Obligation de scolarité et contrôle de l'obligation scolaire
CARLE (Jean-Claude)
RAPPORT 504 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES
Table des matières
- I. UN PHÉNOMÈNE DIFFICILE À ÉVALUER ET À DÉTECTER
- II. L'ÉVOLUTION DU CONTENU DE L'OBLIGATION SCOLAIRE
- III. LES AMÉNAGEMENTS PRÉCONISÉS PAR LES DEUX PROPOSITIONS DE LOI
-
IV. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
A. VERS UN CONTRÔLE RENFORCÉ DE L'OBLIGATION
SCOLAIRE
- 1. Le renforcement du contrôle de l'enfant instruit dans sa famille ou dans un établissement hors contrat
- 2. Les conséquences d'un contrôle négatif sur l'instruction reçue par un enfant instruit dans sa famille ou dans un établissement privé hors contrat
- 3. Le problème spécifique du contrôle des élèves scolarisés dans les établissements hors contrat
- B. LA RECHERCHE DE SANCTIONS DISSUASIVES MAIS RÉALISTES
-
A. VERS UN CONTRÔLE RENFORCÉ DE L'OBLIGATION
SCOLAIRE
- EXAMEN EN COMMISSION
- TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
N°
504
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Affaires culturelles (1)
sur :
- la proposition de loi de M. Serge MATHIEU relative à
l'
obligation de scolarité
,
- la proposition de loi de M. Nicolas ABOUT tendant à renforcer le
contrôle de l'
obligation scolaire
,
Par M.
Jean-Claude CARLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean-Paul Bataille, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Bernard Fournier, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Lylian Payet, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.
Voir
les numéros
:
Sénat
:
391
(1996-1997) et
260
(1997-1998).
Enseignement. |
Mesdames, Messieurs,
Les deux propositions de loi renvoyées à l'examen de votre
commission, celle de M. Serge Mathieu relative à l'obligation de
scolarité, déposée le 24 juillet 1997, et celle de M.
Nicolas About, tendant à renforcer le contrôle de l'obligation
scolaire, déposée le 29 janvier 1998, sont inspirées du
même souci : renforcer le contrôle de l'obligation scolaire
notamment lorsque l'instruction est assurée au sein de la famille ou
hors des établissements d'enseignement publics ou privés sous
contrat d'association, et plus particulièrement pour protéger les
mineurs des sectes en leur assurant une véritable instruction.
L'actualité récente montre en effet que ces mineurs sont
menacés dans leur santé physique et mentale et sont soumis
à une propagande parfois intensive tendant à les
désocialiser.
Ces enfants sont fréquemment victimes de violences, de brimades, de
privation de soins médicaux.
Enfin, la nature et la qualité des enseignements qui peuvent leur
être dispensés dans les sectes peuvent être de nature
à handicaper de manière irrémédiable leur insertion
sociale et leur avenir professionnel.
A titre liminaire, il convient de noter que la ministre
déléguée à l'enseignement scolaire partage le souci
des auteurs des deux propositions de loi et de votre commission de lutter
contre toutes les formes de marginalisation des familles, qu'elles soient
sectaires ou non, qui privent dangereusement leurs enfants de l'instruction
obligatoire et d'un apprentissage nécessaire de la socialisation.
Après avoir tenté de mesurer l'importance du
phénomène sectaire au regard des enfants qui y sont
scolarisés, le présent rapport rappellera le dispositif
législatif qui régit aujourd'hui l'obligation scolaire, recensera
les problèmes soulevés par les deux propositions de loi et
proposera enfin des dispositions que la commission voudrait efficaces,
réalistes et compatibles avec les principes fondateurs de l'enseignement
scolaire, et notamment celui de la liberté de l'enseignement.
*
* *
Afin de
compléter son information, le rapporteur de votre commission a
procédé à l'audition de représentants de
l'enseignement privé sous contrat, d'associations familiales ainsi que
de spécialistes du problème sectaire.
Il a ainsi reçu :
- le Père Daniel Boichot, secrétaire général
adjoint de l'Enseignement catholique ;
- M. Duhem, vice-président du bureau national de l'UNAPEL ;
- Mme France Picard, coordonnateur du département
éducation-formation à l'UNAF ;
- Mme Janine Tavernier, présidente de l'Union nationale des
associations de défense des familles et de l'individu ;
- M. Daniel Groscolas, inspecteur général de
l'éducation nationale, responsable au ministère de
l'éducation nationale de la cellule chargée des relations avec
l'observatoire interministériel sur les sectes, assisté de
M. Maurice Blanc, inspecteur général de l'administration de
l'éducation nationale.
Il a également entendu Mme Martine Denis-Linton, directeur des affaires
juridiques au ministère de l'éducation nationale, et Mme
Catherine Champrenault, magistrat, chargée de mission.
I. UN PHÉNOMÈNE DIFFICILE À ÉVALUER ET À DÉTECTER
En
l'absence de statistiques fiables, il est difficile d'évaluer le nombre
d'enfants échappant à l'école de la
République : si les effectifs d'élèves
scolarisés dans les établissements d'enseignement publics ou
privés sous contrat sont parfaitement connus, le nombre d'enfants
scolarisés dans les établissements hors contrat ou
bénéficiant d'une instruction au sein de leur famille ne peut
résulter que d'estimations et d'extrapolations.
A fortiori, il est encore plus difficile d'évaluer le nombre d'enfants
non ou mal scolarisés parce que leurs parents appartiennent à des
sectes, soit qu'ils reçoivent une instruction au sein de la famille,
soit qu'ils relèvent d'établissements privés hors contrat
qui peuvent aussi abriter diverses sortes de manipulations des
esprits.
A. LES ESTIMATIONS DU MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
1. Les estimations tirées du taux de scolarisation des enfants soumis à l'obligation scolaire
Comme le
souligne justement M. Serge Mathieu dans l'exposé des motifs de sa
proposition de loi, le ministère de l'éducation nationale ne
connaît pas le nombre d'enfants qui gravitent hors de l'école.
En effet, la direction de l'évaluation et de la prospective (DEP) du
ministère évalue à 99,7 % de la tranche d'âge
de six à quinze ans la proportion des jeunes scolarisés : on
pourrait donc estimer avec prudence qu'environ 20.000 enfants et adolescents
" passent à côté de l'école de la
République ", ce qui illustre notamment la permanence du
phénomène de l'instruction dans la famille.
Autrefois considérée comme un choix pédagogique
réfléchi, ou comme une aimable lubie dans les années 70,
cette modalité de la scolarité obligatoire prend aujourd'hui un
tour inquiétant avec le développement des sectes.
Il reste que l'instruction dans la famille reste une composante incontournable
de l'obligation scolaire puisqu'elle concerne notamment les enfants malades et
handicapés, ainsi que ceux dont les parents sont itinérants ou
expatriés.
Enfin, il est vraisemblable que le développement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication devrait contribuer
à renforcer l'importance de l'instruction dans la famille.
2. Les estimations récentes communiquées à votre rapporteur
Se
fondant sur une enquête récente menée auprès des
recteurs, et fondée principalement sur les déclarations des
familles, le ministère de l'éducation nationale a pu fournir
à votre rapporteur des estimations plus précises sur les
effectifs d'enfants âgés de 6 à 16 ans non
scolarisés dans l'enseignement public ou privé sous contrat.
Au terme de cette enquête, complétée par les indications
des services de gendarmerie et des renseignements généraux, mais
qui ne prend pas en compte la situation de Paris, les enfants qui
échapperaient à ces établissements seraient
ventilés ainsi qu'il suit :
• 1.263 enfants seraient instruits au sein de familles
dépourvues de tout lien avec les sectes ;
• 1.034 élèves recevraient une instruction au sein
d'une famille sectaire ;
• environ 3.600 enfants seraient scolarisés dans des
écoles ou établissements soupçonnés d'entretenir
des liens avec une secte.
Ces chiffres concernent à 80 % des enfants qui seraient
scolarisables dans l'enseignement primaire. Il convient d'ajouter que de
nombreux enfants dont les parents appartiennent à des sectes sont
scolarisés dans des établissements relevant de l'éducation
nationale : c'est le cas en particulier de 30 à 40.000 enfants de
familles appartenant aux Témoins de Jéhovah et qui
reçoivent en fait une double éducation.
