Projet de loi pour la ratification de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers
LA MALÈNE (Christian de)
RAPPORT 305 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. LA CONVENTION DU 17 DÉCEMBRE 1997 : UNE TENTATIVE POUR COORDONNER AU SEIN DES PAYS DE L'OCDE L'INCRIMINATION PÉNALE DE LA CORRUPTION D'AGENTS PUBLICS ÉTRANGERS
- II. LA TRANSPOSITION ET L'APPLICATION DE LA CONVENTION PAR LES PAYS SIGNATAIRES : UNE ÉQUIVALENCE INDISPENSABLE MAIS INCERTAINE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
- ANNEXE I
-
ANNEXE II -
ETUDE D'IMPACT22 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N°
305
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 avril 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997,
Par M.
Christian de LA MALÈNE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle,
René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc
Mélenchon, René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat : 172
(1998-1999).
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de la
convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers
dans les transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17
décembre 1997.
Elaborée dans le cadre de l'OCDE, cette convention a été
signée par les 29 Etats-membres de cette organisation, dont la France,
et par 5 autres Etats non-membres. Elle est entrée en vigueur le 15
février dernier dans les 12 Etats qui ont d'ores et déjà
procédé à sa ratification, en particulier les Etats-Unis,
le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon et le Canada.
Le principe de la convention est simple : les Etats signataires s'engagent
à introduire dans leur législation pénale une
incrimination frappant la corruption d'un agent public étranger en vue
d'obtenir un marché dans le commerce international, cette incrimination
devant être assortie de sanctions pénales efficaces,
proportionnées et dissuasives.
L'objectif de la convention est donc de lutter contre la corruption dans le
commerce international, tant pour créer les conditions d'une concurrence
plus loyale entre pays exportateurs que pour tenter d'amener les pays
importateurs où ce type de pratiques est répandu sur la voie de
la " bonne gouvernance ".
Visant la corruption des agents publics, elle a vocation à encadrer plus
particulièrement, mais non exclusivement, les pratiques en
matière de marchés ou de contrats à l'exportation dans les
secteurs où la commande publique est dominante.
Face à un tel objectif de moralisation, qui ne peut que susciter
l'adhésion générale, bien des commentateurs ont
affiché leur scepticisme.
L'engagement d'un petit nombre de pays peut-il suffire à mettre fin, du
jour au lendemain, à des pratiques que beaucoup d'autres,
non-signataires de la convention, ont laissé se développer en
leur sein ? Dans ces conditions, un tel instrument international ne
risque-t-il pas au mieux d'être inefficace et au pire de ne constituer
qu'un paravent à des agissements plus complexes et plus
sophistiqués ?
Ces questions qui touchent à la portée réelle de la
convention paraissent particulièrement importantes pour la France,
quatrième exportateur mondial, qui réalise près du quart
de son produit intérieur brut grâce à l'exportation. La
convention s'appliquera par ailleurs prioritairement aux secteurs dans lesquels
la commande publique est prédominante, travaux publics,
aéronautique, énergie, communication, équipements
militaires, autant de domaines dans lesquels l'industrie française
s'avère performante sur les marchés internationaux.
Consciente qu'en la matière il était moins ardu d'énoncer
des objectifs et des principes que de garantir leur respect effectif, votre
commission des affaires étrangères et de la défense a
concentré son examen non sur l'inspiration générale du
texte, que nul ne saurait contester, mais sur les difficultés
concrètes de sa mise en oeuvre.
Quelles sont la portée et les limites de la convention ?
Quelles sont les mesures prises ou envisagées par les Etats
signataires ?
Quelles sont ses implications pour la France ?
Comment sera garantie la pleine et entière application de la convention
de façon équivalente entre tous les signataires ?
Telles sont les principales questions auxquelles votre rapporteur, après
avoir procédé à de nombreux entretiens avec des
personnalités du monde des affaires et de l'administration, a
tenté de répondre.
I. LA CONVENTION DU 17 DÉCEMBRE 1997 : UNE TENTATIVE POUR COORDONNER AU SEIN DES PAYS DE L'OCDE L'INCRIMINATION PÉNALE DE LA CORRUPTION D'AGENTS PUBLICS ÉTRANGERS
Derrière des objectifs clairs et une rédaction
relativement simple et brève, la convention du 17 décembre 1997
ne constitue en rien un texte juridiquement évident, et ce pour au moins
trois raisons :
. tout d'abord, elle touche au droit pénal, matière relevant par
excellence de la compétence souveraine des Etats,
. ensuite, elle recherche une approche pénale uniforme de la corruption
alors que des différences très significatives existent entre les
législations et les procédures pénales des Etats
signataires, ainsi qu'entre leurs systèmes et leurs traditions
juridiques,
. enfin, elle vise à réprimer des faits souvent difficiles
à appréhender et dont la caractéristique principale est
qu'ils auront été commis hors du pays chargé de les
poursuivre.
Aussi faut-il rappeler le contexte dans lequel cette convention a
été élaborée, le contenu précis des
engagements souscrits par les signataires et le dispositif prévu pour sa
mise en oeuvre.
A. LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION : UN OBJECTIF AFFICHÉ PAR DE MULTIPLES ENCEINTES INTERNATIONALES
Depuis
le début de la décennie, le thème de la lutte contre la
corruption prend de l'importance au sein de multiples enceintes internationales.
Mesurer le phénomène de corruption, par définition
occulte, n'est guère à notre portée. Tout au plus peut-on
constater que certains pays, par leur système politique,
économique ou administratif, prêtent le flanc plus que d'autres
aux accusations de corruption. Cela est notamment le cas lorsque pouvoir
politique et intérêt économique sont imbriqués, ou
encore dès qu'une part importante des décisions concernant les
commandes publiques ou les délivrances d'autorisation est
concentrée sans contrôle sur un petit nombre de décideurs
politiques ou administratifs.
Sans doute la libéralisation des échanges commerciaux et des
investissements internationaux, tout comme le décollage
économique rapide de pays émergents, a-t-elle
entraîné un développement des phénomènes de
corruption.
Les conséquences de tels phénomènes, au-delà de
leur caractère immoral, ont fréquemment été
dénoncées : la corruption entraîne un
dévoiement des processus de décision au détriment de
l'intérêt général, elle entrave le
développement et fausse la concurrence.
Au cours des dernières années, plusieurs organisations
internationales ont inscrit la lutte contre la corruption à l'ordre du
jour de leurs objectifs.
1. Un foisonnement d'initiatives au sein des organisations internationales
Les
notions de "bonne gouvernance " et de transparence de la vie
économique sont aujourd'hui affirmées avec vigueur au sein des
grandes organisations internationales et régionales.
L'assemblée générale des
Nations unies
a
adopté à la fin de 1996 une résolution enjoignant aux
Etats-membres d'incriminer dans leur droit pénal la corruption d'agents
publics étrangers et de supprimer la déductibilité fiscale
des paiements illicites.
Le
Fonds monétaire international
et la
Banque mondiale
ont
inscrit les performances des pays débiteurs en matière de
" gouvernance " publique parmi les critères de
conditionnalité des prêts, certains versements ayant
été interrompus en attendant la mise en oeuvre de mesures
destinées à prévenir les actes de détournement de
fonds publics ou de corruption. La Banque Mondiale a également
réformé les procédures de prêts afin d'éviter
les détournements ou les actes de corruption auxquels pourraient donner
lieu des opérations.
L'
Organisation mondiale du Commerce
s'est préoccupée
d'établir des règles de concurrence et de transparence en
matière de marchés publics, dans le cadre de son Comité
des marchés publics. Un accord sur les marchés publics a
été conclu afin de renforcer les garanties de concurrence loyale
et de non-discrimination.
