Proposition de loi visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir
AMOUDRY (Jean-Paul)
RAPPORT 31 (1999-2000) - commission des lois
Tableau comparatif au format Acrobat ( 81 Ko )Fichier au format Acrobat ( 86 Ko )
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
I. LES AMÉNAGEMENTS DU PRINCIPE DE GRATUITÉ
DES SECOURS N'ONT PAS PERMIS D'APPORTER UNE RÉPONSE GLOBALE
- A. DES MODULATIONS RÉCENTES D'UN PRINCIPE ANCIEN
-
B. LE DISPOSITIF ACTUEL APPARAÎT INCOMPLET
- 1. La portée du principe de gratuité des secours en cas d'accident sportif a aussi été limitée
- 2. Un cadre juridique encore insatisfaisant
- 3. Les imprudences demeurent, mais leur coût est ignoré
- 4. Le financement des secours en montagne dans les pays voisins99 Les développements ci-après sont tirés d'informations contenues dans une étude de législation comparée établie par le service des Affaires européennes du Sénat (n° LC 61 - septembre 1999).
- II. LA PROPOSITION DE LOI : ACCOMPAGNER LA LIBERTÉ PAR UNE RESPONSABILITÉ PARALLÈLE
- III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
-
I. LES AMÉNAGEMENTS DU PRINCIPE DE GRATUITÉ
DES SECOURS N'ONT PAS PERMIS D'APPORTER UNE RÉPONSE GLOBALE
-
TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION
- ANNEXES
- - Décret n° 87-141 du 3 mars 1987 et circulaire du 4 décembre 1990 ;
- - Réponse ministérielle à la question écrite n° 14726 de M. Hubert Haenel ;
- - Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation n° 98-82269 du 9 mars 1999.
N° 31
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 octobre 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à permettre aux communes d'exiger des intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion d' accidents consécutifs à la pratique d'une activité sportive ou de loisir ,
Par M.
Jean-Paul AMOUDRY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir le
numéro :
Sénat :
267
(1998-1999).
Communes. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le 27 octobre 1999 sous la présidence de
M.
Jacques Larché, président, la commission des Lois a
examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Amoudry, la proposition de loi
de M. Jean Faure
visant à permettre aux communes d'exiger des
intéressés le remboursement des frais de secours qu'elles ont
engagés à l'occasion d'accidents consécutifs à la
pratique d'une activité sportive ou de loisir.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a, tout d'abord, rappelé que la
multiplication des
accidents provoqués par l'imprudence
de
sportifs entraînait des
charges excessives pour les petites
communes
et que le
principe de gratuité des secours ne
revêtait déjà plus un caractère absolu, tant
en France que dans la plupart de ses pays voisins
.
Il a constaté que
la possibilité
accordée
il y a 12 ans aux communes
de demander, aux personnes secourues à
la suite d'un accident de ski, le remboursement des dépenses
engagées, avait donné satisfaction aux acteurs concernés,
sans provoquer une augmentation du contentieux.
Il a estimé que l'extension de ce régime
à toutes
les activités sportives et de loisir
permettrait d'accompagner la
liberté préservée de prendre un risque, de son corollaire,
la responsabilité
. Il a confirmé que cette extension
ne
remettrait pas en cause le droit de bénéficier des secours sans
condition préalable
et ne transférerait pas la charge
des communes vers d'autres collectivités, donc
vers d'autres
contribuables
.
La commission a constaté que le dispositif proposé ne
comporterait
aucune mesure contraignante
, comme un renforcement des lois
pénales ou une obligation d'assurance et faciliterait
l'
égalité
des communes devant le risque
en leur
permettant -
sans
jamais les y obliger
- de demander une
participation aux frais de secours, laissant aux intéressés la
possibilité de contracter une assurance appropriée.
En conséquence, la commission des Lois propose au Sénat que
les communes puissent demander une
participation financière
aux
personnes secourues à l'occasion de toute activité sportive ou de
loisir.
Les communes détermineraient librement les conditions de cette
participation, qui pourrait être totale ou partielle, et seraient tenues
d'informer le public sur la réglementation qu'elles auraient
adoptée, par un affichage en mairie et, le cas échéant,
sur les lieux où sont apposées les consignes de
sécurité.
Mesdames, Messieurs,
Le risque pris pour eux-mêmes et pour leurs sauveteurs par trois
randonneurs, en février dernier dans le massif de la Vanoise, et le
coût des opérations de sauvetage, évalué à
300.000F, ont relancé le débat sur l'opportunité d'adopter
des dispositions de nature à accroître l'esprit de
responsabilité de certains pratiquants de sports ou de loisirs,
notamment en élargissant les cas dans lesquels les communes peuvent
demander aux personnes secourues le remboursement de tout ou partie des
dépenses qu'elles ont engagées.
D'autres exemples, dont celui cité devant la commission par notre
collègue Christian Bonnet, de plaisanciers ayant
négligé d'avertir de leur retour et ayant provoqué le
déclenchement d'opérations de secours de grande envergure, font
également réfléchir.
Cette question est évoquée depuis plusieurs années par
notre collègue, M. René-Georges Laurin, rapporteur pour
avis de la commission des Lois pour les crédits de la
sécurité civile, qui indiquait, lors de la séance du
6 décembre 1997 que "
la question ne pourra pas
être éludée indéfiniment
".
La présente proposition de loi, déposée par notre
excellent collègue le président Jean Faure, a
précisément pour objet d'apporter un traitement législatif
à cette question, destiné non pas à restreindre la
liberté de pratiquer le sport ou le loisir de son choix, mais à
accompagner cette liberté de la responsabilité.
Votre rapporteur a naturellement tenu à étudier cette question en
concertation avec les différents acteurs concernés
(ministère de l'Intérieur, élus locaux,
fédérations sportives, sociétés d'assurance,
sauveteurs).
Avant d'analyser les dispositions proposées, il a paru souhaitable de
montrer que les modulations déjà apportées au principe de
gratuité des secours, n'ont pas permis jusqu'à présent,
d'apporter une réponse globalement satisfaisante.
I. LES AMÉNAGEMENTS DU PRINCIPE DE GRATUITÉ DES SECOURS N'ONT PAS PERMIS D'APPORTER UNE RÉPONSE GLOBALE
A. DES MODULATIONS RÉCENTES D'UN PRINCIPE ANCIEN
1. Origine et fondement du principe
Le
principe de la gratuité des secours a été établi
par une ordonnance du 11 mars 1733 et confirmé par la loi du
11 frimaire an VII.
