N°
499
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30
juin 1999
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre
1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur :
- la
proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative
à la
substitution
de l'
expression
" aux
opérations effectuées en Afrique du Nord
" par
l'expression " à la
guerre d'Algérie et aux combats en
Tunisie et au Maroc
" ;
- la proposition de loi de M. Guy FISCHER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M.
Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO,
MM. Robert BRET, Michel DUFFOUR, Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM,
Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Jack RALITE,
Ivan RENAR et Mme ODETTE TERRADE relative à la
reconnaissance de
l'état de guerre en Algérie
et aux combats en
Tunisie
et au
Maroc
;
- la proposition de loi de MM. Marcel LESBROS, Serge MATHIEU, Aymeri de
MONTESQUIOU et Joseph OSTERMANN tendant à la reconnaissance de
l'état de
guerre en Algérie
,
Par M.
Marcel LESBROS,
Sénateur,
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.):
1293
,
1392
,
1558
,
1672
et T.A.
334
.
Sénat
:
418
,
344
et
403
(1998-1999).
Anciens combattants et victimes de guerre. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Le
mercredi 29 septembre 1999
, sous la
présidence de M. Jacques
Bimbenet, vice-président
, la commission a procédé
à l'examen du
rapport
de
M. Marcel Lesbros
sur la
proposition de loi n° 418
(1998-1999), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative à la
substitution de
l'expression " aux opérations effectuées en Afrique du
Nord "
par
l'expression " à la guerre d'Algérie
et aux combats en Tunisie et au Maroc "
, ainsi que sur les
propositions de loi n° 344
(1998-1999) de M. Guy Fischer
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, relative
à la
reconnaissance de l'état de guerre en Algérie
et aux combats en
Tunisie
et au
Maroc
, et
n° 403
(1998-1999) de M. Marcel Lesbros et plusieurs de ses collègues, tendant
à la reconnaissance de l'état de
guerre en Algérie
.
A titre liminaire,
M. Marcel Lesbros, rapporteur,
a rappelé
que si, de 1952 à 1962, 1.343.000 jeunes appelés et
rappelés et plus de 400.000 militaires d'active avaient franchi la
Méditerranée pour faire leur devoir sur les différents
théâtres d'opérations d'Afrique du Nord, leur sacrifice
avait été cependant longtemps occulté dans la
mémoire collective des Français. Il a indiqué que la
guerre d'Algérie avait en effet été vécue comme une
" guerre sans nom ", malgré ses lourdes
conséquences : plus de 25.000 militaires tués, plus de
70.000 militaires blessés et plus de 400.000 victimes civiles.
Il a souligné que la proposition de loi examinée par la
commission, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée
nationale le 10 juin dernier, visait à substituer, à
l'euphémisme " opérations effectuées en Afrique du
Nord ", l'expression, plus conforme à la réalité, de
" guerre d'Algérie et combats en Tunisie et au Maroc ", dans
les textes à caractère législatif. Il a cependant
observé que deux propositions de loi déposées au
Sénat recouvraient un objectif identique : la proposition de loi
n° 344 de M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues et la
proposition de loi n° 403 de MM. Serge Mathieu, Aymeri de
Montesquiou, Joseph Ostermann et Marcel Lesbros. Il a précisé
qu'en conséquence ces trois propositions de loi devaient être
examinées conjointement même si ce sera celle adoptée par
l'Assemblée nationale qui servira de support à la discussion en
séance publique le 5 octobre prochain.
Revenant sur l'évolution de la législation, il a souligné
que le droit français n'avait pris en compte que progressivement, et
toujours partiellement, la réalité des conflits d'Afrique du
Nord, rappelant que la loi du 6 août 1955 et surtout la loi du
9 décembre 1974, adoptée notamment à l'initiative du
Sénat, donnaient vocation à la qualité de combattant aux
militaires engagés en Afrique du Nord, sans pour autant
reconnaître la notion de guerre d'Algérie. Il a ainsi
constaté que les textes législatifs ne retenaient toujours que
l'expression " opérations effectuées en Afrique du
Nord ".
Il a estimé que la nature particulière de ce conflit avait pu
initialement expliquer la réticence à le qualifier de
" guerre ", mais que l'évolution des esprits avait
progressivement amené à assimiler les événements
d'Afrique du Nord non pas à de simples opérations de police, mais
à une véritable guerre compte tenu des méthodes de combat
employées et des risques encourus par les soldats. Il a cependant
observé que, seule, l'intervention législative permettait
d'officialiser l'expression du langage courant " guerre
d'Algérie " et de faire disparaître l'expression
" opérations de maintien de l'ordre " des textes
législatifs.
