C. AUDITION DE M. CHRISTIAN CHAPUIS, SECRÉTAIRE NATIONAL DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DE L'ENCADREMENT CGC
M.
Christian CHAPUIS. - Merci de nous recevoir. Je vous présente notre
délégation : M. Alain Sequeval, responsable CGC à la
SNCF. M. Dominique Laboure, président du Syndicat des services
centraux d'EDF, et notre juriste confédérale, Mme Anne Bernard.
Et moi-même je suis issu de ministère des Finances et actuellement
je suis dans une collectivité territoriale.
La question posée par cette proposition de loi est un problème
complexe qui devient récurrent. Notre confédération a
été conduite à se poser la question plus large de
l'évolution du service public en France, notamment après les
événements de 1995 qui nous ont conduits à adopter un
document que je verserai au débat de votre commission. Le sujet qui vous
préoccupe aujourd'hui, et qui nous préoccupe tous, est un
élément du développement de notre réflexion.
Globalement, le problème du service public et de sa continuité,
qui est un principe extrêmement lié à notre
démocratie, pose un vrai problème lorsque se confondent les
intérêts bien compris des citoyens et des salariés de ces
services publics. En fait, quand on parle de continuité de service
public, c'est peut-être une déviation face à un
problème qui est beaucoup plus large : existe-t-il ou non un espace de
négociation possible entre les salariés d'un côté et
les pouvoirs décisionnels de l'autre, sans que certains ne prennent
appui sur leur capacité de nuisance pour obtenir satisfaction ?
La grande difficulté aujourd'hui - est-ce un manque de courage politique
?, je ne me permettrais pas de le dire de façon aussi crue - c'est que
sont écoutés les groupes de pression qui ont la plus importante
capacité de nuisance.
Je pense à nos collègues aiguilleurs du ciel qui, malgré
l'interdiction de droit de grève, ont réussi à paralyser
la France au mois de juin. Sous cette pression un certain nombre de
possibilités ont été ouvertes à ces personnels,
alors que je pense qu'on aurait pu le faire par d'autres méthodes. Toute
la difficulté réside dans la capacité de
négociation préalable à un conflit, ou même
d'éviter le conflit par un véritable dialogue social.
Il faut trouver les voies et moyens pour équilibrer cette
capacité des individus à se prendre en charge dans le cadre d'un
dialogue social, en assurant un service légal pour tous les citoyens.
Cette universalité du service est un élément difficile.
La question du service minimum se pose d'une façon continue. Il existe
des secteurs ayant un service minimum, alors pourquoi aujourd'hui se poser tant
la question ? On se la pose parce que certains services publics paralysent le
fonctionnement de la société française, et on demande aux
pouvoirs publics et aux législateurs de trouver les solutions pour
éviter cela.
On raisonne sur un problème en ne voyant que la conséquence et
pas la cause. Et c'est en cela qu'un certain nombre de valeurs doivent
être reprises, et c'est donc : comment éviter que des groupes
sociaux soient conduits à prendre une population en otage pour obtenir
satisfaction ? On s'en préoccupe dans le service public, mais on
pourrait s'en préoccuper dans le fonctionnement d'une entreprise, et de
façon plus large.
Comment organiser ce dialogue social ? La revendication peut avoir ses limites.
Nous, en tant qu'organisation syndicale, nous pensons que le droit de
grève est imprescriptible, nécessaire à tout le monde,
qu'il est complètement au coeur du dialogue légal et social.
C'est une nécessité de pouvoir s'exprimer par ce droit de
grève et il n'est pas question d'en limiter le contenu. C'est un point
fondamental.
Il n'empêche qu'il est nécessaire de pouvoir garantir aux citoyens
un service public, autant que faire se peut. Et l'idée de créer
un service minimum de façon large ne résoudra pas le
problème. Les faits précèdent le droit. On a beau
instaurer une réglementation, voire une loi limitant le droit de
grève dans tel ou tel secteur, la pression des faits fait qu'on l'exerce
quand même. Je prenais l'exemple des aiguilleurs du ciel.
Le problème est d'arriver en amont à résoudre la
difficulté. Nous sommes, nous, très attachés au principe
de continuité et au droit de grève, mais toute une série
d'obligations pourraient être clairement redéfinies. S'agissant du
préavis, il faut redonner à l'espace de négociation
préalable sa véritable dimension. Là encore, il
était de bon ton de refuser de négocier sous la pression d'une
grève. J'ai entendu cela de la part d'un certain nombre de
gouvernements. Là encore, il y a un jeu de poker menteur qu'il faudra un
jour ou l'autre arrêter de faire fonctionner.