Une autre indication est fournie par les chiffres du CNED : sur les
quelque 12.000 élèves scolarisés " à
distance ", près de 950 le sont parce qu'ils ont été
exclus d'établissements ou pour des " raisons religieuses ",
celles-ci recouvrant en réalité des comportements sectaires.
Enfin, d'après les informations fournies au rapporteur de votre
commission, les
établissements hors contrat relevant de
l'enseignement catholique
sont très peu nombreux et regrouperaient
moins de 2 % de ses élèves ; ces derniers sont
d'ailleurs plutôt scolarisés dans des classes " hors
contrats " abritées dans un établissement sous
contrat : on peut évaluer le nombre de ces classes à une
centaine, éparpillées dans les quelque
10.000 établissements qui relèvent de l'enseignement
catholique.
Il subsiste, certes, une vingtaine d'établissements hors contrat, et
notamment quelques petits séminaires et juvénats accueillant des
élèves de la classe de quatrième jusqu'à la
terminale, ou quelques communautés se réclamant de l'enseignement
catholique qui peuvent présenter parfois certains caractères
sectaires, mais ces communautés ne relèvent pas des directions
diocésaines.
Si l'enseignement catholique est constitué pour l'essentiel
d'établissements sous contrat, celui-ci est cependant concerné
par le phénomène sectaire qui s'y développe de
manière insidieuse, comme dans les établissements publics
d'enseignement.
Au total, les représentants de l'enseignement catholique et des parents
d'élèves de l'enseignement privé entendus par votre
rapporteur ont manifesté leur accord pour renforcer le contrôle de
l'Etat sur les rares établissements privés hors contrat, afin de
s'assurer que ceux-ci ne dérogent pas au principe de l'instruction
obligatoire, sous réserve qu'il ne soit pas porté atteinte au
principe de la liberté de l'enseignement pour les familles et à
l'équilibre résultant de la loi du 31 décembre 1959
sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement
privés.
B. L'ÉDUCATION NATIONALE ET LE PHÉNOMÈNE SECTAIRE
1. Une sensibilisation des personnels
Afin de
remédier à l'impréparation et au désarroi de ses
personnels face au phénomène sectaire, l'éducation
nationale a créé en mai 1996, cinq mois après la
publication du rapport de la commission parlementaire sur les sectes, qui
dénonçait notamment les carences du système
éducatif, une cellule chargée des relations avec l'observatoire
interministériel sur les sectes. Celle-ci est dirigée par M.
Daniel Groscolas, inspecteur général de l'éducation
nationale.
Afin d'harmoniser l'attitude des corps d'inspection, qui oscille selon les
académies entre un manque de vigilance, faute d'informations, et un
repérage attentif et un traitement approprié des situations,
l'éducation nationale a d'abord engagé depuis la rentrée
scolaire de 1996 une formation de ses inspecteurs (IEN) qui n'a
bénéficié pour l'instant qu'à 10 % du corps,
soit 500 personnes, et une formation des chefs d'établissement
volontaires à partir de la rentrée 1997.
L'action de l'éducation nationale devrait, en ce domaine, porter sur
trois priorités :
- la prévention du phénomène sectaire dans les
établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat, la
difficulté étant de prouver le prosélytisme des
enseignants concernés, de préserver la notion de
laïcité, et aussi d'expliquer aux parents d'élèves
que la liberté de conscience, par exemple, autorise des professeurs
à appartenir à des sectes comme les Témoins de
Jéhovah ;
- la vigilance à l'égard des établissements privés
hors contrat qui peuvent recouvrir des sectes ;
- la surveillance de certaines associations, proposant hors du temps scolaire,
une aide aux devoirs ou une " éducation à la
citoyenneté ".
Dans cette perspective, une mobilisation des corps d'inspection, des
responsables de l'éducation nationale et aussi des magistrats,
apparaît indispensable : celle-ci passe notamment par des
aménagements législatifs qui permettraient de renforcer un
dispositif de contrôle et un régime de sanctions aujourd'hui
inefficaces et inappliqués.
La formation de spécialistes " ès sectes " ne
paraissant pas opportune, il conviendrait plutôt de sensibiliser à
ce problème l'ensemble des personnels d'éducation dès leur
formation initiale.
Cet objectif passe à plus court terme par une formation
spécifique des conseillers principaux d'éducation, des
documentalistes affectés aux centres de documentation et d'information
(CDI) qui devraient pouvoir repérer les brochures d'origine sectaire,
des personnels médicaux et surtout des infirmières.
L'enseignement catholique, via ses directions diocésaines a par ailleurs
exprimé son souhait d'être associé à cet effort de
formation et de sensibilisation.
2. Les exemples d'actions engagées
L'affaire dramatique de la communauté de l'ordre
apostolique
" Tabitha's place " a notamment révélé en avril
1997 les difficultés du contrôle de l'obligation scolaire pour les
jeunes éduqués au sein des familles ou des communautés.
Dans le même sens, l'éducation nationale a dénoncé
la dégradation grave du niveau scolaire des enfants vivant dans une
secte dite " Horus ", installée dans le département de
la Drôme.
Elle a également déposé une plainte, pour publicité
mensongère, en octobre 1996 contre un établissement parisien,
baptisé " L'Ecole de l'Eveil ", proposant un apprentissage de
l'anglais dès l'âge de trois ans et qui se réclamait du
fondateur de l'église de scientologie.
De grandes incertitudes subsistent ainsi sur la finalité et la nature
des enseignements dispensés aux enfants hébergés dans
certaines sectes.
Fondée sur le principe de la liberté d'enseignement et sur celui
de l'instruction obligatoire, l'école républicaine se doit de
réagir face au développement d'enseignements dogmatiques qui ont
pour conséquence d'hypothéquer l'insertion sociale et
professionnelle, et donc l'avenir, de plusieurs milliers d'enfants.
II. L'ÉVOLUTION DU CONTENU DE L'OBLIGATION SCOLAIRE
En
dépit des évolutions observées au cours des
dernières décennies, l'enseignement scolaire, et notamment
l'école primaire, reste fondé sur les principes établis
par les lois dites " Ferry ". Ces principes ont été
confirmés par la Constitution et le législateur, qu'il s'agisse
de l'obligation scolaire, de la liberté, de la gratuité et de la
laïcité de l'enseignement.
Posé par la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire et par
l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la
scolarité obligatoire, le principe de l'obligation scolaire a pour
corollaire la liberté de l'enseignement : il appartient ainsi aux
parents, et plus largement aux personnes responsables de l'enfant soumis
à l'obligation scolaire de six à seize ans révolus, de
choisir si l'instruction sera dispensée dans un établissement
d'enseignement public ou privé ou dans la famille
elle-même.
A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE DE L'OBLIGATION SCOLAIRE
Après une naissance difficile, l'obligation scolaire n'a jamais été remise en cause et a été confortée tout au long des trois Républiques.
1. Une naissance difficile
Héritier des législateurs de la
Révolution,
Jules Ferry considérait que l'enseignement primaire gratuit, laïque
et obligatoire devait permettre " d'assurer l'avenir de la
démocratie et (de) garantir la paix sociale ".
Fruit d'un compromis entre la tradition et la République, la
liberté de l'enseignement, dont le principe a été
proclamé par un décret du 29 frimaire an II (19 décembre
1793), a aujourd'hui un caractère constitutionnel et organise en fait la
coexistence d'un secteur public et d'un secteur privé. Ce principe a
été maintenu par les grandes lois scolaires du début de la
IIIe République qui constituent un ensemble cohérent :
si l'obligation scolaire implique la gratuité, elle se conçoit
mal sans la laïcisation des programmes et du personnel enseignant et la
liberté de l'enseignement.
L'adoption du principe de l'instruction obligatoire a cependant suscité
de vives oppositions de certains tenants de la tradition qui voyaient là
une atteinte à la liberté de conscience et d'enseignement, comme
en témoignent certains extraits des débats du Sénat, qu'il
peut être instructif de rapporter.
Au cours de la séance publique du 3 juin 1881, le sénateur de la
Dordogne, Marie-François-Oscar Bardy de Fourtou déclarait ainsi :
" ... le principe de l'instruction obligatoire est moins en cause,
malgré le titre du projet de loi, que la liberté d'enseignement
et la liberté de conscience elle-même...