A cet égard, il a rappelé que, depuis quelques années,
s'étaient succédé plusieurs initiatives allant dans ce
sens, insistant notamment sur les déclarations du Président de la
République du 10 septembre 1996, sur les inscriptions sur les
titres de pension qui peuvent désormais faire référence
à " la guerre d'Algérie et aux opérations en Afrique
du Nord " et sur les deux plaques apposées à Notre-Dame de
Lorette sur le cercueil du soldat inconnu d'Algérie et à l'Arc de
Triomphe.
Abordant ensuite les trois propositions de loi,
M. Marcel Lesbros,
rapporteur,
a souligné qu'elles avaient un objet identique, mais
différaient cependant sur trois points.
S'agissant de la méthode, il a indiqué que la proposition de
M. Guy Fischer retenait le principe d'une reconnaissance
générale et d'une déclinaison " automatique " en
remplaçant dans l'ensemble des textes législatifs et
réglementaires et sur l'ensemble des titres l'expression
" opérations de maintien de l'ordre en Afrique du Nord " par
l'expression " combats de Tunisie, Maroc et guerre
d'Algérie ", tandis que la proposition de loi adoptée
à l'Assemblée nationale et celle présentée par le
rapporteur retenaient une méthode " au cas par cas ". Il a
souligné que cette seconde méthode était, en principe,
préférable car elle respectait la séparation entre domaine
législatif et domaine réglementaire et garantissait une meilleure
cohérence rédactionnelle.
S'agissant de la qualification officielle choisie, il a observé que la
proposition de loi de l'Assemblée nationale et celle de M. Guy Fischer
faisaient référence à la " guerre
d'Algérie " mais aussi aux " combats en Tunisie et au
Maroc ", à la différence de la proposition n° 403.
Il a estimé que cette référence aux " combats de
Tunisie et du Maroc " devait être retenue, car plus conforme
à la réalité historique.
S'agissant du contenu, il a indiqué que les propositions de
l'Assemblée nationale et de M. Guy Fischer avaient une portée
essentiellement symbolique, alors que la proposition de loi n° 403
était créatrice de droits et prévoyait explicitement, dans
son article 5 modifiant le code des pensions civiles et militaires de
retraite, l'octroi des bénéfices de campagne pour les anciens
d'Afrique du Nord.
Rappelant qu'à l'Assemblée nationale, un amendement identique
à cet article 5 avait été déclaré
irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution et estimant
qu'il était nécessaire d'adopter de manière à la
fois solennelle, consensuelle et rapide, un texte répondant aux attentes
de la troisième génération du feu, il a jugé qu'il
n'était pas forcément souhaitable de s'engager dans une navette
longue aux conséquences incertaines. Il a alors estimé qu'il ne
lui semblait pas opportun de reprendre les dispositions de l'article 5 de
la proposition de loi n° 403.
Abordant les conséquences juridiques qu'aurait la reconnaissance de
l'état de guerre en Algérie au-delà de son importante
dimension symbolique, il a constaté que l'analyse des textes permettait
de conclure à l'absence de conséquences financières, tant
en matière de droits à réparation reconnus aux anciens
combattants qu'en matière de dommages de guerre.
Il a notamment observé que l'octroi des bénéfices de
campagne pour les fonctionnaires n'était pas nécessairement
lié à la reconnaissance d'un état de guerre.
De la même manière, il a indiqué que la qualification
juridique de guerre n'entraînerait pas une éventuelle mise en jeu
de la responsabilité pénale, tant devant le juge français
qu'algérien ou international.
M. Marcel Lesbros, rapporteur,
a considéré que s'il
n'était pas évident que les requalifications effectuées
par cette proposition de loi embrassent l'ensemble des textes
législatifs dans lesquels il est fait mention de l'expression
" opérations effectuées en Afrique du Nord ", il
n'avait pas jugé nécessaire de se lancer dans un vaste travail de
" toilettage " de la législation. A cet égard, il a
affirmé qu'il importait avant tout de reconnaître la
réalité des conflits d'Afrique du Nord en adoptant rapidement
cette proposition de loi, dans sa rédaction actuelle à la valeur
essentiellement symbolique.
