C. EDF GAZ DE FRANCE
1.
Nombre d'agents gérés par l'établissement, les
catégories du personnel et les particularités de leur statut par
rapport au droit commun du droit du travail ?
EDF GDF comptent 139.113 agents statutaires et 600 agents non statutaires
(essentiellement des personnes ne remplissant pas les conditions d'âge ou
de nationalité fixées par le statut en matière d'embauche).
Les agents statutaires sont 115.000 à EDF et 24.000 à Gaz De
France.
Les entreprises ont compté jusqu'à 153.000 agents statutaires en
1995. La décroissance des effectifs est régulière depuis
cette époque. L'accord récemment signé sur le passage
à 35 heures devrait se traduire par une augmentation des effectifs pour
les 3 prochaines années.
Les agents sont répartis en 3 collèges (exécution,
maîtrise et cadres) :
- exécution : 28%
- maîtrise : 52%
- cadres : 20%
Le personnel d'EDF, comme celui du Gaz de France et des entreprises du secteur
électrique et gazier non nationalisées, est soumis à un
statut approuvé par le décret n°46-1541 du 22 juin 1946 pris
en application de la loi de nationalisation n°46-628 du 8 avril 1946.
Le statut prévoit des dispositions particulières en ce qui
concerne notamment la retraite, les oeuvres sociales, les institutions
représentatives du personnel et la procédure disciplinaire.
Ce texte a été complété par de nombreuses
décisions de la Direction et des accord collectifs.
Le statut ne prévoit aucune disposition sur la grève.
Cependant, une réglementation spécifique, issue de notes prises
par les directeurs des deux grandes directions opérationnelles d'EDF, la
Direction de la production et du transport (note " Bénat " du
27 octobre 1989) et la Direction de la distribution (note
" Daurès " du 10 octobre 1990), vise à assurer la
continuité du service public en cas de grève (sur le contenu de
ces notes cf. fiche " l'organisation de l'entreprise en matière de
gestion des conflits collectifs de travail ").
Par arrêt du 17 mars 1997, le Conseil d'Etat a considéré
que les nécessités de l'ordre public justifiaient cette
réglementation.
En outre, s'agissant des activités nucléaires de l'entreprise, la
loi du 25 juillet 1980 (loi n° 80.572, J.O. 26 juillet 1980) intervenue
à la suite d'un amendement déposé par M.GIRAUD s'applique.
Au terme de l'article 6 de cette loi, " la violation intentionnelle par
des personnes physiques ou morales intervenant à quelque titre que ce
soit dans les établissements où sont détenues des
matières nucléaires (...), des lois et règlements et
instructions de l'exploitant ou de ses délégués constitue,
lorsqu'elle est susceptible de mettre en cause la sûreté
nucléaire des installations, la protection des matières
nucléaires ou la sécurité des personnes et des biens, une
faute lourde ". L'amendement " Giraud " prévoit une
procédure disciplinaire exceptionnelle qui a été mise en
oeuvre à EDF à deux reprises lors des grèves de
décembre 1995.
Enfin, les dispositions de la loi du 31 juillet 1963 (n° 63.777, J.O. 2
août 1963) sur la grève dans les services publics s'appliquent
à EDF.
2. Note sur le nombre de jours de grève des agents de
l'établissement au cours des dix dernières années et
présentation sommaire de l'origine des conflits. Evaluation de l'impact
de ces conflits sur les résultats annuels de l'entreprise.
Le nombre de jours de grève depuis 1989 s'établit comme
suit :
1989
: 97 364
1990
: 102 380
1991
: 105 375
1992
: 106 757
1993
: 152 337
1994
: 134 676
1995
: 625 820
1996
: 210 063
1997
: 86 206
1998
: 91 750
On enregistre depuis plusieurs années une augmentation des arrêts
de travail sur des mots d'ordre ne concernant pas directement la situation
interne des entreprises ou d'un secteur particulier de celles-ci. Rares sont
par exemple les grèves motivées par des revendications salariales
ou des décisions managériales de la direction.
Outre la grève de décembre 1995 contre le plan JUPPE de
réforme de la sécurité sociale, qui se situe dans le
contexte particulier d'un mouvement commun aux grandes entreprises nationales
de service public, les dernières années ont été
marquées principalement par d'assez nombreuses grèves ponctuelles
(généralement minoritairement suivies et ne dépassant pas
une journée), liées au long processus d'élaboration des
directives européennes sur la libéralisation des secteurs
électrique et gazier et organisées au nom de la défense du
service public.
On peut s'attendre, dans la période à venir, à la
poursuite de ce type d'action, au moins jusqu'au vote des lois de transposition.
Les mots d'ordre internes aux entreprises ont pour l'essentiel concerné
la défense du dispositif spécifique des activités sociales
et l'exercice du droit syndical.
Il est difficile d'évaluer l'impact de ces conflits sur
l'activité des entreprises. Le nombre de jours de travail perdus
représente, sauf en 1995/96 entre 500 et 600 agents/an, ce qui
traduit une conflictualité somme toute modérée.
