Projet de loi relatif à l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan
DULAIT (André)
RAPPORT 337 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- INTRODUCTION
- CONCLUSIONS
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT22 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N°
337
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 mai 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole),
Par M.
André DULAIT,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat : 215
(1998-1999).
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes invités à examiner un projet de loi autorisant
l'approbation de l'accord, signé le ler septembre 1998 à Bakou,
sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
entre la France et l'Azerbaïdjan.
Cet accord constitue un maillon supplémentaire à la chaîne,
déjà longue, des accords de ce type déjà conclu
avec quelque 70 Etats dans le monde. Son enjeu est important : il s'agit
pour notre pays de conforter le statut des investissements français dans
un pays au potentiel économique considérable et où la
France se doit de développer sa présence économique.
Les nombreux accords bilatéraux déjà passés entre
la France et l'Azerbaïdjan ont déjà donné l'occasion
à votre rapporteur de rappeler et de décrire l'évolution
politique de ce pays : sept ans après son indépendance,
l'Azerbaïdjan a su consolider ses institutions sous l'autorité du
président Aliev, récemment réélu dans des
conditions qui font débat et qui concentre entre ses mains tous les
pouvoirs, mais qui, malgré tout, inscrit progressivement son pays,
dépourvu de toute réelle tradition démocratique, dans une
logique d'Etat de droit.
I. LE POTENTIEL ÉCONOMIQUE LE PLUS ÉLEVÉ DES PAYS DU CAUCASE
La découverte de gisements pétroliers importants dans la Mer Caspienne, au large de Bakou, pourra faire de l'Azerbaïdjan un producteur important de pétrole à l'horizon de la prochaine décennie. Même s'il serait exagéré de qualifier ce pays de " Nouveau Moyen-Orient ", l'existence de réserves importantes en Mer Caspienne est indéniable -sans doute équivalentes à celles de la Mer du Nord. C'est en tout cas la donnée économique principale du pays, qui a contribué à la stabilisation de son économie et à la venue d'importants investisseurs étrangers.
A. UNE ÉCONOMIE STABILISÉE
L'économie azerbaïdjanaise a
bénéficié d'un retour à une croissance soutenue
depuis 1996 : 5,2 % en 1997, 8 % en 1998. Le gouvernement peut
porter à son actif une très bonne gestion
macro-économique : le déficit budgétaire ainsi
réduit à 4 % et l'inflation à 3 % -soit le taux le plus
bas de tous les pays de la CEI, ainsi qu'une parfaite stabilité du
" manat ", la monnaie nationale. Les premiers " bonus "
pétroliers -près de un milliard de dollars, ont beaucoup
contribué au soutien de l'économie et font de l'Azerbaïdjan
l'un des premiers bénéficiaires des investissements
étrangers à l'Est de l'Europe : au deuxième rang de
la CEI, au premier rang en terme d'enveloppe par habitant.
Certes les évolutions récentes de la situation régionale
-la crise russe- ainsi que la chute des cours pétroliers, qui ont
repoussé quelque peu l'arrivée de la manne
pétrolière, font que l'Azerbaïdjan connaît, sinon une
crise comme les autres pays de la CEI, tout au moins un certain retour à
la réalité. Cela étant, afin précisément de
faire face à la baisse provisoire et imprévue des recettes
d'exportation pétrolière, le pays vient de recevoir
79 millions de dollars du FMI au titre de la
compensatory and
contingency fund facility
(CCFF).
B. DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS IMPORTANTS OÙ LA FRANCE RATTRAPE SON RETARD DANS LE CADRE D'UN DÉVELOPPEMENT ACCRU DES ÉCHANGES ENTRE LES DEUX PAYS
La
signature en septembre 1994 de ce que l'on a qualifié de " contrat
du siècle " a entraîné une croissance rapide des
investissements en Azerbaïdjan. Les consortia pétroliers y comptent
pour 75 % du total. Dans ce secteur pétrolier, les principaux
investisseurs sont les Etats-Unis et le Royaume-Uni ; dans les autres
secteurs, ce sont la Turquie et l'Allemagne. On notera que ces investissements,
qui représentent près de 25 % du PIB depuis 1997 ont permis au
pays de couvrir une large part de son besoin de financement extérieur.
Par ailleurs, ils bénéficient d'un environnement
réglementaire légal fiscal qui s'est progressivement
amélioré : adoption d'une loi sur les investissements
étrangers, en 1992, modernisation du système bancaire et fiscal,
libéralisation du commerce extérieur, privatisation
accélérée...
S'agissant de la place de la France, les compagnies pétrolières
nationales se sont efforcées de rattraper leur retard initial en
participant à différents consortia :
- Elf est opérateur sur le gisement de Lenkoran Deniz-Talish Deniz et
participe à hauteur de 10 à l'exploration du gisement de Shah
Deniz ;
- Total, après absorption de Fina, détient 15 % des parts de
Lenkovan Deniz-Talish Deniz et 30 % du gisement d'Apsheron.