Ce principe, posé à une période où l'incendie
constituait un péril redoutable, était motivé par des
raisons d'ordre public
. Il s'agissait d'éviter que les victimes
n'omettent de solliciter les secours pour des raisons financières et
donc de prévenir l'extension éventuelle d'un sinistre.
Ce principe a été progressivement étendu par la
jurisprudence administrative et judiciaire à l'ensemble des
opérations de secours.
La puissance publique doit donc protéger tous les habitants contre les
dangers qu'une personne seule ne peut maîtriser, le secours étant
organisé et financé par la collectivité afin de pouvoir
bénéficier à chacun.
Le principe de la gratuité des secours,
corollaire du
pouvoir
de police du maire
, résulte de l'article 13 de la
loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à
l'organisation de la sécurité civile, à la protection de
la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques
majeurs et des articles L. 2212-2 et L. 2321-2 du code
général des collectivités territoriales.
Il appartient au maire, dans le cadre de son pouvoir de police municipale,
d'assurer "
le bon ordre,
la sûreté, la
sécurité et la salubrité publiques
", ce qui
comprend notamment, selon l'article L. 2212-2 (5°) du code
général des collectivités territoriales :
"
le soin de prévenir, par des précautions convenables,
et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les
accidents
(...)
, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures
d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de
l'administration supérieure
".
Chargée de prévenir et de secourir, la commune doit aussi
financer "
les dépenses de personnel et de matériel
relatives au service d'incendie et de secours
", qui figurent parmi
les dépenses obligatoires des communes, fixées par
l'article L. 2321-2 du code général des
collectivités territoriales.
Lorsque l'Etat, une collectivité publique ou une personne
privée intervient dans une opération de secours, en particulier
pour mettre en oeuvre des moyens importants dont la commune ne dispose pas, les
dépenses sont supportées par la collectivité qui a
"
bénéficié des secours
",
sauf en
cas de déclenchement d'un plan ORSEC et sous réserve des
règles particulières de prise en charge des dépenses des
services d'incendie et de secours (SDIS) dans le cadre du département
(article 13 de la loi n° 87-565 du
22 juillet 1987 précitée).
"
La police des baignades et des activités nautiques
pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des
engins non immatriculés
", est traitée par les
dispositions particulières de l'article L. 2213-23 du code
général des collectivités territoriales.
Cette police est exercée par le maire sur le littoral et jusqu'à
300 mètres à partir du rivage.
Le maire doit réglementer l'utilisation des aménagements
réalisés pour la pratique de ces activités, informer le
public sur les sites et pourvoir d'urgence aux mesures d'assistance et de
secours nécessaires.
Il détermine les zones et les périodes de surveillance.
Hors de ces zones et périodes, les baignades et activités
nautiques "
sont pratiquées aux risques et périls des
intéressés
".
Le principe de gratuité des secours a progressivement subi des
aménagements pour tenir compte de l'apparition de risques nouveaux ne
pouvant pas toujours être supportés par les collectivités
publiques concernées.
2. Une évolution récente
La
portée du principe de gratuité des secours a d'abord
été contenue dans certaines limites avant que le
législateur n'y apporte quelques exceptions.
Dans un arrêt du 5 décembre 1984
1(
*
)
, le Conseil d'Etat a décidé que
"
la commune doit supporter la charge financière des
interventions des sapeurs-pompiers, dans la limite des besoins normaux de
protection des personnes et des biens auxquels la collectivité est tenue
de pourvoir dans l'intérêt général.
"
Toutefois, la commune est fondée à poursuivre le
remboursement des frais exposés pour des prestations
particulières qui ne relèvent pas de la nécessité
publique
. "
Ce principe a été repris par l'article 42 de la
loi n° 96-369 relative aux services d'incendie et de secours et
figure désormais à l'article L. 1424-42 du code
général des collectivités territoriales.
Le SDIS n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se
rattachent directement à ses missions de service public (en particulier,
protection contre les incendies et, avec les autres services ou professionnels
concernés, protection contre les accidents, secours d'urgence).
Lorsqu'il procède à des interventions ne se rattachant pas
à ces missions (par exemple, retrait de nids de guêpes), le SDIS
peut demander aux bénéficiaires une participation aux frais, dans
les conditions déterminées par son conseil d'administration. Une
quarantaine de départements ont d'ores et déjà mis en
oeuvre cette faculté.
Ainsi délimité, le principe de gratuité des secours
connaît également d'autres exceptions issues directement d'une
initiative législative.
Par exemple, la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 (article 18)
permet aux personnes de droit public étant intervenues
matériellement ou financièrement pour prévenir ou limiter
les conséquences d'un accident présentant un danger pour la
sécurité civile, la qualité, la circulation ou la
conservation des eaux, de demander le remboursement des frais exposés
par les personnes auxquelles incombe la responsabilité de l'accident.
A cet effet, les personnes morales peuvent se constituer partie civile devant
les juridictions pénales saisies de poursuites consécutives
à l'accident.
De même, la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975
relative à l'élimination des déchets et à la
récupération des matériaux (article 4-2
résultant de la loi n° 92-646 du
13 juillet 1992), prévoit-elle que l'intervention
matérielle ou financière d'une personne publique à la
suite d'un accident lié à une opération
d'élimination des déchets peut donner lieu à indemnisation
par les responsables des frais engagés, selon la même
procédure de constitution de partie civile devant la juridiction
pénale.
Par ailleurs, l'article 35 de la loi du 22 juillet 1987
précitée ouvre aux personnes de droit public la
possibilité de se constituer partie civile en cas de poursuites
judiciaires pour incendie volontaire de forêt, en vue d'obtenir le
remboursement des frais exposés pour lutter contre l'incendie.
Le secours apporté par une collectivité publique peut donc, en
différents domaines et dans les conditions fixées par la loi,
donner lieu à remboursement par la personne responsable,
le principe
de gratuité des secours n'apparaissant donc pas de portée
absolue.
Le secours aux sportifs accidentés peut, lui aussi, dans certains cas,
donner lieu à remboursement.
B. LE DISPOSITIF ACTUEL APPARAÎT INCOMPLET
1. La portée du principe de gratuité des secours en cas d'accident sportif a aussi été limitée
L'article L. 2321-2 (7°) du code
général des collectivités territoriales, issu de
l'article 97 de la loi n° 85-30 du
9 janvier 1985, dite " loi montagne ",
accorde aux
communes la possibilité de demander auprès des
intéressés ou de leurs ayants-droit le remboursement des frais de
secours qu'elles ont engagés à l'occasion d'accidents
consécutifs à la pratique des activités sportives dont la
liste est fixée par décret.
