ARTICLE 85
Instauration de la taxe d'aéroport
Le
gouvernement a introduit par voie d'amendement lors de l'examen du projet de
loi de finances pour 1999 par l'Assemblée nationale un article nouveau
portant création de la taxe d'aéroport.
Cette initiative répond au souci de conforter juridiquement le
système de financement de certaines missions relatives au transport
aérien. Cette intention louable se traduit pourtant par un dispositif
défectueux sur le plan juridique, peu satisfaisant au regard de la
viabilité des petites plates-formes aéroportuaires et
inquiétant du point de vue de la conception de l'impôt qu'il
recèle.
Pour cet ensemble de raisons, votre commission des finances vous recommande de
rejeter l'article 85 nouveau. Elle souhaite accompagner cette
recommandation de suggestions constructives destinées à apporter
une solution raisonnable à des problèmes dont la
récurrence doit être évitée.
I. LA TAXE D'AÉROPORT, UNE CRÉATION VISANT À CONSOLIDER
LE FINANCEMENT DE CERTAINES MISSIONS LIÉES AU TRANSPORT AÉRIEN
Les méthodes de financement des missions d'intérêt
général nécessaires à l'exploitation des
aérodromes critiquées par votre commission des finances
étant dépourvues de justification juridique, il s'est
trouvé nécessaire de les réformer.
La voie choisie repose sur la création d'une taxe d'aéroport,
pilier d'une réforme qui comporte deux autres dispositifs : la taxe
de l'aviation civile, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le
transport aérien.
A. DES MODES DE FINANCEMENT INACCEPTABLES
1. Bref rappel des évolutions récents du financement des
infrastructures d'aviation civile
Le financement des infrastructures de transport aérien repose pour
l'essentiel sur le paiement de redevances par leurs usagers. Une partie de plus
en plus importante du financement provient cependant de la taxation et de
l'emprunt. Enfin, les contributions des budgets de l'Etat et des
collectivités locales ont connu des évolutions opposées.
L'Etat s'est désengagé du financement du transport aérien
puisque la dotation provenant du budget général versée au
budget annexe de l'aviation civile (BAAC) a été fortement
amputée et n'est plus revalorisée depuis 1997 (215 millions
de francs) tandis que d'autres ministères, dont celui de
l'intérieur, décident de renoncer à certaines missions.
Quant aux collectivités locales, leur contribution à
l'équilibre financier des aérodromes, variable selon la
catégorie à laquelle ces aérodromes appartiennent, a
été appelée à combler les
déséquilibres financiers du système aéroportuaire
français.
Aperçu sur l'équilibre financier du
réseau
aéroportuaire
à partir des données pour 1995
(en milliards de francs)
Exploitation |
|
Charges |
10,8 |
Recettes |
11,1 |
Solde |
0,3 |
Investissements |
|
Charges |
4,4 |
dont augmentation du fonds de roulement |
0,4 |
Capacité d'autofinancement |
2 |
Solde à financer |
2,4 |
dont emprunts |
1,1 |
dont subventions d'équipement |
0,7 |
L'accroissement de la part de la fiscalité
spécifique
dans le financement des infrastructures d'aviation civile est venu, dans un
contexte de désengagement de l'Etat, de la nécessité de
trouver une solution au problème de financement du budget annexe de
l'aviation civile. La taxe de sécurité et de sûreté
a été considérablement alourdie afin de pallier les
lacunes des redevances. Celles-ci sont en effet sous contraintes et ne
permettent pas de financer les investissements nécessaires aux
prestations de navigation aérienne en contrepartie desquelles elles sont
prélevées.
Afin d'éviter un alourdissement ruineux de l'endettement du BAAC, le
produit de la taxe de sécurité et de sûreté a
dû être considérablement augmenté.
Il est passé de 652 millions de francs en 1995 à
1.182,8 millions de francs en 1998n soit une augmentation de 81 % en
trois ans. Cette variation a été beaucoup plus importante que
celle des dépenses que cette taxe est appelée à financer.
Cette augmentation de la fiscalité spécifique
6(
*
)
a pourtant été
minorée en affichage par le recours aux redevances pour financer des
missions d'intérêt général. Cette "facilité"
a été empruntée par les gestionnaires du BAAC et par les
exploitants d'aéroports pour une somme de l'ordre de 1,1 milliard
de francs.
2. Une méthode juridiquement critiquable
Votre commission des finances a toujours veillé à ce que les
redevances respectent les principes juridiques qui s'imposent à elles
afin que le financement ainsi trouvé ne soit pas contestable.
Il lui était apparu qu'une source importante de contentieux venait de ce
que les comptes à partir desquels étaient fixés les tarifs
des redevances de transport aérien manquaient de transparence. Cette
situation nourrissait à l'évidence le soupçon que les
coûts des missions d'intérêt général
exercées par la direction générale de l'aviation civile
(DGAC) étaient, au moins partiellement financés par les
redevances. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur prit l'initiative de
proposer un amendement,
devenu l'article 99 de la loi de finances pour
1996
, qui prescrivait que soit remis chaque année au Parlement un
état récapitulatif présentant la répartition des
coûts et des dépenses budgétaires
en distinguant ceux
afférents aux prestations de services rendus aux usagers et ceux
résultant des missions d'intérêt général
public assumés par la DGAC.
Cette initiative avait évidemment d'abord pour objet de favoriser le
contrôle parlementaire du budget annexe de l'aviation civile.
Mais, il s'agissait aussi, d'une part, de traduire l'exigence d'une meilleure
transparence des opérations conduites par la DGAC et, d'autre part, un
effort de pédagogie et d'ouverture ayant été
réalisé à destination des redevables, de faciliter le
dialogue entre ceux-ci et l'administration.
Votre commission avait également dénoncé une pratique
au terme de laquelle les exploitants d'aérodromes avaient recours
à leurs recettes courantes, et en particulier aux redevances
aéroportuaires, pour financer certaines missions d'intérêt
général.