A la suite de ces contrats d'exploitation, un secteur parapétrolier
s'est développé. Il a permis l'implantation sur le marché
azerbaïdjanais d'entreprises françaises telles que Geo Services,
Sofregaz ou Schlumberger. Au total, dans ce secteur, la France se range au
3
e
rang des investisseurs étrangers, après la Grande
Bretagne et les Etats-Unis, mais devant la Russie et l'Italie.
Pour ce qui est des échanges commerciaux, la part de marché de la
France en Azerbaïdjan reste, avec 1,8 % en 1998, assez modeste. Cela
étant, les exportations françaises vers ce pays ont connu depuis
1995 un développement considérable : + 22,5 % en 1996, +
38,5 % en 1997 et + 65,6 % en 1998. Ces exportations se sont
également diversifiées : initialement principalement
composées de produits agro-alimentaires, elles comportent
désormais une part majoritaire de biens d'équipement
professionnels liée notamment au dynamisme du secteur des hydrocarbures.
Au total, une vingtaine de sociétés françaises sont
implantées aujourd'hui en Azerbaïdjan, notamment celles
opérant dans les secteurs pétrolier et
parapétrolier.
C. L'HYPOTHÈQUE DU CONFLIT DU HAUT-KARABAGH
Depuis
10 ans l'Azerbaïdjan est confronté à la crise, ouverte en
1988, par la revendication, de la part de l'Arménie, du rattachement du
Haut Karabagh, zone majoritairement arménienne enclavée en
Azerbaïdjan. Après deux campagnes militaires, les troupes
arméniennes avaient pris l'avantage sur le terrain ; la situation
est aujourd'hui figée depuis le cessez-le-feu intervenu en mai 1994. Ces
opérations militaires ont fait près de 20.000 morts et
entraîné le départ vers l'Azerbaïdjan de quelque
700 000 réfugiés du Haut-Karabagh et d'autres districts
azerbaïdjanais aujourd'hui occupés.
Bien que reconnue à ce jour par aucun Etat, la République du
Haut-Karabagh, ayant désormais établi une continuité
géographique avec l'Arménie, vit désormais en symbiose
avec celle-ci.
Depuis le début de l'année 1997, le groupe de Minsk,
émanation de l'OSCE et que co-président la Russie, la France et
les Etats-Unis s'efforce de proposer aux parties les voies d'un
règlement portant sur l'instauration d'une paix véritable et la
définition d'un statut d'autoadministration du Haut-Karabagh dans le
cade des frontières originelles de l'Azerbaïdjan et d'une garantie
du droit à l'autodétermination des Karabaghtsis. En dépit
des efforts de médiation, aucune des propositions n'a reçu
à ce jour l'agrément des deux parties.
II. PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD FRANCO-AZERBAÏDJANAIS DU 1ER SEPTEMBRE 1998
A. UN CHAMP D'APPLICATION RELATIVEMENT ÉTENDU
Les
investissements
concernés par le présent accord sont les
" biens, droits et intérêts de toutes natures ".
L'article premier fournit une liste indicative (et non exclusive) comportant,
entre autres exemples, les biens meubles et immeubles et, de manière
générale, les droits réels, les actions et autres formes
de participation, les obligations, les droits d'auteur et les droits de
propriété industrielle, ainsi que les concessions.
L'accord franco-azerbaïdjanais s'applique aux avoirs investis avant ou
après l'entrée en vigueur du présent accord à
condition qu'ils l'aient été conformément au droit du pays
d'accueil.
Le terme de
revenus
renvoie à " toutes les sommes produites
par un investissement " : bénéfices, redevances et
intérêts (art. 1-4).
Les
investisseurs
sont les " nationaux " des Etats
contractants, c'est-à-dire les personnes physiques possédant la
nationalité de l'une des Parties, ou les sociétés,
c'est-à-dire les personnes morales constituées sur le territoire
de l'une des Parties contractantes et y possédant son siège
social.
S'agissant de la
zone d'application géographique
, un protocole,
annexé à l'accord et faisant partie intégrante de
celui-ci, précise qu'il "
s'applique également aux zones
correspondant aux mers ou aux lacs, ainsi qu'à leurs sous-sols, dans
lesquelles la Partie contractante concernée exerce, conformément
au Droit international ", des droits souverains ou une juridiction aux
fins de prospection, d'exploitation ou de préservation des ressources
naturelles ".
B. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LES PARTIES
Ils sont
destinés à favoriser le développement des investissements
français en Azerbaïdjan et azerbaïdjanais en France.
De manière générale, la convention prescrit aux Parties
d'
admettre et d'encourager
les investissements effectués par les
nationaux et les sociétés de l'autre Partie (art. 2).
Le
principe du traitement juste et équitable
résulte de
l'article 3 du présent accord. De manière classique, l'article 4
réserve aux investissements de l'autre Partie un traitement non moins
favorable que celui accordé aux nationaux ou sociétés du
pays d'accueil, ou le traitement accordé aux investisseurs de la Nation
la plus favorisée si celui-ci est plus avantageux.