Cet article donne compétence aux communes pour déterminer les
conditions de ce remboursement, qui peut porter sur la
totalité des
frais ou sur une partie seulement de ceux-ci,
et met à la charge de
la commune
une obligation d'information du public
sur les conditions de
remboursement par une publicité appropriée en mairie et sur les
lieux où se pratiquent les activités sportives
concernées
.
Bien que le législateur n'ait pas lui-même fixé de limites
particulières aux activités sportives susceptibles d'entrer dans
son champ,
le décret d'application de l'article L. 2321-2
(7°) du code précité, n° 87-141 du
3 mars 1987
2(
*
)
, limite strictement au
ski alpin et au ski de fond les activités pouvant faire l'objet d'un
remboursement
des frais de secours, les autres activités sportives
n'étant pas concernées par cette exception au principe de
gratuité des secours.
Une circulaire du 4 janvier 1990 précise les conditions dans
lesquelles les dispositions législatives et réglementaires
peuvent être mises en oeuvre
1
.
Le texte rappelle d'abord que le maire, responsable de la
sécurité publique sur le territoire de sa commune, est
chargé de l'organisation des secours.
Il provoque l'intervention du représentant de l'Etat dans le
département, s'il y a lieu, "
en particulier lorsque les moyens
à mettre en oeuvre dépassent ceux de la commune
".
Le secours comprend les recherches et les secours sur les pistes et hors pistes
et l'évacuation d'urgence jusqu'au centre de soins approprié.
En conséquence, la responsabilité du maire s'arrête,
vis-à-vis de la victime, à son arrivée dans une structure
hospitalière appropriée et, vis-à-vis des intervenants,
à leur retour sur leur lieu de travail ou à domicile.
Lorsqu'une station de ski est située sur le territoire de plusieurs
communes, chaque maire reste responsable des secours sur son territoire
communal.
Lorsque le conseil municipal décide, par délibération
expresse, de confier par convention les secours à des prestataires de
services publics ou privés, le maire n'est pas pour autant
dégagé de sa responsabilité juridique en matière de
police administrative des secours et conserve ses prérogatives et
obligations en matière de direction des secours.
Si plusieurs communes se regroupent en syndicat pour les prestations de
secours, le syndicat n'a pas de compétence de police et se trouve,
vis-à-vis de la commune concernée dans la même situation
qu'un prestataire privé.
L'exception au principe de gratuité des secours pour les accidents
liés à la pratique du ski ne s'applique qu'aux skieurs et est
subordonnée à une délibération du conseil municipal
qui porte sur le principe du remboursement (dates d'application,
activités concernées) et sur la tarification.
La circulaire préconise, plutôt qu'une tarification forfaitaire,
un tarif horaire, appliqué tant aux personnels qu'aux moyens
matériels mis en oeuvre et différencié entre le jour et la
nuit, ce qui permet de moduler le remboursement selon les circonstances
réelles du secours.
La délibération du Conseil municipal doit être
portée à la connaissance du public (tarification y compris)
"
par affichage en mairie, dans tous les lieux où sont
apposées les consignes relatives à la sécurité
ainsi que dans les principaux points de passage obligé des
skieurs : office de tourisme, écoles de ski, zones d'affichage du
domaine skiable, halls des remontées mécaniques, service des
pistes, etc.
".
Enfin, la circulaire précise que les secours ne doivent pas être
subordonnés à une vérification préalable de la
solvabilité de la personne secourue.
Il reste à définir précisément ce que sont le ski
alpin et le ski de fond.
On considère généralement que le ski alpin est en relation
avec l'utilisation d'une remontée mécanique, sans pour autant
savoir de manière certaine s'il comprend d'autres sports de glisse,
comme le monoski ou le surf.
A quelle catégorie peut-on rattacher le ski de montagne avec
montée à peaux de phoque ?
Quoi qu'il en soit, les associations des élus de la montagne ou des
maires de stations de sports d'hiver, ainsi que la Fédération
française de ski, entendues par votre rapporteur, ont paru se satisfaire
du régime institué pour le ski, considérant que la
pratique massive de ces sports sur des lieux en général
déterminés se prêtait bien à un tel dispositif.
L'extension réglementaire éventuelle du champ des
activités sportives pouvant donner lieu à remboursement des frais
de secours, par modification du décret du 3 mars 1987 limitant
celui-ci au ski alpin et au ski de fond, a été envisagée
à plusieurs reprises.
Les réflexions engagées à ce sujet par les ministres de
l'Intérieur, MM. Philippe Marchand en 1991 et
Jean-Louis Debré en 1996, n'ont pas débouché sur une
modification de ce décret, l'actuel ministre,
M. Jean-Pierre Chevènement l'ayant aussi exclu à
plusieurs reprises.
La seule dérogation législative au principe de gratuité
des secours, en cas d'accident sportif, ne concerne donc à ce jour que
le ski.
Pourtant, la Société nationale de secours en mer (SNSM) a
indiqué à votre rapporteur qu'elle facturait ses interventions
pour récupérer le matériel accidenté, le sauvetage
des personnes restant gratuit en toute hypothèse.
Cette association reconnue d'utilité publique, dont les recettes sont
alimentées par des subventions de l'Etat et de collectivités
territoriales ainsi que par des contributions d'entreprises partenaires a
établi un barème de rapatriement des embarcations,
approuvé par le ministre de l'Equipement.
A cet égard, un décret n° 94-491 du
16 juin 1994 relatif à la rémunération de
certains services rendus par les navires des administrations civiles de l'Etat
prévoit que les opérations de remorquage, de dépannage et
de transport au profit des embarcations et des engins privés en
difficulté donnent lieu à rémunération pour
services rendus, celle-ci couvrant les dépenses engagées et,
éventuellement, "
le montant justifié des dommages
causés, du fait de ces opérations, aux personnels et aux biens de
l'Etat
".
Ce texte, susceptible de s'appliquer à des accidents sportifs en mer, ne
concerne que le sauvetage des biens, et non celui des personnes et ne traite
que des dépenses engagées par l'Etat.
En effet, selon l'article 17 de la loi n° 67-545 du
7 juillet 1967 relative aux événements de mer,
"
il n'est dû aucune rémunération pour les
personnes sauvées
".
Il apparaît donc globalement que le principe de gratuité des
secours, d'application assez large dans le domaine sportif, ne connaît,
en définitive, que des exceptions limitées.
2. Un cadre juridique encore insatisfaisant
Le
dispositif actuel apparaît insuffisant pour dissuader les comportements
imprudents.
