PJL approbation convention entre la France, l'Allemagne, le Royaume Uni et l'Irlande du Nord relative aux personnels scientiques de l'Institut Max-von-Laue-Paul Langevin
FAURE (Jean)
RAPPORT 16 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- INTRODUCTION
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT22 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires
N° 16
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 14 octobre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux personnels scientifiques de l' Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin,
Par M.
Jean FAURE,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène,
Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu,
Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat
:
446
(1997-1998).
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Installé à Grenoble, l'Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin (ILL),
a été créé par la France et l'Allemagne en janvier
1967 afin de favoriser la recherche sur la matière à l'aide de
neutrons produits par un réacteur à haut flux.
La présente convention, signée à Paris le 7 octobre 1997
par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni vise à donner à
l'ILL la faculté de continuer à recourir à des contrats
d'une durée maximale de cinq ans pour recruter des personnels
scientifiques, alors que le code du travail français limite en principe
un contrat à durée déterminée à une
durée maximale de 18 mois.
Afin d'apprécier la justification des dispositions adoptées dans
le cadre de cet accord, votre rapporteur évoquera d'abord
l'activité de l'Institut. Il montrera ensuite comment l'évolution
des règles françaises dans le domaine des contrats à
durée déterminée ne paraît guère compatible
avec les spécificités du travail scientifique au sein de
l'Institut.
I. L'INSTITUT MAX-VON-LAUE-PAUL LANGEVIN : LA RÉUSSITE EXEMPLAIRE D'UNE INITIATIVE FRANCO-ALLEMANDE DANS LE DOMAINE DE LA RECHERCHE
A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE AU SERVICE D'UNE MÉTHODE DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE PROMETTEUSE
L'Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin n'aurait sans doute
jamais vu
le jour sans la conjonction d'une avancée majeure dans le domaine de la
science physique et d'une volonté politique commune à la France
et à l'Allemagne pour faire de ce progrès un
élément du rapprochement entre nos deux pays.
.
La diffraction des neutrons : une méthode de recherche en science
physique fructueuse
Aux Etats-Unis, dès la fin de la deuxième guerre mondiale, des
scientifiques européens découvrent, à la suite
d'expériences conduites sur les premiers réacteurs
expérimentaux créés pour le développement de
l'énergie nucléaire, le formidable potentiel que recèle la
diffraction des neutrons pour préciser la position et les mouvements des
atomes et des molécules. Deux Britanniques, Cliff Shull et Bert
Brockhouse, reçurent, en 1994, le Prix Nobel pour ce travail de pionnier.
La diffraction des neutrons se développa rapidement aux Etats-Unis et en
Europe ; le succès de cette méthode justifia dès 1964, aux
yeux des chercheurs français et allemands, qu'un réacteur soit
entièrement consacré à la recherche par diffraction des
neutrons et à la production des flux les plus intenses.
.
Une volonté politique franco-allemande
Ces préoccupations de la communauté scientifique seraient
peut-être restées sans lendemain si elles n'avaient
rencontré un réel écho dans la volonté
affirmée, au même moment, par le Général de Gaulle
et le Chancelier Konrad Adenauer de rapprocher nos deux pays. Or, la recherche
scientifique pouvait précisément servir de support à une
telle ambition. Une convention intergouvernementale, signée le 19 juin
1969 par MM. Alain Peyrefitte et G. Stoltenberg, permit ainsi la
construction à Grenoble d'un réacteur à haut flux et la
création d'un institut international de recherche consacré
à l'étude de la matière à l'aide de
neutrons.
B. UN INSTITUT DONT LA VOCATION INTERNATIONALE A PERMIS DE FAIRE DE GRENOBLE UN PÔLE MAJEUR DE LA RECHERCHE EUROPÉENNE
.
Une
volonté d'ouverture
L'ILL a été le premier laboratoire au monde gérant un
équipement ouvert à des chercheurs et des universitaires
européens. Ce principe d'ouverture constitue la vocation première
et la principale originalité de l'Institut.