Autre élément clair : certains se prévalent dans un
mouvement de grève de votes démocratiques dans un
établissement par rapport à d'autres, et quand on examine le
chiffrage, il y a du côté patronal des chiffres disant que la
grève n'a pas été suivie comme elle aurait dû, alors
que du côté syndical on dit que démocratiquement on a
obtenu quelque chose grâce aux grévistes. C'est comme les
manifestations publiques dans la rue dont on ne sait jamais quel est le
chiffrage exact. En tant qu'organisation syndicale, nous pouvons dire que c'est
de notre côté que le chiffre est le meilleur. Mais cela aussi,
c'est un abus d'image par rapport à ce qu'il faudrait faire.
L'essentiel pour nous est de redonner à l'espace de négociation
et au dialogue social sa véritable dimension afin d'éviter le
conflit en amont. Car, s'il y a conflit, c'est qu'il y a difficulté, et
dans notre pays nous avons tendance à résoudre les
problèmes sous la pression de l'événement. Actuellement,
nous avons des motifs de grèves récurrents qui tournent dans le
secteur public. En France, on vit avec. A la limite, il est surprenant de ne
pas avoir un secteur en grève quelque part en France. Cela fait partie
du paysage français et de son originalité. Mais je crois savoir
quand même que la qualité du service public français fait
que des entreprises viennent s'installer en France.
On a une fausse image de ce que nous représentons selon ce que l'on veut
obtenir. Il est vrai que quand on discutera plus tard des régimes de
pension et des régimes complémentaires de retraite, je pense
qu'on sera obligé de constater que le fonctionnaire moyen dans le
secteur du service public a des avantages et on pourra peut-être en troc
obtenir d'autres avancées de la part des fonctionnaires sur d'autres
terrains. C'est un environnement. Aujourd'hui, il faut savoir que le
problème des retraites va mener à des conflits et des conflits
durs. Je pense que votre commission a tout à fait raison de se pencher
sur la question avant que nous ne soyons de nouveau paralysés.
Jusqu'où pourra aller le législateur en la matière, quand
on sait que le fait précède le droit ? Si chacun doit
respecter la règle, si on appliquait déjà aujourd'hui les
règles existantes, même dans le service minimum comme il existe
dans certains secteurs, et si on acceptait le fonctionnement classique de ce
qui a été mis en place, peut-être que les choses iraient
beaucoup mieux.
M. Claude HURIET, rapporteur. - Merci de votre exposé qui était
clair et concis. J'ai précisé tout à l'heure que dans la
démarche que j'ai initiée à la commission des affaires
sociales, je n'ai pas du tout l'intention de résumer les dispositions
législatives éventuelles en matière de service minimum. Et
pour moi, m'inspirant même de l'intitulé du rapport du Conseil
Economique et Social, je proposerai qu'on inscrive dans les dispositions
législatives le développement des mesures de prévention
avant d'en arriver à ce qui touche au conflit lui-même, à
travers les problèmes que vous confirmez concernant le préavis,
son contenu, la manière dont il est utilisé, et en arrivant
enfin, si la démarche préventive n'a pas abouti et si la
négociation obligatoire n'a pas abouti, à la réflexion sur
le service minimum.
Vous avez bien compris qu'on ne centrait pas le travail de la commission sur le
service minimum.
Concernant la prévention, déjà une question plus
générale. Vous avez dit que le fait prime le droit. C'est exact,
mais est-ce pour autant que le législateur doit se dispenser
d'intervenir et n'a-t-il pas un rôle à jouer avec les partenaires
sociaux comme un incitateur pour que la loi soit effectivement appliquée
? Cette question me paraît tout à fait importante et la
réponse que vous apportez peut s'appliquer bien au-delà des
dispositions législatives, qui sont au coeur de notre réflexion.
Sur la prévention, voyez-vous à travers les
références que vous pouvez avoir, en dehors de ce dispositif
RATP, d'autres démarches qui pourraient s'inscrire dans cette
prévention des conflits ?
Une question aussi sur le préavis, quant aux perversions dont il peut
faire l'objet actuellement ? Comment faire pour qu'il puisse atteindre la
finalité que les pouvoirs publics lui avaient fixée ?
Et enfin, par référence aux dispositions qui d'ores et
déjà mettent en place le service minimum, quelle est
l'appréciation que vous portez sur ces expériences ? Et si vous
avez quelques éclairages sur ce qui se passe dans les pays voisins, cela
m'intéresserait de les connaître. Il est important de savoir ce
qui se passe dans les pays voisins puisqu'on va vers l'Europe sociale.