Le conseil de l'
Union
européenne
a élaboré
la convention du 23 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption
active et passive impliquant des fonctionnaires des communautés
européennes ou des fonctionnaires des Etats-membres. Cette convention,
dont le processus de ratification a été engagé en France
(cf. projet de loi n° 177 - 1998-1999), vise notamment à instaurer
une incrimination harmonisée des faits de corruption active et passive
de fonctionnaires, communautaires ou nationaux, dans tous les Etats membres, en
renforçant la coopération judiciaire entre ces derniers. Le
Conseil a également adopté le 22 décembre 1998 une action
commune relative à la corruption dans le secteur privé, demandant
aux Etats-membres, dans un délai de deux ans, de prendre les mesures
nécessaires pour envisager dans leur système répressif
interne l'incrimination de la corruption active et passive dans le secteur
privé, imputable tant aux personnes physiques, dans le cadre de leurs
activités professionnelles, qu'aux personnes morales dont elles
relèvent.
Le
Conseil de l'Europe
a quant à lui adopté un programme
de lutte contre la corruption qui a débouché sur une convention
pénale, ouverte à la signature le 27 janvier 1999. Cette
convention est un instrument de portée très large puisqu'elle
couvre toutes les formes de corruption active ou passive, dans le secteur
public et le secteur privé, mais elle donne aux signataires la
possibilité d'émettre des réserves les dispensant d'un
certain nombre de ses dispositions.
Hors du continent européen, une convention interaméricaine contre
la corruption, élaborée dans le cadre de l'
Organisation des
Etats américains
, a été adoptée à
Caracas le 29 mars 1996.
L'
organisation de coopération et de développement
économique
(OCDE)
enfin, s'est penchée dès 1989
sur les paiements illicites dans les transactions internationales. Son
comité international et des entreprises multinationales (CIME) a mis en
place un groupe de travail sur la corruption dans le cadre des transactions
commerciales internationales. Son comité des affaires fiscales a suivi
la question de la déductibilité fiscale des " pots de
vin " versés à des agents publics étrangers. Quant au
Comité d'aide au développement, il a été
chargé de traiter cette question dans le cadre des marchés
financés par l'aide.
C'est lors d'une réunion ministérielle de mars 1994 qu'a
été adoptée au sein de l'OCDE la première
recommandation
invitant les pays membres à prendre des mesures
efficaces pour décourager, prévenir et combattre la
corruption
des agents publics étrangers dans le cadre de transactions commerciales
internationales.
Alors qu'une révision de cette recommandation
était prévue pour 1997, le Conseil de l'OCDE, en mai 1996,
s'engageait formellement sur la voie d'une incrimination pénale de la
corruption d'agents publics étrangers, envisagée de façon
" efficace et coordonnée ". Une nouvelle recommandation, plus
large que celle de 1994, était adoptée en mai 1997, dont la
première mesure de mise en oeuvre consistera à élaborer
une convention finalement adoptée le 17 décembre 1997.
2. L'élaboration au sein de l'OCDE de la convention du 17 décembre 1997
Ainsi
qu'invoqué précédemment, c'est le Conseil de l'OCDE qui,
lors de sa réunion ministérielle de mai 1996, a défini
l'objectif d'une incrimination de la corruption des agents publics
étrangers dans les transactions commerciales internationales.
A l'origine de ce " coup d'accélérateur ", se trouve,
semble-t-il, la
volonté des Etats-Unis
d'amener ses principaux
partenaires au sein de l'OCDE à se doter, en matière de
corruption d'agents publics étrangers, d'une législation
comparable à la leur.
Il est en effet important d'indiquer que si l'on excepte le cas particulier du
Royaume-Uni, les Etats-Unis étaient jusqu'à ces derniers mois le
seul pays pourvu d'une législation incriminant la corruption d'agents
publics étrangers, le
Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) du 19
décembre 1977
. Bien que cette loi n'ait donné lieu
qu'à très peu de poursuites, et à encore moins de
sanctions, les industriels américains considéraient qu'elle les
plaçait en situation d'infériorité au regard de leurs
concurrents sur les marchés à l'exportation.
Une fois cette préoccupation prise en compte, des divergences sont
toutefois apparues entre les membres de l'OCDE sur la forme que devaient
prendre les mesures qui seraient préconisées par l'Organisation.
En effet, selon le dossier rendu public par le gouvernement lors de la
signature de la convention, le 17 décembre 1997,
" la plupart
des partenaires de la France souhaitaient s'en tenir à une simple
recommandation d'incrimination, dispositif non contraignant qui n'aurait pas
été de nature à assurer efficacité et coordination
de mise en oeuvre. La France et l'Allemagne ont fini par convaincre leurs
partenaires que seule une convention, instrument juridique contraignant, serait
susceptible de produire des effets bénéfiques recherchés
et d'assurer une application efficace et harmonisée des dispositions
élaborées en commun ".
Cette divergence étant surmontée, le Conseil de l'OCDE adoptait
le 23 mai 1997 une
nouvelle recommandation
sur la lutte contre la
corruption dans les transactions commerciales internationales.
Cette recommandation demandait aux pays membres de prendre des mesures
efficaces pour décourager, prévenir et combattre la corruption
des agents publics étrangers dans le cadre des transactions commerciales
internationales et, pour atteindre cet objectif, d'examiner la pertinence de
leurs dispositions internes relatives :
- au droit pénal et à son application,
- aux lois, réglementations et pratiques fiscales,
- aux normes et pratiques comptables des entreprises et à leur
vérification,
- aux dispositions bancaires ou financières permettant la tenue de
registres utilisables pour une instruction ou une enquête,
- aux subventions publiques et aux règles de passation des
marchés,
- aux lois et réglementations en matière civile, commerciale et
administrative,
- à la coopération internationale.
S'agissant de la question spécifique de
l'incrimination de la
corruption d'agents publics étrangers
, la recommandation
prévoyait un calendrier très précis :
- ouverture immédiate des négociations d'un texte de convention,
à partir des éléments communs agréés par les
Etats-membres,
- ouverture à la signature de cette convention à la fin de
l'année 1997,
- présentation par les pays membres des projets d'adaptation interne
éventuellement nécessaires pour la mise en conformité des
législations nationales avec les engagements contenus dans la convention
avant le 1
er
avril 1998,
- adoption de ces projets internes avant la fin de l'année 1998 pour une
entrée en vigueur, à la même date, de la convention.
Ce calendrier assignait donc un délai particulièrement bref pour
l'élaboration de la convention elle-même, ne laissant aux
Etats-membres que très peu de temps pour évaluer toutes les
implications, nécessairement complexes sur les plans juridique et
économique, d'un tel instrument international.
Une conférence de négociation tenue du 17 au 21 novembre 1997
élaborait le texte définitif à partir d'une proposition
franco-allemande, d'un projet de texte proposé par le secrétariat
de l'OCDE et d'une troisième proposition établie par la
délégation américaine.
Outre le texte de la convention, signé à paris le 17
décembre 1997, la conférence de négociation a
adopté une série de commentaires qui éclairent et
précisent le texte de la convention et l'interprétation qu'il
convient de lui donner.
B. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LES PARTIES À LA CONVENTION DU 17 DÉCEMBRE 1997
La
convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers
dans les transactions commerciales internationales a été
signée par les 29 pays de l'OCDE ainsi que par
l'Argentine, le
Brésil, la Bulgarie, le Chili et la République slovaque
. A ce
jour, 12 pays signataires ont déposé leur instrument de
ratification.