" ... il ne s'agit pas (...) de revêtir d'une sanction légale
ce grand devoir des pères de famille : élever leurs enfants selon
leurs facultés et leur état ; il ne s'agit pas seulement
d'assurer par des mesures législatives le développement de
l'instruction populaire dans notre pays...
" L'obligation scolaire apparaît comme le procédé mis
en oeuvre pour répandre un enseignement particulier, spécial,
déterminé, comme l'instrument de coercition tenu en
réserve pour imposer à l'enfant un enseignement d'Etat
placé par un monopole de fait à la fois déguisé et
violent, au-dessus de toutes les concurrences et de toutes les
rivalités...
" ... la loi proposée n'entoure pas l'obligation des garanties que
la liberté de conscience réclame et sans lesquelles personne ne
peut tenir cette obligation pour légitime...
" Le premier (péril), c'est que, de fait, elle érige en
monopole l'enseignement de l'Etat...
" Vous confisquez subrepticement ces libertés au nom de cette
conception sauvage dont votre Danton a donné la formule et qui arrache
l'enfant au père pour le donner à la
République... "
En sens contraire, le baron Gui Lafond de Saint-Mür, sénateur de la
Corrèze, estimait :
" Contraindre les enfants des pauvres
à se rendre à nos écoles, c'est affamer les parents en les
privant du mince salaire qu'ils gagnent ?
" La nation comme l'individu est (...) intéressée à
ce que chacun de ses enfants apporte dans la vie la plénitude de ses
facultés...
" Au droit de l'enfant, au droit de la société, au droit du
suffrage universel, on viendrait opposer un prétendu droit du
père de famille ; on violerait sa liberté ? Quelle liberté
? Celle de laisser son enfant sans lumière et, par suite, frappé
d'infériorité, voué peut-être à la
misère, à l'immoralité ? "
En revanche, le vicomte Hippolyte-Louis de Lorgeril, sénateur
inamovible, affirmait :
" Avec le projet du gouvernement, dès la sixième
année, quand les soins maternels lui sont encore indispensables, quand
son coeur s'ouvre le mieux aux bons conseils et aux bons exemples donnés
par la tendre autorité des parents, vous enlevez l'enfant à ses
gardiens les plus affectueux et les plus dévoués, et vous le
livrez aux mains souvent indifférentes d'un maître d'école,
aux conseils de ces vauriens qui l'entraînent partout et qui lui
apprennent tout ce qu'il devrait ignorer...
(Le projet) " ne servira, s'il est adopté, qu'à donner le
goût de la fainéantise aux enfants éloignés pendant
sept ans des travaux agricoles, tandis que, sous les yeux de leurs parents, ils
seraient devenus des hommes laborieux, actifs et utiles à la
société. Là au moins ils eussent appris l'agriculture et
la religion, les deux sciences les plus nécessaires à la
campagne, les plus fructueuses aussi, car ce sont les meilleures initiatrices
aux connaissances utiles que l'enfant trouverait un peu plus tard à
l'école... "
Ce court florilège, qui porte la marque d'une France encore très
largement rurale et agricole, traduit ainsi l'opposition manifestée
à l'époque à l'égard de l'instruction obligatoire.
Il convient cependant de ne pas surestimer les conséquences de la mise
en oeuvre de l'obligation scolaire sur les effectifs scolarisés : de
1880 à 1900, les effectifs globaux des écoles primaires et
maternelles, publiques et privées, sont passés d'environ 5,3
à 6,3 millions d'élèves, mais à partir du
début du siècle les effets de l'extension scolaire seront
compensés par une baisse importante de la natalité et il faudra
attendre les années 50 pour retrouver les effectifs constatés en
1900 dans le premier degré.
2. L'allongement progressif de la durée de l'obligation scolaire
La
loi du 28 mars 1882
sur l'enseignement primaire instaure l'obligation
scolaire pour tous les enfants âgés de six à treize ans,
à l'exception des élèves obtenant à onze ans le
certificat d'études primaires et qui sont dispensés du temps de
scolarité restant à courir.
L'obligation scolaire a ensuite été prolongée
jusqu'à l'âge de quatorze ans par la
loi du 9 août
1936
.
Son article 16 stipule que l'instruction primaire est obligatoire pour les
enfants des deux sexes, français et étrangers, âgés
de 6 à 14 ans révolus.
Il convient par ailleurs de rappeler que le
plan Langevin Wallon
présenté en juin 1947 avançait certaines propositions
propres à réaliser une éducation intégrale et
permanente et suggérait notamment de fixer à 18 ans le terme de
la scolarité obligatoire.
Ce plan s'inscrivait dans la perspective du Préambule de la Constitution
de 1946 qui traduit le souci de réaliser une véritable
éducation nationale et qui précise que " la Nation garantit
l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction,
à la formation professionnelle et à la culture ".
Si ces propositions n'ont pas été retenues, elles ont cependant
inspiré pour partie les projets d'éducation jusqu'en 1959.
Enfin,
l'ordonnance du 6 janvier 1959
a porté à 16 ans le
terme de la scolarité obligatoire.
Dans son article 1er, elle stipule que " l'instruction est obligatoire
jusqu'à l'âge de 16 ans révolus pour les enfants des deux
sexes, français et étrangers, qui atteindront l'âge de six
ans à compter du 1er janvier 1959.
Cette disposition qui devrait être prochainement codifiée dans
l'article L.131-1 du code de l'éducation actuellement soumis à
l'examen du Parlement serait rédigée ainsi qu'il suit :
" l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes
français et étrangers, entre six et seize ans ".
B. L'ÉVOLUTION DES MODALITÉS ET DU CONTRÔLE DE L'OBLIGATION SCOLAIRE
1. Les modalités de l'obligation scolaire
La loi
du 28 mars 1882 stipule, dans son article 4, modifié par la loi du 9
août 1936, que l'instruction primaire obligatoire "
peut
être donnée soit dans les établissements d'instruction
primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit
dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute
personne qu'il aura choisie
".
L'ordonnance du 6 janvier 1959 reprend ces dispositions en les
aménageant quelque peu puisque son article 3 précise que
l'instruction obligatoire "
peut être donnée soit dans les
établissements ou écoles publiques ou libres, soit dans les
familles par les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur
choix
".
Le père de famille disparaît en tant que tel au profit de l'un ou
l'autre des parents.
2. Le contrôle de l'obligation scolaire
•
La déclaration en mairie des enfants soumis à
l'obligation scolaire
L'article 7 de la loi de 1882 stipule que lorsque l'enfant atteint l'âge
de six ans, les parents, le tuteur ou ceux qui en ont la charge doivent, quinze
jours au moins avant la rentrée des classes, soit le faire inscrire dans
une école publique ou privée, soit déclarer au maire et
à l'inspecteur d'académie que l'enfant sera instruit dans sa
famille.
Son article 8 prévoit que le maire dresse chaque année à
la rentrée scolaire, à partir de cette déclaration, la
liste de tous les enfants résidant dans sa commune et soumis à
l'obligation scolaire : les modalités d'établissement de cette
liste sont fixées par l'article 3 du décret n° 66-104
du 18 février 1966 portant contrôle de la fréquentation et
de l'assiduité scolaires.
L'article 9 de la loi de 1882 ajoute que l'inspecteur d'académie invite
les personnes responsables de l'enfant à se conformer à la loi et
leur fait connaître les sanctions pénales encourues.
Conformément à l'article 16 du décret du 18 février
1966 susvisé, tous les manquements relatifs à l'instruction
obligatoire constituent aujourd'hui des contraventions de la 2e classe et
peuvent être punis de 1.000 francs d'amende.
En outre, si les parents se dérobaient à leur obligation de
déclaration en mairie, ils ne recevraient pas de l'inspecteur
d'académie le certificat indispensable pour faire valoir leurs droits
aux prestations familiales.
Dans la pratique, l'omission délibérée de
déclaration n'est pas sanctionnée : les amendes et les huit
jours d'emprisonnement prévus en cas de récidive restent lettre
morte.
Dans certaines sectes, on a pu constater qu'un quart seulement des enfants
étaient déclarés, leurs parents préférant
renoncer d'eux-mêmes aux prestations familiales plutôt que
d'être soumis au contrôle de l'inspection académique.
