfin que le fonds serait abondé par tout ou
partie des excédents de la première section du FSV, dans les
conditions fixées par des arrêtés des ministres
chargés de la sécurité sociale et du budget ainsi que par
"
toute ressource qui lui serait affectée en vertu de
dispositions législatives
".
Lors du débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, le Sénat, à
l'initiative de votre commission des Affaires sociales, n'avait pas
rejeté le principe d'un tel fonds de réserve. Il avait cependant
souligné que la constitution d'un fonds de réserve n'a
véritablement de sens que si un certain nombre de conditions sont
effectivement respectées.
•
La constitution d'un fonds de réserve suppose que
les pouvoirs publics mènent effectivement une politique de retraite dans
une perspective à long terme.
Il faut en effet programmer l'accumulation puis l'utilisation des
réserves et, en conséquence, fixer un calendrier des taux de
cotisation sur une période suffisamment longue. Cette démarche ne
peut être acceptée que si les projections financières
à long terme des régimes de retraite sont
régulièrement établies et discutées afin de
clairement expliciter les engagements des différentes cohortes
.
Introduire des réserves capitalisées revient en effet à
rendre explicite le contrat qui lie les différentes
générations par l'intermédiaire de la technique de la
répartition, et plus particulièrement les
générations futures puisque les réserves sont
accumulées pour alléger le coût des retraites qu'elles
subiront. La mise en place d'un fonds de réserve devrait s'accompagner
rapidement de la création d'une instance chargée d'examiner
à intervalles réguliers l'équilibre à long terme
des régimes de retraite bénéficiaires du fonds de
réserve.
Or, force est de constater que rien de tel n'est observable dans notre
pays : le présent projet de loi témoigne au contraire de
l'attentisme du Gouvernement, qui repousse toujours les nécessaires
réformes destinées à assurer l'équilibre à
long terme de notre système de retraite.
La politique du Gouvernement en matière de retraites consiste
essentiellement à piloter à vue, en évitant les obstacles
que pourraient constituer les prochaines échéance
électorales.
•
Ce fonds de réserve doit avoir une mission claire et
définie de manière préalable : lisser la hausse des
cotisations ou constituer un patrimoine de rapport dont les produits financiers
compléteraient les ressources des régimes par
répartition.
Aucun objectif n'a encore été assigné au fonds
créé par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999. Un décret paru au Journal officiel du 24 octobre
1999
12(
*
)
, a certes prévu les
modifications relatives au comité de surveillance du fonds. Mais la
finalité et les modalités de gestion du fonds de réserve
restent dans le flou le plus complet.
Il serait bon que le Gouvernement dise enfin quelle sera la finalité de
ce fonds. Ce préalable est indispensable dans la mesure où deux
cibles au moins doivent être explicitées pour calibrer la
programmation des taux de cotisation et l'évolution du fonds de
réserve :
- la longueur de période durant laquelle il est souhaitable de
lisser le taux de cotisation,
- le taux de cotisation qu'il serait souhaitable d'atteindre au terme de
la période de lissage ou alternativement le niveau du fonds de
réserve en fin de période de lissage.
La création du fonds de réserve en France semble retenir - de
manière inavouée - la fonction de lissage des taux de cotisation.
Comme l'a souligné M. Jean-Michel Charpin devant la commission des
Affaires sociales du Sénat (audition du 5 mai 1999), il est en
effet déjà trop tard pour envisager la création d'un fonds
permanent ;
seul un fonds de " lissage " apparaît
aujourd'hui réalisable.
•
Un fonds de lissage ne résout pas le problème
du financement futur des retraites : il ne peut que constituer une mesure
d'accompagnement de la réforme d'ensemble des retraites
Un fonds de lissage a pour objectif une évolution
régulière et programmée des taux de cotisation. Il ne fait
que réaménager le calendrier des hausses de taux de cotisation.
Cette opération de lissage des taux de cotisation ne constitue donc pas
et ne se substitue pas à une réforme des régimes de
retraite lorsque ceux-ci ne sont pas actuariellement équilibrés.
C'est une politique d'accompagnement destinée à atténuer
le choc de ruptures brutales qu'impliquerait le maintien de la
répartition pure.