Le fonctionnement du réacteur permet en effet à l'ILL d'assurer
pleinement cette mission. Les faisceaux de neutrons sont distribués en
étoile depuis le coeur du réacteur et transportés à
longue distance par des guides réflecteurs vers différents
instruments et installations. Ces instruments peuvent être
assimilés à des équipements mi-lourds ouverts à un
usage collectif.
Le Conseil scientifique au cours des deux sessions annuelles de l'ILL
sélectionne les propositions d'expérience en fonction de leur
valeur scientifique et leur attribue un temps de faisceau sur les instruments.
Le parc des instruments de l'Institut est complété par des
instruments réservés aux équipes des partenaires de l'ILL
qui rétrocèdent toutefois une partie de leur temps d'utilisation
pour l'usage public.
Au total, l'Institut offre annuellement 6 000 jours-instruments aux
utilisateurs qui y réalisent quelque 800 expériences.
.
Le statut de l'ILL : la forme d'une société civile de droit
français
L'ILL a reçu, pour des raisons pratiques, le statut d'une
société civile de droit français. Après que les
Britanniques eurent rejoint, en 1973, les Français et les Allemands, la
participation des trois pays partenaires représente chacune le tiers des
parts de cette société :
- pour la France, le Centre national de recherche scientifique (17 %) et le
Commissariat à l'énergie atomique (17 %),
- pour l'Allemagne, le "Forschungszentrum Jülich" -FZ- (33 %),
- pour le Royaume-Uni, l' "Engineering and Physical Science Research Council"
-EPSRC- (33 %).
L'ILL dispose d'un budget de 338 millions de francs pour l'année 1998.
Depuis l'origine jusqu'en 1998, le coût de l'ILL (construction et
fonctionnement de l'institution) aura représenté près de 6
milliards de francs (en francs courants). Jusqu'en 1993, les trois
associés contribuaient à part presque égale à la
prise en charge financière de l'ILL. Après cette date, les
Britanniques ont décidé de réduire leurs versements. Un
protocole d'accord a ainsi autorisé une baisse temporaire de la
contribution britannique du niveau de 33 % à 25 % de la valeur de la
contribution des trois associés. En 1998, les contributions
française, allemande et britannique représentent respectivement
114, 112 et 80 millions de francs.
La réduction de la participation financière britannique a eu pour
conséquence de réduire de 30 à 25 le nombre d'instruments
mis à la disposition des chercheurs.
Par ailleurs, si jusqu'à une date récente, la sélection
des expériences pour l'utilisation des instruments de l'ILL
obéissait à de strictes critères scientifiques -sous
réserve que l'un des auteurs de la proposition appartienne à l'un
des pays membres de l'ILL- les difficultés financières
rencontrées aujourd'hui peuvent conduire les responsables de l'Institut
à moduler ce principe pour rééquilibrer l'accès aux
expériences en fonction de la participation financière du pays
des auteurs de la proposition au fonctionnement de l'ILL.
L'utilisation des instruments de l'Institut, dont le tableau ci-dessous
présente le bilan d'après les statistiques du Conseil
scientifique de l'ILL d'avril 1998, traduit cette évolution.
.
Le bilan
L'institut a incontestablement répondu aux espoirs qu'il avait
soulevés ; les performances du réacteur (d'une puissance de 57
MW) n'ont été dépassées jusqu'à ce jour par
aucune autre installation.
Du reste, plusieurs pays ont souhaité nouer un partenariat scientifique
avec l'ILL :
- l'Espagne depuis 1986, avec la "Comision interministerial de Ciencia y
technoligia",
- la Suisse depuis 1988, avec l' "Office fédéral de
l'éducation et de la science",
- l'Italie depuis 1996, avec l'"Istituto nazionale per la fisica della materia",
Ces trois Etats apportent ainsi leur quote-part à l'ILL. Par ailleurs,
la Russie s'est également rapprochée de l'Institut par le biais
d'un accord intergouvernemental entre la France et la fédération
de Russie et d'un accord cadre entre le CEA et la Minatom pour la fourniture
d'uranium.