•
Le contrôle de l'instruction donnée dans les
familles
Ce contrôle est organisé par l'article 16 de la loi du 28 mars
1882, modifié par la loi du 11 août 1936, qui prévoit que
les enfants instruits dans leur famille font l'objet d'une enquête
sommaire diligentée par le maire à l'âge de 8, 10 et 12 ans.
Les résultats de cette enquête sont transmis à l'inspecteur
d'académie qui est en droit de faire examiner les connaissances des
enfants sur les notions élémentaires de lecture,
d'écriture et de calcul et proposer les mesures nécessaires en
présence d'illettrés.
S'agissant du contenu de ce contrôle, il convient de rappeler que les
dispositions initiales de la loi de 1882 prévoyaient un examen portant
sur les programmes scolaires mais que celles-ci ont été
remplacées par un examen portant sur les acquisitions de ces notions
élémentaires. L'objet de ces contrôles demeure incertain
à défaut d'une définition des savoir fondamentaux qui
constitueraient l'instruction obligatoire des enfants de six à seize ans.
Par ailleurs, compte tenu de la périodicité posée par la
loi, le premier contrôle, qui intervient à huit ans, est trop
tardif et ne permet pas d'appréhender les retards scolaires pris en
début de scolarité tandis que le dernier apparaît trop
précoce puisque quatre années de scolarité obligatoire se
déroulent ensuite jusqu'au terme de l'obligation scolaire.
Les remarques formulées précédemment sur les sanctions
prévues uniformément pour tous les manquements à
l'instruction obligatoire peuvent être reprises pour le défaut
d'instruction des familles qui présente une gravité toute
particulière : il conviendrait en ce domaine que les sanctions
actuelles, peu dissuasives et peu appliquées, soient sensiblement
relevées pour répondre à l'objectif poursuivi.
•
L'absence de contrôle de l'instruction donnée
dans les établissements privés hors contrat
Il faut enfin remarquer que les dispositions en vigueur ne prévoient
aucun contrôle des connaissances élémentaires des enfants
scolarisés dans des établissements d'enseignement privé
hors contrat : l'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre
1959, dite " loi Debré " limite en effet le contrôle de
ces établissements aux titres exigés des directeurs et des
maîtres, à l'obligation scolaire, entendue au sens de
l'assiduité, au respect de l'ordre public et des bonnes moeurs, à
la prévention sanitaire et sociale.
Ainsi, le droit en vigueur qui apparaît lacunaire, inadapté et
quasiment inappliqué ne permet pas à l'éducation nationale
de contrôler la réalité de l'instruction donnée aux
enfants instruits dans leur famille et a fortiori dans les écoles qui
peuvent être créées par les organisations sectaires.
Rappelons à cet égard que selon une jurisprudence qui reste
d'actualité, la Cour de Cassation, depuis l'arrêt Coulonnier du 26
novembre 1903, a une conception très extensive de la constitution d'une
école : sous réserve des déclarations prévues par
la loi, la réunion habituelle de trois enfants appartenant à deux
familles permet en effet d'ouvrir une école privée.
III. LES AMÉNAGEMENTS PRÉCONISÉS PAR LES DEUX PROPOSITIONS DE LOI
A. LA PROPOSITION DE LOI N° 391 (1996-1997) RELATIVE À L'OBLIGATION DE SCOLARITÉ
Constatant que l'instruction dans la famille, qui pouvait
être
considérée dans le passé comme un choix pédagogique
réfléchi, prend aujourd'hui, avec le développement du
phénomène sectaire, une dimension inquiétante,
M. Serge Mathieu estime que la seule manière de mettre fin à
cette dérive consiste à affirmer le principe que l'obligation
d'instruction entraîne obligation de scolarité.
Afin de protéger de manière plus satisfaisante les mineurs vivant
dans des sectes, il propose donc de supprimer la possibilité d'instruire
les enfants au sein de la famille, modifie en conséquence l'article 3 de
l'ordonnance du 6 janvier 1959 et complète l'article 1er de la loi du
11 juillet 1975 relative à l'éducation.
Comme il a été vu, les estimations les plus récentes font
état de quelque 2.000 enfants scolarisés au sein de leur famille,
la moitié de celles-ci n'entretenant aucun lien avec les sectes.
Supprimer cette possibilité conduirait à poser le problème
de l'instruction d'enfants malades, handicapés, ou vivant dans des
familles encore isolées ou itinérantes.
Cette suppression apparaît en outre difficilement compatible avec le
principe de la liberté de l'enseignement, tel qu'il a été
proclamé par le décret du 29 frimaire an II
(19 décembre 1793) qui a aujourd'hui caractère
constitutionnel.
L'obligation scolaire dont le principe est posé par la loi du
28 mars 1882, et par l'ordonnance du 6 janvier 1959, a en effet pour
corollaire la liberté de l'enseignement et il appartient aux personnes
responsables de l'enfant soumis à cette obligation de six à seize
ans révolus de choisir si son instruction sera donnée dans un
établissement public ou privé ou dans la famille elle-même.
La suppression de la possibilité d'instruire les enfants au sein de leur
famille, afin de les protéger de l'influence des sectes, risquerait
ainsi d'être jugée contraire au principe de la liberté de
l'enseignement.
B. LA PROPOSITION DE LOI N° 260 (1997-1998) TENDANT À RENFORCER LE CONTRÔLE DE L'OBLIGATION SCOLAIRE
1. L'instauration d'un contrôle plus efficace du niveau scolaire des enfants
Afin de
protéger de manière plus efficace les enfants scolarisés
au sein des sectes, M. Nicolas About propose d'abord de renforcer le
contrôle du niveau scolaire de tous les enfants soumis à
l'instruction obligatoire, que celle-ci soit dispensée dans leur famille
ou dans un établissement d'enseignement privé hors contrat.
Afin d'améliorer ce contrôle, celui-ci emprunterait une
périodicité plus régulière et prendrait la forme
d'un véritable examen annuel portant sur le niveau réel des
connaissances des enfants au lieu de se limiter à l'enquête
sommaire ordonnée par les maires à l'âge de 8 ans, de 10
ans et de douze ans, dans les conditions prévues par l'article 16 de la
loi de 1882, modifié par la loi de 1936, pour les seuls enfants recevant
une instruction dans leur famille.
Cet examen annuel devrait permettre de vérifier que l'enseignement
dispensé à l'enfant dans sa famille est conforme aux programmes
de l'éducation nationale et que ces enfants n'accusent aucun retard
scolaire qui s'opposerait à leur réintégration
ultérieure dans le système scolaire.
Cet examen annuel permettrait également d'assurer le suivi
pédagogique des enfants qui ne bénéficient pas d'une
scolarité régulière du fait notamment que leurs parents
exercent une activité itinérante.
Afin d'éviter tout risque de pression, de nature familiale ou
communautaire dans le cas des sectes, le proposition de loi précise que
cet examen devrait se dérouler au sein d'un établissement
d'enseignement public.
Considérant que certains établissements d'enseignement
privés hors contrat où s'expriment d'autres formes
d'intégrisme religieux peuvent aussi relever de sectes, elle propose de
soumettre leurs élèves au même examen annuel que les
enfants recevant une instruction dans leur famille.
En effet, comme il a été vu, les dispositions en vigueur assurant
la liberté de l'enseignement privé ne permettent pas à
l'Etat d'exercer un droit de regard sur l'enseignement dispensé dans ces
établissements hors contrat. En outre, l'article 35 de la loi de
1886, dite " Goblet ", indique que les directeurs de ces
écoles élémentaires privées sont entièrement
libres dans le choix des méthodes, des programmes et des livres. Les
articles 37 et 38 de cette même loi limitent par ailleurs le
contrôle des autorités étatiques sur l'ouverture de ces
écoles privées : le maire et l'inspecteur d'académie
ne peuvent s'y opposer que s'ils jugent que les locaux désignés
par le postulant ne sont pas convenables pour des raisons tirées de
l'intérêt des bonnes moeurs ou de l'hygiène.
Ainsi, le dispositif de la proposition de loi permettrait de vérifier
que les connaissances fondamentales requises par les programmes de
l'éducation nationale ont été acquises par les
élèves, que ceux-ci soient scolarisés dans des
écoles privées hors contrat ou suivent une instruction dans leur
famille.