L'examen des différents scénarios étudiés par
Laurent Vernière a montré que, en l'absence de réformes
destinées à maîtriser le coût des retraites, les
hausses de taux de cotisation nécessaires pour équilibrer les
comptes des régimes de retraite seront importantes (près de 11
points en 40 ans), ne laissant quasiment qu'une marge infime pour ajouter
une surcotisation temporaire.
Pour que le provisionnement partiel des engagements des régimes ait un
effet sensible sur le coût des retraites après 2020, il faut avoir
accumulé des réserves représentant au bout de 20 ans au
moins l'équivalent de 4 points de PIB.
Cet effort pourra être
d'autant mieux accompli et accepté si des réformes
allégeant le coût des retraite sont mises en oeuvre rapidement.
Cette situation vient en partie de la date tardive à laquelle la
décision a été prise de créer un fonds de
réserve. Il ne reste en effet que peu d'années avant
l'arrivée à l'âge de la retraite des premières
générations du baby-boom. Il en résulte que la
période de surcotisation s'étend au moins jusqu'en 2015. Les
pouvoirs publics sont en conséquence confrontés à un
arbitrage intergénérationnel s'ils souhaitent que le fonds de
réserve joue un rôle significatif dans le
réaménagement du calendrier des taux de cotisation. Il s'agit de
décider quelles générations supporteront le coût des
retraites après 2020.
•
La constitution d'un fonds de lissage exige des ressources
importantes et durables
Même si les sommes nécessaires sont nettement inférieures
à ce qu'exigerait un fonds permanent, la constitution d'un fonds de
lissage suppose néanmoins
l'accumulation de montants très
importants
: les simulations évoquées plus haut,
réalisées pour le seul régime général,
montrent que le fonds doit atteindre 400 à 500 milliards de francs
à l'horizon 2020. Des montants supérieurs seraient naturellement
nécessaires pour lisser les cotisations de l'ensemble des régimes.
La constitution d'un tel fonds suppose également des ressources
durables.
Près d'une année après sa création, le fonds de
réserve reste de ce point de vue parfaitement virtuel ; la seule trace
de son existence est une ligne sur les comptes du Fonds de solidarité
vieillesse (FSV), ligne qui n'est pas encore affectée
13(
*
)
.
Le fonds de réserve est encore vide
aujourd'hui.
Depuis cette date, le Gouvernement multiplie pourtant les effets d'annonce pour
tenter de donner un semblant d'existence à son fonds.
La piste de l'affectation des " excédents budgétaires "
a été mentionnée lors du débat surréaliste
de l'été 1999. C'était oublier un peu vite que le budget
de l'Etat connaît un déficit toujours très important, et
que des rentrées fiscales plus importantes que prévu n'ont jamais
constitué un " excédent budgétaire ".
L'article 10 du projet de loi prévoit quant à lui d'affecter les
excédents de la CNAVTS au fonds de réserve. En 2000, la somme de
2,9 milliards de francs serait ainsi versée au fonds, à
titre de provision pour l'excédent 1999.
Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
avait prévu que les excédents du FSV iraient alimenter le fonds
de réserve, le Gouvernement a finalement décidé d'amputer
sur les excédents du FSV en baissant ses recettes (partie des droits sur
les alcools) et de faire bénéficier le fonds de réserve
d'une fiscalité affectée, par l'intermédiaire de 49 % du
prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les
produits de placement, correspondant aux 5,5 milliards de francs que n'a pas
versé le régime général au financement des 35
heures.
Ce tour de passe-passe est véritablement inacceptable :
- il fait financer de manière directe le fonds de réserve
par toutes les branches de la sécurité sociale, y compris les
branches famille et maladie, au mépris du principe de séparation
des branches ;
- il prive ce faisant la CNAMTS d'une recette qui lui avait
été attribuée pour financer la CMU ;
- il contribue à faire financer de manière indirecte les
" 35 heures " par la sécurité sociale.
Cette affectation au fonds de réserve des ressources de la
sécurité sociale présente, pour votre rapporteur, le
caractère d'une surcotisation, surcotisation à laquelle le
Gouvernement était pourtant fermement opposé.
