C. LA CONVENTION DE L'O.C.D.E DU 17 DÉCEMBRE 1997
1. L'élaboration de la convention
Le
thème de la corruption internationale figure à l'ordre du jour
des travaux de l'O.C.D.E depuis 1989. Selon le rapport de cette organisation
pour 1998, "
l'O.C.D.E s'est fixée deux objectifs fondamentaux
pour ses travaux : lutter contre la corruption dans les transactions
commerciales internationales et aider à créer des conditions
concurrentielles égales pour toutes les entreprises
"
2(
*
)
.
Plusieurs des comités de l'organisation ont alors entrepris des
études sur divers aspects de la corruption. Le comité de
l'investissement international et des entreprises multilatérales (CIME)
a mis en place un groupe de travail sur la corruption dans le cadre de
transactions commerciales internationales. En 1994, sur la base des travaux de
ce comité, l'O.C.D.E a adopté une recommandation invitant les
pays membres à prendre des mesures efficaces pour décourager,
prévenir et combattre la corruption internationale des agents publics
étrangers.
En mai 1996, les pays membres de l'O.C.D.E ont adopté une
recommandation relative à la déductibilité fiscale des
commissions versées à des agents publics étrangers. Au
cours de la même année, le Conseil de l'O.C.D.E s'est
engagé sur la voie d'une incrimination de la corruption d'agents publics
étrangers. Il semble que la France et l'Allemagne aient alors fortement
insisté pour qu'une telle incrimination prenne place dans une
convention, instrument juridique contraignant et non dans une simple
recommandation.
En mai 1997, le Conseil de l'O.C.D.E a adopté une recommandation
révisée sur la lutte contre la corruption dans les transactions
commerciales internationales, qui fixait notamment un calendrier très
précis pour l'adoption d'une convention destinée à
permettre l'incrimination d'agents publics étrangers.
La convention a été définitivement élaborée
au cours d'une conférence de négociation tenue du 17 au
21 novembre 1997 et a été signée le
17 décembre 1997 par les 29 Etats membres de l'O.C.D.E
3(
*
)
ainsi que par l'Argentine, le
Brésil, la Bulgarie, le Chili et la République Slovaque.
2. Le contenu de la convention
Le préambule de la convention du 17 décembre 1997 rappelle que " la corruption est un phénomène répandu dans les transactions commerciales internationales, y compris dans le domaine des échanges et de l'investissement, qui suscite de graves préoccupations morales et politiques, affecte la bonne gestion des affaires publiques et le développement économique et fausse les conditions internationales de concurrence ".
a) Définition de l'infraction
La
convention invite, dans son article premier, les Etats parties à
incriminer la
corruption active d'agent public étranger
définie comme "
le fait intentionnel, pour toute personne,
d'offrir, de promettre ou d'octroyer un avantage indu pécuniaire ou
autre, directement ou par des intermédiaires, à un agent public
étranger, à son profit ou au profit d'un tiers, pour que cet
agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions
officielles, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre
avantage indu dans le commerce international
".
Les Etats parties devraient également incriminer la complicité de
corruption d'agent public étranger.
Il convient d'indiquer que la notion
d'agent public étranger
au
sens de la convention désigne toute personne qui détient un
mandat législatif, administratif ou judiciaire dans un pays
étranger, qu'elle ait été nommée ou élue,
toute personne exerçant une fonction publique pour un pays
étranger, y compris pour une entreprise ou un organisme publics, et tout
fonctionnaire ou agent d'une organisation internationale publique.
b) Sanctions
L'article 3 de la Convention prévoit, d'une part, que la
corruption doit être passible de sanctions pénales efficaces,
proportionnées et dissuasives, d'autre part, que
"
l'éventail des sanctions applicables doit être
comparable à celui des sanctions applicables à la corruption des
agents publics de la Partie en question (...)
".
L'article 2 invite chaque partie à prendre les mesures
nécessaires, conformément à ses principes juridiques, pour
établir la responsabilité des personnes morales en cas de
corruption d'un agent public étranger. L'article 3 complète
ces dispositions en précisant que lorsque la responsabilité
pénale n'est pas applicable aux
personnes morales
, la partie
concernée doit faire en sorte que les personnes morales soient passibles
de sanctions non pénales efficaces, proportionnées et dissuasives.