Si, au vu des résultats de cet examen, le niveau scolaire de l'enfant
était jugé insuffisant, ses parents seraient mis en demeure de
l'envoyer dans un établissement d'enseignement public ou privé
sous contrat dans les huit jours suivant la notification de ces
résultats et d'indiquer l'établissement choisi au maire qui en
informerait l'inspecteur d'académie.
En cas de refus des parents, l'inscription de l'élève dans un tel
établissement aurait lieu d'office.
2. La mise en oeuvre de véritables sanctions pénales en cas de non-déclaration délibérée des enfants non scolarisés
Les
articles 2 et 3 de la proposition de loi de M. About tendent à
insérer dans le chapitre VII du titre premier du livre deuxième
du code pénal une nouvelle section consacrée aux manquements
à l'obligation scolaire.
Ces articles ont pour objet de renforcer le dispositif pénal
prévu par le décret n° 66-104 du 18 février
1966, aujourd'hui inappliqué, pour les parents qui omettraient
délibérément de déclarer en mairie un enfant non
scolarisé ou qui le soustrairaient à l'obligation scolaire.
Par analogie avec le fait de porter atteinte, par simulation ou dissimulation
de maternité, à l'état civil d'un enfant, qui est puni
dans l'article 227-13 du code pénal de trois ans d'emprisonnement
et de 300.000 francs d'amende, l'auteur de la proposition considère
que la non-déclaration d'un enfant non scolarisé se situe au
même niveau de gravité ; priver l'administration de
l'éducation nationale des moyens de contrôler le niveau scolaire
de ces enfants enrôlés dans des sectes conduirait à mettre
en danger leur éducation et leur avenir.
Les sanctions prévues actuellement par le décret du
18 février 1966 consistent en une suspension du versement des
prestations familiales et des sanctions pénales pouvant aller
jusqu'à 1.000 francs d'amende et à une peine
d'emprisonnement de huit jours en cas de récidive ; elles ne peuvent
actuellement être appliquées qu'après signalement des
infractions aux autorités locales de l'éducation nationale.
Dans la pratique, en effet, l'inspecteur d'académie ne dispose d'aucun
moyen de connaître les enfants qui manqueraient à l'obligation
scolaire et pour lesquels aucune déclaration d'instruction dans la
famille n'aurait été effectuée.
S'il apparaît nécessaire de renforcer des sanctions insuffisamment
dissuasives et aujourd'hui inappliquées, le dispositif pénal
proposé paraît cependant excessivement sévère et
difficile à mettre en oeuvre.
3. La répression du démarchage à domicile des mineurs et la réglementation de la distribution de tracts
Afin de
prévenir l'utilisation par les sectes des enfants à des fins de
prosélytisme, les articles 4, 5, 6 et 7 de la proposition de loi
n° 260, se fondant sur l'interdiction du travail des mineurs de
16 ans, se proposent d'interdire à ceux-ci le démarchage
à des fins commerciales ou religieuses, le porte à porte et la
distribution de tracts de propagande sur la voie publique.
Cette interdiction fait l'objet de l'insertion d'une nouvelle section 3
dans le chapitre premier du titre premier du livre deuxième de la
première partie du code du travail.
Un dispositif d'autorisation préalable, délivrée par le
préfet, sur avis conforme d'une commission constituée au sein du
conseil départemental de protection de l'enfance, est cependant
prévu pour tenir compte des loteries et des kermesses organisées
dans les établissements scolaires.
Par analogie avec le fait d'engager ou de produire des enfants de moins de 16
ans dans une entreprise de spectacle, ou des représentations de cirque,
il est proposé en cas d'infraction d'exposer leurs parents à une
amende de 25. 000 francs, et en cas de récidive, à quatre
mois d'emprisonnement et à 50.000 francs d'amende.
S'il convient effectivement de prendre en compte la situation des enfants des
sectes, et de combattre toute action de prosélytisme à laquelle
ils sont souvent contraints, les sanctions prévues par ces articles
apparaissent là encore relativement lourdes et difficiles à
mettre en oeuvre. Elles auraient pour conséquence de soumettre à
autorisation préalable tous les types de démarchage sur la voie
publique effectués par des mineurs de 16 ans, et notamment au titre
de mouvements de jeunesse ou sportifs qui sont, dans l'immense majorité
des cas, dépourvus de tout lien avec les sectes.
IV. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
En
préalable, votre commission ne peut que partager le souci exprimé
par les auteurs des deux propositions de loi qui souhaitent remédier
à la marginalisation scolaire des enfants relevant du
phénomène sectaire.
Plus largement, elle estime que toutes les formes de marginalisation des
familles tendant à réduire la portée de l'obligation
scolaire et de l'instruction obligatoire doivent être combattues.
Elle se doit cependant de rappeler le contexte juridique qui s'impose à
tout aménagement du droit en vigueur en ce domaine.
A. VERS UN CONTRÔLE RENFORCÉ DE L'OBLIGATION SCOLAIRE
1. Le renforcement du contrôle de l'enfant instruit dans sa famille ou dans un établissement hors contrat
a) Les contraintes imposées par le nécessaire respect du principe de la liberté de l'enseignement
S'il
apparaît souhaitable de rendre plus fréquent et d'approfondir le
contrôle effectué sur l'instruction de l'enfant au sein de la
famille, ou dans un établissement d'enseignement hors contrat
jusqu'à la fin de l'obligation scolaire, il convient cependant d'adapter
les modalités et les conséquences de ce contrôle au
principe de la liberté de l'enseignement qui a une valeur
constitutionnelle.
Même si le Conseil constitutionnel n'a pas eu l'occasion de se prononcer
sur la portée de ce principe, s'agissant du choix des méthodes et
du contenu des enseignements, il semble que le principe de la liberté
d'enseignement implique que les familles et les établissements
privés hors contrat conservent la possibilité de ne pas suivre
les programmes et gardent le choix de leurs méthodes d'enseignement.
Comme il a été indiqué précédemment,
l'article 35 de la loi dite Goblet du 30 octobre 1886 sur
l'organisation de l'enseignement primaire laisse en effet les directeurs
d'écoles privées entièrement libres dans le choix des
méthodes pédagogiques, des programmes et des ouvrages scolaires.
La proposition de M. About consistant à soumettre les enfants à
un examen annuel portant sur les programmes scolaires de leur classe
d'âge dans les locaux d'un établissement public d'enseignement
s'inspire en fait des dispositions initiales de l'article 16 de la loi du
28 mars 1882 ; celles-ci ont été abrogées par la
loi du 11 août 1936 qui a remplacé la référence
aux programmes scolaires par la référence à des notions
élémentaires de lecture, d'écriture et de calcul.
Ce dispositif pourrait être censuré par le juge constitutionnel,
aussi bien parce qu'il porte atteinte au principe de la liberté de
l'enseignement mais aussi en raison de la rupture d'égalité qu'il
instituerait au profit des élèves scolarisés dans les
écoles et établissements publics ou privés sous contrat
qui ne sont pas soumis à de tels examens annuels.
b) Les propositions de la commission
Afin de
renforcer le contrôle du contenu de l'instruction obligatoire, votre
commission proposera de faire référence à l'article 2
de l'ordonnance du 6 janvier 1959 qui prend en compte
" l'éducation et les connaissances de base, les
éléments de la culture générale et selon les choix,
de la formation professionnelle et technique ".
En outre, afin de tenir compte des préoccupations des auteurs des deux
propositions de loi, elle suggérera d'étendre la portée du
contrôle en se référant à l'article 1er de la loi
d'orientation du 10 juillet 1989 sur l'éducation qui définit
le contenu du droit à l'éducation, c'est-à-dire le droit
à l'épanouissement de l'enfant, à la socialisation et
à la citoyenneté.
L'examen annuel proposé permettra ainsi par une évaluation
régulière de contrôler la progression de l'enfant en visant
des objectifs d'acquisition de compétences comparables à celles
des enfants scolarisés dans les établissements d'enseignement
public ou privé sous contrat et de s'assurer que celui-ci n'est pas
soumis à des pressions de type sectaire qui hypothéqueraient le
développement de sa personnalité.
Votre commission vous proposera par ailleurs de renvoyer à un
décret le contenu précis des connaissances de base et des
éléments de culture générale susceptibles
d'être évalués : le contrôle exercé par
l'éducation nationale peut en effet entraîner pour les parents des
sanctions pénales délictuelles pendant toute la période de
l'instruction obligatoire et il importe de fournir au juge les
éléments d'appréciation nécessaires.