En effet, en prélevant de la sorte les excédents de la
sécurité sociale, le Gouvernement renonce à baisser les
cotisations et maintient les prélèvements sociaux à un
niveau plus élevé que ce qui était strictement
nécessaire pour assurer l'équilibre des différents
régimes.
Parallèlement, le Gouvernement racle " les fonds de tiroirs "
en mettant à contribution de manière ponctuelle les caisses
d'épargne ou la Caisse des dépôts.
L'article 26 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à
l'épargne et à la sécurité financière a
ainsi prévu le reversement,
" avant le 31 décembre
de chaque année, de 2000 à 2003 inclus "
, d'un total
d'environ 18 milliards de francs issus de la cession des parts des caisses
d'épargne.
Enfin, la Caisse des dépôts et Consignations a annoncé le
28 octobre 1999 son intention de verser 3 milliards de francs au fonds de
réserve.
Ce " don " de fin d'année appelle deux observations.
Il conduit d'abord à s'interroger sur les conditions dans lesquelles la
Caisse des dépôts et consignations, établissement public
placé sous la surveillance toute particulière du Parlement, peut
disposer librement de ses excédents, comme s'il s'agissait d'une
" cassette " personnelle. La destination " vertueuse " de
ce don ne change rien à cette question de principe.
La seconde observation porte précisément sur le caractère
" vertueux " de ce don. Sachant que la Caisse des dépôts
et consignations est candidate à la gestion du fonds de réserve,
cette libéralité peut-elle être considérée
comme la première enchère pour obtenir le
" marché " de la gestion de ce fonds ?
Au total, fin 2000, le fonds pourrait disposer de près de 20 milliards
de francs :
en millions de francs
Origine |
Montant |
Excédents C3S (1999) |
2.000 |
Excédents CNAVTS (1999 et 2000) |
4.000 |
Partie du prélèvement social de 2 % |
5.500 |
Caisses d'épargne |
4.000 |
Caisse des dépôts |
3.000 |
TOTAL |
18.500 |
Cette
agitation un peu désordonnée, cette politique au coup par coup,
révèlent l'absence totale de plan de financement à moyen
ou long terme pour le fonds de réserve.
Le Gouvernement s'efforce
à l'évidence de masquer une terrible réalité :
il ne sait pas comment alimenter durablement ce fonds.
•
La constitution d'un fonds exige de définir de
manière préalable les conditions de gestion financière de
ce fonds
Les simulations montrent le rôle prépondérant joué
par le rendement financier du fonds de réserve et donc
l'intérêt d'une gestion financière active de ce fonds. La
gestion financière du fonds de réserve devient une composante
essentielle de la politique de retraite et les performances financières
du fonds un atout supplémentaire pour alléger le coût des
retraites.
Il est par conséquent nécessaire d'assurer une gestion
professionnelle de ces réserves. A l'instar des fonds de pension
américains, il paraît nécessaire de déléguer
la gestion de ces fonds à des professionnels de la gestion
financière, indépendants des organismes de retraite.
Il
faudrait au préalable déterminer les orientations
stratégiques de cette gestion : poids des actions, des obligations
et de l'immobilier, degré de diversification internationale. Une telle
délégation réduirait le risque de " socialisation de
l'économie " que peut toujours faire peser un tel fonds de
réserve : il s'agit en particulier d'éviter que les pouvoirs
publics ne soient tentés d'utiliser ces réserves pour
contrôler certaines entreprises, ou les secourir financièrement.
Par définition, si ce fonds de réserve doit rechercher une plus
forte rentabilité, il sera fortement investi en actions et
orienté en partie significative vers les PME, le capital-risque ou les
marchés seconds.
Les modalités de gestion du fonds de réserve
créé l'année dernière sont, à ce jour,
toujours inconnues.
L'article R. 135-21 du code de la
sécurité sociale, qui résulte du décret du 22
octobre 1999 précité, précise ainsi, de manière
très inquiétante, que
" les disponibilités du
fonds de réserve peuvent faire l'objet de placements dans des conditions
définies par le ministre chargé de l'économie et des
finances, après avis du conseil d'administration. Le produit des
placements est affecté au fonds de réserve ".
