IV. UNE ÉVOLUTION EN COURS
La pression conjuguée de l'opinion publique, de la concurrence et de l'Europe ainsi que le succès de l'alarme sociale mise en place à la RATP montrent que des évolutions favorables se dessinent que la loi doit encourager.
A. L'EXIGENCE ACCRUE DE L'OPINION PUBLIQUE
1. Le besoin d'un service de qualité
L'opinion publique accepte de plus en plus difficilement
que le
service public ne joue pas son rôle
. Le récent sondage de
l'IFOP qui fait état de 82 % de Français favorables au
" service minimum " est très révélateur de cet
état d'esprit
17(
*
)
.
Les usagers font preuve d'une sensibilité accrue dans une
société complexe où le secteur des services devient
prédominant. D'une manière générale, l'usager des
services publics devient un " consommateur de services ". Ainsi, dans
l'entretien qu'il a donné au journal " Le Monde " le
14 janvier dernier, M. Louis Gallois n'emploie jamais le terme
" d'usager ", lui préférant celui de
" voyageur " ou de " client ".
Dans le protocole d'accord de la RATP, les signataires soulignent que c'est
"
afin d'assurer la qualité du service rendu
" qu'ils
recherchent d'abord des solutions non conflictuelles aux problèmes qui
seraient susceptibles de surgir entre eux. De fait, comme l'a rappelé M.
Jean-Paul Bailly au cours de son audition, à l'évidence, la
qualité inclut aujourd'hui la notion de continuité.
L'exigence de qualité se fait sentir dans tous les secteurs de la
production et de l'économie et il est inévitable que cette
exigence s'exprime aussi à l'égard des services publics.
A cet égard, M. Bernard Genès, rédacteur en chef adjoint
de 60 millions de consommateurs, révèle de manière
éclairante les attentes des usagers par rapport à un service
public traditionnel tel que la protection sociale :
" Pour les régimes de base, l'attente est plutôt dans
l'amélioration du service, avec un grand critère : la
rapidité de réaction et de traitement des dossiers. Pour
l'étage complémentaire, la démarche est plus
consumériste et on exige un bon rapport qualité/prix du service.
A ce titre, ce n'est pas parce que l'organisme est sans but lucratif que cela
peut justifier un défaut dans le service rendu. Qu'est-ce qui peut
expliquer cela ? On téléphone à l'autre bout de la
terre en quelques secondes alors qu'il a à peine vingt ans, il fallait
un préavis d'appel.
" Plus généralement, le facteur temps est devenu primordial
dans tous les aspects de la vie. L'exigence de la qualité se fait dans
tous les secteurs de production et il semble normal que celle-ci soit
également exprimée auprès d'institutions
sociales. "
18(
*
)
.
2. L'élargissement de la notion de service essentiel
Pour le
Conseil constitutionnel, les services essentiels à la vie de la Nation
sont ceux pour lesquels le droit de grève peut être interdit
à certaines catégories de personnels. Pour la population, la
notion semble recouvrir en pratique un champ croissant de services.
Les agents d'EDF ont pris conscience, à la suite des dernières
coupures de courant effectuées en 1988, que l'électricité
était maintenant considérée comme un bien
" vital " et qu'il devenait impossible de l'interrompre sans
générer des réactions d'incompréhension, voire de
violence, de la part des usagers.
Jusqu'à une date récente, les transports en commun étaient
peut-être considérés comme moins essentiels par l'opinion
publique. Les sentiments contradictoires que peuvent susciter les grèves
dans les transports publics tiennent au fait que, dans un premier temps, les
usagers ont pensé qu'il existait des moyens de circulation alternatifs.
Or, les grèves de 1995 ont bien montré qu'en région
parisienne, par exemple, il n'en était rien, du fait de la saturation du
réseau routier, même si des solutions originales comme le
covoiturage ou anecdotique comme le recours à la bicyclette ont
été constatés.
Mais rapidement, le mécontentement des voyageurs a été
patent et une crise de confiance durable s'est installée en particulier
chez les usagers des banlieues comme l'a souligné M. Jean-Claude
Delarue, président de l'Association des Usagers de l'Administration
(ADUA).