Certes, à plusieurs reprises,
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, a
indiqué, pour motiver son refus d'étendre à d'autres
activités sportives que le ski les dispositions de
l'article L. 2321-2 (7°) du code général des
collectivités territoriales, que "
le dispositif pénal
existant permet aux victimes ou à leurs ayants-droit, ainsi qu'aux
autorités publiques concernées d'engager des actions de recherche
en responsabilité pénale pour les pratiquants
" qui
auraient exposé autrui à un risque immédiat de mort, aux
termes de l'article 223-1 du code pénal
3(
*
)
.
Pour illustrer ce propos, le ministre évoque une condamnation
prononcée sur la base de cet article, confirmée le
9 mars 1999 par la Cour de cassation
4(
*
)
.
L'article L. 223-1 du code pénal prévoit que
"
le fait d'exposer directement autrui à un risque
immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement
délibérée d'une obligation particulière de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le
règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 100.000 F
d'amende
".
L'article 223-1 du code pénal, appliqué le plus souvent dans
le domaine de la circulation routière, peut également
l'être en cas d'accident sportif, si les conditions posées par le
texte sont réunies.
Dans l'arrêt de la Cour de cassation invoqué par le ministre de
l'Intérieur, a été confirmé le principe selon
lequel "
l'élément intentionnel de l'infraction
résulte du caractère manifestement
délibéré de la violation d'une obligation
particulière de prudence ou de sécurité
imposée
par la loi ou le règlement,
de nature à causer un risque
immédiat
de mort ou de blessure grave à autrui
".
La Cour de cassation, dans un autre arrêt du
16 février 1999 précise que les juridictions du fond ne
sont pas tenues de constater si l'auteur du délit doit avoir eu
connaissance de la nature du risque particulier mais qu'elles doivent
"
caractériser le lien immédiat entre la violation des
prescriptions réglementaires et le risque
"
auquel ont
été exposées les personnes en danger. Par sa position, la
Cour de cassation veut éviter que les auteurs de risques
éventuels puissent s'exonérer en invoquant leur inconscience du
danger éventuel pour autrui.
Dans l'arrêt précité du 9 mars 1999, la Cour de
cassation relève que le pratiquant expérimenté de surf
avait, à deux reprises en deux jours, emprunté une piste
interdite par un arrêté municipal, la piste étant
barrée par une corde et signalée par des panneaux d'interdiction.
De plus, les services météorologiques signalaient un risque
maximum d'avalanche et la personne mise en cause avait été
alertée par un conducteur de télésiège.
L'arrêt de la cour d'appel de Pau, dont la décision a
été confirmée, relevait que la configuration de la piste
ne permettait pas d'apprécier la présence ou l'absence d'autres
usagers, le lien entre la violation des prescriptions et le risque pour autrui
étant établi.
Cependant, tous les cas d'imprudence sportive ne correspondent pas à une
mise en danger d'autrui au sens de l'article 223-1 du code pénal,
ne serait-ce que lorsqu'une personne se met elle-même en danger et
provoque ainsi l'organisation des secours.
De plus, "
la mise en danger d'autrui
" suppose de la part du
maire, d'une part, une réglementation de sécurité
suffisamment précise et, d'autre part, une information suffisante sur le
règlement, sans laquelle il ne peut y avoir violation
délibérée.
Or, l'information du public, à la charge du maire selon
l'article 2321-2 (7°) du code général des
collectivités territoriales, peut s'avérer difficile lorsque
l'activité sportive ou de loisir à réglementer ne se
pratique pas sur des pistes ou sur des sites connus à l'avance.
Comme l'a indiqué notre excellent collègue M. Pierre Fauchon,
dans le rapport du groupe de travail sur la responsabilité pénale
des élus locaux, le délit de mise en danger d'autrui est
lui-même susceptible de s'appliquer aux élus locaux qui feraient
exécuter des travaux sans respecter, en toute connaissance de cause, les
règles applicables en matière de sécurité
5(
*
)
.
L'article 223-1 du code pénal, invoqué par le ministre de
l'Intérieur comme un moyen de responsabiliser les pratiquants
d'activités sportives et de loisir, peut donc tout aussi bien permettre
un engagement de la responsabilité pénale du maire.
Certes, le sportif imprudent pourrait aussi voir sa responsabilité
pénale engagée pour homicide ou blessures involontaires.
Les articles 221-6 et 222-19 du code pénal définissent
l'homicide (ou les blessures) involontaires comme "
le fait de causer,
par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement
à une obligation de sécurité ou de prudence imposée
par la loi ou les règlements, la mort d'autrui (ou une incapacité
de travail de plus de 3 mois)
".
La peine encourue est aggravée en cas de "
manquement
délibéré à une obligation de sécurité
ou de prudence imposée par la loi ou les
règlements
".
La constitution de ces délits d'imprudence n'est pas subordonnée,
dans toutes les hypothèses, à une infraction à des
règlements de sécurité
6(
*
)
.
La faute, qui ne doit pas nécessairement être lourde, doit avoir
un rapport de cause à effet avec l'accident.
Là encore, la responsabilité pénale pour homicide ou
blessures involontaires peut être invoquée à l'encontre du
maire s'étant abstenu, malgré le risque avéré
d'accident, de prendre un règlement de sécurité.
En définitive, les dispositions pénales, sans doute utiles, se
sont avérées insuffisantes pour le traitement de la question
posée ne serait-ce que parce que la condamnation nécessite des
preuves que les conditions d'organisation des secours ne permettent pas
toujours d'établir facilement, la constatation de l'infraction devant
être faite par un officier de police judiciaire.
Enfin, l'imprudence fautive du pratiquant accidenté n'exonère
pas en totalité la responsabilité qui incombe à la commune
sur la base des pouvoirs de police du maire, au titre des conséquences
dommageables d'un accident.
En effet, selon les articles L. 2216-1 et L. 2216-2 du code
général des collectivités territoriales, la commune est
civilement responsable des dommages qui résultent de l'exercice des
attributions de police municipale, au nombre desquelles figurent la
prévention des accidents et la distribution des secours, sa
responsabilité étant supprimée ou atténuée
en cas de substitution par une autorité relevant de l'Etat.
La circulaire précitée du 4 décembre 1990
prévoit que les communes peuvent se garantir en responsabilité
civile envers les tiers et indique que la direction des assurances a
proposé à ce sujet un modèle de contrat.
Le Conseil d'Etat et, plus récemment, la Cour administrative d'appel de
Lyon
7(
*
)
ont jugé que la faute de
l'accidenté atténuait, pour moitié du préjudice
subi, la responsabilité de la commune qui n'avait pas informé le
public de manière suffisante.
