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Rapport n° 58 (1999-2000) de M. Charles DESCOURS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 9 novembre 1999

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N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 novembre 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

ET ASSURANCE MALADIE

Par M. Charles DESCOURS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ;
Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1835 , 1873 , 1876 et T.A. 368 .

Sénat : 40 (1999-2000).

Sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY, MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ, ET DE MME DOMINIQUE GILLOT, SECRÉTAIRE D'ETAT À LA SANTÉ ET À L'ACTION SOCIALE

Le jeudi 21 octobre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , et de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur le projet de loi n° 1835 (AN) de financement de la sécurité sociale pour 2000 .

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a noté que le déficit du régime général atteindrait 4,3 milliards de francs en 1999 et que ce résultat avait été atteint sans augmentation de cotisations, ni baisse du taux de remboursement. Elle a ajouté que l'excédent du régime général serait de 2 milliards de francs en 2000, après les mesures proposées par le projet de loi de financement, et en tenant compte de la provision de 5,5 milliards de francs effectuée pour tenir compte de la participation des organismes du régime général au financement du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. Elle a précisé que le compte des administrations publiques sociales connaîtrait un excédent de 20 milliards de francs en 2000, après avoir connu un excédent de 10 milliards de francs en 1999. Elle a indiqué que ces résultats positifs étaient la conséquence logique de plusieurs facteurs, dont la bonne tenue des recettes, la réduction du chômage, le transfert des cotisations maladie sur la contribution sociale généralisée (CSG) et le produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, qui s'était révélé supérieur de 2 milliards de francs aux prévisions.

Sur les dépenses, elle a estimé que les ordonnances Juppé ne donnaient pas le pouvoir à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) d'intervenir en l'absence d'accord avec les professions médicales. Elle a indiqué que les médecins généralistes avaient tenu leur objectif, à la différence des médecins spécialistes, dont les dépenses avaient dérapé en 1998. Elle a rappelé que le Gouvernement avait été contraint de prendre un certain nombre de mesures : des décisions unilatérales, comme la baisse de la lettre Z des radiologues, et des accords passés avec les cardiologues, les radiologues, les biologistes et les pharmaciens. Elle a estimé que les politiques structurelles commençaient à donner des résultats. Elle a observé que l'hôpital avait tenu son budget. Elle a précisé que la France était pour la première fois en queue de peloton des pays industrialisés pour la croissance des dépenses de médicaments. Elle a indiqué que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) avait été dépassé de 8,3 milliards de francs en 1998, mais que le dépassement de 1999 serait seulement de 1,3 milliard de francs (en retranchant les 8,3 milliards de francs imputables à l'année 1998). Elle a jugé nécessaire, afin de gagner en crédibilité et pouvoir afficher des objectifs réalisables, de construire le taux d'évolution de l'ONDAM 2000 (+ 2,5 %) sur la base des réalisations de l'année précédente. Elle a annoncé la décomposition de cet ONDAM : 2 % pour la médecine de ville, 2,2 % pour les cliniques, 2,4 % pour les hôpitaux et 4,9 % pour le secteur médico-social. Elle a souligné l'effort réalisé dans ce dernier secteur, en précisant qu'un plan pluriannuel de création de 1.100 places de maisons d'accueil spécialisé (MAS) et de foyers à double tarification (FDT) serait mis en place.

Mme Martine Aubry a annoncé que le Gouvernement poursuivrait en 2000 les réformes structurelles déjà engagées. Elle a précisé que le médicament et les matériels médicaux faisaient déjà l'objet d'une réforme, visant à rembourser le médicament en fonction de ses effets médicaux. Elle a estimé que la réévaluation des médicaments devrait être un processus continu et que la transparence économique aiderait les laboratoires les plus performants. Elle a indiqué que la commission de transparence rendrait son avis définitif en novembre et qu'une économie en année pleine de 2 à 2,5 milliards de francs était attendue. Elle a précisé que cette politique s'appuyait sur un partenariat étroit avec l'industrie pharmaceutique, à travers l'accord signé avec le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP). Elle a estimé que le droit de substitution, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, fonctionnait de manière tout à fait correcte et qu'une économie de 1 milliard de francs était attendue en année pleine. Elle a indiqué que le projet de loi permettait d'engager une politique de réévaluation similaire en ce qui concerne les matériels médicaux (prothèses, accessoires, pansements).

Concernant l'hôpital public, elle a précisé que la procédure d'accréditation avait débuté dans 40 établissements et devrait en concerner 200 fin 2000. Elle a estimé que les schémas régionaux d'organisation sanitaire de deuxième génération (SROS), dont le bilan serait établi très prochainement, permettraient de mieux organiser la recomposition du tissu hospitalier. Elle a rappelé qu'un article de la loi portant création de la couverture maladie universelle autorisait l'expérimentation de la tarification à la pathologie prenant en considération les contraintes particulières du service public hospitalier. Elle a observé qu'il était important de prendre en compte les différences régionales, mais également les inégalités au sein des régions elles-mêmes. Citant l'exemple de l'Ile-de-France, elle a estimé que le département des Hauts-de-Seine montrait des disparités très importantes.

S'agissant des cliniques, elle a indiqué que le Gouvernement proposait de réformer, dès 2000, les procédures d'allocations des ressources et qu'il était nécessaire de mieux prendre en compte l'activité médicale réelle des établissements pour faire évoluer leurs tarifs.

Elle a estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 répondait aux demandes exposées par le plan stratégique de la CNAMTS ainsi qu'aux souhaits des députés socialistes de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, en confiant une pleine responsabilité aux caisses d'assurance maladie et aux professionnels de santé pour réguler la médecine de ville. Elle a déclaré que le projet de loi privilégiait les mécanismes incitatifs. Elle a rappelé qu'il prévoyait la délégation aux caisses d'une enveloppe englobant l'ensemble des rémunérations des professionnels de ville. Elle a observé que les caisses pourraient définir des programmes afin de réduire les actes inutiles, modifier les tarifs ou faire varier les cotations de la nomenclature. Elle a estimé que cette grande liberté laissée aux caisses leur donnait la responsabilité d'établir des statistiques fiables, tous les quatre mois, afin de vérifier si le résultat de leurs négociations ou leurs décisions étaient compatibles avec les objectifs de dépenses. Elle a insisté sur la responsabilité des assurés, en indiquant que le projet de loi prévoyait que les médecins justifieraient systématiquement, auprès du service médical des caisses, des motifs d'arrêts de travail ou des prescriptions de transports sanitaires.

Après avoir déclaré que les lois de financement ne permettaient de prendre en compte que les aspects comptables, Mme Martine Aubry a précisé que le Gouvernement souhaitait définir une politique structurelle de santé par le dépôt au Parlement, au printemps 2000, d'un projet de loi de modernisation du système de santé et aux droits des malades (à la suite des décisions annoncées par le Premier ministre lors de la clôture des Etats généraux de la santé), à la politique sanitaire, à la politique de prévention et aux relations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé.

S'agissant de la branche accidents du travail, elle a estimé que le Gouvernement avait considérablement amélioré le dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles. Elle a rappelé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait créé un fonds de cessation d'activité pour les travailleurs de l'amiante. Elle a précisé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 proposait d'étendre ce dispositif aux entreprises de flocage, de calorifugeage, à la construction et à la réparation navales et aux dockers ayant travaillé dans des ports où transitait l'amiante.

Concernant la branche vieillesse, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que la concertation engagée se poursuivait et que le Premier ministre annoncerait au printemps 2000 les principes de la réforme des retraites. Elle a observé que le fonds de réserve, créé en 1999, continuerait d'être alimenté pour atteindre 15 à 20 milliards de francs au début 2001, grâce à l'affectation d'excédents de la CNAVTS et du FSV. Elle a précisé qu'il convenait pour autant de ne pas " laisser les retraités au bord du chemin " et qu'un " coup de pouce " à la revalorisation des pensions était proposé par le projet de loi. Elle a estimé que le pouvoir d'achat des retraites de base connaîtrait sur 1999 et 2000 une croissance de 1 %.

Concernant la branche famille, Mme Martine Aubry a souhaité souligner le rôle éminent joué par Mme Dominique Gillot dans le processus de rénovation en profondeur de la politique familiale du Gouvernement. Elle a indiqué que le projet de loi respectait les engagements pris lors de la dernière conférence sur la famille. Elle a précisé que, dans la perspective de la prochaine conférence sur la famille, le Gouvernement avait engagé deux chantiers : le premier relatif à l'harmonisation et à la simplification des barèmes d'allocation logement, le second ayant trait à l'amélioration des conditions d'accueil du jeune enfant. Elle a rappelé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu l'augmentation du fonds d'action sociale de la CNAF de 1 milliard de francs, et que le projet de loi prévoyait une nouvelle augmentation de 700 millions de francs.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale , a ensuite présenté les engagements du Gouvernement en matière de santé et d'action sociale.

Elle a indiqué que la politique de santé du Gouvernement s'inscrivait dans le souci de progresser dans la voie de l'intégration sociale, par la poursuite de quatre objectifs fondamentaux : assurer une égalité d'accès aux soins pour tous les citoyens, réduire les inégalités devant la maladie et la prise en charge, garantir la qualité des services proposés et enfin assurer le respect de l'homme au sein du système de santé.

En ce qui concerne l'action sociale, Mme Dominique Gillot a affirmé que la politique engagée visait à adapter quantitativement et qualitativement les réponses aux besoins importants et évolutifs des personnes âgées dépendantes, des personnes handicapées et des familles.

Pour réduire les inégalités de santé, elle a estimé qu'il fallait mieux observer l'état de santé des régions et mieux répartir les moyens. Ainsi, les dotations hospitalières régionales sont d'ores et déjà différenciées à partir d'indicateurs sanitaires parmi lesquels l'indice comparatif de mortalité entre régions est intégré.

Mme Dominique Gillot a indiqué que la réduction des inégalités devant la maladie nécessitait des programmes de santé publique tendant à prévenir les pratiques addictives, à promouvoir une politique d'éducation thérapeutique des personnes atteintes de maladies chroniques et à définir une politique de nutrition. Elle a également fait part de son intention d'engager des politiques visant à diminuer le nombre de morts dues au suicide et celui de grossesses non désirées, grâce au renforcement de la politique de contraception et à des actions tendant à garantir l'accès à l'interruption volontaire de grossesse sur l'ensemble du territoire.

Mme Dominique Gillot a déclaré que la sécurité sanitaire constituait une priorité de la politique gouvernementale et qu'il convenait de poursuivre et compléter la mise en place du dispositif instauré par la loi du 1 er juillet 1998.

Ainsi, l'Agence française du sang fera place au 1 er janvier 2000 au nouvel établissement français du sang et la création d'une agence " santé-environnement " permettra de mieux évaluer l'impact potentiel sur la santé des perturbations de l'environnement.

Mme Dominique Gillot a enfin annoncé que le Gouvernement proposerait une loi visant à élargir les droits des malades, notamment en ce qui concerne l'accès au dossier médical, et à mettre en place des dispositifs plus efficaces de recours et de médiation.

Mme Dominique Gillot a ensuite abordé les questions relatives à l'action sociale. Afin que soient mieux prises en compte les actions de dépendance, elle a annoncé une amélioration du fonctionnement du secteur de l'aide à domicile, le rapport remis récemment au Gouvernement par Mme Paulette Guinchard-Kunstler ayant apporté les éclaircissements attendus.

Mme Dominique Gillot a affirmé que la politique conduite par le Gouvernement en faveur des personnes handicapées se traduirait par le développement de services ambulatoires pour favoriser l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire et le renforcement des prises en charge spécifiques pour les personnes autistes, les traumatisés crâniens et les malades atteints de handicaps rares.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie , s'est interrogé sur l'affectation, au financement des allégements de charges sociales, d'une taxe sur les atteintes à l'environnement et de droits sur les tabacs. Il a demandé si l'ONDAM serait calculé chaque année, par référence aux dépenses réalisées. Il a souhaité connaître le mode de financement des 12 milliards de déficit de l'assurance maladie en 1999.

Il a observé que la ministre disait à la fois qu'elle confiait une " responsabilité accrue " à l'assurance maladie et qu'elle avait décidé de lui enlever la gestion des cliniques privées. Constatant que l'assurance maladie ne serait plus désormais responsable que de l'évolution des honoraires des professionnels de santé, il s'est interrogé sur la réalité du transfert de pouvoirs évoqué par la ministre.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a demandé à Mme Aubry qui serait responsable de l'évolution des dépenses résultant des prescriptions effectuées à l'hôpital et exécutées en ville et quels avantages étaient attendus de l'éviction de l'assurance maladie de la gestion des cliniques privées.

Evoquant le dispositif de régulation des dépenses médicales prévu par le projet de loi, il a demandé à la ministre si elle pensait qu'un syndicat médical pourrait signer une convention susceptible d'être remise en cause tous les 4 mois pour les tarifs qu'elle prévoit.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, s'est étonné du nombre important de directeurs d'agence régionale d'hospitalisation qui avaient été remerciés cette année et a demandé à la ministre s'il était exact que beaucoup d'entre eux avaient été remplacés par des directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales.

Il l'a interrogée sur l'état d'avancement du processus d'accréditation des établissements de santé et s'est inquiété de la durée de cinq ans prévue par la loi instituant une couverture maladie universelle pour l'expérimentation d'une tarification à la pathologie dans les établissements de santé publics et privés.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, évoquant les questions de retraite, a interrogé la ministre sur l'état d'avancement des travaux de rédaction du décret relatif au fonds de réserve. Il lui a aussi demandé à quel moment seraient versés les crédits destinés au fonds de réserve et quel était le temps nécessaire pour achever la concertation annoncée par le Gouvernement pour préparer la réforme des retraites.

Constatant que l'annexe au projet de loi de financement indiquait le nombre de places de section de cure médicale qui avaient été financées en 1999, mais ne donnait aucun chiffre pour l'an 2000, M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres généraux et l'assurance maladie, a demandé à la ministre de préciser le contenu de la politique du Gouvernement en la matière.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, a souhaité connaître les modalités de prise en charge par l'Etat du financement du fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF), évalué à 1 milliard de francs, annoncé par le Gouvernement et qui n'apparaissait dans aucun document législatif ou budgétaire. Il s'est interrogé sur l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, annonçant une " garantie de ressources " pour la branche famille, sans précision de l'origine du versement destiné à combler une éventuelle diminution des ressources de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a considéré que l'affectation des droits sur les tabacs à la sécurité sociale apparaissait plus logique qu'une affectation générale au budget de l'Etat.

Concernant l'ONDAM, elle a indiqué que son évolution serait " rebasée " chaque année, observant que le taux d'inflation ou le taux de croissance de la masse salariale étaient toujours calculés à partir des prévisions de réalisation.

Elle a précisé qu'un décret allait prochainement préciser les conditions de mise en place du fonds de réserve.

Evoquant la régulation des dépenses des médecins libéraux et les rendez-vous infra annuels aux quatrième et huitième mois de l'année prévus par le projet de loi, Mme Martine Aubry a affirmé qu'ils ne déboucheraient pas toujours sur des baisses de tarifs, le Gouvernement donnant simplement à la CNAMTS le pouvoir de prendre des mesures de régulation, si nécessaire. Elle a insisté sur l'importance que revêtait la publication des statistiques de la CNAM dans des délais convenables.

Evoquant la régulation des dépenses des cliniques privées, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a considéré que le dispositif issu de la loi de 1991 avait prévu une soi-disant gestion tripartite entre l'Etat, l'assurance maladie et les professionnels. Elle a affirmé avoir répondu, en confiant à l'Etat la régulation des dépenses des cliniques, au voeu de la CNAM qui avait souhaité, dans son plan stratégique, que des méthodes comparables soient utilisées pour la gestion des secteurs hospitaliers publics et privés.

Mme Martine Aubry a rappelé qu'elle avait dit devant la commission des affaires sociales, peu après son entrée au Gouvernement, qu'elle n'était pas nécessairement favorable à l'institution d'agences régionales de l'hospitalisation conçues comme devant fonctionner de manière technocratique, au détriment de la prise en compte des besoins de la population et de la nécessaire concertation avec les élus.

Elle a indiqué avoir constaté qu'un certain nombre de directeurs d'agence régionale n'avaient pas bien perçu la portée de ce message, ce qui avait rendu nécessaire leur changement d'affectation. Elle a affirmé que les directeurs d'agence étaient des fonctionnaires et qu'il n'y avait pas de différence entre des nominations de préfets, d'administrateurs civils ou de directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales.

Elle a indiqué que 40 établissements de santé étaient déjà engagés dans la procédure d'accréditation et qu'elle espérait que l'expérimentation de la tarification à la pathologie dans les établissements de santé, dont elle a reconnu la difficulté, dure moins longtemps que les cinq ans prévus par la loi.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a affirmé avoir mis en place un mécanisme de suivi des transferts d'activité de l'hôpital vers la médecine de ville : il sera désormais possible de connaître leur ampleur en fin d'année, puis de les réintégrer dans les enveloppes de dépenses.

Répondant à M. Jacques Machet, elle a expliqué que le Gouvernement souhaitait développer les services rendus aux familles. Elle a estimé que les structures d'accueil aux familles en difficulté, financées par le fonds d'action sociale, répondaient à un nouveau besoin. Elle a confirmé que le financement du FASTIF serait transféré à l'Etat, par le collectif budgétaire 2000. Elle a indiqué que l'Etat serait garant des ressources de la CNAF. Elle a précisé que le financement de la majoration d'allocation de rentrée scolaire était le meilleur moyen d'utiliser les excédents de la branche famille. Elle a rappelé que les familles bénéficiaient d'un " coup de pouce " pour la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF).

Mme Dominique Gillot a indiqué que 4.000 nouvelles places de section de cure médicale seraient financées cette année.

M. Jean Chérioux a mis en garde la ministre sur les dangers que comporterait, pour les grands établissements hospitaliers pratiquant des activités de pointe, l'utilisation du seul critère des points ISA dans la répartition des financements hospitaliers.

Faisant référence à l'annonce par le Gouvernement de la création, l'an prochain, de 1.100 places dans les MAS et les foyers à double tarification, il a demandé à la ministre de préciser la répartition de ces places, compte tenu de l'impact pour les finances départementales de la création de places dans les foyers à double tarification.

Enfin, M. Jean Chérioux a indiqué que la loi prévoyait, dans les établissements relevant de la sécurité sociale, la prise en charge des dépenses de transport par les associations. Il a souhaité attirer l'attention de la ministre sur les difficultés permanentes que ces dernières rencontraient à ce titre, le prix de journée fixé ne prenant pas assez en considération l'importance de ces dépenses de transport.

M. Claude Huriet a d'abord évoqué la séparation instituée par le projet de loi entre la régulation de l'hospitalisation et celle de la médecine de ville et a estimé qu'elle allait à l'encontre d'une démarche tendant à promouvoir une fongibilité des enveloppes de dépenses, comme des évolutions actuelles du système de soins tendant au développement des réseaux ville-hôpital, de l'hospitalisation à domicile, et du secteur hospitalier ambulatoire.

Rappelant son attachement à la régionalisation du système de santé, il a également affirmé que l'analyse des dérapages des dépenses devrait être réalisée au niveau régional.

Constatant qu'autant le secteur du médicament était homogène, autant celui des dispositifs médicaux ne l'était pas, puisqu'il s'étendait " des compresses au scanner ", il a estimé que l'analyse du dérapage global des dépenses du secteur réalisée par la ministre méritait d'être affinée.

Enfin, il a regretté les retards pris par le Gouvernement pour proposer au Parlement un projet de loi modifiant la loi du 29 juillet 1994 dite " loi bioéthique ".

M. Lucien Neuwirth a demandé à la ministre si elle était prête à envisager une modification de la législation sur l'hospitalisation à domicile afin de favoriser son développement dans le domaine des soins palliatifs et si elle était favorable à ce que la loi prévoie la prise en charge par l'assurance maladie d'une partie des dépenses de formation des bénévoles engagés dans l'accompagnement des malades.

Mme Nicole Borvo s'est félicitée de l'annonce du dépôt d'un projet de loi sanitaire au printemps prochain, estimant que les parlementaires étaient frustrés de n'évoquer les questions de santé qu'à l'occasion de la discussion des dispositions financières contenues dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Rappelant son attachement à la réforme des cotisations patronales et les engagements pris par le Gouvernement l'an dernier, elle a regretté que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne comporte aucune mesure concernant l'assiette de ces cotisations. Elle a jugé nécessaire le rétablissement de l'élection des représentants syndicaux au conseil d'administration de la CNAM.

Elle a enfin regretté que la ministre n'ait pas tenu son engagement de diminution du forfait hospitalier.

M. Guy Fischer a rappelé les insuffisances de la loi instituant une prestation spécifique dépendance et a critiqué l'hétérogénéité du niveau de cette prestation dans les départements. Il a estimé nécessaires la définition d'un niveau minimum national, la modification des dispositions relatives au recours sur succession, ainsi qu'une réflexion plus globale sur la prise en charge de la dépendance.

Il a également interrogé la ministre sur la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées.

Répondant à M. Jean Chérioux, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que les critères retenus par le précédent Gouvernement pour la répartition de l'enveloppe hospitalière avaient été modifiés : sont désormais pris en compte les flux de population, des indicateurs concernant l'âge et le taux de mortalité de la population, les besoins de soins hospitaliers ainsi qu'un indicateur d'efficience fondé sur les points ISA.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré partager, dans ses grandes lignes, l'analyse développée par M. Claude Huriet. Elle a indiqué avoir demandé à la CNAM la publication de statistiques régionales concernant les dépenses de santé dans des délais plus satisfaisants que ceux qui étaient constatés aujourd'hui.

Elle a indiqué à M. Lucien Neuwirth qu'elle examinerait plus attentivement la réponse qui pourrait être apportée aux deux questions concernant le développement des soins palliatifs.

Répondant à Mme Nicole Borvo, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a affirmé que le projet de loi comportait bien une réforme des cotisations patronales résultant de l'extension de la TGAP et de la création de la contribution sociale sur les bénéfices (CSB). Elle a rappelé que les 6 millions de bénéficiaires de la couverture maladie universelle ne paieraient plus le forfait hospitalier.

Elle a indiqué à M. Guy Fischer que le décret prévoyant un niveau minimum national pour la prestation dépendance était à la signature et que les dispositions concernant le recours sur succession figureraient dans un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social qui serait discuté au printemps. Elle s'est déclarée très préoccupée par l'évolution de la prestation spécifique dépendance (PSD) et a constaté que, malgré la réforme de la tarification, les présidents de conseils généraux n'avaient pas amélioré le contenu de cette prestation à laquelle le Sénat était très attaché.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que c'était l'inaction de plusieurs gouvernements successifs qui avait conduit le Sénat à prendre une initiative en créant la prestation spécifique dépendance.

Répondant à M. Jean Chérioux, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, a indiqué que l'annonce gouvernementale à laquelle il avait fait référence était celle de l'ouverture de 230 millions de francs de crédit pour financer de nouvelles places en maisons d'accueil spécialisé et en foyers à double tarification, sans qu'aucune décision concernant la répartition entre ces deux types d'institutions ait été prise à ce jour.

Répondant à M. Claude Huriet, elle a précisé qu'après la remise d'un rapport du Conseil d'Etat à la fin de l'année, le Gouvernement procéderait aux consultations nécessaires pour élaborer un projet de loi modifiant la loi dite bioéthique, qui serait déposé dans le courant de l'année 2000 pour une discussion à la fin de cette année. Elle a estimé que le Gouvernement n'avait pas pris de retard en la matière.

Sans vouloir créer une polémique, M. Claude Huriet a rappelé que l'article 21 de la loi du 29 juillet 1994 prévoyait que cette loi serait modifiée au plus tard 5 ans après sa promulgation, soit avant le 29 juillet 1999. Il a affirmé que cette modification était indispensable pour corriger certaines imperfections de la loi et pour prendre en considération, tant la dimension européenne du sujet que les progrès médicaux intervenus depuis 1994.

II. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. PIERRE JOXE, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Réunie le mercredi 27 octobre 1999 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a tout d'abord procédé à l 'audition de MM. Pierre Joxe, premier président de la Cour des Comptes, Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, et Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes , sur le rapport annuel de la cour consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale ..

M. Jean Delaneau, président, a souligné l'importance de l'audition annuelle du Premier président de la Cour des Comptes, sachant la mission qui est celle de la haute juridiction d'assister le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il a indiqué qu'en application de l'article L. 132-3-1 du code des juridictions financières, la commission avait envoyé à la Cour un premier courrier le 19 mars 1999, demandant à la haute juridiction de recenser les freins ou obstacles s'opposant à une remise accélérée des comptes des organismes de sécurité sociale, et un second courrier, le 25 septembre 1999, sur le rapport de la Cour sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 portant sur l'impact effectif en 1998 des différentes mesures prises par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et l'analyse de la décomposition définitive de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) 1998.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a observé que le rapport de la Cour rendu public le 15 septembre 1999 était le cinquième rapport rendu au Parlement sur la sécurité sociale et le deuxième rendant compte de l'application d'une loi de financement, en l'occurrence celle de 1998. Il a indiqué que la Cour avait réduit ses délais d'un mois par rapport à l'an dernier. Il a déclaré que la Cour n'avait pas seulement pour mission de contrôler les comptes, mais également d'évaluer les politiques publiques. Il a expliqué que la Cour s'attachait à suivre avec attention les suites données aux recommandations des rapports précédents. Il a précisé que 75 % des recommandations avaient été mises en oeuvre, ce qui constituait un pourcentage intéressant. Il a toutefois noté qu'une des recommandations de la Cour, particulièrement fondamentale, n'était pas mise en oeuvre. Il a ainsi regretté l'impossibilité de suivre l'application des lois de financement à travers les " grandeurs fondamentales de la loi " (objectifs de dépenses par branche, prévisions de recettes par catégorie, ONDAM).

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a présenté les thèmes abordés par le rapport 1999. Il a rappelé que la première partie de ce rapport était relative à l'exécution des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Il a indiqué que ses deuxième et troisième parties traitaient plus particulièrement de la gestion du risque maladie par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la politique de ressources humaines et de l'informatique des organismes de sécurité sociale. Il a ajouté que la quatrième partie de ce rapport présentait les résultats des travaux des comités départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale (CODEC).

Il a ensuite présenté les réponses écrites aux questions posées par la commission en mars et en septembre 1999.

S'agissant de l'impact des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, il a observé que la Cour disposait d'un faible délai, de l'ordre de quarante-huit heures, pour commenter les comptes. Il a considéré qu'un chiffrage des mesures avait néanmoins été réalisé dans le rapport pour toutes les mesures de loi de financement de la sécurité sociale, en dehors de la substitution entre contribution sociale généralisée et cotisations d'assurance maladie. Il a expliqué que ce chiffrage était très difficile à faire, l'année 1998 ayant été la première année d'entrée en vigueur du système RACINE, mis en place au niveau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour ventiler à la source les imputations comptables. Il a regretté que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale n'ait pas été pour l'instant en mesure de présenter des comparaisons entre l'ancien et le nouveau système. Il a noté que le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale avait chiffré l'opération de substitution à un gain de 5,2 milliards pour les régimes d'assurance maladie.

S'agissant de l'ONDAM, il a noté que la Cour s'était fondée sur les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1999, qui s'étaient révélées à peu près exactes. Il a considéré que le commentaire consacré à cette question dans le rapport de septembre 1999 restait valable.

Concernant " les freins à l'accélération de la remise des comptes ", il a rappelé que la construction des comptes de la sécurité sociale s'opérait en trois étapes. La première étape est marquée par la production des comptes des organismes de base. La seconde étape est constituée par l'élaboration, par la Direction de la sécurité sociale, des comptes de l'ensemble des organismes de sécurité sociale. La troisième étape consiste à construire les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale.

Il a considéré que la première étape, autrefois très longue, avait tendance à s'accélérer, au moins pour le régime général. Il a rappelé que les caisses nationales avaient eu, en 1999, six semaines d'avance sur le calendrier 1998. Il a constaté que les difficultés se concentraient désormais sur les deuxième et troisième étapes, puisque trois mois étaient nécessaires à la Direction de la sécurité sociale pour passer de la réception des comptes à la construction des agrégats de la loi de financement.

Concernant la mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS), il a observé que les travaux de cette mission, placée sous la responsabilité de M. Alain Déniel, avaient pour objectif d'aboutir à l'adoption d'un plan comptable unique pour les organismes de sécurité sociale. Il a précisé que les propositions de la MIRCOSS seraient connues courant 2000. Il a expliqué que le plan comptable unique, ainsi que les moyens nécessaires pour suivre son application par les organismes de sécurité sociale, nécessiteraient des dispositions législatives, qu'il serait souhaitable de prendre dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Dans l'hypothèse où ces dispositions législatives seraient mises en oeuvre en 2001, il faudrait donc attendre 2002 pour pouvoir bénéficier de leurs effets. Il a précisé que la mise à disposition des comptes définitifs de l'année n-1 en mai de l'année n aurait probablement pour conséquence la présentation au début de l'été du rapport de la Cour des Comptes sur l'application de la loi de financement.

A la demande de M. Jean Delaneau, président, M. Gabriel Mignot a précisé que la commission des comptes de la sécurité sociale ne statuait pas sur ces comptes, mais prenait acte des comptes présentés par la Direction de la sécurité sociale. Il a précisé, en outre, que le compte tendanciel de l'année n + 1 présenté lors de la réunion de septembre de la commission des comptes de la sécurité sociale, recouvrait deux notions différentes : une évolution spontanée des comptes, mais également des anticipations quant aux mesures annoncées par le Gouvernement.

M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, a indiqué que l'année 1998 avait été marquée par le basculement de grande ampleur des cotisations d'assurance maladie vers la contribution sociale généralisée (CSG). Il a noté que ce basculement s'était effectué dans de bonnes conditions et que la structure du financement de la sécurité sociale avait été profondément modifiée. Il a précisé que le prélèvement sur les ménages avait été accru, en raison de la charge plus lourde pesant sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de remplacement.

M. Claude Thélot a ensuite insisté sur les difficultés de l'information comptable de la sécurité sociale. Faisant référence aux propos de M. Déniel retranscrits en annexe du rapport de M. Charles Descours " Les lois de financement : un acquis essentiel, un instrument perfectible ", il a considéré que de véritables incertitudes pesaient sur les estimations d'excédents et de déficits, variant considérablement selon qu'elles étaient effectuées en encaissements/décaissements ou en droits constatés. Il a indiqué que si le système RACINE représentait un réel progrès, son effet immédiat avait été de diminuer la compréhension des comptes. Il a considéré que les comptes de la sécurité sociale se trouvaient " au milieu du gué " et que deux à trois années seraient nécessaires pour parvenir à de réelles améliorations. Il a considéré que l'opposabilité d'une information comptable d'une qualité moyenne posait problème. Il a insisté sur les moyens quantitatifs et qualitatifs indispensables à toute réforme dans le domaine de l'information comptable et statistique.

Il a considéré que les outils d'évaluation présentaient une problématique tout à fait similaire. Citant l'exemple de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), il a estimé que de réels espoirs pouvaient être fondés sur cette agence, mais que du temps serait nécessaire pour que ses travaux prennent de l'importance.

M. Claude Thélot a présenté les grandes lignes du rapport 1999 sur l'assurance maladie. Il a expliqué que ce rapport constituait l'étape d'un travail d'ampleur de la Cour sur ce sujet, s'étalant sur plusieurs années. Il a indiqué que le thème abordé par le rapport 1999 était relatif au comportement, en tant qu'assureur, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Il a estimé qu'une réflexion sur un nouveau dispositif de relations entre les régimes d'assurance maladie et les professionnels de santé était nécessaire. Il a douté de la pertinence de reconduire le système conventionnel. Il a considéré que la CNAMTS n'effectuait pas une gestion du risque. Il a précisé que le régime des sanctions n'était pas adapté.

Abordant la troisième partie du rapport, il a indiqué que la Cour s'était intéressée à l'action sociale menée par les caisses du régime général. Rappelant que les dispositifs en vigueur avaient pour objectif de compléter les prestations légales, il a observé que la conciliation entre la nécessité, d'une part, de s'adapter à la situation particulière des assurés et, d'autre part, le principe d'équité minimale, était une question très importante. Il a noté que cette conciliation pouvait être atteinte par l'intermédiaire des conventions d'objectifs et de gestion signées entre l'Etat et les caisses.

Il a également abordé le problème de la gestion prévisionnelle des effectifs du régime général. Rappelant que 160.000 personnes étaient concernées, il a noté que les personnels devaient faire face à l'évolution extrêmement rapide du progrès technique et à la nécessité de répondre aux besoins des usagers. Il a expliqué que la sécurité sociale avait besoin de personnels qualifiés et d'une meilleure formation de ses agents. Il a regretté que la gestion prévisionnelle des effectifs soit quasiment embryonnaire.

M. Claude Huriet a demandé si la Cour des Comptes était en mesure d'évaluer les effets attendus des mesures inscrites dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souhaité connaître le sentiment de la Cour des Comptes sur le système des points ISA, la notion de " région sous-équipée" en matière d'équipements hospitaliers et le rôle dévolu à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).

Relevant l'observation de la Cour des Comptes selon laquelle l'inadéquation était grande entre l'état actuel des systèmes d'information de la CNAMTS et l'ambition de rendre opposables les données qu'ils produisent, M. Claude Huriet a considéré que le manque de fiabilité des informations disponibles expliquait pour partie le climat de défiance qui caractérisait les relations entre les professionnels de santé, l'Etat et la sécurité sociale. Il a jugé que le système envisagé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dans lequel la CNAMTS modifiait tous les quatre mois les conditions applicables aux professionnels de santé, ne pouvait guère améliorer la qualité des relations entre les différents acteurs.

En réponse à M. Claude Huriet, M. Gabriel Mignot a rappelé que l'évaluation des effets attendus de mesures inscrites dans la loi n'entrait pas dans la compétence de la Cour des Comptes, laquelle était chargée d'assister le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que l'impact des mesures votées en loi de financement était analysé dans l'annexe b du projet de loi de financement de l'année suivante.

M. Gabriel Mignot a fait observer que le système de sécurité sociale traduisait une masse considérable d'informations, pas toujours de bonne qualité. Il a considéré qu'il n'était pas possible de concevoir un système où les enveloppes globales seraient l'agrégation des opérations individuelles. Il a souligné la nécessité de réfléchir à d'autres modes de relations contractuelles entre les professionnels de santé et la sécurité sociale.

M. Claude Thélot , rapporteur général, a dit partager l'analyse de M. Claude Huriet sur l'ANAES. Il a jugé que cet organisme accomplissait un travail de bonne qualité et qu'il convenait de le laisser poursuivre sa mission d'évaluation et d'accréditation, en prenant garde à ne pas multiplier les tâches qui lui étaient confiées. Evoquant la question des points d'indice synthétique d'activité (ISA), il a considéré que les fortes disparités entre hôpitaux au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) nécessitaient une étude approfondie, que la Cour des Comptes s'apprêtait d'ailleurs à lancer. S'agissant de la répartition des dotations hospitalières entre régions, il a constaté l'extrême diversité des situations, et a souligné que les modalités concrètes de répartition des moyens ne favorisaient pas la réduction des coûts et la recherche d'une plus grande équité entre les régions.

M. Jean Chérioux a souligné à son tour la très grande diversité de situations existant entre les différents établissements de l'AP-HP. Il a craint une déstabilisation de certains services de pointe de l'AP-HP par l'application de la méthode des points ISA et s'est interrogé sur la pertinence de cet indicateur.

M. Jean Chérioux a considéré que la mission de la Cour des Comptes était difficile par sa nature même puisque l'appréciation portée sur l'impact des mesures votées conduisait souvent à émettre un jugement sur des décisions politiques approuvées par le Parlement.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Pierre Joxe a souligné qu'il était facile de faire l'évaluation d'une politique en comparant les résultats obtenus par rapport aux objectifs assignés et aux moyens affectés. Après avoir rappelé que la Cour des Comptes n'avait aucune légitimité à accomplir une autre tâche que ce qui lui était demandé par le Parlement, il a souligné que les études parfois controversées de la Cour, notamment celle portant sur l'allocation de garde d'enfant à domicile, s'étaient généralement bornées à constater que l'objectif affiché par le législateur n'avait pas été respecté.

M. Pierre Joxe a jugé qu'il y avait un travail important de pure comptabilité à accomplir en matière de finances sociales. Il a fait valoir que ces dernières étaient encore loin d'avoir atteint la qualité et la fiabilité des finances de l'Etat, en raison notamment de l'absence de normes. Il a considéré que le système était aujourd'hui hybride, puisqu'il reposait en partie sur la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Gabriel Mignot a souligné qu'une étude sur la validité des points ISA constituait un travail comptable très complexe, qui nécessitait un examen détaillé et des moyens très lourds. Il a considéré que le problème soulevé par M. Jean Chérioux était réel et que la Cour des Comptes s'était pour le moment limitée à constater que les établissements de l'AP-HP étaient globalement mieux dotés que les autres.

M. Pierre Joxe a rappelé que les moyens de la Cour des Comptes étaient limités : cette juridiction ne comportait au total que 200 personnes dont 35 pour la sixième chambre en charge du contrôle des finances sociales.

M. André Vézinhet s'est félicité que la CSG soit allée dans le sens d'une plus grande justice sociale. Il a souhaité connaître les recommandations de la Cour sur la répartition de la dotation globale hospitalière entre régions et au sein même des régions. Notant que la Cour s'était prononcée en faveur du Programme de médicalisation du système d'information (PMSI), il a fait part de son expérience de vingt-cinq ans de président de conseil d'administration d'un centre hospitalier universitaire (CHU) : le PMSI est unanimement critiqué dans les CHU, la correction des points ISA ne s'avérant pas suffisante. Il a considéré que le véritable problème était de donner les moyens aux CHU pour développer leurs actions de recherche. Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité, par la Cour des Comptes, de chiffrer les économies qu'apporterait le développement des actions de prévention des soins.

M. Gabriel Mignot a confirmé qu'il était tout à fait nécessaire de développer les actions de prévention. Il a regretté que peu d'études soient menées en France aujourd'hui sur le sujet. Il a reconnu que le PMSI était un outil perfectible, mais que ce programme représentait néanmoins un progrès par rapport à l'absence de toute unité de mesure. Il a considéré que le problème des CHU ne pouvait pas être distinct de celui de la formation médicale, actuellement trop concentrée.

M. François Autain a douté de la pertinence de l'affectation au budget de l'Etat des droits sur les tabacs. Il a considéré que le produit de ces droits devait financer le coût sanitaire occasionné par le tabagisme. Evoquant un rapport récent montrant l'importance du coût social de l'alcoolisme, il s'est interrogé sur les transferts financiers entre l'Etat et la sécurité sociale.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a estimé qu'il était désormais nécessaire d'établir un budget consolidé des collectivités publiques, correspondant à l'ensemble des prélèvements obligatoires. Il a considéré que la question de l'affectation des droits sur les tabacs à l'Etat ou à la sécurité sociale était finalement secondaire. Il a observé que la définition d'une véritable politique de santé publique était, en revanche, essentielle. Il a estimé qu'il était impossible de " répondre à toutes les demandes " et qu'il était nécessaire d'effectuer des choix, ce qui pose des problèmes éthiques. Il a précisé que cette politique de santé publique était, pour l'instant, définie de manière implicite.

Faisant part de son attachement à la régionalisation de la politique de santé, M. Claude Huriet s'est interrogé sur le rôle joué, dans ce cadre, par les chambres régionales des comptes.

M. Pierre Joxe a estimé qu'il était tout à fait envisageable de donner aux chambres régionales des comptes le soin de contrôler les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).

En conclusion, il a considéré qu'il faudrait encore beaucoup de temps pour disposer de comptes sociaux précis et fiables.

B. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAMTS)

La commission, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , a poursuivi son programme d' auditions sur le projet de loi n° 1835 (AN) de financement de la sécurité sociale pour 2000 .

Elle a tout d'abord entendu M. Jean-Marie Spaeth , président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. Jean-Marie Spaeth s'est félicité que, quatre ans après la réforme constitutionnelle instituant les lois de financement de la sécurité sociale, les questions de santé et d'assurance maladie soient désormais sorties de la clandestinité, ce qui constitue un progrès de la démocratie. Il a également indiqué qu'un plan de refondation du système de soins avait été adopté par le conseil d'administration de la CNAMTS au mois de juillet après qu'elle ait ouvert pendant plusieurs mois un large débat, relayé dans toute la France par les organismes locaux d'assurance maladie.

Evoquant la situation de l'assurance maladie, M. Jean-Marie Spaeth a constaté les effets positifs de la croissance économique sur les recettes, estimant toutefois que la croissance faisait " baisser la fièvre " mais ne traitait pas le " foyer infectieux ". S'il est normal en effet que les dépenses de santé progressent, il n'est pas acceptable qu'une telle progression ne s'organise pas autour d'objectifs de santé, alors que tant de besoins sanitaires ne sont pas satisfaits.

Il a ainsi fait part de sa crainte que le Parlement ne reçoive pas, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les explications médicales du dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) voté pour 1999 ; il a indiqué à titre d'exemple que ce dépassement correspondait à peu près aux crédits qui seraient nécessaires pour supprimer toute participation de l'assuré aux dépenses dentaires ou prothétiques.

M. Jean-Marie Spaeth a ainsi estimé qu'il n'existait pas d'autre domaine où les décisions financières prises par le Parlement ne viennent pas appuyer des choix politiques. Plus encore, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est soumis à l'examen du Parlement propose un changement de méthode de calcul, les objectifs de dépenses d'assurance maladie étant désormais calculés à partir des dépenses réelles constatées l'année précédente et non plus des dépenses votées par le Parlement au titre de ladite année.

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé qu'au-delà de ce qui pourrait n'apparaître que comme une question de méthodologie comptable, c'était un véritable choix politique qui était proposé au Parlement, celui de ne pas tirer les conséquences du dépassement des objectifs de dépenses. Il a considéré qu'il n'était pas admissible, lorsque l'on " remettait les pendules à l'heure ", comme proposait de le faire le Gouvernement, de ne pas dire ouvertement ce que l'on faisait des comptes dépassés ainsi soldés.