Il convient enfin de noter, et votre rapporteur insistera ultérieurement
sur cet aspect, que le préambule de la convention indique
"
qu'assurer l'équivalence entre les mesures que doivent
prendre les parties constitue un objet et un but essentiels de la convention
qui exigent que la convention soit ratifiée sans dérogation
affectant cette équivalence
".
c) Surveillance et suivi
L'article 12 de la convention invite les Etats parties
à
coopérer pour mettre en oeuvre un programme de suivi systématique
afin de surveiller et promouvoir la pleine application de la convention. Cette
action sera menée au sein du groupe de travail de l'O.C.D.E sur la
corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales.
Le système de suivi doit en particulier comporter deux séries
d'évaluations. La première, qui a débuté dès
le mois d'avril dernier, est consacrée à l'étude des
textes de transposition adoptés par les parties. Chaque pays voit sa
législation examinée par des représentants de deux pays
examinateurs, afin que soit évalué le respect par les parties des
dispositions de la convention.
Une seconde évaluation devrait ultérieurement être
consacrée à la mise en oeuvre concrète des lois de
transposition. Une visite d'évaluation devrait intervenir dans chacun
des Etats parties.
d) Règles de compétence
L'article 4 de la convention prévoit notamment que chaque partie ayant compétence pour poursuivre ses ressortissants à raison d'infractions commises à l'étranger doit prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence à l'égard de la corruption d'un agent public étranger.
e) Autres stipulations
L'article 7 invite chaque partie à faire en sorte
que la
corruption d'agent public étranger soit une infraction principale aux
fins de l'application de sa législation relative au blanchiment de
capitaux lorsque la corruption de ses propres agents est une infraction
principale au fins de l'application de cette législation.
L'article 9 incite les parties à accorder une entraide judiciaire
prompte et efficace aux autres parties aux fins des enquêtes et des
procédures pénales engagées par une partie. En
particulier, le secret bancaire ne peut constituer un motif de refus de
l'entraide judiciaire.
L'article 10 concerne l'extradition et prévoit notamment que chaque
partie doit prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte soit de
pouvoir extrader ses ressortissants, soit de pouvoir les poursuivre à
cause de l'infraction de corruption d'un agent public étranger.
f) Entrée en vigueur
L'article 15 prévoit un régime
d'entrée en
vigueur de la convention relativement complexe. Il prévoit en effet une
entrée en vigueur le soixantième jour suivant la date à
laquelle cinq pays qui comptent parmi les dix premiers pays pour la part des
exportations, et qui représentent à eux cinq au moins 60 %
des exportations totales cumulées de ces dix pays, auront
déposé leur instrument d'acceptation, d'approbation ou de
ratification. La grande complexité de cette clause est
révélatrice de la crainte de nombre d'Etats que la convention ne
conduise, si elle n'est pas mise en oeuvre partout, à des distorsions de
concurrence.
En pratique, la convention est entrée en vigueur le
15 février 1999, à la suite des ratifications par le
Japon, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, ces pays
représentant 66,4 % des exportations des dix premiers pays pour la
part des exportations.
Le tableau suivant résume l'état des ratifications de la
convention.
Etats signataires |
Ratification |
Argentine |
|
Australie |
|
Autriche |
20 mai 1999 |
Belgique |
27 juillet 1999 |
Brésil |
|
Bulgarie |
22 décembre 1998 |
Canada |
17 décembre 1998 |
Chili |
|
République Tchèque |
|
Danemark |
|
Finlande |
10 décembre 1998 |
France |
|
Allemagne |
10 novembre 1998 |
Grèce |
5 février 1999 |
Hongrie |
4 décembre 1998 |
Islande |
17 août 1998 |
Irlande |
|
Italie |
|
Japon |
13 octobre 1998 |
Corée |
4 janvier 1999 |
Luxembourg |
|
Mexique |
27 mai 1999 |
Pays-Bas |
|
Nouvelle-Zélande |
|
Norvège |
18 décembre 1998 |
Pologne |
|
Portugal |
|
Slovaquie |
24 septembre |
Espagne |
|
Suède |
8 juin 1999 |
Suisse |
|
Turquie |
|
Royaume-Uni |
14 décembre 1998 |
Etats-Unis |
8 décembre 1998 |
En ce qui concerne l'état de la procédure en France, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant la ratification de la convention le 24 avril 1999 sur le rapport de notre collègue M. Christian de La Malène 4( * ) et l'Assemblée nationale a fait de même le 25 mai. Le Gouvernement n'a toutefois pas déposé les instruments de ratification, souhaitant que la convention et la loi de transposition dans le code pénal et dans le code de procédure pénale entrent en vigueur simultanément.