En 1991, le réacteur de l'ILL a été arrêté
pour permettre la rénovation de ses structures intérieures.
Après quatre années de travail, le réacteur a
retrouvé en 1995 un potentiel de vie d'au moins quinze ans. Le 25 mars
1993, un troisième avenant à la convention intergouvernementale
proroge l'engagement de la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni jusqu'au 31
décembre 2003.
Au-delà de cette réussite exemplaire, les activités de
l'Institut ont bénéficié à la France -dont les
compétences en matière scientifique ont été
valorisées- et à Grenoble en particulier, devenu le centre
mondial de la recherche avec des neutrons. Les meilleurs chercheurs y
poursuivent leurs travaux. Faut-il le rappeler, les infrastructures, la
densité du milieu scientifique, la qualité des méthodes de
travail ont largement contribué au choix d'installer le synchrotron
européen (ESRF) à Grenoble, sur le terrain même de l'ILL.
L'ILL produit des neutrons, l'ESRF des rayons X. Ces deux moyens
d'investigation apparaissent complémentaires ; les chercheurs des deux
laboratoires vont souvent d'ailleurs de l'un à l'autre pour conduire les
mêmes études sous différents angles. Ainsi, a pu se
constituer à Grenoble un pôle de recherche dont la vocation
européenne n'a cessé de s'affirmer.
II. LES PARTICULARITÉS DE L'ACTIVITÉ DE RECHERCHE : JUSTIFICATION DÉCISIVE D'UNE DÉROGATION AUX RÈGLES DU CODE DU TRAVAIL
A. LE NÉCESSAIRE RENOUVELLEMENT DES PERSONNELS SCIENTIFIQUES
L'ILL
accueille deux grandes catégories de scientifiques : les chercheurs
visiteurs et les chercheurs recrutés par l'ILL.
.
Les chercheurs visiteurs
La vocation de l'Institut conduit à ouvrir l'accès des
instruments au plus grand nombre possible de scientifiques : les chercheurs
visiteurs, au nombre de 1 500 par an, appartiennent à des laboratoires
extérieurs à l'ILL. Si leur prise en charge financière
relève en principe de leur propre établissement, l'Institut
prévoit toutefois le versement d'indemnités de frais de
séjour et de déplacement pour les scientifiques extérieurs
responsables d'une expérience programmée par le Conseil
scientifique.
.
Les personnels scientifiques de l'Institut
L'Institut dispose toutefois de son propre personnel scientifique : une
soixantaine de chercheurs, chargés de l'encadrement de l'utilisation des
différents instruments exploités dans le cadre de l'Institut.
En effet, chaque instrument de l'ILL est placé sous la
responsabilité de deux chercheurs ; grâce à la
compétence qui leur est reconnue dans les domaines couverts par cet
instrument, ils ont pour fonction principale d'accueillir les chercheurs
visiteurs envoyés par les laboratoires utilisateurs de l'ILL et de
favoriser la réalisation de leurs expériences. Ces personnels
conduisent en parallèle une recherche personnelle à laquelle ils
consacrent environ le tiers de leur temps. Ils bénéficient pour
ce travail des enseignements que leur procure la qualité des
échanges avec les chercheurs visiteurs et des expériences
auxquels ils participent.
L'Institut prévoit également deux positions de chercheurs
invités assimilés pour leur statut aux personnels scientifiques
de l'Institut.
.
Le principe d'un contrat d'une durée maximale de cinq ans pour les
personnels scientifiques
Les personnels scientifiques comme les ingénieurs, cadres, agents de
maîtrise, techniciens et ouvriers relèvent de la convention
d'entreprise placée sous le régime des conventions collectives
régi par le code du travail français.
Toutefois aux termes de cette convention d'entreprise, le recrutement des
scientifiques repose non pas sur un contrat à durée
indéterminée -comme c'est le cas pour les autres
catégories de personnel- mais sur des contrats à durée
déterminée.
La convention d'entreprise prévoit en effet (art. 28-1) que le contrat
des personnels scientifiques est limité à une durée
maximale de cinq ans, "cette mesure résultant de l'usage constant
existant en ce domaine au sein de la société".