En terme de résultats économiques, les arrêts de travail
ayant eu pour conséquence une baisse de la production
d'électricité on pu avoir un impact sur les recettes, dans la
mesure où ils ont ponctuellement nécessité la report
d'engagements d'exportation de courant électrique.
Il est à noter qu'aucune coupure de courant significative pour fait de
grève n'a eu lieu depuis le conflit de l'hiver 1986/87.
3. Note sur l'organisation de l'entreprise en matière de gestion
des conflits collectifs du travail
A EDF, existe une organisation spécifique destinée à
assurer la continuité de la fourniture d'électricité,
obligation de service public.
Cette organisation repose sur la réglementation édictée
par la Direction de l'entreprise (notes " Bénat " et
" Daurès "), laquelle doit être située dans son
contexte historique.
I- Le contexte des notes " Bénat " et
" Daurès "
Dès 1957, à la veille d'une grève qui pour la
première fois était assortie d'un mot d'ordre
général de coupure, Direction et Organisations syndicales avaient
convenu de mettre en place un plan dit " Croix-Rouge " destiné
à assurer la sécurité des personnes et des biens en
maintenant l'alimentation des hôpitaux, des cliniques, l'éclairage
public, la signalisation....
Ce dispositif sera, par la suite repris et développé par
arrêté ministériel. Le dernier en date,
l'arrêté du 5 juillet 1990 (J.O. du 31.07.90 p.9213) vise à
assurer un " service prioritaire " afin d'assurer, en toutes
circonstances, la " satisfaction des besoins essentiels à la
Nation ". Selon ce texte, lorsque des délestages deviennent
nécessaires, doivent être garantis l'alimentation de clients dits
" prioritaires " (hôpitaux, cliniques, laboratoires,
établissements dont la cessation brutale d'activité comporterait
des dangers graves pour les personnes, installations industrielles notamment
celles qui intéressent la défense nationale qui ne sauraient
souffrir, sans subir de dommages, d'interruption dans leur fonctionnement) et
le respect des engagements internationaux. Ce texte s'impose en toutes
circonstances (grève, problèmes techniques).
Destiné à assurer la sécurité des personnes et des
biens, le dispositif issu de ces textes ministériels ne permettait pas
d'éviter les coupures, lesquelles devenaient de plus en plus
insupportables pour les usagers.
Lors de la grève de l'hiver 1986-1987, les réactions du public
suscitées par les coupures ont été particulièrement
vives (pétitions réclamant le " droit à
l'électricité ", manifestations à Paris, Marseille,
Nancy, occupations de locaux par des commerçants, violences...).
A la suite d'une longue grève à l'automne 1988, le Directeur de
la Production et du transport d'EDF, M. Bénat, a pris, le 12
décembre 1988 une première note (reprise et
développée dans une note plus large le 27 octobre 1989)
réglementant l'exercice du droit de grève à la Direction
Production Transport. Un dispositif similaire a, le 10 octobre 1990,
été édicté par le Directeur de la distribution, M.
Daurès.
Le dispositif des notes " Bénat " et
" Daurès " vise à garantir la continuité du
service public (en assurant la sûreté de fonctionnement du
système électrique interconnecté) et la
sécurité des installations.
Il permet d'exclure non seulement les interruptions de fourniture
d'électricité mais également le risque qu'elles
surviennent ; un risque, qui, au surplus intègre le respect des
engagement internationaux d'EDF.
En effet, les conséquences des baisses de production au niveau de chaque
centrale ne s'apprécient pas dans l'instant et localement mais au niveau
de leurs répercussions sur l'ensemble du système.
II- Le contenu des notes " Bénat " et
" Daurès "
Les notes prévoient que les agents assurant les fonctions de conduite
nécessaires à la sûreté de fonctionnement du
système électrique sont requis à leur poste de travail.
Ces fonctions sont limitativement énumérées.
Le nombre d'agents susceptibles d'être requis est d'environ 2000. Les
postes visés sont situés dans les centrales de production, les
postes de transport d'énergie les plus importants et les services
chargés de l'organisation des mouvements d'énergie appelés
" dispatchings ".
Il est précisé que les agents qui refuseraient de se
présenter à leur poste de travail s'exposeraient à des
sanctions disciplinaires.
Les agents requis sont tenus d'effectuer l'ensemble de leurs tâches.
Les notes envisagent cependant l'hypothèse où ils
s'écarteraient volontairement du programme de production. Si de ce fait,
ils portaient atteinte à la sûreté de fonctionnement du
système électrique, ils pourraient être poursuivis
disciplinairement. En pratique, lorsque la sûreté de
fonctionnement est menacée, les " dispatchings "
émettent des " messages " qui doivent être
impérativement observés.
Outre le non respect des messages, les notes concernées
énumèrent les actions qui parce qu'elles se traduisent par une
diminution de la sûreté de fonctionnement du système
électrique sont sanctionnables : déclenchement d'un groupe
de production provoqué en dehors des procédures normales,
manoeuvre d'une liaison haute tension ou très haute tension non
justifiée par une demande du dispatching ou par des
considérations de sûreté locales, retrait de machines
tournantes du réglage primaire ou secondaire de fréquence et de
tension, si les consignes prévoient qu'elles y participent,
interventions intempestives sur les systèmes et circuits de
téléconduite ou de téléinformation, reprise en
local, non commandée par la hiérarchie, d'installations
normalement conduites à distance, occupation, sans motif de service de
salle de commande.