Les engagements souscrits par les parties à la convention couvrent
l'incrimination des actes de corruption, l'édiction de sanctions
pénales, les règles d'enclenchement des poursuites et la
coopération judiciaire.
1. La nature des actes de corruption incriminés
La
convention devant servir de référence à une incrimination
pénale, il importait que soient précisément définis
le champ d'application de cette incrimination et la nature des actes
concernés.
Conformément à son intitulé, la convention ne s'applique
qu'au domaine des
transactions commerciales internationales
, celles-ci
couvrant, selon le préambule, les échanges et l'investissement.
La convention ne définit pas les transactions commerciales
internationales, mais elle mentionne, dans son article premier, la notion
d'obtention ou de conservation d'un
" marché "
ou d'un
" avantage indu dans le commerce international "
, l'avantage
indu pouvant par exemple recouvrir une autorisation d'exercer une
activité pour une usine ne remplissant pas les conditions
réglementaires.
La convention ne vise que la
corruption active
, c'est-à-dire
" le fait intentionnel, pour toute personne, d'offrir, de promettre ou
d'octroyer un avantage indu pécuniaire ou autre, directement ou par des
intermédiaires, à un agent public étranger, à son
profit ou au profit de tiers pour que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir
dans l'exécution de fonctions officielles ",
cette
dernière notion désignant
" toute utilisation qui est
faite de la position officielle de l'agent public, que cette utilisation
relève ou non des compétences conférées à
cet agent ".
Les commentaires adoptés lors de la conférence de
négociation précisent que l'infraction n'est pas
constituée lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la
réglementation écrite du pays de l'agent public étranger,
y compris la jurisprudence. Ne sont pas davantage concernés les
paiements dits de " facilitation " qui sont faits, dans certains
pays, pour inciter les agents publics à exécuter leurs fonctions,
notamment lorsqu'il s'agit de délivrer une autorisation ou un permis.
Enfin, la convention ne vise que les
agents publics étrangers
, et
ne concerne donc pas les personnes privées, qu'il s'agisse de personnes
physiques ou morales. L'agent public étranger désigne
" toute personne qui détient un mandat législatif,
administratif ou judiciaire dans un pays étranger, qu'elle ait
été nommée ou élue, toute personne exerçant
une fonction publique pour un pays étranger, y compris pour une
entreprise ou un organisme publics, et tout fonctionnaire ou agent d'une
organisation internationale ".
Plusieurs précisions sont apportées par les commentaires
adoptés par la conférence de négociation,
particulièrement au sujet de la notion d'entreprise publique. Le
critère retenu est celui de l'influence dominante de l'Etat. Toutefois,
un responsable d'entreprise publique pourrait ne pas être
considéré comme exerçant une fonction publique si
l'entreprise concernée exerce son activité sur une base
commerciale normale, équivalente à celle d'une entreprise
privée, sans aides préférentielles ou autres
privilèges.
Par ailleurs, l'article 7 impose aux parties pour lesquelles la corruption de
leurs agents publics constitue une infraction principale aux fins de
l'application de leur législation relative au
blanchiment de
capitaux,
de prendre la même mesure en cas de corruption d'un agent
public étranger, quel que soit le lieu où la corruption s'est
produite.
Enfin, dans un but préventif, la convention (article 8) engage les
parties à prendre, en matière de
réglementation
comptable
, les mesures nécessaires pour interdire aux entreprises
"
l'établissement de comptes hors livres, les opérations
hors livres ou insuffisamment identifiées, l'enregistrement de
dépenses inexistantes, l'enregistrement d'éléments de
passif dont l'objet n'est pas suffisamment identifié, ainsi que
l'utilisation de faux documents, dans le but de corrompre un agent public
étranger ou de dissimuler cette corruption
".
2. Les principes relatifs aux sanctions pénales
Le
principe posé par l'article 3 de la convention est celui de
sanctions
pénales efficaces, proportionnées et dissuasives
à
l'encontre de la corruption d'un agent public étranger.
Chaque partie s'engage à ce que l'éventail des sanctions
applicables soit comparable à celui relatif à la corruption de
ses agents publics nationaux. Dans le cas des personnes physiques, il doit
inclure des peines privatives de liberté suffisantes pour permettre une
entraide judiciaire suffisante et l'extradition.
Chaque partie s'engage aussi à prendre les mesures nécessaires
pour établir la
responsabilité des personnes morales
qui
auraient participé à un acte de corruption. Toutefois, la
convention laisse la latitude aux Etats de déterminer le régime
de responsabilité, les sanctions applicables aux personnes morales
pouvant être, selon les législations nationales, de
caractère civil, pénal ou administratif.
La convention envisage également des
sanctions complémentaires
civiles ou administratives ainsi que la saisie et la confiscation de
l'instrument et des produits de la corruption d'un agent public
étranger, ou des avoirs d'une valeur équivalente à celle
de ces produits.
Enfin, des sanctions civiles, administratives ou pénales doivent
également être prévues à l'encontre des infractions
à la réglementation comptable commises pour dissimuler les actes
de corruption (article 8).
En ce qui concerne le régime de
prescription,
il
" devra
ménager un délai suffisant pour l'enquête et les
poursuites
" relatives à l'infraction de corruption.
3. La mise en oeuvre des poursuites
Les
principes régissant la mise en oeuvre des poursuites sont
énoncés par l'article 4.
S'agissant du principe traditionnel de
compétence territoriale,
les parties devront établir leur compétence à
l'égard de la corruption d'un agent public étranger en cas
d'infraction commise en tout ou partie sur leur territoire. Les commentaires
adoptés par la conférence de négociation indiquent que
" la compétence territoriale devrait être
interprétée largement, de façon qu'un large rattachement
national à l'acte de corruption ne soit pas exigé ".
Il
s'agit ici de ne pas exiger que l'ensemble des faits constitutifs de corruption
se soient déroulés sur le territoire national.
Quant à la
compétence fondée sur la nationalité,
la convention renvoie aux règles applicables selon le droit interne
de chaque Etat partie.
Elle précise simplement que chaque partie ayant compétence pour
poursuivre ses ressortissants à raison d'infractions commises à
l'étranger prend les mesures nécessaires pour établir sa
compétence à l'égard de la corruption d'un agent public
étranger selon les mêmes principes.
Enfin, la convention prévoit que les parties se concerteront, en cas de
pluralité de compétences, afin de décider celle d'entre
elles la mieux à même d'exercer les poursuites.
L'une des interrogations majeures sur l'application de la convention tient
à la
façon dont chaque partie engagera les poursuites
.
Dans le Préambule, la convention pose un
principe
d'équivalence
entre les mesures prises par les parties, qui
constitue un objet et un but essentiels de la convention. Toutefois la mise en
oeuvre de ce principe s'avère délicate. L'article 5
précise que
" les enquêtes et poursuites en cas de
corruption d'un agent public étranger sont soumises aux règles et
principes applicables de chaque partie ".
Le
caractère
fondamental des régimes nationaux en matière
d'opportunité des poursuites
est donc reconnu. Toutefois, les
rédacteurs de la convention ont voulu tempérer ce principe
d'opportunité des poursuites en affirmant que les enquêtes et
poursuites
" ne seront pas influencées par des
considérations d'intérêt économique national, les
effets possibles sur les relations avec un autre Etat ou l'identité des
personnes physiques ou morales en cause ".
Mais il faut bien convenir
que cette formulation relève plus du voeu que de la contrainte juridique
et que, compte tenu du pouvoir discrétionnaire du ministère
public, elle ne saurait garantir que celui-ci fera prévaloir dans tous
les cas les objectifs de la convention.
