B. UNE RÉPONSE AUX LACUNES DES MESURES DE SOLIDARITÉ EXISTANTES
1. Les mesures proposées
La
présente proposition vise à apporter une réponse
adaptée aux lacunes des mesures de solidarité existantes.
Elle
vise à accorder un droit à la retraite anticipée pour les
anciens combattants d'Afrique du Nord chômeurs en fin de droit ou
à activité professionnelle involontairement réduite, qui
justifient de 160 trimestres de cotisations aux régimes d'assurance
vieillesse.
•
Un droit à la retraite anticipée
La mesure proposée ouvre un droit à la retraite anticipée
avant 60 ans.
Ce droit comporte une double caractéristique :
- il rompt avec la logique d'assistanat ;
Les bénéficiaires toucheront non pas une aide publique, mais une
véritable retraite liquidée par anticipation et versée par
les régimes de retraite. Ce droit, comme toute pension de vieillesse, ne
sera donc pas d'un montant forfaitaire, mais sera fonction des cotisations
versées et donc des revenus d'activité professionnelle
passés.
La pension versée inclut à la fois les prestations versées
par les régimes de base et les régimes complémentaires.
Elle est liquidée au taux normalement applicable à 60 ans.
- il s'agit d'un droit facultatif ;
Il appartient aux seuls bénéficiaires potentiels de demander la
liquidation anticipée. Il s'agit donc d'une faculté et non d'un
droit.
Ce caractère facultatif est destiné à garantir une
meilleure protection des bénéficiaires potentiels. Dans certains
cas, et notamment pour les anciens combattants qui ont eu des revenus
d'activité très faibles, les mesures de solidarité
existantes leur garantissent un revenu supérieur à la pension
qu'ils pourraient obtenir. Il est donc souhaitable que ces personnes puissent
continuer à bénéficier de ces mesures de solidarité.
•
Les bénéficiaires
Ce droit à la retraite anticipée est ouvert à toute
personne, sous réserve de trois conditions :
- avoir participé, sous l'autorité de la
République française, aux opérations effectuées en
Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.
Cette définition, volontairement large, fondée sur un double
critère territorial et temporel, ouvre le droit à la retraite
anticipée à tous les anciens combattants d'Afrique du Nord : les
engagés, les appelés, les ex-supplétifs (harkis).
En pratique, deux catégories d'anciens combattants ne sont pas ici pris
en compte : les rappelés et les militaires de carrière. Les
rappelés ont tous dépassé l'âge de la retraite et ne
peuvent donc être visés par la mesure. Les militaires de
carrière bénéficient déjà de la
possibilité d'obtenir une pension de retraite avant 60 ans, après
15 ans (sous-officiers) ou 25 ans (officiers) de service militaire.
Une telle définition permet donc une prise en compte bien plus
exhaustive des anciens combattants d'Afrique du Nord que ne le ferait un
critère fondé sur l'attribution de la carte d'Ancien combattant
ou du Titre de reconnaissance de la Nation.
Les auteurs de la proposition de loi avaient souhaité reconnaître
officiellement l'état de guerre pour le conflit algérien en
proposant de conserver la rédaction initiale qui mentionnait
"
les engagements du Maroc, de la Tunisie et de la guerre
d'Algérie
".
Votre commission, soucieuse d'éviter que de nouvelles questions d'ordre
juridique ne viennent interférer avec l'objet même de la mesure
proposée -à savoir le droit à la retraite
anticipée-, a préféré retenir la
référence aux "
opérations effectuées en
Afrique du Nord
" telle qu'elle apparaît dans la loi du 9
décembre 1974.
- être chômeur en fin de droit.
L'ouverture du droit à la retraite anticipée est limitée
aux seuls chômeurs en fin de droit. Il s'agit, en pratique,
essentiellement des allocataires de l'ASS ou du RMI qui peuvent être
également bénéficiaires du fonds de solidarité.