Votre rapporteur avait ainsi, dans son rapport consacré aux
crédits de l'aviation civile du 20 novembre 1997, exprimé
sans ambiguïté le souhait que soient évitées
"certaines dérives actuelles constatées, au terme desquelles
les exploitants d'aéroports lèvent des redevances
destinées à financer des équipements de
sûreté qu'ils mettent en place dans un contexte de dispersion des
initiatives.
"Il s'agit bien là de dérives puisque l'usage de redevances pour
services rendus devrait être exclu lorsqu'il s'agit de financer des
dépenses qui sont effectuées essentiellement dans
l'intérêt général des usagers du transport
aérien, des populations survolées et, au fond, de la
collectivité nationale toute entière.
"Elles sont d'autant moins acceptables que l'amélioration de la
sûreté aéroportuaire suppose, à l'évidence,
une action coordonnée et des solutions financières
réalistes".
Successivement un arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai 1998 et une
décision du tribunal administratif de Nice devaient donner raison
à ces alarmes.
Par son arrêt, le Conseil d'Etat devait annuler deux
arrêtés relatifs à la redevance pour services terminaux de
la circulation aérienne (RSTCA) au motif notamment que l'assiette de la
redevance incluait des dépenses relatives aux services de
sécurité-incendie-sauvetage, mission d'intérêt
général qui ne peut être mis à la charge des usagers
par l'intermédiaire de redevances.
Les conséquences de cet arrêt étaient importantes pour le
budget annexe de l'aviation civile qui perçoit la RSTCA. Cette
jurisprudence conduisant indirectement à remettre en cause le mode de
financement d'un certain nombre de missions exercées par les exploitants
d'aérodromes.
Le tribunal administratif de Nice a d'ailleurs tranché dans le
même sens que le Conseil d'Etat à propos du service de
sécurité-incendie-sauvetage à propos d'un contentieux
relatif aux redevances aéroportuaires.
B. LA RÉFORME ENVISAGÉE
Le gouvernement a introduit, à la hâte, trois dispositions
nouvelles dans le projet de loi de finances pour 1999, et ce par voie
d'amendements.
Cette façon expéditive de procéder est assez peu
compréhensible puisque le projet de budget annexe de l'aviation civile
avait tenu compte, lui, des difficultés posées par les
décisions des juridictions administratives sans même rappeler que
le gouvernement avait demandé, là aussi dans la
précipitation, la validation des arrêtés en cause à
l'occasion du récent texte portant diverses dispositions d'ordre
économique et financier de juin dernier.
Dans le nouveau système, la taxe d'aéroport jouerait un
rôle central, la taxe de l'aviation civile et le FIATA apparaissant
largement comme des dispositifs de conséquence.
1. La taxe d'aéroport
Cette taxe serait levée au profit des exploitants d'aérodromes
selon un dispositif assez complexe ménageant la compétence du
Parlement et une large délégation laissée au pouvoir
exécutif pour en déterminer précisément le taux
aéroport par aéroport.
Le dispositif proposé
qui s'appliquerait à compter du
1er avril 1999
7(
*
)
,
consiste à classer les aéroports dont le trafic dépasse
les 1.000 passagers embarqués ou débarqués en cinq
grandes catégories en fonction du nombre de passagers traités. Le
tarif de la taxe serait échelonné en fonction des cinq
catégories d'aéroports ainsi définies. En outre, il serait
fixé par référence à une fourchette.
Les classes d'aéroports et les limites de chacune des fourchettes
seraient fixées comme suit :
Classe |
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
Trafic de l'aérodrome ou du système aéroportuaire en total des passagers, embarqués ou débarqués |
à partir de 10.000.001 |
de 4.000.001 à 10.000.000 |
de 400.001 à 4.000.000 |
de 50.001 à 400.000 |
de 1.001 à 50.000 |
Tarifs par passager |
de 16 à 20 F |
de 8 à 17 F |
de 17 à 32 F |
de 32 à 65 F |
de 65 à 99 F |
Le
dispositif proposé s'articule autour d'une
répartition des
rôles entre le législateur et l'exécutif.
Le législateur est appelé à fixer les dispositions
concernant l'assiette, le débiteur de la taxe, à préciser
les règles de détermination de son taux et à
aménager les responsabilités en matière de recouvrement.
Mais, c'est l'exécutif qui est chargé de fixer, par
arrêté, la liste des aéroports en fonction des
catégories définies par le législateur et le tarif
précis applicable pour chaque aéroport.
S'agissant de l'assiette
, il est prévu que la taxe s'applique au
nombre de passagers embarqués par un transporteur aérien sur
l'aéroport à l'exception :
des "professionnels" embarqués ;
des enfants de moins de deux ans ;
des passagers en transit direct repartant sans changement d'avion avec le
même numéro de vol qu'à leur arrivée ;
des passagers victimes d'un atterrissage forcé en raison
"d'incidents techniques ou de conditions atmosphériques
défavorables".
En outre, l'application de la taxe n'est exigible que pour les vols
commerciaux. Ne sont pas considérés comme tels :
les évacuations sanitaires d'urgence,
les vols locaux au sens du 2 de l'article premier du
règlement CEE n° 2407/92 du 23 juillet 1992.
S'agissant des règles concernant le débiteur et le
recouvrement de la taxe,
il est prévu que la taxe soit due par les
entreprises de transport aérien public et qu'elle s'ajoute au prix
acquitté par le passager.
Le recouvrement serait à la charge des comptables du budget annexe de
l'aviation civile sauf pour les établissements publics nationaux
dotés d'un comptable public. Dans ce cas, c'est à ce comptable
qu'incomberait la charge du recouvrement. Chaque mois, les transporteurs
adresseraient une déclaration mentionnant le nombre des passagers
embarqués le mois précédent et accompagnée du
paiement de la taxe due.
Les contrôles et les sanctions sont précisés, par
référence pour les uns, au texte organisant la taxe d'aviation
civile, et pour les autres à l'article 1729.