Il conviendrait enfin que ce contrôle soit systématique pour les
enfants instruits dans leur famille mais que l'opportunité d'un
contrôle soit appréciée par l'inspecteur d'académie
pour les classes hors contrat afin de tenir compte des disparités
existantes : on voit mal, en effet, la nécessité de
contrôler chaque année les connaissances des élèves
de l'Ecole des Roches par exemple, dont les résultats scolaires sont
très honorables et qui ne peut être soupçonnée de
dispenser un enseignement sectaire.
L'inspecteur d'académie devrait donc décider de
l'opportunité de contrôler d'une manière globale
l'enseignement dispensé dans chaque classe hors contrat afin de
s'assurer que celui-ci respecte les normes minimales de connaissances requises
par l'instruction obligatoire.
2. Les conséquences d'un contrôle négatif sur l'instruction reçue par un enfant instruit dans sa famille ou dans un établissement privé hors contrat
Le
principe de la liberté d'enseignement pourrait également
être mis en cause par le fait d'imposer aux familles, en cas de
contrôle négatif des connaissances de leur enfant, de scolariser
celui-ci dans un établissement public ou privé sous contrat.
Dans cette hypothèse, la mise en demeure de l'inspecteur
d'académie, proposée par M. About, de scolariser l'enfant
préalablement instruit dans sa famille ou dans un établissement
hors contrat, doit respecter la liberté de choix de
l'établissement par les parents, c'est-à-dire que la famille ne
peut pas seulement être tenue d'inscrire son enfant dans un
établissement public ou privé sous contrat.
Afin de tenir compte du principe de la liberté d'enseignement, il
conviendrait que les parents d'un enfant recevant une instruction dans sa
famille soient d'abord, en cas de contrôle négatif, invités
à remédier à la situation, puis ultérieurement, si
les résultats sont encore insuffisants, mis en demeure d'inscrire leur
enfant dans un établissement d'enseignement public ou privé, en
l'indiquant au maire qui en informera l'inspecteur d'académie.
3. Le problème spécifique du contrôle des élèves scolarisés dans les établissements hors contrat
a) Un contrôle qui ne viserait que l'élève
Le
contrôle de l'instruction obligatoire des élèves
scolarisés dans les établissements hors contrat, tel que le
préconise M. About, conduit en fait à modifier implicitement
l'article 2 de la loi " dite Debré " du
31 décembre 1959 qui limite, on l'a vu, le contrôle de l'Etat
aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à
l'assiduité des élèves, au respect de l'ordre public et
des bonnes moeurs, à la prévention sanitaire et sociale.
Un contrôle qui ne viserait que l'élève serait en fait peu
satisfaisant et peu efficace puisqu'un contrôle négatif sur ses
connaissances entraînerait des conséquences pour sa seule famille
et non pour l'établissement qui pourrait ultérieurement
poursuivre, sans en modifier le contenu, ses activités d'enseignement.
La proposition de loi se limite sur ce point à une évaluation des
connaissances des élèves instruits dans un établissement
privé hors contrat.
Il faut par ailleurs souligner que le directeur d'un tel établissement
pourrait invoquer à bon droit l'article 2 de la loi de 1959 pour
s'opposer à un contrôle à l'intérieur de son
établissement : il ne saurait en effet lui être imposé
de recevoir les personnes mandatées par l'inspection d'académie
pour diligenter le contrôle qui ne pourrait, dans ces conditions, avoir
lieu que dans la famille.
Il convient cependant de signaler que l'article 9 de la loi de 1886 sur
l'organisation de l'enseignement primaire stipule que l'inspection des
écoles privées
" ne peut porter sur l'enseignement que
pour vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la
Constitution et aux lois ".
Cette disposition générale pourrait donc justifier un
contrôle minimum sur l'enseignement dispensé dans les
écoles privées, notamment au titre de l'instruction
obligatoire.
b) Les propositions de la commission : la nécessité d'évaluer l'enseignement dispensé dans l'établissement.
Dans un
souci d'efficacité, et sans porter atteinte à l'équilibre
général de la loi du 31 décembre 1959, notamment
quant à la prise en charge de certaines classes des
établissements privés par l'Etat, votre commission estime
préférable d'évaluer l'enseignement dispensé dans
les classes hors contrat, au lieu de faire supporter les conséquences
d'un contrôle négatif par le seul élève et sa
famille.
En conséquence, elle vous proposera de compléter l'article 2
de la loi du 31 décembre 1959 en précisant d'abord que
l'instruction obligatoire entre dans le champ du contrôle exercé
par l'Etat sur les établissements d'enseignement privés hors
contrat : cette modification permettrait de vérifier, non pas
l'application des programmes officiels par l'établissement mais le
respect de normes minimales de connaissances prescrites par l'Etat.
Ce contrôle s'inscrit par ailleurs dans le cadre des principes
définis par la convention internationale des droits de l'enfant du
20 novembre 1989 qui prévoit dans son article 29-2, que le respect
des normes minimales prescrites par l'Etat est une condition de la
liberté d'enseignement pour les établissements privés.
Elle vous proposera ensuite d'autoriser un contrôle éventuel des
classes hors contrat, dont l'opportunité serait laissée à
l'appréciation de l'inspecteur d'académie, afin de s'assurer que
l'enseignement qui y est dispensé correspond à ces normes
minimales.
Si le contrôle faisait apparaître que l'enseignement
dispensé ne respecte pas les normes minimales de connaissances
correspondant à l'objet de l'instruction préalable, le directeur
de l'établissement serait mis en demeure d'y remédier.
Si cela n'était pas le cas, et après une nouvelle mise en demeure
restée infructureuse, les autorités académiques
aviseraient le Procureur de la République de ces faits
délictueux, sauf fermeture de l'établissement.
B. LA RECHERCHE DE SANCTIONS DISSUASIVES MAIS RÉALISTES
Comme il
a été vu, toutes les infractions à l'instruction
obligatoire sont aujourd'hui uniformément punies de peines
contraventionnelles de la 2e classe et leurs auteurs ne peuvent encourir
au maximum que 1.000 F d'amende, conformément à
l'article 16 du décret du 18 février 1966.
Parce qu'elles sont peu dissuasives et non appliquées, votre commission
estime que ces sanctions devraient être relevées dans des
proportions réalistes pour répondre à l'objectif poursuivi
par les auteurs des propositions de loi.
1. La nécessité de rechercher des sanctions réalistes et graduées
Reprenant le principe de l'uniformité des peines pour
toutes
les atteintes susceptibles d'être portées à l'instruction
obligatoire, qu'il s'agisse du défaut de déclaration
d'instruction dans la famille au maire, du refus délibéré
d'inscrire un enfant dans un établissement et de l'absentéisme
scolaire, la proposition de loi de M. About tend à insérer dans
le code pénal une nouvelle section consacrée aux manquements
à l'obligation scolaire.
Estimant que le défaut de déclaration pour la scolarité de
l'enfant est aussi grave que l'atteinte portée, par simulation ou
dissimulation de maternité, à l'état civil d'un enfant, M.
About propose de retenir les peines prévues à l'article 227-13 du
nouveau code pénal : les parents coupables d'infractions à
l'instruction obligatoire encourraient ainsi trois ans d'emprisonnement et
300.000 F d'amende.
Votre commission considère que ces pénalités sont sans
doute excessives dans leur quantum, sans véritable lien direct avec les
atteintes à la filiation auxquelles elles font référence
et devraient être graduées en fonction de la gravité
particulière de chacune des infractions.
Elle proposera en conséquence de rattacher le refus
délibéré d'inscrire un enfant dans un établissement
à l'article 227-17 du code pénal sous la section V relative
à la mise en péril des mineurs, et de prévoir un
délit distinct et moins sévèrement réprimé
que les manquements graves à la santé, la sécurité,
la moralité, l'éducation, qui sont punis de deux ans
d'emprisonnement et de 200.000 F d'amende.
Elle souhaiterait, en revanche, conserver en aggravant les
pénalités, la qualification contraventionnelle des autres
manquements à l'instruction obligatoire.