4. La coopération judiciaire
Les
dispositions relatives à l'
entraide judiciaire
(article 9) visent
les procédures pénales et, s'agissant des personnes morales, les
procédures non pénales se rapportant à des faits entrant
dans le champ de la convention. Ces dispositions peuvent être
invoquées par les parties à l'appui d'une demande d'entraide
judiciaire ou d'extradition, même en l'absence de convention
bilatérale. Par ailleurs, la condition de double incrimination
exigée par certains Etats pour donner suite à une demande
d'entraide judiciaire ou d'extradition est réputée satisfaite
dès lors que l'infraction relève de la convention. L'article 9
précise également que l'entraide judiciaire en matière
pénale ne peut être refusée en s'appuyant sur le secret
bancaire.
En matière d'
extradition
(article 10), la convention applique le
principe
" aut dedere aut judicare "
(extrader ou juger) qui
permet à une partie de refuser d'extrader un de ses ressortissants en
raison de sa nationalité à condition d'engager des poursuites
à son encontre. L'article 11 prévoit la désignation, par
chaque partie, d'une autorité chargée de faciliter l'envoi et la
réception des demandes d'entraide judiciaire et d'extradition.
C. LES RÈGLES DE MISE EN oeUVRE
La mise en oeuvre de la convention obéit à un mécanisme original d'entrée en vigueur et repose sur un programme de surveillance et de suivi.
1. Les modalités d'entrée en vigueur
Les
modalités d'entrée en vigueur retenues pour la convention tentent
de concilier le souhait de réunir un nombre suffisant de ratifications
émanant de pays significatifs sans pour autant prendre le risque d'un
blocage qui résulterait de la non ratification par un ou plusieurs pays
signataires.
L'article 15 prévoit que la convention entrera en vigueur soixante jours
après qu'un
groupe de 5 pays
parmi les 10 premiers pays
exportateurs de l'OCDE aura déposé ses instruments de
ratification, ce groupe de 5 pays devant de surcroît représenter
60 % des exportations des 10 premiers exportateurs. Ce système assez
complexe conduisait de fait à subordonner l'entrée en vigueur de
la convention au dépôt des instruments de ratification par les
Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon.
Après la ratification par le Japon (13 octobre 1998), l'Allemagne (10
novembre 1998), les Etats-Unis (8 décembre 1998) et le Royaume-Uni (14
décembre 1998), la ratification par le Canada le 17 décembre 1998
a permis de satisfaire à la condition posée si bien que
la
convention est entrée en vigueur le 15 février 1999.
Ont en outre ratifié la convention l'Islande (17 août 1998), la
Hongrie (4 décembre 1998), la Finlande (14 décembre 1998), la
Norvège (18 décembre 1998), la Bulgarie (22 décembre
1998), la Corée (4 janvier 1999) et la Grèce (5 février
1999).
2. La surveillance et le suivi de l'application de la convention
L'efficacité de la convention repose sur son application
loyale et sincère par chaque partie. Cet aspect essentiel a
été renvoyé à un article 12 relatif à la
surveillance et au suivi.
Un programme de suivi systématique sera mis en oeuvre afin de surveiller
et promouvoir la pleine application de la convention. Ce programme
relèvera
du groupe de travail de l'OCDE sur la corruption
dans le
cadre de transactions commerciales internationales.
Le mandat actuel de ce groupe prévoit :
- la réception des notifications et autres informations soumises par les
pays participants,
- un examen régulier des mesures prises par les pays dans le cadre d'une
procédure d'auto-évaluation (réponses à des
questionnaires) et d'une procédure d'évaluation mutuelle (examen
de chaque pays à tour de rôle).
Les rédacteurs de la Convention ont considéré qu'un
mécanisme d'examen " par les pairs " serait de nature à
exercer une pression suffisante sur les parties pour qu'elles mettent
sincèrement en oeuvre la convention et qu'elles respectent ses
dispositions.
Le système de surveillance et de suivi comportera
deux séries
d'évaluations mutuelles.
La première série d'évaluation, qui commencera dès
le mois d'avril 1999 sera consacrée à l'étude des textes
de transposition adoptés par les Parties. Elle sera
réalisée sur la base des réponses des Etats à un
questionnaire. Ces réponses seront étudiées, pour chaque
pays, par deux pays examinateurs qui élaboreront avec le
Secrétariat de l'OCDE un rapport remis au groupe. Le tout sera soumis
à la discussion au sein du groupe, en session plénière.
Ces examens auront pour but d'évaluer le respect formel par les Parties
des dispositions de la convention. Ils permettront de se faire une idée
précise des éventuels problèmes de conformité que
les pays pourraient rencontrer.
La seconde phase, qui débutera à l'automne 2000, sera
consacrée à l'examen de la mise en oeuvre concrète des
dispositions juridiques étudiées lors de la première
phase. Cette phase cherchera notamment à évaluer si les Parties
mettent en oeuvre de façon efficace les mesures pénales contenues
dans la convention. Pour ce faire, une visite sur place, dans chaque pays,
d'une équipe d'évaluation, composée de deux experts des
pays membres et accompagnée du Secrétariat, sera
organisée. Ces experts pourront rencontrer les autorités
administratives, policières et judiciaires, chargées de la lutte
contre la corruption. Ces équipes examineront le fonctionnement global
du système de lutte contre la corruption d'agents publics
étrangers, sans toutefois entrer dans le détail d'affaires en
cours.
II. LA TRANSPOSITION ET L'APPLICATION DE LA CONVENTION PAR LES PAYS SIGNATAIRES : UNE ÉQUIVALENCE INDISPENSABLE MAIS INCERTAINE
Par les
principes qu'elle édicte, la convention du 17 décembre 1997
entend moraliser les pratiques du commerce international, tout en laissant aux
pays signataires l'entière responsabilité de la mise en oeuvre et
du respect de ces principes.
La crédibilité de la convention
implique que ces règles nouvelles s'imposent à tous de
manière uniforme
et passe donc par
l'égalité de
traitement entre exportateurs des différents pays.
Or il est frappant de constater que la crainte d'une application
différenciée qui romprait cette égalité de
traitement semble avoir dominé une large partie de la négociation.
Cette crainte transparaissait dans le débat entre partisans d'une simple
recommandation et défenseurs d'une convention, censée garantir
l'application à tous d'engagements similaires. On la retrouve dans le
mécanisme complexe d'entrée en vigueur de la convention,
imaginé pour s'assurer de sa ratification par les Etats-Unis. Elle est
également sous-jacente dans le rappel du principe d'équivalence
et dans la disposition de l'article 5 excluant que les enquêtes et
poursuites puissent être influencées par des considérations
d'intérêt économique national ou par la qualité des
personnes physiques ou morales en cause.
En réalité, il est difficile de considérer la convention
en faisant abstraction du
contexte de compétition économique
pour la conquête de marchés à l'exportation
qui en
constitue la toile de fond.
L'industrie française est particulièrement présente,
souvent avec succès, dans cette compétition, surtout dans les
domaines d'activité qui, par nature, seront particulièrement
concernés par la convention, c'est-à-dire ceux donnant lieu
à de grands contrats impliquant une décision des autorités
publiques. Il en va ainsi des travaux publics, de la communication, du
pétrole et de l'énergie, de l'aéronautique et bien entendu
de l'équipement militaire.
L'objectif de la convention, à savoir une concurrence loyale dans un
environnement assaini, ne peut valablement être atteint que si celle-ci
est appliquée de manière similaire par l'ensemble des parties.