Votre rapporteur considère pour sa part que c'est au
législateur -et non au pouvoir réglementaire- de décider
des modalités de placement des sommes accumulées au sein du fonds
de réserve.
•
Aucune de ces conditions n'est aujourd'hui remplie :
le fonds de réserve n'est qu'un alibi à l'immobilisme
gouvernemental
Un an après la création du fonds de réserve, les exigences
formulées par votre commission restent tout à fait pertinentes.
Les conditions préalables à la constitution d'un tel fonds ne
sont toujours pas remplies mais le fonds de réserve continue de servir
en quelque sorte d'alibi : on ne saurait reprocher au Gouvernement de ne
rien faire puisqu'il alimente le fonds de réserve.
Il faut dire la vérité aux Français :
le fonds de
réserve n'est pas la solution au problème de financement futur de
notre système de retraite ; il ne peut constituer qu'une mesure
d'accompagnement d'une réforme plus globale.
IV. LA CONVICTION DE VOTRE COMMISSION : L'URGENCE DES RÉFORMES
A. LES DANGERS DE L'ATTENTISME
1. Le rapport Charpin : un diagnostic non partagé
La
mission confiée au Commissariat général du Plan visait
implicitement à faire prendre conscience aux partenaires sociaux de
l'ampleur des défis et à " tester " quelques voies de
réforme.
En réalité, le diagnostic s'avère très largement
contesté par les partenaires sociaux.
A l'issue du processus de concertation, il est en effet apparu que le contenu
du rapport, "
L'avenir de nos retraites
", faisait l'objet de
critiques sévères de la part des partenaires sociaux. Ces
critiques et remarques, qui figurent en annexe du rapport sous la rubrique
"
Avis des organisations
" et qui ont été
abondamment relayées par les médias, portent autant sur les
hypothèses et les résultats des projections que sur les pistes de
réformes envisagées par le rapport
14(
*
)
.
Au vu de ce bilan, on peut s'interroger sur l'utilité réelle
de cette concertation qui n'a abouti à aucun résultat tangible.
Il n'y a que le Premier ministre pour feindre de croire, dans l'entretien
accordé au
Parisien
le jeudi 29 avril 1999, que
" tout le
monde s'accorde désormais sur la réalité et l'ampleur des
difficultés que va rencontrer, si rien n'est fait, notre système
de retraites "
et que
" le diagnostic que fait le rapport
Charpin est partagé par tous ".
2. L'annonce d'une nouvelle concertation
Dans ces
conditions, on comprend mieux l'attitude prudente du Gouvernement qui n'a pas
voulu être prisonnier du rapport et a pris très tôt ses
distances à l'égard de ses conclusions.
Le dossier de presse du service d'information du Gouvernement, distribué
le 29 avril 1999 à l'occasion de la remise du rapport au Premier
ministre, précise ainsi :
" Ces propositions du
Commissariat général du Plan sont versées au débat
public. Elles n'engagent pas le Gouvernement. ".
Reconnaissant implicitement que l'objectif de concertation assigné
à la commission Charpin avait échoué, le communiqué
de presse de Matignon publié le même jour annonce la
méthode que compte suivre désormais le Gouvernement :
" Ce diagnostic constitue la première étape de la
démarche engagée par le Gouvernement.
"
Une nouvelle phase de concertation va désormais s'ouvrir. Elle
portera tant sur la méthode que sur les voies de réforme
possibles.
15(
*
)
Cette concertation sera
animée par Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la
Solidarité, avec le concours des autres ministres concernés,
notamment M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Economie des Finances
et de l'Industrie, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'Equipement, des
Transports et du Logement, et M. Emile Zuccarelli, ministre de la Fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la
Décentralisation. ".
" A la fin de cette année, le Gouvernement dégagera les
orientations générales de réforme des régimes de
retraite
.
" Trois principes guideront les choix du Gouvernement :
"
- Consolider les régimes de retraite par
répartition
. (...) Lorsque les orientations générales
auront été définies, chaque régime devra s'inscrire
dans cette démarche, en tenant compte de ses propres
spécificités. Les efforts nécessaires devront être
assurés par tous, de façon équitable.