Cette spécificité se justifie de trois façons :
- d'une part, il convient d'éviter le risque d'immobilisme, incompatible
avec la recherche de pointe ;
- il importe, d'autre part, de distribuer équitablement les postes entre
les membres des différents pays ;
- il faut, enfin, favoriser le retour des chercheurs vers les laboratoires
extérieurs et, par un réseau de relations, assurer le rayonnement
de l'Institut.
Or si le code du travail n'interdisait pas au moment de l'élaboration de
la convention d'entreprise la signature de contrats d'une durée maximale
de cinq ans, l'évolution de la législation française ne
permet plus désormais une telle possibilité.
B. UNE CONVENTION, INDISPENSABLE, POUR TENIR COMPTE DE CONTRAINTES NON PRÉVUES PAR LE DROIT FRANÇAIS DU TRAVAIL
.
La nature "temporaire" du travail : une
notion
entendue de façon stricte par le droit français.
Si le législateur a longtemps ignoré la catégorie des
contrats à durée déterminée, il a souhaité,
au cours des deux dernières décennies, renforcer la protection
des travailleurs contre la précarité d'un emploi, liée
à la stipulation d'un terme.
Ainsi la loi du 12 juillet 1990 a repris et précisé une formule
générale de l'ordonnance du 11 août 1986. Elle dispose que
le contrat à durée déterminée "ne peut avoir ni
pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à
l'activité normale et permanente de l'entreprise" (art. L. 122.14).
Certes le code du travail (art. L. 122.1.1) prévoit qu'un contrat de
travail peut être conclu pour une durée déterminée
quand il est "d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail
à durée indéterminée en raison de la nature de
l'activité exercée et du caractère par nature temporaire
de cet emploi". Il mentionne par ailleurs explicitement (art. D.121.2) "la
recherche scientifique réalisée dans le cadre d'une convention
internationale, d'un arrangement administratif international pris en
application d'une telle convention ou par des chercheurs étrangers
résidant temporairement en France".
Ainsi, si le code du travail reconnaît bien la notion d'"usage constant"
et couvre l'activité particulière de la recherche scientifique,
il restreint la dérogation à des emplois dont le caractère
est par nature temporaire.
Or le caractère "temporaire" des emplois est entendu de façon
très stricte comme le soulignent les termes d'une circulaire (DRT
n° 18-90 du 30-10-90 § 1.3.2) : "(...) le seul fait que la liste
[fixée par le décret d'application de l'article L. 122.11]
mentionne tel secteur d'activité ne signifie pas que tous les emplois
offerts par le secteur peuvent donner lieu à la conclusion d'un contrat
de travail à durée déterminée ou à un
contrat de travail temporaire. Seuls les emplois de nature temporaire
autorisent la conclusion de tels contrats (...). Il est clair que des emplois
qui s'attachent à des activités exercées en permanence,
qui sont en quelque sorte la raison d'être de l'établissement
employeur, ne peuvent avoir un caractère temporaire et être
poursuivis au moyen de contrats précaires". La jurisprudence de la Cour
de cassation est par ailleurs venue confirmer une telle interprétation.
A bien des égards, le travail des scientifiques constitue la "raison
d'être" de l'Institut. Du reste, les scientifiques de l'Institut, il faut
le souligner, doivent être remplacés dans leurs fonctions
dès que l'un d'entre eux arrive au terme de son contrat. Peut-il
dès lors recevoir la qualification de "temporaire" ? Sans doute n'y
a-t-il pas de réponse tranchée à une telle question.
En admettant même que le recours aux contrats à durée
déterminée puisse être admis, la législation
française prévoit que la durée totale d'un CDD ne doit pas
excéder dix-huit mois (art. L. 122-1-2).
Dans les années qui ont suivi cette évolution du droit du
travail, le recours de l'Institut à des contrats à durée
déterminée a d'ailleurs suscité des prises de position
contradictoires.