Enfin, les dépenses de secours supportées par une commune
permettraient-elles à celle-ci d'engager la responsabilité civile
de la personne secourue sur la base des articles 1382 ou 1383 du code
civil ?
Une réponse négative paraît devoir être donnée
à cette question car le financement des opérations de secours
constitue une obligation légale de la commune, établie par
l'article L. 2321-2 (7°) du code général des
collectivités territoriales.
3. Les imprudences demeurent, mais leur coût est ignoré
L'accès mieux partagé au loisir et l'apparition
de
nouvelles activités, chaque année plus nombreuses, correspondent
à un besoin légitime de liberté, qui pourrait aussi
constituer, comme l'ont exprimé à votre rapporteur des
responsables du Club alpin français, un "
antidote à la
violence
".
Néanmoins, l'augmentation du nombre de pratiquants est, pour une large
part, à l'origine de la progression des accidents, surtout lorsqu'il
s'agit de personnes peu expérimentées et insuffisamment
informées.
Certains accidents, de montagne en particulier, sont volontiers mis en relief
par la presse.
Cette présentation ne doit pas occulter
le fait que, la plupart
du temps, les activités sportives et de loisir sont pratiquées
avec prudence et ne sont pas, fort heureusement, source d'accident.
Votre rapporteur regrette que l'accent ainsi mis sur des accidents
spectaculaires ne soit pas accompagné d'une information suffisante sur
le dévouement et l'efficacité des sauveteurs.
Force est de constater cependant que la "
course au
loisir
" ne s'accompagne pas toujours d'un esprit de
responsabilité.
Chaque année, en moyenne, plus de 500 personnes décèdent
à l'occasion de noyades ou de la pratique de sports nautiques et les
activités en montagne provoquent la mort de 200 morts.
Le secours en montagne a provoqué le décès de
5 sauveteurs en 1997.
Certes, les accidents de la route occasionnent chaque année la mort de
plus de 8.000 personnes, mais le nombre des automobilistes est beaucoup
plus important que celui des sportifs et autres pratiquants d'activités
de loisir.
Le coût global des opérations de secours en montagne
"
n'est pas bien connu
", selon l'expression du ministre de
l'Intérieur lui-même, "
le domaine concerné
(étant) vaste et (faisant) intervenir une multiplicité d'acteurs
publics et privés
"
8(
*
)
.
L'absence de statistiques complètes est peut-être
révélatrice d'un refus d'envisager l'aspect financier de la
question.
Toutefois, le ministre de l'Intérieur a annoncé la mise en place
d'un système national d'observation de la sécurité en
montagne pour recueillir et analyser les données relatives aux accidents
survenant en montagne, précisant que "
seules des analyses
portant sur plusieurs années permettront de dégager des
critères et des tendances
".
Une meilleure connaissance du coût des secours devrait cependant
porter sur l'ensemble des opérations de sécurité civile,
au lieu de se limiter aux sports de montagne.
4. Le financement des secours en montagne dans les pays voisins9( * )
L'organisation des secours en montagne est assurée par
un
service public en Espagne et par des organismes de droit privé dans les
autres pays étudiés (Allemagne, Autriche, Italie, Suisse).
Le secours est gratuit en Espagne et en Italie, alors qu'il est payant dans les
autres pays.
En
Espagne
, le secours, organisé par un service particulier
créé au sein de la Garde civile, est compétent sur
l'ensemble du territoire. Certaines communautés autonomes ont cependant
créé des groupes de pompiers et de policiers
spécialisés dans le secours en montagne sur leur territoire.
Dans tous les cas, le secours en montagne est un service public financé
par l'Etat ou, le cas échéant, par la communauté autonome.
En aucun cas, ce service n'est facturé.
Un débat est cependant ouvert, dans certaines communautés
autonomes, sur l'opportunité d'une prise en charge partielle des
dépenses par les bénéficiaires du secours ou par les
entreprises du secteur touristique.
En
Italie
, les secours en montagne sont assurés par une section
du Club alpin italien, le Corps national de Secours alpin et
spéléologique (CNCAS), chargé explicitement par la loi
d'une telle mission.
Le CNSAS est représenté dans chaque région par des
associations disposant de la personnalité morale.
Le financement des secours en Italie est assuré par des crédits
nationaux, tandis que certaines régions et provinces autonomes
contribuent aussi à l'action du Club alpin italien.
En effet, la gratuité des secours constitue la règle
générale en Italie.
En
Allemagne
, le secours en montagne relève de la
compétence des Länder et ne concerne, en fait, que la
Bavière.
Les arrondissements et les communes forment des associations intercommunales
responsables des opérations de secours, dont elles confient
l'exécution à des organismes de droit privé avec
lesquelles elles concluent des contrats de droit public.
Le Land de
Bavière
rembourse aux organismes chargés des
opérations le coût de l'équipement nécessaire
à condition que sa durée d'utilisation soit au moins de trois ans.
Le coût des interventions (hors transport aérien) et les frais
médicaux au bénéfice des assurés sociaux sont
supportés par les caisses d'assurance maladie. Les personnes non
couvertes par l'assurance maladie et les étrangers paient ces frais.
En revanche, dans tous les cas, la victime supporte les frais de transport
aérien (entre 180 et 300 F la minute), les frais administratifs,
évalués forfaitairement et les autres frais fixes (mise à
disposition de médecins, par exemple).
En
Autriche
, le secours en montagne relève de la
compétence des Länder, qui les exercent eux-mêmes ou les
transfèrent aux communes.
Les communes peuvent confier l'organisation des secours à une
organisation agréée avec laquelle elles sont liées par
contrat.
Au
Tyrol
, concerné par 35 % des opérations de
sauvetage en Autriche, le Land exerce directement la compétence de
secours et confie l'exécution des opérations au Service
autrichien de secours en montagne, association reconnue d'utilité
publique.
Le Land du Tyrol finance la moitié des dépenses de secours, le
solde provenant des dons et des recettes d'intervention.
Une contribution du bénéficiaire des secours est, en règle
générale, demandée.
Celle-ci porte sur l'utilisation du matériel, sauvetage aérien
inclus (sauf s'il est exécuté par l'armée) et comporte
aussi une tarification horaire modérée du temps de recherche des
sauveteurs.
Dans les Länder du
Vorarlberg
et de
Salzburg
, le
remboursement est demandé sur la base des frais réels ou de
forfaits préétablis, selon les communes.