M. Jean-Marie Spaeth a pris acte de l'annonce faite par le Gouvernement de clarifier les responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie, constatant toutefois à la lecture du projet de loi que la marge était grande entre cette volonté et sa traduction juridique. Ce décalage a conduit la CNAMTS, dans une démarche constructive, à proposer aux parlementaires des amendements à ce projet de loi afin de donner corps à la volonté du Gouvernement.

Evoquant la possibilité ouverte à la CNAMTS, par le projet de loi, de modifier par accord ou unilatéralement les tarifs des professionnels ou la cotation de leurs actes tous les quatre mois, il a considéré que la variation d'un tarif pouvait, ponctuellement, être utile mais qu'elle ne saurait constituer une politique et ne répondait pas à une volonté de réforme structurelle dont nul ne niait pourtant la nécessité. En outre, en contraignant la CNAMTS à des rendez-vous normatifs, dont il fixe tant le rythme que le contenu avec quelque trente syndicats professionnels, le projet de loi accaparait la vie conventionnelle sur des sujets purement financiers et comptables.

M. Jean-Marie Spaeth a en outre considéré que l'organisation du suivi de l'objectif de dépenses délégué proposé par le Gouvernement portait en germe un carcan paralysant, empêchant toute réactivité de l'assurance maladie. Aussi, il a annoncé que la CNAMTS proposait un amendement dont le contenu était animé par une démarche de simplification.

Craignant en outre que la faculté offerte à la CNAMTS de décider unilatéralement de mesures financières pénalisantes pour les professionnels risquait de décourager tout investissement des syndicats dans une démarche contractuelle, il a proposé plusieurs amendements tendant à donner de la visibilité aux partenaires conventionnels pour que ceux-ci puissent s'engager en sachant à l'avance, plutôt qu'a posteriori, ce qui se passerait en l'absence d'accords conventionnels. Ces amendements concernent les aspects financiers, bien sûr, mais aussi l'ensemble des dispositions conventionnelles. C'est pourquoi M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il proposait d'étendre à toutes les professions de santé le principe d'un règlement conventionnel minimal, conformément à un engagement pris par le Gouvernement dans la convention d'objectif et de gestion conclue avec l'assurance maladie. En particulier, pour les médecins du secteur 2, M. Jean-Marie Spaeth a affirmé que le plafonnement des dépassements devait être une obligation et non une faculté.

M. Jean-Marie Spaeth a également souhaité que l'assurance maladie puisse réellement exercer la responsabilité qui lui est confiée sur l'objectif de dépenses délégué. Or, celui-ci comporte un certain nombre de dépenses sur lesquelles elle n'aura aucun moyen direct d'action : il s'agit en particulier des prescriptions établies par les médecins hospitaliers et réalisées en ville, comme les prescriptions de transport sanitaire. Pour des raisons de cohérence, M. Jean-Marie Spaeth a donc émis le voeu que ces dépenses soient exclues de l'objectif délégué à la CNAMTS.

Evoquant la partition des responsabilités entre l'hospitalisation et les soins de ville réalisée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Marie Spaeth a estimé qu'elle ne correspondait pas à une réalité médicale et ne pourrait donc perdurer. Néanmoins, au-delà de cette partition apparente, il a rappelé que les agences régionales de l'hospitalisation étaient constituées à parité par les représentants de l'Etat et de l'assurance maladie, et que les contributions de cette dernière étaient déterminantes pour l'action de ces agences.

Enfin, M. Jean-Marie Spaeth a abordé la contribution au financement des allégements de charges accordés aux entreprises décidée par les pouvoirs publics dans le cadre de la réduction du temps de travail, prévue par l'article 2 du projet de loi. Il a rappelé que l'ensemble des organismes sociaux s'était élevé contre cette contribution, car il n'était pas admissible que les ressources de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse ou du chômage soient détournées de leur finalité au profit de mesures sans rapport avec leur raison d'être qui était, pour l'assurance maladie, l'amélioration de l'état sanitaire de la population.

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé que les représentants des assurés sociaux et des financeurs qu'étaient les partenaires sociaux ne pouvaient admettre cette remise en cause de la loi de juillet 1994, qui avait été une étape importante dans la clarification des comptes sociaux en ce qu'elle avait posé le principe général de la compensation par le budget de l'Etat de toutes les exonérations de charges qu'il décidait.

Au moment où le Parlement doit décider du montant des dépenses d'assurance maladie auquel chacun souhaite pouvoir donner le plus rapidement possible un contenu médical, M. Jean-Marie Spaeth s'est demandé comment il était possible d'engager cette démarche de médicalisation nécessaire du débat financier et, dans le même temps, proposer un détournement de la finalité de ces mêmes dépenses.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a affirmé, en introduction, qu'il proposerait à la commission et au Sénat d'adopter une position cohérente avec celle qui venait d'être exprimée par M. Jean-Marie Spaeth, notamment sur l'article 2 du projet de loi.

Il a demandé au président du conseil d'administration de la CNAMTS si sa position sur l'article 2 du projet de loi serait maintenue si le Gouvernement renonçait à effectuer une ponction sur les ressources de l'UNEDIC pour financer les conséquences de la réduction du temps de travail. Il l'a également interrogé sur l'absence de prise en considération par le Gouvernement du plan stratégique de la CNAMTS dans les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souhaité que M. Jean-Marie Spaeth précise la position de la CNAMTS sur le mécanisme de régulation des dépenses médicales, et lui dise si elle était opposée aux rendez-vous des quatrième et huitième mois de l'année, ou au principe des lettres-clés flottantes ou encore si elle était opposée à ces deux dispositions du projet de loi.

Enfin, constatant que, si le projet de loi de financement de la sécurité sociale était adopté en l'état, l'Etat serait responsable de la régulation des secteurs de l'hospitalisation publique, de l'hospitalisation privée, du médicament et du tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS), il s'est étonné des termes de cette " clarification des responsabilités " annoncée par le Gouvernement.

Répondant à M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, M. Jean-Marie Spaeth a exposé les raisons qui avaient conduit la CNAMTS à proposer un plan stratégique de refondation de l'assurance maladie. Il a affirmé qu'au cours des trente dernières années la responsabilité économique avait toujours pesé sur les seuls assurés sociaux et que cette concentration de la responsabilité économique, à travers l'augmentation de leur participation financière, avait créé un phénomène d'exclusion. C'est le constat de cette exclusion qui a rendu nécessaire l'institution d'une couverture maladie universelle.

M. Jean-Marie Spaeth a regretté que les professionnels de santé aient réussi à accréditer l'idée selon laquelle toute responsabilité économique mise à la charge des médecins constituerait une sanction à leur encontre. Il a affirmé que le plan stratégique avait été conçu en partant de l'idée qu'il n'était plus possible de continuer à gérer le système de soins de manière segmentée, sans perspective d'avenir répondant aux besoins sanitaires des assurés sociaux. Il a toutefois considéré que plusieurs des propositions de ce plan stratégique relevaient du domaine réglementaire ou n'auraient pas eu leur place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé que la CNAMTS était hostile à la fixation par la loi de dates fixes pour des rendez-vous infra-annuels et qu'elle estimait que l'institution de lettres-clés flottantes ne pouvait tenir lieu de politique structurelle et empêcherait toute signature d'accords conventionnels par les syndicats.

Evoquant le partage des responsabilités entre l'Etat et la CNAMTS, il a indiqué que depuis de longues années les pouvoirs accordés à la CNAMTS étaient en grande partie virtuels. Il a rappelé que, depuis deux ans, des représentants de l'assurance maladie siégeaient au Comité économique du médicament.

Admettant qu'il ne niait pas que les nouveaux pouvoirs accordés à la CNAMTS par le projet de loi pouvaient constituer, au moins en partie, un piège pour l'assurance maladie, M. Jean-Marie Spaeth a considéré qu'il était rare qu'une institution se voie confier sans arrière-pensée des pouvoirs par une autre institution. Il a toutefois rappelé que la segmentation que propose le Gouvernement entre hospitalisation et soins de ville était artificielle et qu'un tel système ne pouvait être que très transitoire.

Il a estimé qu'il appartenait au Parlement d'affirmer des priorités sanitaires et de dire s'il préférait que les crédits de l'assurance maladie soient affectés, par exemple, plutôt aux cures thermales ou plutôt à l'hôpital ou plutôt au traitement de la maladie de Parkinson. Il a en effet considéré que de tels choix n'étaient pas effectivement réalisés actuellement, sauf en " catimini ". Rappelant les termes d'un récent communiqué de presse du ministère de l'emploi et de la solidarité sur les cures thermales selon lequel elles participaient de la " tradition " et du " bien-être " des Français, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il avait écrit au ministre en lui demandant de définir la notion de " bien-être " à l'usage des médecins-conseil de l'assurance maladie chargés de contrôler le recours aux cures thermales.

M. Dominique Leclerc s'est étonné que M. Jean-Marie Spaeth fasse porter sur les parlementaires la responsabilité de l'absence de priorité sanitaire dans les lois de financement de la sécurité sociale. Il a regretté que l'assurance maladie cherche à encadrer l'évolution des dépenses par des enveloppes sectorielles alors que l'on constate dans la réalité de nombreux transferts d'activités de l'hôpital vers la ville. Il lui a demandé quelle était l'évolution des coûts de gestion de l'assurance maladie.

M. Louis Souvet a demandé à M. Jean-Marie Spaeth comment financer les allégements de charges décidés par le Gouvernement dans le cadre de la politique de la réduction du temps de travail. Il l'a également interrogé sur les conséquences des dispositions du projet de loi prévoyant la motivation des prescriptions d'arrêt de travail par les médecins.

M. Serge Franchis a évoqué les reports de charges entre l'hôpital et la médecine de ville et leur manque de transparence. Il a également estimé que les usagers devraient être responsables, mais que la gratuité des soins n'incitait pas toujours à la prise de conscience de la nécessité de cette responsabilité.

M. Lucien Neuwirth s'est félicité du contenu de la proposition n° 16 du plan stratégique de la CNAMTS concernant les soins palliatifs. Constatant que l'assurance maladie avait consacré, cette année, 50 millions de francs à la prise en charge des dépenses de formation des bénévoles participant aux soins palliatifs et à l'accompagnement, il lui a demandé s'il serait favorable au vote d'une disposition législative tendant à pérenniser ce financement.

Répondant aux orateurs, M. Jean-Marie Spaeth a évoqué la question de la réduction du temps de travail, affirmant que celui qui décidait de la mise en place d'une aide aux entreprises devait en trouver le financement et l'assumer par lui-même. Il a affirmé être tout à fait conscient de l'ampleur des transferts d'activités entre l'hôpital et la ville, comme il existait aussi des transferts dans l'autre sens, de la ville vers l'hôpital, et indiqué qu'il était difficile de disposer d'outils performants pour en évaluer l'ampleur. Il a nié toute agression à l'égard du Parlement concernant la définition de priorités sanitaires et réaffirmé qu'il appartenait à l'Etat de définir certaines règles, notamment celles qui président à la définition du panier de biens et services remboursables par l'assurance maladie.

Evoquant les coûts de gestion administrative de la CNAMTS, il a affirmé qu'ils représentaient environ 5,5 % de ses dépenses et rappelé, d'une part, qu'avec l'informatisation progressive de la transmission des feuilles de soins, l'assurance maladie devait gérer à la fois des feuilles de soins électroniques et des feuilles de soins sur un support papier et, d'autre part, que chaque fois que les dépenses de santé augmentaient, l'assurance maladie avait de plus en plus de feuilles de soins à traiter.

Evoquant la question des dépenses hospitalières, M. Jean-Marie Spaeth a estimé qu'une réforme instituant une tarification par pathologie serait de nature à induire une plus grande transparence. Il a enfin répondu à M. Lucien Neuwirth en affirmant que l'ambition de la CNAMTS était de pérenniser des financements qu'elle accorde aux associations intervenant dans l'accompagnement des malades en définissant des critères et des objectifs sanitaires auxquels ces associations devraient répondre.

C. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

M. Bernard Caron a estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 compliquait encore davantage le financement de la sécurité sociale. Il a indiqué qu'en raison de l'article 2 portant création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, le conseil d'administration de l'ACOSS avait émis un avis négatif, les représentants de l'Union professionnelle artisanale (UPA) s'abstenant. Il a comparé la simplicité du bulletin de paie de l'après-guerre, où quatre retenues étaient présentes, à la difficulté de lecture du bulletin de paie d'un salarié d'aujourd'hui : il a souligné notamment la complexité de la contribution sociale généralisée (CSG), parfois non déductible et parfois déductible.

Il a rappelé que le système " Racine ", qui ventile les imputations comptables au niveau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et qui a été mis en place depuis le 1 er janvier 1998 par l'ACOSS, représentait un grand progrès par rapport au système précédent, où la ventilation était effectuée au niveau national, de manière forfaitaire et évaluative. Il a observé toutefois que les URSSAF recevaient des chèques globaux des entreprises déclarantes et que la ventilation était effectuée a posteriori. Il a précisé que l'URSSAF de Paris venait de rejoindre le système informatique national et que ce basculement était notamment à l'origine de crédits non affectés, dont le montant est estimé à 15 milliards de francs pour 1998.

Evoquant les différents mécanismes de réductions de charges sociales, il a déploré l'existence de quarante assiettes déclaratives différentes de cotisations sociales. Il a observé que cette complexité représentait un risque d'insécurité juridique et pénalisait les déclarants. Il a considéré que la gestion des exonérations de sécurité sociale représentait une charge très importante, l'exonération étant variable en fonction du contrat de travail et de l'horaire pratiqué par le salarié.

S'agissant de la gestion des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux (PAM), il a indiqué que le système prévu allait rendre nécessaire une interconnexion des systèmes informatiques de l'ACOSS et de la CNAMTS, par ailleurs en pleine évolution.

Il a observé que l'ACOSS disposait pourtant d'un taux de recouvrement supérieur à celui des services fiscaux, avec un taux d'erreur réduit. Il a constaté que l'ACOSS menait une course éperdue pour adapter sans cesse ses systèmes d'information à une législation et une réglementation toujours plus complexes.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que la simplification était un objectif partagé par l'ensemble des membres du conseil de surveillance de l'ACOSS. Il s'est interrogé sur les simplifications possibles en matière d'exonération de cotisations sociales, sur l'accélération du délai de remise des comptes sociaux, sur la compensation par l'Etat des aides attribuées dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 et sur l'applicabilité des dispositions relatives aux PAM.

Revenant sur les possibilités de simplification, M. Bernard Caron a proposé que l'édiction d'une nouvelle réglementation abroge de manière automatique un dispositif existant. Il a considéré qu'il était nécessaire de trancher sur la déductibilité ou la non-déductibilité de la CSG. Evoquant les débats sur une progressivité éventuelle de la CSG, il a regretté la confusion entre cotisations et impôts. Il a remarqué que l'on voulait faire assumer à la CSG un rôle que ne remplit pas aujourd'hui l'impôt sur le revenu.

Il a souhaité que l'ACOSS se concentre sur ses missions de base. Il a observé que les demandes réitérées de simplification formulées par l'ACOSS auprès de la direction de la sécurité sociale n'avaient pas été suivies d'effets. Il a estimé que les dispositifs d'exonération de cotisations sociales relatifs à l'aménagement du territoire (zones franches urbaines, zones de revitalisation urbaine, zones de redynamisation rurale) devaient être transformés en subventions inscrites au budget de l'Etat.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé que le " versement transport " était pris en charge par les URSSAF, alors que ces sommes n'étaient pas du tout affectées à la sécurité sociale.

Concernant les délais, M. Bernard Caron a déclaré que l'ACOSS disposait désormais d'un tableau de bord mensuel du recouvrement, à travers la réunion de la commission de trésorerie. Il a estimé que l'ACOSS n'était pas responsable des dépenses, qui ne sont connues que par les seules caisses. Il a observé que des progrès avaient été réalisés, mais que l'effort devait être poursuivi. Il a insisté sur l'hétérogénéité des différents modes de comptabilisation présentés aux parlementaires : comptes nationaux, comptes de la commission des comptes de la sécurité sociale, comptes de la loi de financement. Il a précisé que les comptes de la commission des comptes et les comptes de la loi de financement restaient en encaissements/décaissements, alors que les caisses du régime général disposaient désormais de comptes en droits constatés. Il a estimé qu'il était nécessaire d'homogénéiser les systèmes comptables des organismes de sécurité sociale, en adoptant le plan comptable de droit commun.

M. Bernard Caron a indiqué que l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, imposant la compensation intégrale des mécanismes d'exonération de charges sociales, avait été correctement appliqué pour les aides relevant de la loi du 13 juin 1998. Il a estimé que ce mécanisme de compensation, mis en place par la loi du 25 juillet 1994, était sain et permettait une meilleure compréhension des différents flux financiers. Il a observé qu'à l'inverse le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, par le croisement de flux financiers dans tous les sens, était d'une rare complexité.

Il a rappelé que l'analyse des allégements de charges sur les bas salaires reposait sur le postulat de départ que le coût du travail non qualifié était trop élevé en France, en raison des charges sociales. Il a estimé que l'impact sur l'emploi de tels allégements était difficile à évaluer. Il a observé que le problème des emplois qualifiés se posait de plus en plus et que la politique des salaires serait considérablement freinée pour les cadres moyens. Il a considéré que le danger des délocalisations de centres d'activité était réel.

S'agissant des cotisations des PAM, il a précisé que le mécanisme serait appliqué par les URSSAF, mais que la conséquence serait probablement une baisse du taux de recouvrement des cotisations.

M. André Jourdain a souhaité connaître des évaluations concernant la délocalisation des emplois qualifiés.

M. Bernard Caron a observé que la problématique statistique était la même que celle du travail clandestin et qu'il ne disposait pas de chiffres. Il a indiqué qu'en raison de cette impossibilité statistique, ses déclarations pouvaient être jugées " alarmistes ", mais qu'une observation de type micro-économique permettait de confirmer qu'il s'agissait d'un problème bien réel, notamment entre la France et la Grande-Bretagne.

D. AUDITION DE M. FRANÇOIS DE PAILLERETS, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE LA SANTÉ EN 1999, ET M. MARC BRODIN, PRÉSIDENT DE CETTE CONFÉRENCE POUR 2000

Enfin, elle a entendu M. François de Paillerets, président de la Conférence nationale de la santé en 1999, et M. Marc Brodin, président de cette Conférence pour 2000 .

M. François de Paillerets a d'abord exposé les grandes lignes du rapport établi par la Conférence nationale de la santé en 1999. Celle-ci a notamment étudié les questions sanitaires induites par le vieillissement, en tentant de repérer les obstacles qui avaient conduit à ce que des idées très répandues ne parvenaient pas à déboucher sur des mesures concrètes.

M. François de Paillerets a estimé que la France devait mettre à profit le répit démographique de cinq années dont elle bénéficiait pour apporter une réponse aux principales difficultés qui seraient induites par le vieillissement de la population. Il a particulièrement insisté sur la nécessité de réhabiliter l'image de la personne âgée, de soutenir les démarches sanitaires entreprises dans le cadre de réseaux de soins et de mieux prendre en charge la dépendance des personnes âgées.

Evoquant la résorption des inégalités inter et intra-régionales de répartition de l'offre de soins, il a affirmé que la Conférence nationale de santé renouvelait sa proposition d'instituer des enveloppes financières régionales transversales dont pourraient bénéficier l'hospitalisation comme la médecine de ville et, surtout, les réseaux.

M. François de Paillerets a ensuite dressé le bilan du fonctionnement de la Conférence nationale de santé instituée voici quatre ans par les ordonnances portant réforme de la sécurité sociale. Il s'est félicité que la Conférence nationale de santé ait pu constituer le cadre d'un véritable dialogue entre des professionnels venant de secteurs très différents qui ne sont pas habitués à échanger et estimé que ce dialogue avait permis la diffusion d'une véritable culture de santé publique. Il a également affirmé qu'un nombre significatif de propositions formulées par la Conférence avait reçu une traduction législative ou budgétaire.

M. François de Paillerets a toutefois reconnu que les membres de la Conférence nationale de santé, comme les parlementaires, ressentaient une indéniable frustration de n'avoir pas su trouver une bonne articulation entre leurs travaux respectifs. Citant l'exemple de la prise en charge du diabète qui avait fait l'objet de propositions de la part de la Conférence nationale de santé, il a ainsi regretté qu'elle n'ait pas disposé des instruments nécessaires pour en chiffrer le coût, ni pour donner une argumentation chiffrée concernant les économies importantes que leur mise en oeuvre aurait pu induire à terme.

M. François de Paillerets a toutefois affirmé que la Conférence nationale de santé, unanime, avait décidé de retenir désormais une approche médico-économique pour ses travaux et qu'elle avait ainsi décidé d'étudier la question de la définition du panier de soins remboursable par l'assurance maladie. Il a indiqué que cette nouvelle orientation nécessitait, pour être valablement retenue, le renforcement des capacités d'expertise de la Conférence nationale de la santé. Il a enfin affirmé que celle-ci devrait être capable de définir à la fois ce qui était souhaitable, ce qui était faisable et, enfin, ce qui était acceptable financièrement par la Nation.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a d'abord rappelé qu'il avait été très favorable, depuis 1996, à la création d'une Conférence nationale de la santé. Il a déclaré avoir été frappé, à la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du rapport qui lui est annexé, de l'absence de toute référence aux travaux, et même à l'existence de la Conférence. Il a observé que le rapport de la Conférence nationale de santé n'avait été remis au Parlement, selon la procédure officielle de dépôt qu'une seule fois, en 1996, et a regretté que, cette année, la commission des affaires sociales ait dû demander une transmission du rapport au ministère des affaires sociales. Il a estimé que ces carences reflétaient le peu de cas que faisait le Gouvernement des travaux de la Conférence nationale de santé. Il a fait siens les propos de M. François de Paillerets sur la nécessaire médicalisation de l'ONDAM. Evoquant les propos du président de la Conférence nationale de santé sur la prestation spécifique dépendance ou sur les inégalités inter-régionales, il a indiqué qu'ils confirmaient ce que pensaient déjà les parlementaires. Il a en revanche déclaré apprécier les propositions de la Conférence nationale de santé sur la prise en charge du diabète et estimé qu'elles correspondaient à l'attente des parlementaires.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que le Gouvernement avait annoncé une loi de modernisation du système sanitaire et que la commission des affaires sociales solliciterait la Conférence nationale de la santé pour en préparer la discussion.

M. Jean-Louis Lorrain a souhaité attirer l'attention des représentants de la Conférence nationale de la santé sur les insuffisances de la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou sujettes à des pratiques additives.

M. Francis Giraud a déclaré son opposition à une approche exclusivement comptable des questions de santé. Il a estimé nécessaire de définir une politique de santé et indiqué que, dans ce cadre, les experts devaient s'engager afin que le politique puisse prendre les meilleures décisions. Il s'est également interrogé sur la nécessité de réformer la formation initiale des médecins.

M. Guy Fischer a rappelé qu'il avait bien accueilli la mise en place de conférences régionales de santé, institutions qui pourraient permettre d'aider à la satisfaction de nouveaux besoins de santé. Faisant référence aux conditions d'adoption des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS), il a toutefois regretté l'insuffisante prise en considération des propositions formulées.

Répondant aux intervenants, M. François de Paillerets s'est d'abord déclaré très déçu par l'absence de transmission au Sénat du rapport de la Conférence nationale de santé. Il a fait siens les propos de M. Jean-Louis Lorrain et a affirmé, comme l'avait fait M. Francis Giraud, que la France avait un retard considérable dans la définition d'une politique de santé. A titre personnel, il a estimé regrettable que les universitaires médecins soient uniquement recrutés sur des critères scientifiques.

M. Marc Brodin a estimé que la Conférence nationale de santé avait assuré la promotion d'une analyse des questions de santé par ses déterminants. Il a constaté, environ les deux tiers des membres de cette Conférence étant des professionnels de santé, qu'une telle approche ne reflétait pourtant pas celle par laquelle ils envisageaient habituellement les questions de santé. Il a indiqué que la Conférence nationale de la santé étudierait la question du panier de soins remboursable par l'assurance maladie qui détermine, avec les comportements et les facteurs environnementaux, l'état sanitaire de la population. Il a déclaré que pendant environ deux années, la Conférence analyserait la situation actuelle, en France et en Europe, et étudierait les critères actuels d'admission dans ce panier de soins. Il a aussi annoncé son intention de travailler sur la prévention, le tiers des actes en médecine de ville pouvant être considéré comme relevant d'une démarche de prévention secondaire, c'est-à-dire de dépistage.

Evoquant la question de l'expertise, M. Marc Brodin a affirmé que la Conférence nationale de la santé avait demandé de pouvoir s'adresser à d'autres équipes que celles du Haut comité de santé publique. Il a ainsi cité des organismes, comme l'INSERM, qui, au fil des années, avait peu à peu cessé de travailler sur des sujets médico-économiques.

M. Marc Brodin a enfin estimé qu'il appartenait au Gouvernement et au Parlement, plutôt qu'à la Conférence nationale de la santé, de définir les priorités sanitaires.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'an dernier, analysant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, la commission des Affaires sociales avait estimé que le projet du Gouvernement était " fragile dans ses équilibres, inabouti dans ses analyses et incohérent dans ses propositions ".

De fait, le retour à l'équilibre de la sécurité sociale, malgré une conjoncture très favorable, n'a pas été atteint.

Trois " grandes " réformes étaient annoncées par le Gouvernement : la " consolidation " des régimes de retraite par répartition, la réforme de l'assiette des cotisations patronales et la mise en place d'une couverture maladie universelle.

La première a accouché d'une souris : le Gouvernement qui, selon le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 devait " prendre les décisions qui s'imposent ", entend désormais " préciser ses orientations générales au début de l'année 2000 ".

La deuxième a donné naissance à un monstre : le fonds de financement des 35 heures, et à une crise grave du paritarisme.

Le troisième, pour l'instant, n'a rien donné du tout : la couverture maladie universelle a bien été votée en urgence par le Parlement pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2000, mais les décrets d'application ne sont toujours pas publiés, son coût est contesté et son financement amputé.

Enfin, l'essentiel du dispositif de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a été annulé par le Conseil constitutionnel s'agissant de l'assurance maladie.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne s'annonce pas sous de meilleurs auspices.

Il organise en premier lieu l'opacité des comptes sociaux. De ce point de vue, l'intrusion, dans le projet de loi, du dispositif de financement des trente-cinq heures a porté la confusion à son comble.

Depuis deux ans, c'est-à-dire depuis le dépôt en décembre 1997 du premier projet de loi relatif à la réduction du temps de travail, le Gouvernement prétendait imposer une contribution aux organismes gérant la protection sociale.

La veille du débat à l'Assemblée nationale sur le présent projet de loi, il a dû y renoncer face à l'opposition résolue et unanime des partenaires sociaux. Si l'UNEDIC est ainsi temporairement exonérée, la sécurité sociale reste mise à contribution à l'issue d'un mécanisme de " tuyauterie " bouleversant à nouveau les règles d'affectation des prélèvements sociaux.

En définitive, " la réforme d'ampleur de l'assiette des cotisations patronales " annoncée par le Gouvernement débouche sur l'affectation à la compensation des exonérations de charges d'une collection hétérogène et sans fondement de recettes de poche et d'impôts nouveaux.

Il en résulte en outre que les recettes prévues en juillet 1999 -c'est-à-dire il y a trois mois- en faveur de la CNAMTS pour compenser le coût de la couverture maladie universelle financeront désormais indirectement les trente-cinq heures.

S'agissant de l'assurance maladie dont les comptes sont loin d'être maîtrisés, le Gouvernement semble-t-il entend désormais agir seul sans pour autant que les lignes directrices de son action soient claires.

Il semble vouloir ainsi se passer du Parlement. En affichant pour 2000 une progression de l'ONDAM calculée par rapport aux " dépenses attendues pour 1999 ", le Gouvernement relègue cet objectif sur rang de simple " hypothèse économique " et prétend gommer la dérive des dépenses d'assurance maladie en 1998 et 1999.

Il semble vouloir également se passer des professionnels de santé. Le projet de loi -notamment par son article 17- consacre la fin des relations conventionnelles globales.

Il semble vouloir enfin se passer de la CNAMTS. Utilisant pour la première fois, depuis les ordonnances de 1967, le rôle de proposition qui leur avait été confié, les partenaires sociaux ont élaboré un plan ambitieux et audacieux de refondation du système de soins. Il aurait gagné à être analysé par le Gouvernement et débattu devant le Parlement.

Or, la réponse du Gouvernement à la CNAMTS s'apparente à une fin de non-recevoir. Le projet de loi de financement ne met en oeuvre aucune de ses propositions.

Bien au contraire, il exclut l'assurance maladie de la régulation des cliniques privées, allant ainsi à l'encontre de toutes les politiques visant à développer la coordination entre l'hospitalisation et la ville, et négligeant les économies qui pourraient être réalisées du fait de cette coordination.

Enfin, il instaure un dispositif d'obstruction à l'égard de la CNAMTS, qui serait chargée, au détriment de sa mission d'assureur, de rédiger chaque année une centaine de rapports d'équilibre destinés au Gouvernement : la CNAMTS passerait ainsi du statut de " payeur aveugle " à celui de " gratte-papier éclairé ".

Face à ce projet de loi et à travers ses propositions, votre commission a d'abord souhaité affirmer son souci d'une clarification des comptes sociaux dans le respect du principe de la séparation des branches.

L'intelligibilité des comptes sociaux, c'est-à-dire la compréhension par chacun, assuré ou contribuable, de la destination et de la raison d'être des prélèvements sociaux, est le fondement des lois de financement et la condition du redressement de la sécurité sociale.

Votre commission a souhaité en outre rappeler son attachement au maintien des relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé qui seules peuvent garantir une maîtrise médicalisée des dépenses.

PREMIÈRE PARTIE
-
ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1998 ET 1999 : UN REDRESSEMENT FRAGILE DES COMPTES SOCIAUX

A. LE REDRESSEMENT DES COMPTES SOCIAUX A ÉTÉ PAYÉ PAR UN ALOURDISSEMENT SPECTACULAIRE DES PRÉLÉVEMENTS SOCIAUX

Le Gouvernement affirme que le redressement des comptes de la sécurité sociale a été atteint " sans augmentation du taux des cotisations " et " sans déremboursement des médicaments " .

Cette " formule magique " mérite toute l'attention : il s'agit, depuis l'origine, d'une des constantes des lois de financement de la sécurité sociale. Ces dernières se distinguent ainsi des différents " plans de replâtrage " de la sécurité sociale, qui s'étaient bornés jusqu'alors, sans succès durable, à relever le taux des cotisations et à procéder à un déremboursement partiel ou total de certains médicaments.

Mais la fiscalisation des recettes de la sécurité sociale est une réalité que l'on ne peut ignorer ; les cotisations représentent aujourd'hui 59 % des recettes, contre 72,2 % en 1996 ; parallèlement, la part des impositions affectées est passée de 10,6 à 24,4 %.

Force est de constater que le redressement des comptes de la sécurité sociale a été rendu possible par l'accroissement, depuis 1996, des prélèvements affectés à la sécurité sociale.

1. L'accroissement des prélèvements affectés à la sécurité sociale...

a) L'affectation de nouveaux prélèvements ou l'extension d'assiette de prélèvements affectés à la sécurité sociale

Les ordonnances de 1996 ont institué trois contributions à la charge de l'industrie pharmaceutique. Par ailleurs, la dette de la sécurité sociale a été transférée à la charge de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), celle-ci la finançant grâce à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), imposition s'appliquant à tous les revenus à hauteur de 0,5 %.

Des " mesures de redressement " ont été décidées par les deux premières lois de financement de la sécurité sociale.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a permis d'aligner l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité sur l'assiette de la CRDS et d'étendre l'assiette de la CSG sur les revenus de remplacement et sur les revenus du capital.

En outre, elle a créé une CSG affectée à l'assurance maladie, au taux de 1 %, en échange d'une baisse de 1,3 point du taux d'assurance maladie des actifs.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a étendu l'assiette du prélèvement social affecté à la CNAF et à la CNAVTS sur l'assiette de la CSG s'appliquant aux revenus du capital.

Parallèlement, opérant un " basculement " brutal, cette loi de financement a autorisé une hausse du taux de CSG affectée à l'assurance maladie de 4,1 points, en échange d'une baisse de 4,75 points du taux des cotisations des salariés du régime général.

En raison des différences d'assiette entre cotisations et CSG, le basculement est loin d'être neutre.

Solde pour les régimes d'assurance maladie des deux opérations de substitution CSG/cotisations

1998

1999

2000

CSG maladie

208,3

236,9

245,3

Pertes de cotisations maladie

- 207,8

- 232,5

- 240,7

Droits sur les alcools

4,8

4,8

4,9

Solde

5,2

9,3

9,4

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Votre rapporteur tient à observer que les tableaux publiés par la Commission des comptes de la sécurité sociale laissent planer une incertitude. En effet, une fraction des " droits 403 " sur les alcools (40 %), auparavant affectés intégralement au Fonds de solidarité vieillesse, est attribuée aux régimes d'assurance maladie depuis la loi de financement de 1997. S'il convient de les inclure pour analyser le bilan des deux opérations de substitution, l'examen du solde particulier de la substitution pour 1998 n'a donc pas, en conséquence, à prendre en considération les droits sur les alcools. Malheureusement, ce solde particulier est indisponible.

Votre rapporteur a tenté de l'estimer 1 ( * ) :

La substitution en 1998

Effets de la 1ère substitution (décidée par la LFSS 1997)

Effets de la 2 ème substitution (décidée par la LFSS 1998)

Total

CSG maladie

47,4

160,9

208,3

Pertes de cotisations maladie

- 45,0 ?

- 162,8 ?

- 207,8

Droits sur les alcools

4,8

4,8

Solde

7,2

- 1,9

5,2

Source : CAS, d'après CCSS.

Votre rapporteur a essayé également d'évaluer la masse des prélèvements supplémentaires affectés à la sécurité sociale sur 1997, 1998 et 1999.

Cette évaluation est facile pour les contributions nouvelles : il suffit de constater sur chaque exercice les recettes. En revanche, pour les prélèvements supplémentaires nés de l'extension de l'assiette d'une imposition déjà existante, il convient d'évaluer le rendement du prélèvement sans extension, ce qui est relativement facile la première année 2 ( * ) , mais commence à perdre beaucoup en précision dès la seconde année 3 ( * ) .

Le tableau ci-dessous ne prétend en aucun cas à l'exactitude. Il tente de donner un " ordre de grandeur ". Il est regrettable que ni la Commission des comptes de la sécurité sociale, ni la Cour des comptes ne présentent de telles estimations.

Il est frappant de constater l'effet en année pleine, porté par la croissance, d'extensions de prélèvements décidées les années précédentes.

Produit des impositions supplémentaires affectées à la sécurité sociale 1997-2000

Impositions et taxes

Textes

1997

1998

1999

2000

Taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire

article 8 ordonnance 24/01/1996 -relèvement article 14 LFSS 1998

1.500

2.600

2.752

2.780

Contribution due par les grossistes répartiteurs sur leurs ventes aux offices pharmaceutiques

article 76 loi du 12 avril 1996
extension assiette article 32 LFSS 1997 relèvement article 12 LFSS 1998

1.100

1.300

1.240

1.200

Taxe sur les ventes directes de médicaments

art. 12 LFSS 1998

172

170

171

Contribution due par les laboratoires sur leurs dépenses de publicité

hausse taux article 11 LFSS 1998

1.744

2.318

1.215

1.205

Contribution à la charge des laboratoires pharmaceutiques non conventionnés avec le comité économique du médicament

art. 31 LFSS 1999

510

CSG maladie

LFSS 1997 et LFSS 1998

40.800

208.300

236.900

245.300

Perte cotisations maladie

LFSS 1997 et LFSS 1998

- 43.500

- 207.800

- 232.500

- 40.700

Alignement assiette CSG revenu, capital sur assiette CRDS et extension assiette CSG remplacement (CNAF et CNAVTS)

articles 10, 13 à 15 LFSS 1997

2.300

2.500

2.600

2.700

Majoration droits consommation sur les boissons alcoolisées

LFSS 1997 (art. 28)

850

850

850

850

Taxe sur les prémix (article 29)

LFSS 1997 (art. 29)
+ LFSS 1999 (art. 12)

3

1

1

1

Droits sur le tabac

article 27 LFSS 1997
art. LFSS 1998

2.263

3.857

4.380

8.099

Elargissement assiette 1 % CNAF

LFSS 1998

3.460

4.500

4.600

Elargissement assiette 1 % CNAVTS

LFSS 1998

1.500

2.500

2.600

Déplafonnement total des cotisations famille des employeurs

LFSS 1998

340

350

360

Droits de fabrication sur les alcools (406 A)

LFI 1999 + LFSS 1999

- 322

- 322

TOTAL

7.060

19.398

24.636

29.354

L'accroissement des prélèvements nouveaux représenterait, pour les années 1997 à 1999, un solde cumulé de 51 milliards de francs.

A ce prix, si l'on peut s'exprimer ainsi, le redressement des comptes sociaux, dans une période de croissance, n'a rien d'étonnant.

b) Une ponction globale sur les ménages

La substitution CSG/cotisations est souvent présentée par le Gouvernement comme une mesure favorable à la consommation, ayant fortement participé à la relance de la demande intérieure.

Il faut pourtant constater que la substitution CSG/cotisations a eu un effet négatif sur le revenu global des ménages, en raison notamment des prélèvements supplémentaires sur l'épargne.

Incidence sur le revenu des ménages
de la substitution CSG/cotisations intervenue en 1998

en milliards de francs

Réduction sur les prélèvements d'activité

-18,5

Augmentation du prélèvement sur les revenus du capital

+ 21,0

Augmentation du prélèvement sur les revenus de remplacement

+ 2,1

SOLDE

+ 4,6

Source : rapport économique, social et financier du PLF 1999, p. 169.

Ce tableau est " actualisé " pour 2000 en incluant l'élargissement de l'assiette du prélèvement social de 2 %, mais en omettant de chiffrer l'augmentation du prélèvement sur les revenus de remplacement :

Incidence sur le revenu des ménages en 2000

en milliards de francs

Réduction sur les prélèvements d'activité

- 16,6

Augmentation CSG sur les revenus du capital

+ 19,0

Elargissement assiette 2 % prélèvement social

+ 6,2

SOLDE

+ 8,6

Source : rapport économique, social et financier du PLF 2000, p. 240.

Si l'on prend en compte l'augmentation du prélèvement sur les revenus de remplacement, le prélèvement " global " supplémentaire sur les ménages résultant de la substitution cotisations/CSG et de l'élargissement de l'assiette du prélèvement social de 2 % atteindrait désormais près de 11 milliards de francs.

2. ... conjugué au retour de la croissance...

a) Une reprise dès fin 1996

Selon l'INSEE, la reprise a débuté en 1996, pour s'affirmer en 1997 et plus encore en 1998. Sur la période 1996-97, la croissance a été tirée, " comme dans le reste de l'Europe, par une très forte croissance de la demande extérieure, dont bénéficiait principalement l'industrie " 4 ( * ) . Au moment où la demande extérieure s'affaiblissait (fin 1997), la demande intérieure a pris le relais ; les ménages ont bénéficié d'une croissance forte de leur pouvoir d'achat, en raison des créations d'emplois et du ralentissement de l'inflation se traduisant avec retard sur l'évolution des salaires nominaux. Indiscutablement, la confiance des ménages s'est redressée dans les premiers mois de 1997.

L'analyse objective est bien éloignée des propos de Mme Martine Aubry, expliquant que le Gouvernement a contribué à la reprise de la demande intérieure par le basculement CSG/cotisations, censé procurer 1,1 % de gain de pouvoir d'achat, non seulement parce qu'il apparaît que ce basculement a eu pour conséquence un prélèvement global supplémentaire pour les ménages, mais également parce que les conditions de cette reprise étaient présentes avant les effets de la substitution.

Contrairement aux " reprises " du début et du milieu des années quatre-vingt-dix, interrompues immédiatement, l'année 1997 a été suivie par deux années d'une croissance relativement forte.

La croissance du PIB 1997-1999

1997

1998

1999 (estimations)

PIB en volume

2,2

3,2

2,3

PIB en valeur

3,4

4,1

2,9

Source : Comptes de la Nation.

b) Un effet direct sur la croissance de la masse salariale

Les années 1997-1999 représentent trois années où la croissance de la masse salariale a été supérieure à 3 %.

Récapitulatif 1997 - 1999

1997

1998

1999 (estimations)

Salaire moyen par tête

2,7

2,1

2,2

Effectifs salariés

0,4

1,9

1,5

Masse salariale secteur privé

3,2

4,0

3,7

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

La croissance de la masse salariale a été portée par une croissance exceptionnelle du salaire moyen par tête en 1997.

En 1998 et en 1999, les prévisions ont systématiquement surestimé la croissance du salaire moyen par tête. La croissance des effectifs salariés liée à la baisse du chômage, sous-estimée par les prévisions, a été le principal moteur de la croissance de la masse salariale.

Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 1998

septembre 1997

septembre 1998

septembre 1999

Salaire moyen par tête

2,6

2,2

2,1

Effectifs salariés

1,3

1,8

1,9

Masse salariale secteur privé

3,9

4,0

4,0

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

Votre rapporteur avait douté, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 5 ( * ) , de la pertinence de la prévision de croissance du salaire moyen par tête, en raison du contexte de modération salariale dû à la réduction du temps de travail.

Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 1999

septembre
1998

mai
1999

septembre
1999

Salaire moyen par tête

2,5

2,1

2,2

Effectifs salariés

1,8

1,3

1,5

Masse salariale secteur privé

4,3

3,4

3,7

Effet emplois jeunes - RTT (*)

0,4

0,4

Assiette encaissements du secteur privé du régime général

3,8

4,1

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale.

(*) cet effet s'applique aux effectifs, mais a été " individualisé " par la Commission des comptes.

L'effet " modération salariale " lié à l'annonce de la réduction du temps de travail semble ainsi avoir joué un rôle dès 1998 6 ( * ) , alors que les effets sur l'emploi des 35 heures ont été pour l'instant minimes.