En pratique, le dispositif des notes " Bénat " et
" Daurès " permet d'éviter les interruptions de
fourniture liées à la production d'électricité.
Il est aujourd'hui globalement bien accepté par les agents et les
organisations syndicales.
4. Quelle est la situation du paysage syndical dans votre
entreprise ? Présentation des résultats des dernières
élections.
EDF et Gaz de France sont traditionnellement, comme d'autres entreprises
publiques, des entreprises à forte implantation syndicale. Le taux de
syndicalisation y est, bien que nous ne disposions pas de données
précises, probablement très supérieur à la moyenne
nationale.
La CGT représente à elle seule la majorité de
salariés, depuis 1946, son score s'établissant, aux
dernières élections professionnelles de novembre 1997 à
53% des votants, tous collèges confondus. Ce score traduit une relative
stabilité depuis quelques années après une baisse
régulière, notamment au cours des années 80.
La CFDT vient en seconde position avec 24% des voix, suivie de FO (13,5%), la
CFE CGC (6%) et la CFTC (3,5%).
Seuls sont reconnus représentatifs au niveau des entreprises, les
syndicats affiliés à ces 5 confédérations.
Quelques syndicats SUD, ainsi qu'un syndicat guadeloupéen et un syndicat
corse on réussi à obtenir la reconnaissance d'une
représentativité locale dans un petit nombre
d'établissements. Leurs résultats électoraux sont encore
pratiquement non significatifs à l'échelle des entreprises.
La CGT, installée depuis le début des années 80 dans une
culture d'opposition aux initiatives de la Direction, se traduisant notamment
par le refus de signer tout accord collectif, a manifesté
récemment sa volonté d'une réintégration dans le
jeu de la négociation collective, en signant en janvier 1999, l'accord
sur le passage aux 35 heures et le protocole triennal sur l'insertion des
travailleurs handicapés.
5. Quel bilan dressez-vous sur le fonctionnement des mesures relatives au
préavis obligatoire dans les services publics (article L. 521-2 du code
du travail et suivants) ?
Le Directeur du Personnel et des Relations sociales d'EDF et Gaz de France a,
par lettre du 5 septembre 1995, rappelé aux fédérations
syndicales les obligations légales en matière de préavis.
Il est à noter que la pratique du préavis formel n'est pas
toujours respectée pour les mouvements de grève concernant
l'ensemble des entreprises, mais que la Direction a toujours connaissance
suffisamment à l'avance des mots d'ordre lancés par les
fédérations syndicales à l'initiative des mouvements.
S'agissant de mouvements locaux, la règle du préavis est
globalement respectée.
Le dépôt du préavis donne généralement lieu
à l'ouverture de négociations qui, souvent, se poursuivent au
cours du mouvement. Ces négociations se déroulent sans formalisme
particulier.
L'obligation de négocier pendant le préavis trouve cependant ses
limites dans le fait que certaines revendications nationales ne sont pas du
ressort des entreprises.
6. Comment sont effectués les prélèvements sur les
rémunérations en cas de grève ? Existe-t-il souvent
des grèves de moins d'une journée (incidence de la loi " Le
Pors ") ?
Avec la baisse de la conflictualité, les grèves d'une
durée inférieure à une journée sont devenues plus
fréquentes.
La règle du trentième indivisible, instituée par la loi du
31 juillet 1963, a été appliquée strictement
jusqu'à la fin des années 6O. Depuis, les retenues sont
pratiquées prorata temporis, compte tenu notamment du
phénomène évoqué plus haut.
Les notes " Bénat " et " Daurès "
précitées ont toutefois instauré un système
particulier concernant les agents requis au titre de ces notes.
Lorsqu'ils effectuent la totalité de leurs prestations, ces agents
perçoivent l'intégralité de leur salaire.
Mais s'ils n'effectuent que les tâches nécessaires au maintien de
la sûreté de fonctionnement du système électrique et
celles liées à la sécurité des installations, ils
perçoivent, pendant la durée de leur poste de travail, une
rémunération correspondant à ces tâches, soit 20% du
salaire normalement dû. Les indemnités de service continu sont
intégralement maintenues.
7. Disposez-vous d'éléments sur le coût des
éventuels accords relatifs au paiement des journées de
grève à la fin des conflits sociaux importants ?
La règle à EDF est de ne pas rémunérer les heures
de grève.
Ce principe a été rappelé aux Directeurs d'unités,
le 29 décembre 1995, par le Directeur du Personnel et des Relations
sociales, à la suite des mouvements sociaux de fin 1995.
Il est admis que les Directeurs d'unité puissent, suivant les
circonstances, décider d'étaler dans le temps les retenues sur
rémunération.
A titre d'exemple, compte tenu de la durée du mouvement de 1995, et sur
recommandation des pouvoirs publics, les retenues avaient été
étalées sur plusieurs mois, jusqu'à apurement complet en
juin 1996.