En
Suisse
, le secours en montagne relève de la compétence
des cantons, qui en confient l'organisation au Club alpin suisse et, dans le
Valais, à l'Organisation cantonale valaisanne des secours.
Les opérations de secours sont, en Suisse, financées par les
recettes des interventions, à raison de 50 % et, pour le restant,
par les cantons (en moyenne 20 centimes par habitant et par an).
Les frais médicaux sont facturés aux personnes secourues qui
peuvent ensuite s'en faire rembourser la moitié par la Caisse nationale
d'assurance maladie, dans la limite d'un plafond annuel d'environ 20.000 F.
Il apparaît donc que, dans les pays voisins de la France, une
participation aux frais de secours est, assez souvent, demandée selon
une tarification qui n'intègre généralement pas la
totalité des frais.
II. LA PROPOSITION DE LOI : ACCOMPAGNER LA LIBERTÉ PAR UNE RESPONSABILITÉ PARALLÈLE
La
proposition de loi tend à remplacer les deuxième et
troisième alinéas du 7° de l'article L. 2321-2 du
code général des collectivités territoriales.
Dans sa rédaction en vigueur, cet article du code précité
fait figurer parmi les dépenses obligatoires des communes, celles de
personnel et de matériel relatives au service d'incendie et de secours.
Ce point ne serait pas modifié par la proposition de loi.
L'actuel 7° de l'article L. 2321-2 (7°) prévoit
aussi la possibilité pour les communes de demander auprès des
intéressés ou de leurs ayants-droit le remboursement des frais de
secours qu'elles ont engagés
à l'occasion d'accidents
consécutifs à la pratique des activités sportives dont la
liste est fixée par décret
.
Cet article donne compétence aux communes pour déterminer les
conditions de ce remboursement, qui peut porter sur la totalité des
frais ou sur une partie seulement de ceux-ci, et met à la charge de
celles-ci une obligation d'information du public par une publicité
appropriée en mairie sur les lieux où se pratiquent les
activités sportives concernées.
Le décret n° 87-141 du 3 mars 1987, pris pour
l'application de l'article L. 2321-2 (7°) du code
général des collectivités territoriales, limite au ski
alpin et au ski de fond les activités pouvant faire l'objet du
remboursement des frais de secours.
La proposition de loi étendrait le droit pour les communes de
demander le remboursement des frais de secours à l'ensemble des
" accidents consécutifs à la pratique d'une
activité sportive et de loisir, quelle qu'elle soit ",
maintenant la compétence de la commune pour déterminer les
conditions de ce remboursement (qui pourrait porter sur tout ou partie des
frais), ainsi que son obligation d'informer le public en mairie et dans tous
les lieux où sont apposées les consignes de
sécurité.
La dépense devrait avoir été engagée
directement
ou indirectement
à l'occasion de la pratique d'une activité.
Cette extension serait faite sans préjudice des dispositions applicables
aux
activités réglementées
(par exemple, les
compétitions sportives) qui font l'objet d'un régime
dérogatoire comportant en particulier une obligation d'assurance, ce qui
illustre le caractère relatif du principe de gratuité des secours.
La proposition de loi ne remet naturellement pas en cause le droit pour
chacun de pratiquer le sport ou le loisir de son choix et de
bénéficier d'un secours, quelle que soit la cause de l'accident.
Elle ne supprime pas plus le caractère obligatoire pour les communes des
dépenses de secours, reposant sur les pouvoirs de police du maire.
La proposition de loi se limite à étendre la possibilité
pour les communes de demander le remboursement des frais de secours,
actuellement limitée au ski, sans jamais en faire une obligation.
Il s'agirait de
responsabiliser les pratiquants afin de limiter le nombre
des accidents et de prendre en considération la situation
financière des petites communes
, dont le budget pourrait être
gravement obéré par une opération de secours importante
sur leur territoire,
sans pour autant transférer une partie de ces
dépenses vers les services départementaux d'incendie et de
secours, déjà préoccupés par la progression de
leurs charges.
En effet, la question se pose essentiellement à propos des
dépenses actuellement laissées à la charge des petites
communes, et non des moyens de secours lourds engagés par l'Etat et dont
le financement n'est, dans les faits, pas réclamé aux communes
concernées.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
A. LE REFUS D'UN TRANSFERT DE CHARGES VERS D'AUTRES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES OU PRIVÉES
La
question de l'opportunité éventuelle d'un transfert de tout ou
partie des charges financières de secours pesant sur les communes
mérite d'être examinée.
En premier lieu, le transfert de la charge des frais de secours
supportés par les communes vers d'autres collectivités publiques
-qui serait alors toujours supportée par des contribuables- ne
responsabiliserait pas davantage les imprudents.
Comme votre rapporteur, M. le président Jean Faure s'est
interrogé sur la portée des dispositions de l'article 13 de
la loi du 22 juillet 1987 précitée, selon lesquelles
les dépenses engagées par l'Etat ou d'autres collectivités
publiques dans une opération de secours sont supportées par la
collectivité " bénéficiaire " des secours.
Cette disposition permet à l'Etat de mettre à la charge
financière d'une commune les moyens de secours lourds qu'il a
engagés pour l'organisation des secours dans cette commune (sauf en cas
de plan Orsec).
Cependant, comme l'a confirmé
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de
l'intérieur
10(
*
)
, ces dispositions n'ont
jamais été mises en oeuvre, l'application stricte en ayant
été exclue par le Gouvernement lors des débats
parlementaires qui ont précédé le vote de la loi du
22 juillet 1987, et confirmée depuis par les ministres
successifs.
Il n'en demeure pas moins que l'Etat garde juridiquement cette
possibilité, tant que l'article 13 de la loi du
22 juillet 1987 demeure en vigueur.
Certaines associations d'élus entendues par votre rapporteur se sont
interrogées sur le risque pour les communes que l'Etat mette en oeuvre
ces dispositions en cas d'élargissement au bénéfice de ces
communes des possibilités d'obtenir le remboursement des frais de
secours.
En tout état de cause, la proposition de loi ne concerne pas les
dépenses de secours engagées par l'Etat et n'affecterait pas cet
article 13 de la loi du 22 juillet 1987.
En outre, votre rapporteur a obtenu du ministère de l'Intérieur
confirmation des assurances données quant à son attachement au
maintien de la gratuité des prestations effectuées par l'Etat.
A l'inverse, un éventuel transfert à l'Etat des dépenses
de secours supportées par les communes -non proposé par le
présent texte- serait certes de nature à réduire les
charges financières des collectivités territoriales, mais ne se
traduirait que par un transfert de charges publiques sans aucunement contribuer
à une responsabilisation des pratiquants imprudents.