Que le régime des sanctions diffère, que l'interprétation
des textes soit souple ici et rigide ailleurs ou que la propension des parquets
des différents pays à poursuivre soit par trop disparate, et la
convention créera d'inacceptables distorsions de concurrence au lieu de
les réduire.
Pour votre rapporteur, le respect du principe d'équivalence dans la mise
en oeuvre de cette convention demeure une incertitude majeure, tant au niveau
de sa transposition dans les droits internes que dans son application
effective. Cette incertitude pèse naturellement sur l'avenir de nos
industries exportatrices.
A. QUELLE TRANSPOSITION DANS LES DROITS INTERNES ?
Il faut ici distinguer le cas des Etats-Unis, qui disposent depuis 1977 d'une législation pratiquement conforme à la convention, des autres pays, dont la France, qui devront prendre des mesures d'adaptation.
1. Le cas des Etats-Unis : une législation complète mais peu appliquée
A la
suite de scandales financiers mettant à jour les " pots de
vin " versés à l'étranger par de grands groupes
industriels américains, et notamment l'affaire Lockheed, les Etats-Unis
se sont dotés en 1977 d'une législation interdisant, sous peine
de sanctions pénales, les paiements à des agents publics
étrangers en vue d'obtenir ou de conserver des avantages commerciaux.
Le
Foreign Corrupt Practices Act (FCPA)
du 19 décembre 1977 qui
pose le principe de la répression de la corruption active d'un
fonctionnaire étranger par un ressortissant américain, a
été modifié une première fois en 1988 par l'Omnibus
Trade Act puis, plus récemment, par l'International Anti-Bribery Act du
10 novembre 1998, pris pour la transposition de la convention de l'OCDE. Dans
sa version initiale, le FCPA ne couvrait que les actes de corruption commis par
une entreprise ou un citoyen américain auprès d'un agent public
étranger.
Les modifications apportées en 1998 visent à étendre
l'application de la loi aux actes de corruption commis par des personnes
physiques ou morales étrangères qui se trouvent sur le territoire
des Etats-Unis. Réciproquement, la loi sera également applicable
aux actes de corruption commis à l'étranger dès lors
qu'ils ont impliqué la participation d'une entreprise ou d'un citoyen
américain.
L'incrimination couvre la corruption d'un officiel étranger, d'un
candidat à un poste officiel ou d'un parti politique, que le paiement
ait été effectué directement ou à un
intermédiaire. Un amendement adopté en 1988 a rendu plus
difficile la constatation de l'infraction en exigeant la preuve que
l'entreprise connaissait le caractère illicite du paiement.
La loi américaine prévoit toutefois un certain nombre
d'
exceptions
pour différents types de paiement :
- il s'agit tout d'abord des paiements effectués en vue de
l'accomplissement par un fonctionnaire étranger " d'actions
gouvernementales de routine ", telles que la délivrance de visas,
de permis ou d'autorisation (une telle exception a été reprise
dans les commentaires adoptés par la Conférence de
négociation de la Convention),
- de même, les dépenses de voyages ou d'hébergement
engagées par des entreprises américaines au profit de
fonctionnaires étrangers sont autorisées si elles sont
directement tirées à la promotion de l'entreprise ou de la
présentation de ses produits et si elles peuvent être
considérées comme raisonnables et de bonne foi,
- enfin, une clause particulière précise qu'aucune sanction
civile ne peut être prononcée contre des sociétés
américaines qui, agissant en coopération avec une agence
fédérale ayant pour mission d'assurer la sécurité
des Etats-Unis, effectuent des paiement à l'étranger sans
être en mesure d'en justifier l'origine dans les conditions
prévues par les réglementations comptables en vigueur.
Les
sanctions prévues
par le FCPA sont :
- pour les entreprises, des amendes pouvant s'élever à 2 millions
de dollars ;
- pour les personnes physiques, des amendes pouvant s'élever à
100 000 dollars et des peines d'emprisonnement d'une durée maximale
de 5 ans.
La loi interdit le paiement par les entreprises des amendes prononcées
contre les personnes physiques.
Indépendamment des sanctions pénales, une action civile peut
être engagée en vue du prononcé d'une sanction civile.
Des peines complémentaires peuvent être prononcées contre
l'entreprise, notamment l'interdiction de contracter avec le gouvernement
fédéral ou de bénéficier de licences d'exportation.
Enfin, une disposition spéciale de la loi donne la possibilité
aux entreprises de consulter les services de l'Attorney General des Etats-Unis
sur le caractère licite ou non d'un paiement envisagé, de
manière à se prémunir contre d'éventuelles
poursuites pour des opérations qui pourraient susciter des
difficultés d'interprétation au regard de la loi.
L'engagement des poursuites pénales
pour corruption d'un agent
public étranger dans le cadre du FCPA relève du
Département de la Justice
des Etats-Unis, qui dispose d'un
total pouvoir d'appréciation sur l'opportunité des
poursuites
. Les décisions de classement ne donnent lieu à
aucune motivation. Si en revanche le Département de la Justice
décide d'engager les poursuites, il doit y être
préalablement autorisé par un Grand Jury, groupe de citoyens
choisis au hasard, devant lequel il présente les éléments
de preuve qui ont été recueillis. C'est ce Grand Jury qui
décide de la probabilité du délit et autorise donc
l'émission d'un acte d'accusation.
Encore faut-il ajouter que le ministère public peut décider de ne
pas mettre en mouvement l'action publique ou d'y renoncer si un accord est
conclu dans le cadre d'une
transaction avec l'auteur de l'infraction
.
Cette possibilité de transaction en matière pénale permet
de mettre fin aux poursuites dans le cadre d'une procédure qui demeure
non publique.
La procédure de plainte avec constitution de partie civile, qui
enclenche automatiquement l'action publique, n'existe pas aux Etats-Unis.
En revanche, la victime d'une infraction peut engager une instance civile en
dédommagement de son préjudice, et ce, indépendamment de
toute action pénale. En effet, les Etats-Unis ne connaissent pas le
principe du droit français selon lequel
" le criminel tient le
civil en l'état ".
Confronté depuis plus de vingt ans à cette législation,
les industriels américains ont régulièrement
considéré qu'ils s'en trouvaient pénalisés par
rapport à leurs concurrents sur les marchés à
l'exportation. Cet argument a lourdement pesé dans la volonté des
autorités américaines, par le biais des travaux de l'OCDE,
d'amener leurs partenaires à se doter d'une législation
équivalente.
Pourtant,
depuis 1977
, seule une vingtaine de dossiers de corruption
d'agents publics étrangers auraient été examinés et
cinq poursuites
auraient été engagées, la sanction
la plus sévère s'étant limitée à une
année d'emprisonnement avec sursis.
2. Les mesures envisagées par la France
Si le
droit pénal français incrimine la corruption active et passive
d'agents publics, il ne vise pas jusqu'à présent les agents
publics étrangers.
Quant au droit fiscal, il reconnaissait jusqu'à il y a peu la
possibilité de déduire des commissions versées à
des agents publics étrangers dès lors que la dépense
était justifiée et correspondait à l'intérêt
de l'entreprise. Ainsi, lorsqu'un marché était obtenu grâce
à l'entremise d'un tiers, la commission qui lui avait été
versée était normalement déductible dès lors que le
service rendu était réel, le taux normal, l'identité du
bénéficiaire connue et le montant de la
rémunération mentionné sur le relevé spécial
des honoraires.
La signature par la France de la convention du 17 décembre 1997 a
naturellement conduit à envisager une adaptation de notre
législation.