"
- Reconstruire une société du plein emploi
.
Une croissance économique soutenue et le retour à un haut niveau
d'emploi seront de nature à retarder l'apparition des
déséquilibres financiers et ouvriront également de
nouvelles voies de financement pour faire face aux difficultés futures,
notamment par le développement du fonds de réserve
créé en 1998. (...)
"
- Réformer de manière progressive
. Le
Gouvernement proposera aux partenaires sociaux de réfléchir, dans
le cadre de la réforme, à la mise en place d'un dispositif
permanent de pilotage du système des retraites. "
Ces quelques lignes constituent véritablement le " corpus de
doctrine " du Gouvernement sur la réforme des retraites. En
réponse aux nombreuses questions qui lui sont posées sur la
réforme des retraites, Mme Martine Aubry répète ainsi
inlassablement :
" A la fin de cette année, le Gouvernement
dégagera les orientations générales de réforme des
régimes de retraite ".
Invité du Journal de TF1, le 13 janvier 1999, le Premier ministre avait
pourtant indiqué :
" nous nous orientons vers des
premières prises de décision (sur les retraites) dès la
fin de l'année 1999 ".
Trois mois plus tard, il n'est plus
désormais question que d'
" orientations ".
Le 27 septembre 1999, le Premier Ministre annonçait d'ailleurs aux
Journées parlementaires du groupe socialiste que ces
" orientations générales
" ne seraient
précisées qu'au "
début de l'année
2000
".
A mesure que l'obstacle s'approche, le Gouvernement cherche à se
dérober.
Après avoir répété que les décisions
étaient conditionnées aux résultats de la mission Charpin,
ce qui avait conduit votre rapporteur à intituler
" En attendant
Charpin... "
le titre d'une partie de son rapport sur le volet
vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999, le Gouvernement déclare désormais que les
réformes viendront après une nouvelle concertation !
Personne ne peut naturellement contester le souci de concertation sur un sujet
aussi sensible que les retraites ;
toutefois, la concertation ne doit
pas constituer un prétexte à l'inaction.
De concertation en concertation, le Gouvernement essaie avant tout de gagner du
temps.
S'agit-il de nier l'évidence ? D'une incapacité
à imposer la réforme à sa majorité plurielle ?
Ou d'un refus d'assumer les risques politiques de décisions difficiles
et pourtant indispensables ?
Les gouvernements de MM. Edouard Balladur et Alain Juppé avaient
engagé des réformes courageuses, celui de M. Lionel Jospin a
décidé d'attendre 2000 pour faire part de ses
" orientations ", fuyant ainsi ses responsabilités.
La nouvelle concertation, que Mme Martine Aubry est censée piloter,
semble d'ailleurs patiner quelque peu. A l'exception d'une rencontre entre la
Ministre et les principales confédérations syndicales et
patronales, rien de concret n'a été organisé. Les
gestionnaires de régimes de retraite que votre rapporteur a
auditionnés dans le cadre de la préparation de ce rapport ont
été unanimes à déclarer qu'ils n'avaient pas
été associés à cette nouvelle concertation et
qu'ils n'avaient d'ailleurs aucune information quant à la façon
dont cette concertation pouvait être effectivement menée.
Votre rapporteur est par conséquent conduit à s'interroger
fortement sur la réalité de ce nouveau processus de concertation.
L'année 1999 s'achèvera donc sans qu'aucune décision n'ait
été prise sur les retraites. Les véritables
réformes sont une fois encore différées et rien ne
garantit d'ailleurs qu'elles seront un jour effectivement engagées.
En effet, selon Le Monde daté du 23 juin, le Premier ministre a ainsi
évoqué en ces termes, devant le groupe socialiste de
l'Assemblée nationale, la question des retraites :
" A la fin de l'année, nous dégagerons les orientations
générales de la réforme. Mais qu'il n'y ait pas
d'ambiguïtés :
il n'y aura pas de grand soir des
retraites
. (...) Les discussions devront s'engager dans chaque
régime, pour tenir compte des spécificités de ces
régimes. (...) ".