Concluant son propos, le rapporteur a tenu à rendre un hommage
particulier à tous les jeunes appelés, rappelés,
réservistes, engagés et harkis, ayant servi avec bravoure et
honneur la Patrie et le drapeau français. Considérant qu'il ne
s'agissait pas de simples opérations de police mais bien d'une guerre et
de combats, il a estimé que la reconnaissance de la Nation devait
s'exprimer par une mise en accord de la loi avec la réalité. Il a
alors demandé à la commission d'adopter sans modification la
proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale.
Après avoir félicité le rapporteur et insisté sur
l'importance de ce texte,
M. Lucien Neuwirth
a souligné une
ambiguïté rédactionnelle à l'article 2 de la
proposition de loi, estimant que les dispositions de l'article L. 243
du code des pensions militaires d'invalidité devaient s'appliquer aussi
bien aux harkis qu'à leurs ayants droit. Il a rappelé qu'il
existait encore des harkis vivant en Algérie qui devaient accéder
de droit sans condition de nationalité au bénéfice de
telles dispositions. Il alors suggéré d'interroger le
Gouvernement en séance sur ce point afin d'obtenir son
interprétation de ces dispositions.
M. Guy Fischer
a, à son tour, estimé que cette proposition
de loi constituait un hommage nécessaire aux anciens d'Afrique du Nord
et permettait d'exprimer la dette de la Nation à leur égard. Il a
jugé indispensable d'adopter ce texte à l'unanimité et a
précisé que le groupe communiste républicain et citoyen ne
déposerait pas d'amendement.
Félicitant le rapporteur pour sa sagesse,
M. Gilbert Chabroux
a
indiqué qu'il importait aux représentants de la Nation de voter
conforme ce texte dans les meilleurs délais. Il a insisté sur la
dimension symbolique de cette proposition de loi, estimant que celle-ci ne
laissait pas de place à des préoccupations matérielles,
ces dernières pouvant en revanche s'exprimer à l'occasion du
prochain débat budgétaire. Il a enfin souligné
l'importance d'une réconciliation complète entre la France et
l'Algérie, jugeant que cette réconciliation ne serait possible
que si la France assumait pleinement son histoire.
En réponse aux différents intervenants,
M. Marcel
Lesbros, rapporteur,
a rappelé l'importance de parvenir à un
consensus lors de la discussion de la proposition de loi, soulignant que la
discussion en séance coïnciderait avec le début de la
session parlementaire. Il a indiqué que sa préférence pour
une adoption de la proposition de loi votée à l'Assemblée
nationale s'expliquait avant tout par des raisons de commodité et de
délai.
Se déclarant en accord avec M. Gilbert Chabroux, le rapporteur a
estimé que l'adoption de cette proposition de loi devait être le
point de départ d'une nouvelle coopération entre la France et
l'Algérie.
Il a également remercié M. Guy Fischer pour sa décision de
privilégier, par rapport à celle qu'il avait
présentée, la proposition de loi de l'Assemblée nationale.
Il s'est enfin déclaré favorable à la suggestion de
M. Lucien Neuwirth, estimant qu'il était nécessaire que les
harkis puissent bénéficier du droit à pension quelle que
soit leur nationalité et que le Gouvernement devait préciser son
interprétation du code des pensions.
La commission a ensuite procédé à
l'examen des
articles de la proposition de loi
.
Elle a adopté
l'article premier
modifiant l'article L.
1
er
bis du code des pensions militaires d'invalidité pour
insérer la notion de " guerre d'Algérie et de combats en
Tunisie et au Maroc ".
Elle a également adopté
l'article 2
modifiant
l'article L. 243 du même code, relatif au droit à pension des
membres des forces supplétives françaises, dans le même
sens.
Elle a adopté
l'article 3
ayant le même objet et modifiant
l'article L. 243 bis du même code, tout comme
l'article 4
modifiant l'article L. 401 bis dudit code, cet
article étant consacré à l'accès aux emplois
réservés pour les membres des forces supplétives.
Enfin, la commission a adopté
l'article 5
modifiant
l'article L. 321-9 du code de la mutualité, pour y insérer
l'expression " guerre d'Algérie ou combats en Tunisie et au
Maroc " dans les dispositions relatives à la rente mutualiste.
Elle a donc adopté conforme, à l'unanimité, la
proposition de loi votée à l'Assemblée nationale.