Quoi qu'il en soit, cette question illustre la nécessité de
redéfinir de manière plus claire et plus stable les relations
financières entre l'Etat et les collectivités territoriales en
matière de secours.
La mutualisation des charges de secours
entre toutes les communes d'un
département ou leur transfert au département
ne paraît
pas plus de nature à faciliter une responsabilisation des personnes
concernées et laisserait aux collectivités territoriales le poids
financier des opérations de secours.
Pourtant, dans une certaine mesure, ce transfert a commencé avec le
départementalisation des services d'incendie et de secours, largement
sollicités dans les opérations de secours. En effet, le
financement des SDIS est assuré, par les communes et le
département, selon des paramètres qui n'intègrent pas
nécessairement la fréquence de la localisation des secours.
Les modalités de calcul des contributions des différentes
collectivités et établissements du département au
financement du SDIS sont fixées par son conseil d'administration
à la majorité des deux tiers des membres présents.
Faute d'une délibération du SDIS à la majorité
qualifiée, le département contribue à son financement sur
la base de sa contribution dans le total des contributions des
collectivités et établissements de coopération du
département, telle qu'elle a été constatée dans le
dernier compte administratif connu.
A défaut d'accord à la majorité qualifiée, la
répartition de la contribution des communes et des établissements
de coopération intercommunale au financement des SDIS est
calculée, dans les conditions fixées par décret, en
fonction de l'importance de leur population, de leur potentiel fiscal par
habitant ainsi que de la part de leur contribution dans le total des
contributions des communes et des établissements de coopération
intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu.
La départementalisation des services d'incendie et de secours peut
donc contribuer, dans une certaine mesure, à un allégement des
dépenses de secours des petites communes.
Parallèlement, la mutualisation de ces coûts pourrait susciter une
inflation des dépenses de sécurité civile,
déjà constatée dans de nombreux départements.
Il arrive qu'un conseil général décide ponctuellement de
supporter une dépense manifestement excessive pour une petite commune.
M. le président Jean Faure a exposé à
votre rapporteur le cas d'une commune de 150 habitants dont une
dépense de secours de 300.000 F a été prise en charge
par le département de l'Isère.
Par ailleurs, la pratique de la spéléologie, par exemple, donne
lieu à la passation d'un contrat entre la Fédération
française de spéléologie et certains départements,
comportant une prise en charge financière de dépenses par le
département au lieu de la commune.
Ces formules, destinées à traiter des situations
particulières, ne peuvent être présentées comme une
réponse satisfaisante à la question posée de la
responsabilisation des pratiquants.
Enfin, le financement des opérations de secours par un alourdissement de
la
fiscalité ou de la parafiscalité sur les assurances
n'apparaît pas souhaitable, celle-ci s'établissant
déjà en moyenne, hors prélèvements indirects,
à 18 % des primes d'assurance (30 % pour l'assurance incendie).
En effet, le taux d'imposition des produits de l'assurance est, en France, le
plus élevé de tous les pays de l'Union européenne et
l'harmonisation des législations européennes devrait conduire, au
contraire, inévitablement à une baisse de cette
fiscalité.
B. UN ASSOUPLISSEMENT DU PRINCIPE DE GRATUITÉ DES SECOURS POUR ASSURER UNE MEILLEURE ÉGALITÉ ENTRE COMMUNES
Comme
votre rapporteur l'a déjà exposé, la modification
suggérée par la proposition de loi ne constituerait pas la
première modulation du principe de gratuité des secours, dont on
a vu aussi que, dans les pays voisins, il avait, quand il existait, une
portée variable.
Cet aménagement du principe de la gratuité des secours
répondrait à une évolution sensible des conditions, de
plus en plus difficiles, dans lesquelles les maires exercent leur pouvoir de
police.
La possibilité (non l'obligation) pour les communes de demander le
remboursement des frais de secours pourrait certes être
considérée comme une source d'inégalité entre les
pratiquants, selon que leur activité s'exercerait ou non dans une
commune ayant décidé d'utiliser cette faculté ou selon les
moyens financiers des pratiquants.
Toute personne a cependant la faculté de s'informer sur la
réglementation municipale et de s'assurer contre des risques importants,
questions sur lesquelles votre rapporteur reviendra.
On remarquera que le régime actuel provoque aussi des
inégalités entre sportifs pratiquant sur le territoire d'une
même commune, suivant que l'activité est ou n'est pas couverte par
le principe de gratuité.
Il faudrait surtout s'interroger sur les inégalités actuelles
entre communes, donc entre contribuables.
Certaines communes peuvent espérer une retombée touristique de
diverses activités exercées sur leur territoire, pouvant
être considérée comme une contrepartie des frais de secours
qu'elles supportent.
Il n'en est pas forcément de même pour un grand nombre de communes
dont le territoire comporte des sites d'attraction qui ne contribuent pas au
développement des activités économiques locales, soit
parce que on y accède plus aisément par une localité
voisine, soit parce que ceux qui les utilisent habitent un centre urbain
proche.
C. ASSOCIER LA RESPONSABILITÉ AU RISQUE
Il
n'y a naturellement pas lieu de restreindre la liberté pour chacun de
pratiquer le sport ou le loisir de son choix ou de subordonner le secours
à quelque condition que ce soit.
Il paraît, en revanche, nécessaire de prévoir une
contrepartie au risque pris librement, en mettant en place son corollaire, la
responsabilité.
En dehors du ski alpin et du ski de fond, l'imprudence d'une personne dans une
activité sportive ou de loisir, ne permet pas à la commune de
réclamer le remboursement de frais de secours, qui peuvent parfois
être très élevés.
Le système applicable pour les accidents de ski donne toute
satisfaction aux différents acteurs.
La commune garde, dans ce cas, toute liberté d'instituer ou non un
remboursement, total ou partiel, des frais de secours par les personnes
accidentées et informe les skieurs, par une publicité
appropriée en mairie et sur les sites.
Les skieurs peuvent souscrire une assurance, de leur propre initiative, ou
bénéficier d'une couverture par le paiement du forfait
demandé avant d'emprunter les pistes, lorsque ce forfait inclut une
assurance sur les frais de secours.
Il ne semble pas que le système appliqué au ski depuis
12 ans ait suscité de nombreux contentieux.
Aussi paraît-il possible d'étendre ce régime à
l'ensemble des activités sportives.
Cette extension ne semble pas pouvoir être opérée en
complétant l'énumération des activités sportives
pouvant donner lieu à remboursement des frais de secours, figurant dans
le décret du 3 mars 1987 précité.