On ne saurait être plus prudent... Faute de " grand soir ", il
est à craindre des lendemains difficiles.
3. L'attentisme du Gouvernement : une forme de choix
Peut-on
encore attendre pour prendre les mesures qui s'imposent ?
Votre commission considère pour sa part qu'il y a
urgence
.
Le Président de la République l'a lui-même solennellement
rappelé lors de la remise à l'Elysée, le 31 mai
dernier, de la Médaille de la Famille française :
" Il n'est pas de grand enjeu collectif qui n'ait aussi une dimension
démographique. Prenons par exemple
le problème des retraites,
qui préoccupe à juste titre tous les Français.
16(
*
)
Il n'est pas seulement financier, il est d'abord
(...) démographique.
La question du financement des retraites, dont
le traitement ne peut plus être différé
aujourd'hui
,
n'est qu'une des conséquences d'un
problème plus crucial encore, celui du renouvellement de notre
population. (...)
" Au-delà,
il importe que les réformes nécessaires
et maintenant urgentes qui devront être conduites pour sauvegarder nos
régimes de retraite
ne pénalisent pas les familles. "
Ces propos contrastent avec la relative insouciance du Premier ministre qui
déclarait au Parisien, le 29 avril dernier :
" La
précipitation serait une erreur : les problèmes financiers
ne se posent, je le répète, qu'à partir de 2005.
Nous
avons le temps.
"
Dans un entretien accordé au mensuel " Liaisons sociales " de
mai 1999, M. Jean-Michel Charpin met pourtant lui-même l'accent
" sur l'urgence de décisions à prendre ".
Comme le souligne très pertinemment M. Jean-Michel Charpin,
" si l'on décide de ponctionner les revenus des actifs pour
rééquilibrer financièrement le système, sans faire
de capitalisation, il n'y a aucune nécessité de le faire
aujourd'hui.
En clair, si l'on veut atteindre l'équilibre financier
par une hausse des cotisations, il suffit de commencer en 2005. ".
En revanche,
"
si l'on décide d'agir autrement, il faut
démarrer tout de suite.
Si l'on veut constituer un complément
au financement du régime par répartition, en accumulant du
capital dans un fonds de réserve, il faut prendre de l'avance par
rapport à la dégradation des comptes. Et si l'on veut jouer sur
l'âge de la retraite, il faut que l'ajustement soit étalé
sur une très longue période pour préserver
l'équité entre les générations. ".
Selon M. Jean-Michel Charpin,
"
Le principal danger serait
précisément de refuser d'affronter le problème en temps
utile
. On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les
arbitrages seraient extrêmement douloureux à prendre. Faute de les
avoir anticipés, on risquerait justement de faire porter tout le poids
du rééquilibrage des retraites sur un nombre relativement faible
de générations qui pourraient alors refuser un effort
supplémentaire. ".
Votre commission ne peut que partager la teneur des propos du Commissaire
général du Plan.
En repoussant des décisions
indispensables, le Gouvernement fait en réalité un choix
implicite : celui de la hausse future des cotisations.
B. LES RÉFORMES PRIORITAIRES POUR VOTRE COMMISSION
1. La nécessaire réforme des régimes spéciaux de retraite
Votre
rapporteur a bien conscience que la question des régimes spéciaux
est un sujet délicat. L'annonce d'une possible réforme de ces
régimes dans le cadre du plan Juppé présenté
à l'automne 1995 a en effet été en partie à
l'origine des mouvements sociaux des mois de novembre-décembre 1995 et
l'ampleur des protestations a conduit au retrait des projets annoncés
et, plus largement, à un blocage des processus de réforme dans ce
secteur.
Or, le rapport Charpin a confirmé de manière irréfutable
que les perspectives financières de ces régimes ne sont pas plus
favorables que celles du régime des salariés.
Il a également montré que ces régimes sont en
réalité plus avantageux que ceux des salariés du secteur
privé : calculé par rapport à la cotisation
payée par le salarié, le retour sur contributions apparaît
beaucoup plus favorable pour les retraités des régimes
spéciaux. L'équilibre de ces régimes est en effet
assuré par une contribution massive de l'employeur sous forme d'une
subvention d'équilibre ou d'une " contribution fictive ".