La baisse du taux de croissance du PIB (2,3 % en 1999 contre 3,2 % en 1998) n'a eu qu'un impact faible dans la baisse de la croissance de la masse salariale. La croissance française, grâce aux différents dispositifs d'allégements de charges sociales décidés par les gouvernements de MM. Balladur et Juppé, est devenue " plus riche en emplois ".

3. ... explique la progression massive des recettes de la sécurité sociale

En conséquence, les années 1998 et 1999 ont été deux années de forte croissance des recettes de la sécurité sociale.

Dans les deux cas, les prévisions votées en loi de financement ont été dépassées.

Pour 1998, le surcroît de recettes est de 7,3 milliards de francs.

Recettes par catégorie 1998

LFSS 97 réalisations (1)

PrévisionsLFSS 1998 (2)

RéalisationsLFSS 1998 (3)

Ecart en milliards de francs (3) - (2)

Evolution (3)/(1)

Cotisations effectives

1.154,9

1.034,1

1.042,8

+8,7

- 9,71%

Cotisations fictives

181,2

186,9

187,1

+0,2

+ 3,26%

Contributions publiques

62,3

62,0

60,5

- 1,5

-2,89%

Impôts et taxes affectés

221,0

403,0

401,2

- 1,8

+ 81,54%

Transferts reçus

4,8

4,6

4,8

+0,2

-

Revenus des capitaux

1,4

1,3

1,4

0,1

-

Autres ressources

32,6

31,1

32,5

+1,4

- 0,31%

Total

1.658,2

1.723,0

1.730,3

+7,3

+ 4,35%

NB : hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire : 6,1 milliards de francs en 1998.

Le surcroît de " cotisations effectives " par rapport à la prévision est de 8,7 milliards de francs. En revanche, les " cotisations fictives " n'ont été que très légèrement sous-estimées.

En ce qui concerne les " impôts et taxes affectés ", l'écart entre la prévision et la réalisation porte sur la CSG (dont le rendement a été surestimé en septembre 1997) et, à moindre degré, sur la C3S. La progression est spectaculaire, en raison du basculement CSG/cotisations.

La nouvelle estimation des prévisions de recettes par catégorie pour 1999 montre également un " surcroît " de recettes disponibles.

Recettes par catégorie 1999

(1)
LFSS 98 (réal)

(2)
LFSS 1999

(3)
Prév.sept 1999

(4)
Ecart (milliards de francs)

Evolution
(3)/(1)

Cotisations effectives

1.042,8

1.062,9

1.066,8

+ 3,9

+ 2,30 %

Cotisations fictives

187,1

194,8

195,0

0,2

+ 4,22 %

Contributions publiques

60,5

63,8

62,6

- 1,2

+ 3,47 %

Impôts et taxes affectés

401,2

438,7

439,7

+ 1,0

+ 9,59 %

Transferts reçus

4,8

5,2

4,9

- 0,3

+ 2,08 %

Revenus des capitaux

1,4

1,4

1,6

+ 0,2

+ 14,28 %

Autres ressources

32,5

32,6

33,4

+ 0,8

+ 2,77 %

Total

1.730,3

1.799,5

1.804,0

+ 4,5

+ 4,26 %

NB : hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire : 6,85 milliards de francs en 1999.

La ligne " Impôts et taxes affectés " bénéficie d'une croissance de 9,59 % entre 1999 et 1998 alors qu'il n'y a pas d'extension notable des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale en 1999. La simple reconduction des mesures prises par les lois de financement de la sécurité sociale 1997 et 1998, leur application " en année pleine " et " l'effet croissance " retardé de certaines impositions (C3S, par exemple 7 ( * ) ) expliquent cette évolution.

Au total, le rythme de la croissance des recettes de la sécurité sociale en 1999 (4,26 % contre 4,35 % en 1998) ne ralentit qu'à peine.

Ce surcroît de recettes, observé tant en 1998 qu'en 1999, aurait pu permettre un excédent des comptes sociaux dès 1998, et une réduction plus rapide que prévue du déficit du régime général. Malheureusement, le Gouvernement a démontré son incapacité à maîtriser l'évolution des dépenses sociales.

B. LE REDRESSEMENT DES COMPTES SOCIAUX MASQUE L'ÉCHEC DU GOUVERNEMENT À ENDIGUER LA DÉRIVE DES DÉPENSES

Le " plan Juppé " a été décidé dans des circonstances qu'il convient de rappeler. Le recours à des contributions exceptionnelles et l'affectation de prélèvements nouveaux à la sécurité sociale s'expliquaient en raison de la période économique difficile que connaissait notre pays. Mais le " plan Juppé " ne se limitait pas à augmenter les recettes ; en instituant les lois de financement de la sécurité sociale, son ambition était de maîtriser l'évolution structurelle des dépenses sociales, afin d'éviter qu'un retournement de conjoncture, du même type que celui observé en 1992-1993, ne dégrade les comptes.

L'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a démontré qu'une maîtrise des dépenses sociales était possible.

Les lois de financement de la sécurité sociale pour 1998 et 1999 n'ont malheureusement pas poursuivi cet effort.

1. Le Gouvernement a été incapable de maîtriser l'évolution des dépenses sociales

a) L'impuissance à maîtriser les dépenses

Alors que les objectifs de dépenses 1997 n'avaient été dépassés que de 4,2 milliards de francs, les objectifs de dépenses 1998 ont été dépassés de plus de 7 milliards de francs 8 ( * ) .

Cette évolution comprend des tendances contradictoires :

Les dépenses par branche en 1998 : des objectifs à la réalisation

LFSS 1997 (1)

LFSS 1997 Réalisationsept. 1998 (2)

LFSS 1998 (3)

LFSS 1998 Réalisation sept. 1999 (4)

Ecart réalisation
/objectif (en milliard de francs)

Evolution 1998/1997 (4)/(2)

Maladie -maternité -invalidité - décès

662,1

663,1

678,5

687,0

+ 8,5

+3,60%

Vieillesse - veuvage

726,7

721,8

755,0

753,5

- 1,5

+4,39%

Accidents du travail

54,7

55,0

50,8

51,1

+ 0,3

-7,09%

Famille

241,7

249,5

246,9

247,2

+ 0,3

-0,92%

Total dépenses

1.685,2

1.689,4

1.731,2

1.738,8

+ 7,6

+2,92%

NB : hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire

Les dépenses d'assurance vieillesse ont été surévaluées en septembre 1997. Leur croissance d'une année sur l'autre poursuit un rythme élevé.

L'augmentation est imputable aux dépenses d'assurance maladie, qui accusent un dérapage de 8,5 milliards de francs par rapport à l'objectif, alors que cette dérive n'était en 1997 que de 1 milliard de francs.

La réalisation de l'ONDAM 1998 -pourtant nettement plus généreux que celui de 1997, qui avait été atteint- se situe ainsi bien au-delà de la prévision.

L'ONDAM 1998

ONDAM 1997 (prévision)

ONDAM 1997 (réalisation)

ONDAM 1998 (prévision)

ONDAM 1998 (réalisation)

Evolution prévue 1998/97

Evolution réalisée 1998/97

600,1

599,5

613,8

623,6

+ 2,28 %

+ 3,92 %

Il convient de noter la baisse de l'objectif réalisé de dépenses de la branche famille en 1998, par rapport aux dépenses 1997. " Le pas de clerc " de la mise sous condition de ressources des allocations familiales se traduit dans les comptes.

En 1999, le dépassement est encore plus manifeste : 11,3 milliards de francs.

Les dépenses par branche en 1999 (estimations)

Réal. LFSS 1998 (sept. 1999) (1)

LFSS 1999 (2)

Prévisions sept. 1999 (3)

Ecart réalisation
/objectif

Evolution 1999/1998 (3)/(1)

Maladie - maternité - invalidité - décès

687,0

697,8

709,8

+12,0

+3,32 %

Vieillesse - veuvage

753,5

781,4

779,1

- 2,3

+3,40 %

Accidents du travail

51,1

53,0

53,5

+0,5

+4,70 %

Famille

247,2

257,0

258,0

+1,0

+4,37 %

Total dépenses

1.738,8

1.789,1

1.800,4

+11,3

+3,54 %

hors MARS (6,3 milliards de francs)

Le rythme de la croissance des dépenses d'assurance vieillesse ralentit, en raison de l'arrivée à la retraite des classes creuses nées pendant la guerre. Les prestations famille progressent de 4,37 %, en raison principalement du retour à l'universalité des allocations familiales (+ 4 milliards de francs).

Les dépenses de la branche maladie-maternité-invalidité-décès excéderaient de 12 milliards de francs l'objectif voté par le Parlement. Cette dérive se retrouve dans l'estimation de l'ONDAM 1999, qui accuse un dérapage de 13,1 milliards de francs.

L'ONDAM 1999

ONDAM 1998 (prévision)

(1)

ONDAM 1998 (réalisation)

(2)

ONDAM 1999 (prévision)

(3)

ONDAM 1999 (estimation)

(4)

Evolution prévue 1999/98

(3)/(1)

Evolution estimée 1999/98

(4)/(1)

613,8

623,6

629,9

643,0

+ 2,62 %

+ 4,76 %

Si l'on rapporte l'estimation de l'ONDAM 1999 à la réalisation de l'ONDAM en 1998, et non à la prévision, l'évolution de l'ONDAM en 1999 serait de 3,11 %.

L'écart entre la progression des recettes et la progression des dépenses explique l'amélioration des comptes sociaux. La stabilité de la progression des dépenses constatée en 1998 est quelque peu artificielle ; elle repose sur les dépenses " en moins " de la branche famille (mise sous condition de ressources des allocations familiales).

1999 voit se réduire l'écart entre le rythme de progression des recettes et celui des dépenses.

Ecart entre l'évolution des recettes et des dépenses de la sécurité sociale
(évolution en %)

1997

1998

1999

Recettes

3,54 %

4,35 %

4,26 %

Dépenses

2,92 %

2,92 %

3,54 %

Ecart (en point)

0,62

1,43

0,72

En milliards de francs, l'évolution des années 1997, 1998 et 1999 serait la suivante :

Réalisations
1996

Réalisations
LFSS 1997

RéalisationsLFSS 1998

Prévisions LFSS 1999

1999/
1996

Dépenses par branche

Maladie - maternité - invalidité - décès

650,5

663,1

687,0

709,8

59,3

Vieillesse - veuvage

711,5

721,8

753,5

779,1

67,6

Accidents du travail

49,3

55,0

51,1

53,5

4,2

Famille

236,4

249,5

247,2

258,0

21,6

Total dépenses

1.647,7

1.689,4

1.738,8

1.800,4

152,7

Recettes par catégorie

Cotisations effectives

1.160,3

1.154,9

1.042,8

1.066,8

-93,5

Cotisations fictives

175,9

181,2

187,1

195,0

19,1

Contributions publiques

61,0

62,3

60,5

62,6

1,6

Impôts et taxes affectés

170,3

221,0

401,2

439,7

269,4

Transferts reçus

4,5

4,8

4,8

4,9

0,4

Revenus des capitaux

2,1

1,4

1,4

1,6

-0,5

Autres ressources

33,4

32,6

32,5

33,4

0,0

Total

1.607,5

1.658,2

1.730,3

1.804,0

196,5

Ecart recettes - dépenses

-40,2

-31,2

-8,5

3,6

43,8

Depuis le 1 er janvier 1997, la sécurité sociale a pu disposer de 196,5 milliards de francs de recettes dues à la croissance et aux prélèvements supplémentaires qui lui ont été affectés. Ces 196,5 milliards de francs de recettes lui ont permis de financer 152,7 milliards de dépenses supplémentaires.

Tout ralentissement de la conjoncture serait ainsi préoccupant pour les finances sociales, les dépenses d'assurance maladie ayant entamé depuis fin 1997 une reprise vigoureuse.

C'est pour cette raison que le redressement des comptes sociaux est fragile.

b) Les engagements européens ne sont pas respectés

Dans le cadre de la programmation pluriannuelle des dépenses publiques, le Gouvernement a pris en décembre 1998 des engagements relatifs à la croissance des dépenses en volume des administrations publiques de sécurité sociale.

Le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2000 9 ( * ) rend compte de résultats peu conformes aux objectifs.

Programme pluriannuel de finances publiques : du discours à la réalité

Evolution du volume

1999 programme pluriannuel

1999
PLF et PLFSS 1999

2000
programme pluriannuel

PLF et PLFSS 2000

ONDAM

1,4

2,6

1,3

1,6

Prestations sociales des administrations de sécurité sociale

1,3

2,7

2,3

2,2

Comme le note le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances, la progression constatée en 1999 " traduit pour partie les effets de la revalorisation des pensions (1,2 %) qui avait été calibrée au 1 er janvier sur les prévisions d'inflation de l'automne dernier et d'autre part le dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie " .

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, votre rapporteur avait noté que ce " coup de pouce " en faveur des retraités était fondé sur une inflation manifestement surestimée.

Votre commission estime que le Gouvernement n'est pas cohérent, entre son " discours " de rigueur et ses actes.

c) L'exemple des dépenses de gestion administrative des branches du régime général

Alors que les dépenses de gestion administrative des branches du régime général avaient diminué en 1997, elles connaissent une évolution préoccupante depuis 1998.

Les dépenses de gestion du régime général

1997

1998

1999

2000

CNAMTS (maladie et accidents du travail)

33.028

34.060

36.055

37.188

CNAVTS

5.697

5.617

5.826

5.987

CNAF

7.892

8.303

8.752

9.200

TOTAL

46.617

47.980

50.633

52.375

Evolution par rapport à l'année précédente

- 0,87 %

+ 2,92 %

+ 5,53 %

+ 3,44 %

Cette évolution est principalement due à une accélération en 1999 des dépenses de gestion administrative de la CNAMTS (+ 5,86 %) et de la CNAF (+ 5,41 %).

Elle s'explique, pour la CNAMTS, par la montée en charge du projet SESAM-VITALE.

Pour la CNAF, la complexité des règles et les changements de législation et de réglementation entre 1999 et 1998 (retour à l'universalité des allocations familiales, par exemple) jouent un rôle certain.

2. Les années 1998 et 1999 sont deux années " gâchées "

Votre rapporteur souhaite ne pas limiter l'analyse au seul régime général de la sécurité sociale. L'évolution des années 1998-1999 peut être analysée à travers trois soldes : le solde des administrations de sécurité sociale, le " solde " des lois de financement de la sécurité sociale et le solde du régime général.

a) Le solde des administrations publiques sociales

Le Parlement ne se prononce pas sur le solde des administrations de sécurité sociale 10 ( * ) , défini dans le cadre de nos engagements européens. Néanmoins, ce solde -dont la définition a été nécessaire pour la qualification à l'euro- est essentiel.

Le rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire de juin 1999 précisait que les administrations de sécurité sociale devaient faire apparaître une capacité de financement de 0,15 % en 1999 et de 0,2 à 0,3 % du PIB en 2000.

Le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2000 comporte une " fiche numéro 10 " consacrée au compte des administrations de sécurité sociale 11 ( * ) . L'excédent 1999 est ramené à 0,10 % du PIB.

Ces prévisions ne font pas l'objet de précisions supplémentaires 12 ( * ) .

Votre rapporteur a souhaité comptabiliser les différents excédents ou déficits présentés par la Commission des comptes de la sécurité sociale sur les régimes de base et les régimes complémentaires (en encaissements/décaissements), en y ajoutant le solde UNEDIC (en droits constatés). Les chiffres présentés ci-après ne prétendent donc pas à l'exactitude comptable.

L'estimation à laquelle il arrive n'est pas très éloignée de celle du Gouvernement pour les années 1998 et 1999.

Compte des administrations de sécurité sociale

en millions de francs

1998

1999

Régime général

- 16.482

- 4.012

FSV

1.830

- 1.226

ARRCO

5.848

13.525

AGIRC

- 2.171

- 1.416

IRCANTEC

648

707

Autres régimes complémentaires

1.089

1.104

Autres régimes de salariés

- 656

-1.422

Régimes de non-salariés

7.662

6.986

UNEDIC

- 2.088

- 3.038

Solde

- 4.318

11.208

PIB ( en milliards de francs )

8.565.000,0

8.816.000,0

en % du PIB

- 0,05 %

+ 0,13 %

Sources : d'après CCSS et comptes UNEDIC

Le solde positif atteint en 1999 s'explique principalement par l'excédent du régime ARRCO, en raison des effets de la réforme engagée en 1996 13 ( * ) , et par la bonne tenue des comptes régimes des non-salariés (CNAVPL, principalement).

b) Le " solde " des lois de financement

Votre rapporteur considère que " l'indicateur loi de financement ", consistant à rapporter les recettes par catégorie aux dépenses par branche, s'il n'est pas exact comptablement 14 ( * ) , constitue une approche significative sur plusieurs exercices.

" L'indicateur loi de financement "

1996 (reconst.)

1997

1998

1999
(prévisions source annexe b) PLFSS 2000)

Recettes par catégorie des régimes de base et des organismes concourant à leur financement

1.607,5

1.664,5

1.736,4

1.810,9

Dépenses par branche des régimes de plus de 20.000

1.647,6

1.695,7

1.744,8

1.806,6

" Solde "

- 40,1

- 31,2

- 8,4

+ 4,3

NB : comprend la MARS (dont l'effet s'annule en recettes et en dépenses)

Cette " amélioration " du solde masque néanmoins une reprise importante des dépenses, qui empêche de dégager des excédents plus importants.

Recettes et dépenses supplémentaires

1997/96

1998/97

1999/98

Recettes supplémentaires

57,0

71,9

74,5

Dépenses supplémentaires

48,1

49,1

61,8

Ecart

8,9

22,8

12,7

c) Le solde du régime général

Le Gouvernement entendait redresser les comptes du régime général de 21 milliards de francs en 1998, à partir d'un déficit tendanciel évalué en septembre 1997 à 33 milliards de francs.

Il est important de comprendre que ce déficit tendanciel a été surévalué en septembre 1997, puisque le déficit 1997 du régime général était à l'époque lui-même surévalué (estimé à 37 milliards de francs contre, en fait, 33 milliards de francs).

Votre rapporteur s'est attaché à déterminer l'effectivité des mesures de redressement autorisées, à l'aide du rapport 1999 de la Cour des comptes sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Les mesures de redressement du régime général 1998

Recettes

Dépenses

Prévisions

Réalisations

Prévisions

Réalisations

CNAM

Droits sur les tabacs (loi de finances)

1.400

1.150

Modification règles de compensation CRPCEN/CNAM

200

200

Contribution additionnelle des laboratoires sur ventes directes aux pharmacies (L 245-6-1 à 4)

300

172

Relèvement taxe sur publicité des laboratoires pharmaceutiques (article L. 245-1 à 6)

300

Relèvement contribution charge grossistes répartiteurs et laboratoires (article L. 138-1)

180

Substitution CSG/cotisations maladie

4.600

-1.900

Excédent C3S

1.000

1.000

Participation RG à l'ONDAM

500

500

Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux

300

0

Développement des actions de prévention de la CNAMTS

300

300

Total CNAM

7.800

802

1.100

800

CNAVTS

Harmonisation assiette 1 % sur assiette CSG

1.300

1.791

Transfert financier régimes vieillesse des non-salariés / non agricoles (excédent C3S)

1.200

1.200

Intégration financière de la CAMAVIC

300

200

Total CNAVTS

2.800

3.191

CNAF

Déplafonnement total des cotisations famille des employeurs et travailleurs indépendants

300

340

Mise sous condition de ressources des allocations familiales

-4.000

-3.825

Modulation AGED

-900

-810

Harmonisation assiette 1 % sur assiette CSG

3.200

3.760

Versement des allocations familiales jusqu'à 19 ans

300

300

Total CNAF

3.500

4.100

-4.600

-4.335

TOTAUX

14.100

8.093

-3.500

-3.535

En tenant compte de la baisse des frais financiers liée à la reprise de dette (3 milliards de francs), l'effet des mesures de redressement réalisé est d'un peu plus de 14 milliards de francs, soit un écart de 7 milliards de francs avec les prévisions.

Un tel écart invite à rester prudent par rapport aux prévisions annoncées par le Gouvernement. La substitution CSG/cotisations maladie, dont l'effet sur les comptes du régime général devait être de 4,6 milliards de francs, aurait été finalement " négative " de 1,9 milliard de francs 15 ( * ) .

Comme le déficit tendanciel du régime général avait été surestimé, et que la croissance a été légèrement supérieure aux attentes, le moindre " rendement " des mesures de redressement a été gommé.

Le résultat 1998 est, en définitive, particulièrement médiocre (- 16,4 milliards de francs contre les - 12 milliards de francs prévus). Ce résultat est obtenu malgré un excédent de 1,6 milliard de francs de la branche accidents du travail. L'assurance maladie connaît un déficit de 16 milliards de francs, en raison d'un dérapage des dépenses d'assurance maladie et des " effets " de l'application RACINE 16 ( * ) , qui expliquent la différence entre les prévisions de septembre 1998 et la réalisation établie en septembre 1999.

Solde 1998 du régime général

Tendanciel 1998
(prévisions sept. 1997)

LFSS 1998

1998
(sept. 1998)

1998
(sept. 1999)

CNAMTS - Maladie

Recettes

572.117

580.226

584.393

577.411

Dépenses

586.391

586.561

592.909

593.336

Solde

- 14.274

- 6.335

- 8.516

- 15.925

CNAMTS - AT

Recettes

46.149

46.151

46.083

45.723

Dépenses

44.701

44.701

44.330

44.153

Solde

1.448

1.450

1.754

1.570

CNAVTS

Recettes

377.790

381.100

380.811

385.386

Dépenses

386.026

385.359

386.405

385.610

Solde

- 8.236

- 4.259

- 5.593

- 224

CNAF

Recettes

242.593

246.113

254.141

252.543

Dépenses

254.429

248.857

255.088

254.446

Solde

- 11.836

-2.744

- 947

- 1.903

ENSEMBLE

Recettes

1.238.000

1.253.591

1.265.429

1.261.063

Dépenses

1.271.000

1.265.479

1.278.731

1.277.545

Solde d'exercice

- 33.000

- 11.888

- 13.303

- 16.482

Le supplément de déficit est de plus de 4,5 milliards de francs par rapport au solde résultant des discussions de la loi de financement pour 1998. La mise en oeuvre de l'application RACINE rend difficile la comparaison des chiffres branche par branche au niveau des recettes. On peut néanmoins retrouver, au niveau des dépenses de la CNAMTS, la dérive constatée dans l'objectif de dépenses maladie.

Sans la dérive des dépenses d'assurance maladie, le déficit du régime général en 1998 aurait été inférieur à 10 milliards de francs.

Pour 1999, alors que le Gouvernement avait annoncé le retour à l'équilibre du régime général, ne modifiant pas le solde tendanciel annoncé, le déficit est finalement de 4 milliards de francs, malgré un surcroît de recettes de 4 milliards de francs. Le dérapage des dépenses est patent dans le domaine de l'assurance maladie (13 milliards de francs).

Solde 1999 du régime général

Tendanciel 1998
(prévisions sept. 1998)

LFSS 1999

1999
(mai 1999)

1999
(sept. 1999)

CNAMTS - Maladie

Recettes

602.061

602.947

599.764

602.028

Dépenses

601.736

603.053

612.045

614.137

Solde

324

- 105

- 12.281

- 12.110

CNAMTS - AT

Recettes

46.962

46.964

46.487

46.599

Dépenses

45.008

45.665

46.266

46.155

Solde

1.953

1.299

1.221

444

CNAVTS

Recettes

393.062

397.042

403.663

404.700

Dépenses

399.069

400.910

400.077

400.304

Solde

- 5.977

- 3.868

3.586

4 396

CNAF

Recettes

257.570

261.790

261.770

269.385

Dépenses

253.518

258.918

259.472

266.126

Solde

4.052

2.871

2.298

3.259

ENSEMBLE

Recettes

1.299.684

1.308.743

1.311.684

1.322.711

Dépenses

1.299.332

1.308.546

1.316.859

1.326.723

Solde d'exercice

352

198

- 5.175

- 4.012

De la même manière, si les dépenses d'assurance maladie n'avaient pas dérapé, le régime général aurait connu en 1999 un excédent de 8 milliards de francs.

Telles sont les raisons pour lesquelles 1998 et 1999 sont " deux années gâchées ".

Le déficit supplémentaire (4,5 milliards de francs pour 1998, 4 milliards de francs pour 1999) invite à réfléchir à son financement. Votre rapporteur a posé cette question au Gouvernement : " De quelle manière le Gouvernement entend-il apurer le déficit supplémentaire 1998 et le déficit 1999 du régime général ? "

La réponse est laconique : " L'amélioration des comptes de la sécurité sociale est engagée. La commission des comptes de la sécurité sociale prévoit un excédent dès 1999 pour les branches famille et vieillesse. Les excédents futurs du régime général devraient permettre à brève échéance de sensiblement améliorer le bilan des différentes branches du régime général en atténuant les déficits passés ".

8,5 milliards de francs (12 milliards de francs ayant été " repris " par la CADES dès le 1 er janvier 1998, par anticipation) restent néanmoins à financer.

C. L'INFORMATION COMPTABLE RESTE DÉFICIENTE

La commission des Affaires sociales avait décidé, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, la création d'un groupe de travail sur les lois de financement de la sécurité sociale. Ce groupe de travail a conduit de janvier à mars 1999 un programme d'auditions et a remis un rapport, publié en juin 1999 sous la forme d'un rapport d'information 17 ( * ) .

Votre rapporteur souhaite " actualiser " trois éléments essentiels.

1. Les droits constatés : une réforme en attente de concrétisation

Comme l'a souligné la Cour des comptes, l'application du principe de comptabilisation en droits constatés aux opérations des organismes de la sécurité sociale constitue " un progrès -dans la voie de la clarification des comptes de la sécurité sociale- dont il importe de souligner l'importance " 18 ( * ) .

La comptabilisation des droits constatés présente en effet quatre avantages :

- un résultat indépendant des événements venant perturber le règlement des cotisations ou le paiement des prestations ;

- une étape importante vers l'harmonisation des comptabilités et des méthodes comptables de l'ensemble des régimes ;

Encaissements-décaissements et droits constatés :
les deux principes de comptabilisation

Une comptabilité en encaissements-décaissements consiste à n'enregistrer les opérations qu'à partir du moment où celles-ci sont recouvrées (cotisations) ou payées (prestations).

Pour résumer, une comptabilité en encaissements-décaissements est une comptabilité de trésorerie.

Une comptabilité en droits constatés consiste à rattacher à un exercice les dépenses et les recettes dès la naissance du fait générateur. En fin d'exercice, les opérations qui ont pris naissance dans l'année mais qui n'ont pas donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées à l'exercice comptable sous forme de produits à recevoir (créances), de provisions ou de charges à payer (dettes).

Pour résumer, une comptabilité en droits constatés est une comptabilité de créances et de dettes.

Avant la réforme, les comptes des caisses du régime général étaient en encaissements-décaissements. Néanmoins, elles utilisaient déjà, pour certaines opérations, la technique des droits constatés (exemple de certaines avances ou compensations de l'Etat).

En revanche, les régimes complémentaires et les compagnies d'assurance étaient déjà en droits constatés.

- un cadre comptable similaire pour l'ensemble des régimes, les régimes complémentaires et les mutuelles ;

- une transparence financière entre les différents acteurs de la sécurité sociale, puisque les droits constatés font apparaître les créances et les dettes respectives de chacun.

Le décret n° 96-448 du 23 mai 1996 a officialisé la comptabilisation en droits constatés dans les organismes du régime général à compter du 1 er janvier 1996. Cette réforme a été étendue aux autres régimes à partir du 1 er janvier 1997.

Les comptes du régime général en droits constatés sont nettement différents de ceux établis selon le système de caisse. Le déficit du régime général en droits constatés est ainsi de 24 milliards de francs en 1997 et de moins de 10 milliards de francs en 1998.

Le " basculement " prévu pour la loi de financement 2000, annoncé l'année dernière par Mme Martine Aubry devant la Haute assemblée 19 ( * ) , n'a pas eu lieu.

Les comptes soumis à la Commission des comptes de la sécurité sociale, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, sont établis en encaissements-décaissements.

Comme le rappelle M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, dans l'avant-propos du rapport de septembre 1999, " le projet de faire basculer les travaux de la Commission en comptabilité de droits constatés, qui avait été annoncé il y a un an, n'a pu être mené à bien en 1999, faute de moyens dans les services de l'administration. Il se trouve donc reporté. " M. Monier ajoute : " Cette situation ne saurait durer très longtemps. "

Votre rapporteur ne peut qu'approuver ce jugement et demeure persuadé, comme le secrétaire général de la Commission des comptes, que l'achèvement de la réforme des droits constatés constitue un objectif prioritaire.

Cette " cohabitation " oblige les organismes de sécurité sociale à maintenir des tableaux de passage entre les deux systèmes comptables, ce qui a pour conséquence un manque de fiabilité et un temps de traitement plus long, allant à l'encontre de l'objectif recherché. Selon les termes mêmes du secrétaire général de la Commission des comptes, ces tableaux de passage " risquent de fournir des estimations d'une qualité décroissante au cours du temps ".

Les moyens de la Direction de la sécurité sociale semblent insuffisants pour " gérer " la transition d'un système comptable à un autre.

Force est de reconnaître également que la comptabilité en droits constatés semble difficile à adopter en loi de financement, en l'absence de plan comptable unique.

Les efforts se sont reportés sur la définition de règles et de nomenclatures communes aux organismes de sécurité sociale, à travers la Mission interministérielle de la réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS).

2. La MIRCOSS : un effort qui doit être soutenu

En effet, les plans comptables utilisés par les organismes de sécurité sociale sont hétérogènes, d'où la difficulté de suivre, de manière infra-annuelle, l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Le ministère de l'emploi et de la solidarité et le ministère de l'économie et des finances ont été à l'origine de la Mission interministérielle pour la réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS), placée sous la responsabilité de M. Alain Déniel.

Cette mission devait rendre un premier rapport fin septembre. Ses travaux semblent avoir pris un certain retard, puisque les conclusions seraient désormais disponibles " courant 2000 ".

Là encore, le manque de moyens de la Direction de la sécurité sociale semble être en cause.

3. Le système RACINE : un progrès indéniable, mais qui se manifeste à court terme par une dégradation de la lisibilité des comptes

Le système RACINE remplace la ventilation " statistico-comptable " des recettes réalisée antérieurement au niveau de l'ACOSS par une répartition à la source dans les URSSAF ; la nouvelle méthode, plus précise, révèle une structure d'encaissements plus exacte et met en évidence les biais de l'ancienne méthode.

Votre rapporteur tient ainsi à rappeler que la philosophie même du système RACINE, seul à même de respecter le principe de séparation comptable des branches, ne saurait être remise en cause.

Le système a néanmoins eu pour première conséquence une dégradation de la connaissance des comptes de la sécurité sociale. Les résultats du régime général pour l'année 1998 se sont assez substantiellement écartés de ce qui avait été prévu, notamment dans la répartition des ressources entre les branches.

De plus, comme le note le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1999 20 ( * ) , des erreurs ponctuelles ont perturbé les encaissements des trois années 1997, 1998 et 1999 : " attributions insuffisantes de versement transport en 1997 (pour 995 millions de francs), au profit des caisses nationales (pour 924 millions de francs) et des autres attributaires, biais de répartition régularisé en 1998 ; en sens inverse, attributions trop importantes de l'ACOSS en 1998 pour un montant d'environ 600 millions de francs (régime d'Alsace-Moselle (318 millions de francs), FNAL (200 millions de francs), régime des étudiants (24 millions de francs), versements régularisés en 1999 ; au total, les encaissements du régime général ont été majorés indûment d'un peu plus de 925 millions de francs en 1997, diminués d'environ 1,5 milliard de francs en 1998, puis à nouveau augmentés de 600 millions de francs en 1999. "

La mission de l'IGAS demandée par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a mené au printemps 1999 une enquête approfondie sur ces erreurs. La conclusion de la mission est que " les importantes erreurs commises en 1997 ont, dans leur ampleur, des causes largement conjoncturelles 21 ( * ) " . Après un montant exceptionnel de crédits non répartis en 1997 (plus de 50 milliards de francs), l'ACOSS s'est retrouvée fin 1998 face " à un montant plus habituel de crédits non répartis en fin d'année (15 milliards de francs), le moindre recours aux méthodes forfaitaires de ventilation comptable depuis la mise en place de RACINE, doivent permettre d'exclure le renouvellement d'erreurs d'une ampleur comparable à celle des erreurs de répartition commises ou constatées en 1997 ".

Ayant ainsi souligné le caractère exceptionnel des difficultés rencontrées fin 1997 et en 1998, la mission n'en relève pas moins " une faiblesse plus structurelle de l'ACOSS dans la maîtrise des mécanismes de répartition forfaitaire, qui résulte en partie de l'insuffisance des échanges d'information entre l'ACOSS et les URSSAF, et également d'une insuffisance de moyens techniques et humains qui ne permet guère le développement des analyses et réflexions nécessaires " .

La mise en place du système RACINE semble s'être faite dans des conditions satisfaisantes, mais il faudra attendre, pour porter un jugement plus assuré, que soient disponibles la comparaison des répartitions fournies par l'ancien et le nouveau systèmes (attendue pour la fin de cette année), ainsi qu'une analyse fine des résultats des premiers mois de 1999.

" L'effet RACINE " joue de manière défavorable pour la CNAMTS et de manière favorable pour la CNAVTS. Ainsi, le déficit de la CNAMTS s'accroît, alors que la CNAVTS -qui devait être en déficit en 1998-1999- se retrouve désormais en excédent.

La branche du recouvrement est consciente de l'importance des responsabilités nouvelles qui lui incombent. Elle déploie des efforts importants pour améliorer la compréhension du système RACINE.

Ces efforts doivent être soutenus.

4. La complexité des règles et des " tuyauteries "

Le législateur et le pouvoir réglementaire doivent s'efforcer d'édicter des règles simples, en matière de sécurité sociale peut-être plus qu'ailleurs.

Les mécanismes d'exonérations de cotisations de sécurité sociales sont ainsi en cause, de même que la complexité des règles d'attributions des prestations familiales.

La complexité du financement doit être aussi évoquée. Les " tuyauteries ", les recettes affectées à plusieurs destinataires réduisent à néant le principe de la séparation comptable des branches.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, en affectant deux milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites a " branché " un système d'attribution de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) à une " tuyauterie " déjà fort complexe. Le schéma ci-après tente de l'expliquer.

Les excédents de CSG sont d'abord attribués, au prorata de leurs déficits comptables, à la CNAMTS en priorité (1), puis à la CANAM (2). En fonction de ce qu'a perçu la CANAM au titre des excédents de CSG, elle reçoit une part plus ou moins importante de C3S (3), imposition perçue également par l'ORGANIC et la CANCAVA (4). Les excédents de C3S peuvent être attribués au Fonds de solidarité vieillesse (5), ou directement par le Fonds de réserve des retraites (6). Les excédents du FSV peuvent être basculés sur le Fonds de réserve (7).

De sorte que l'affectation du Fonds de réserve dépend de l'évolution des dépenses maladie, qui dégradent ou non la situation comptable de la CNAMTS et de la CANAM.

II. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 : LA REMISE EN CAUSE D'UNE CERTAINE IDÉE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Votre commission avait estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 était " fragile dans ses équilibres " .

L'équilibre annoncé du régime général se traduit finalement par un déficit de 4 milliards.

Le Gouvernement franchit une nouvelle étape avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 : désormais, sa politique dégrade les comptes de la sécurité sociale.

Votre commission avait estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 était " inabouti dans ses analyses " . Rarement la représentation nationale n'avait été sollicitée par autant d'annonces de réformes, dont aucune ne figurait, sous une forme achevée, dans le texte final : réforme des retraites, réforme des cotisations patronales.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est un cocktail d'absence de propositions (la réforme des retraites est une nouvelle fois repoussée) et d'innovations monstrueuses. En effet, la discussion du projet est " brouillée " par le financement des 35 heures et la création d'un " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " .

Les lois de financement de la sécurité sociale, acquis essentiel pour que le Parlement se prononce sur le financement de la protection sociale , sont menacées par l'intrusion du financement de la politique de l'emploi .

Les mesures initialement prévues par le Gouvernement ont provoqué une crise grave du paritarisme. Dans une confusion extrême, le Gouvernement a modifié à la dernière minute des circuits de financement, affectant au fonds de réserve des retraites des recettes destinées au financement de l'assurance maladie, de la famille, de l'assurance vieillesse, " en échange " de l'absence de contribution des branches du régime général au financement des 35 heures.

Mais le fait le plus marquant de ce projet de loi est bien que le Gouvernement dégrade les comptes de la sécurité sociale, ce qui constitue une première depuis la création des lois de financement.

A. LE GOUVERNEMENT DÉGRADE LES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Les comptes de la sécurité sociale, portés par une conjoncture économique favorable, pourraient être largement excédentaires en 2000.

La politique du Gouvernement menace ces excédents.

1. La conjoncture économique reste très favorable

a) Le " rebond " de l'économie mondiale

La conjoncture économique pour 2000 marque un réel " rebond " de l'économie mondiale, dont devrait profiter la France.

La Direction de la prévision, comme le FMI ou les instituts de prévisions nationaux, a révisé à la hausse ses prévisions de croissance de l'économie mondiale en 1999 et 2000 : de + 2 à + 2,5 % en 1999 et de + 2,5 à 3 % en 2000.

Cette révision généralisée des perspectives de croissance mondiale obéit à quatre facteurs :

- le rebond inattendu de l'économie japonaise (+ 1 % de croissance en 1999), qui ne se prolongerait toutefois pas en 2000 (entre 0 et 1 % de croissance selon les instituts) en raison du manque de dynamisme de la demande intérieure privée ;

- la sortie de crise des pays d'Asie du Sud-Est, autorisée par la baisse de leurs taux d'intérêt ;

- la vigueur de l'économie américaine qui continue à croître en 1999 à un rythme proche de 4 %, différant ainsi en 2000 " l'atterrissage en douceur " attendu depuis maintenant trois ans.

Le ralentissement de l'économie américaine serait toutefois plus ou moins brutal selon les conjoncturistes : de 3,8 % de croissance en 1999 à 2,1 % en 2000 selon la Direction de la prévision, de 4 % en 2000 à 3 % selon l'OFCE par exemple ;

- l'accélération de la croissance dans la zone euro (+ 2,7 % en 2000 après + 2 % en 1999), liée à l'amélioration de l'environnement international et à la bonne tenue de la demande intérieure, en particulier de l'investissement des entreprises qui est resté soutenu en 1999, malgré la crise des pays émergents.

Sous ces hypothèses, la demande mondiale adressée à la France se redresserait (+ 5,7 % en 2000 après + 3 % en 1999).

b) Le " rebond " de l'économie française

La croissance de l'économie française en 1999 serait de + 2,3 % selon la Direction de la prévision (+ 2,6 % selon l'OFCE), prévision cohérente avec les analyses conjoncturelles les plus récentes de l'INSEE.

Les scénarios de croissance pour 2000 présentés par le Gouvernement et les instituts indépendants se rejoignent : ils décrivent un " rebond " de l'économie française, soutenu par l'accélération des exportations, l'investissement des entreprises, la reconstitution des stocks et la bonne tenue de la consommation des ménages.

Les divergences concernent plutôt l'ampleur de ce rebond : ainsi la croissance s'élèverait-elle à 2,8 % en 2000, selon la Direction de la prévision et REXECODE, mais à 3 % selon le BIPE et même 3,5 % selon l'OFCE.

Pour la plupart des prévisionnistes, la croissance de l'économie française serait supérieure à celle de la zone euro dans son ensemble. La contribution des échanges extérieurs à la croissance, négative en 1999 (- 0,3 point de croissance), serait neutre en 2000 dans la prévision du Gouvernement et positive pour REXECODE et l'OFCE (respectivement + 0,3 et + 0,2 point de croissance), en raison des hypothèses de croissance aux Etats-Unis plus favorables retenues par ces deux instituts.

La demande intérieure se caractérise, depuis 1997, par son dynamisme, ce qui explique la bonne résistance de l'économie française au ralentissement de la croissance mondiale.

Elle connaîtrait toutefois, selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, un léger ralentissement en 2000 (+ 2,6 % contre + 2,9 % en 1999) en raison de la remontée des taux d'intérêt à long terme et du prix du pétrole (qui ampute le pouvoir d'achat).

L'évolution du pouvoir d'achat du revenu des ménages en 2000 serait identique à celle de 1999 (+ 2,6 %), le ralentissement de la progression du salaire par tête étant compensé par l'augmentation de l'emploi.

Sous l'hypothèse d'une légère baisse du taux d'épargne (de 15,7 % en 1999 à 15,6 % en 2000), telle que la retient la Direction de la prévision, la consommation des ménages s'accélérerait légèrement (de + 2,4 % en 1999 à + 2,7 % en 2000).

L' emploi salarié dans les secteurs marchands progresserait de 1,5 % en 1999 et de 1,7 % en 2000 selon la Direction de la prévision (soit + 220.000 emplois en 1999 et + 290.000 emplois en 2000), qui évalue par ailleurs à 130.000 les créations d'emplois imputables en 2000 à la réduction de la durée du travail.

REXECODE et l'OFCE prévoient toutefois une progression de l'emploi salarié plus soutenue (+ 2,1 % en 2000).

Ainsi, malgré une légère accélération de l'évolution de la productivité du travail en 2000, habituelle en phase d'accélération de l'activité, l'ensemble des prévisionnistes prolongent en 2000 la tendance à l'enrichissement du contenu en emplois de la croissance française.

Selon les instituts indépendants, le taux de chômage continuerait à baisser : de 11,8 % en 1998 à 11,2 % en 1999 et 10,4 % en 2000 selon REXECODE (10,7 % en 2000 selon l'OFCE).

En 2000, le nombre de chômeurs diminuerait de 150.000 à 200.000 environ par rapport à 1999.