En effet,
le défaut de déclaration d'instruction dans la
famille en mairie
n'est pas nécessairement le signe d'une carence
éducative mais peut résulter d'une simple négligence des
parents à l'égard de formalités administratives : une
qualification contraventionnelle de la 5e classe assortie d'une amende pouvant
aller jusqu'à 10.000 F apparaît suffisamment dissuasive et
plus réaliste qu'une qualification délictuelle.
Dans le même sens,
l'absentéisme scolaire
n'est pas
toujours la conséquence d'une volonté parentale
délibérée mais peut fréquemment résulter de
l'opposition d'adolescents difficiles, déjà indépendants
et réfractaires à l'institution scolaire, cette opposition
pouvant parfois difficilement être surmontée, notamment par les
familles monoparentales : il serait donc excessif de correctionnaliser
cette infraction et sans doute plus opportun de lui conserver son
caractère de contravention de la 2e classe.
Il conviendrait cependant de rétablir une peine aggravée en cas
de récidive : cette infraction pourrait alors être
sanctionnée des peines contraventionnelles de la 5e classe,
c'est-à-dire comporter une amende pouvant aller jusqu'à
10.000 F.
Il convient enfin de noter que ce dispositif contraventionnel n'est pas
exclusif et qu'une explication préalable avec les familles devra
être recherchée.
En revanche, compte tenu des enjeux de l'obligation scolaire, une incrimination
correctionnelle se justifie pour le
manquement à l'obligation
scolaire
qui résulterait du refus intentionnel de la famille
d'inscrire son enfant dans un établissement, en dépit d'une mise
en demeure de l'inspecteur d'académie.
Votre commission vous proposera de créer un délit
spécifique pour réprimer les manquements intentionnels à
cette obligation en prévoyant des peines délictuelles pouvant
aller jusqu'à six mois d'emprisonnement et 50.000 F d'amende.
2. Les sanctions prévues pour les directeurs d'établissements scolaires hors contrat
Dans un
souci d'efficacité, il apparaît nécessaire d'élargir
le champ du contrôle de l'Etat sur les établissements
privés hors contrat pour s'assurer que l'instruction obligatoire
dispensée à leurs élèves correspond à des
normes minimales.
Il en résulte logiquement que des sanctions doivent être
prévues pour les directeurs d'établissement comportant des
classes hors contrat, qui n'auraient pas pris les dispositions
nécessaires pour que l'enseignement qui y est dispensé soit
conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, et qui n'auraient pas
procédé à la fermeture de ces classes.
Votre commission vous proposera de punir ces comportements délictueux de
six mois d'emprisonnement et de 50.000 F d'amende.
Ce dispositif dissuasif permettrait ainsi de faciliter la fermeture des
établissements à visées sectaires qui détournent
l'instruction obligatoire de son objet.
3. La difficulté de réglementer le démarchage à domicile des enfants des sectes et la distribution de documents de propagande sur la voie publique.
Les
sanctions prévues par la proposition de loi de M. About concernant
l'emploi d'enfants mineurs pour le démarchage à domicile,
à des fins notamment idéologiques et la distribution de documents
de propagande sur la voie publique, si elles répondent au souci de
prévenir le prosélytisme des organisations sectaires, et d'en
protéger les enfants, apparaissent difficiles à mettre en oeuvre.
En outre, il paraît peu réaliste de soumettre à
autorisation préalable toute distribution de documents sur la voie
publique effectuée par des mineurs de 16 ans, et notamment au titre
de mouvements de jeunesse ou sportifs qui n'ont aucun lien avec les sectes.
*
* *
En
fonction de ces orientations, le texte adopté par la commission comporte
5 articles :
•
L'article premier
tend à modifier l'article 16 de
la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire afin de renforcer le
contrôle de l'enfant instruit dans sa famille ou dans un
établissement hors contrat.
Il tend d'abord à étendre l'enquête sommaire à
caractère social effectuée par la mairie auprès des
enfants instruits dans leur famille, cette enquête devant être
engagée le plus tôt possible et prolongée jusqu'au terme de
la scolarité obligatoire.
Il instaure un contrôle annuel systématique des connaissances de
tous les enfants instruits dans leur famille.
En cas de contrôle négatif, les parents devront scolariser leur
enfant dans un établissement d'enseignement public ou privé.
•
L'article 2
a pour objet d'autoriser
l'évaluation de l'enseignement dispensé dans les classes hors
contrat des établissements privés.
Il complète en conséquence l'article 2 de la loi
n° 59-1557 du 31 décembre 1959 en ajoutant d'abord
l'instruction obligatoire dans le champ du contrôle exercé par
l'Etat sur les établissements privés hors contrat.
Il instaure un contrôle éventuel de l'enseignement dispensé
dans les classes hors contrat et autorise les autorités
académiques à saisir le Procureur de la République des
atteintes répétées à l'instruction obligatoire.
Il complète en conséquence les article 9 et 35 de la loi Goblet
du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire en
précisant notamment que la liberté des directeurs d'écoles
privées hors contrat quant au choix des méthodes et des
programmes, est limitée par le nécessaire respect de l'objet de
l'instruction obligatoire.
•
L'article 3
concerne les atteintes les plus graves
portées au principe de l'instruction obligatoire :
- le manquement délibéré à l'obligation scolaire,
en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur d'académie
constituerait un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 50.000 F
d'amende ;
- le directeur d'un établissement privé comportant des classes
hors contrat qui refuserait, après mise en demeure, de prendre les
mesures nécessaires pour que l'enseignement qui y est dispensé
soit conforme à l'objet de l'instruction obligatoire serait puni de six
mois d'emprisonnement et de 50.000 F d'amende, sauf fermeture de ces
classes ou de l'établissement.
•
L'article 4
prévoit que le défaut de
déclaration d'instruction dans la famille ou dans un
établissement privé hors contrat en mairie, constituerait une
contravention de la 5e classe.
Il précise ensuite que l'absentéisme scolaire
répété constituerait une contravention de la
2e classe, et de la 5e classe en cas de récidive.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande
d'adopter les propositions de loi dans le texte résultant de ses
conclusions, et qui figure ci-après.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission a examiné le rapport de
M. Jean-Claude Carle
sur les
propositions de loi n° 391 (1996-1997) de M. Serge Mathieu relative
à
l'obligation de scolarité
et n° 260
(1997-1998) de M. Nicolas About tendant à renforcer le
contrôle de
l'obligation scolaire
au cours d'une réunion
tenue le 17 juin 1998 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Pierre Laffitte
a estimé que la formule de l'instruction des
enfants au sein de la famille ou dans des familles regroupées
était appelée à se développer du fait de
l'utilisation de plus en plus grande du télé-enseignement, de la
montée de la violence dans les établissements et des contraintes
imposées par la carte scolaire.
Il a ainsi souligné la nécessité de renforcer le
contrôle sur cette modalité de l'instruction obligatoire mais
s'est interrogé sur les possibilités d'appel et de recours qui
seraient offertes aux familles et aux directeurs d'établissements
d'enseignement hors contrat susceptibles d'être sanctionnés pour
des manquements à l'obligation scolaire.
M. James Bordas
s'est demandé s'il n'aurait pas été
opportun de proposer un texte nouveau destiné à simplifier et
à clarifier les dispositions en vigueur sur l'instruction obligatoire,
plutôt que de procéder au " toilettage " de lois qui ont
été adoptées il y a plus d'un siècle.
Il a par ailleurs fait observer, en s'appuyant sur son expérience de
maire, qu'il n'avait jamais été conduit à dresser la liste
des enfants résidant dans sa commune et soumis à l'obligation
scolaire.
M. André Maman
a rappelé que les familles
expatriées étaient souvent dans l'obligation de recourir à
l'enseignement à distance, et qu'il existait des inspecteurs
d'académie à l'étranger.
Il a estimé que les conditions d'ouverture d'une école
privée requises par la jurisprudence de la Cour de Cassation,
c'est-à-dire la réunion habituelle de trois enfants appartenant
à deux familles, étaient sans doute trop laxistes et ne
permettaient pas un contrôle satisfaisant de l'instruction obligatoire.
Il a par ailleurs exprimé la crainte que le contrôle, s'il est
effectué au sein de la famille, ne permette pas à l'inspecteur
d'académie d'appréhender le caractère sectaire de
l'instruction dispensée.