Le gouvernement aura la responsabilité de fixer le tarif de la taxe
par aéroport
. Cette compétence est doublement
encadrée :
par les limites de la fourchette applicable à chaque
catégorie d'aéroports qui sont fixées par le
législateur ;
et par l'édiction de principes devant guider l'exécutif
dans son choix final.
Il est ainsi précisé que le tarif est fonction du coût sur
l'aérodrome des services de sécurité-incendie-sauvetage,
de lutte contre le péril aviaire et de sécurité, ainsi que
des mesures effectuées dans le cadre des contrôles
environnementaux. Une importante précision supplémentaire est
apportée, relative à la façon dont ce coût doit
être apprécié. Il est indiqué qu'il l'est à
partir des prestations assurées en application de la
réglementation en vigueur et de l'évolution prévisible des
coûts.
Le tarif de la taxe d'aéroport tel qu'il est proposé par le
gouvernement est loin d'être calqué sur les coûts
réels.
Il ne dépasserait pas 99 francs par passager
alors que le coût des missions que la taxe est appelée à
financer peut dépasser 600 francs par passager. Le tarif de la taxe
suppose donc une certaine péréquation, réalisée en
l'espèce à travers les interventions du FIATA (v. infra) qui
sera financé par une part du produit de la taxe de l'aviation civile..
Cependant le tarif est modulé en fonction de la fréquentation
des aéroports si bien qu'un passager ne paierait pas la même somme
quel que soit son point d'embarquement.
Concrètement, un passager
embarquant à Nice acquitterait une taxe de l'ordre de 8,5 francs
alors qu'un passager embarquant à Cherbourg paierait 99 francs.
En l'état du texte transmis par l'Assemblée nationale, le produit
attendu de la taxe d'aéroport s'élèverait globalement
à 795 millions de francs sur les neuf mois de 1999 où elle
trouverait à s'appliquer face à des besoins évalués
à 811 millions de francs.
2. la taxe de l'aviation civile et le FIATA
Pour combler la différence entre les besoins et les produits de la taxe
d'aéroport, on recourrait aux ressources du FIATA
générées par la nouvelle taxe de l'aviation civile.
a) La taxe de l'aviation civile
La taxe de l'aviation civile, comme toute imposition, aurait une assiette, des
redevables, un tarif et un mode d'administration. On examine ci-après
ces différents éléments.
L'assiette de la taxe :
La taxe serait assise sur le nombre de
passagers embarqués
en
France, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le
transporteur. Toutefois, seraient "sortis" de l'assiette de la taxe :
- les personnels dont la présence à bord est "directement
liée au vol considéré", le texte prenant le soin
d'indiquer qu'il s'agit
notamment
des membres d'équipage assurant
le vol mais aussi des agents de sûreté ou de police et des
accompagnateurs de fret ;
- les enfants de moins de deux ans ;
- les passagers en transit direct, effectuant un arrêt
momentané sur l'aéroport et repartant sur le même
aéronef avec un numéro de vol au départ identique au
numéro de vol de l'aéronef à bord duquel ils sont
arrivés ;
- les passagers reprenant leur vol après un atterrissage
forcé en raison d'incidents techniques ou de conditions
atmosphériques défavorables.
Il est en outre précisé que si la taxe concerne les passagers
des vols commerciaux ne doivent pas être considérés comme
de tels vols :
- les évacuations sanitaires d'urgence et
- les vols locaux au sens du 2 de l'article premier du règlement
CEE n° 2407.92 du 23 juillet 1992.
Le tarif de la taxe
Le tarif de la taxe, exprimé en francs par passage, est modulé
en fonction de la destination du passager embarqué.
De 23 francs lorsque le passager est embarqué à destination
de la France ou d'un autre Etat membre de la communauté
européenne, il passe à 39 francs lorsque le passager est
embarqué vers d'autres distinctions.
Le mode d'administration de la taxe
La taxe serait levée à partir du 1er janvier 1999 à
partir d'un système déclaratif. Les entreprises de transport
aérien désignées comme les redevables de la taxe devraient
adresser mensuellement aux comptables du budget annexe de l'aviation civile une
déclaration récapitulant le nombre de passagers embarqués
le mois précédent assortie du paiement de la taxe due.
Les contrôles d'assiette seraient à la charge des services de la
Direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui pourraient
examiner sur place les documents utiles.
Il incomberait au directeur général de l'aviation civile
d'émettre les titres exécutoires nécessaires à la
perception des "droits supplémentaires maintenus et des
pénalités prévues à l'article 1729".
Un régime plus sévère prévaudrait en cas d'absence
de déclaration dans les délais. Alors, il serait
procédé à la taxation d'office sur la base du nombre total
de sièges offerts pour les aéronefs utilisés pour
l'ensemble des vols du mois.
L'entreprise de transport peut cependant régulariser sa situation dans
les trente jours suivant la notification du titre exécutoire en
déposant une déclaration. Cette régularisation vaut pour
"les droits", mais pas pour les pénalités les assortissant, qui
sont prévues par l'article 1728.
L'affectation du produit de la taxe
La taxe de l'aviation civile serait levée au profit du budget annexe de
l'aviation civile (BAAC), mais aussi du "Fonds d'intervention pour les
aéroports et le transport aérien" (FIATA) (v-infra).
L'article précise que les quotités du produit de la taxe
respectivement affectées à l'un et à l'autre de ces
supports budgétaires seraient déterminées par "la loi de
finances".
Enfin, il est prévu qu'à compter du 1er janvier 1999 ces
quotités s'établissent ainsi qu'il suit :
- 90 % du produit irait au budget annexe de l'aviation civile ;
- 10 % du produit seraient versés au FIATA.
Le produit global de la taxe de l'aviation civile s'élèverait
à environ 1.421 millions de francs, dont 142 seraient
affectés au FIATA et le reste (1.279,5 millions de francs) au
budget annexe de l'aviation civile.
b) Le FIATA
La création du FIATA constitue le troisième
élément de l'édifice.