Prévisions de croissance pour 1999 et 2000

Gouvernement

B.I.P.E . (1)

REXECODE (2)

O.F.C.E. (3)

1999

2000

1999

2000

1999

2000

1999

2000

P.I.B. ( volume )

2,3

2,8

2,3

3,0

2,3

2,8

2,6

3,5

Nombre d'emplois salariés

1,5

1,7

1,5

1,7

1,8

2,1

1,8

2,1

Prix de la consommation ( moyenne annuelle )

0,6

1,0

0,9

1,3

0,5

1,0

0,9

1,1

Prix du PIB
(moyenne annuelle)

0,6

1,2

0,9

1,4

0,4

0,8

0,5

0,7

(1) B.I.P.E. : Bureau d'Informations et de Prévisions économiques.
(2) REXECODE : Centre de Recherches pour l'Expansion de l'Economie et le Développement des Entreprises.
(3) O.F.C.E. : Observatoire Français des Conjonctures Economiques.

La prévision de croissance de la masse salariale pour 2000 est la suivante :

Salaire moyen par tête

2,3

Effectifs salariés

1,7

Source : CCSS, septembre 1999

c) L'incertitude de ces prévisions est importante

La très forte convergence des prévisions à court terme contraste avec les inquiétudes, tout aussi convergentes, sur les risques de ruptures brutales sur les marchés financiers .

Une autre incertitude est liée à la prise en compte dans les prévisions à court terme de la réduction du temps de travail. L'ensemble des instituts ont retenu un scénario de réduction du temps de travail qui ne remettait pas en cause les grands équilibres macro-économiques.

2. Le projet de loi s'appuie sur des comptes tendanciels biaisés

a) Des comptes anticipatifs et non tendanciels

L'introduction du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 1999) conclut que les comptes établis pour l'an 2000 ont une nature toute particulière : " Ce ne sont pas à proprement parler des prévisions... Ce ne sont pas non plus exactement des comptes " tendanciels "...

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a ainsi déclaré devant votre commission que le compte tendanciel de l'année n+1 présenté lors de la réunion de septembre de la commission des comptes de la sécurité sociale recouvrait deux notions différentes : " une évolution spontanée des comptes, mais également des anticipations quant aux mesures annoncées par le Gouvernement " 22 ( * ) .

Pour votre rapporteur, la définition d'un compte tendanciel est de partir des constatations de l'année n-1 et des prévisions de l'année n pour bâtir, compte tenu des hypothèses macro-économiques retenues pour la construction du projet de loi de finances et d'un environnement réglementaire inchangé, les comptes de la sécurité sociale pour l'année n+1.

Les comptes " tendanciels " 2000 de la sécurité sociale, annoncés par la Commission des comptes de la sécurité sociale le 21 septembre 1999, reposent sur un certain nombre d'hypothèses. Ces hypothèses sont de nature profondément différente :

* Les prévisions macro-économiques

La commission a retenu une croissance de l'assiette des encaissements du secteur privé (y compris " emplois jeunes ") de 4,4 % et un taux d'inflation hors tabac de 0,9 %. Ces hypothèses sont naturellement identiques à celles du projet de loi de finances.

Remettre en cause la sincérité de ces prévisions macro-économiques semble difficile. Le Parlement ne peut que " douter " de la réalisation de ces hypothèses, comme l'avait fait à juste titre, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, la commission des Affaires sociales à propos de l'évolution prévue de l'inflation, qui s'est avérée beaucoup plus basse que prévue.

Pour l'année 2000, la convergence des analyses montre que ces prévisions sont tout à fait réalisables.

* L'application de la législation et de la réglementation en vigueur

Deux mesures sont explicitement mentionnées à ce titre :

- l'intégration de la régularisation 1999 de CSG et droits sur les alcools au profit de la CNAMTS à hauteur de 3,2 milliards de francs, conformément aux règles régissant la répartition de ces prélèvements entre les régimes d'assurance maladie. Les dispositions du code de la sécurité sociale s'appliquent ;

- la stricte application de l'indexation des pensions et prestations familiales sur les prix ; cette hypothèse ne découle pas à proprement parler de la réglementation en vigueur, pour la bonne raison qu'il en existe plus depuis le 31 décembre 1998.

La prise en compte de ces deux éléments s'inscrit bien dans la construction d'un compte " tendanciel ".

* L'anticipation de mesures annoncées, mais non encore décidées par le Parlement (domaine législatif), le Gouvernement (domaine réglementaire) ou même l'autorité judiciaire.

Quatre " anticipations ", dont l'une fort malencontreuse, ont été effectuées par la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Première anticipation , le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale a souhaité provisionner une somme de 5,5 milliards de francs, au titre des " transferts " des branches du régime général au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " . Or, l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévoyait initialement que le montant de ces contributions serait fixé " par voie de convention ".

A défaut de convention, le texte indique laconiquement, dans sa version déposée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, que la contribution serait déterminée " à partir du surcroît de recette (...) induit par la réduction du temps de travail ". Le dossier de presse soulignait toutefois que " la voie conventionnelle " serait " privilégiée ".

Le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale a donc fait l'hypothèse que l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 était voté et que, dans la foulée, les négociations conventionnelles avaient échoué.

L'estimation du surcroît de recette qui lui " pose des problèmes délicats et ne peut être que très imprécise " l'a toutefois conduit à inscrire -" spontanément "- une " provision " représentant " une contribution du régime général de 5,5 milliards de francs en 2000 ".

Cette anticipation s'est révélé exacte du 21 septembre au 25 octobre 1999, le Gouvernement -surprise !- la reprenant à son compte, à 100 millions de francs près. Le 25 octobre, veille du débat sur le projet de loi de financement à l'Assemblée nationale, elle est devenue une " mauvaise anticipation ".

Deuxième anticipation décidée par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, la prise en charge par la CNAF d'une partie de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, représentant un coût pour la CNAF de 2,5 milliards de francs. Cette prise en charge progressive a été annoncée dans son principe par M. Lionel Jospin lors de la Conférence de la famille. Cette opération est une pure débudgétisation pour l'Etat et une façon de " mobiliser " à son profit les excédents de la branche famille. On cherchera vainement dans le dossier de presse du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans les exposés des motifs la moindre mention de ces 2,5 milliards de francs qui reste donc une hypothèse " spontanée " de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

En revanche, les dépenses relatives au FASTIF -dont M. Lionel Jospin avait également annoncé qu'elles seraient prises en charge par l'Etat- restent à la charge de la CNAF (986 millions de francs dans le compte tendanciel), aucun crédit n'ayant été inscrit à cet effet dans le projet de loi de finances.

La démarche suivie par la Commission des comptes de la sécurité sociale n'est pas logique.

La troisième anticipation du secrétaire général de la Commission des comptes est la plus explicable. Le rapport de la Commission a fait l'hypothèse -à la suite du contentieux " Baxter "- du reversement par la branche maladie à l'industrie pharmaceutique d'une partie, provisoirement estimée à 1,2 milliard de francs, de la contribution exceptionnelle de 2,5 milliards de francs acquittée en 1996.

Certes, la CJCE -saisie par question préjudicielle par le Conseil d'Etat en 1997- a considéré, le 8 juillet 1999, par l'arrêt " Baxter ", que " les articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 58 du traité CE (devenu article 48 CE) s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, d'une part, frappe les entreprises établies dans ce dernier et y assurant l'exploitation de spécialités pharmaceutiques d'une contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par celles-ci au titre de certaines de ces spécialités pharmaceutiques lors du dernier exercice d'imposition écoulé avant la date d'adoption de cette réglementation et, d'autre part, ne permet à ces entreprises de déduire de l'assiette de cette contribution que les dépenses engagées au cours du même exercice d'imposition et afférentes aux seules opérations de recherche réalisées dans l'état d'imposition, lorsqu'elle s'applique à des entreprises communautaires opérant dans cet État par le biais d'un établissement secondaire. "

Mais le Conseil d'Etat n'avait pas encore rendu, le 22 septembre 1999, sa décision au fond 23 ( * ) . La Commission des comptes de la sécurité sociale a préjugé ainsi des conclusions de la plus haute juridiction administrative française et a anticipé les effets d'une éventuelle annulation.

La quatrième anticipation est relative aux dépenses des branches maladie et accidents du travail.

L'évolution des dépenses d'assurance maladie repose sur l'hypothèse de l'inflexion. La Commission des comptes anticipe l'effet supposé des mesures gouvernementales. L'augmentation des dépenses du champ ONDAM serait de 2,5 % par rapport aux prévisions de réalisation 1999 , soit + 2,8 % pour le régime général en métropole.

Dans ce cas, il ne s'agit plus d'hypothèses tendancielles. On remarquera que deux postes de dépenses connaissent une évolution tout à fait étonnante :

- les dépenses maladie proprement dites progresseraient de 3,3 % en 2000 (après 3,5 % en 1998 et 3,5 % en 1999) ; la logique d'une prévision " tendancielle " aurait été de retenir une évolution de 3,5 % ;

- les dépenses d'invalidité temporaire , à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, progresseraient de 2,5 % en 2000 (après 6,3 % en 1999 et 5,0 % en 1998) ; la logique d'une prévision tendancielle aurait été de retenir une évolution de l'ordre de 6 %.

Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale n'explique guère par quels moyens le Gouvernement entend infléchir ces dépenses.

Le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale a retenu un ONDAM progressant de 2,4 % par rapport aux prévisions d'exécution de l'année 1999. La Direction de la sécurité sociale a considéré qu'il convenait d'opérer un " rebasage " de l'ONDAM en appliquant un taux de progression aux dépenses estimées , et non aux dépenses prévues, de l'année n-1. Le taux de progression " affiché " dès la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale est ainsi de 2,4 %.

Bien évidemment, le taux de progression de l'ONDAM " affiché " par la Commission des comptes est identique à celui retenu par le Gouvernement.

ONDAM prévu pour 1999

ONDAM 1999
(estimations)

ONDAM 2000

Progression par rapport à la prévision

Progression par rapport à l'estimation

623,6

643,0

658,3

5,56 %

2,38 %

b) Un excédent du régime général sous-estimé

Au total, la Commission des comptes chiffre l'excédent tendanciel du régime général à 6 milliards de francs.

Le solde du régime général

2000
(chiffres " tendanciels " CCSS)

Maladie

- 3.723

AT

648

Vieillesse

6 513

Famille

2 543

Ensemble RG

5.981

Mais, sans la " provision " 35 heures et la fraction de la majoration d'allocation de rentrée scolaire mise à la charge de la branche famille cet excédent pourrait être de 14 milliards de francs.

3. Les mesures du Gouvernement sont, en conséquence, chiffrées de manière incomplète

Votre rapporteur a souhaité recalculer des objectifs de dépenses plus conformes à la définition de comptes tendanciels. Il convient de retrancher les " anticipations " de la Commission des comptes, afin de déterminer le véritable " solde tendanciel " -ou encore le " solde spontané "- des comptes de la sécurité sociale.

a) Les conséquences de la reconstruction d'objectifs de dépenses et de prévisions de recettes tendanciels

Les hypothèses macro-économiques sont les mêmes que celles du Gouvernement.

En revanche, votre rapporteur a choisi de retenir des prévisions de dépenses d'assurance maladie et d'accidents du travail légèrement plus élevées (variation sur l'objectif de dépenses de la branche maladie et sur l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail)

Votre rapporteur a retranché les " transferts RTT ", le remboursement aux laboratoires d'une partie de la contribution versée en 1996 et la prise en charge partielle de la majoration d'allocation de rentrée scolaire.

Les objectifs " tendanciels " de dépenses par branche en 2000

(en milliards de francs)

Objectifs de dépenses " tendanciels " 2000

Actions de correction

Objectifs recalculés CAS

Maladie - maternité - invalidité - décès

733,1

- 2,4 (transfert RTT)
+ 1,2 (sous-estimation dépenses maladie) - 1,2 (remboursement contribution laboratoires)

730,7

Vieillesse - veuvage

799,9

- 1,8 (transfert RTT)

798,1

Accidents du travail

54,6

- 0,4 (transfert RTT)
+ 0,3 (sous-estimation dépenses)

54,5

Famille

263,8

- 2,5 (MARS)
- 1,0 (transfert RTT)

260,3

Total dépenses

1.851,4

- 7,8

1.843,6

Ainsi, le compte tendanciel établi par la Direction de la sécurité sociale à partir des " anticipations " du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale se traduit par 7,8 milliards de francs de dépenses supplémentaires par rapport à une évolution " spontanée ". Ce chiffre est la contraction d'une sous évaluation des dépenses (1,5 milliard de francs) et de l'inscription de 9,3 milliards de francs de dépenses nouvelles, dont 8,1 milliards de francs de charges indues.

Les véritables objectifs tendanciels de dépenses par branche pour 2000

LFSS 1999 (1)

LFSS 1999

Prévisions sept. 1999 (2)

LFSS 2000

Objectifs recalculés CAS

(3)

(3)/(1)

(3)/(2)

Maladie - maternité - invalidité - décès

697,8

709,8

730,7

4,71 %

2,94 %

Vieillesse - veuvage

781,4

779,1

798,1

2,14 %

2,44 %

Accidents du travail

53,0

53,5

54,5

2,83 %

1,87 %

Famille

257,0

258,0

260,3

1,28 %

0,89 %

Total dépenses

1.789,1

1.800,4

1.843,6

3,05 %

2,40 %

Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire pour les prévisions de réalisation 1999.

Les objectifs tendanciels de dépenses calculés par votre commission mettent en lumière une progression très inégale des dépenses selon les branches : très modérée pour la branche famille (+ 1,28 %), contenue pour la branche vieillesse (2,14 %), explosive pour la branche maladie (+ 4,71 %).

Comparaison entre les objectifs " tendanciels " du Gouvernement
et les objectifs recalculés par la commission des Affaires sociales

LFSS 1999 (1)

LFSS 2000
Objectifs " tendanciels "
(2)

LFSS 2000
Objectifs recalculés CAS
(3)

(2)/(1)

(3)/(1)

Maladie - maternité - invalidité - décès

697,8

733,1

730,7

5,06 %

4,71 %

Vieillesse - veuvage

781,4

799,9

798,1

2,37 %

2,14 %

Accidents du travail

53,0

54,6

54,5

3,02 %

2,83 %

Famille

257,0

263,8

260,3

2,64 %

1,28 %

Total dépenses

1.789,1

1.851,4

1.843,6

3,44 %

3,05 %

C'est cette progression inégale qui est masquée par l'intégration de mesures nouvelles dans les objectifs de dépenses tendanciels : car si la progression des dépenses maladie correspond à une contraction de sous-estimation de dépenses et de dépenses nouvelles, la branche famille voit son évolution " tendancielle " grossie de 3,5 milliards de charges indues, qui permettent d'afficher une progression des dépenses de 2,6 % au lieu de 1,28 %. Dès le " tendanciel " établie par la commission des comptes de la sécurité sociale, s'amorce le " siphonnage " de la branche famille.

Les prévisions tendancielles de recettes sont, en revanche, " exactes ". La forte progression des recettes (+ 70 milliards de francs) est due à la multiplication des prélèvements nouveaux complétées par la croissance. Elle permet de contenir la progression des dépenses (+ 52 milliards de francs).

Les prévisions " tendancielles " de recettes par catégorie en 2000

(1)
LFSS 1999

(2)
Prév.sept 1999

(3)
Tendanciel2000

Evolution
(3)/(1)

Evolution
(3)/(2)

Cotisations effectives

1.062,9

1.066,8

1.106,6

4,11 %

3,73 %

Cotisations fictives

194,8

195,0

201,5

3,44 %

3,33 %

Contributions publiques

63,8

62,6

62,8

-1,57 %

0,32 %

Impôts et taxes affectés

438,7

439,7

460,6

4,99 %

4,75 %

Transferts reçus

5,2

4,9

1,8

-65,38 %

-63,27 %

Revenus des capitaux

1,4

1,6

1,7

21,43 %

6,25 %

Autres ressources

32,6

33,4

34,2

4,91 %

2,40 %

Total

1.799,5

1.804,0

1.869,2

3,87 %

3,61 %

NB : hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire : 6,85 milliards de francs en 1999.

La progression attendue des recettes affectées à la sécurité sociale est de 3,87 %, contre une progression des dépenses comprise entre 3,05 et 3,44 %. L'écart entre ces deux progressions n'est plus aussi important qu'en 1998 et en 1999.

Cette " reconstruction " a des effets importants sur le solde du régime général.

b) Les conséquences de la reconstruction d'un véritable solde tendanciel sur le solde du régime général

Les comptes tendanciels du régime général revus et corrigés

(en millions de francs)

CCSS
septembre 1999

Actions de correction (dont " anticipation ")

Compte calculé par la commission des Affaires sociales

CNAMTS maladie

Recettes

630.705

630.705

Dépenses

634.428

+ 1.200 (sous estimation dépenses maladie)
- 2.354 (transfert RTT)
- 1.200 (contribution laboratoires)

632.074

Variation fonds de roulement

- 3.723

+ 2.354

- 1.369

CNAMTS accidents travail

Recettes

47.916

47.916

Dépenses

47.267

+ 340 (sous estimation incapacité temporaire)
- 405 (transfert RTT)

47.202

Variation fonds de roulement

648

+ 65

714

CNAVTS

Recettes

416.019

416.019

Dépenses

409.505

- 1.771 (transfert RTT)

407.734

Variation fonds de roulement

6.513

+ 1.771

8.285

CNAF

Recettes

268.194

268.194

Dépenses

265.651

- 1.010 (transfert RTT)
- 2.500 (ARS)

262.141

Variation fonds de roulement

2.543

+ 3.510

6.053

ENSEMBLE RG

Recettes

1.362.834

1.362.834

Dépenses

1.356.852

- 7.700

1.349.151

Variation fonds de roulement

5.982

+ 7.700

13.683

La reconstruction d'un véritable compte tendanciel montre que le régime général aurait connu, sans les mesures décidées par le Gouvernement, un excédent de 13,7 milliards de francs, et non de 6 milliards de francs.

Les soldes du régime général

(en millions de francs)

1999

2000 (chiffres tendanciels CCSS)

2000 (chiffres tendanciels CAS)

Maladie

- 12.100

- 3.723

- 1.369

Accidents du travail

400

648

714

Vieillesse

4.400

6.513

8.285

Famille

3.300

2.543

6.053

Ensemble RG

- 4.000

5.981

13.683

La construction de comptes tendanciels " anticipatifs " rend particulièrement difficile la comparaison entre ce qui est réellement tendanciel et ce qui est corrigé par le Gouvernement.

Pour les comptes du régime général en 2000, l'annonce d'un solde tendanciel de 14 milliards de francs aurait rendu nécessaire l'affichage parallèle des mesures correctrices décidées par le Gouvernement, dont la contribution des organismes de sécurité sociale au financement des 35 heures. Le Gouvernement aurait été ainsi contraint de " chiffrer " une telle contribution, c'est-à-dire fixer son assiette, son taux et ses modalités de recouvrement, ce qu'il n'a fait ni dans le projet de loi 35 heures, ni dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans le cas présent, il a laissé le soin à la Commission des comptes de la sécurité sociale de se livrer à cette " basse besogne ".

Il est intéressant de noter que les deux premières lois de financement présentaient des mesures de redressement des comptes décidées par le Gouvernement. Pour 2000, la politique du Gouvernement dégrade les comptes de la sécurité sociale 24 ( * ) .

c) Les mesures décidées par le Gouvernement : une présentation incomplète

Le projet de loi de financement comporte un certain nombre de mesures, ayant un effet financier sur le solde du régime général.

La page 30 de l'annexe c) détaille l'impact de ces mesures.

Le " coup de pouce " de 0,3 % en faveur des pensions vieillesse et invalidité (art. 11 du projet de loi) a pour conséquence une dépense supplémentaire de 950 millions de francs à la charge de la CNAVTS, de 50 millions de francs à la charge de la CNAMTS et de 60 millions de francs à la charge de la CNAMTS/accidents du travail. Par ailleurs, 2.900 millions de francs sont " précomptés " sur l'excédent 2000 de la CNAVTS pour alimenter le fonds de réserve des retraites (art. 10 du projet de loi) 25 ( * ) .

Le " coup de pouce " de 0,3 % s'appliquant à la base mensuelle des allocations familiales (art. 7 du projet de loi) entraîne une dépense supplémentaire de 340 millions de francs à la charge de la CNAF. Par ailleurs, l'essentiel des dépenses supplémentaires se concentre sur la CNAF : aides au logement accordées jusqu'à 21 ans (220 millions de francs), complément familial 21 ans (330 millions de francs), augmentation du fonds d'action sociale (250 millions de francs) 26 ( * ) .

100 millions de francs sont prévus à la charge de la CNAMTS pour alimenter le " fonds cliniques ". Celle-ci recevrait 1.200 millions de francs en provenance des laboratoires, par l'intermédiaire de la contribution prévue à l'article 22 du projet de loi, afin " d'effacer " l'effet négatif du remboursement d'une partie de la contribution de 1996 27 ( * ) .

Le " bilan " annoncé des mesures nouvelles est ainsi de 4 milliards de francs.

Mais la plupart des " véritables " mesures ont été anticipées par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

L'effet net de l'ensemble des mesures gouvernementales, annoncées lors du projet de loi de financement ou anticipées lors de la Commission des comptes, est chiffré à 12 milliards de francs.

Par convention, la sous-estimation des dépenses d'assurance maladie et des dépenses d'accidents du travail est réintégrée. Le Gouvernement s'engage, en quelque sorte, à cet infléchissement : il s'agit de mesures décidées par le Gouvernement 28 ( * ) , et non anticipées par le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale.

La prise en compte du remboursement de la contribution versée par les laboratoires en 1996 (contentieux " Baxter ") dans les dépenses de la branche maladie pose problème, aucun détail n'étant donné dans le projet de loi sur les modalités de remboursement de cette contribution.

Le régime général en 1999 : le Gouvernement dégrade les comptes

Compte tendanciel calculé par la commission des Affaires sociales

Mesures correctrices (dont " anticipation ")

Compte

LFSS 2000

CNAMTS maladie

Recettes

630.705

contribution labos : + 1.200

631.905

Dépenses

632.074

+ 2.504
(pensions : + 50
fonds cliniques : + 100
Transfert RTT : + 2.354

Infléchissement dépenses maladie : - 1.200

Remboursement labos : + 1.200)

634.578

Variation fonds de roulement

- 1.369

- 1.304

- 2.673

CNAMTS accidents du travail

Recettes

47.916

47.916

Dépenses

47.202

+ 125
(pensions : + 60
Transfert RTT : + 405

Infléchissement : - 340)

47.327

Variation fonds de roulement

714

- 125

589

CNAVTS

Recettes

416.019

416.019

Dépenses

407.734

+ 5.621
( pensions : + 950
Transfert RTT : 1.771
Fonds de réserve : 2.900)

413.355

Variation fonds de roulement

8.285

- 5.621

2.664

CNAF

Recettes

268.194

268.194

Dépenses

262.141

+ 4.650
(MARS : + 2.500
BMAF : + 340
Aide au logt 21 ans : + 220
Cplt familial 21 ans : + 330
Fonds action sociale : + 250
Transfert RTT : + 1.010)

266.791

Variation fonds de roulement

6.053

- 4.650

1.403

ENSEMBLE RG

Recettes

1.362.834

+ 1.200

1.364.034

Dépenses

1.349.151

+ 12.900

1.362.051

Solde

13.683

- 11.700

1.983

Cette " manipulation " des comptes tendanciels se retrouve pour le compte des administrations publiques de sécurité sociale (ASSOS). Le rapport économique, social et financier chiffre ainsi l'excédent des " ASSOS " à 0,25 % du PIB en 2000.

Votre rapporteur estime que l'excédent spontané est d'environ 40 milliards de francs, alors que le Gouvernement le chiffre à 23 milliards de francs.

Excédent spontané des administrations de sécurité sociale en 2000

en millions de francs

Régime général

13.722

FSV

8.483

ARRCO

15.528

AGIRC

- 693

IRCANTEC

638

Autres régimes complémentaires

1.118

Autres régimes de salariés

-2.397

Régimes de non salariés

2.913

UNEDIC

341

Solde

39.653

PIB (en milliards de francs)

9.169.000

en % du PIB

+ 0,43 %

Mais si l'on retranche des 39 milliards les " prélèvements " prévus pour la sécurité sociale et l'UNEDIC, on retrouve effectivement un solde qui n'est pas très éloigné de celui du Gouvernement.

Tableau de passage : du solde prévisionnel des administrations de sécurité sociale au solde après mesures décidées par le Gouvernement

Solde prévisionnel de la CAS

39.653

Majoration ARS

- 2.500

Prélèvements régime général

- 5.540

Prélèvements autres régimes

- 160

Contribution UNEDIC

- 7.000

Solde après mesures

24.453

en % du PIB

+ 0,27

d) Un projet de loi qui s'avère faux

Le Gouvernement a finalement renoncé à des mesures, qui n'étaient pas chiffrées dans le dossier de presse ou à la page 30 de l'annexe c) du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais qui, intégrées dans le compte tendanciel, figuraient dans les objectifs de dépenses du projet de loi.

Le Gouvernement avait tout d'abord prévu des " contributions " des branches du régime général (CNAMTS-maladie, CNAMTS-accidents du travail, CNAVTS, CNAF) ainsi que de l'UNEDIC et des régimes complémentaires ARRCO et AGIRC. Ces contributions devaient être affectées au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " .

Comme ce dispositif -en l'état inconstitutionnel- a été rejeté unanimement par les partenaires sociaux, le Gouvernement y a renoncé.

Les 5,6 milliards de francs attendus du côté du régime général ont donc été " compensés " par l'affectation de 47 % des droits 403 sur les alcools (soit une perte de recettes pour le Fonds de solidarité vieillesse).

Or, les excédents du FSV peuvent être affectés, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, au fonds de réserve pour les retraites. L'excédent attendu du FSV pour 2000 étant de 8,3 milliards de francs, le Gouvernement comptait utiliser cette " manne " pour alimenter le fonds de réserve.

En conséquence, afin de ne pas être accusé de préférer les 35 heures aux retraites, le Gouvernement a décidé, par un amendement à l'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l'Assemblée nationale, d'affecter au fonds de réserve des retraites une fraction du prélèvement social de 2% sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.

Ce prélèvement social était affecté à la CNAF, à la CNAVTS et à la CNAMTS. Comme le fonds de réserve pour les retraites bénéficierait désormais de 49 % de ce prélèvement social, la fraction affectée à la CNAMTS passerait de 28 % à 8 %, celle de la CNAF de 22 à 13 %, et celle la CNAVTS de 50 à 30 %.

Le prélèvement social de 2 % fait décidément l'objet de toute l'attention du Gouvernement. Votre commission, en proposant un schéma de financement alternatif de la couverture maladie universelle, s'était opposée à ce que la CNAMTS devienne bénéficiaire de ce prélèvement, l'affectation d'un même prélèvement à plusieurs branches brouillant singulièrement la compréhension des finances sociales.

L'affectation du prélèvement social de 2 %

LFSS 1998

Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU

PLFSS 2000

CNAF

50 %

22 %

13 %

CNAVTS

50 %

50 %

30 %

CNAMTS

28 %

8 %

Fonds de réserve pour les retraites

49 %

Total

100 %

100 %

100 %

Les organismes de sécurité sociale contribueront ainsi, de manière indirecte au financement des 35 heures, non pas par un prélèvement classé dans leurs " dépenses ", mais par une perte de recettes.

Les mesures correctrices ne sont donc pas celles présentées par le tableau de la page 30 de l'annexe c) . Il convient de prévoir la perte de recettes pour la CNAF, la CNAVTS et la CNAMTS et la " diminution " de dépenses du fait de " l'absence " de transfert RTT.

En outre, la discussion à l'Assemblée nationale a majoré de 400 millions de francs les dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, " gagé " par une diminution moins importante que prévue du taux de cotisations.

Les comptes du régime général après le vote du PLFSS par l'Assemblée nationale

Compte
PLFSS 2000 initial

Mesures correctrices

PLFSS 2000 après AN

CNAMTS maladie

Recettes

631.905

- 2.260 ( perte partie prélèvement social)

629.645

Dépenses

634.578

- 2.354 (absence transfert RTT)

632.224

Variation fonds de roulement

- 2.673

+ 94

- 2.579

CNAMTS accidents du travail

Recettes

47.916

+ 400 (surcroît de recettes)

48.316

Dépenses

47.327

- 5
(surcroît de dépenses + 400
Absence transfert RTT : - 405)

47.322

Variation fonds de roulement

589

+ 395

994

CNAVTS

Recettes

416.019

- 2.260
(perte partie prélèvement social)

413.759

Dépenses

413.355

Absence transfert RTT : - 1.771

411.584

Variation fonds de roulement

2.664

- 489

2.175

CNAF

Recettes

268.194

- 1.017 (perte partie prélèvement social)

267.177

Dépenses

266.791

- 1.010 (Absence transfert RTT)

265.781

Variation fonds de roulement

1.403

- 7

1.396

ENSEMBLE RG

Recettes

1.364.034

- 5.137

1.358.897

Dépenses

1.362.051

- 5.130

1.356.921

Solde

1.983

- 7

1.976

Le Gouvernement dégrade les comptes de la sécurité sociale de manière différente, opérant un " prélèvement sur recettes " au gré d'une " règle de trois ".

L'excédent du régime général pour 2000, malgré un excédent tendanciel de près de 14 milliards de francs, est en définitive loin d'être acquis.

B. LA POLITIQUE DE L'EMPLOI ET LE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : UNE CONFUSION DANGEREUSE

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est, pour une bonne part, " hors sujet ". Le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " dont la création est proposée à l'article 2 est, en effet, la synthèse monstrueuse de deux promesses électorales : la réforme des cotisations patronales et les 35 heures.

1. Le Gouvernement a échoué dans sa volonté de réformer l'assiette des cotisations patronales

a) De la réforme du financement à la baisse des charges sociales : l'enlisement des diagnostics

" Nous modifierons progressivement l'assiette d'une partie des cotisations patronales, en les faisant reposer sur l'ensemble de la richesse produite par les entreprises et non sur le seul travail " ; la brochure " Changeons d'avenir, changeons de majorité " , diffusée à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires par le Parti socialiste avant les élections législatives, avait l'avantage de la clarté. La réforme des cotisations patronales fait partie des thèmes du programme économique du PS depuis 1996.

Le rapport Chadelat, commandé par M. Alain Juppé, a été remis en juin 1997 à M. Lionel Jospin. Ce rapport préconisait d'instaurer soit une nouvelle assiette centrée sur la valeur ajoutée, soit une modulation des cotisations par des paramètres valeur ajoutée 29 ( * ) .

Le Gouvernement n'a pas souhaité amorcer la réforme des cotisations patronales lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Un rapport complémentaire a été demandé à M. Jean-François Chadelat. Mais ce nouveau report, comme ce nouveau rapport, ne signifiaient pas pour autant abandon. Un amendement, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Augustin Bonrepaux, alors rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances, a permis d'inscrire dans la loi de financement (art. 6) qu'un rapport serait déposé sur le bureau des Assemblées par le Gouvernement avant le 1 er août 1998, " précisant les effets, notamment sur l'emploi, d'une extension de l'assiette des cotisations patronales à la valeur ajoutée " . Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, affirmait devant le Sénat le 13 novembre 1997 : " Nous souhaitons en effet -je l'ai dit à plusieurs reprises- modifier l'assiette des cotisations patronales, en espérant pouvoir, dès l'année prochaine, en faire une première étape. Il conviendra de travailler sur la notion de valeur ajoutée. "

Dans l'esprit des rédacteurs de cet amendement, il ne s'agissait pas de renoncer à la réforme de l'assiette des cotisations patronales, mais -bien au contraire- d'annoncer que cette réforme aurait lieu, grâce à une date impérative, celle de la remise d'un rapport.

Le 6 avril 1998, une lettre de mission signée par M. Lionel Jospin, Premier ministre, a confié à M. Edmond Malinvaud, dans le cadre du Conseil d'analyse économique, un nouveau rapport. Ce rapport a été rendu public le 3 août 1998 et transmis au Parlement à la même date, sous couvert de l'article 6 précité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Du rapport Chadelat au rapport Malinvaud : le glissement

La lettre de mission du Premier ministre à M. Edmond Malinvaud, datée du 6 avril 1998, change la problématique puisqu'elle met l'accent, dès son premier paragraphe, sur les " salaires les plus bas " et sur " le développement de l'emploi ".

Elle ne fait pas mention explicite du rapport Chadelat. Elle souligne que " parmi les options possibles ", une attention particulière sera accordée " aux avantages et aux inconvénients d'un élargissement de l'assiette des cotisations à la valeur ajoutée ".

Le glissement sur le fond (de la réforme du financement de la sécurité sociale à la politique de l'emploi) est accompagné d'un glissement sur la forme : la lettre de mission ne fait pas mention de l'obligation découlant de l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Pour M. Malinvaud, l'introduction assiette valeur ajoutée aurait pour effet une baisse du coût réel du travail et une hausse du coût réel de l'utilisation du capital. L'effet positif sur l'emploi à travers les substitutions se révélerait limité. Une modification de l'assiette des cotisations patronales serait un pari risqué.

En revanche, M. Malinvaud indiquait sa préférence pour une baisse permanente, stable et durable des charges sur les bas salaires.

Deux rapports, rendus à moins d'un an d'écart, étaient ainsi contradictoires.

b) Une promesse réitérée par la loi de financement pour 1999

Le 8 septembre 1998, le Premier ministre a chargé Mme Martine Aubry d'engager au plus vite des concertations bilatérales avec le patronat et les syndicats " dans la perspective d'une réforme des cotisations patronales ".

Le système proposé de manière tout à fait informelle aux partenaires sociaux 30 ( * ) semble avoir été le suivant :

- allégement des charges sur les salaires (jusqu'à 16.000 francs) ;

- surcotisation sur les salaires supérieurs à 20.000 francs.

Cette surcotisation n'étant pas suffisante pour financer la réduction des charges, il était proposé la création d'une cotisation sur la valeur ajoutée à un taux de 0,5 %.

Ces concertations n'ont pas abouti. De plus, le ministre de l'économie et des finances a " doublé " son collègue de l'emploi et de la solidarité dans sa volonté d'alléger les charges sur les entreprises, puisqu'une des mesures du projet de loi de finances pour 1999 concerne la réforme de la taxe professionnelle.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'est contentée d'un engagement, retracé au rapport annexé : " Le Gouvernement souhaite engager une telle réforme (...) La concertation avec les organisations d'employeurs et de salariés sera poursuivie en vue de fixer les orientations et les modalités précises avec l'objectif d'aboutir à un projet de loi au premier semestre 1999 " .

" Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales ", dont la création est proposée à l'article 2 du projet de loi de financement pour 2000 est-il la concrétisation tant attendue d'une réforme de l'assiette des cotisations patronales ?

2. Le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " est la synthèse monstrueuse de deux promesses électorales

La réforme proposée par le Gouvernement correspond, en fait, à la nécessité de " financer " les 35 heures, par la juxtaposition d'un mécanisme d'allégement de charges supplémentaires et de prélèvements nouveaux sur les entreprises.

En aucun cas, il ne s'agit d'une réforme de " l'assiette des cotisations patronales " . Le calcul des cotisations patronales n'est pas affecté par la prise en compte d'un élément " valeur ajoutée ", d'un élément " bénéfices " ou d'un élément " pollution ". Le Gouvernement ajoute aux cotisations sociales quatre prélèvements nouveaux (tabacs, alcools, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes).

En effet, le fonds de financement ne permet pas de sous affecter des recettes à des dépenses. Il regroupe une série de dépenses (ristourne sur les bas salaires existante, extension de cette ristourne, allégements 35 heures) et une série de recettes (tabacs, alcools, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes, contribution budgétaire) toutes fongibles.

Toute recette peut financer toute dépense.

La contribution de l'Etat prend la forme d'une dotation budgétaire, qui devra être inscrite chaque année, selon le principe de l'annualité budgétaire, en loi de finances.

Pour 2000, le Gouvernement a inscrit 4,3 milliards de francs en loi de finances, dotation sur laquelle devra se prononcer le Parlement. Rien ne peut assurer le maintien de cette contribution pour les années suivantes.

Faudra-t-il alors accroître les prélèvements sur les entreprises ?

a) La confusion entre la réforme des cotisations patronales et le financement des 35 heures par la création d'un " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales "

Le financement des allégements de charges et des aides pérennes aurait dû, à législation inchangée, prendre la forme d'une dotation budgétaire. Le Gouvernement a préféré opérer une débudgétisation, en créant un " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " 31 ( * ) , défini par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 auquel se référait l'article 11 (paragraphe XVI) du projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail, voté sans modification par l'Assemblée nationale en première lecture, mais supprimé au Sénat à l'initiative conjointe de M. Louis Souvet, rapporteur au nom de la commission des Affaires sociales, ... et du Gouvernement.

(1) Le mécanisme de financement du fonds : une usine à gaz

Ce fonds est alimenté par des recettes d'origines très diverses. Il bénéficie, dans la version du projet adoptée par l'Assemblée nationale, d'une fiscalité affectée (pas moins de quatre prélèvements : droits sur les tabacs, contribution sociale sur les bénéfices, taxe générale sur les activités polluantes, droits sur les alcools) et d'une contribution de l'Etat.

Selon la présentation retenue par le Gouvernement, pour " financer " la ristourne sur les bas salaires actuelle, 85,5 % des droits sur les tabacs seraient affectés au fonds de financement dans la limite de 39,5 milliards de francs. On observera que les crédits budgétaires étaient de 42,7 milliards de francs en loi de finances initiale pour 1999, contre 39,5 milliards de francs de tabac pour 2000, soit une différence de 3,2 milliards de francs.

L'extension de la ristourne Juppé serait " financée " par le conglomérat improbable de la taxe générale sur les activités polluantes (3,2 milliards de francs) et de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (4,3 milliards de francs).

La contribution prévue dans les comptes tendanciels du régime général n'ayant plus lieu d'être, le Gouvernement a choisi d'affecter une fraction des " droits 403 " (droits de consommation sur les alcools) au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales ".

Cette fraction correspond à 47 % des " droits 403 ", répartis depuis la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle entre le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) (55 %), la CNAMTS (5 %) et les régimes d'assurance maladie (40 %).

Ces droits transférés intégralement au FSV par la loi du 22 juillet 1993 connaissent également une affectation à géométrie variable :

L'affectation des " droits 403 " sur les alcools

Loi du 22 juillet 1993

LFSS 1997

Loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU

PLFSS 2000

FSV

100 %

60 %

55 %

8 %

Régimes d'assurance maladie

40 %

40 %

CNAMTS

5 %

45 %

Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales

47 %

Total

100 %

100 %

100 %

100 %

Le solde comptable 2000 du FSV devait atteindre 8,5 milliards de francs. Il était prévu d'affecter une partie de ces excédents au fonds de réserve pour les retraites. L'excédent sera désormais de moins 3 milliards de francs.

En privilégiant le financement des allégements des charges et la réduction du temps de travail au financement futur des retraites, le Gouvernement contredit lui-même sa priorité de " sauvegarder les régimes de retraite par répartition " par l'intermédiaire du fonds de réserve.

Le financement du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " en 2000 n'est pas complètement bouclé :

Nouveau plan de financement du fonds de financement
de la réforme des cotisations patronales en 2000

(au 29 octobre 1999)

Recettes

Montant

Dépenses

Montant

FISCALITE AFFECTEE

BAISSE CHARGES SOCIALES

Droits sur les tabacs

39.500

Ristourne Juppé actuelle

39.500

Taxe générale sur les activités polluantes

3.250

Extension de la ristourne Juppé

7.500

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

4.250

Droits sur les alcools

5.600

I- Total fiscalité affectée

52.600

I- Total baisse charges sociales

47.000

CONCOURS DES FINANCES PUBLIQUES

FINANCEMENT DIRECT DES 35 HEURES

Etat

4.300

Aides 35 heures loi 13 juin 1998 (incitatives)

11.500

Aides 35 heures 2ème loi RTT (aide structurelle)

6.000

II- Total concours finances publiques

4.300

II- Total financement direct des 35 heures

17.500

TOTAL RECETTES I+II

56.900

TOTAL DEPENSES I+II

64.500

Taxe heures supplémentaires

6.000/9.000

Sources : PLF 2000, rapport économique, social et financier du PLF 2000, PLFSS 2000.

A terme, le FSV perdrait la totalité des " droits 403 ", ce qui représenterait une perte de 12 milliards de francs.

Son financement est ainsi menacé. Faudra-t-il augmenter, dans quelques années, le taux de CSG qui lui est affecté (1,3 %) afin de faire face à un déficit né du financement des trente-cinq heures ?

Pour 2000, le financement des 35 heures n'est pas assuré à hauteur de 8 milliards de francs. A terme, le plan de financement montre un " trou " d'une vingtaine de milliards de francs.

La taxation des heures supplémentaires est prévue à l'article 2 du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nouvel article L. 212-5 du code du travail). Elle est due par les entreprises dont la durée collective du travail n'est pas fixée à 35 heures, sur les seules quatre heures supplémentaires comprises entre 35 et 39 heures. Cette contribution de 10 % est assise sur le salaire et l'ensemble des éléments complémentaires de rémunération versés en contrepartie directe du travail fourni (assiette des cotisations sociales). Elle est recouvrée par les URSSAF selon les règles et garanties définies pour la contribution sociale généralisée sur les revenus d'activité et les revenus de remplacement.

Les URSSAF se voient reconnaître, là encore, une charge supplémentaire. Les modalités de calcul de cette taxe sont, en effet, loin d'être évidentes.

Son rendement fait l'objet d'estimations bien différentes :

La taxation des heures supplémentaires : des évaluations différentes

Source

Evaluation

Etude d'impact

9.000

Rapport n°1826 (XI ème législature) Assemblée nationale, p. 232

5.400

Rapport économique, social et financier du PLF 2000, p. 246

6.000

Martine Aubry (JO débats AN, p. 7033)

7.500

En effet, elle dépend d'un autre facteur ; l'entreprise peut y échapper lorsque le paiement d'une heure et de sa bonification est remplacé par 125 % de repos compensateur.

Cette contribution serait affectée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales non pas " en trésorerie " comme l'indiquait la version initiale de l'article 2 du projet de loi, mais de manière " comptable ".

Le financement annuel du fonds " à terme " est encore moins défini, le concept " à terme " étant lui-même vague 32 ( * ) . L'exposé des motifs de l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale indique que " les dépenses seraient de l'ordre de 100 à 110 milliards de francs par an " . Le coût proprement dit des 35 heures atteindrait alors 40 milliards de francs, l'extension de la " ristourne Juppé " 25 milliards de francs.