S'agissant de la
législation fiscale,
l'article 32 de la
loi
de finances rectificative pour 1997
a modifié le code
général des impôts par la disposition suivante :
" Pour les contrats conclus au cours d'exercices ouverts à
compter de l'entrée en vigueur de la convention sur la lutte contre la
corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales, les sommes versées ou les avantages octroyés,
directement ou par des intermédiaires, au profit d'un agent public au
sens du 4 de l'article 1
er
de ladite convention ou d'un tiers pour
que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions
officielles, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre
avantage indu dans les transactions commerciales internationales, ne sont pas
admis en déduction des bénéfices soumis à
l'impôt ".
Compte tenu de ce dispositif, les commissions déclarées,
versées dans l'intérêt de l'entreprise et dès lors
qu'elles ne représenteront pas un montant disproportionné par
rapport au service rendu demeureront déductibles, à l'exception
des sommes qui auraient été versées à un agent
public étranger, désormais interdites.
Sur le
plan pénal
, le gouvernement a déposé le 28
janvier dernier au Sénat un
projet de loi modifiant le code
pénal et le code de procédure pénale et relatif à
la lutte contre la corruption
(n° 179, 1998-1999).
Le projet de loi vise à introduire dans notre code pénal
l'incrimination de corruption d'un agent public étranger,
assortie d'une
peine de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F
d'amende.
Il prévoit diverses peines complémentaires pour les
personnes physiques, ainsi qu'un régime de responsabilité des
personnes morales.
Pour les personnes physiques, ces peines complémentaires comportent
l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction, pour
une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou
d'exercer l'activité professionnelle ou sociale au cours de laquelle
l'infraction a été commise, la confiscation de la chose qui a
servi à commettre l'infraction ou encore l'affichage ou la diffusion de
la décision prononcée.
Le régime de
responsabilité des personnes morales
envisagé est quant à lui relativement sévère
puisque les peines encourues sont les suivantes :
- une amende de 5 millions de F,
- l'interdiction d'exercer l'activité au cours de laquelle l'infraction
a été commise, le placement sous surveillance judiciaire, la
fermeture d'un ou des établissements impliqués dans l'infraction,
l'exclusion des marchés publics, l'interdiction de faire appel public
à l'épargne et l'interdiction d'émettre des
chèques, l'ensemble de ces peines pouvant être prononcées
pour 5 ans au plus,
- la confiscation de la chose qui a servi à l'infraction,
- l'affichage et la diffusion de la décision prononcée.
On remarquera que le quantum des peines est identique à celui
prévu pour la corruption d'un agent public national et qu'il sera
supérieur à celui retenu par la plupart des autres pays de l'OCDE
qui envisagent un emprisonnement maximal de 5 ans en moyenne (cas des
Etats-Unis notamment).
En ce qui concerne le
régime des poursuites
, le projet de loi
dispose que
la poursuite ne pourra être exercée qu'à la
requête du ministère public
. Cette clause est apparue
indispensable afin d'assurer une certaine équivalence d'application de
la convention. En effet, il n'était guère envisageable de
maintenir la faculté de mise en mouvement automatique de l'action
publique offerte par la plainte avec constitution de partie civile alors que la
plupart de nos partenaires écartent une telle procédure.
Les nouvelles dispositions incriminant la corruption d'agents publics
étrangers entreront en vigueur le jour de l'entrée en vigueur de
la convention du 17 décembre 1997.
Par ailleurs, par application du principe de
non-rétroactivité
d'une loi pénale plus
sévère, l'article 2 du projet de loi précise que
les
articles nouveaux ne s'appliqueront pas aux faits commis à l'occasion de
contrats signés antérieurement à l'entrée en
vigueur de la convention.
Ainsi que l'indique l'exposé des motifs du projet de loi,
" les
nouveaux articles pris pour l'adoption de notre droit... ne sauraient
s'appliquer à l'exécution, postérieurement à la
date d'entrée en vigueur de la loi, d'engagements pris en vue de
déterminer la conclusion de contrats signés antérieurement
à cette date ".
3. Les mesures prises par les autres pays
Le
Royaume-Uni dispose d'une législation relative à la corruption
depuis le début du siècle (Public bodies corrupt practices Act de
1889, Prevention of corruption Act de 1906 et Prevention of corruption Act de
1916) et estime que les textes concernés n'ont pas à être
adaptés et peuvent servir de base à des poursuites en cas de
corruption d'agents publics étrangers. L'engagement des poursuites n'est
possible qu'avec l'accord du procureur général.
L'Allemagne a adopté sa loi d'application de la convention le
10 septembre 1998 et le Japon en a fait de même le 18 septembre 1998.
Le gouvernement italien a proposé un projet de loi étendant les
dispositions relatives à la corruption de son code pénal à
la corruption d'agents publics étrangers et établissant une
responsabilité des personnes morales.
B. QUELLE ÉQUIVALENCE DANS L'APPLICATION ?
Malgré les principes communs établis par la
convention, des variations sont susceptibles d'apparaître dans les
transpositions en droit interne, que ce soit dans le niveau des sanctions
pénales, dans l'étendue de la responsabilité des personnes
morales ou dans les règles de compétence des juridictions
nationales.
Mais c'est surtout dans l'application effective de la convention,
c'est-à-dire dans la mise en oeuvre des poursuites, que risquent de se
produire les distorsions les plus marquées.
1. Les risques de distorsion dans l'appréciation de la corruption
Pour
précise qu'elle soit, la définition de la corruption d'un
fonctionnaire étranger contenue dans la convention peut donner lieu
à des interprétations plus ou moins extensives.
D'ores et déjà apparaissent, dans les législations
nationales, des précisions, des nuances ou des exceptions qui montrent
que
l'appréciation de la corruption ne sera pas partout
identique
. Pour prendre l'exemple des Etats-Unis, leur législation
tolère la pratique d'invitations de fonctionnaires étrangers au
titre de la promotion commerciale. Comment sera appréciée la
limite entre ce qui relève de l'action commerciale et la
corruption ? N'y aura-t-il pas, en la matière, une jurisprudence
plus ou moins rigoureuse selon les pays ?
Si la convention prohibe clairement certaines pratiques, elle risque aussi de
laisser subsister ce que l'on pourrait appeler une
" zone grise ",
dans laquelle pourraient se maintenir des formes moins visibles, plus
complexes et plus sophistiquées de corruption. On pense en particulier
au rôle que peuvent jouer des sociétés de droit local, en
réalité contrôlées par des groupes industriels, par
le biais de montages complexes utilisant sociétés écrans
et paradis fiscaux. Bien entendu, seules de très grosses
sociétés, disposant d'une large assise internationale et
d'importants moyens financiers seraient en mesure d'utiliser de tels
procédés qui contourneraient la convention.
2. Les risques de distorsion dans la mise en oeuvre des poursuites pénales
C'est
sans doute dans
la
mise en oeuvre effective des poursuites
pénales
qu'il faut redouter les plus fortes distorsions, qui
viendraient ainsi battre en brèche le principe d'équivalence sur
lequel repose la crédibilité de la convention.
Cette distorsion pourrait provenir à la fois de la
grande
disparité des systèmes judiciaires
et de leurs pratiques en
matière de poursuites pénales et de l'
appréciation qui
sera faite de l'opportunité des poursuites
.
Certes, il est clair que le gouvernement français a voulu écarter
la possibilité d'une multiplication des poursuites qui aurait
résulté de la mise en mouvement de l'action publique sur simple
dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile. N'importe
quel concurrent malchanceux aurait alors pu déclencher abusivement des
poursuites à l'encontre d'une société française
décrochant un marché. Or la majorité des pays signataires
ne connaissent pas une telle procédure et attribuent le monopole des
poursuites au ministère public.