Les écarts vont donc encore s'accroître entre les
assurés des régimes spéciaux et les assurés des
régimes qui ont déjà connu des réformes, au
détriment de ces derniers. Ce phénomène n'est pas
acceptable.
Le taux d'effort en 1996 (1)
|
Taux légal salarié |
Taux légal employeur |
Taux légal global |
Taux de cotisation réel |
Points de cotisations pour les pensions |
Points de cotisations pour la vieillesse |
Part des pensions couvertes par les cotisations |
CNRACL |
7,85 % |
25,10 % |
32,95 % |
33,1 % |
22,0 % |
33,6 % |
150,3 % |
RATP |
7,85 % |
15,34 % |
23,19 % |
22,3 % |
63,1 % |
66,2 % |
35,3 % |
SNCF |
7,85 % |
28,44 % |
36,29 % |
38,5 % |
114,7 % |
114,7 % |
33,5 % |
IEG (1997) |
7,85 % |
contribution
|
|
63,6 % |
59,6 % |
64,3 % |
106,7 % |
FP civils et militaires (1997) (1) |
7,85 % |
contribution
|
|
7,4 % |
45,5 % |
51,7 % |
18,2 % |
FP civils et militaires (1997) (2) |
7,85 % |
contribution
|
|
51,7 % |
45,5 % |
51,7 % |
113,7 % |
CNAVTS |
6,55 % |
8,20
%/
|
16,35 % |
17,0 % |
20,8 % |
22,5 % |
81,8 % |
ARRCO (taux moyen appelé 1996) (3) |
2,92 % |
4,38 % |
7,30 % |
10,0 % |
10,1 % |
10,1 % |
99,5 % |
AGIRC (taux
moyen
|
6,96 % |
11,96 % |
18,92 % |
24,7 % |
27,0 % |
27,0 % |
91,7 % |
CARMF |
|
|
|
16,7 % |
13,4 % |
15,7 % |
124,3 % |
Source : Commissariat général du Plan
(1)
Le taux de cotisation réel rapporte
les
cotisations vieillesse à la masse cotisable, les cotisations vieillesse
étant définies comme les cotisations totales auxquelles sont
retirées les charges correspondant aux autres risques
(invalidité, accidents du travail...). Pour les régimes
complémentaires, sont ajoutées aux cotisations les prestations et
cotisations prises en charge par l'UNEDIC et l'ASF. Les calculs des nombres de
points de cotisation rapportent les charges à la masse cotisable. Parmi
les charges, on distingue les charges de pensions (droits directs + droits
dérivés + frais de gestion + action sociale...) et les charges
vieillesse qui comprennent les pensions et les charges de compensation. La part
des pensions couvertes par les cotisations est le rapport des cotisations
vieillesse aux charges de pensions.
(2)
Les cotisations comprennent, outre les cotisations des
salariés, la contribution d'équilibre de l'Etat et les
contributions des établissements publics (La Poste, France
Télécom).
(3)
Les taux de cotisation pour l'ASF en 1996 étaient
1,96 sur la tranche A et 2,18 sur la tranche B.
Dans un souci d'équité et afin de limiter les
déséquilibres futurs des régimes spéciaux, il
apparaît nécessaire d'aligner progressivement la durée de
cotisation exigée sur celle en vigueur dans le régime
général, soit 40 années de cotisation à partir de
2003.
Si le régime général et les régimes alignés
sont encore en phase de réforme progressive jusqu'en 2003 -il est donc
possible d'attendre jusqu'à cette date pour décider d'un
éventuel prolongement de la réforme pour atteindre
170 trimestres de cotisation-, il est indispensable, pour les
régimes spéciaux, qui n'ont pas été
réformés, de commencer dès maintenant à rattraper
leur retard.
Cela exige du temps et il convient par conséquent d'engager cette
réforme sans tarder.