Le gouvernement propose une extension du compte d'affectation spéciale
n° 902-25 intitulé "Fonds de péréquation des
transports aériens" (FPTA).
Ce fonds, créé par l'article 46 de la loi de finances pour
1995 afin de financer les déficits d'exploitation de certaines lignes
aériennes dites "d'aménagement du territoire" prendrait une autre
dénomination et s'intitulerait désormais "Fonds d'intervention
pour les aéroports et le transport aérien" (FIATA).
Le FIATA continuerait à assumer cette dernière charge mais il
serait en outre appelé à financer :
a) les dépenses directes de l'Etat en fonctionnement et en capital
concernant les services de sécurité-incendie-sauvetage et la
sûreté, à l'exception des dépenses de
personnel ;
b) les subventions aux gestionnaires d'aérodromes en matière de
sécurite-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte contre le
péril aviaire et de mesures effectuées dans le cadre des
contrôles environnementaux ;
c) les frais de gestion ;
d) les restitutions des sommes indûment perçues ;
e) les dépenses diverses ou accidentelles.
Le FIATA serait financé au moyen d'une part du produit de la taxe
d'aviation civile (TAC) comme il a été dit plus haut.
En 1999, le FIATA présenterait le profil suivant :
(En millions de francs)
|
Dépenses |
Recettes |
Péréquation lignes aériennes |
51 |
|
Financement aéroportuaire |
97 |
|
dont dépenses en capital directes de l'Etat |
50 |
|
dont péréquation petites plates-formes |
15 |
|
dont Bâle-Mulhouse |
10 |
|
dont TOM |
22 |
|
Total |
148 |
148 |
Observations :
Une analyse des charges du FIATA fait ressortir que :
- pour 34,5 % et 51 millions de francs, elles correspondraient aux
charges théoriques du FPTA estimées à l'an dernier
à 48,5 millions de francs et qui progresseraient donc de
5,15 % ;
- pour le reste, 65,5 % et 97 millions de francs au financement des
aérodromes.
Cette dernière catégorie de dépenses se
répartiraient en :
- 50 millions de francs au titre des dépenses en capital anciennement
logées dans le BAAC et financées à travers les
redevances ;
- 15 millions de francs au titre des subventions versées aux
exploitants d'aérodromes pour lesquels le produit de la taxe
d'aéroport ne suffirait pas à couvrir les coûts des
missions que cette taxe nouvelle serait censée financer ;
- 32 millions de francs pour intervenir sur les aéroports de
Bâle-Mulhouse et des territoires d'outre-mer qui, en l'état,
seraient hors du champ de la taxe d'aéroport.
En bref, le FIATA subrogé dans les missions du FPTA servirait
à :
- financer les dépenses des missions de sûreté dans les
aéroports sans taxe d'aéroport (32 millions de francs soit
1/3 des interventions dans les aéroports) ;
- financer les seules dépenses de sûreté du BAAC
auparavant financées via la RSTCA (50 millions de francs,
51,5 % des interventions aéroportuaires du FIATA mais seulement
15,7 % des dépenses de sûreté identifiables
assumées par l'Etat et 6,2 % de l'ensemble des dépenses de
sûreté aéroportuaire) ;
- et financer l'impasse de financement des aéroports en déficit
de produit de taxe d'aéroport pour 15 millions de francs, ce qui
représente sa contribution à la péréquation.
II. UNE RÉFORME INACCEPTABLE EN L'ETAT MAIS PERFECTIBLE
La réforme entreprise a fait l'objet d'un examen approfondi de la part
de la commission des finances du Sénat qui se félicite de la
franchise avec laquelle le ministre de l'équipement, des transports et
du logement et ses services ont abordé la discussion.
La commission des finances a proposé au Sénat qui l'a suivie de
rejeter la création de la taxe de l'aviation civile et du FIATA. Elle
lui proposera également le rejet de la taxe d'aéroport.
Les motifs de ces rejets sont nombreux. On évoquera brièvement
les imperfections du texte qu'il aurait été possible de
surmonter. Puis, l'on rappellera les principes très fermes qui, sur le
fond, ont animé la commission et le Sénat.
A. DES IMPERFECTIONS DE DÉTAIL
Un certain nombre d'imperfections auraient pu être surmontées
qu'il s'agisse du régime des taxes envisagées ou du FIATA.
1. Les taxes de l'aviation civile et d'aéroport.
S'agissant du détail de la rédaction, on peut regretter quelques
choix malheureux.
On peut d'abord s'interroger sur un défaut
d'homogénéité entre le critère d'appartenance des
aéroports aux différentes catégories définies par
le texte -le nombre des passagers embarqués et débarqués-
et l'assiette de la taxe -le nombre de passagers embarqués. Comme le
tarif de la taxe est "construit" pour couvrir les coûts des missions
qu'elle est appelée à financer, cette dichotomie n'a pas de
justification évidente.
Le choix d'asseoir la taxe sur les passagers
embarqués
sur
l'aéroport est, quant à lui, plus discutable et n'est
probablement pas entièrement neutre. Un choix alternatif aurait pu
être fait d'asseoir la taxe sur les passagers embarqués et
débarqués. Il apparaît en effet que les missions à
financer concernent, de la même, manière, l'une et l'autre
catégories de passagers.
S'agissant des passagers exemptés
, on doit d'abord observer que
si l'on suit la logique du dispositif proposé, l'exemption des passagers
en transit direct ne va pas de soi. Si le système avait une vocation
nationale, on pourrait certes la comprendre comme un moyen d'éviter une
cascade d'impositions. Mais, comme il a vocation à financer chaque
aéroport, cette considération trouve mal sa place, même si
elle a pour effet d'éviter de pénaliser le fonctionnement des
"hubs".