Ainsi, en 1995, un inspecteur du travail de Grenoble a contesté la
légalité des dispositions de la convention d'entreprise et
enjoint l'ILL de transformer les contrats à durée
déterminée de cinq ans en contrats à durée
indéterminée.
En revanche, le Conseil des Prud'hommes a débouté en 1996 trois
scientifiques de l'ILL qui avaient engagé une procédure contre
l'Institut pour obtenir la requalification de leur contrat en contrat à
durée indéterminée. Aussi, après avoir suspendu
momentanément les recrutements dans le cadre de contrats à
durée déterminée de cinq ans, l'ILL a-t-il repris,
à la suite de la décision du Conseil des Prud'hommes, la
procédure habituelle des contrats réservés aux personnels
scientifiques. Toutefois, la situation d'
insécurité
juridique
entraînée par de telles contestations constitue un
obstacle au fonctionnement satisfaisant de l'ILL. Aujourd'hui parmi les 60
scientifiques de l'ILL, 23 sont sous contrat à durée
indéterminée, 37 sous contrat à durée
déterminée. Le statu quo n'est donc guère satisfaisant
compte tenu des incertitudes juridiques que soulève, dans la situation
actuelle du droit français, le recrutement des contrats à
durée déterminée de cinq ans.
La seule issue possible repose sur la signature d'une convention internationale
dont les dispositions l'emportent sur la législation intérieure.
Du reste, l'on peut s'étonner que cette solution se soit imposée
si tardivement, alors même que les modifications du code du travail
datent de 1986.
.
La nécessité d'une convention
C'est ainsi que les trois associés se sont entendus, le 7 octobre 1997,
sur les termes d'un accord dont le dispositif apparaît d'une grande
simplicité. La convention comporte en effet deux articles seulement.
L'article premier reconnaît à l'ILL la faculté de "conclure
des contrats d'une durée maximale de cinq ans pour recruter des
personnels scientifiques chargés d'exercer des activités de
recherche ou d'encadrement pour l'exploitation du réacteur à
très haut flux".
La signature d'une telle convention apparaît indispensable compte tenu de
l'incompatibilité entre l'activité spécifique des
scientifiques et la situation du droit du travail français.
Par ailleurs, la dérogation au droit du travail est
spécifiquement réservée au personnel scientifique à
l'exclusion des autres catégories de personnel de l'Institut.
Enfin, par cette convention, l'ILL s'aligne sur le statut d'autres organismes
de recherche, au premier rang desquels le synchrotron. En effet, l'ESRF
revêt, à l'exemple de l'ILL, la forme d'une société
civile de droit français. Cependant les Etats fondateurs de cet
établissement avaient pris l'utile précaution d'annexer à
la convention internationale relative à l'ESRF les statuts relatifs au
personnel qui prévoient notamment la possibilité de recourir
à des contrats d'une durée déterminée de cinq
ans.
CONCLUSION
La
présente convention permet à l'ILL de poursuivre le recrutement
des scientifiques sur la base d'un contrat d'une durée
déterminée maximale de cinq ans.
Si la convention introduit ainsi une dérogation très
limitée aux règles habituelles relatives aux contrats à
durée déterminée, elle revêt, en revanche, un
caractère essentiel pour l'Institut. Car c'est le renouvellement
même de l'élite des chercheurs au sein de cette instance qui
assure son rayonnement international et sa réputation scientifique.
C'est pourquoi votre rapporteur vous propose d'approuver le présent
projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la Défense et des
Forces armées a examiné le présent projet de loi lors de
sa réunion du 14 octobre 1998.
A la suite de l'exposé du rapporteur, la commission a approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte
présenté par le Gouvernement)
(Article unique)
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relative aux personnels scientifiques de l'Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin, signée à Paris le 7 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT2(
*
)
I
-Historique
L'Institut Max-von-Laüe-Paul Langevin (ILL), situé à
Grenoble, a été fondé en janvier 1967 lors de la signature
d'une convention conclue entre la France et l'Allemagne.
L'objectif était d'offrir à la communauté scientifique des
pays membres un moyen unique de produire des faisceaux neutroniques utilisables
dans des domaines tels que la physique de la matière condensée,
la chimie, la biologie, la physique nucléaire et l'étude des
matériaux.