Il a enfin souligné la difficulté de contrôler d'une
manière efficace les établissements d'enseignement privé
hors contrat qui disposent des moyens de dissimuler leurs activités de
nature sectaire.
M. Franck Sérusclat
a observé que le texte proposé
par le rapporteur permettait d'améliorer les dispositifs prévus
par les deux propositions de loi.
Il a également constaté que ces propositions ne faisaient
qu'actualiser des lois adoptées à la fin du siècle dernier
et qu'elles ne tenaient pas compte du développement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication ainsi que de la
nécessité de scolariser l'enfant à partir de l'âge
de deux ans.
Il s'est par ailleurs interrogé sur les conséquences de
l'attitude d'une famille qui refuserait de recevoir l'inspecteur de
l'éducation nationale chargé de contrôler le niveau des
connaissances de son enfant.
Il a enfin exprimé son accord avec la volonté du rapporteur de
lutter contre le développement des sectes en privilégiant le
droit à l'instruction des enfants.
M. Adrien Gouteyron, président
, s'est enquis de la position du
gouvernement à l'égard de ces propositions et des moyens
donnés à la cellule chargée des sectes au ministère
de l'éducation nationale.
Il a par ailleurs estimé que le recours aux nouvelles technologies en
matière d'enseignement contribuerait sans doute à
développer l'instruction des enfants soumis à l'obligation
scolaire au sein des familles et que cette perspective appelait
nécessairement un contrôle renforcé.
Répondant à ces interventions,
M. Jean-Claude Carle,
rapporteur
, a notamment apporté les précisions suivantes :
- les sanctions prévues en cas de manquements à l'obligation
scolaire ne seraient prononcées qu'à l'issue de deux
contrôles effectués par les inspecteurs de l'éducation
nationale et qui feraient apparaître des résultats très
insuffisants ;
- l'évolution prévisible de l'enseignement à distance
et du télé-enseignement devrait contribuer à
développer l'instruction au sein des familles et justifie un
contrôle renforcé sur les enfants concernés ;
- la proposition de loi n'appréhende pas la situation des enfants
scolarisés dans des établissements d'enseignement à
l'étranger ;
- il serait opportun que les contrôles prévus soient
effectués par deux inspecteurs différents mais une
procédure de recours ou d'appel risquerait d'être utilisée
par les familles, ou les directeurs d'établissements coupables de
manquements à l'instruction obligatoire, comme un moyen dilatoire ;
- la cellule chargée des sectes au ministère de
l'éducation nationale est actuellement animée par deux
inspecteurs généraux qui interviennent au plan local, au cas par
cas, et qui se plaignent notamment de ne pas disposer des moyens juridiques
leur permettant de faire fermer les écoles présentant des
caractères sectaires évidents et de poursuivre leurs responsables
;
- le ministère de l'éducation nationale partage le souci des
auteurs des deux propositions de loi de réduire les formes de
marginalisation des familles qui privent leurs enfants de l'instruction
obligatoire et d'un apprentissage de la vie en société.
La commission a ensuite procédé à l'examen du dispositif
proposé par le rapporteur.
A l'issue de cet examen, elle a adopté les conclusions
proposées par son rapporteur.
TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION
Proposition de loi
tendant à renforcer le
contrôle de l'obligation scolaire
Article premier
L'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement
primaire
est ainsi rédigé :
" Art. 16
. - Les enfants soumis à l'obligation scolaire qui
reçoivent l'instruction dans leur famille sont dès l'âge de
six ans, et tous les deux ans, l'objet d'une enquête sommaire de la
mairie compétente, uniquement aux fins d'établir quelles sont les
raisons alléguées par les personnes responsables, et s'il leur
est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur
état de santé et les conditions de vie de la famille. Le
résultat de cette enquête est communiqué à
l'inspecteur de l'éducation nationale.
" Tous les enfants recevant l'instruction dans leur famille font l'objet
d'un contrôle annuel portant sur les normes minimales de connaissances
requises par l'article 2 de l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier
1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire et sur les
conditions dans lesquelles ils ont accès au droit à
l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article premier de
la loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989 sur
l'éducation.
" Ce contrôle prescrit par l'inspecteur d'académie a lieu au
domicile des parents de l'enfant.
" Le contenu des connaissances requis des élèves est
fixé par décret.
" Les résultats de ce contrôle sont notifiés aux
personnes responsables avec l'indication du délai dans lequel elles
devront fournir leurs explications ou améliorer la situation et des
sanctions dont elles seraient l'objet dans le cas contraire.
" Si, au terme d'un nouveau délai fixé par l'inspecteur
d'académie, les résultats du contrôle sont jugés
insuffisants, les parents sont mis en demeure, dans les quinze jours suivant la
notification, d'inscrire leur enfant dans un établissement
d'enseignement public ou privé et de faire connaître au maire, qui
en informe l'inspecteur d'académie, l'école ou
l'établissement qu'ils auront choisi.
Art. 2
I. -
Dans l'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959
sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement
privés, après les mots : " à l'obligation
scolaire " sont insérés les mots : " à
l'instruction obligatoire ".
II. - L'article 2 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959
précitée est complété par cinq alinéas ainsi
rédigés :
" L'inspecteur d'académie peut prescrire chaque année un
contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement
qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances
requises par l'article 2 de l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier
1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire et que les
élèves de ces classes ont accès au droit à
l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article premier de
la loi d'orientation n° 89-486 du 10 juillet 1989 sur
l'éducation.
" Ce contrôle a lieu dans l'établissement d'enseignement
privé dont relèvent ces classes hors contrat.
" Les résultats de ce contrôle sont notifiés au
directeur de l'établissement avec l'indication du délai dans
lequel il sera mis en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer
la situation, et des sanctions dont il serait l'objet dans le cas contraire.
" En cas de refus de sa part d'améliorer la situation et notamment
de dispenser, malgré la mise en demeure de l'inspecteur
d'académie, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction
obligatoire, tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du
28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, l'autorité académique
avise le Procureur de la République des faits susceptibles de constituer
une infraction pénale.
" Dans cette hypothèse, les parents des élèves
concernés sont mis en demeure, d'inscrire leur enfant dans un autre
établissement. ".
III. A. - Dans la dernière phrase du onzième alinéa de
l'article 9 de la loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement
primaire, les mots : " et aux lois " sont remplacés par
les mots : " , aux lois et notamment à l'instruction
obligatoire ".
B. - Après le mot : " livres ", la fin de l'article 35 de la
loi du 30 octobre 1886 précitée est ainsi
rédigée :
" ..., sous réserve de respecter l'objet de l'instruction
obligatoire tel que celui-ci est défini par l'article 16 de la loi du 28
mars 1882 sur l'enseignement primaire. ".
Art. 3
Il est
inséré, après l'article 227-17 du code pénal, un
article 227-17-1 ainsi rédigé :
" Art. 227-17-1
. - Le fait par les personnes responsables de
l'enfant de ne pas l'inscrire dans un établissement d'enseignement, sans
excuses valables, en dépit d'une mise en demeure de l'inspecteur
d'académie, est puni de six mois d'emprisonnement et de
50 000 F d'amende.
" Le fait, par un directeur d'établissement privé
accueillant des classes hors contrat, de n'avoir pas pris, malgré la
mise en demeure de l'inspecteur d'académie, les dispositions
nécessaires pour que l'enseignement qui y est dispensé soit
conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est
défini par l'article 16 de la loi du 28 mars 1882 sur
l'enseignement primaire, et de n'avoir pas procédé à la
fermeture de ces classes, est puni de six mois d'emprisonnement et de
50 000 F d'amende. ".
Art. 4
Le fait,
par les personnes responsables de l'enfant au sens de l'article 5
modifié de la loi du 28 mars 1882 sur l'enseignement primaire, de ne pas
déclarer en mairie qu'il sera instruit dans sa famille ou dans un
établissement privé hors contrat, est puni d'une amende de
10 000 F.
Le fait, par les personnes responsables de l'enfant, de s'abstenir de faire
connaître les motifs d'absence de l'enfant ou de donner des motifs
d'absence inexacts, ou de laisser l'enfant manquer la classe sans motif
légitime ou excuse valable quatre demi-journées dans le mois, est
puni d'une amende de 1 000 F et de 10 000 F en cas de
récidive.