Le nouveau plan de financement " à terme "

(au 26 octobre 1999)

Recettes

Montant

Dépenses

Montant

FISCALITE AFFECTEE

BAISSE CHARGES SOCIALES

Droits sur les tabacs

40.000

Ristourne Juppé actuelle

40.000

Taxe générale sur les activités polluantes

12.500

Extension de la ristourne Juppé

25.000

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

12.500

Droit sur les alcools

12.500

Total fiscalité affectée (I)

77.500

Total baisse charges sociales (I)

65.000

CONCOURS DES FINANCES PUBLIQUES

FINANCEMENT DIRECT DES 35 HEURES

Etat

7.200

Aides 35 heures

40.000

Total concours finances publiques (II)

7.200

Total financement direct des 35 heures (II)

40.000

TOTAL RECETTES (I+II)

84.700

TOTAL DEPENSES (I+II)

105.000

Taxe heures supplémentaires

?

Source : déclarations de Mme Martine Aubry à l'Assemblée nationale + Livre blanc TGAP.

Ce financement " à terme " est construit sur l'hypothèse d'une " ristourne Juppé " restant au niveau d'environ 40 milliards de francs, ce qui repose sur une hypothèse d'une stabilité des emplois.

L'hypothèse d'un rendement stable des droits sur les tabacs est tout à fait recevable ; en revanche, l'hypothèse d'une ristourne bas salaires " égale " semble bien pessimiste. Il est à espérer que l'emploi progressera plus rapidement en France que la consommation de tabac.

L'ensemble constitué par la taxe générale sur les activités polluantes et la contribution sociale sur les bénéfices de sociétés représenterait 25 milliards de francs.

b) Les sources d'alimentation du fonds : les prélèvements inacceptables
(1) L'assiette des cotisations patronales doit-elle s'élargir à l'alcool et aux tabacs ?

Votre commission est favorable à ce que l'on procède, de manière progressive, à l'affectation des droits sur les tabacs à l'assurance maladie. Dans son esprit, et elle note que le rapport de M. Alfred Recours, remis très récemment à M. le Premier ministre, plaide dans le même sens, il s'agit de compenser l'assurance maladie des dépenses occasionnées par la consommation de tabac.

Votre rapporteur précisait en juin 1999 33 ( * ) : " Il est clair que pour l'assurance maladie cette recette compense le coût du tabagisme et qu'au nom des impératifs de santé publique, il serait souhaitable que disparaissent à la fois la dépense et la recette ; a contrario les droits sur les tabacs perçus au profit du budget de l'Etat constituent un " impératif de finances publiques " "

L'affectation des droits sur les tabacs à un fonds de financement mélangeant allégements de charge et aides pérennes au passage aux 35 heures ne répond en rien à un impératif de santé publique.

(2) Les prélèvements sur les entreprises proposés par le projet de loi sont inacceptables

La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, dont l'affectation au fonds de financement est proposée à l'article 3 du projet de loi du financement de la sécurité sociale, est, en fait, une majoration déguisée de l'impôt sur les sociétés. Elle est égale à 3,3 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats imposables au taux de 33,3 % et 19 %.

La logique d'une affectation à la sécurité sociale d'une partie de l'impôt sur les sociétés révolutionne pour le moins la conception du financement de la sécurité sociale. Cette affectation est contraire aux objectifs de simplification et de lisibilité des finances sociales.

Rapportant 4,3 milliards de francs en 2000, son montant est estimé " à terme " à 12,5 milliards de francs. Il suffira au Gouvernement de proposer un relèvement du taux de cette contribution s'il ne parvient pas à financer la réduction du temps de travail et les nouveaux allégements de charges.

C'est d'ailleurs la conclusion de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, qui, sentant le " danger " venir d'un dérapage budgétaire 34 ( * ) , avait adopté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyant de relever le taux de cette taxe en cas de surcroît des dépenses par rapport aux recettes.

L'affectation de la taxe générale sur les activités polluantes au fonds de financement doit faire l'objet des mêmes critiques.

Une fiscalité écologique est censée, au nom du principe " pollueur-payeur " réparer les dégradations apportées à l'environnement ; financer les allégements de charges sociales est, en revanche, tout à fait arbitraire. La TGAP, créée par la loi de finances pour 1999 à partir de cinq taxes préexistantes affectées à l'ADEME, voit, par l'article 4 du projet de loi de financement, son assiette élargie. Elle rapporterait 3,2 milliards de francs en 2000 et 12,5 milliards de francs " à terme ". Là aussi, en cas de dérapage du financement du fonds, en cas d'impossibilité pour l'Etat de prendre en charge le coût des mesures décidées par le Gouvernement, il suffira d'étendre à l'infini l'assiette de la TGAP et de relever chaque année les quotités pour assurer un meilleur financement.

La présentation effectuée par le Gouvernement d'une baisse des charges pour les entreprises est tout à fait fallacieuse :

Impact sur les entreprises en 2000 des mesures prises dans le cadre de la RTT

Aides forfaitaires par salarié

- 17,5

Extension de la ristourne

- 7,5

Création de la CSB

+ 4,3

Augmentation de la TGAP

+ 1,1

Taxes sur les heures supplémentaires

+ 7,5

Solde

- 12,1

Source : rapport économique, social et financier du projet de loi de finances 2000, p. 246 + déclarations de Mme Martine Aubry.

Elle ne prend pas en compte, en effet, le fait que les aides forfaitaires et l'extension de la ristourne sont nécessaires pour " compenser " le coût des 35 heures pour les entreprises. S'agissant d'un dispositif obligatoire, les aides incitatives auraient dû disparaître. L'extension de la ristourne Juppé et les aides forfaitaires correspondent au chiffrage implicite par le Gouvernement du surcoût pour les entreprises des 35 heures : 25 milliards de francs en 2000, puis 65 milliards de francs par an.

L'accroissement de la charge globale sur les entreprises en 2000 est bien davantage de l'ordre de 10 milliards de francs. Cette estimation repose sur l'hypothèse que le passage aux 35 heures s'avère neutre pour les entreprises, l'extension de la ristourne Juppé, la modération salariale et l'évolution de la productivité du travail annulant la hausse du coût salarial horaire de 11,4 %.

L'institut REXECODE dément cette " annulation " : les mesures d'accompagnement ne représenteraient qu'une faible part, de l'ordre de 20 à 30 %, du surcoût salarial.

c) Un fonds de financement contraire dans sa version initiale à la loi organique du 22 juillet 1996

Dans la version du texte déposé à l'Assemblée nationale, les recettes du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " n'apparaissent ni en loi de finances 35 ( * ) , ni clairement en loi de financement. En effet, le Gouvernement avait choisi de maintenir la " doctrine " existante, consistant à faire apparaître dans les " cotisations effectives "... des cotisations qui n'ont jamais été effectives, mais qui sont remboursées ex post par l'Etat aux organismes de sécurité sociale.

Or, l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose dans son paragraphe I-2° que " la loi de financement prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement " . L'expression " d'organismes créés pour concourir à leur financement " avait été choisie par le législateur organique pour inclure le Fonds de solidarité vieillesse, dont les recettes apparaissent dans les catégories de recettes de la loi de financement, mais également des organismes de même nature, au cas où ils seraient créés.

Les différents prélèvements nouveaux affectés (taxe générale sur les activités polluantes, contribution sociale sur les bénéfices des sociétés) n'apparaissaient pas dans la ligne " Impôts et taxes " des prévisions de recettes par catégorie.

Cette absence d'inscription n'était pas sincère du point de vue comptable.

Comme l'a noté M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des Finances, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales et le fonds de solidarité vieillesse sont " des établissements publics administratifs, assis sur des ressources fiscales (...) et visant notamment à prendre en charge des cotisations sociales (exclusivement pour le fonds de financement, partiellement pour le FSV) " 36 ( * ) .

Le projet initial du Gouvernement ne respectait pas la loi organique du 22 juillet 1996.

C. LE PROJET DE LOI A FAIT LES FRAIS A L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU " BRICOLAGE " FINANCIER DES 35 HEURES

1. Le Gouvernement a apparemment reculé sur la contribution demandée aux organismes de sécurité sociale pour financer les 35 heures

a) La théorie contestable des " retours " pour les finances publiques

Le Gouvernement avait tenu à annoncer, dès l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail et l'étude d'impact jointe au projet, que la règle de compensation intégrale prévue par l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale 37 ( * ) ne serait pas respectée : " Afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide à la réduction du temps de travail induira pour les régimes de sécurité sociale 38 ( * ) , cette aide donnera lieu, à compter du 1 er janvier 1999, à un remboursement partiel de la part de l'Etat aux régimes concernés. Cette disposition figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, après concertation avec les partenaires sociaux sur le taux de cette compensation. " 39 ( * )

Cette démarche n'avait toutefois pas convaincu les caisses de sécurité sociale qui ont en conséquence émis un avis négatif sur le projet de loi le 2 décembre 1997 pour la CNAF et le 3 décembre 1997 pour la CNAMTS.

Comme l'expliquait M. Louis Souvet lors de l'examen du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail 40 ( * ) , la démarche du Gouvernement n'était pas convaincante pour trois raisons :

" Elle remet en cause tout d'abord un principe nécessaire à une gestion saine et responsable de la sécurité sociale dans la perspective nécessaire d'un retour à l'équilibre de ses comptes. Dès lors que toute exonération de cotisations décidée par l'Etat -du moins faut-il l'espérer- a un objectif d'intérêt général, le principe de " solidarité " évoqué par le Gouvernement pourra toujours justifier la non-application du principe de la compensation intégrale.

" En second lieu, la comptabilité " administrative " des emplois créés ne prendra en compte ni les effets d'aubaine, ni les emplois détruits. Elle ne prendra pas davantage en compte l'effet sur les ressources de la sécurité sociale d'une moindre progression de la masse salariale imputable à la " modération " des rémunérations qui, selon les experts, est l'une des conditions des créations d'emplois. Seules seront prises en compte ces créations d'emplois et non l'effort demandé aux salariés en place qui se traduira pourtant par un tassement des cotisations.

" La clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, que votre commission appelait de ses voeux lors de l'examen de la loi de financement pour 1998, n'en sortira pas à l'évidence renforcée.

" Comment, dans ces conditions, exiger des gestionnaires des caisses, de leurs personnels, des assurés et des professionnels, l'effort de rigueur indispensable au redressement financier de la sécurité sociale ? "

Votre rapporteur ajoutait lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : " Ce principe inédit depuis la loi de 1994 d'une neutralité scrupuleuse de la compensation, grâce à un calcul méticuleux des " retours " attendus par la sécurité sociale, gagnerait en crédibilité s'il appliquait à l'ensemble des exonérations de charges, et donc aux dispositifs antérieurs à la loi de 1994, qui restent non compensés et dont le coût est évalué à 17 milliards de francs. "

Dans les débats parlementaires du printemps 1998, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, assurait pouvoir " compter " un par un les emplois créés, afin de déterminer les " retours ".

Dans le cadre du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, Mme Martine Aubry se réfère désormais au seul " retour "... de la croissance 41 ( * ) .

Les " retours " pour les finances publiques étaient présentés ainsi par le Gouvernement en juin 1999 :

Extrait du rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire de juin 1999, p. 47-48.

" Les régimes sociaux sont les principaux bénéficiaires des recettes financières suscitées par la réduction du temps de travail

Les " retours directs " pour les finances publiques de la réduction du temps de travail, peuvent être classés en trois catégories : les cotisations supplémentaires, les gains d'indemnisation de personnes initialement sans emploi, enfin les recettes d'origine fiscale.

1. Les cotisations sociales supplémentaires

La réduction du temps de travail entraîne des cotisations sociales supplémentaires, patronales et salariales, qui bénéficient aux différents régimes sociaux au prorata des taux de cotisations correspondants.

Les recettes attendues à ce titre devraient représenter un montant de l'ordre de la moitié des retours en direction des finances publiques.

2. Les gains d'indemnisation de personnes initialement sans emploi

La réduction du temps de travail permet d'insérer dans l'emploi des personnes initialement au chômage et susceptibles de bénéficier d'une indemnisation. Ce montant peut être approché par le montant d'indemnisation du chômage : environ la moitié des chômeurs est indemnisée, dont les trois quarts au titre de l'allocation unique dégressive (AUD) et le reste au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS).

Le gain moyen d'indemnisation associé au retour à l'emploi de chômeurs pourrait en fait être supérieur à l'indemnisation moyenne du chômage notamment parce que les personnes qui ont davantage de chance d'être employées peuvent avoir un profil les conduisant à recevoir un niveau d'indemnisation moyen plus élevé.

Les recettes attendues à ce titre devraient représenter une part significative des retours pour les finances publiques.

3. Les recettes d'origine fiscale

La déformation des revenus a des effets en termes de fiscalité, qui concernent essentiellement l'impôt sur le revenu (IR) et la TVA. Le surcroît d'IR et de TVA serait directement lié à l'accroissement de la masse salariale consécutive à la réduction du temps de travail. Ces recettes, montant progressivement en charge au cours des prochaines années, devraient représenter moins d'un cinquième du total des retours attendus sur les finances publiques.

Ainsi le régime d'assurance chômage, qui perçoit davantage de cotisations grâce à la progression de la masse salariale et qui verse moins d'indemnisation chômage, compte tenu de l'amélioration de l'emploi, saurait être un des bénéficiaires importants de la réduction du temps de travail. "

D'après les informations allusives du rapport, la clef de répartition de ces " retours pour les finances publiques " était la suivante :

Clef de répartition des " retours " pour les finances publiques

UNEDIC

50 %

Sécurité sociale

32 %

Etat

18 %

Seule la lecture parallèle de l'article 11 paragraphe XVI du projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et de l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale déposé à l'Assemblée nationale permettait de comprendre les modalités de ces contributions des organismes sociaux. Par l'intermédiaire du fonds, les régimes sociaux auraient été, dans une première étape, intégralement remboursés des exonérations de charge, puis se seraient acquittés, dans une deuxième étape, de leur " contribution ". Les règles servant à calculer le montant et l'évolution de ces contributions auraient été définies par voie de convention entre l'Etat et chacun des organismes concernés, ou à défaut de la conclusion de telles conventions avant le 31 janvier 2000, par décret en Conseil d'Etat.

Une fois pris le décret en Conseil d'Etat, des arrêtés conjoints des ministres chargés de la sécurité sociale, de l'emploi et du budget auraient fixé le montant prévisionnel des contributions dues au cours de l'exercice -ce montant pouvant, le cas échéant, être révisé en cours d'année- et le montant des régularisations dues au titre de l'exercice.

b) L'abandon des contributions des organismes sociaux

Aucune concertation n'a eu lieu, pendant toute l'année 1998, entre l'Etat et les partenaires sociaux. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 n'a pas comporté la disposition annoncée, sans que le Gouvernement n'ait changé sa philosophie du " recyclage " d'un iota 42 ( * ) .

Les régimes sociaux et les partenaires sociaux ont réaffirmé en juillet et en septembre 1999 leur opposition à cette contribution, en votant négativement, tant lors de l'examen pour avis du projet de loi portant réduction négociée du temps de travail que du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La presse s'est fait largement l'écho de l'émoi des partenaires sociaux, la CFDT précisant dans un communiqué que ce prélèvement n'était pas " négociable ", le MEDEF annonçant sa décision de quitter les organismes paritaires dans le cas d'une " ponction " des régimes de sécurité sociale et d'assurance chômage.

Le Gouvernement a pris le risque de mettre fin au paritarisme dans les régimes sociaux, ce qui serait extrêmement grave.

Le paritarisme fait pourtant partie des principes fondamentaux de notre protection sociale.

L'histoire du paritarisme

Dès l'entre-deux-guerres, la France a fait le choix d'une protection sociale distincte de l'Etat et de ses circuits de financement. Dans la loi du 30 avril 1930, les assurés choisissent librement leur organisme d'affiliation parmi les nombreuses caisses mutualistes, familiales, professionnelles, syndicales ou même religieuses. Chaque département doit comporter une caisse départementale. Ces caisses départementales sont gérées par des conseils d'administration où les salariés et le patronat occupent chacun la moitié des sièges.

Le plan français de sécurité sociale, construit sur les idéaux de la résistance et concrétisé par l'ordonnance du 4 octobre 1945, institue un " régime général ", financé par les cotisations des employeurs et des salariés. L'Etat ne verse aucune subvention, à la différence de régimes sociaux de grands pays étrangers. Les organismes disposent d'une autonomie de gestion, en vertu du principe de démocratie sociale.

Une longue tradition mutualiste et l'hostilité des syndicats à l'étatisation ont abouti à ce que les caisses soient des organismes de droit privé. Les caisses sont gérées par des conseils d'administration où les syndicats de salariés obtiennent 75 % des sièges contre 25 % pour les organisations d'employeurs (sauf pour les caisses d'allocations familiales, qui devaient à l'origine se fondre dans les caisses primaires, et qui sont gérées de manière strictement paritaire).

En contrepartie de cette autonomie, l'Etat exerce une tutelle sur la sécurité sociale que légitime sa mission de service public.

Les outils de la tutelle se renforcent par le décret du 12 mai 1960. Les ordonnances du 21 août 1967, dites " ordonnances Jeanneney ", vont consacrer le paritarisme (moitié salariés/moitié employeurs) et l'abandon des élections pour les administrateurs salariés. Ces derniers sont désignés par les syndicats d'appartenance.

La loi du 17 décembre 1982 va revenir en arrière, en accordant une place prépondérante aux salariés, mais en revenant au système des élections. Les dernières élections des élus des caisses de sécurité sociale du régime général ont eu lieu ainsi en octobre 1983.

Au surplus, ces contributions présentaient le caractère d'impositions. Le législateur est seul compétent pour fixer les règles concernant " l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures " , selon l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail ne fixait aucune de ces règles, pas plus que le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En cas d'échec -prévisible- des conventions, un décret en Conseil d'Etat, suivi d'arrêtés ministériels, pris selon l'imagination de leurs auteurs, aurait constitué le seul régime juridique de ces contributions.

Inébranlable dans son raisonnement, et fort d'une " règle de trois ", le Gouvernement ne s'apprêtait-il pas à violer la Constitution, en opérant des " prélèvements de droit divin " 43 ( * ) sur les régimes sociaux ?

Mais devant la pression des partenaires sociaux, le Gouvernement a renoncé.

Après une négociation engagée en catastrophe le 20 octobre 1999, le ministère de l'emploi et de la solidarité, annonçait le 25 octobre, en fin d'après-midi, que le Gouvernement renonçait désormais aux prélèvements sur les organismes sociaux, soit moins de 24 heures avant la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

2. La contribution des organismes de sécurité sociale devient indirecte

Les branches du régime général de la sécurité sociale devraient logiquement " récupérer " les 5,5 milliards de francs " provisionnés " par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale. Mais le Gouvernement a décidé de diminuer les recettes du régime général... à hauteur de 5,5 milliards de francs, afin de les affecter au " fonds de réserve " des retraites.

La " neutralité " de l'opération n'est pas identique pour toutes les branches du régime général : la branche vieillesse du régime général, " taxée " de 1,8 milliard de francs sous le régime de la contribution initiale, perd 490 millions de francs supplémentaires.

La branche " gagnante " est celle des accidents du travail, le Gouvernement n'ayant pas encore imaginé de la rendre destinataire d'une partie du prélèvement social de 2 %.

Des prélèvements 35 heures aux pertes de recettes affectées au fonds de réserve

Prélèvement
35 heures

Recettes 2 %
prévues

Recettes 2 %
corrigées

Pertes de recettes

" Neutralité " opération

CNAMTS

2.354

3.164

904

2.260

+ 94

Accidents du travail

405

0

0

0

+ 405

CNAV

1.771

5.650

3.390

2.260

- 489

CNAF

1.010

2.486

1.469

1.017

- 7

5.540

11.300

11.300

5.537

+ 3

3. Les prévisions de recettes par catégorie et les objectifs de dépenses par branche ont été modifiés

Le Gouvernement, en coordination, a modifié les objectifs de dépense par branche, en prenant en compte, de manière partielle, l'absence de contribution des organismes sociaux au financement des 35 heures.

Les objectifs de dépenses par branche adoptés par l'Assemblée nationale

LFSS 1999 (1)

Objectifs de dépenses PLFSS initial (2)

Objectifs de dépenses PLFSS modifié (3)

Evolution
(2)/(1)

Evolution
(3)/(1)

Maladie - maternité - invalidité - décès

697,8

733,3

731,0

5,09 %

4,76 %

Vieillesse - veuvage

781,4

803,3

801,7

2,80 %

2,60 %

Accidents du travail

53,0

54,7

54,7

3,21 %

3,21 %

Famille

257,0

265,0

264,0

3,11 %

2,72 %

Total dépenses

1.789,1

1.856,3

1.851,4

3,76 %

3,48 %

L'objectif de dépenses de la branche accidents du travail ne varie pas, alors que la contribution 35 heures était de 400 millions de francs. Les amendements adoptés à l'Assemblée nationale ont été chiffrés à un montant équivalent.

Les prévisions de recettes par catégorie n'ont pas été modifiées par les 35 heures, le fonds de réserve faisant partie des " organismes concourant au financement des régimes de base " , par son inclusion au sein du Fonds de solidarité vieillesse.

En revanche, un certain nombre d'amendements ayant majoré ou diminué les recettes de la sécurité sociale ont été pris en compte.

Enfin, le Gouvernement a reconnu que le " Fonds de financement de la réforme des cotisations sociales " était bien un organisme concourant au financement de la protection sociale et a majoré la ligne " impôts et taxes " au détriment de la ligne " cotisations affectées " .

Les prévisions de recettes par catégorie en 2000 adoptées
par l'Assemblée nationale

(1)
LFSS 1999

(2)
PLFSS 2000 initial

(3)
PLFSS 2000 modifié

Evolution
(2)/(1)

Evolution
(3)/(1)

Cotisations effectives

1.062,9

1.106,6

1.043,0

4,11 %

- 1,87 %

Cotisations fictives

194,8

201,5

201,5

3,44 %

3,44 %

Contributions publiques

63,8

62,8

67,1

- 1,57 %

5,17 %

Impôts et taxes affectés

438,7

461,8

515,6

5,27 %

17,53 %

Transferts reçus

5,2

4,7

4,7

- 9,62 %

- 9,62 %

Revenus des capitaux

1,4

1,7

1,7

21,43 %

21,43 %

Autres ressources

32,6

34,1

34,1

4,60 %

4,60 %

Total

1.799,5

1.873,2

1.867,7

4,10 %

3,79 %

L'écart entre la progression des recettes (3,79 %) et la progression des dépenses (3,48 %) tombe à 0,31 point.

La part de la ligne " Impôts et taxes affectés " continue ainsi à prendre de l'importance dans le financement de la protection sociale : 27,6 % des recettes au lieu de 24,3 % des recettes en loi de financement 1999.

Structure du financement de la sécurité sociale

LFSS 1999

PLFSS 2000 modifié

Cotisations effectives

1.062,9

59,07 %

1.043,0

55,84 %

Cotisations fictives

194,8

10,83 %

201,5

10,79 %

Contributions publiques

63,8

3,55 %

67,1

3,59 %

Impôts et taxes affectés

438,7

24,38 %

515,6

27,61 %

Transferts reçus

5,2

0,29 %

4,7

0,25 %

Revenus des capitaux

1,4

0,08 %

1,7

0,09 %

Autres ressources

32,6

1,81 %

34,1

1,83 %

Total

1.799,5

100,00 %

1.867,7

100,00 %

D. LES DÉCISIONS CONCERNANT L'AVENIR DU FINANCEMENT DE NOTRE PROTECTION SOCIALE SONT UNE NOUVELLE FOIS REPORTÉES

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, le bricolage du Gouvernement ayant eu pour effet de masquer cette réalité, montre une vision désespérément creuse des grands enjeux de la protection sociale.

Ce projet ne comporte aucune mesure d'importance sur les trois domaines majeurs de notre sécurité sociale.

La réforme des retraites est le premier de ces grands enjeux.

1. La réforme des retraites : le diagnostic sans lendemain

Le Gouvernement attendait du rapport Charpin un " grand débat ", un " diagnostic partagé ". Il n'en a rien été. Certains partenaires sociaux ont contesté les hypothèses mêmes du rapport (taux de croissance, notamment).

Votre rapporteur vous renvoie à l'analyse de notre excellent collègue M. Alain Vasselle dans son rapport d'information 44 ( * ) : " Réforme des retraites : peut-on encore attendre ? ".

L'échec du diagnostic partagé a amené le Gouvernement à entamer une nouvelle série de rencontres avec les partenaires sociaux, commencées fin juillet et achevées le 2 septembre 1999, sans que l'on puisse clairement déterminer les avancées induites par cette phase de " dialogue ".

a) Le Gouvernement parie sur la croissance pour reculer une nouvelle fois les échéances

M. Lionel Jospin, Premier ministre, a précisé en septembre dernier que le Gouvernement était toujours en phase de dialogue :

" Nous avons décidé qu'à l'issue des consultations, nous allions au début de l'année prochaine faire nos propositions et que nous les mettrions en oeuvre avec les partenaires par une méthode de concertation. Nous nous en tiendrons à cette méthode. C'est la bonne pour faire passer les obstacles que les précédents gouvernements n'avaient pas su franchir " 45 ( * ) .

Devant les parlementaires socialistes, le Premier ministre n'a pas -sur ce point- changé de discours :

" Notre calendrier est clair. La phase de diagnostic a eu lieu. Nous sommes aujourd'hui dans la phase de concertation.

" Au début de l'année 2000, comme je l'ai annoncé, je préciserai les orientations générales du Gouvernement. Nos propositions sur la retraite s'inscrivent dans une vision plus large : celle de la place et des problèmes des personnes âgées dans notre société. Nous serons en particulier très attentifs à leur insertion dans la vie sociale et à leur accompagnement lorsqu'elles sont en situation de dépendance. "

Le sous-entendu de la politique gouvernementale est de considérer que la croissance, qui devrait assurer le plein emploi dans une dizaine d'années, permettra de résoudre une partie des besoins de financement.

La seule initiative du Gouvernement a été de créer un " fonds de réserve " pour le régime général et les régimes alignés.

b) Le fonds de réserve créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 demeure non défini

Lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le Sénat, à l'initiative de votre commission des Affaires sociales, n'avait pas rejeté le principe d'un fonds de réserve.

Il avait, en revanche, estimé qu'il était quelque peu dérisoire de prétendre y affecter 2 milliards de francs, issus d'excédents de la C3S. Ayant pris acte de la mesure " symbolique " que constituait la création d'un fonds de réserve pour les retraites par répartition, votre commission avait jugé inutile de " faire semblant " , comme le faisait le projet de loi, et d'attribuer à ce fonds un embryon de ressources, de peaufiner la composition d'un Comité de surveillance ou de préciser les régimes bénéficiaires... alors même que restaient parfaitement indéterminés à la fois la nature des " vraies " ressources l'alimentant, et qui devraient se chiffrer en centaines de milliards de francs, l'affectation de ces fonds, leur mode et leur horizon de placement ou enfin les modalités de gestion qui devront être cohérentes tant avec l'origine des ressources qu'avec l'objectif des emplois.

Votre commission considérait que la mise en place d'un tel fonds de réserve relevait, à l'évidence, d'un texte d'ensemble, cohérent et complet, incluant des mesures permettant de clarifier la situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.

Près d'une année après, ce fonds de réserve reste parfaitement virtuel ; la seule trace de son existence est une ligne sur les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ligne qui n'est pas encore affectée 46 ( * ) .

L'article 26 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière a prévu le reversement, " avant le 31 décembre de chaque année, de 2000 à 2003 inclus " , d'environ 18 milliards de francs issus des caisses d'épargne.

Un décret " miracle ", paru au Journal officiel du dimanche 24 octobre 1999, a certes prévu les modifications relatives au comité de surveillance du fonds. Mais la finalité et les modalités de gestion du fonds de réserve restent dans le flou le plus complet. Cette inaction du Gouvernement est d'autant plus regrettable que le fonds de réserve a suscité un certain nombre d'espoirs.

La piste de l'affectation des " excédents sociaux " a été évoquée en des termes inquiétants. C'était oublier un peu vite le principe de la séparation des branches. Les seuls excédents qui peuvent être affectés provenaient soit du FSV, soit de la CNAVTS. Le montant prévu pour 2000 reste très limité.

La piste de l'affectation des " excédents budgétaires " a été mentionnée lors du débat surréaliste de l'été 1999. C'était oublier un peu vite que le budget de l'Etat connaît un déficit toujours très important, et que des rentrées fiscales plus importantes que prévu n'ont jamais constitué un " excédent budgétaire ".

L'article 10 du projet de loi propose d'affecter une provision d'excédents de la CNAVTS au fonds de réserve (2,9 milliards de francs).

Alors que les excédents du FSV semblaient avoir pour débouché logique le fonds de réserve, le Gouvernement a finalement décidé d'amputer sur les excédents du FSV en baissant ses recettes (partie des droits sur les alcools) et de faire bénéficier le fonds de réserve d'une fiscalité affectée, par l'intermédiaire de 49 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, correspondant aux 5,5 milliards de francs que n'a pas versé le régime général au financement des 35 heures.

Fin 2000, le fonds pourrait disposer de quelques milliards de francs :

en millions de francs

Origine

Montant

Excédents C3S (1999)

2.000

Excédents CNAVTS (1999 et 2000)

4.000

Partie du prélèvement social de 2 %

5.500

Caisses d'épargne

4.000

Caisse des dépôts

3.000

TOTAL

18.500

La Caisse des dépôts a annoncé le 28 octobre 1999 son intention de verser 3 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites. Ce " don " de fin d'année appelle deux observations.

Il conduit d'abord à s'interroger sur les conditions dans lesquelles la Caisse des dépôts et consignations, établissement public placé sous la surveillance toute particulière du Parlement, peut disposer librement de ses excédents, comme s'il s'agissait d'une " cassette " personnelle. La destination " vertueuse " de ce don ne change rien à cette question de principe.

La seconde observation porte précisément sur le caractère " vertueux " de ce don. Sachant que la CDC est candidate à la gestion du fonds de réserve, cette libéralité peut-elle être considérée comme la première enchère pour obtenir le " marché " de la gestion de ce fonds ?

Doté de deux, de vingt ou de trente milliards de francs, le fonds de réserve ne peut en aucun cas constituer la seule réponse aux enjeux de financement. Comme l'a souligné M. Jean-Michel Charpin devant la commission des Affaires sociales du Sénat (audition du 5 mai 1999), il est déjà trop tard pour envisager la création d'un fonds permanent (qui financerait, par les produits financiers, les besoins futurs) ; seul un fonds de " lissage " apparaît aujourd'hui réalisable.

Un simple fonds de lissage nécessiterait au minimum 250 milliards de francs en 2005 (3 % du PIB).

2. L'assurance maladie : la confusion

a) Le " rebasage " de l'ONDAM

En " rebasant " l'ONDAM 2000, qui ne progresserait que de 2,5 % par rapport aux " dépenses attendues pour 1999 " , le Gouvernement évite d'afficher un taux de progression de 4,5 % par rapport à la loi de financement pour 1999.

Il prétend ainsi masquer les dérapages intervenus depuis deux ans. Ce faisant, il relègue l'ONDAM au rang de simple " hypothèse économique " et fait perdre au vote de l'ONDAM une bonne part de sa substance.

b) La non-réponse au plan stratégique

Utilisant pour la première fois, depuis les ordonnances de 1967, le rôle de proposition qui leur avait été confié, les partenaires sociaux ont élaboré un plan ambitieux et audacieux de refondation du système de soins. Il aurait gagné à être analysé par le Gouvernement et débattu devant le Parlement. Cependant, la CNAMTS semble s'être mêlée, aux yeux du Gouvernement, de ce qui ne la regardait pas : l'hôpital.

Le Gouvernement a choisi de déléguer à l'assurance maladie des " responsabilités ", faisant mine d'expliquer qu'une telle délégation n'était auparavant pas possible.

Mais les moyens donnés à la CNAMTS, dont le domaine unique de compétence se restreint à la médecine de ville, restent limités à l'utilisation de lettres clefs et de nomenclatures flottantes. Le dispositif est désormais loin d'une " maîtrise médicalisée ". Le Gouvernement, incapable de définir depuis deux ans une stratégie, a usé de déclarations creuses sur " la démocratie sanitaire " pour finalement aboutir une " maîtrise comptable " de la pire espèce.

L'article 17 du projet de loi définit ainsi des conventions dans lesquelles il n'y a plus rien à négocier 47 ( * ) .

c) Le financement menacé de la CMU

Après l'affectation d'une partie des droits sur les alcools au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, après l'affectation d'une partie du prélèvement social de 2 % au fonds de réserve, bref, à force de s'attacher à creuser des trous pour en combler d'autres, il fallait bien " un perdant ".

Le Gouvernement a choisi : c'est finalement le financement de la couverture maladie universelle qui fait les frais des modifications de dernière minute adoptées à l'Assemblée nationale.

En effet, la CNAMTS devait recevoir, dans le plan de financement initial, 28 % du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ; elle n'en aura finalement que 8 %.

Le financement de la couverture de base de la couverture maladie universelle

Prévisions lors du vote de la loi

PLFSS 2000

Prévisions 2000

Tabacs

3.500

Tabacs

3.500

28 % du prélèvement social

2.700

8 % du prélèvement social

904

Cotisations assurés

100

Cotisations assurés

100

5 % des droits sur les alcools

600

Affectation droits alcools à la CNAMTS

600

Cotisations VTAM

830

Cotisations VTAM

830

TOTAL

7.730

TOTAL

5.934

Le financement de la couverture maladie universelle, déjà bien mis à mal par le " coût caché " -qui s'est révélé avec les embauches à la CNAMTS liées à la mise en place de la CMU- n'est pas assuré.

3. La famille : une politique sans ambition

Certes, les mesures décidées par la Conférence de la famille sont proposées par le projet de loi.

La juxtaposition de simples mesures techniques d'aménagement, de consolidation, d'ouvertures de chantiers ne saurait remplacer un plan ou un engagement à moyen ou long terme et ne traduit que l'absence d'un engagement politique fort.

Certes, la branche famille est en excédent.

Dans le rapport annexé à la loi de financement pour 1998, le Gouvernement affirmait sa " volonté de restructurer l'équilibre financier gravement compromis aujourd'hui de la branche famille " et décidait de la mise sous condition de ressources des allocations familiales.

Le fait que la branche famille enregistre aujourd'hui des excédents n'a rien de surprenant : le contraire serait même étonnant dans un contexte de croissance. Les réserves qu'elle peut accumuler aujourd'hui lui permettront demain d'éviter une nouvelle remise en cause des fondements de notre politique familiale.

Or, la branche famille est désormais la variable d'ajustement des comptes sociaux du Gouvernement, qui " ponctionne " ses excédents au bénéfice du budget de l'Etat (majoration de l'allocation de rentrée scolaire) ou du financement d'un fonds de réserve des retraites.

Est-ce là toute l'ambition de la politique familiale du Gouvernement ?

III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES : RESPECTER LES COMPTES, RESPECTER LES PARTENAIRES SOCIAUX, RESPECTER LES ÉCHÉANCES

Les propositions de votre commission s'articulent autour de trois objectifs :

- respecter les comptes : votre commission émet un certain nombre de propositions pour améliorer la transparence des finances sociales ;

- respecter les partenaires sociaux : votre commission estime que le paritarisme est l'un des fondements du " pacte républicain " ;

- respecter les échéances : votre commission constate que le Gouvernement n'aborde pas les véritables enjeux du financement de notre protection sociale.

A. RESPECTER LES COMPTES

Votre commission entend tirer parti de la réflexion qu'elle a conduite, par l'intermédiaire d'un groupe de travail sur les lois de financement de la sécurité sociale.

Si certaines des réformes qu'elle souhaite rendent nécessaire la modification de la loi organique du 22 juillet 1996, il est d'ores et déjà possible d'améliorer considérablement la transparence et la fiabilité des finances sociales.

1. Accélérer les délais de remise des comptes

La réforme des droits constatés doit être achevée, afin de présenter les agrégats des lois de financement de la sécurité sociale dans ce mode de comptabilisation dès l'année prochaine.

Votre commission souhaite que l'accélération du délai de remise des comptes sociaux devienne une réalité.

Il apparaît logique d'inscrire dans la loi des objectifs raisonnables : un plan comptable unique pour les organismes de sécurité sociale et un arrêté des comptes avant le 31 mars, afin d'accélérer de manière significative la connaissance et la compréhension des comptes sociaux. Ces deux dispositions s'appliqueraient aux comptes de l'année 2001, afin de laisser du temps aux organismes de sécurité sociale pour s'y préparer.

Votre rapporteur estime qu'une telle disposition est possible, notamment grâce à l'article 5 du projet de loi, qui simplifie le circuit de répartition de la CSG et des droits sur les alcools, le circuit existant " paralysant " l'arrêté des comptes. La MIRCOSS travaille sur l'élaboration d'un plan comptable unique, qui pourrait être disponible dans le début de l'année 2000.

Votre rapporteur ne mésestime pas les efforts en matière d'information et de formation des personnels de la sécurité sociale, efforts sur lesquels insiste, à juste titre, la Cour des comptes.

Mais il appartient au législateur de fixer, dès à présent, un cap.

Au-delà de cette question technique, l'intelligibilité des comptes sociaux, c'est-à-dire la compréhension par chacun, assuré ou contribuable, de la destination et de la raison d'être des prélèvements sociaux , est le fondement des lois de financement de la sécurité sociale.

Le débat au Parlement doit pouvoir s'appuyer sur des analyses objectives et approfondies. Il apparaît aussi nécessaire de renforcer le rôle de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

2. Renforcer le rôle de la Commission des comptes de la sécurité sociale

Le Gouvernement brouille la compréhension des finances sociales, lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du mois de septembre.

Actuellement, la réunion de la Commission des comptes du mois de septembre est le lieu à la fois de la présentation des comptes de la sécurité sociale (prévision de l'année en cours et comptes tendanciels de l'année suivante) et de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le mélange des genres se traduit par l'insertion dans les comptes tendanciels de normes fixées par le Gouvernement ou d'anticipation des mesures qu'il entend prendre de sorte que ces comptes tendanciels ne sont guère des évolutions spontanées et que les mesures qui figurent dans le projet de loi de financement ne sont que le complément des " anticipations " déjà prises en compte.

Le fonctionnement de la Commission des comptes de la sécurité sociale est ainsi en cause. Si cette Commission, ou plus exactement la Direction de la sécurité sociale -qui prépare tous les documents préparatoires- " anticipe " les décisions que serait amené à entériner le Parlement, la distinction entre " comptes spontanés " ou " comptes tendanciels " et " comptes corrigés " n'a plus lieu d'être. Dans ce cas, tout débat, toute analyse critique de la politique gouvernementale deviendrait difficile.

Actuellement, le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale est un homme seul à qui le Gouvernement dicte les " anticipations " qu'il souhaite voir figurer dans les comptes " tendanciels " de la sécurité sociale.

La mésaventure de la " provision 35 heures ", inscrite dans les comptes tendanciels du régime général et dans les objectifs de dépenses par branche, devrait inciter à davantage de prudence. En effet, non seulement tous les comptes prévisionnels du régime général sont faux, mais les comptes " corrigés " des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale sont inexacts. Certes, la contribution étant demandée de manière indirecte par une perte de recettes, les soldes ne varient pas entre le 15 octobre et le 25 octobre, mais le montant des recettes et des dépenses évolue de manière significative.

Votre commission vous propose d'adopter une série d'amendements visant à améliorer le fonctionnement de la Commission des comptes, et de manière générale, l'information du Parlement sur les finances sociales.

Elle estime nécessaire que le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale soit nommé sur proposition conjointe des présidents des deux assemblées et soit assisté d'une véritable équipe de collaborateurs de sorte qu'il ait une autonomie politique et technique lui permettant d'avancer de véritables analyses.

Ce secrétariat général permanent éviterait à la Direction de la sécurité sociale de cumuler trop de responsabilités.

Votre commission vous propose également de prévoir la transmission au Parlement de l'avis du Conseil d'Etat sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Mme Martine Aubry a, en effet, brisé un " tabou " en lisant des extraits de l'avis, visiblement partiels, lors du débat à l'Assemblée nationale, puis à l'occasion de son audition devant votre commission.

B. RESPECTER LES PARTENAIRES SOCIAUX

La création des lois de financement de la sécurité sociale a eu pour objet de permettre le débat des grands enjeux du financement de notre protection sociale. En revanche, les lois de financement ne peuvent servir de prétexte à l'étatisation de notre protection sociale, gérée au quotidien par les partenaires sociaux. La " crise du paritarisme ", dont le Gouvernement est seul responsable, a eu pour effet positif de faire prendre conscience de l'importance de cette " exception " française.

Votre commission vous propose de réaffirmer le paritarisme, en refusant :

- la confusion entre la politique de l'emploi et le financement de la sécurité sociale ;

- l'affectation anticipée des excédents de la sécurité sociale.

1. Eviter la confusion entre la politique de l'emploi et la sécurité sociale

Votre commission regrette la " pollution " du rendez-vous annuel consacré à notre protection sociale, par l'intrusion d'un débat sur le financement de la politique de l'emploi du Gouvernement.

Elle vous propose, en cohérence avec les choix effectués lors de l'examen en première lecture du projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail de rejeter les articles 2, 3 et 4 du présent projet de loi.

Elle estime qu'il est nécessaire de supprimer l'ensemble de ces mécanismes de prélèvements et de transferts : impôts nouveaux sur les entreprises (CSB et TGAP), spoliation des salariés (taxation des heures supplémentaires), ou transferts aux dépens de la sécurité sociale (détournement du droit sur les alcools et du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine).

En conséquence, elle vous propose de supprimer le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " .

Votre commission a, en effet, fait le choix de la réduction du temps de travail négociée et non imposée . Il n'y a pas, en conséquence, à compenser l'augmentation des coûts du travail -résultant d'une réduction imposée- par des allégements supplémentaires. Les financements affectés (tabacs, alcools, TGAP, contribution sociale sur les bénéfices, taxe sur les heures supplémentaires) ne sont pas acceptables et ne correspondent à aucune logique.