Il n'en reste pas moins que chacun des 181 procureurs français pourra
avoir sa propre appréciation de l'opportunité des poursuites en
matière de corruption dans le commerce international, même si une
circulaire de politique pénale du Garde des Sceaux est envisageable pour
uniformiser leurs pratiques.
Un tel inconvénient est beaucoup moins probable aux Etats-Unis compte
tenu de la centralisation des poursuites entre les mains de l'Attorney general.
Une autre disparité proviendra de la possibilité ou de
l'impossibilité, selon les systèmes juridiques, de recourir
à une
transaction pénale
. La transaction pénale
permet d'infliger une sanction sans aller au procès. Elle offre ainsi
une " porte de sortie " à la société prise en
défaut, possibilité dont ne pourront bénéficier les
entreprises des pays ignorant la transaction pénale, tels que la France.
Ainsi, dans notre pays, il n'y aura pas de voie moyenne entre le classement du
dossier et l'organisation du procès.
Signalons également que dans un pays comme les Etats-Unis, la
centralisation des procédures et les
règles de secret
concourent à ne donner aucune publicité à un dossier qui
ferait l'objet soit d'un classement, soit d'une solution transactionnelle.
Enfin, quelle sera la propension des parquets à poursuivre des faits
commis dans un pays tiers et qui, pour être illicites, ne produiront pas
nécessairement un préjudice direct dans le pays où ils
sont censés être réprimés ? On risque, à
l'évidence, de constater une grande diversité de
pratiques.
C. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR
Face aux multiples difficultés et interrogations que soulève cette convention aux objectifs par ailleurs très utiles, en particulier sur le plan de l'équivalence dans l'application, votre rapporteur estime que sa ratification doit être entourée d'un certain nombre d'observations ou de garanties.
1. Une extension géographique souhaitable
En
dépit de leur poids économique, les 34 pays signataires ne
résument pas à eux seuls le commerce international.
Ainsi l'OCDE devrait-elle se fixer pour principal objectif, maintenant que la
convention est entrée en vigueur,
son extension à de nouveaux
pays
.
L'article 13 maintient la possibilité d'adhésion
ultérieure à tout pays devenu membre de son groupe de travail sur
la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales. Il
apparaît d'ores et déjà que certains pays, tels Israël
ou la Russie pourraient se joindre aux signataires.
Il importe d'amplifier ce mouvement d'adhésion à la convention en
visant, par exemple, une
extension progressive à tous les pays de
l'Organisation mondiale du commerce
, afin que les effets de la corruption
dans le commerce international bénéficient de la plus large prise
de conscience.
2. La nécessité d'une stricte transposition de la convention en droit français
Toujours
dans un souci de permettre la plus grande équivalence dans l'application
de la convention, il apparaît nécessaire de la transposer
strictement en droit français, afin que celui-ci soit aussi proche que
possible de celui de nos partenaires.
Cette précaution apparaît indispensable en ce qui concerne la
définition de la corruption
, qui doit donner prise au moins de
divergences possibles entre les interprétations des différents
signataires.
Elle est tout aussi indispensable en matière de
règles
d'enclenchement des poursuites
, seul un
monopole des poursuites entre
les mains du ministère public
pouvant garantir un minimum de
cohérence avec les pratiques de nos partenaires.
Ces garanties sont actuellement apportées par le projet de loi
déposé par le gouvernement et il est donc essentiel de les
maintenir.
3. Une date unique pour l'entrée en vigueur de la convention et de la loi interne
Tel
qu'est rédigé le projet de loi interne, les modifications du code
pénal ne sauraient entrer en vigueur avant la convention.
L'hypothèse inverse reste cependant possible mais elle ne paraît
pas opportune d'un point de vue de sécurité juridique. Il serait
en effet peu clair de créer une période d'incertitude au cours de
laquelle la convention serait entrée en vigueur en France mais pas la
loi chargée de l'appliquer.
Pour cette raison, il serait sage de ne
déposer les instruments de
ratification de la convention qu'une fois le projet de loi interne
adopté
. Une seule et même date serait ainsi retenue pour
l'entrée en vigueur de la convention et des modifications du code
pénal.
4. Une vigilance indispensable au sein du groupe de suivi
Enfin,
il paraît indispensable d'exercer une grande vigilance au sein du groupe
de travail de l'OCDE sur la corruption qui sera chargé du suivi de
l'application de la convention.
C'est en effet ce groupe qui, dans le cadre de sa mission de surveillance, sera
chargé de déceler et de faire valoir les éventuelles
distorsions dans l'application de la convention.
Aussi le gouvernement devra-t-il apporter une attention spéciale
à
l'action des représentants de la France au sein de ce
groupe
, afin qu'ils exercent avec la plus grande efficacité une
mission très importante pour la situation relative de nos entreprises
exportatrices sur le marché international.
CONCLUSION
Les
effets de la corruption sur le fonctionnement politique et le
développement économique de certains pays tout comme
l'opacité qu'elle provoque dans les relations commerciales ont
justifié l'intérêt croissant que portent de multiples
organisations internationales à la lutte contre la corruption.
La convention du 17 décembre 1997 élaborée par l'OCDE
s'inscrit dans cette démarche d'ensemble en n'apportant cependant qu'une
réponse partielle aux nombreuses questions soulevées par la
corruption.
On peut légitimement douter de l'efficacité de la convention pour
réduire les pratiques de corruption dans les pays qui les ont pour ainsi
dire élevées au rang de droit d'entrée pour l'accès
à leur marché. Mais tel ne pouvait pas être l'objectif d'un
texte ne réunissant qu'un faible nombre de pays et tendant uniquement
à agir sur " l'offre " susceptible d'émaner des
entreprises exportatrices.
Face à des pays qui ne changeront pas de mode de fonctionnement du jour
au lendemain, ces entreprises exportatrices pourraient se retrouver
placées " entre le marteau et l'enclume ", compte tenu du
renforcement des législations pénales dans leurs Etats
respectifs, et c'est pourquoi il faut craindre que se développent des
méthodes moins visibles et plus complexes qui aboutiraient à
contourner cette convention.
Une interrogation majeure subsiste quant au degré d'équivalence
de l'application de la convention dans les différents pays signataires,
en raison de la diversité des procédures d'engagement des
poursuites qui, selon les pays, concentrent plus ou moins le nombre
d'autorités chargées d'apprécier l'opportunité des
poursuites, et leur donnent une plus ou moins grande latitude. Or le respect du
principe d'équivalence est à la base même de la
crédibilité de la convention, qui repose sur
l'égalité de traitement entre les entreprises de tous les pays.
Quelles que soient les imperfections de cette convention et les
difficultés qu'elle soulève, chacun ne peut que reconnaître
la nécessité d'avancer sur la voie de la lutte contre la
corruption. D'autre part, la France ne saurait faire d'autre choix que de
rejoindre les grands pays exportateurs qui ont déjà
ratifié la convention, à commencer par les Etats-Unis,
l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni.
L'adoption du présent projet de loi doit cependant, aux yeux de votre
commission des affaires étrangères et de la défense,
s'accompagner d'un certain nombre de garanties ou de précautions.
C'est pourquoi la commission a voulu insister sur la nécessité
d'oeuvrer pour une extension géographique du champ d'application de la
convention, sur l'impératif d'une stricte transposition de ce texte dans
le droit pénal français, sur la nécessité, dans un
but de clarté juridique, de ne déposer les instruments de
ratification qu'une fois le projet de loi interne adopté et enfin sur
l'extrême vigilance indispensable en matière de suivi de la
convention.