L'exemption accordée aux passagers victimes de circonstances
exceptionnelles est, quant à elle, parfaitement admissible. Mais, la
rédaction choisie est malheureuse car trop limitative. Quel serait le
sort des passagers reprenant leur vol après un détournement
terroriste ou simplement parce que l'aéroport théorique de
destination serait momentanément fermé pour une cause non
atmosphérique et indépendante de la technique ? Il ne
bénéficierait pas d'une exonération qu'il entre
sûrement dans l'intention du législateur de lui accorder. Il faut
donc simplifier la rédaction et se référer au cas "des
passagers reprenant leur vol après un atterrissage causé par la
survenance d'un cas de force majeurs".
S'agissant du texte du II qui précise que la taxe s'ajoute au prix
acquitté par le passager, la formule retenue n'est pas
satisfaisante
. En matière d'impôts indirects, comme pour les
autres impôts, ce qui compte dans la définition d'une taxe, c'est
de déterminer son assiette, son taux et son fait
générateur.
Le fait générateur de la taxe d'aéroport sera la
délivrance gratuite ou onéreuse du billet. A partir de là,
le transporteur qui devra la taxe doit être libre de la répercuter
ou non sur le client. Indiquer que la taxe s'ajoute au prix -qui peut
être nul- acquitté par le passager, c'est supprimer cette
liberté. Cela n'est pas souhaitable.
Ce qui est souhaitable, en revanche, c'est que le client soit informé
qu'une taxe s'ajoute au prix acquitté par lui. On doit donc trouver une
formule qui satisfasse à cette seule exigence.
Il faut alors écrire que "la taxe est due par toute entreprise de
transport aérien public et s'ajoute, le cas échéant, au
prix acquitté par le passager".
La référence implicite aux "comptables du budget annexe de
l'aviation civile"
n'est pas satisfaisante. Il faut préciser la
rédaction, de même que celle qui renvoie sans plus à
l'article 1729.
Le dispositif proposé suscite au surplus à l'évidence
des questions sur sa mise en oeuvre concrète.
Les problèmes pratiques posés par l'administration de la taxe
d'aéroport ne sont pas à négliger. Sa gestion supposera de
mettre en place un réseau de recouvrement sur le territoire puisqu'il
n'est pas envisagé de confier cette mission aux réseaux du
ministère des finances. On peut légitimement s'interroger sur les
raisons de ce choix.
En outre, il est loisible de s'inquiéter d'une éventuelle
multiplication des contentieux. Le système mis en place est assis sur
les déclarations des
transporteurs aériens dont
dépendront les allocations versées à chaque
aéroport
.
Il est à redouter que chacun de ces acteurs ne s'accordent pas toujours
sur les éléments constitutifs de l'assiette de la taxe et que des
contestations s'élèvent. On peut donc s'attendre à des
contentieux.
Ceux-ci alourdiraient encore le poids de la gestion de la taxe
d'aéroport qui nécessitera sans doute une forte activité
de contrôle.
En bref, l'administration de la taxe ne sera pas chose aisée.
La question du statut budgétaire de la taxe d'aéroport doit,
au demeurant, être posée. Elle est plus ardue.
La taxe d'aéroport serait, comme le rappelle très justement
l'exposé des motifs du gouvernement, à ranger dans
la
catégorie des impositions de toute nature
.
Par conséquent, son régime juridique devra obéir aux
règles qui, dans notre droit budgétaire, s'appliquent à de
telles impositions. Elle devrait être retracée dans les recettes
de l'Etat, sa perception devrait être autorisée chaque
année par la loi de finances et son affectation comptable devrait
respecter les dispositions prévues par le chapitre II de l'ordonnance
59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de
finances. En particulier, il faudrait respecter la règle posée
à l'article 18 de cette ordonnance selon laquelle "
Il est fait
recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les
recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant
l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et
toutes les dépenses sont imputées à un compte unique,
intitulé budget général.
"
Le dispositif proposé par le gouvernement contrevient manifestement
à cet ensemble de contraintes constitutionnelles. Il n'est en effet pas
prévu de rattacher le produit de la nouvelle taxe au budget
général non plus d'ailleurs que de mentionner dans le budget les
charges qu'elle est appelée à financer. Mais, plus grave, la
mention du texte selon laquelle "
la taxe... est perçue au profit des
exploitants des aérodromes
" si elle s'inspire des dispositions
traditionnellement retenues en matière de taxes parafiscales n'a pas
lieu d'être s'agissant d'une imposition et soutient une affectation
contraire aux règles du droit budgétaire.
Le point de vue selon lequel la jurisprudence du Conseil constitutionnel
autoriserait de telles méthodes ne convainc pas.
Il est politiquement inacceptable d'instaurer un système de financement
de cette importance, son montant est d'1 milliard de francs en
année pleine et il concerne des missions d'intérêt
général essentielles sans que le Parlement n'en soit saisi en
totalité à travers des documents budgétaires dont c'est la
raison d'être.
Au surplus, la référence à la jurisprudence du Conseil
constitutionnel paraît procéder d'une assimilation erronée
du cas d'espèce à d'autres cas d'espèces.
S'il est bien vrai que le Conseil constitutionnel a admis dans sa
décision du 29 juillet 1998 rendue à propos de l'affectation
d'une taxe appartenant à la catégorie des impositions de toute
nature à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat qu'un
établissement public pouvait bénéficier de l'affectation
du produit d'une imposition, il serait surprenant qu'il choisisse une solution
analogue à propos de la taxe d'aéroport.
On peut d'abord observer que l'existence juridique des aéroports n'est
pas établie dans la plupart des cas, ceux où les aéroports
sont gérés par des personnes morales pour lesquelles cette
gestion n'est qu'une activité parmi d'autres.
On peut également faire valoir que certains aéroports sont
gérés par des personnes morales de droit privé qui se
trouveraient ainsi affectataires d'une imposition.
On doit ajouter que la jurisprudence du Conseil d'Etat a clairement
établi que
"les services rendus par les services de
sécurité d'incendie et de sauvetage et par la gendarmerie
correspondent à des missions d'intérêt
général qui incombent, par nature à l'Etat
".