La confusion entre la politique de l'emploi et la sécurité sociale doit être absolument évitée. Des réductions de charges sociales doivent être financées et compensées à la sécurité sociale intégralement par l'Etat, dans le cadre de la politique d'emploi. Leur coût doit apparaître en loi de finances.

Votre commission constate que la " réforme d'ampleur de l'assiette des cotisations patronales " destinée à " consolider le financement de la protection sociale " a débouché sur l'affectation, à la compensation des exonérations de charges, d'une collection hétérogène et sans fondement d'impôts nouveaux et de recettes de poches.

2. S'assurer des excédents de la sécurité sociale avant de les affecter

Votre commission souhaite réaffirmer avec force le principe de la séparation des branches, mis à mal par l'article 10 du projet de loi.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a d'ailleurs reconnu à l'Assemblée nationale : " Je rappelle que le Gouvernement avait dit à plusieurs reprises qu'une partie des excédents de la sécurité sociale devaient prioritairement aller vers le fonds de réserve des retraites. Il s'y était engagé l'année dernière. Cette année, une fois de plus, cet engagement a été respecté. " 48 ( * )

Cette déclaration de principe ne manque pas de saveur quand on se souvient que la branche maladie reste déficitaire.

Votre commission des Affaires sociales constate que le Gouvernement met en place, dans la confusion et l'opacité, des mécanismes de transferts au détriment de la sécurité sociale dans son ensemble mais qui visent particulièrement la branche famille.

Aussi propose-t-elle de supprimer l'ensemble de ces mécanismes de prélèvements et de transferts et de prévoir, dans le respect de l'autonomie des branches de la sécurité sociale, que celles-ci bénéficient des excédents qu'elles créent (CNAF- CNAV) ou assument a contrario des dettes qu'elles génèrent (CNAM).

Il y va de la clarté dans laquelle doit se poursuivre le redressement des comptes sociaux et de la responsabilisation de chacun.

Les réserves que la branche famille peut accumuler aujourd'hui lui permettront demain d'éviter une remise en cause des fondements de notre politique familiale, comme la mise sous condition de ressources des allocations familiales, décidée par le Gouvernement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 pour des raisons " financières ".

De même la branche vieillesse est dans l'oeil du cyclone à la veille du choc démographique de 2005. Dans cette attente, il est sain qu'elle puisse constituer des réserves productives d'intérêts. Et il est prudent que ces réserves restent en son sein plutôt que de migrer vers un fonds de réserve dont les missions sont aussi incertaines.

A terme, si la sécurité sociale présente des excédents durables, au-delà des cycles conjoncturels, il importera d'ouvrir dans la transparence et dans le respect des partenaires sociaux un débat sur l'affectation de ces réserves : amélioration des prestations, diminution des prélèvements d'aujourd'hui ou encore remboursement anticipé de la dette sociale, c'est-à-dire diminution des prélèvements qui pèsent sur les générations à venir jusqu'en 2014.

Pour votre rapporteur, le débat doit rester ouvert.

Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un article additionnel précisant que chaque branche affecte son résultat, une fois l'exercice clos, à une section comptable de réserve.

3. Adopter des comptes du régime général excédentaires

Au total, votre commission vous propose d'adopter des comptes de la sécurité sociale excédentaires.

- les comptes de la CNAMTS seraient quasiment à l'équilibre, grâce au maintien de la fraction du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine ;

- les comptes de la CNAF et de la CNAVTS connaîtraient des excédents.

Le régime général en 2000

Compte tendanciel calculé par la commission des Affaires sociales

Mesures correctrices acceptées par la CAS

Nouveau compte proposé par la CAS

CNAMTS maladie

Recettes

630.705

+ 1.200 (contribution labos)

631 905

Dépenses

632.074

+ 1.350
(remboursement contribution labos : + 1.200
pensions : + 50
fonds cliniques : + 100

baisse dépenses maladie :

- 1.200)

632 224

Variation fonds de roulement

- 1.369

+ 1.050

- 319

CNAMTS accidents du travail

Recettes

47.916

Moindre diminution cotisations : + 400

48.316

Dépenses

47.202

+ 120

(baisse dépenses : - 340

dépenses nouvelles : + 400)
(pensions : + 60)

47.322

Variation fonds de roulement

714

+ 280

994

CNAVTS

Recettes

416.019

416.019

Dépenses

407.734

+ 950
( pensions : + 950)

408.684

Variation fonds de roulement

8.285

- 950

7.335

CNAF

Recettes

268.194

268.194

Dépenses

262.141

+ 1.140
(BMAF : + 340
Aide au logt 21 ans : + 220
Cplt familial 21 ans : + 330
Fonds action sociale : + 250)

263.281

Variation fonds de roulement

6.053

- 1.140

4.913

ENSEMBLE RG

Recettes

1.362.834

+ 1.600

1.364.434

Dépenses

1.349.151

+ 2.360

1.351.511

Solde

13.683

- 760

12.923

C. RESPECTER LES ÉCHÉANCES

Votre commission estime qu'il est grand temps de " respecter les échéances ".

1. Engager une réforme des retraites

Votre commission demande au Gouvernement d'engager une réforme des régimes de retraite par répartition. Cette réforme doit commencer par les régimes spéciaux et mettre fin aux inégalités entre secteur public et secteur privé.

La création d'une caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat, ou leur affiliation à la CNRACL, est le seul moyen de mieux appréhender les charges sociales futures de l'Etat.

Le fonds de réserve pour les retraites ne peut constituer en aucun cas une réponse unique aux problèmes de régimes de retraite par répartition. Il convient de préciser les modalités de gestion et la finalité de ce fonds de réserve.

Dans le schéma de financement alternatif proposé par votre commission, les excédents 2000 du FSV (8,3 milliards de francs) et de la CNAVTS (7,3 milliards de francs) pourraient tout à fait, une fois assurés, être affectés à ce fonds de réserve, dès lors que les missions de ce fonds seraient explicitement " définies " 49 ( * ) et la réforme de nos retraites enfin engagée sur des orientations claires.

Votre commission des Affaires sociales a présenté en octobre dernier des conclusions sur deux propositions de loi visant à développer l'épargne retraite, l'une émanant de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste, l'autre émanant de votre rapporteur.

Si le Gouvernement ne souhaite pas appliquer la loi Thomas, la proposition de loi visant à améliorer la protection sociale par le développement de l'épargne retraite, adoptée par le Sénat, est un texte de départ pour faire, enfin, adopter en France une loi sur l'épargne retraite.

Malheureusement, la mission confiée récemment à MM. Balligand et Foucauld montre une certaine confusion entre épargne salariale et épargne retraite.

2. Définir une politique de santé publique

Votre commission estime que " la mise à plat " de la politique d'assurance maladie doit commencer par une définition explicite de notre politique de santé. Une loi pluriannuelle de santé publique doit définir les grands objectifs, pour que l'ONDAM -et ses dépassements éventuels- aient un sens autre que comptable.

La réforme de la couverture maladie universelle a mis en lumière l'urgence de définir un " panier de soins ".

Cette réforme, votée en urgence par le Parlement pour une entrée en vigueur par le Parlement pour une entrée en vigueur au 1 er janvier 2000, est pour l'instant " au point mort " : les décrets d'application ne sont toujours pas publiés, son coût est contesté et son financement amputé.

Le projet de loi de modernisation de la santé, annoncé par Mme Martine Aubry lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 septembre 1999, suscite des attentes, à la fois des partenaires sociaux et des professionnels de santé.

Votre commission souhaite ardemment que ce projet de loi ait une ambition plus grande que celle d'un simple projet de loi portant DMOSS (diverses mesures d'ordre sanitaire et social).

En attendant cette refondation de la politique de santé publique, les principales propositions de votre commission concernent les relations conventionnelles des professionnels de santé avec l'assurance maladie, qui doivent être maintenues.

Votre commission propose un mécanisme alternatif de régulation des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients 50 ( * ) .

3. Mener une politique familiale ambitieuse

La politique familiale est un " investissement ". Votre commission constate que depuis la mise sous condition de ressources des allocations familiales, le Gouvernement se contente de " gérer " sans programme et sans ambition.

Pour sa part, la majorité de votre commission des Affaires sociales, et notre Haute assemblée, ont solennellement rappelé leur attachement à une politique familiale ambitieuse, à l'occasion de l'examen, en juin dernier, d'une proposition de loi relative à la famille déposée par les quatre présidents de groupe de la majorité sénatoriale, MM. Jean Arthuis (UC - Mayenne), Guy Cabanel (RDSE - Isère), Henri de Raincourt (RI - Yonne) et Josselin de Rohan (RPR - Morbihan).

Seule une telle politique est à même de préserver la cohésion sociale et le dynamisme de notre pays.

Votre commission appelle en outre -à la suite, notamment de notre collègue M. Claude Huriet, président du conseil de surveillance de la CNAF, à une simplification des règles gérées par les caisses d'allocations familiales. Cette simplification des règles impose une redéfinition d'une véritable politique familiale ; pour ces raisons, la simplification n'est pas un projet technique ou gestionnaire, mais un projet politique 51 ( * ) .

DEUXIÈME PARTIE
-
ASSURANCE MALADIE

I. LE GOUVERNEMENT SEMBLE POUVOIR SE PASSER DU PARLEMENT

Première difficulté majeure à laquelle est confronté le Gouvernement : les effets de la croissance économique et de l'augmentation des prélèvements masquent mal le dérapage des dépenses d'assurance maladie en 1998 et 1999.

L'augmentation des recettes, pourtant, a été massive : la branche maladie du régime général percevra, en 2000, 50 milliards de francs supplémentaires par rapport à 1998 et a reçu, en 1999, 25 milliards de plus qu'en 1998.

Cette augmentation massive des recettes traduit les effets de la croissance économique, mais aussi de l'augmentation des prélèvements : pour la seule opération de substitution de CSG maladie aux cotisations, le gain de l'ensemble des régimes maladie a représenté 9,3 milliards de francs en 1999 et sera de 9,4 milliards de francs en 2000.

Pourtant les déficits de la branche maladie demeurent très élevés : selon la Commission des comptes, en effet, le déficit de la branche maladie du régime général s'est élevé, en 1998, à 15,9 milliards de francs et, en 1999, à 12,1 milliards de francs. En 2000, il représenterait, toujours selon les comptes tendanciels de la Commission des comptes, 3,7 milliards de francs.

(en milliards de francs)

CNAMTS maladie

1997

%

1998

%

1999

%

2000

%

Recettes

558,8

6

577,4

3,3

602

4,3

630,7

4,8

Dépenses

573,2

1,8

593,3

3,5

614

3,5

634,4

3,3

Variation du fonds de roulement

- 14,4

- 15,9

- 12,1

- 3,7

Source : Commission des comptes

En fait, après l'inflexion notable de la croissance des dépenses d'assurance maladie constatée en 1997 (à la suite du plan Juppé, les dépenses n'ont progressé que de 1,7 % en 1997), les chiffres constatés par la Commission des comptes montrent que le rythme annuel de progression des dépenses s'élève désormais à 3,5 %.

Ce rythme est trois fois plus élevé que celui que s'était engagé à faire respecter le Gouvernement dans le plan pluriannuel de finances publiques présenté en décembre 1998.

Ce dérapage des dépenses peut être apprécié en ce qui concerne l'agrégat le plus significatif, car il résulte d'un vote du Parlement : l'ONDAM.

Les chiffres publiés par la Commission des comptes montrent cette dérive :

Objectifs fixés dans les lois de financement et réalisations

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

Objectif loi de financement

- en milliards de francs

600,2

613,8

629,9

- en évolution (%)

1,7 %

2,3 %

2 ,6 %

Réalisation

599,5

623,6

643*

Ecart entre réalisation et objectifs en milliards de francs

- 0,7

+ 9,8

+ 13,1*

Variation constatée par rapport à l'année précédente

1,5 %

4 %

3,1 %*

* Prévisions

Source : Commission des comptes

Dans la loi de financement pour 1999, comme dans le projet de loi de financement pour 2000, aucune réponse n'a été apportée par le Gouvernement à la constitution de nouvelles dettes pour l'assurance maladie, notamment en termes de financement du déficit.

A. LA DÉRIVE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE FAIT PERDRE DE SA SUBSTANCE AU VOTE DE L'ONDAM PAR LE PARLEMENT

Dans l'esprit du constituant et du législateur organique qui ont institué les lois de financement de la sécurité sociale, le vote de l'ONDAM ne correspondait pas à l'ouverture d'un volume limitatif de crédits : les assurés sociaux devaient pouvoir être remboursés de leurs dépenses en cas de dépassement de l'objectif voté par le Parlement.

Ce vote n'en avait pas moins une portée normative, une série de mécanismes responsabilisants découlant du vote du Parlement et le traduisant dans des dispositifs conventionnels entre l'Etat et l'assurance maladie, puis entre l'assurance maladie et les professionnels et établissements de santé, devait permettre le respect de l'ONDAM.

En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.

Or, depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement, aucun projet de loi de financement rectificatif n'a été déposé devant le Parlement. Dans les projets de loi de financement annuels, le Gouvernement propose seulement au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en " faisant comme si " il ne s'était rien passé, comme si les déficits ne devenaient pas des dettes. Le vote du Parlement perd de sa substance.

On rappellera que l'ONDAM, qui vise à retracer les dépenses liées à l'activité des professionnels et établissements de santé dans tous les régimes obligatoires de base, comprend :

- les prestations en nature et en espèces des risques assurance maladie et accidents du travail correspondant au remboursement de dépenses de soins de santé ;

- les seules prestations en nature correspondant à de tels remboursements pour le risque maternité.

L'ONDAM ne comprend, ni les prestations en espèces du risque maternité, ni les prestations en espèces d'incapacité permanente du risque accidents du travail.

Il se décompose en quatre agrégats :

- l'objectif " soins de ville ", c'est-à-dire les honoraires, les prescriptions et les indemnités journalières maladie ;

- l'objectif " établissements sanitaires " correspondant à l'activité des établissements sous dotation globale (et les hôpitaux militaires) ;

- l'objectif " établissements médico-sociaux ", qui correspond à l'activité de ces établissements pour personnes âgées, handicapées ou enfants inadaptés ;

- l'objectif " cliniques privées " correspondant à l'activité des établissements sous objectif quantifié national et celle des établissements privés qui n'entrent pas dans le champ de cet OQN.

1. L'ONDAM 1998 a été dépassé de près de 10 milliards de francs

L'ONDAM 1998 avait été fixé par le Parlement à 613,8 milliards de francs, en progression de 2,3 % par rapport à 1997. En réalisation, les dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM se sont élevées à 623,6 milliards de francs, soit 9,8 milliards de plus que l'objectif voté par le Parlement.

ONDAM 1998

(en milliards de francs et en pourcentage)

1997 comptes

1998 objectif

1998 comptes

Evolution 98/97

I. Métropole

585,9

598,8

608,7

3,9

I.1. Soins de ville

261,3

267,5

276,2

5,7

I.2. Etablissements

324,6

331,3

332,6

2,5

I.2.1. Etablissements sanitaires

243,5

248,4

247,5

1,6

I.2.2. Médico-social

40,4

41,5

43 0

6,4

I. 2.3. Cliniques

40,6

41,4

42 0

3,4

II. Français à l'étranger

0,9

0,9

1,2

36,7

III. DOM

12,7

13,3

13,6

7,5

Marge manoeuvre (écart entre ONDAM et somme des objectifs sectoriels)

0,886

Objectif national ou réalisation nationale

599,5

613,8

623,6

4

Source : Direction de la sécurité sociale

Les progressions sectorielles les plus élevées, par rapport au taux moyen attendu de 2,3 %, ont ainsi concerné les établissements médico-sociaux (+ 6,4 %), les soins de ville (+ 5,7 %) et les cliniques privées (+ 3,4 %). En revanche, les dépenses des établissements sanitaires ont progressé moins que ce taux attendu avec une augmentation de seulement 1,6 %.

Pour les établissements médico-sociaux, le dépassement doit être apprécié par rapport à un objectif 1998 (3,12 %) supérieur au taux moyen de progression de l'ONDAM.

Il concerne surtout les établissements accueillant des enfants inadaptés et des adultes handicapés, et est dû pour moitié à des transferts du secteur sanitaire et des soins de ville vers le secteur médico-social.

Pour les soins de ville, la Commission des comptes a observé que le montant du dépassement constaté, soit 8,7 milliards de francs, s'est réparti en fractions à peu près égales entre les dépenses médicales et les autres soins de ville, c'est-à-dire celles qui correspondent à l'activité :

- des chirurgiens-dentistes et sages femmes,

- des médecins salariés des centres de santé,

- des prescripteurs non libéraux.

L'ensemble de ces dépenses qualifiées d'" autres soins de ville " a progressé de 11,2 % en 1998. En leur sein, les dépenses des prescripteurs non libéraux ont progressé de 36 %.

Ces taux de progression très élevés, pour des dépenses qui ne représentent qu'un cinquième des dépenses réalisées en ville, ont entraîné un dépassement de l'objectif d'environ 4 milliards de francs.

Le reste du dépassement est imputable aux dépenses résultant de l'activité des médecins libéraux (honoraires et prescriptions).

Les taux d'évolution fournis par la Commission des comptes sont les suivants :

Généralistes

3,8

Honoraires

4,1

Prescriptions

3,7

Spécialistes

5,1

Honoraires

3,3

Prescriptions

7,7

Ensemble

4,2

Honoraires

3,7

Prescriptions

4,5

Tous les postes recensés dans ce tableau ont eu une progression supérieure à l'objectif. Mais les progressions les plus significatives ont été celles des prescriptions des médecins spécialistes (+ 7,7 %) et celles des honoraires des médecins généralistes (+ 4,1 %).

La forte progression des prescriptions de l'ensemble des médecins libéraux (+ 4,5 %) et la très forte croissance des prescriptions des médecins hospitaliers exécutées en ville (+ 36 %) ont notamment entraîné une augmentation de 8,1 % des dépenses de médicaments pour le régime général.

Enfin, le dépassement du poste cliniques privées doit être apprécié par rapport au taux de progression de 1,85 % autorisé en début d'année. Il s'est élevé, en réalisation, à 1,97 %.

2. L'ONDAM 1999 sera dépassé de 13,1 milliards de francs

L'ONDAM 1999 a été fixé à 629,9 milliards de francs par la loi de financement de la sécurité sociale, en progression de 2,6 % par rapport à l'ONDAM 1998. Anticipant le rebasage décidé par le Gouvernement dans ce projet de loi de financement pour 2000, la Commission des comptes affirme que " si, pour déterminer l'objectif 1999, on avait appliqué le taux de 2,6 % à la réalisation 1998, le dépassement ne serait cependant que de 3,3 milliards de francs au lieu des 9,8 milliards de francs enregistrés en 1998 ".

Cette affirmation est exacte, et l'on pourrait aussi bien dire, si l'on voulait à tout prix démontrer que la situation s'améliore, que si l'on avait fixé un objectif 1999 supérieur de 13,1 milliards de francs à celui qui a été voté par le Parlement, aucun dépassement n'aurait été constaté en fin d'année...

La réalité est que les dépenses d'assurance maladie du régime général ont progressé, en 1999, de 3,5 %, et que ce taux élevé est identique au taux constaté en 1998.

Il n'y a donc, ni aggravation, ni amélioration de la situation, simplement le maintien d'un taux de progression très élevé des dépenses.

Les prévisions de la Commission des comptes pour l'année 1999 se fondent sur les données fournies pour les six premiers mois de l'année par la CNAMTS, la MSA et la CANAM. La Commission estime que le dépassement de 13,1 milliards de francs de l'objectif sera essentiellement imputable à celui des soins de ville, qui serait de 13 milliards de francs.

Les soins de ville

Pour l'année 1999, le montant de l'objectif des dépenses de soins de ville -métropole- a été fixé à 274,7 milliards de francs pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie.

Des changements d'affectation de certaines dépenses au sein des différentes enveloppes qui composent l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ont nécessité la révision à la hausse de 730 millions de francs du montant de la base 1998 de l'objectif des dépenses de soins de ville, soit 268,2 milliards de francs.

Les transferts de champ qui ont affecté l'objectif de soins de ville, en 1999, concernent les postes de dépenses suivants :

- les dépenses d'oxigénothérapie qui ont été intégrées à compter du 1 er janvier 1999 dans les dépenses de soins de ville ;

- 11 médicaments destinés à des patients ambulatoires sont sortis de la réserve hospitalière et le financement de ces médicaments a été comptabilisé, à compter du 1 er janvier 1999, au sein de l'enveloppe " soins de ville " ;

- les Centres d'action médico-sociale précoce, dont l'activité était préalablement retracée au sein de l'ONDAM dans les dépenses de soins de ville ont été, à compter du 1 er janvier 1999, intégrés dans l'enveloppe des dépenses médico-sociales ;

- certains établissements de santé privés, en raison de leur admission au service public hospitalier, sont désormais financés par le système de la dotation globale et les dépenses prises en charge par l'assurance maladie sont donc intégrées dans l'enveloppe des dépenses hospitalières. Seules les dépenses d'honoraires et de prescriptions liées à l'activité précédant le passage de ces établissements en dotation globale ont donc été comptabilisées dans l'enveloppe des soins de ville.

Il est difficile, à l'intérieur des dépenses de soins de ville, de comparer les résultats par profession aux objectifs qui auraient dû être fixés pour 1999 : il n'y en a pas eu.

En ce qui concerne les dépenses médicales, chaque année, une annexe aux conventions médicales fixe, pour les médecins généralistes d'une part, pour les médecins spécialistes d'autre part, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de l'année. Cet objectif porte sur les dépenses remboursables engendrées par l'activité des médecins libéraux de l'ensemble des régimes d'assurance maladie. Le périmètre concerné est précisé en annexe de l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'Etat et la CNAMTS.

Cependant, s'agissant des médecins généralistes, il n'existe pas à ce jour d'annexe à la convention nationale approuvée par l'arrêté du 4 décembre 1998, publiée au JO du 5 décembre 1998, puis partiellement annulée sur décision du Conseil d'Etat en date du 14 avril 1999, fixant un objectif des dépenses médicales pour l'année 1999.

Et, pour les médecins spécialistes, en l'absence de convention médicale, le règlement conventionnel minimal pris par arrêté du 13 novembre 1998 publié au JO du 14 novembre 1998 actuellement en vigueur n'a pas défini d'objectif de dépenses pour l'année 1999.

En ce qui concerne les autres dépenses de soins de ville, c'est-à-dire essentiellement les honoraires et prescriptions des dentistes et des sages-femmes libéraux, de prescripteurs salariés des centres de santé ainsi que les prestations exécutées en ville prescrites par des médecins hospitaliers, aucun objectif n'a été fixé, à ce jour, pour l'année 1999.

Les prévisions de la Commission des comptes, pour les dépenses médicales, sont les suivantes :

Régime général

(en milliards de francs et en pourcentage)

Généralistes

Spécialistes

1998

1999

Evolution

1998

1999

Evolution

Honoraires

23,9

24,2

1,4 %

36,5

36,9

+ 1,1 %

Prescriptions

92,3

96,7

4,8 %

26,6

28,1

+ 5,1 %

Les cliniques privées

Les prévisions de la Commission des comptes, pour 1999, font état d'un dépassement de l'objectif de 367 millions de francs : il n'est pas encore possible de savoir si ce léger dépassement est imputable aux cliniques sous OQN ou concerne les établissements hors OQN.

Le bon résultat des cliniques privées s'explique par une faible croissance des volumes (+ 1,5 % environ) compensée par la baisse des tarifs décidée par le Gouvernement à la suite du dépassement constaté en 1998.

Cette baisse a été d'1,95 % pour les cliniques entrant dans le champ de l'OQN.

L'objectif des cliniques privées était, pour 1999, de 41,3 milliards de francs, dont 39,7 milliards de francs pour les établissements sous OQN.

Les établissements sous dotation globale

Selon la Commission des comptes, les dépenses des hôpitaux publics sous dotation globale enregistreraient un moindre versement de 548 millions de francs, par rapport à un objectif de 245 milliards de francs. Les dépenses augmenteraient ainsi, en 1999, de 2,4 % par rapport à celles constatées en 1998 (qui étaient déjà en retrait de 700 millions de francs par rapport à l'objectif pour 1998).

Le moindre versement de 548 millions de francs s'explique par une moindre déformation de la structure des recettes que celle qui avait été initialement prévue : la part des dépenses prises en charge par les assurés sociaux a augmenté plus que prévu.

Les établissements médico-sociaux

En 1999, les dépenses de l'assurance maladie résultant de l'activité des établissements médico-sociaux s'élèveront à 44,7 milliards de francs, soit 0,8 milliard de francs de plus que l'objectif initialement fixé.

Le taux de progression des dépenses entre 1998 et 1999 serait de 4 %, contre 6,4 % entre 1998 et 1997.

ONDAM 1999 tous régimes

(en milliards de francs et en pourcentage)

1998

Objectif 1999

Prévision Réalisation/ Dépenses 1999

Ecart Prévision/ Objectif

1999/
1998

TOTAL

623,6

629,9

643,0

13,1

3,1 %

I - Soins de ville

276,2

274,7

287,7

13,0

4,2 %

II - Etablissements

332,6

339,2

339,9

0,6

2,2 %

Hôpitaux publics

247,5

254,0

253,5

- 0,5

2,4 %

Cliniques

42,0

41,3

41,6

0,4

- 0,9 %

Médico-social

43,0

43,9

44,7

0,8

4,0 %

III - Français à l'étranger

1,2

0,9

1,2

0,3

1,3 %

IV - DOM

13,6

13,9

14,3

0,4

4,8 %

V - Marge de manoeuvre

1,2

- 1,2

Ces dépassements importants constatés en 1998 et 1999, qui demeurent sans conséquence si ce n'est la constitution de dettes non financées, font perdre de sa substance au vote du Parlement.

3. En " rebasant " l'ONDAM 2000, le Gouvernement veut dissimuler les dérapages intervenus depuis deux ans et reléguer l'ONDAM au rang de simple " hypothèse économique "

Silencieux sur le financement des déficits passés, le Gouvernement présente dans le projet de loi un ONDAM qualifié de " rebasé ".

Derrière ce terme technocratique, il faut voir la dissimulation des déficits passés et une " remise des compteurs à zéro ".

Après une progression autorisée par le Parlement des dépenses d'assurance maladie de 2,3 % en 1998 et de 2,6 % en 1999, le Gouvernement indique en effet, dans l'exposé des motifs sous l'article 28 du présent projet de loi, que l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie 2000 est " en progression de 2,5 % par rapport aux dépenses attendues pour 1999 ".

Cette série de pourcentages ne laisse apparaître aucun échec et ressemble à une série d'objectifs raisonnables dans un contexte de croissance économique : 2,3 %, 2,6 %, 2,5 % ; on pourrait croire à un " fine tuning " d'une politique menée avec constance.

Or, si le taux de progression de l'objectif 2000 est calculé par rapport aux prévisions de réalisations 1999, les taux de 1998 et de 1999 l'étaient par rapport aux objectifs fixés pour l'année précédente...

En réalité, si l'on utilisait la même méthode de calcul, le taux pour 2000 serait ainsi de 4,5 % et non de 2,5 %.

Votre Commission ne s'oppose pas, bien entendu, au principe d'une " remise des compteurs à zéro ", mais elle estime qu'une telle opération doit s'accompagner, non seulement de mesures tendant à financer les déficits et, surtout, de mesures correctrices de nature à inverser la tendance.

Malheureusement, le présent projet de loi ne fait ni l'un, ni l'autre.

Et les propos tenus devant votre Commission par le ministre de l'emploi et de la solidarité, affirmant que les objectifs des années suivantes seraient eux aussi calculés par rapport aux réalisations et comparant le vote de l'ONDAM par le Parlement au choix d'une hypothèse économique, comme l'indice des prix, sont source de grande inquiétude : ils remettent en cause l'esprit de la réforme constitutionnelle et organique de 1996. Or, trois ans après son vote, cette réforme eut au contraire mérité d'être confirmée et consolidée.

B. LE GOUVERNEMENT N'APPLIQUE PAS LES ARTICLES VOTÉS PAR LE PARLEMENT DANS LA LOI DE FINANCEMENT

Sur les treize articles de la loi de financement de la sécurité sociale consacrés à la branche maladie, trois ne nécessitaient pas de mesure d'application réglementaire : il s'agit de l'article 22 sur les conventions médicales, de l'article 31 instituant une contribution à la charge des entreprises pharmaceutiques et de l'article 36 étendant le capital-décès aux ayants droit des titulaires d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'accidents du travail correspondant à une incapacité permanente d'au moins 2/3.

Sur les 10 articles restants, seuls trois articles ont fait l'objet de mesures réglementaires d'application.

1. Trois articles ont été appliqués

Seulement trois articles de la loi de financement pour 1999 ont reçu des décrets d'application. Il s'agit de deux articles concernant le médicament et d'un article opérant un transfert de charges de l'Etat vers l'assurance maladie.

a) Deux articles concernant le médicament sont entrés en vigueur

Les deux articles qui ont fait l'objet des mesures d'application nécessaires sont l'article 29, qui institue un droit de substitution au profit des pharmaciens, et l'article 30 sur la fixation des prix des médicaments.

Pour l'article 29, deux textes ont été publiés au Journal Officiel.

Il s'agit du décret n° 99-486 du 11 juin 1999 relatif aux spécialités génériques et au droit de substitution du pharmacien et de l'arrêté du 11 juin 1999 relatif à la neutralité financière de l'exercice du droit de substitution.

Pour l'article 30, le décret n° 99-554 du 2 juillet 1999 relatif à l'inscription des médicaments sur les listes prévues aux articles L. 162-17 du code de la sécurité sociale (ville) et L. 618 du code de la santé publique (hôpital) a défini les procédures de fixation des prix.

b) Un article entraînant un transfert de charge financière de l'Etat vers l'assurance maladie a, lui aussi, été appliqué...

L'article 35 de la loi de financement avait transféré à l'assurance maladie le financement des centres d'hygiène alimentaire et de soins en alcoologie.

Cet article prévoyait que, dans l'attente de l'arrêté fixant la dotation globale de financement pour 1999, les caisses d'assurance maladie devaient verser à chaque centre ambulatoire de soins en alcoologie antérieurement financé par l'Etat, des acomptes mensuels sur la dotation globale de financement.

Un décret n° 98-1229 du 29 décembre 1998 avait déjà défini les missions des centres et leurs modalités de financement.

2. Sept articles ne sont pas encore appliqués

a) Le dépistage du cancer

L'article 20 de la loi de financement pour 1999 a prévu la mise en place de programmes de dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables, la liste de ces programmes devant être fixée par arrêté ministériel après avis de l'ANAES et de la CNAMTS.

Les professionnels souhaitant participer à ces programmes devaient s'engager contractuellement auprès de l'assurance maladie, sur la base d'une convention-type définie par un autre arrêté ministériel.

Enfin, un décret devait fixer la liste des examens et tests de dépistage qui ne peuvent être réalisés que par des professionnels ainsi engagés.

Aucun de ces trois textes n'a été publié : l'annexe b au projet de loi de financement pour 2000 affirme que ces textes " seront publiés au dernier trimestre 1999 ".

Une quatrième mesure d'application, qui " devrait " également intervenir au cours du " dernier trimestre 1999 " est également nécessaire pour permettre la prise en charge à 100 % de ces dépistages.

b) La création d'un Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie

L'article 21 de la loi de financement pour 1999 a entendu mettre en place un Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie. Votre Commission, l'an dernier, avait regretté que son champ de compétences se limite à la médecine de ville, et que les présidents des commissions des Affaires sociales des deux Assemblées du Parlement en soient membres. Elle avait en effet estimé que ces parlementaires n'avaient pas vocation à appartenir à un organisme consultatif de l'administration, leur rôle étant au contraire de légiférer et de contrôler l'action du Gouvernement.

Au cours de l'été, le Président de votre Commission a été consulté sur la composition de ce Conseil par le ministre de l'emploi et de la solidarité : il lui a apporté la même réponse.

Si le décret relatif à la composition de ce Conseil a été publié, ses membres ne sont toujours pas désignés.

c) La mission d'évaluation des unions de médecins exerçant à titre libéral

L'article 23 de la loi de financement pour 1999 a prévu l'élargissement des missions des unions de médecins exerçant à titre libéral, qui seront notamment chargés d'évaluer les pratiques des médecins grâce à des médecins habilités par l'ANAES. L'article 23 a également prévu que les unions établiront, chaque trimestre, une analyse de l'évolution des dépenses médicales. Le décret nécessaire à l'application de cet article n'a pas encore été publié : il est actuellement soumis, indique pudiquement l'annexe c au présent projet de loi, aux " consultations obligatoires ".

d) La modulation du mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité des médecins libéraux (MICA)

L'article 24 de la loi de financement a prévu qu'à compter du 1 er juillet 1999, cette allocation pourrait n'être attribuée que pour certaines zones géographiques d'exercice, qualifications de généraliste ou de spécialiste, ou spécialités médicales.

Il indiquait, qu'à défaut de convention médicale conclue dans les six mois, les dispositions réglementaires nécessaires à son application, à compter du 1 er juillet 1999, seraient fixées par décret.

Ce décret n'a pas été publié.

e) Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville

L'article 25 de la loi de financement pour 1999 a créé, pour une durée de cinq ans, un fonds d'aide à la qualité des soins de ville destiné à financer des actions concourant à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins dispensés en ville.

Le décret nécessaire à la création de ce fonds, qui était doté de 500 millions de francs en 1999, n'a pas été publié : ce fonds n'est donc pas créé.

Il est dommage qu'un fonds créé pour cinq ans et doté de crédits par le législateur ne puisse les distribuer pendant la première année...

f) Le contenu du devis et de la facture délivrés par les chirurgiens-dentistes

L'article 28 de la loi de financement pour 1999 a créé un article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale rendant obligatoire la fourniture d'un devis, puis d'une facture au patient par les chirurgiens-dentistes.

Le contenu des informations devant figurer sur le devis et la facture devait être fixé par un arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de l'économie qui n'a pas encore été publié.

Aux termes de l'annexe c au présent projet de loi, le projet d'arrêté " est en cours d'élaboration et devrait être publié avant la fin de l'année ".

g) L'exercice des professionnels de santé dans les établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes

L'article 34 de la loi de financement pour 1999 a rendu possible la définition de conditions particulières d'exercice pour les professionnels de santé libéraux qui exercent dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Il a prévu que ces conditions particulières pouvaient porter sur des modes de rémunération autres que le paiement à l'acte et sur le paiement direct des professionnels par l'établissement.

Le décret en Conseil d'Etat nécessaire à l'application de cet article n'a pas encore été publié : il est, indique l'annexe c, " en cours d'élaboration entre les administrations concernées ".

II. LE GOUVERNEMENT SEMBLE POUVOIR SE PASSER DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Le ministre de l'emploi et de la solidarité avait affirmé son intention, dès son entrée en fonctions, de rénover le dialogue avec les professionnels de santé.

Deux ans et demi après, les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux, notamment avec les médecins, sont dans une situation de blocage qui semble durable. La seule exception notable est le secteur du médicament : l'adoption par le Parlement, l'an dernier, d'un mécanisme permanent de taxation des entreprises pharmaceutiques les a, comme prévu, fortement incitées à conclure un accord global de régulation avec le Comité économique du médicament.

Parallèlement, contrairement aux dispositions de la convention d'objectifs et de gestion qui confient à l'assurance maladie la mission d'établir des relations conventionnelles avec l'assurance maladie, l'Etat négocie seul avec des représentants de certaines spécialités médicales des accord séparés, sous la menace d'une baisse des tarifs ou après avoir baissé unilatéralement leurs tarifs.

Le Gouvernement souhaite, dans le projet de loi de financement pour 2000, mettre fin en pratique au système conventionnel, et contribuer à l'éclatement des syndicats de médecins spécialistes.

A. LES RELATIONS CONVENTIONNELLES AVEC LA MAJORITÉ DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ SONT DANS UNE SITUATION DE BLOCAGE

Si plusieurs professions sont encore dotées de conventions, la vie conventionnelle et les dispositifs annuels de régulation afférents sont, soit inexistants, soit demeurent lettre-morte.

1. Les médecins généralistes : une convention sans dispositif de régulation

Par un arrêt du 3 juillet 1998, le Conseil d'Etat avait annulé la convention des médecins généralistes conclue entre l'assurance maladie et le syndicat MG-France et approuvée par l'arrêté interministériel du 28 mars 1997.

Une nouvelle convention a été conclue le 26 novembre 1998 entre les mêmes partenaires : elle a fait cependant l'objet du recours contentieux qui a conduit à son annulation partielle par le Conseil d'Etat le 14 avril 1999.

La principale mesure d'annulation a concerné le dispositif de régulation annuelle des dépenses des médecins généralistes : ce dispositif de reversements devait en effet recevoir des bases légales dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, mais il a été annulé à la suite d'un recours des parlementaires de la majorité sénatoriale et de l'opposition à l'Assemblée nationale (DC n° 98-404 du 18 décembre 1998).

La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 instituant une couverture maladie universelle a validé les seuls actes individuels n'ayant pas le caractère de sanction pris en application de cette convention.

Certes, la vie conventionnelle entre la CNAMTS et MG-France n'est pas rompue : ainsi, un avenant n° 1 à la convention a été conclu au mois de mai 1999. Il institue une aide pérenne à la télétransmission des feuilles de soins, d'un montant de 40 centimes par feuille de soins télétransmise.

Les dispositions conventionnelles relatives au médecin-référent, elles aussi, sont maintenues.

Aux termes de la convention, le médecin référent est un médecin auquel les patients " abonnés " acceptent de s'adresser en première intention pendant une année. Ce médecin doit respecter une charte de qualité comprenant des garanties professionnelles et des engagements de compétence et de transparence.

Au titre des garanties, il doit assurer la permanence et la continuité des soins, respecter les tarifs conventionnels, pratiquer la dispense d'avance des frais, tenir le document médical de synthèse de son patient et prescrire des équivalents thérapeutiques.

Il doit également respecter un critère d'activité minimale et un critère d'activité maximale exprimé en nombre d'actes qui conditionnent, le premier, son entrée dans l'option, le second, son maintien et sont destinés à garantir une pratique favorable à la délivrance de soins de qualité.

Au titre des engagements de compétence et de transparence, le médecin doit participer chaque année à au moins une action de formation professionnelle continue comprenant un module d'évaluation de ses connaissances et de sa pratique.

Le patient s'engage à consulter en première intention son médecin généraliste référent et à choisir le médecin spécialiste correspondant en concertation avec celui-ci.

Ce dispositif n'a pas, pour l'instant, rencontré un vif succès auprès des médecins libéraux : au 15 août 1999, seuls 5.199 médecins généralistes avaient adhéré à l'option médecin-référent, et 191.373 patients avaient signé un contrat de suivi médical.

Les divers contentieux concernant la convention ont retardé la négociation d'une annexe annuelle à la convention fixant l'objectif de dépenses et les tarifs : les tarifs applicables en 1998 ont été reconduits, et aucun objectif n'a été fixé pour 1999. Surtout, même si un objectif avait été fixé, la convention généralistes ne comportant aucun dispositif tendant à assurer son respect, elle n'aurait pas eu d'impact sur le volume de dépenses réalisées.

2. Les médecins spécialistes : pas de convention, et un règlement conventionnel minimal partiellement annulé

La convention des médecins spécialistes conclue entre l'assurance et l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) et approuvée, le 28 mars 1997, a été annulée par le Conseil d'Etat le 26 juin 1998. Depuis, aucune convention n'a été conclue. Les relations entre les caisses et les médecins sont donc régies par le règlement conventionnel minimal pris par arrêté interministériel du 10 juillet 1998. Celui-ci a été modifié, au mois de juillet 1999, afin d'y introduire une aide à la télétransmission des feuilles de soins identique à celle qui a été prévue par l'avenant n° 1 à la convention des médecins spécialistes.

En l'absence d'instances paritaires, il n'y a pas de vie conventionnelle avec les médecins spécialistes. Et le Conseil d'Etat a annulé, au cours de l'été, une partie du règlement conventionnel minimal des médecins spécialistes.

3. La vie conventionnelle des chirurgiens-dentistes est bloquée depuis la décision ministérielle du 26 juin 1998

La convention nationale avec les chirurgiens-dentistes en vigueur depuis le 2 juin 1997 a marqué une étape importante dans l'évolution du secteur dentaire. Elle a permis, dans le cadre d'un objectif de santé publique et d'amélioration de l'accès aux soins, la mise en place de dispositifs innovants.

D'abord elle a institué un programme de prévention bucco-dentaire intégralement pris en charge par l'assurance maladie en faveur d'adolescents de 15 à 18 ans et prévoyant un examen annuel et, si nécessaire, des soins consécutifs.

Cette campagne de prévention a démarré le 1 er septembre 1998 et a concerné 1.250.000 bénéficiaires potentiels de 15 et 16 ans. Au 31 décembre 1998, le taux national de participation de ces adolescents s'élevait à 29,6 %.

Ensuite, la convention avait prévu une revalorisation de la nomenclature en ce qui concerne les soins conservateurs. Elle devait intervenir en trois étapes.

Deux de ces étapes de revalorisation de la nomenclature ont été mises en oeuvre au 1 er juillet 1997 et au 1 er janvier 1998. Mais la troisième a été suspendue par un arrêté ministériel du 26 juin 1998 pris dans le cadre d'un plan de mesure de maîtrise des dépenses ambulatoires.

Enfin, la convention fixait des honoraires de référence pour les prothèses les plus courantes

En matière prothétique, la convention a ainsi prévu trois tarifs plafonds qui seraient rendus applicables concomitamment aux mesures de revalorisation de la nomenclature. Seule la première étape a été réalisée au 1 er juillet 1997. Les deux étapes suivantes, prévues au 1 er juillet 1998 et au 1 er septembre 1999, n'ont pas pu être appliquées compte tenu de l'arrêté ministériel du 26 juin 1998.