En effet, d'une part, les ministres de l'Intérieur successifs,
après l'avoir envisagé pour certains d'entre eux, ne sont pas
parvenus à une telle solution qui relève de leur
compétence et, d'autre part, toute énumération,
inévitablement incomplète, risque de l'être d'autant plus
que chaque année apparaissent de nouvelles activités.
Une intervention du législateur apparaît donc nécessaire.
Elle pourrait inciter ensuite les pratiquants à s'assurer lorsqu'ils ne
le sont pas déjà.
Un contrat d'assurance ne serait-il pas de nature à
" déresponsabiliser " les sportifs, comme plusieurs personnes
entendues par votre rapporteur l'ont affirmé ?
En réalité, une application trop rigide du principe de
gratuité des secours peut s'assimiler à une assurance gratuite
pour tous, dont on peut douter qu'elle incite à la prudence.
La nécessité devant laquelle se trouveraient les personnes
concernées d'effectuer une démarche particulière pour
bénéficier d'une protection qui ne couvrirait probablement pas en
toutes circonstances la totalité des frais de secours, et le risque d'un
non renouvellement de contrat ou d'une augmentation des primes en cas de
sinistres répétés ou élevés pourraient
inciter à un comportement plus prudent, dès lors que la
réglementation éventuelle de la commune aurait été
portée à la connaissance du public, comme actuellement pour le
ski.
Par ailleurs, une obligation d'assurance, que ne propose ni l'auteur de la
proposition de loi ni votre commission des Lois, paraît difficile
à imaginer.
Si celle-ci concernait uniquement les sportifs, sa tarification serait sans
doute trop élevée, compte tenu du rapport entre le nombre de ces
personnes et le coût des secours, la Fédération
française des sociétés d'assurance évaluant
à 5.000 F le coût moyen qui en résulterait pour
l'assuré.
La question s'est posée en termes différents pour la circulation
automobile, l'obligation d'assurance portant sur une population beaucoup plus
nombreuse et admettant malgré tout moins difficilement le paiement de
primes importantes pour un usage régulier au cours de l'année.
Si l'obligation d'assurance concernait l'ensemble de la population
française, par exemple, au moyen d'une extension obligatoire de
l'assurance multirisque habitation, son coût serait certes
modéré (évalué à 15 F par personne, par
la même Fédération).
Cette mutualisation généralisée ne contribuerait cependant
pas à une quelconque responsabilisation des personnes concernées.
*
* *
Votre
commission des Lois a donc retenu les principes de la proposition de loi de
M. Jean Faure, en apportant à sa rédaction quelques
modifications.
Le remboursement demandé à la victime pouvant être total ou
partiel, il a paru préférable de retenir le terme de
participation aux frais
.
Les frais de secours susceptibles de donner lieu à remboursement peuvent
avoir un
lien direct ou indirect
avec l'opération de secours,
sans qu'il paraisse impératif de le mentionner dans le texte.
Pour que la participation aux dépenses de secours puisse être
demandée en cas d'appel non justifié par un accident ou un danger
réel (
hypothèse d'une demande d'évacuation de
confort
), votre commission des Lois vous propose de retenir les termes
d'opérations de secours consécutives à la pratique
,
au lieu de celui d'accident.
Faute de pouvoir toujours distinguer de manière certaine ce qui
relève du sport ou du loisir, il apparaît
préférable, pour éviter un risque de contentieux et comme
le propose M. Jean Faure, de prévoir la possibilité d'une
participation aux frais pour les opérations de secours
consécutives à la
pratique de toute activité
sportive ou de loisir
.
Enfin, pour permettre une information suffisante du public, sans pour autant
faire peser une charge excessive sur les communes, il apparaît
souhaitable de prévoir, comme dans la proposition de loi initiale, que
l'affichage approprié sera fait en mairie et, le cas
échéant, dans tous les lieux où sont apposées les
consignes de sécurité.
En effet, la formule de l'article L.2321-2 du code général des
collectivités territoriales prévoyant une publicité
appropriée sur les lieux où se pratiquent ces activités
sportives, adaptée pour le ski alpin et le ski de fond pour lesquels
elle s'applique actuellement, provoquerait des difficultés pratiques si
elle était reprise par la proposition de loi, car toutes les
activités concernées ne s'exercent pas nécessairement sur
des sites clairement identifiables à l'avance.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter les conclusions qu'elle vous soumet pour cette proposition de loi et qui sont reproduites ci-après.
TEXTE PROPOSÉ PAR LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI
tendant à permettre une
participation des pratiquants d'activités sportives ou de loisir aux
frais de secours engagés par les communes
Article unique
Les
neuvième et dixième alinéas de
l'article L. 2321-2 du code général des
collectivités territoriales sont ainsi rédigées :
" Toutefois, sans préjudice des dispositions applicables aux
activités réglementées, les communes peuvent exiger des
intéressés ou de leurs ayants-droit une participation aux frais
qu'elles ont engagés à l'occasion d'opérations de secours
consécutives à la pratique de toute activité sportive ou
de loisir. Elles déterminent les conditions dans lesquelles s'effectue
cette participation, qui peut porter sur tout ou partie des dépenses.
" Les communes sont tenues d'informer le public des conditions
d'application de l'alinéa précédent sur leur territoire,
par un affichage approprié en mairie et, le cas échéant,
dans tous les lieux où sont apposées les consignes relatives
à la sécurité. "
ANNEXES
_____
- Décret n° 87-141 du 3 mars 1987 et
circulaire du 4 décembre 1990 ;
- Réponse ministérielle à la question
écrite n° 14726 de M. Hubert Haenel ;
- Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de
Cassation n° 98-82269 du 9 mars 1999.
1
Ville de Versailles c/Mme Lopez de
Arias.
2
Voir le texte en annexe.
3
Voir en annexe la réponse ministérielle à une
question écrite de M. Haenel (Journal Officiel questions
Sénat du 16 septembre 1999, p. 3091).
4
Voir en annexe le texte de cet arrêt.
5
Document n° 328 (1994-1995).
6
Arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 1973.
7
Conseil d'Etat 22 décembre 1971 et Cour
administrative d'appel de Lyon, 1
er
février 1995.
8
JO Questions Assemblée nationale,
20 septembre 1999, p. 5576.
9
Les développements ci-après sont tirés
d'informations contenues dans une étude de législation
comparée établie par le service des Affaires européennes
du Sénat (n° LC 61 - septembre 1999).
10
Réponse à une question écrite, JO questions
Sénat, 18 mars 1999, P. 869