Dans ces conditions, l'on voit mal comment des dépenses correspondant
à des charges qui incombent naturellement à l'Etat pourraient ne
pas être intégrées dans le budget de l'Etat, censé
les retracer en totalité et constituer le support de leur autorisation
et de leur gestion.
2. Le FIATA
Une première question s'est posée, celle de savoir si
le FIATA devait intégrer les opérations du FPTA. Une
réponse négative a été apportée
à
cette question car l'on peut craindre d'une telle intégration qu'elle ne
comporte un certain mélange des genres au terme duquel des arbitrages
opaques défavoriseraient les interventions jusqu'alors mises à la
charge du FPTA. Cela a des conséquences sur la rédaction de
l'article 35 bis qui devrait laisser subsister le FPTA.
Une seconde question a été de savoir comment devrait
être formaté le FIATA, et, partant, de savoir quel sort
budgétaire réserver aux dépenses d'intérêt
général dans les aéroports et quel mode de financement
choisir pour couvrir ces dépenses.
La jurisprudence du Conseil d'Etat et les exigences du contrôle
démocratique invitant à conclure que les financements des
dépenses réalisées par les gestionnaires d'aéroport
devraient être retracées par le budget de l'Etat, il est apparu
inopportun d'imputer de telles dépenses à un budget annexe, cette
formule n'étant pas faite pour cela. Cette dernière observation a
conduit à suggérer que les dépenses de même nature
que celles envisagées ici qui, dans le schéma du gouvernement ,
resteraient assumées par le BAAC, soient transférées au
budget général ou à un compte spécial.
Au total, au terme d'une telle opération, le montant des
dépenses qui devraient faire l'objet du tel rattachement
s'élèverait en 1999 à 1.215 millions de francs,
soit :
- 322 millions de francs au titre des dépenses de
sûreté assumées par le BAAC ;
- 811 millions de francs de dépenses de SSIS et de
sûreté assumées par les aéroports mais
financées par l'impôt, dont 484 millions de francs de
dépenses de sûreté, 311 millions de francs de
dépenses de SSIS ;
- 32 millions de francs au titre des dépenses
d'intérêt général dans les aéroports des
territoires d'outre-mer et de Bâle-Mulhouse ;
- 50 millions de francs au titre des dépenses directes de SSIS
assumées par le BAAC.
Entre un rattachement au budget général et un rattachement
à un compte d'affectation spéciale(CAS), la seconde option serait
a priori
la meilleure puisqu'elle permettrait d'isoler les moyens
consacrés aux missions d'intérêt général dans
les aéroports. L'on pourrait alors "loger" ces dépenses dans un
FIATA consacré aux financements des aéroports.
Mais il faut considérer une difficulté pratique de
l'opération :
Le transfert de ces dépenses à un CAS poserait un
problème particulier du fait de la règle posée à
l'article 25 de l'ordonnance organique qui veut que les versements du
budget général à un CAS n'excèdent pas 20 %
des dépenses envisagées.
Or, la partie des dépenses de
sûreté correspondant aux sujétions normales qui incombent
à l'Etat du fait de ses responsabilités propres doit être
financée par l'impôt général.
Du fait de la contrainte passée par l'ordonnance organique, le
versement de l'Etat au CAS ne pourrait excéder 20 % des
dépenses mises à la charge de ce CAS, soit 243 millions de
francs.
Il resterait à financer 972 millions de francs en 1999 à
travers un autre outil.
La question, et on aborde alors le problème du dosage du financement par
l'impôt général et par l'impôt spécifique
-voir infra- qui se pose est de savoir si un versement de 243 millions de
francs en provenance du budget général suffirait à
satisfaire l'exigence de voir celui-ci financer les missions normales de
sûreté publique exercées dans le secteur du transport
aérien.
Il faut, pour y répondre, indiquer qu'une telle somme correspondrait
à un peu moins de 30 % des charges de sûreté publique
dans les aéroports qui seraient réalisées en 1999 par les
gestionnaires d'aéroports ou par le BAAC.
Il est difficile de faire le départ entre les sujétions dont le
financement doit rester à la charge de l'Etat du fait de l'exercice
normal de ses responsabilités et celles qui, du fait des exigences
particulières du transport aérien, pourraient être
financées par les entreprises de transport aérien. Mais cette
difficulté doit être résolue sur la base de propositions de
gouvernement.
B. LES OBJECTIONS DE FOND
Le Sénat a surtout considéré deux objections de fond.
Il a rappelé son attachement au principe d'un financement par
l'impôt général des sujétions normales
supportées par l'Etat du fait de ses missions essentielles.
Il s'est aussi inquiété des conséquences du dispositif
sur l'aménagement du territoire.
1. Il faut financer les sujétions normales auxquelles la mission,
régalienne par excellence, de préservation de la
sûreté publique expose l'Etat
La taxe d'aéroport suscite à l'évidence des
problèmes juridiques qui ne sont d'ailleurs que le reflet des questions
politiques qu'elle pose.
Le dispositif de la taxe en fait l'exact équivalent d'une redevance,
même si en tant que taxe le prélèvement nouvellement
institué obéira à un régime juridique
différent de celui des redevances : elle devra ainsi en particulier
faire l'objet d'un vote par le Parlement.
Mais,
sur le fond, la taxe d'aéroport, imposition spécifique
assise sur le passager aérien et prélevée sur les
compagnies pour financer des missions d'intérêt
général ne différerait pas des redevances
.
Formellement, la ressemblance avec les redevances serait assurée par un
calcul du tarif de la taxe épousant au plus près possible les
coûts aéroport par aéroport et, surtout, par une
absence
totale d'affectation budgétaire
de son produit et donc d'imputation
budgétaire des charges qu'il serait censé couvrir.
Avec la question du choix de la nature de l'imposition appelée
à financer les coûts des missions d'intérêt
général en cause, on aborde une difficulté de principe.