Et enfin, peut-il y avoir matière à directive européenne
pour la démarche service minimum dans les services publics ?
M. Christian CHAPUIS. - Vaste débat qui n'est pas facile parce qu'on
touche à des valeurs essentielles du fonctionnement de la
société.
Tout d'abord, quand vous évoquez la nécessité pour le
législateur d'éviter que cela se passe ainsi, nous en sommes tout
à fait partisans. Il est essentiel d'avoir une certaine forme de
stabilité et que puisse se mettre en place contractuellement le cadre
des négociations. La seule limite, c'est : qui commence à
sortir du cadre ? Il faudrait établir un code de bonne conduite dans les
relations sociales.
Nos collègues de la SNCF pourraient nous apporter un éclairage
sur les réflexions menées pour un code de bonne conduite. Il
n'empêche que ce code nécessite que deux partenaires soient en
accord. Or, nous sommes dans un système du fait du prince. La limite est
bien celle-là. On a fondé une société sur cet
élément, qui nous paraît nécessaire, mais d'un
côté, on peut limiter le cadre unilatéralement.
La difficulté est donc extrêmement importante et il faut pouvoir
trouver le cadre juridique des négociations et d'une concertation pour
éviter le conflit. Il n'empêche qu'il y aura toujours des
conflits. On sait que le dialogue social s'établit d'une manière
plus sereine dans d'autres pays, mais la pression des événements
peut amener à des réactions des individus qui font qu'en
définitive on sort du cadre.
Comment résoudre la difficulté ? C'est bien à froid qu'il
faut réfléchir et pas à chaud. Sous la pression des
événements, on regarde les effets négatifs sur le
fonctionnement de la société pour s'interroger sur la
capacité de nuisance et donc sur la capacité de négocier.
C'est en cela que je pense que la prévention est absolument essentielle
et qu'on doit en quelque sorte imposer un dialogue social suffisamment en amont
pour que la difficulté, le blocage, qui débouche sur un conflit,
soit le moins fréquent possible.
Cela existe plus ou moins bien, mais cela existe. Il paraît
nécessaire de poser le problème de prévention d'une
façon de plus en plus cadrée. J'entendais tout à l'heure
mon prédécesseur évoquer l'évolution des cinq jours
de préavis, peut-être faut-il prolonger les délais pour
permettre la négociation. Nos collègues vont déterminer
une obligation quotidienne de négocier dans les 5 jours, ce qui fait 5
réunions techniques obligatoires. C'est bien de se réunir, mais
il faut avoir la volonté d'aboutir. On passe un mauvais moment, et
après on se retrouve à une autre table de négociation pour
résoudre le problème quand tout est gelé.
Alors, il faut mettre un cadre adaptable en fonction des situations, car le
service public ne s'exerce pas de la même manière sur tout le
territoire selon les services. On parlait du service minimum existant
déjà dans l'audiovisuel public. Il y a celui qui existe aussi
dans les hôpitaux. Il y a des cas de figure qui aujourd'hui aboutissent
à un service public minimum, qui en fait devrait être
maximum : ou il y a un service ou il n'y en a pas. C'est tout le
problème des transports publics avec la surcharge des trains qu'on fait
circuler toutes les deux heures alors qu'ils devraient passer toutes les vingt
minutes, aux risque et péril du matériel et des hommes.
Il y a aussi la notion de qualité, et il faut prendre en compte cette
dimension importante de sécurité. Nos collègues d'EDF ont
depuis longtemps abandonné les coupures techniques et nous sommes
plutôt favorables à des actions de grève tournées
non pas sur l'usager, mais sur les pouvoirs décisionnels. Il pourrait
être sympathique de couper l'électricité sur un certain
nombre de pôles décisionnels. On aboutirait peut-être
à avoir l'opinion publique avec nous, et ne pas perturber le
fonctionnement d'une certaine partie de la société
française. On l'a vu avec la grève des impôts, qui a
été très efficace pour l'intérêt des
personnels, et qui a coûté à la Nation un peu
d'argent ; mais la population trouvait très bien d'avoir une
grève dans ce secteur-là !
Et puis, il faut une prévention, adaptable en fonction des secteurs,
sans aller trop loin dans la rigidification des procédures. Il y a des
secteurs qui ont déjà un service de régulation
interne : si on leur imposait quelque chose, ce serait pire que le
système actuel. Je pense à nos collègues d'EDF. Il faut
être très prudent.