Cette mesure ministérielle a paralysé très fortement la vie conventionnelle tant au plan national que local durant tout le second semestre 1998 et le premier semestre 1999 se traduisant, conformément aux consignes syndicales, par un boycottage des réunions conventionnelles et du dispositif de prévention bucco-dentaire.

Votre rapporteur avait souligné, l'an dernier, le caractère inopportun de l'arrêté ministériel du 26 juin 1998. Il avait été pris, contre l'avis de l'assurance maladie, au motif d'une augmentation des dépenses qui n'était que conjoncturelle.

Depuis, la situation est bloquée : le président du syndicat signataire de la convention, la CNSD, a indiqué à votre rapporteur, lors de son audition, qu'il n'avait pas réussi à obtenir un rendez-vous avec le ministre depuis l'entrée en fonctions de cette dernière.

4. Les relations conventionnelles avec les sages-femmes menacées, en 1999, par un projet d'arrêté ministériel

La dernière convention nationale qui avait été signée le 20 janvier 1995 et approuvée par un arrêté du 31 mars 1995, faisait suite à un vide conventionnel de plusieurs années. Elle a concrétisé l'engagement de la profession dans le dispositif de maîtrise de l'évolution des dépenses de soins obstétricaux pris en charge par l'assurance maladie.

Or, le texte régissant les relations entre les caisses et les sages-femmes est arrivé à échéance le 2 avril 1999.

Sur proposition de la CNAMTS, considérant l'ancienneté de la rédaction du texte actuel, les partenaires ont souhaité, à l'unanimité, que la convention soit totalement revue et mise à jour. Plusieurs rencontres se sont tenues au début de l'année 1999.

Le projet de convention était en cours d'achèvement lorsqu'un projet d'arrêté de modification des dispositions de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) a été lancé dans les circuits décisionnels : il a été examiné par la Commission de l'assurance maladie de la caisse nationale le 9 mars 1999. Les sages-femmes ont fait alors savoir que ces modifications ne correspondaient, ni à leur attente, ni aux négociations menées en Commission permanente de la NGAP, ni aux engagements ministériels vis-à-vis de leur profession.

Ce projet visait à revaloriser des actes essentiellement réalisés par les médecins et gageait le surcoût par les économies réalisées sur la préparation à l'accouchement, réalisée par les sages-femmes...

Les deux syndicats ont souhaité, dans ce contexte, suspendre les négociations conventionnelles et des entrevues ont été demandées aux pouvoirs publics.

Ce conflit qui opposait la profession au projet d'arrêté de modification des dispositions de la Nomenclature générale des actes professionnels concernant, notamment les actes de suivi des grossesses et d'obstétrique, a provisoirement cessé. En effet, suite aux protestations de la profession, le ministère a fait connaître qu'il retirait le projet précité pour sa partie concernant les sages-femmes, et que la modification de la nomenclature visant les actes de ces professionnelles serait réexaminée en Commission permanente de la Nomenclature dès la rentrée.

A l'issue des rencontres, qui ont donc pu reprendre en juin 1999, entre les caisses nationales et les deux syndicats représentatifs de la profession, les parties ont validé un projet de texte conventionnel.

5. Pas d'accord tripartite, en 1999, fixant l'objectif d'évolution des dépenses des directeurs de laboratoires d'analyses de biologie

Après l'échec des négociations tripartites entre les syndicats, les caisses et l'Etat, l'exercice 1999 a été marqué par l'absence d'accord tripartie fixant l'objectif opposable d'évolution des dépenses.

L'Etat a donc pris un arrêté de substitution baissant de 2,2 % la valeur des tarifs afin de récupérer une partie de la dette de la profession due au titre du dépassement de l'objectif 1998. Cette baisse est intervenue après le constat de l'illégalité du mécanisme de reversement prévu dans la loi de 1991 et dans la convention.

L'absence d'accord annuel a provoqué un vide conventionnel, aucun syndicat n'étant habilité à renégocier la convention parvenue à échéance, qui a été reconduite tacitement.

6. Echec des négociations tripartites entre l'Etat, l'assurance maladie et les cliniques en 1999

Depuis 1992, des négociations se déroulent chaque année entre l'Etat, les caisses nationales d'assurance maladie et les syndicats représentatifs des cliniques privées afin de fixer un objectif quantifié national visant à maîtriser les dépenses relatives à l'hospitalisation privée. Pour la première fois, en 1999, cette régulation macro-économique n'a pu être gérée de façon partenariale.

En effet, compte tenu notamment de l'importance du dépassement constaté au titre de l'exercice 1998, les négociations entre les trois partenaires n'ont pu aboutir. L'accord tripartite n'ayant pu être conclu, un arrêté interministériel, fixant les tarifs a été pris le 28 avril 1999.

Cet arrêté comporte deux parties, en fonction du statut juridique des établissements concernés :

•  pour les établissements de santé privés entrant dans le champ de l'OQN, l'effet net sur les tarifs est de - 1,95 % à compter du 1 er mai 1999.

Ce taux intègre notamment :

- le dépassement 1998 (- 1,97 %),

- la reconduction d'un fonds d'aide aux contrats afin de permettre aux agences régionales de l'hospitalisation, dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, d'accompagner les établissements répondant de manière pertinente aux besoins sanitaires de la population ainsi qu'aux conditions de sécurité et de qualité des soins (0,33 %),

- l'effet volume,

- la minoration temporaire des tarifs visant à financer une partie du dépassement 1998 (- 0,91%),

- la réintégration tarifaire temporaire au titre du dépassement 1997 (0,57 %).

•  Les établissements anciennement soumis aux prix de journée préfectoraux subissent, quant à eux, un ajustement négatif de leur tarif de 2,05 % à partir du 1 er mai 1999.

Ce taux prend en compte :

- le dépassement 1998 (- 1,99%),

- l'effet volume (0,80 %),

- l'effet report des tarifs (0,33 %),

- la minoration temporaire des tarifs visant à financer une partie du dépassement 1998 (- 0,91 %).

Plusieurs recours contre cet arrêté ont été formés devant le Conseil d'Etat. Les établissements de santé privés qui les ont introduits invoquent notamment le fait que les objectifs quantifiés régionaux, qui devaient entrer en vigueur au 1 er janvier 1998, ne seraient pas mis en oeuvre.

Ce nouveau contexte s'est traduit par une restriction des relations entre l'assurance maladie et les représentants des établissements privés. En effet, l'accord national tripartite n'ayant pas été conclu, la commission nationale des contrats -qui vise, en tripartisme, à organiser les évolutions du secteur- ne s'est pas réunie au cours de l'année 1999.

7. En revanche, des avancées dans les relations conventionnelles avec les auxiliaires médicaux

L'année 1998 avait été marquée par des négociations tarifaires difficiles qui ont retardé la négociation des dispositifs de régulation des dépenses.

En effet, les auxiliaires médicaux attendaient des revalorisations plus importantes que celles qui leur étaient proposées, compte tenu du ralentissement de la progression de leurs dépenses en 1997.

En revanche, après cette période difficile, l'année 1999 s'est caractérisée par des avancées pour la majorité des conventions.

Orthoptistes

La lettre-clef AMY a été revalorisée de 1,33 % en avril 1999. En outre, une nouvelle convention a été signée et approuvée par le ministère. Elle prévoit la négociation annuelle d'un objectif indicatif d'évolution des dépenses, fixé à 2,9 % en 1999. Si cet objectif n'est pas opposable et n'entraîne pas de reversement de la profession, son respect conditionne les revalorisations tarifaires de l'exercice suivant.

Les partenaires conventionnels ont également transmis à l'ANAES un référentiel de bonne pratique et décidé de la constitution d'un groupe de travail chargé d'élaborer un dispositif de suivi individuel de l'activité des professionnels, à l'instar de la convention des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes.

Par ailleurs, le programme de formation continue conventionnel fonctionne régulièrement : il permet à près d'un tiers de la profession de bénéficier chaque année de stages agréés par la commission paritaire nationale.

Enfin, l'inscription à la Nomenclature de la " rééducation de la basse vision " est à l'étude. Acte permettant aux personnes âgées de se maintenir plus longtemps à domicile, cette rééducation constitue une priorité de la Commission permanente de la nomenclature. Son inscription a fait l'objet de négociations préalables avec les représentants de la profession, afin que l'inscription ne provoque pas une forte hausse des dépenses.

Orthophonistes

Trois avenants à la convention sont en cours de négociation.

Le premier viserait à instituer une aide à la télétransmission. Les parties sont d'ores et déjà d'accord sur le principe d'un forfait qui serait versé annuellement à chaque professionnel télétransmettant ses feuilles de soins.

Le second concerne le suivi de l'activité individuelle des orthophonistes. Toute activité atypique serait signalée par les caisses aux commissions paritaires départementales, qui pourraient entendre les professionnels concernés, et, le cas échéant, proposer aux caisses des sanctions.

La négociation en cours porte sur les critères d'une " activité atypique ".

Enfin, le troisième projet d'avenant est relatif à la formation continue conventionnelle.

Infirmiers

L'objectif indicatif d'évolution des dépenses a été négocié à 2,9 % en 1999. Par ailleurs, une revalorisation tarifaire des actes techniques de 6 % a été accordée en 1999. Elle faisait suite à l'absence de revalorisation en 1998, alors que les infirmiers avaient respecté leur objectif d'évolution des dépenses.

Les arrêtés publiés en mars et les travaux en cours visent à revaloriser les actes techniques mal rémunérés ainsi que les soins spécialisés pour les malades lourds.

Les partenaires conventionnels préparent à l'heure actuelle la mise en oeuvre d'un " Projet de soins infirmiers ".

Ce projet, non encore approuvé par le ministère, répondrait à un double objectif

- revaloriser, par l'octroi d'une certaine autonomie vis-à-vis des médecins prescripteurs, le rôle propre des infirmiers dans l'évaluation de l'état de dépendance des personnes âgées ;

- assurer une transparence dans la prise en charge des séances de soins infirmiers (soins et hygiène) afin de recentrer les remboursements de l'assurance maladie sur des soins de qualité.

Masseurs-kinésithérapeutes

Une revalorisation tarifaire de 1 % et un avenant relatif à l'aide à la télétransmission, sont en cours d'approbation ministérielle. Cet avenant vise à rémunérer le service rendu par les masseurs-kinésithérapeutes qui télétransmettent des feuilles de soins : pour 60 % de feuilles transmises, les professionnels recevraient un forfait de 1.800 francs.

En outre, constatant l'obsolescence de la NGAP datant de 1972, les partenaires conventionnels se sont mis d'accord sur la nécessité de réduire les volumes excessifs de certains actes en échange d'une revalorisation d'actes utiles actuellement mal cotés.

Cette refonte s'inscrit également dans le cadre de la réforme de la relation entre prescripteurs et prescrits, ces derniers devant disposer à terme de davantage d'autonomie pour déterminer le nombre de séances de rééducation adéquates à l'état des patients.

Cependant, la réglementation ne permettant pas encore la fixation du nombre de séances par les auxiliaires médicaux, la profession n'est pas en mesure d'assumer une totale responsabilité de l'évolution des volumes d'actes : la refonte de la nomenclature ne s'appuie donc pas encore sur un dispositif de régulation économique.

Les masseurs-kinésithérapeutes, dont les revenus individuels sont en baisse à cause de l'absence de régulation démographique, sont hostiles à une réforme à coût constant.

8. Enfin, l'institution d'un mécanisme de taxation automatique de l'industrie pharmaceutique a permis la conclusion d'un accord

Le Parlement a adopté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, un article 31 instituant à titre permanent une contribution due par les entreprises pharmaceutiques en cas de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Cette taxe comporte plusieurs taux qui croissent très fortement avec le dépassement des dépenses par rapport à l'ONDAM, et comporte des effets de seuils massifs :

Taux d'accroissement (T) du chiffre d'affaires par rapport à l'ONDAM

Taux de la contribution sur le chiffre d'affaires

ONDAM < T ONDAM + 1 point

0,15 %

ONDAM + 1 point < T ONDAM + 2 points

0,65 %

ONDAM + 2 points < T ONDAM +4 points

1,3 %

ONDAM + 4 points < T ONDAM +5,5 points

2,3 %

T > K + 5,5 points

3,3 %

Le texte adopté par le Parlement a prévu que les entreprises conventionnées avec le Comité économique du médicament seraient exonérées du paiement de cette contribution, à condition que cette convention :

- fixe les prix de tous les produits de la gamme de l'entreprise ;

- comporte des engagements de l'entreprise portant sur le chiffre d'affaires de chacun des produits dont le non-respect entraîne, soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise.

Après que les pharmaciens d'officines ont conclu, l'an dernier, avec l'Etat, deux protocoles d'accords, un accord sectoriel a été signé le 9 juillet 1999 entre le Comité économique du médicament et le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. Il a vocation à couvrir la période 1999-2002.

Cet accord institue, afin d'assurer un meilleur suivi des dépenses de médicaments, un groupe paritaire de concertation. Son objectif sera, non seulement de garantir la régularité d'un suivi, mais aussi de mieux établir les conséquences des modifications de périmètre des dépenses remboursées et non remboursées au sein du chiffre d'affaires de l'industrie.

Un autre groupe de travail paritaire permanent aura pour mission d'étudier la progression du marché des médicaments génériques.

L'accord prévoit plusieurs engagements de l'industrie, dont la mise en oeuvre d'échanges informatisés d'informations avec les pouvoirs publics, l'élaboration d'une charte de qualité de la visite médicale et d'outils d'aide à la prescription permettant de favoriser un bon usage du médicament.

Du son côté, le Comité économique du médicament s'engage à ce que tout laboratoire dont le dossier d'enregistrement a reçu un avis favorable du CSP de l'Agence européenne du médicament puisse déposer immédiatement une demande de prix.

Surtout, l'accord comporte des dispositions importantes tendant à favoriser la maîtrise de l'évolution des dépenses.

Ainsi, le Comité économique du médicament fixera chaque année, sur la base de l'ONDAM soins de ville, des objectifs annuels d'évolution du chiffre d'affaires par catégorie de médicaments remboursables.

L'accord prévoit que, pour être exonératoires du versement de la contribution légale, les laboratoires devront individuellement s'engager, auprès du Comité économique, dans un système de remises : ces remises seront versées en cas de dépassement du chiffre d'affaires autorisé de l'entreprise, sans pouvoir excéder la moitié de ce dépassement, ou bien si l'évolution du chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises pour une classe thérapeutique de médicaments est supérieure à l'objectif fixé par le Comité économique en début d'année.

L'accord prévoit toutefois des diminutions des remises, notamment pour les entreprises qui mettent sur le marché des médicaments innovants ou qui fabriquent des médicaments génériques.

Il offre enfin la possibilité de transformer ces remises en déremboursement, sur proposition commune de l'ensemble des entreprises exploitant les médicaments concernés, ainsi qu'une possibilité de conversion en baisse de prix.

Il est bien évidemment trop tôt pour dresser un bilan d'application de cet accord, les conventions individuelles entre les laboratoires et le Comité économique du médicament qui en découlent étant en cours de négociation. Il en est de même pour le processus engagé par le ministère depuis le mois d'avril 1999 concernant la réévaluation des spécialités pharmaceutiques remboursées. Votre Commission regrette cependant la publication en amont de toute décision, dans le journal Le Monde, de résultats partiels de cette procédure de réévaluation.

B. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE CONSACRE, EN DROIT, LA FIN DES RELATIONS CONVENTIONNELLES GLOBALES

Au lieu de tenter de favoriser le dialogue conventionnel, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en son article 17, définit un nouveau cadre pour ces relations conventionnelles, exclusivement comptable, et dans lequel rien n'est plus à négocier : l'ajustement se fait automatiquement, par des lettres-clés flottantes.

En outre, un amendement adopté à l'Assemblée nationale donne les bases légales à des accords purement sectoriels, par spécialité médicale : il s'attaque directement à l'existence même des syndicats de médecins spécialistes.

1. L'article 17 définit des conventions dans lesquelles plus rien n'est à négocier

L'article 17 procède à une réécriture complète des articles du code de la sécurité sociale qui définissent le cadre légal des relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé : médecins généralistes et spécialistes, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, auxiliaires médicaux, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes et directeurs de laboratoires privés d'analyses.

Alors que les dispositions en vigueur avaient été adoptées, profession par profession, en fonction de la spécificité des conditions d'exercice, l'article 17 prévoit, pour toutes les professions, un contenu identique de l'annexe annuelle conclue chaque année à la suite du vote de l'ONDAM par le Parlement.

Au lieu de promouvoir une maîtrise médicalisée des dépenses de santé, cette annexe annuelle ne jouera que sur les prix.

En effet, à partir d'un objectif fixé pour chaque profession (un objectif étant fixé pour les médecins généralistes, d'une part, et pour les médecins spécialistes, d'autre part) et correspondant aux dépenses remboursables au titre de leurs seuls honoraires, à l'exclusion des prescriptions, l'annexe fixe les tarifs correspondants.

Outre cette régulation des tarifs, l'annexe peut modifier, dans la limite de 20 %, les cotations des actes fixées par le pouvoir réglementaire : les partenaires conventionnels peuvent donc agir sur les deux déterminants des prix, les tarifs et la cotation des actes.

Votre Commission n'approuve pas cette intrusion limitée des partenaires conventionnels dans les cotations : elle estime que ces cotations doivent être intégralement fixées, soit par le pouvoir réglementaire, soit par les partenaires conventionnels. Chacune de ces solutions comporte certes des inconvénients, mais qui sont bien moindres que ce partage des rôles 80 %/20 %. Un des inconvénients majeurs de ce système est qu'il n'encourage pas l'adaptation permanente des cotations en fonction de l'évolution des pratiques et des techniques médicales.

Au-delà de cette action sur les prix, l'article 17 prévoit que tous les professionnels de santé libéraux pourront, à titre individuel, accepter de limiter leur volume d'activité en signant des " contrats de bonne pratique " : en contrepartie, ils bénéficieront d'un meilleur taux de prise en charge de leurs cotisations sociales par l'assurance maladie.

Les tarifs étant fixés par l'annexe annuelle conclue entre l'assurance maladie et les professionnels de santé, rien n'est pourtant définitif.

Le projet de loi prévoit en effet des rendez-vous au quatrième et au huitième mois, à la suite desquels, en cas d'augmentation des dépenses, les tarifs peuvent être modifiés.

Certes, la fiction de relations conventionnelles normales est maintenue : ce sont les professionnels eux-mêmes qui signeront, avec l'assurance maladie, les " annexes infra-annuelles " diminuant leurs tarifs.

Etant précisé que, s'ils ne signent pas, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et au moins une autre Caisse nationale auront l'obligation légale (cf. art. L. 162-15-2, II) de diminuer unilatéralement les tarifs.

Et si l'assurance maladie elle-même ne se soumet pas à cette obligation, ou si le Gouvernement juge que les mesures qu'elle a prises ou signées sont insuffisamment restrictives, c'est un arrêté ministériel qui viendra diminuer les tarifs.

Quelle marge d'action reste-t-il pour les partenaires conventionnels ? Quel syndicat de professionnels de santé acceptera de signer des tarifs qui pourront être modifiés au quatrième et au huitième mois de l'année ?

Et, si ces arguments ne pouvaient être compris par le Gouvernement s'agissant de professionnels libéraux, imaginerait-on qu'une entreprise puisse baisser ainsi les salaires de son personnel, aux quatrième et huitième mois de l'année en fonction de l'état conjoncturel de son carnet de commandes ?

De telles dispositions légales sont de nature à dissuader durablement les professionnels de santé d'entrer dans le jeu conventionnel.

2. En complément, un amendement adopté à l'Assemblée nationale s'attaque directement à l'existence des syndicats représentatifs de l'ensemble des médecins spécialistes

Une fois les professionnels de santé dissuadés d'entrer dans un cadre global de relations conventionnelles, il ne restait plus qu'à encourager la division en prévoyant la possibilité d'accords partiels.

Le Gouvernement s'est chargé, dans le texte initial du projet de loi, du premier volet. C'est l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Claude Evin, qui a pris la responsabilité du second.

Il a en effet légalisé la possibilité d'accords partiels, dans tous les cas, qu'une convention ait été ou non signée.

En l'absence de convention, l'assurance maladie et une organisation syndicale nationale de médecins d'une spécialité ou d'un groupe de spécialités médicales peuvent conclure un " protocole " comportant tous les éléments d'une annexe annuelle, les tarifs et les modifications de cotation des actes autorisées dans la limite de 20 %, ainsi que toute mesure de nature à garantir le respect de l'objectif.

Et, même lorsqu'une convention médicale est en vigueur, s'il n'y a pas eu d'accord sur le contenu d'une annexe entre l'assurance maladie et les syndicats de médecins spécialistes signataires, un tel protocole peut être conclu.

Du côté des médecins, ce " protocole-annexe " peut être signé :

- soit par un syndicat représentant une spécialité ou un groupe de spécialités adhérant à l'un des syndicats représentatifs de l'ensemble des médecins-spécialistes signataires de la convention... ;

- soit par un syndicat catégoriel appartenant à un syndicat représentatif de l'ensemble des médecins spécialistes non signataire de la convention.

Ainsi seraient attisées les rivalités entre grands syndicats représentatifs de l'ensemble des médecins spécialistes.

Ainsi seraient aussi ouvertes les surenchères et les rivalités entre les différentes spécialités.

Votre commission estime très dangereuse cette réforme qui contribuera à éloigner de façon durable les professionnels de santé libéraux du dialogue conventionnel avec les pouvoirs publics. Ni notre système public d'assurance maladie, ni d'ailleurs le Gouvernement n'ont à y gagner.

III. LE GOUVERNEMENT SEMBLE POUVOIR SE PASSER DE LA CNAMTS

Le Conseil d'administration de la CNAMTS a adopté, le 12 juillet dernier, un plan de refondation du système de soins. Pour la première fois depuis que les ordonnances de 1967 lui avaient confié un rôle de proposition de réformes, rôle confirmé et amplifié par les ordonnances du 24 avril 1996, l'assurance maladie a pris ses responsabilités en définissant les contours d'une réforme globale et structurante, couvrant l'ensemble du système de santé (y compris l'hôpital) et d'assurance maladie.

Le fait que la CNAMTS se " mêle " ainsi d'un secteur qui le regarderait pas, l'hôpital, semble avoir indisposé le Gouvernement. Il est difficile en effet d'interpréter autrement les réponses indirectes adressées à la CNAMTS par le Gouvernement qui a conclu des accords séparés avec des syndicats représentatifs de certaines spécialités médicales, et les réponses directes que constituent l'exclusion de l'assurance maladie de la régulation des cliniques privées, la redéfinition du pouvoir de tutelle contenue dans le présent projet de loi... et l'absence de toute traduction législative des propositions de l'assurance maladie.

A. LE PLAN DE LA CNAMTS DE REFONDATION DU SYSTÈME DE SOINS : UN PLAN AMBITIEUX ET AUDACIEUX, QUI AURAIT MÉRITÉ DISCUSSION

Si elle n'adhère bien évidemment pas à toutes les propositions formulées par l'assurance maladie, votre commission ne peut qu'attirer l'attention sur l'introduction du plan que son conseil d'administration a adopté le 12 juillet dernier, et qui constitue la traduction des orientations stratégiques qu'il avait retenues au mois d'octobre.

Les orientations stratégiques

Au moment où le conseil d'administration examine la traduction opérationnelle des orientations stratégiques qu'il a arrêtées en octobre 1998, il entend réaffirmer avec force les principes qui ont fondé la construction de l'assurance maladie. En particulier, les partenaires sociaux et mutualistes qui gèrent l'assurance maladie expriment leur attachement au mode de solidarité entre bien portants et malades qui s'exerce par le biais de l'assurance maladie où chacun contribue au financement en fonction de ses revenus et perçoit des prestations en fonction de ses besoins de soins.

Ils rappellent que l'assurance maladie a choisi, à son origine, de solvabiliser les patients en remboursant leurs soins, plutôt que de systématiser le financement direct de l'offre de soins. Le conseil d'administration reste attaché à ce choix, empreint de liberté pour les professionnels comme pour les patients. Ce choix a permis le développement de l'offre de soins, à l'origine insuffisante, en préservant le libre choix de son praticien par le patient, et la liberté thérapeutique des médecins.

Ils sont convaincus que ce choix de liberté porte en lui-même une exigence de responsabilité. Il importe donc de définir de façon équilibrée la responsabilité de chacun des acteurs du système de soins, en sorte de parvenir à une maîtrise du système de soins qui garantisse la qualité des soins et la couverture de l'ensemble des besoins de soins, en même temps qu'une maîtrise des coûts. En préconisant cette régulation coordonnée de l'ensemble du système de soins, les partenaires sociaux et mutualistes estiment donc qu'elle peut également ouvrir, dans le cadre des lois de financement votées par le Parlement, la voie d'une amélioration de la couverture de besoins encore en émergence, ou mal assurée à ce jour.

Depuis l'adoption par le conseil d'administration, le 13 octobre 1998, des orientations stratégiques de l'assurance maladie, deux éléments nouveaux sont apparus, renforçant la nécessité d'une clarification de l'action publique dans le domaine de la santé et des soins.

L'évolution de la situation financière de l'assurance maladie démontre que les comptes de la branche restent très sensibles à une modification, même modeste, de la conjoncture économique, qui vient se répercuter sur le rythme de croissance de ses recettes. Mais surtout, la forte hausse des dépenses enregistrée en 1998, qui s'est accentuée de janvier à mai 1999, a mis en lumière l'insuffisance du dispositif de maîtrise, progressivement bâti durant la décennie ; la stabilisation de ces dépenses -à supposer même qu'elle soit durable- crée un déséquilibre financier.

L'annulation par le Conseil constitutionnel, le 18 décembre 1998, de la clause de régulation des dépenses médicales inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, a des effets immédiats, qui ne doivent toutefois pas être surestimés. Le principe de la responsabilité collective des professionnels de santé a été reconnu conforme à la constitution et, si la mise en oeuvre pratique de ce principe s'est évanouie, son impact financier est réduit, car la récupération des dépassements ne devait être, en tout état de cause, que très partielle.

En revanche, combinée avec les décisions de même nature et d'égale portée prises par le Conseil d'Etat, l'annulation du Conseil constitutionnel oblige à repenser fondamentalement l'économie, voire la philosophie de la responsabilité que doit assumer chacun des acteurs du système de soins, et pas seulement les professionnels de santé.

Ainsi, dans la mesure où le Conseil constitutionnel subordonne l'application de la responsabilité collective à la reconnaissance d'un droit à connaître et user de critères " objectifs et rationnels " de comportement, il paraît raisonnable et souhaitable d'étendre cette perspective aux assurés et de les faire également bénéficier de cette liberté d'optimiser leur comportement individuel.

Le plan mis en débat

Le plan de mise en oeuvre des orientations stratégiques a été adopté par le Conseil d'administration de la CNAMTS, le 30 mars 1999, en tant que contribution de l'assurance maladie à la période de réflexion, ouverte le 12 février 1999 par la ministre de l'emploi et de la solidarité ainsi que le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Le conseil d'administration a donc décidé de mettre en débat cette contribution. Les caisses primaires, régionales et générales, les unions régionales des caisses, la caisse nationale et le service médical ont pris l'attache de tous les acteurs du système de soins pour recueillir leur avis. Aussi sollicités, les autres régimes d'assurance maladie obligatoires, les assureurs complémentaires, les élus nationaux et locaux, les assurés, les responsables administratifs, les différentes catégories de professionnels de santé, les représentants institutionnels et syndicaux des hôpitaux et de leur personnel, les syndicats de cliniques privées, ainsi que les personnels du régime général, ont permis de recueillir plus de 500 contributions, formant un ensemble d'une exceptionnelle richesse. Leur contenu, présenté le 5 juillet aux responsables de tous les régimes d'assurance maladie obligatoires a naturellement conduit à modifier et approfondir le plan " des soins de qualité pour tous ", à nouveau présenté au conseil d'administration de la CNAMTS le 12 juillet 1999.

Pour autant, le débat n'a pas pour effet de modifier les limites, ni l'économie générale du plan.

En effet, si le plan inclut de nombreuses propositions nouvelles, il n'a toujours pas la prétention d'être exhaustif ni d'appréhender dans son champ la totalité des secteurs de soins. Ainsi, les réformes suggérées pour l'hôpital ne concernent que les activités de court séjour (médecine, chirurgie, obstétrique) : aujourd'hui, la réflexion de la CNAMTS n'est pas achevée sur les activités de long et moyen séjours, ni sur le secteur médico-social, qui constituent au demeurant des champs potentiels de redéploiement de l'activité et des emplois hospitaliers.

La cohérence du plan reste fondée sur la démarche qualité, car le débat a mis justement à jour un quasi-consensus sur les fondements du plan, définis et explicités à partir de ce choix initial.

Les conditions sont donc réunies pour que la logique de réforme s'exprime dans les faits, au travers notamment des dispositions du projet de loi de financement pour l'an 2000 et la future triennale d'objectif et de gestion 2000-2002, appelée à unir l'Etat et l'assurance maladie au service de cette ambition.

Les fondements du plan stratégique

L'assurance maladie, qu'elle soit obligatoire ou complémentaire, est aujourd'hui un " payeur aveugle ", car les règles assurant le fonctionnement du système de soins -et pas seulement la prise en charge des soins- lui interdisent d'être un acheteur avisé, à même de sélectionner ce qu'il finance en fonction de la qualité, des besoins, de l'utilité et des coûts.

Permettre à l'assurance maladie de devenir un acheteur avisé passe par la généralisation d'une démarche qualité s'inscrivant dans une politique de santé publique et reposant sur une articulation optimale des champs d'action et de responsabilité des différents acteurs : Etat, assurance maladie, professionnels de santé et assurés.

Seule la qualité est un critère de prise en charge également légitime aux yeux des assurés et des professionnels de santé. Seule la qualité peut structurer la nécessaire rationalisation des systèmes de soins et de leur prise en charge.

A/ La démarche qualité

La démarche qualité obéit à des critères stricts :

Elle est nécessairement sélective

Il faut d'abord déterminer les besoins pris en charge, c'est-à-dire les besoins en matière de santé, et, parmi ceux-ci, les besoins appelant une réponse sanitaire (et non environnementale par exemple). C'est bien pourquoi la démarche qualité pour devenir la règle de fonctionnement du système de soins doit impliquer l'ensemble de ses acteurs.

Les références que représente l'expérience acquise en ce domaine par les autres pays développés montrent que la définition des priorités de santé publique résulte d'un processus contradictoire et pluridisciplinaire faisant largement place à l'expression de la société civile dans toutes ses composantes.

Mais au final, c'est l'Etat et lui seul, qui, en étant responsable de la totalité des actions publiques concourant au maintien ou à l'obtention d'un bon état de santé de chaque individu, peut hiérarchiser les priorités de santé publique et, parmi elles, celles qui appellent une réponse du système de soins : il est donc maître de la définition des besoins de santé, des besoins de soins et des besoins en soignants.

Les ressources consacrées à la santé et aux soins sont limitées, il est donc impératif d'inverser la logique actuelle qui conduit inéluctablement aux gaspillages, aux inégalités croissantes dans l'accès aux soins, et, de fait, à une médecine à deux vitesses.

De même, la démarche sélective en matière de besoins constitue une des conditions à la non-sélection des populations, dont la prise en charge médicale est supposée engendrer des coûts importants.

C'est donc en fonction des besoins reconnus et hiérarchisés que la sélection doit s'exercer en s'appliquant aux produits que sont les prestations sanitaires. Cette sélection pèse déjà massivement sur le fonctionnement quotidien du système de soins dans l'accès aux soins, dans leur dispensation et dans leur prise en charge. Elle ne constitue pas pour autant un moteur de la qualité ni de la maîtrise des dépenses. D'abord parce qu'elle est largement irrationnelle : l'utilité médicale, le service médical rendu, la qualité intrinsèque de la prestation sont loin d'être les seuls critères de la sélection. Mais aussi parce qu'elle est opaque : sa mise en oeuvre échappe largement aux patients et même aux professionnels de santé, qui ne peuvent donc optimiser leur comportement. La définition contradictoire et la révision périodique du panier des biens et services pris en charge constituent donc un impératif.

La sélection des producteurs est le corollaire de la sélection des produits et répond aux mêmes impératifs. Vouloir sélectionner les prestations en fonction des critères de qualité énoncés plus haut conduit naturellement à remettre en cause le conventionnement automatique et à vie des prestataires, qui est à la fois illogique et illusoire, a fortiori quand l'offre de soins est excédentaire comme c'est le cas aujourd'hui.

Sur ce point, la CNAMTS croit nécessaire d'attirer l'attention de tous les acteurs du système de soins sur la contrainte que représente, pour chacun d'entre eux, l'excédent d'offre de soins. Son existence rend vaine la querelle portant sur le caractère public ou privé de la gestion de la prise en charge, sauf à considérer que les profits tirés d'une gestion privatisée seraient assurés par un financement public de la résorption de l'excédent. Ce qui revient à corriger une vanité par une illusion.

Il n'y a pas de démarche qualité possible si les offreurs de soins ne sont pas coresponsables de la mise en oeuvre des critères de besoin, d'utilité, de qualité et de coût. La CNAMTS a pleinement conscience de la portée de ce constat. Pour évident qu'il soit, il constitue une rupture profonde avec l'existant : cette rupture doit donc être définie de manière contradictoire, gérée par étape et assumée par la nation toute entière.

Elle est nécessairement partenariale

L'Etat et l'assurance maladie s'efforcent depuis plusieurs années d'améliorer la qualité des soins en agissant sur les trois composantes du système de soins : s'agissant de la prise en charge, des décisions ponctuelles et fréquentes d'admission au remboursement et de déremboursement de prestations sanitaires, en fonction de leur utilité médicale, sont observées de longue date. Plus récemment, l'élaboration de références médicales à partir de 1990, rendues opposables depuis 1993, a étendu la démarche qualité à la dispensation des soins. Enfin, l'accès aux soins rentre progressivement dans la même problématique avec la tentative conventionnelle de création d'un contrat de santé en 1991, la création du carnet de santé en 1993, la reconnaissance par l'Etat en novembre 1995 que " la coordination des soins est indispensable à la qualité des soins ", enfin l'émergence du médecin référent en 1997 et 1998.

Pour autant, cette recherche s'avère jusqu'ici peu efficiente, car elle n'implique pas de manière égale le professionnel de santé et l'assuré. Ce dernier reste conforté dans l'idée qu'il peut agir à sa guise, déambuler " librement " dans l'univers des soins, ne rendre compte à quiconque de ses initiatives ni de sa consommation de soins, tout en obtenant un résultat qu'il espère de qualité. En témoigne le fait que les références médicales portant sur les actes d'investigation ou de dépistage -par exemple le nombre d'échographies par grossesse ou encore la fréquence du dépistage du cancer du sein par mammographie- sont opposables aux professionnels de santé, mais pas aux patients. Ce faisant, l'action publique perd en cohérence et en crédibilité auprès des praticiens qui savent combien l'inscription du colloque singulier dans une démarche qualité implique nécessairement le patient autant qu'eux-mêmes. Parvenir à une égalité -et non à une identité- de droits et de devoirs du patient et du praticien dans la démarche de soins est donc impératif.

La démarche qualité est également partenariale au niveau du système de soins considéré dans son ensemble, et non plus seulement au niveau de la relation médecin-patient. Le fait que les pouvoirs soient aujourd'hui partagés, de droit ou de fait, entre l'Etat l'assurance maladie -obligatoire ou complémentaire- les professionnels et les industriels de santé, les assurés, témoigne de cette nécessité. Mais, là encore, le partage s'avère insuffisamment rationnel et ne constitue donc pas un moteur de la démarche qualité. Il est symptomatique à cet égard que l'assurance maladie soit appelée de façon pressante à maîtriser l'évolution des dépenses de soins de ville, mais n'ait pas à sa main les outils élémentaires de maîtrise tels que la tarification des actes et des produits remboursés, ni même la possibilité de ne plus prendre en charge des prestations inutiles pour la santé.

La démarche globale qui est proposée, consistant à agir sur le système de santé en le réorganisant à partir des critères de besoins, utilité, qualité et coût, permet également de clarifier les responsabilités sur chacun d'eux. En effet, la définition des besoins de santé relève de la responsabilité de l'Etat et de sa politique de santé publique, l'utilité des soins repose sur l'expertise complémentaire de la communauté scientifique et de l'assurance maladie qui puise là la légitimité de sa prise en charge, la qualité découle du dire de la communauté scientifique, les coûts enfin sont de la responsabilité de l'assurance maladie.

Ce constat est aujourd'hui partagé par la CNAMTS et par les assureurs complémentaires, privés comme mutualistes. Ils ont commencé à en tirer les conséquences en décidant de coordonner désormais leur action sur trois champs : la définition du panier des biens et services remboursables en fonction de leur utilité médicale, leurs taux respectifs de prise en charge de ces biens et services, l'économie, enfin, des conventions les liant aux différentes professions de santé. C'est sur ces bases que pourront se développer pleinement des expérimentations de coordination des soins et de leur prise en charge.

A l'évidence, cette communauté d'action ne peut s'engager concrètement qu'accompagnée d'une clarification du rôle de l'Etat, appelé simultanément à reconnaître pleinement l'autonomie de l'assurance maladie et à définir plus fortement les fondements de cette autonomie que sont les priorités de santé publique.

Cet encadrement de l'autonomie doit se lire dans la mise en oeuvre d'un dispositif cohérent, composé à la fois d'un cadre pluriannuel global et de déclinaisons annuelles de moyens -la loi de financement de la sécurité sociale-.

Cette base doit ensuite se traduire par les priorités que l'Etat donne à l'assurance maladie dans la convention d'objectifs et de gestion et ses avenants annuels, qui représentent alors, pour elle, le cahier des charges de la gestion du panier des biens et services.

C'est également dans ce cadre que la CNAMTS traduit les engagements réciproques souscrits avec les professions de santé par le biais des conventions la liant avec les syndicats qui les représentent.

Elle est nécessairement transparente

La transparence sur la nature, la qualité et le coût des prestations, est une condition sine qua non pour que les mesures de sélectivité et de responsabilisation des acteurs qui doivent être prises soient opératoires, soient justes -aux yeux des offreurs de soins comme des consommateurs- et soient acceptables par tous.

Sans transparence, l'accès aux soins de qualité -ou supposés tels- resterait réservé aux initiés, c'est-à-dire le plus souvent aux catégories culturellement avantagées : la médecine " à deux vitesses " pourrait se développer.

Sans transparence, le fondement même d'une politique de santé publique, à savoir la garantie de sécurité sanitaire, ne peut être assuré.

Ainsi, le codage des actes médicaux doit-il impérativement dépasser les seuls actes remboursables pour permettre une traçabilité complète : comment rappeler les bénéficiaires d'une prestation sanitaire s'avérant, a posteriori, risquée, en l'absence d'un historique les identifiant ?

Remboursables ou non, chacun sait que les actes médicaux sont potentiellement porteurs de risque sanitaire.

Un codage complet permet également un pilotage fin dans l'espace et dans le temps de l'offre de soins, ce qui profite également aux professionnels comme aux assurés :

- dans le temps, parce que l'évaluation du coût de la prise en charge des innovations redevient possible, avec, en corollaire, la modernisation du " panier " de biens et services remboursés.

- dans l'espace, parce que l'effet des déports d'activité, et même de compétences, entre disciplines, professions de santé et segments de la chaîne des soins, redeviennent lisibles.

Mais la transparence est aussi un préalable à l'adoption de la démarche qualité par les professionnels de santé et par les patients : la certification des professionnels de santé, l'accréditation des établissements, sont nécessaires pour que ces offreurs de soins apprécient leur niveau de compétence et pour que les assurés deviennent acteurs, et non plus consommateurs passifs, dans le système de soins.

De même, les patients doivent-ils être tenus à un minimum de transparence concernant leur consommation de soins, afin que leurs partenaires naturels que sont les offreurs de soins d'une part et leur assureur maladie d'autre part cessent de travailler en aveugle. Encore est-il nécessaire de souligner auprès des assurés -ce qui n'a encore jamais été fait- que la transparence des données sanitaires les concernant n'est pas seulement la contrepartie de la prise en charge de leurs soins par la solidarité. Elle participe aussi de leur intérêt personnel : toute information médicale dissimulée aux professionnels de santé représente une perte de chance potentielle pour le patient. Le souci de la dignité et de l'autonomie de la personne, qui a fondé la législation sur la protection de l'intimité et de la vie privée -donc du droit d'opposition que peut exercer chacun à ce que des données sanitaires le concernant soient gardées en mémoire- doit s'exprimer de façon équilibrée pour que les termes du choix soient pleinement perçus par chaque individu : la qualité totale des soins est antinomique avec la préservation absolue de l'intimité.

B/ La portée du plan

Changer de contraintes

Il n'y a pas de qualité sans contrainte. Contrainte de sélectivité, de responsabilité, de transparence.

Le plan de l'assurance maladie a pour objet de mettre en place des contraintes médicalisées, intelligentes et dynamiques en changeant la nature et en déplaçant le point d'impact des contraintes qui existent déjà : ce qui revient à déplacer les contraintes de l'aval du système de santé -prise en charge- vers l'amont -accès aux soins et dispensation- et à agir sur la qualité du système et non plus seulement sur son bouclage financier.

Ces contraintes ne peuvent donc pas être lues comme des restrictions, puisque ce sont elles qui concourent à l'émergence d'une qualité vraie et accessible à tous.

L'actuel système de soins fait déjà supporter aux praticiens et aux patients des contraintes très lourdes. Mais celles-ci s'avèrent inefficaces au regard des objectifs de qualité et de maîtrise des dépenses, car elles sont déséquilibrées et inadaptées.

Déséquilibrées, car elles pèsent en quasi-totalité sur la composante ultime du système de soins, c'est-à-dire la prise en charge par l'assurance maladie, ce qui reste sans effet sur la dynamique inflationniste et la non-qualité, et réduit significativement l'efficacité des régulations, qu'elles soient individuelles ou collectives.

Inadaptées, car, s'exerçant sur la prise en charge, elles sont de nature administrative (exemple : absence de généralisation du tiers payant) ou financière (importance du reste à charge) et ne sont donc pas intégrées à la démarche de soins.

Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi l'extension aux professionnels de santé de la responsabilité, en voulant corriger une inégalité de situation entre ces derniers et les assurés, a accentué de fait le déséquilibre existant.