Votre commission des finances s'est systématiquement opposée en
la matière à des solutions où une redevance mise à
la charge d'une catégorie spéciale d'usagers ou une taxe
spécifique viendrait financer l'
exercice
normal
de
missions d'intérêt général.
Le dispositif proposé par le gouvernement n'est donc pas satisfaisant
puisque les principes républicains d'ailleurs enracinés dans
l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
veulent que les dépenses de sûreté soient financées
à partir d'une contribution commune, générale.
Le choix d'une taxation spécifique ne saurait être sans
distinction justifié par la spécificité des missions
à financer
: lesdites missions relèvent de
l'intérêt général. Mais,
sur ce point, une nuance
peut probablement être
faite entre les missions de
sécurité qui sont destinées essentiellement à
préserver l'intégrité physique des personnes
embarquées et les missions de sûreté qui sont
destinées à cela mais aussi à contribuer à la
défense de la Nation contre des actes de malveillance susceptibles de
l'atteindre
.
On ne peut non plus se contenter de se référer aux
spécificités du transport aérien.
Cette justification
à laquelle renvoient les propos du ministre devant l'Assemblée
nationale s'inspire, semble-t-il, de deux considérations : le fait
qu'une proportion réduite de la population se transporte par la voie des
airs ; le fait qu'à l'étranger la taxation spécifique est
de pratique répandue et qu'elle soit consacrée par l'OACI.
On sait ce qu'il faut penser du second de ces arguments du fait du
décalage entre la logique des "règles" de l'OACI et la
philosophie de notre droit public. On peut ajouter que la France a
jusqu'à un récent passé offert l'exemple d'une implication
normale des pouvoirs publics à travers en particulier l'intervention de
la DICCILEC.
Quant au premier argument, on voit bien que sa généralisation
pourrait déboucher sur une révolution fiscale susceptible
d'anéantir l'idée même de contribution commune.
Appliqué à l'ensemble des dépenses publiques, il pourrait
déboucher sur un financement par voie de contributions
spécifiques imposées aux seuls bénéficiaires des
biens produits à l'aide de la dépense publique.
Ainsi, seuls les habitants des quartiers en difficulté seraient
appelés à financer les mesures destinées à
régler les problèmes qu'ils doivent affronter, seuls les clients
de la SNCF devraient financer les forces de police mobilisées par le
souci d'assurer la tranquillité du transport ferroviaire, etc. Une telle
argumentation suppose des ajustements tels qu'elle ne peut sans débat
sur ses conséquences et prolongements être produite à
l'appui de la solution proposée par le gouvernement.
Néanmoins, là aussi, une nuance pourrait être
introduite entre l'exercice normal des missions de sûreté et ce
qui, dans l'exercice de ces missions, correspond à des exigences
particulières liées au transport aérien, en particulier
à l'impératif de célérité des
contrôles nécessaires à la fluidité du trafic.
Ajoutons que le recours à une taxation spécifique pose des
problèmes au regard du principe d'égalité.
Ainsi les
choix du gouvernement en matière d'assiette des taxes d'aéroport
et de l'aviation civile introduisent une rupture d'égalité devant
les charges publiques puisqu'elles conduisent à exonérer
entièrement les entreprises de fret.
2. Il faut envisager les problèmes posés par le dispositif au
regard de la préservation des intérêts de
l'aménagement du territoire
Les problèmes posés à notre réseau
aéroportuaire du fait des exigences de sécurité et de
sûreté constituent un sujet de très grande importance sur
lequel l'information des acteurs est lacunaire. Il faudrait que le gouvernement
présente une étude approfondie sur la question plus
générale des conditions de l'équilibre financier de notre
réseau d'aéroports.
Ce réseau est, en effet, confronté à des exigences
croissantes.
Le tableau ci-après rend compte, par aéroport, des coûts
annuels des missions de sûreté et des "services chargés de
la sécurité incendie sauvetage" (SSIS).
Coût par aéroport des missions de
sûreté et
de sécurité incendie et
sauvetage.
|
|
Coût annuel sûreté -estimation 1999 en MF |
Coût annuel ssis - estimation 1999 en MF |
Coût annuel de missions en F/passager |
ADP
|
32.012.468
|
410.36
|
160.17
|
17.82
|
On
observe que les coûts de ces missions sont variables selon les
plates-formes considérées -dans nombre d'aéroports, le
coût des missions de sûreté est nul, ces missions
continuant, en tout cas on l'espère, à être assumées
par les pouvoirs publics-. Elles ont en outre tendance à croître
avec la taille de l'aéroport. Mais
le coût annuel des missions
rapporté au nombre des passagers a, lui, tendance à croître
quand ce dernier diminue
. Cette donnée est totalement
indépendante, remarquons-le, du mode de financement choisi. Elle est
appelée à s'intensifier avec l'augmentation prévisible des
dépenses de sûreté. Il faut certes relativiser cette
perspective. Les problèmes posées par la sûreté dans
un petit aéroport ne sont pas les mêmes que ceux qui sont
posés dans un grand aéroport et ils peuvent recevoir des
solutions moins coûteuses. Mais, la remarque est dans l'ensemble
pertinente qui vise à faire observer que les coûts de la
sûreté augmenteront plus que le nombre des passagers dans la
plupart des aéroports. Comme ces coûts rapportés à
chaque passager sont d'autant plus élevés que la plate-forme est
moins fréquentée, l'avenir se traduira par une distorsion de plus
en plus grande entre les coûts des missions de sûreté et de
sécurité par passager dans les aéroports, en fonction de
leur fréquentation.
La dispersion des coûts par passager est d'ores et déjà
considérable, allant de plus de 600 francs à 8 francs.
Ainsi, tout système de financement construit sur l'idée
d'appliquer au passager un tarif représentatif des coûts
réels qu'il génère a nécessairement pour effet
d'épouser la dispersion de ce coût et la
perspective d'un
élargissement de cette dispersion est inévitable
. Elle doit
être clairement mise en évidence. Elle contribuera à
accroître les charges de financement de certains aéroports
à fréquentation réduite dans des conditions telles qu'une
imputation des coûts aux passagers embarquant dans ces aéroports
exposeraient ceux-ci à devoir supporter une " facture "
parfois très lourde. C'est ce qu'indique déjà assez la
dernière colonne du tableau ci-dessus.