Il y a quelque part sur un bureau à Bruxelles une proposition concernant
la directive permettant la libre circulation des échanges et ce sont
bien les problèmes de transports qui sont visés. Il y a bien en
germe une volonté de mettre en place quelque chose. Si on mettait en
place une directive de cette nature, cela voudrait dire qu'on pourrait
interdire aux camionneurs de bloquer la circulation. Ce n'est pas un service
public et ce sera déjà plus difficile. On va s'interroger suivant
les groupes socioprofessionnels concernés, jusqu'où faut-il
légiférer pour permettre une harmonie totale de notre territoire
dans le concert international ?
Ce n'est pas facile, d'autant que notre façon de fonctionner fait que
nous n'avons pas les mêmes concepts de fonctionnement de
société que les Allemands ou les Britanniques.
M. Claude HURIET, rapporteur. - Et les Italiens ?
M. Christian CHAPUIS. - Ils ont un système propre, mais il faudrait en
regarder l'application. On se rend compte qu'entre la règle et
l'application, il y a un univers incertain.
Alors, il faut réfléchir de façon plus large, car en fin
de compte cette libre circulation sera celle qui sera mise en avant au niveau
européen. Au-delà même du principe de continuité de
service public, c'est la liberté d'aller et venir et des échanges.
Là encore, la solution française n'est pas une solution allemande
ou britannique. Chacun doit garder son espace, et c'est cette souplesse qui
donnera, à notre sens, l'efficacité pour résoudre les
problèmes. Trop rigidifier, trop légiférer ou trop cerner,
amène à dépasser du cadre. Il faut avoir un cadre
relativement souple pour permettre l'adaptation des secteurs. Mais il faut
ensuite le courage politique d'aller au bout. On fixe les règles du jeu,
mais pour celui qui triche, il faut le carton rouge.
M. Philippe NOGRIX. - Nous avons beaucoup parlé de ces cinq jours de
préavis avec une obligation de résultat. Quelques-uns d'entre
nous ont envisagé de prolonger cette durée de préavis. A
votre sens, n'y aurait-il pas possibilité d'agir en deux étapes,
c'est-à-dire les cinq jours de préavis avec obligation de
négociation, et, en cas d'échec, introduire une période
supplémentaire qui serait une médiation extérieure
obligatoire ? Est-ce envisageable ou pas ?
M. Christian CHAPUIS. - Tout ce qui permettrait d'éviter le conflit est
bon à prendre. Vous dites obligation de négocier et nous y sommes
favorables, mais il faut que les deux parties aient une obligation de
négocier et la volonté d'obtenir un résultat. Quelquefois,
on sait qu'on ne pourra jamais arriver au résultat. Là encore, il
faut être pragmatique ; la phase de cinq jours pourrait être un
mois, cela dépend quels sont les chemins à parcourir, cela
dépend de la volonté qu'on a de les parcourir. Cinq jours,
pourquoi pas trois ou sept ? Cela dépendra des cas de figure.
La notion de médiation pour nous est un élément essentiel.
La médiation n'est pas de l'arbitrage. C'est un domaine dans lequel on a
recours à une personne normalement externe qui doit tenter de faire se
rapprocher les avis et aboutir à un espace de négociation plus
fermé permettant d'aboutir à un accord.
La seule chose, c'est que là encore médiation ne dit pas
solution, elle dit simplement qu'on rouvre un espace de négociation avec
d'autres personnes qui devront résoudre les difficultés, mais
cela dépendra encore de la volonté d'aboutir au départ.
C'est là qu'intervient la notion très délicate
d'arbitrage, c'est-à-dire de s'en remettre à un juge
extérieur dont les décisions s'appliqueraient aux parties. Des
expériences ont eu lieu en Allemagne avec des réussites assez
incertaines. S'il faut ouvrir la médiation, je rappelle qu'au Luxembourg
récemment, la médiation n'a abouti à rien. C'est le
problème déjà important pour ce petit pays du
système de pension des fonctionnaires qui a abouti à des
grèves importantes. Le médiateur a donné raison aux
syndicats, mais il n'empêche que le gouvernement luxembourgeois a
maintenu le système de privatisation des pensions pour les
fonctionnaires et cette procédure n'a abouti à rien. Alors, que
vont être les conflits à venir ?
Il faut ouvrir des espaces de négociations, mais il ne faut pas penser
que ce sont des panacées. Il faut aller au bout de la négociation
possible, mais il faut avoir la volonté d'aboutir et c'est là
où le bât blesse dans nos organisations respectives car chacun a
une position, et on ne trouve pas d'espace assez large de négociation
pour pouvoir résoudre les problèmes avant qu'ils arrivent
à ces extrémités.