C'est sous réserve de ces quatre observations et recommandations que la
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées vous propose d'adopter le présent projet de
loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a examiné le présent projet de loi au cours
de sa séance du mercredi 7 avril 1999.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a
procédé à un large débat.
M. Michel Caldaguès a déclaré partager les
préoccupations et les craintes du rapporteur. Il a évoqué
l'influence des Etats-Unis dans l'élaboration de cette convention en
soulignant que leur statut d'hyperpuissance leur permettrait d'user de leur
influence politique pour conquérir des marchés, leurs entreprises
se trouvant, de ce fait, dans une situation différente de celles des
puissances moyennes. Il a émis la crainte que cette convention
n'encourage des pratiques malsaines de délation. M. Michel
Caldaguès a évoqué le rôle de l'organisation non
gouvernementale " Transparency International ". Il a insisté
sur la vigilance nécessaire vis-à-vis de la transposition de la
convention en droit interne et s'est demandé s'il ne conviendrait pas
d'attendre l'aboutissement du processus législatif interne avant de
ratifier la convention.
M. Guy Penne a demandé plusieurs précisions sur le rôle du
groupe de travail de l'OCDE sur la lutte contre la corruption, sur les risques
de pratiques diverses en matière d'engagement des poursuites, et sur
l'incidence de la convention sur les pratiques en vigueur dans les pays qui ne
l'ont pas signée.
M. Jean-Guy Branger a constaté que cette convention ne donnerait pas
lieu à une application uniforme dans les pays qui l'ont signée et
il a craint que notre pays, compte tenu de son système juridique, ne
soit handicapé dans la compétition commerciale internationale au
détriment d'autres concurrents. Il a déploré que de telles
difficultés n'aient pas été suffisamment perçues
par les gouvernements qui ont participé à l'élaboration et
la signature de la convention. Il a déclaré que, dans ces
conditions, il n'était pas favorable à l'adoption du
présent projet de loi.
M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'importance
particulière de la convention pour l'industrie de défense
française, en insistant sur le contexte de " guerre
économique " sur les marchés à l'exportation dans
lequel il convenait de la replacer. Il a évoqué les
inquiétudes des entreprises françaises, qui doutent qu'une telle
convention fasse disparaître la corruption dans les pays qui l'ont
jusqu'ici largement pratiquée pour l'accès à leur
marché, et qui craignent que certains de leurs concurrents ne
contournent la convention ou soient en pratique moins exposés à
des poursuites pénales. Après avoir demandé au rapporteur
des précisions sur la réaction des industries de défense
françaises et du ministère de la défense face à
l'entrée en vigueur de la convention, il l'a appuyé dans ses
conclusions, estimant indispensable de faire valoir les réserves et les
observations que cette convention appelait. Il a également
insisté sur la nécessité de renforcer la coordination de
l'action des différents ministères au service de la promotion
des exportations françaises, à l'image de ce que pratiquent
plusieurs de nos partenaires.
M. Guy Penne a alors souhaité que le Gouvernement favorise
également une plus grande implication des parlementaires dans le domaine
de l'exportation.
M. Robert del Picchia a soulevé la question de l'application de la
convention aux filiales étrangères des sociétés
dans des pays non signataires.
M. Emmanuel Hamel a dénoncé l'hypocrisie caractérisant,
à ses yeux, un instrument international qui ne fera pas
disparaître les pratiques de corruption mais favorisera les pays dont le
système judiciaire ou les pratiques économiques permettront de
contourner la convention. Il s'est déclaré hostile à
l'adoption du projet de loi.
En réponse aux différents intervenants, M. Christian de La
Malène, rapporteur, a apporté les précisions
suivantes :
- le groupe de travail de l'OCDE sur la lutte contre la corruption est une
structure permanente au sein de laquelle a été
préparée l'élaboration de la convention ; ce groupe
est composé de représentants des gouvernements des Etats membres
et il aura pour mission de veiller à l'application équivalente de
la convention par les pays signataires ; ce groupe aurait également
-semble-t-il- mis à l'étude l'élaboration d'une
deuxième convention, appelée à étendre et renforcer
le dispositif de la première ;
- bien que signée par 34 pays seulement, cette convention s'appliquera
aux relations commerciales entre ces 34 pays et l'ensemble des pays du monde, y
compris ceux qui ne l'ont pas signée ;
- l'application de la convention aux filiales étrangères de
groupes industriels des pays signataires demeure un motif d'incertitude et
pourrait donner lieu à des jurisprudences diverses selon les pays
signataires ;
- l'entrée en vigueur prochaine de la convention devrait conduire
à adapter l'organisation commerciale à l'étranger des
sociétés exportatrices d'armement ; elle
accélérera le retrait de l'Etat, cohérent avec les
privatisations en cours, dans les activités de promotion commerciale
à l'étranger, au sein notamment des " offices
d'armement " ;
- le dépôt des instruments de ratification une fois la loi
d'application interne adoptée permettrait de veiller au respect de la
cohérence des deux textes tout en retenant une date d'entrée en
vigueur unique pour les deux dispositifs.
A l'issue de ce débat, la commission a approuvé les conclusions
et les observations du rapporteur puis a approuvé le projet de loi qui
lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte
présenté par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE I
Etat des signatures et des ratifications de la convention sur la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales
Etats signataires |
Etats ayant ratifié la convention |
Allemagne |
10 novembre 1998 |
Argentine |
|
Australie |
|
Autriche |
|
Belgique |
|
Brésil |
|
Bulgarie |
22 décembre 1998 |
Canada |
17 décembre 1998 |
Chili |
|
Corée |
4 janvier 1999 |
Danemark |
|
Espagne |
|
Etats-Unis |
8 décembre 1998 |
Finlande |
10 décembre 1998 |
France |
|
Grande-Bretagne |
14 décembre 1998 |
Grèce |
5 février 1999 |
Hongrie |
4 décembre 1998 |
Irlande |
|
Islande |
17 août 1998 |
Italie |
|
Japon |
13 octobre 1998 |
Luxembourg |
|
Mexique |
|
Norvège |
18 décembre 1998 |
Nouvelle-Zélande |
|
Pays-Bas |
|
Pologne |
|
Portugal |
|
République slovaque |
|
République tchèque |
|
Suède |
|
Suisse |
|
Turquie |
|
ANNEXE II -
ETUDE D'IMPACT2(
*
)
Avantages attendus du projet de loi
Le projet de loi a pour but de permettre à la France de satisfaire aux
engagements internationaux souscrits par elle en matière de lutte contre
la corruption. Il est accompagné d'un projet de loi d'adaptation de la
loi française.
La répression de la corruption d'agents publics étrangers
n'était jusqu'ici explicitement visée par aucune incrimination
pénale.
Bénéfices escomptés en matière
. d'emploi
Sans objet
.
d'intérêt général
L'impact de la ratification et des nouvelles dispositions pénales sur la
concurrence dans le cadre du commerce international et donc sur
l'activité des entreprises françaises exportatrices est difficile
à prévoir.
La convention a été négociée dans le but de
soumettre l'ensemble des pays signataires à une application concordante
d'engagements contraignants similaires.
.
financière
Néant, aucun accroissement massif des contentieux ne paraissant devoir
être envisagé.
.
de simplification des formalités administratives
Sans objet.
.
de complexité de l'ordonnancement juridique
L'entraide judiciaire internationale en matière de lutte contre la
corruption se trouvera facilitée par l'adoption entre Etats parties de
normes pénales répondant à un standard minimal
d'incrimination agréé par chacun.
1
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 172 (1998-1999).
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.