Conformément à la plupart des accords de même objet,
l'article 4 exclut l'extension à l'autre Partie des privilèges
accordés en vertu d'un accord de libre échange, d'une union
douanière ou d'un marché commun.
L'article 5-1 garantit la
protection et la sécurité
" pleines et entières "
des investissements d'une Partie
sur le territoire de l'autre Partie. Cette stipulation subordonne les
mesures de dépossession (expropriation ou nationalisation)
à des motifs d'utilité publique. Est exclue toute
décision discriminatoire ou contraire à un engagement
particulier. L'article 5-2 pose le principe du " paiement d'une
indemnité prompte et adéquate ". Librement
transférable, cette indemnité produit, jusqu'à son
versement, des intérêts calculés au taux du marché.
Les
investisseurs lésés par une guerre
ou par tout
événement analogue (révolution, état d'urgence
national...) bénéficieront, en vertu de l'article 5-3, d'un
traitement non moins favorable que celui de la Partie concernée accorde
à ses propres nationaux ou à ceux de la Nation la plus
favorisée.
Le principe de la
liberté des transfert
s, posé à
l'article 6, garantit l'investisseur contre le risque de suspension ou
d'interdiction des transferts de capitaux, des revenus de l'investissement
(intérêts d'emprunt, redevances...), des produits d'une
liquidation partielle ou totale de l'investissement, ainsi que des
indemnités de dépossession et de perte. Le principe du libre
transfert concerne également une " quotité
appropriée " de la rémunération des nationaux des
deux Parties.
C. UNE PROCÉDURE CLASSIQUE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
En cas
de
différend opposant un investisseur à l'autre Etat
,
l'article 8-1 renvoie à un règlement à l'amiable ou, le
cas échéant, l'arbitrage du Centre international pour le
règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI),
créé par la convention de Washington du 18 mars 1965.
Les
différends susceptibles d'opposer les deux Etats Parties
sont
réglés, si possible, par la voie diplomatique et, en cas
d'échec, sont soumis à un tribunal d'arbitrage, relayé
éventuellement par le Secrétaire général de l'ONU.
*
* *
CONCLUSIONS
La France doit affirmer une présence active dans cette partie stratégique de ce que l'on appelle communément l'Eurasie. Elle s'implique déjà diplomatiquement dans les négociations destinées à promouvoir la paix entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie dans le conflit du Haut Karabagh. Elle doit également y accroître sa présence économique. Le présent accord, qui tend à sécuriser les investissements des entreprises françaises, s'inscrit donc dans cette perspective et votre rapporteur ne peut qu'inviter la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à adopter le projet de loi qui en autorise la ratification.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent projet de loi lors de
sa séance du mercredi 5 mai 1999.
A l'issue de son exposé, M. André Dulait, rapporteur, a
répondu aux questions des commissaires.
Il a indiqué à M. Christian de la Malène que le
Haut-Karabagh était majoritairement peuplé d'Arméniens,
les populations azéries ayant quitté la zone durant le conflit
pour se réfugier dans d'autres parties de l'Azerbaïdjan.
En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, M. André Dulait,
rapporteur, a précisé que les Etats-Unis s'étaient
rangés aux côtés de l'Azerbaïdjan et que la Russie
défendait la position arménienne. Il a fait observer qu'en
occupant un " couloir " reliant l'Arménie au Haut Karabagh,
une certaine continuité territoriale était désormais
assurée entre la République auto-proclamée du Haut
Karabagh et l'Arménie.
M. Xavier de Villepin, président, évoquant une récente
rencontre avec des parlementaires azerbaïdjanais, a indiqué que
ceux-ci s'inquiétaient de la perspective d'une internationalisation
durable du territoire disputé. Il a fait observer que l'Arménie
avait manifesté le désir de rétablir des liens avec la
Turquie et a estimé qu'il était essentiel que ces deux pays
trouvent les moyens de s'accorder pour assurer le développement
harmonieux de toute cette région.
Puis la commission, suivant l'avis de son rapporteur, a approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte
proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), signé à Bakou le 1er septembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. 1( * )
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2(
*
)
-
Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances
:
sans objet.
- Bénéfices escomptés en terme :
* d'emploi
: impossible à quantifier ;
* d'intérêt général
:
enrichissement de nos relations diplomatiques ; cet accord encouragera nos
investisseurs à venir s'implanter dans ce pays très prometteur,
dans la mesure où ils bénéficieront de garanties
juridiques appropriées (liberté de transfert, protection contre
les expropriations et droit inconditionnel à l'arbitrage international).
* financière
: l'accord permettra au Gouvernement
d'accorder la garantie de la Coface pour les investisseurs français,
conformément à la loi de finances rectificative pour 1971 ;
l'accord ouvre par ailleurs la possibilité à la Coface d'exercer
un recours subrogatoire contre l'Etat d'accueil en cas d'indemnisation.
* de simplification des formalités administratives
:
aucune ;
* de complexité de l'ordonnancement juridique
: sans
objet.
1
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 215.
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.