Cette ouverture, relativement restrictive, doit cependant être
considérée comme un premier pas. A l'avenir, il serait
souhaitable d'étendre ce droit aux salariés âgés en
situation très précaire.
De plus, votre rapporteur insiste sur la nécessité
ultérieure d'étendre ce droit à la retraite
anticipée aux non-salariés qui ne peuvent prétendre
à une indemnité de chômage et qui sont parfois dans
l'obligation de poursuivre leur activité par un revenu souvent
très inférieur au SMIC. Il s'agit notamment de certains
exploitants agricoles, de commerçants ou d'artisans.
- avoir cotisé pendant 160 trimestres au régime de base
obligatoire d'assurance vieillesse ou de périodes reconnues
équivalentes
Cette mesure, qui est avant tout une mesure de solidarité, cible en
priorité les personnes qui ont commencé à travailler
tôt, parfois dès l'âge de 14 ou 15 ans, le plus souvent dans
l'industrie.
Or, ayant commencé à travailler plus précocement que leurs
cadets, astreints à des tâches souvent plus pénibles, ces
salariés sont aussi ceux qui ont le moins de chance de retrouver un
emploi après un licenciement.
Votre commission rappelle également que les périodes de service
militaire légal accomplies en Afrique du Nord entre 1952 et 1962 sont
d'ores et déjà assimilées à des périodes
d'assurance pour le calcul des pensions de vieillesse du régime
général sans condition d'affiliation préalable, comme le
précise l'article L. 161-9 du code de la sécurité sociale.
La loi du 3 janvier 1995 prévoit également une réduction
des durées d'assurances pour les anciens combattants qui ont
séjourné plus de 18 mois en Afrique du Nord.
Votre commission n'a donc pas jugé opportun d'accorder une bonification
supplémentaire de trimestres d'assurance correspondant au temps
passé en Afrique du Nord.
2. Une amélioration sensible des dispositifs de solidarité existants
Cette
mesure présente une double amélioration des dispositifs existants.
Sur le plan des principes d'abord, elle traduit la solidarité de la
Nation en reconnaissant enfin, même si c'est de manière
limitée, le droit à la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Cette mesure pourrait ainsi toucher environ 15.000 anciens combattants
d'Afrique du Nord.
Au 1er janvier 1999, 390.000 anciens combattants d'Afrique du Nord n'auront pas
encore atteint l'âge de 60 ans (325.000 appelés, 60.000
engagés, non harkis). Parmi eux, 25 % sont chômeurs ou
préretraités
3(
*
)
. On
estime généralement que 15 % de la classe d'âge aura
cotisé pendant plus de 40 ans ou plus avant d'atteindre l'âge de
la retraite. Le nombre de bénéficiaires potentiels maximum serait
donc de 15.000 personnes.
Sur le plan financier ensuite, une très large partie de ces personnes
devrait bénéficier d'une amélioration de leur situation
financière.
Actuellement, les bénéficiaires potentiels de la mesure peuvent
toucher les revenus mensuels suivants :
- RMI : 2.429,92 francs pour une personne seule ;
- ASS : 3.252,90 francs ;
- AD : 4.614 francs ;
- AD majorée : 5.600 francs ;
- APR : 7.177 francs maximum.
Or, une enquête de la caisse nationale d'assurance vieillesse a
montré que, pour un homme né en 1940, la pension de retraite
moyenne était égale à 70 % du dernier
salaire
4(
*
)
.
Dès lors, pour une personne touchant en fin de carrière le
salaire médian, sa pension de retraite serait de 8.093 francs.
Il en résulte que la mise en oeuvre de la retraite anticipée se
traduirait, en moyenne, par une amélioration sensible de la situation
financière des bénéficiaires.
En revanche, le fonds de solidarité garde une justification : il
continuera de servir de " filet de sécurité " pour les
personnes ayant eu les revenus d'activité les plus faibles. Ainsi, un
homme ayant toujours touché le SMIC n'aurait une retraite
anticipée que de 4.464 francs mensuels, soit moins que le niveau de l'AD
majorée.