2. L'introduction d'un complément de retraite par capitalisation
Votre
commission considère qu'il convient de cesser d'opposer la
répartition et la capitalisation en des joutes oratoires
forcément stériles. Il serait absurde de considérer que la
capitalisation remplacera la répartition, garante de la
solidarité entre les générations. L'épargne
retraite intervient en complément de la répartition.
C'est pour cette raison que le Parlement avait initié et mené
à bien le vote de la loi du 25 mars 1997 créant les plans
d'épargne retraite.
Constatant que le Gouvernement ne se résolvait ni à appliquer, ni
à abroger cette loi, votre commission a jugé indispensable de
donner à tous les Français la possibilité de se constituer
une épargne retraite.
Elle a par conséquent examiné le 7 octobre dernier deux
propositions de loi déposées par nos collègues Jean
Arthuis et Charles Descours visant à améliorer la protection
sociale par le développement de l'épargne retraite
17(
*
)
.
L'objectif de ces deux textes était le même : donner aux
14 millions de salariés du régime général la
possibilité de se constituer un complément de retraite, selon un
système facultatif, une sortie en rente et une gestion externe par des
professionnels.
Le Gouvernement hésite, ne semble pas avoir de projet très clair.
Le Parlement, de nouveau, prend l'initiative.
Le texte issu des conclusions de votre commission, adopté par le
Sénat le 14 octobre dernier dans le cadre de la
" fenêtre " consacrée à l'initiative
parlementaire, est aujourd'hui en instance d'examen à l'Assemblée
nationale.
*
* *
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.
1 Sénat, n° 459 (1998-1999).
2 Pour une analyse plus complète de ce rapport, cf. le rapport d'information de votre rapporteur : " Réforme des retraites : peut-on encore attendre ? " (Sénat, n° 459, 1998-1999).
3
Le taux réel obligataire de long terme est
supposé égal à 2,5 %.
4
Pour une analyse de cette disposition et du débat qu'elle a
suscité, cf. le rapport de M. Charles Descours (tome I du
présent rapport).
5
Pour mémoire, un point de revalorisation
des
pensions se traduit par une augmentation de 3,4 milliards de francs des
dépenses du régime général.
6
L. Vernière, " Fonds de réserves : simulation
de scénarios d'accumulation et d'utilisation des réserves ",
dans
Question retraite, Document de travail de la Caisse des
dépôts et consignations, n° 99-16/17,
février/mars 1999.
7
Le " refus de cotiser " signifie que les
hausses de taux de cotisation seraient perçues comme un impôt et
non comme un prélèvement contributif, induisant un comportement
de revendications salariales visant à préserver le pouvoir
d'achat des salaires. Il en résulterait des hausses du coût du
travail défavorables à l'emploi et à la
compétitivité de l'économie.
8
Mais aussi de la difficulté de réunir de
l'information statistique sur tous les régimes.
9
Dans l'ensemble des quatre régimes
considérés (CNAV, Organic, Cancava, salariés agricoles),
la CNAV versait en 1998, 85% des pensions directes et percevait 92 % des
cotisations sociales encaissées.
10
Il s`agit du taux de cotisation apparent appliqué
à la masse salariale sous plafond. On appellera ce taux : taux de
la répartition pure.
11
De 2000 à 2003, la croissance de la masse salariale
plafonnée de la CNAV est plus rapide que celle de la masse salariale de
l'ensemble de l'économie. A partir de 2004, les deux séries sont
identiques.
12
Décret n° 99-898 du 22 octobre 1999 relatif au
comité de surveillance et au fonds de réserve du fonds de
solidarité vieillesse et modifiant le code de la sécurité
sociale.
13 Les deux milliards de francs sont encore dans les comptes de l'ORGANIC.
14 Pour un examen détaillé des critiques et des remarques formulées par les organisations syndicales sur le contenu du rapport Charpin, cf. l'analyse de votre rapporteur dans " Réforme des retraites : peut-on encore attendre ? " (Sénat, n° 459, 1998-1999).
15
C'est votre rapporteur qui souligne.
16
C'est votre rapporteur qui souligne.
17
Cf. le rapport de M. Charles Descours sur ces propositions de
loi, Sénat n° 8 (1999-2000).