Le tarif de la taxe d'aéroport tel qu'il est proposé par le
gouvernement est loin d'être calqué sur les coûts
réels.
Il ne dépasserait pas 99 francs alors que le
coût des missions que la taxe est appelée à financer peut
dépasser 600 francs par passager. Le tarif de la taxe suppose donc
une certaine péréquation, réalisée en
l'espèce à travers les interventions du FIATA (v. ci-dessus).
Cependant le tarif est modulé en fonction de la fréquentation
des aéroports si bien qu'un passager ne paierait pas la même somme
quel que soit son point d'embarquement.
Concrètement, un passager
embarquant à Nice acquitterait une taxe de 8,5 francs alors qu'un
passager embarquant à Cherbourg paierait 99 francs.
Que penser d'une telle situation ? L'on peut d'abord observer qu'
en
première analyse
elle ne se traduirait, dans l'immédiat,
par aucun changement notable si la taxe d'aéroport devait simplement
prendre le relais du financement par redevances aéroportuaires
jusqu'à présent en oeuvre. On peut même considérer
que le nouveau dispositif serait plus favorable que l'ancien pour les
" petits aéroports " puisque ceux-ci
bénéficieraient désormais d'une intervention du FIATA.
L'on doit également souligner que l'échelonnement d'un tarif
fiscal en fonction des coûts réels est conforme aux enseignements
de la théorie économique et, en particulier, au souci de
réunir les conditions d'une bonne allocation des ressources.
Enfin, rien ne permet d'affirmer que le tarif proposé serait de nature
à provoquer des détournements de trafic aux dépens des
aéroports où la taxe serait élevée. Si l'on fait
l'hypothèse que la taxe prendrait le relais des redevances, une telle
éventualité paraît même exclue. Il en irait autrement
si la taxe se substituait également à des subventions ou si le
tarif de la taxe devait, dans un souci de péréquation,
s'éloigner, pour certains aéroports, du tarif actuel des
redevances.
Cependant, à supposer cette équivalence vérifiée
pour l'heure, la perspective, mise en évidence plus haut, d'une
augmentation des dépenses de sûreté et de
sécurité pourrait à l'avenir susciter une distorsion du
tarif de la taxe plus importante qu'il n'est aujourd'hui proposé.
On
peut donc redouter que la logique du système ne revienne à
alourdir très sensiblement dans un futur proche le tarif pour les
" petits aéroports ". Cette évolution ne serait pas
à proprement parler antiéconomique mais elle pourrait condamner
certaines plates-formes. Il fallait le dire.
Une solution évoquée par le gouvernement consisterait à
réduire le nombre des classes d'aéroports et à
rétrécir le barème de la taxe d'aéroport.
Le schéma envisagé désormais par le gouvernement serait
le suivant :
|
1 |
2 |
3 |
Trafic Minimum |
10.000.001 |
4.000.001 |
1.001 |
Trafic Maximum |
|
10.000.000 |
4.000.000 |
Tarif Minimum |
16,00 F |
8,00 F |
17,00 F |
Tarif Maximum |
20,00 F |
17,00 F |
50,00 F |
Le
tarif s'échelonnerait de 8 à 50 francs contre une
échelle de 8 à 99 francs dans le dispositif actuel.
Dans cette hypothèse, les besoins à couvrir par la
péréquation s'élèveraient ; ils passeraient de
15 à 25 millions de francs pour 1999 et seraient donc en
année pleine, sur la base d'estimations de coûts probablement
optimistes, d'au moins 33 millions de francs.
Comparaison entre les deux schémas
(en millions de francs)
|
Disposition adoptée à l'Assemblée nationale |
Disposition envisagée |
Produit attendu de la taxe d'aéroport (sur 9 mois) |
795 |
780 |
Besoins de péréquation |
15,99 |
25,72 |
Classe 1 |
0,00 |
0,00 |
Classe 2 |
0,00 |
0,00 |
Classe 3 |
2,70 |
0,00 |
Classe 4 |
4,12 |
9,02 |
Classe 5 |
9,18 |
16,70 |
NB. :
ce calcul ne prend pas en compte les aéroports de moins de
1.000 passagers, les TOM et Bâle-Mulhouse qui représentent un
coût de 35 millions de francs.
La mesure envisagée par le gouvernement, si elle aurait pour effet de
réduire le montant de la taxe exigée des compagnies
aériennes dans les petits aéroports, accroîtrait leurs
besoins financiers résiduels.
Il faudrait alors les couvrir soit en augmentant le tarif de la taxe de
l'aviation civile, ce que le gouvernement ne propose pas et qui, de toutes
façons, se traduirait par un accroissement de la fiscalité
supportée par les compagnies aériennes, y compris dans les petits
aéroports, soit trouver un financement alternatif.
Le refus par l'Etat d'assumer les charges financières des
sujétions normales de sa mission de sûreté dans les
aéroports laisse présager que les collectivités locales
sur le territoire desquels sont situés les aéroports en
déficit de financement seront appelées à financer ce
déficit.
On ne peut donc sérieusement établir que le changement
envisagé se traduirait par une plus grande préservation des
intérêts de l'aménagement du territoire.
*
* *
Votre
commission des finances a tracé la voie à suivre. Elle ne s'est
pas contentée de rejeter le dispositif gouvernemental. Mais, elle n'a
pas les pouvoirs nécessaires pour transcrire dans notre droit la
solution durable et satisfaisante qu'elle a pourtant dessinée.
Seul dans notre système constitutionnel, le gouvernement le pourrait
s'il en avait le désir.
C'est à cela que votre commission des finances invite le gouvernement et
c'est pour cela qu'elle a déposé un amendement de suppression de
l'article 85.