M. André JOURDAIN. - Pour prolonger la question de mon collègue,
vous avez parlé de carton rouge, mais il faudrait bien qu'il y ait
quelqu'un qui montre le carton. Le médiateur pourrait-il jouer ce
rôle ?
M. Christian CHAPUIS. - C'est un carton jaune qu'il montre et pas un carton
rouge parce qu'on ne sort pas du terrain. Le médiateur n'est pas un
arbitre. Il est vrai que le médiateur a son rôle à jouer,
il montre du doigt un certain nombre de choses. Il y a d'autres instances en
France qui montrent du doigt un certain nombre de choses, et nous sommes dans
un siècle de médiatisation et il est de bon ton de " tirer
sur le pianiste ".
Une médiation, ce n'est pas dire que celui-ci a bien fait ou pas bien
fait. Il faut que les deux parties aient la volonté d'aboutir. Il est
possible qu'un tiers avec des talents particuliers aboutisse à des
solutions.
M. Claude HURIET, rapporteur. - J'ai une question à poser à
propos du préavis. Vous nous dites, et d'autres l'ont dit, que le
préavis est une obligation légale, l'obligation étant
faite aussi de négocier, mais il peut y avoir des simulacres de
négociation et tout dépend du climat social et du contexte dans
lequel ce préavis s'inscrit.
Par référence à ce qui se passe pour le dispositif
d'alarme sociale de la RATP, pourrait-on envisager l'obligation de
publicité des éléments de la négociation intervenus
au cours du préavis ? Ceci pour éviter des fausses
négociations et pour voir quelles ont été les
avancées éventuelles et quels ont été les lieux de
blocage.
M. Christian CHAPUIS. - Vous posez là un vrai problème. Là
encore, la lisibilité de la négociation n'est pas toujours d'une
grande évidence. Nos collègues de la SNCF sont tout à fait
favorables à cette démarche de publicité. J'ai
négocié pendant des années les salaires dans la fonction
publique, et il faut voir comment on présente les chiffres. On cherche
à prendre un peu à témoin l'extérieur en disant :
on a bien ouvert les espaces de négociation et on a bien fait les
choses, et le carton jaune, c'est l'autre.
M. Claude HURIET, rapporteur. - Je pense d'abord aux partenaires sociaux.
M. Christian CHAPUIS. - Oui, mais nous sommes aujourd'hui dans un univers de
médiatisation totale. Les syndicalistes qui viennent à la table
découvrent dans le journal ce qu'ils vont devoir négocier quelque
temps après, c'est cela le vécu. Il est vrai qu'il faut une
information claire et une transparence, mais dans une négociation, il
faut laisser des espaces de négociation. Si on met tout de suite tout
sur la table, on n'aboutit à rien. Savoir quelles sont les vraies
propositions officielles faites par un gouvernement et savoir ce qu'il y a
encore de côté et comment cela va se négocier en fonction
de quel rapport de force, suivant le poids de tel syndicat par rapport à
tel autre...
M. Claude HURIET, rapporteur. - Ma question n'a peut-être pas
été bien posée. C'est la référence à
un constat.
M. Christian CHAPUIS. - C'est un relevé de conclusions que vous
évoquez, qui existe et que l'on voit dans d'autres secteurs. Mais en
fait, on sait où l'on en est, mais il y aura toujours dans ce constat ce
qui sera écrit et ce qui est encore en espace de négociation
sous-jacent.
M. Claude HURIET, rapporteur. - Même si c'est établi au terme de
la négociation qu'il y a accord ou désaccord. A ce
moment-là, personne n'est sensé avoir gardé en
réserve des éléments de négociation. Je
réfléchis à la façon dont on peut éviter les
perversions du préavis tel que la loi en fait obligation.
M. Christian CHAPUIS. - Je comprends votre propos, mais il n'empêche que
dans un concept de négociation, vous ne pouvez pas aboutir à
pouvoir chiffrer l'élasticité de la négociation. Parfois,
c'est important. On a ou pas une signature sur un accord, parfois avec pas
grand-chose. A la CFE-CGC, on n'a pas signé des accords salariaux parce
qu'il y avait des éléments qui étaient contraires à
notre doctrine. L'élasticité parfois est subtile. Et il faut
être parfois très initié pour la comprendre. C'est
d'ailleurs un peu le drame parfois de ces négociations, c'est qu'il faut
vraiment rentrer dans une technique très puissante pour en comprendre
tous les espaces.
M. Christian CHAPUIS. - Nous vous remettons un document et un communiqué
de presse que nous avons établi il y a quelque temps.