L'objectif est d'abord de " médicaliser " la contrainte en la faisant porter sur les modalités d'accès aux soins et leur dispensation, et en faisant reposer la sélection des hommes et des produits sur des critères de besoin et de qualité médicale, non de fortune ou de statut.

Cela induit un changement de règle de responsabilité, pour permettre à chacun, praticien et patient, d'optimiser son propre comportement, sur la base de critères de choix " objectifs et rationnels ", dans son propre intérêt et dans l'intérêt du système de soins.

Changer de logique

Changer de contraintes revient à changer de logique : le principe de responsabilité -identifiée et partagée- s'applique aussi à la gestion du système de soins, donc à l'assurance maladie.

Par son contenu, le plan stratégique écarte une quelconque revendication de monopole du pouvoir par l'assurance maladie tant à l'égard de l'Etat que des autres acteurs du système de soins.

La CNAMTS propose qu'une seule cohérence, fondée sur le principe de responsabilité, donne son sens à la prochaine convention d'objectifs et de gestion qu'elle doit conclure avec l'Etat pour les années 2000-2002 et réunisse tous ces acteurs.

A ce titre, elle est fondée à souhaiter que soient encore mieux définies les responsabilités qu'elle doit assumer dans le champ de compétences qui lui est reconnu. Ainsi est-il opportun de reconnaître à la caisse nationale, dont le statut peut évoluer, le plein exercice de la tutelle sur le réseau des organismes locaux de l'assurance maladie, tout en définissant précisément la mission d'évaluation revenant aux services déconcentrés de l'Etat.

Elle est également tenue d'accroître son propre niveau de performance. La cohésion de son réseau est une des voies d'obtention de l'égalité d'accès aux soins ; la transparence et la rigueur de son action constituent son apport nécessaire à la modernisation du système de soins.

Par l'élaboration en cours de son " projet de branche ", elle définit, à l'égard de tous les acteurs du système, ses ambitions et donc ses devoirs propres.

A cet égard, il convient de rappeler que l'assurance maladie a su, durant ces dix dernières années, accroître ses gains de productivité de 6 % à 7 % par an et, en conséquence, réduire ses effectifs d'environ 10.000 agents.

Pour 1999, ses efforts de gestion lui permettent de contribuer à la recherche de l'équilibre financier de l'exercice en proposant une réduction de 1 % de ses crédits de gestion administrative (soit 300 millions de francs), reconductible les années suivantes.

*

L'assurance maladie s'affirme donc, par ce plan, comme un acteur parmi d'autres, convaincu que l'émergence progressive d'une autonomie de décision du patient est une évolution majeure qui oblige à redéfinir les rôles traditionnellement tenus par l'Etat, les professionnels de santé et elle-même.

L'inscription de la démarche qualité dans une politique de santé publique, qui relève de l'Etat, en est la première traduction.

La reconnaissance du rôle de la communauté médicale et scientifique dans les processus de certification et d'habilitation de l'offre de soins en est une autre.

De même, la volonté de coordonner son action avec celles des assurances maladie complémentaires rompt avec une culture surannée de l'hégémonie distraite au profit d'une évidence : les assurances sont multiples, le patient est unique.

Au-delà, l'assurance maladie sait que seule la démarche qualité, impliquant également praticiens et patients, peut lui permettre d'être un tiers de confiance pour les uns et les autres.

Le MEDEF et la CGPME, l'UPA, la CFDT, la CFE-CGC, la Mutualité française, et la CFTC ont estimé légitime et nécessaire la démarche initiée par le Conseil d'administration. Parmi ces organisations, certaines ont approuvé l'ensemble du plan, d'autres ont formulé des réserves sur certaines propositions.

Mais le Gouvernement peut-il, en présentant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ignorer à ce point la démarche des partenaires sociaux, en ne proposant aucun débat, ni aucune traduction législative de ses propositions ?

B. LES RÉPONSES DU GOUVERNEMENT À LA CNAMTS

Votre commission ne dispose d'aucun élément permettant de qualifier de riposte indirecte au plan de la CNAMTS, ni les propositions de réformes élaborées par un groupe de députés sous la présidence de M. Jean Le Garrec, président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, qui ont été rendues publiques juste avant le vote du conseil d'administration de la CNAMTS, ni ce que le rapport (n° 1876-1999, p. 42) de M. Claude Evin a qualifié de " constat alarmant " de la Cour des comptes sur la gestion du risque par l'assurance maladie.

Le dernier rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale estime en effet que " la branche maladie est pour l'essentiel demeurée, malgré ses ambitions, un payeur ".

De tels propos sont pourtant à rapprocher de ceux tenus par le conseil d'administration de la CNAMTS, qui est allé encore plus loin que la Cour en qualifiant l'assurance maladie de " payeur aveugle " (introduction au plan de refondation, p. 3).

1. Une réponse indirecte : sans l'assurance maladie, l'Etat a conclu, en 1999, trois accords sectoriels avec des représentants de deux spécialités médicales et avec les biologistes

Alors que la convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'Etat et l'assurance maladie confie à la CNAMTS la mission d'établir des relations conventionnelles avec les professionnels de santé, c'est l'Etat, seul, qui a conclu trois accords sectoriels avec certains professionnels de santé.

Protocoles d'accord avec les radiologues

Le 9 février 1999, après que le Gouvernement a baissé unilatéralement, en 1998, les tarifs des radiologues, il a conclu un protocole d'accord avec la Fédération nationale des médecins radiologues.

Cet accord procède d'abord à une réévaluation de la lettre-clé Z1 : après sa baisse en 1998, elle est désormais fixée à 10,60 francs. Il prévoit des rendez-vous de suivi des dépenses au 4 ème et au 8 ème mois de l'année, à la suite desquels cette valeur pourra être modifiée pour garantir une évolution globale des dépenses, sur 1998 et 1999, conforme aux objectifs fixés pour les honoraires des spécialistes sur ces deux années (NB : aucun objectif n'a été fixé pour 1999).

Les parties sont ensuite convenues de certaines dispositions :

- la création d'un Observatoire de l'imagerie médicale ;

- la participation des radiologues à l'extension du dépistage des cancers décidée dans la loi de financement pour 1999 (NB : le décret d'application de cet article de loi n'a pas été publié) ;

- le contrôle de qualité des appareils utilisés lors des examens radiologiques et échographiques (NB : ce contrôle est également prévu par la loi, mais le décret d'application de cette mesure incluse dans la loi du 1 er juillet 1998 n'a pas encore été publié) ;

- l'engagement de la FNMR à favoriser la télétransmission des feuilles de soins ;

- l'engagement de la FNMR à participer aux discussions sur la modulation du MICA (NB : le décret d'application nécessaire à sa mise en oeuvre n'a pas été publié) ;

- l'engagement de l'Etat de donner à une personnalité qualifiée une mission d'information sur l'avenir de la radiologie. Enfin, l'accord a prévu une mesure de nomenclature en radiologie vasculaire.

Protocole d'accord avec les cardiologues

Le 14 juin 1999, l'Etat a ensuite conclu un protocole d'accord avec le syndicat national des spécialistes des maladies du coeur et des vaisseaux.

Ce protocole a fixé un objectif prévisionnel de dépenses d'honoraires remboursables des cardiologues : il s'élève à 3,8 milliards pour 1999 et à 3,9 milliards pour 2000. Cet accord autorise donc une progression des honoraires des cardiologues de 6 % de 1997 à 2000.

Le syndicat s'est engagé à " promouvoir un meilleur recours à l'échographie Doppler cardiaque et à l'électrocardiogramme préopératoire.

Il s'est ainsi engagé à assurer la diffusion et à encourager le respect des deux recommandations de bonne pratique non encore élaborées :

- la RMO relative aux examens préopératoires, dont l'ANAES établit une nouvelle rédaction ;

- la recommandation sur l'échographie Doppler cardiaque, en cours d'élaboration par la Société française de cardiologie.

Les deux parties sont aussi convenues d'établir un bilan de l'application de cet accord le 15 octobre 1999, le 15 avril et le 15 octobre 2000 et, le cas échéant, de prendre des mesures correctrices.

Protocole d'accord avec les biologistes

Enfin, le 22 juin dernier, a été rendu public un accord entre l'Etat, le syndicat des biologistes et le syndicat des grands laboratoires de biologie clinique.

Ce protocole d'accord fixe deux objectifs, pour 1999 et pour 2000 (12,8 milliards pour 1999, et 12,9 milliards de francs pour 2000).

Pour assurer le respect de cet objectif, l'Etat et les syndicats signataires sont convenus :

- d'une baisse de la lettre-clé B de 4 centimes ;

- d'une évolution à la baisse de certains actes cotés à la nomenclature.

Ils sont également convenus de trois rendez-vous de suivi, au 15 octobre 1999, au 15 avril et au 15 octobre 2000, à la suite desquels pourront être prises des mesures correctrices.

L'Etat et les syndicats signataires ont décidé de mettre en place, dans les meilleurs délais un groupe de travail ayant pour mission de faire des propositions en vue de promouvoir la qualité des examens biologiques et d'améliorer les conditions d'exercice de la profession.

Votre rapporteur a demandé au président du conseil d'administration de la CNAMTS son point de vue sur les accords conclus entre l'Etat et les représentants de certaines spécialités médicales.

Il lui a transmis la réponse suivante, à laquelle s'associe pleinement votre commission :

Avis du président du conseil d'administration de la CNAMTS
sur les accords conclus entre le Gouvernement et les représentants
de certaines spécialités médicales

" On indiquera les trois points suivants :

" 1. Les relations entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics doivent s'exercer dans un cadre global.

" Les conventions passées entre ces professionnels et l'assurance maladie permettent de garantir cette logique.

" Les représentants des médecins spécialistes n'ont pas souhaité en 1999 signer une convention avec l'assurance maladie. Ils se trouvent donc toujours sous le coup du règlement conventionnel minimal prévu par l'article L. 162-5-9 du code de la sécurité sociale. La multiplication d'accords avec certaines catégories de spécialistes conduit à un morcellement accru du système de soins, comme l'avait écrit le président du conseil d'administration de la CNAMTS à Mme la Ministre dès le 30 avril 1999.

" 2. La passation de ces accords rend plus difficile le partage des responsabilités défini par la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAMTS signée en avril 1997.

" Celle-ci précise notamment : " la CNAMTS remplit une mission de régulation des dépenses de soins de ville avec pour but l'amélioration constante de la qualité et de l'efficience du système de soins ; à cette fin, la CNAMTS entretient des relations conventionnelles avec les professions de santé "...

" Ces accords contribuent à persuader les professions de santé qu'en cas d'échec des négociations conventionnelles un accord avec le ministère reste une voie possible.

" 3. Les accords en question ne constituent pas un mode de régulation adapté.

" Les accords ont pour but une inflexion de l'évolution des dépenses, mais les moyens mis en oeuvre pour garantir cet objectif n'apparaissent pas clairement. "

2. Une réponse directe : le dispositif d'obstruction à l'égard de la CNAMTS mis en place par le projet de loi de financement de la sécurité sociale

L'objectif affiché des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale est clair : il s'agit de donner plus de responsabilités à la CNAMTS, en lui donnant toute marge de manoeuvre pour réguler les dépenses au sein d'un objectif dont la gestion lui serait confiée : l' " objectif de dépenses délégué ", comprenant l'ensemble des honoraires des professionnels de santé.

La CNAMTS ne doit pas s'occuper que de cet objectif mais de tous les éléments de cet objectif.

Tous les éléments, cela veut dire que l'Etat sort de la régulation des laboratoires privés d'analyses de biologie, et que le tripartisme en vigueur depuis 1991 entre l'Etat, l'assurance maladie et les biologistes devient un bipartisme réunissant l'assurance maladie et les biologistes.

Mais la CNAMTS ne doit gérer que son objectif délégué, ce qui implique une sortie de la CNAMTS de la régulation des cliniques privées, elle aussi tripartite depuis 1991.

Le projet de loi prévoit, non seulement que la CNAMTS ne sera plus partie aux accords avec les cliniques, mais que la définition du cadre global de la régulation, qui entrait auparavant dans le champ conventionnel, sera désormais du domaine du seul pouvoir réglementaire.

L'Etat devient ainsi l'interlocuteur privilégié et le décideur pour toute l'hospitalisation, publique et privée.

Cette réforme va à l'encontre de l'évolution des techniques médicales et du système de santé qui induit la perméabilité des deux secteurs, qui oblige à une coopération et une coordination de l'hospitalisation et des soins de ville.

De plus en plus, l'hospitalisation est " ambulatoire ", voire " à domicile ", alors que les plateaux techniques de spécialistes intervenant en libéral n'ont rient à envier à certains plateaux hospitaliers. En outre, c'est le même patient qui reçoit des soins à l'hôpital et en ville, rendant artificielle et contreproductive toute gestion séparée des deux secteurs.

Enfin, c'est probablement aux confins des deux secteurs que l'on peut trouver des gisements d'économies, c'est l'insuffisante coordination entre l'hospitalisation et la ville qui coûte cher et qui est contreperformante en termes sanitaires.

Mais la CNAMTS ayant osé proposer des mesures d'économies à l'hôpital, elle se voit retirer la gestion de l'hospitalisation privée...

Une fois la CNAMTS sortie de la régulation de l'hospitalisation privée, reste à lui définir clairement un champ de responsabilité : c'est l'objectif de dépenses délégué.

Aux termes de l'article L. 227-1 du code de la sécurité sociale tel que modifié par l'article 17 du projet de loi, les " dépenses déléguées " comprennent les honoraires ainsi que les frais de transport.

On rappellera, à cet égard, que plus de 50 % des prescriptions de transport de malades sont réalisées à l'hôpital, et que la CNAMTS ne dispose d'aucun moyen pour supprimer d'éventuelles surprescriptions.

Ainsi, malgré la conclusion de la convention nationale des transporteurs sanitaires conclue le 1 er mars 1997 en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 (loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996), les transporteurs sanitaires n'ont pas tenu l'objectif de - 5,8 % qui leur était assigné, et les dépenses de transport ont crû de 8,9 % à la fin de l'année 1998 et de 8,7 % à la fin juin 1999, dont 11,3 % pour l'ambulance et 6,6 % pour le VSL.

Ce dérapage des dépenses résulte de plusieurs facteurs :

- le développement des traitements ambulatoires,

- le désengagement des SMUR des hôpitaux et des services d'incendie et de secours du fait de compressions budgétaires dans ces secteurs,

- la suppression depuis fin 1996 du remboursement de certains transports " assis " postopératoires en VSL ou en taxi, à la suite d'arrêts de la Cour de Cassation aux termes desquels la " prise en charge d'un transport lié à une hospitalisation " doit se limiter aux seuls transports consécutifs à l'entrée et à la sortie de l'établissement après un séjour effectif. Cette situation a conduit les médecins à surprescrire des transports en ambulance qui sont systématiquement remboursés.

Cet exemple montre à lui seul la vanité et l'inefficacité d'un cloisonnement entre l'hospitalisation et la ville.

Une fois cet objectif de dépenses délégué défini, quels instruments confie le projet de loi à la CNAMTS pour assurer la régulation des dépenses correspondant à l'activité des médecins libéraux ?

En fait, d'un seul instrument légal, les lettres-clés flottantes, dont le présent rapport a montré à quel point l'institution allait paralyser le système conventionnel.

Et, aux termes du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la gestion de ces lettres-clés flottantes nécessitera de multiples réunions avec les autres caisses nationales et la rédaction de multiples " rapports d'équilibre ".

Selon l'article 17 du projet de loi, un " rapport d'équilibre " est un rapport rédigé par les caisses nationales d'assurance maladie et présenté au Gouvernement :

- pour chaque profession de santé, au moment de la conclusion des annexes annuelles aux conventions ;

- pour chaque profession de santé, à l'occasion des mesures correctrices intervenant après le quatrième mois de l'année ;

- pour chaque profession de santé, à l'occasion des mesures correctrices intervenant après le huitième mois de l'année.

... et, le cas échéant, à l'occasion de la conclusion des " protocoles d'accords sectoriels " dont l'Assemblée nationale a autorisé la conclusion en cours d'année.

Le contenu de ces rapports d'équilibre est prévu par le projet de loi, qui dispose :

" Ce rapport comporte les éléments permettant d'apprécier la compatibilité des annexes ou des mesures déterminées par les caisses nationales avec l'objectif de dépenses déléguées mentionné au II de l'article L. 227-1.

" Le rapport indique également les moyens mis en oeuvre par l'assurance maladie pour maîtriser l'évolution des dépenses de prescription des médecins, sages-femmes et dentistes. Il détaille à ce titre les actions, notamment de contrôle, prévues par le service médical, les actions d'information, de promotion des références professionnelles opposables et des recommandations de bonne pratique ou d'évaluation des pratiques ainsi que celles menées au titre des accords médicalisés visés à l'article L. 162-12-17.

" Le rapport précise l'effet projeté de chaque action sur les dépenses de prescription, par catégorie. "

Et, au cas où le projet de loi aurait oublié quelque chose, un arrêté ministériel viendra, dit le projet de loi... définir le contenu du rapport.

Sur le plan juridique, si " la tutelle ne se présume pas " et si son contenu doit être prévu par la loi, la description minutieuse de ces rapports d'équilibre ne relève pas, à l'évidence, du domaine législatif.

Et votre commission refuse l'évolution souhaitée par le projet de loi, au terme de la quelle l'assurance maladie passerait du statut de " payeur aveugle " à celui de " gratte-papier éclairé "....

IV. POUR AUTANT, LES LIGNES DIRECTRICES DE LA POLITIQUE D'ASSURANCE MALADIE DU GOUVERNEMENT N'APPARAISSENT PAS CLAIREMENT : DEUX EXEMPLES

A travers deux exemples, la politique de réduction des déséquilibres de la démographie médicale et la politique hospitalière, votre rapporteur souhaite montrer que les orientations de la politique d'assurance maladie du Gouvernement ne lui apparaissent pas clairement.

A. LA RÉDUCTION DES DÉSÉQUILIBRES DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

1. L'avenir incertain du MICA

L'an dernier, votre rapporteur avait mis l'accent sur les orientations de la politique globale du Gouvernement en matière de démographie médicale, et avait fait part de son désaccord face au relèvement, en 1999, du numerus clausus des médecins. Le numerus clausus avait en effet été porté à 3.700, après 3.583 en 1999 et 3.576 en 1998.

Il ne lui paraissait pas répondre aux besoins de la population à l'horizon d'une dizaine d'années. En effet, le rapport Choussat, rédigé en 1996, a montré que l'offre de soins médicaux est globalement excédentaire, avec 178.538 médecins en activité, dont 119.585 médecins libéraux et 58.953 médecins salariés. L'ampleur des sureffectifs a été chiffré à 30.000 par M. Choussat, qui a recommandé la stabilisation du numerus clausus pendant plusieurs années à 3.570.

Votre rapporteur souhaite cette année mettre l'accent sur l'absence de lisibilité de la politique du Gouvernement en faveur de la cessation d'activité des médecins. Cette absence de lisibilité est soulignée par de nombreux médecins, qui avaient fait des projets de cessation d'activité et ne savent pas si, comme le prévoit pourtant la loi, le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins (MICA) sera maintenu jusqu'en 2004.

Ce mécanisme d'incitation à la cessation d'activité a été rendu plus attractif par les dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins. En application de cette ordonnance, un décret du 21 avril 1997 a ainsi amélioré le système existant de trois manières :

- l'âge d'accès au MICA a été abaissé : il a été porté à 56 ans pour 1997 et 57 ans en 1998 et 1999 au lieu de 60 précédemment ;

- le plafond de l'allocation de remplacement (ADR) pour les adhérents de moins de 60 ans ;

- les conditions de cumul avec une activité salariée ont été assouplies.

L'historique, sur les trois dernières années, du nombre des nouveaux bénéficiaires, souligne l'impact de ces dispositions :

- 1996 : 651 entrées

- 1997 : 1.263 entrées

- 1998 : 1.429 entrées.

Les médecins ayant cessé leur activité grâce au MICA à la fin de l'année 1998 présentaient les caractéristiques suivantes :

- âge moyen : 59,45 ans,

- répartition par code convention (secteur 1/secteur 2) : 76,68 %/23,32 %,

- revenu moyen : 344.620 francs,

- répartition généralistes/spécialistes : 51,8 %/48,2 %,

- nombre de médecins ayant conservé une activité salariée : 683 (soit 25,10 % de ces médecins).

Les statistiques montrent que les pourcentages de départ par région ont été voisins de ceux observés dans la répartition régionale de l'ensemble des médecins avec, toutefois, des départs un peu plus importants en Champagne, Pays de Loire, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'azur et Bretagne, et un peu plus faibles en Franche-Comté et Ile-de-France.

Les spécialités médicales les plus concernées par les adhésions au MICA sont la neuropsychiatrie, la biologie, l'anatomo-pathologie et la pédiatrie. Le taux de départs des spécialistes est égal au taux de départ des omnipraticiens (1,2 %).

Ces données tendent à montrer que l'impact quantitativement très significatif du MICA sur la démographie médicale globale s'est accompagnée d'une relative neutralité de ce dispositif à l'égard de la répartition par région et par spécialité de l'offre de soins.

C'est pourquoi l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a prorogé le dispositif du MICA jusqu'au 31 décembre 2004, pour les médecins âgés au moins de 57 ans, en instituant le principe d'une restriction à son accès et/ou une modulation du montant de l'ADR selon des critères de spécialités et de zone géographique, dans un souci de meilleure adaptation de cet outil de la démographie médicale aux besoins sanitaires.

La loi a laissé le soin aux partenaires conventionnels, pour une période de dix mois (jusqu'au 27 juin 1999), de définir les conditions d'application de ce principe. A défaut de convention, les dispositions nécessaires à l'application de la modification du dispositif à compter du 1 er juillet 1999, devaient être fixées par décret.

Le présent rapport a souligné la non-application de cette disposition législative, le décret relatif à la modulation du MICA n'ayant pas été publié.

Cette situation alimente les craintes des médecins de voir ce dispositif mis en cause, conscients qu'ils sont de la fragilité de son financement.

La montée en charge du dispositif issu de l'ordonnance du 24 avril 1996 s'est en effet traduite par une progression parallèle des coûts du MICA. Ceux-ci se sont élevés à :

- 310 millions de francs en 1996,

- 440 millions de francs en 1997,

- 710 millions de francs en 1998

- et, seront probablement de 861 millions de francs en 1999.

Le taux de cotisation a, par décret en date du 31 août 1998, donc été relevé et fixé pour 1998 et 1999 à 1,76 % du montant des revenus conventionnels, avec une répartition inchangée entre les caisses d'assurance maladie et les médecins (68,75 %/31,25 %).

Parallèlement, et pour limiter les engagements à terme du régime, les montants plafonds de l'allocation de remplacement pour les médecins âgés de moins de 60 ans ont été alignés, en 1999, sur ceux des 60 ans et plus.

2. La situation du FORMMEL

Le coût élevé du MICA pèse sur le budget du Fonds de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL), qui avait été créé au sein de la CNAMTS par l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 précitée.

Il a vocation à financer, d'une part l'allocation de remplacement (ADR) servie aux médecins dans le cadre du mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité (MICA), et d'autre part des actions d'accompagnement de l'informatisation des cabinets médicaux.

Les ressources de ce fonds ont été constituées, à titre exceptionnel, par une part des économies ou recettes supplémentaires pour l'assurance maladie résultant de l'application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et du décret du 30 décembre 1996. A titre pérenne, le produit de la cotisation relative au MICA est affecté au FORMMEL.

En 1998, les dépenses pour les actions d'accompagnement de l'informatisation des cabinets médicaux se sont élevées à 408 millions de francs. En 1999, il reste un reliquat de dépenses à ce titre de 27,9 millions de francs. Il n'y a pas de dépenses prévues pour 2000. En effet, à compter de 2000, les aides à l'investissement pour l'acquisition du matériel vont cesser. En revanche, une aide pérenne pour la transmission des feuilles de soins électroniques sera accordée aux professionnels.

S'agissant de l'allocation de remplacement du MICA et à la suite de la révision, par le décret n° 98-788 du 31 août 1998, des montants plafond de l'allocation de remplacement (ADR), qui sont désormais identiques quel que soit l'âge du médecin bénéficiaire, l'année 1999 s'est caractérisée par une inflexion à la baisse du nombre d'entrées dans le MICA. Seuls 924 médecins auraient ainsi adhéré au MICA en 1999, contre 1.429 en 1998. Les dépenses du FORMMEL au titre du MICA devraient atteindre 906 millions de francs, avec un déficit prévisionnel de 114 millions de francs couvert par les réserves constatées au 31 décembre 1998.

Votre commission souhaiterait entendre l'engagement du Gouvernement à conforter, pour l'avenir, le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins. Un tel engagement serait également de nature à rassurer de nombreux médecins.

Fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale
Budget du FORMMEL
(droits constatés)

Section I
orientation, réorientation, conversion et cessation d'activité

1998

1999
prévision

RECETTES

954,0

793,0

dont : ressources permanentes :

cotisations MICA (2 ème semestre pour 97)

770,0

793,0

produits financiers

5,0

Divers

4,0

Virement de la section II

175,0

DEPENSES

746,5

929,0

Solde de l'exercice

207,5

- 136,0

Report du solde de n-1

43,5

251,0

Solde cumulé

251,0

115,0

Section II
Section de la modernisation de la médecine libérale

RECETTES

78,2

24,0

dont :

participation des régimes à l'aide à l'informatisation (2.000 francs)

51,5

répartition des recettes non connues

Produits financiers

19,2

Produits exceptionnels

7,5

DEPENSES

408,7

27,9

Dotations pour informatisation

231,6

0,9

Financement d'études et expérimentations

20,0

Divers

2,2

7,0

Virement à la section I

175,0

Solde de l'exercice

- 330,5

- 3,9

Report du solde de n-1

833,0

502,5

Solde cumulé

502,5

498,6

B. LA POLITIQUE HOSPITALIÈRE DU GOUVERNEMENT

Deuxième exemple de politique dont les composantes sont peu clairement perçues par votre commission : la politique hospitalière du Gouvernement.

Il faut dire que, depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement, les débats législatifs consacrés à la politique hospitalière ont eu une ampleur modeste :

- aucune mesure concernant l'hôpital ne figurait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;

- aucune mesure concernant l'hôpital ne figurait non plus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

- aucune mesure concernant l'hôpital ne figure, non plus, dans le projet de loi de financement pour 2000.

Certes, l'ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 avait engagé une profonde réforme de la législation hospitalière, et le Gouvernement en a, semble-t-il, retenu plus que les orientations.

Mais la législation hospitalière est dense et complexe : pour un secteur dont l'activité, de surcroît, correspond à près de 50 % des dépenses d'assurance maladie, on aurait pu s'attendre à quelques modifications.

Quelques amendements concernant la coopération hospitalière, ont certes été déposés et adoptés à l'occasion du débat du projet de loi... instituant une couverture maladie universelle.

Il faut aussi souligner l'adoption d'une disposition législative, toujours dans la même loi, offrant la possibilité d'engager, pendant une durée de cinq ans, une expérimentation de la tarification à la pathologie dans les établissements publics et privés. Une telle durée reporte à bien plus tard la mise en oeuvre d'une réforme de la tarification et du financement de l'hôpital pourtant souhaitée -au moins dans le discours- par tous.

Votre Commission tient cependant à souligner l'important travail fourni par les Agences régionales de l'hospitalisation dans le cadre de la préparation des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS).

Les 26 nouveaux SROS, qui couvriront la période 2000-2004, ont été présentés par le ministre de l'emploi et de la solidarité le 4 novembre dernier. Leur mise en oeuvre, qui devrait se traduire par la suppression ou la reconversion de 24.000 lits d'hôpital, sera également l'occasion de traduire des priorités régionales de santé.

Les directeurs d'ARH avaient en effet été invités à sélectionner de quatre à douze priorités sanitaires.

La principale priorité retenue demeure les urgences hospitalières, suivie par la cancérologie (dans 24 régions), la périnatalité (21), la cardiologie (17), les personnes âgées (13), l'insuffisance rénale chronique (11), les personnes démunies (10), la douleur et les soins palliatifs.

1. La mise en oeuvre de l'ordonnance hospitalière

Le travail de rédaction des SROS semble cependant avoir empêché une montée en charge satisfaisante du processus de contractualisation des établissements publics de santé avec les ARH : seuls 75 contrats ont été signés sur le territoire national, la négociation de 109 contrats étant en cours. Pourtant, la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens constituait un des axes majeurs de la réforme hospitalière de 1996.

L'autre pilier de cette réforme, l'accréditation des établissements, ne semble pas progresser non plus à un rythme suffisant : l'ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 avait pourtant prévu que tous les établissements de santé publics et privés, soit environ 4000 établissements, devaient être engagés dans la démarche d'accréditation avant 2001, c'est-à-dire avant la fin de l'année prochaine.

Or, selon l'ANAES, quarante établissements avaient accepté de participer à une expérimentation de l'accréditation, et une trentaine d'établissements seulement avait présenté une demande d'engagement au 1 er octobre 1999. Le Collège d'accréditation, dont la mise en place était prévue par l'ordonnance hospitalière, n'a été désigné que le 22 septembre dernier.

Votre Commission souhaite entendre les explications du Gouvernement sur ce point.

2. La revalorisation du statut des praticiens hospitaliers

Votre Commission souhaite également connaître ses intentions en matière de revalorisation du statut de praticien hospitalier. Certes, plusieurs décisions, prises récemment, ont abouti à des modifications statutaires.

Il s'agit essentiellement :

- de la refonte du concours national de praticien hospitalier au profit d'un concours unique aux corps de praticien hospitalier temps plein ou temps partiel (décret n° 99-517 du 25 juin 1999 organisant le concours de praticien des établissements publics de santé, publié au Journal Officiel du 26 juin 1999) ;

- de l'harmonisation des carrières temps plein et temps partiel et l'assouplissement des passages de l'un à l'autre corps (décrets n° 99-563 et n° 99-564 du 6 juillet 1999 modifiant respectivement le décret n° 84-131 du 24 février 1984 modifié portant statut des praticiens hospitaliers et le décret n° 85-384 du 29 mars 1985 modifié portant statut des praticiens exerçant leur activité à temps partiel dans les établissements d'hospitalisation publics, publiés au Journal officiel du 8 juillet 1999) ;

- de la reprise de nouveaux services pour établir l'ancienneté au moment du classement dans la carrière (décret n° 99-563 déjà cité) ;

- des mesures prises pour accroître l'attractivité des postes de praticiens hospitaliers (décrets déjà cités et décret n° 99-565 du 6 juillet 1999 modifiant le décret n° 82-1149 du 29 décembre 1982 modifié pris pour l'application de la loi n° 82-916 du 28 octobre 1982 et portant diverses mesures statutaires en faveur des praticiens à plein temps des établissements d'hospitalisation publics et le décret n° 87-944 du 25 novembre 1987 modifié relatif à l'exercice d'une activité libérale par les praticiens hospitaliers à temps plein dans les établissements d'hospitalisation publics, publié au Journal officiel du 8 juillet 1999).

Les représentants des syndicats de praticiens hospitaliers entendus par votre rapporteur sont cependant unanimes pour dénoncer l'insuffisance de ces mesures.

Ainsi, si le repos de sécurité à l'issue des gardes comme l'octroi d'une demi-journée supplémentaire pour l'exercice d'activités d'intérêt général sont appréciés, beaucoup d'entre eux mettent l'accent sur la difficulté d'appliquer ces textes dans des services hospitaliers où le nombre de praticiens hospitaliers est insuffisant.

Ils considèrent en outre que de telles mesures ont un impact hors de proportion avec celui qui serait nécessaire pour attirer les jeunes médecins vers l'hôpital public. Enfin, les praticiens hospitaliers sont moins demandeurs d'une journée libérée hors de leur service, que de bonnes raisons d'y rester.

3. Les 35 heures à l'hôpital

Votre commission souhaiterait également connaître le chiffrage du coût des 35 heures à l'hôpital.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur, le ministère a fourni la réponse suivante :

" Etablissements publics de santé

" A - Application des 35 heures

" L'accord salarial dans la fonction publique 1998-1999, qui concerne les personnels des établissements publics de santé, reconnaît que " la situation des trois fonctions publiques au regard du temps de travail présente une spécificité qui tient notamment à la diversité extrême de la réglementation et des pratiques ainsi qu'aux contraintes liées à la nature des missions de service public auxquelles concourent les fonctionnaires ". Il dispose que " la réflexion qui s'engagera sur le sujet... requiert une approche nécessairement liée à l'organisation administrative et à la qualité des services rendus à l'usager " et qu'en conséquence, " il est nécessaire de réaliser un état des lieux exhaustif de la réglementation et des pratiques effectives concernant le temps de travail ou les heures supplémentaires ".

" Cette mission a été confiée à M. Jacques Roché, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, qui a déposé son rapport en janvier 1999. La mission Roché estime que l'application des 35 heures dans les hôpitaux publics nécessite un délai d'au moins deux ans compte tenu d'une part des conclusions que fait apparaître l'état des lieux et d'autre part, des propositions à mettre en oeuvre.

"  L'état des lieux

" Pour l'essentiel, il apparaît que :

" - l'environnement réglementaire actuel s'avère inadapté et qu'il n'a pas empêché, malgré un cadre en principe rigide, une extrême diversité de situations développées par accumulation de mesures ponctuelles ;

" - la durée hebdomadaire du travail n'est plus qu'une référence théorique tant les instruments de modulation à la disposition des agents sont nombreux ;

" - faute de ligne directrice et d'un instrument de mesure uniforme, les différences affichées dans les durées de travail ne sont pas lisibles et non justifiées ;

" - les souplesses introduites dans l'aménagement du temps de travail n'ont pas été suffisamment axées sur les besoins des usagers ;

" - la réduction et l'aménagement du temps de travail n'ont pas été l'occasion d'une réflexion globale sur l'organisation du travail.

" Propositions à mettre en oeuvre :

" Elles découlent du constat :

" - un préalable nécessaire : uniformiser, dans un cadre législatif et réglementaire clair, la mesure du temps de travail dans les trois fonctions publiques :

" . une unité de temps de travail commune : l'heure,

" . et un décompte du temps de travail commun : l'année,

" - définir dans la réglementation la notion de durée effective du travail ;

" - assouplir et clarifier les instruments du temps de travail pour permettre un meilleur fonctionnement des administrations :

" . généralisation des horaires variables, calés sur les besoins des usagers,

" . introduction d'un compte épargne-temps,

" . refonte de la réglementation relative au travail à temps partiel.

" Pour les mener à bien, il est suggéré la mise en place d'un comité de pilotage et d'un observatoire au niveau national et de cellules locales afin d'assurer une concertation élargie, absolument indispensable (notamment avec les organisations syndicales). "

Dans la réponse du Gouvernement, il ne manque que l'estimation du coût...

4. Les fonds hospitaliers

Enfin, votre commission regrette les insuffisances des fonds institués par les lois de financement de la sécurité sociale pour favoriser l'adaptation du tissu hospitalier et la mobilité des personnels.

Interrogé sur l'utilisation des crédits du fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé, qui a pour mission de verser des aides à la mobilité ou à l'adaptation professionnelle aux agents hospitaliers travaillant dans des établissements concernés par une opération de restructuration, le ministère a fourni la réponse suivante :

" Etat de l'utilisation des crédits :

" La mise en place du FASMO s'est avérée délicate : les décrets d'application de l'article 25 de la loi du 19 décembre 1997 mentionnée ci-dessus ne sont intervenus que le 29 décembre 1998 et le fonds n'a commencé à fonctionner effectivement (dépôt des demandes d'aides) qu'à partir du deuxième trimestre de 1999.

" Dans ces conditions, le bilan ci-joint doit être analysé avec précaution. S'il fait apparaître que le montant des dépenses prévisibles pour 1999 est, à ce jour, très peu élevé (environ 30 millions de francs pour une dotation de 300 millions de francs versée par les régimes d'assurance maladie conformément au décret n° 98-1223 du 29 décembre 1998), il est certain que le FASMO va être beaucoup plus souvent sollicité d'ici au 31 décembre 1999.

" En tout état de cause, des dispositions réglementaires seront prises le moment venu pour, d'une part régulariser, compte tenu des dépenses effectivement réalisées, le montant des crédits dus au FASMO par l'assurance maladie au titre de 1998 et 1999, et d'autre part, pour déterminer -cette fois sur la base d'une évaluation plus précise car appuyée sur des opérations passées ou en cours- le montant de la dotation au titre de l'année 2000. "

Votre commission souligne par ailleurs que, contrairement à ce qui était prévu par la loi, le décret d'application n'a prévu aucune aide en faveur des personnels des établissements privés participant au service public hospitalier.

Elle souhaite connaître les intentions du Gouvernement concernant les deux fonds hospitaliers pour 2000.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 pour ses dispositions relatives aux équilibres généraux et à l'assurance maladie.

* 1 Seul le montant global des pertes de cotisations est connu. Il est cependant possible d'estimer les pertes de cotisations dues à la substitution 1997 et à la substitution 1998, en appliquant un taux de progression de 3,5 % aux pertes de cotisations constatées en 1997 (d'où le passage de 43,5 milliards de francs à 45,0 milliards de francs). Par soustraction, on obtient le montant des pertes de cotisations imputable à la seconde substitution.

* 2 Encore faut-il préciser que les nouveaux prélèvements ou les extensions de prélèvements ne portent souvent, la première année, que sur onze mois.

* 3 Les conventions suivantes ont été retenues : pour les prélèvements " tabacs " ou " alcools ", le rendement supplémentaire reste constant d'une année sur l'autre ; en revanche, pour les autres prélèvements, un taux de croissance de 5 à 10 % a été retenu.

* 4 Rapport sur les comptes de la Nation (septembre 1999), p. 9.

* 5 Rapport n° 58, tome I, p. 105.

* 6 Les employeurs ayant été tentés de retarder des hausses de salaires, en préparation du " choc " du renchérissement du coût du travail de 11,4 %.

* 7 La C3S pour 1999 est acquittée d'après le chiffre d'affaires réalisé en 1998, année de forte croissance. L'effet est identique à celui observé, en finances budgétaires, pour l'impôt sur les sociétés.

* 8 Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

* 9 p. 203.

* 10 Le solde des administrations publiques sociales est plus large que celui des lois de financement, puisqu'il inclut les régimes complémentaires vieillesse (notamment les régimes ARRCO et AGIRC) et le régime d'assurance chômage (UNEDIC).

* 11 p. 218.

* 12 Votre rapporteur avait demandé, dans le cadre du questionnaire adressé au Gouvernement, une " décontraction " de ce solde ; aucune réponse n'a été apportée à sa demande.

* 13 Ces excédents seront utiles dans les années à venir, en raison du " choc démographique " de 2005.

* 14 L'insertion des dépenses par branche des régimes de moins de 20.000 cotisants ne dégraderait que de façon très limitée (2 à 3 milliards de francs) les différents soldes présentés.

* 15 Cet effet négatif porte, il est vrai, sur l'ensemble des régimes d'assurance maladie.

* 16 Les recettes de la CNAMTS ont été surestimées, au détriment de la CNAVTS.

* 17 " Les lois de financement de la sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible " , rapport n° 433 (1998 - 1999).

* 18 Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale de septembre 1997, p. 51.

* 19 " Nous souhaitons pouvoir présenter les comptes en droits constatés en l'an 2000 ", indiquait Mme Martine Aubry le 16 novembre 1998.

* 20 p. 35-36.

* 21 Notamment le changement de système informatique de l'URSSAF de Paris.

* 22 Cf. infra, compte rendu de cette audition.

* 23 Il s'est prononcé le 15 octobre 1999, en annulant les dispositions attendues.

* 24 L'annexe c), dont les services du ministère ont omis de mettre à jour le texte, mentionne " le schéma de redressement financier du régime général présenté page 28 ". Ce schéma est présenté page 30. S'agissant d'une dégradation de 12 milliards de francs, l'affirmation ne manque pas de saveur.

* 25 Cf. rapport de M. Alain Vasselle sur la vieillesse pour une analyse plus approfondie de ces mesures.

* 26 Cf. rapport de M. Jacques Machet sur la famille pour une analyse plus approfondie de ces mesures.

* 27 Cf. partie II pour une analyse plus approfondie de ces mesures.

* 28 Le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait une mesure corrective, négative, de l'ONDAM tendanciel. L'ONDAM prévu a été réalisé.

* 29 Cf. rapport de votre commission sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, p. 127-131.

* 30 Aucun document écrit n'a été remis aux partenaires sociaux.

* 31 Une telle appellation mérite assurément des guillemets.

* 32 S'agit-il de 2002 ? de 2005 ?

* 33 " Les lois de financement de la sécurité sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible ", n°433 (1998-1999), p. 100.

* 34 En raison de la " défaillance " de l'UNEDIC.

* 35 Sauf la contribution de l'Etat sous la forme d'une ligne budgétaire.

* 36 Avis n° 1873, p. 56.

* 37 " Toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ".

* 38 L'UNEDIC ne semblait pas, à l'époque, concernée.

* 39 Projet de loi n° 512 (XIème législature) d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail, déposé le 10 décembre 1997.

* 40 Rapport n° 306 (1997-1998), p. 112-115.

* 41 " 40 milliards auront pour origine le " recyclage " des fonds perçus en plus, ou dépensés en moins, par les divers organismes sociaux du fait de la reprise de la croissance ". (c'est votre rapporteur qui souligne). Bulletin des commissions n° 24, AN - p. 2.561.

* 42 Cf. rapport déposé pour le débat d'orientation budgétaire de juin 1999.

* 43 Selon l'expression de Mme Nicole Notat.

* 44 Rapport d'information n° 459 (1998-1999).

* 45 Entretien télévisé à France 2 du 13 septembre 1999.

* 46 Les deux milliards de francs sont encore dans les comptes de l'ORGANIC.

* 47 Cf. deuxième partie de ce rapport, pour une analyse complète.

* 48 JO Débats AN, 3 ème séance du 29 octobre 1999, p. 8611.

* 49 Cf. rapport de M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse.

* 50 Cf. partie du rapport consacrée à l'assurance maladie.

* 51 Cf. rapport de M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille.

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