II -Textes fondateurs
La liste des conventions conclues par les trois gouvernements français,
allemand, anglais, concernant l'ILL, sont les suivants :
- convention du 19 janvier 1967 entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République
fédérale d'Allemagne sur la construction et l'exploitation d'un
réacteur à très haut flux ;
- avenant du 6 juillet 1971, relatif au financement de l'ILL ;
- convention du 19 juillet 1974, relative à l'adhésion du
Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ;
- avenant du 27 juillet 1976, relatif au financement de l'ILL ;
- avenant du 9 décembre 1981, relatif à la reconduction pour dix
ans de la convention modifiée du 19 janvier 1967 ;
- avenant du 25 mars 1993, relatif à la reconduction pour dix ans de la
convention modifiée du 19 janvier 1967.
En outre, deux conventions ont été signées par l'ILL et
des organismes scientifiques afin d'ouvrir plus largement ses moyens de
recherche aux scientifiques des pays concernés :
- la première convention a été signée le 12
décembre 1986 avec la commission permanente de la commission
interministérielle de la science et de la technologie du Royaume
d'Espagne ;
- la seconde convention a été signée le 13 mai 1988 avec
le conseil fédéral suisse, représenté par l'office
fédéral de l'éducation et de la science.
Par ailleurs, l'organisation et le fonctionnement de l'ILL sont régis
par les statuts de la société, adoptés en 1967, par un
contrat conclu entre les associés et par une convention d'entreprise.
III - Configuration
Les trois pays sont représentés, au sein de la
société civile, par les associés suivants :
- Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;
- Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ;
- Kernforschungszentrum Karlsruhe Gmbh ;
- Science and Engineering Research Council.
L'ILL dispose d'un budget annuel moyen de 330 MF et d'un effectif de 402
personnes.
Les 1 500 visiteurs scientifiques venus de 31 pays effectuer en 1996
jusqu'à 800 expériences allant de la physique de la
matière condensée et de la physique nucléaire à la
métallurgie, la chimie et la biologie attestent le succès
scientifique d'une installation reconnue internationalisent.
IV - Les personnels scientifiques
En application de l'article 10.1 (a) du contrat de société, le
personnel engagé par la société civile est
rémunéré dans des conditions analogues à celles qui
sont en vigueur au CEA.
Les associés ont adopté une convention d'entreprise,
placée sous le régime des conventions collectives régi par
le code du travail français.
Cette convention d'entreprise règle les rapports entre (la
société civile) ILL et ses personnels : scientifiques,
ingénieurs et cadres, agents de maîtrise, techniciens,
employés, ouvriers et autres personnels (article premier).
Le préambule de cette convention précise que les associés
"s'engagent à appliquer et à faire appliquer l'esprit et la
lettre des dispositions prévues dans la présente convention et
à prendre en considération le caractère trinational de la
société dans ces applications".
Pour satisfaire l'objectif de mobilité et d'échanges
scientifiques permanents et pour répondre au caractère
trinational de l'ILL, l'article 28 de cette convention d'entreprise
prévoit au premier alinéa que le contrat des personnels
scientifiques (cadres) est limité à une durée maximale de
cinq ans, "cette mesure résultant de l'usage constant existant en ce
domaine au sein de la société".
L'article 28 précité se trouve aujourd'hui en contradiction avec
la législation française, relative au contrat à
durée déterminée. L'article L. 122-1-2 du code du travail
français limite cette durée maximale à dix huit mois. Le
nombre de personnels scientifiques cadres faisant à l'ILL l'objet d'un
contrat à durée déterminée est d'une trentaine de
personnes.
Ces personnels scientifiques au terme de leur contrat ont vocation à
revenir dans leur pays et organisme scientifique d'origine.
Afin de préserver la spécificité de cet institut à
caractère international, la présente convention a pour objet
d'autoriser, pour ces personnels scientifiques d'encadrement, la conclusion de
contrats de travail pour une durée maximale de cinq ans.
1
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 446.
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires