B. UN RÔLE QUI N'A PAS ENCORE REÇU TOUTE SA CONSÉCRATION LÉGISLATIVE
1. Un pouvoir de police étendu du maire...
a) Rappel du pouvoir de police du maire
Le maire
est investi d'une compétence générale de police
administrative au niveau communal. Il lui revient d'assurer l'ordre public
local. Il est également chargé d'attributions de police en tant
qu'agent de l'Etat. Enfin, il est officier de police judiciaire.
• (p. En tant qu'
autorité de police municipale
, le maire
est chargé, sous le contrôle administratif du représentant
de l'Etat, de la police municipale, de la police rurale et de
l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs
(
article L. 2212-1
du code général des
collectivités territoriales).)
Les buts de la police municipale, énoncés à l'
article
L. 2212-2
, sont le
bon ordre
, la
sûreté
, la
sécurité
et la
salubrité
publiques. Le
même article donne une liste détaillée mais non limitative
des matières dans lesquelles ce pouvoir de police municipale s'exerce.
Cette liste témoigne de la diversité et aussi de la
complexité des missions ainsi confiées au maire.
Citons parmi les principaux domaines la répression des rixes et
disputes, des bruits de voisinage (au titre des atteintes à la
tranquillité publique), la prévention et la réparation des
pollutions de toute nature, ou encore la sûreté et la
commodité de passage sur les voies publiques.
La maire dispose par ailleurs de pouvoir de police portant sur des
objets
particuliers
qu'il tient des articles
L. 2213-1
et
suivants du code général des collectivités territoriales,
sa compétence pouvant alors être plus strictement limitée.
Ainsi, pour la police de la circulation, le maire n'est compétent que
sur les voies communales et sur les seules sections des routes nationales et
routes départementales, situées à l'intérieur de
l'agglomération, sous réserve des pouvoirs dévolus au
préfet sur les routes à grande circulation
(
article L. 2213-1
).
Enfin, le maire dispose de pouvoirs de
police spéciale
, notamment
en ce qui concerne la police rurale, qui lui sont confiés par le code
rural.
•
(p. En tant qu'agent de l'Etat
, le maire se voit confier -cette
fois sous l'
autorité
du représentant de l'Etat- une
mission d'"
exécution des mesures de sûreté
générale
".)
• (p. Enfin, en vertu de l'article 16 du code de procédure
pénale, le maire a la qualité d'
officier de police
judiciaire
qu'il tient de droit sans habilitation préalable. A ce
titre, il est placé sous la surveillance du procureur de la
République.)
Cette qualité souligne le lien nécessaire entre les pouvoirs
généraux de police administrative du maire et les moyens dont il
doit disposer pour sanctionner les contrevenants.
b) Les limites du pouvoir de police du maire
Les
pouvoirs de police du maire ont néanmoins
certaines limites.
- (p. D'une part, le préfet dispose d'un
pouvoir de substitution
en vertu de
l'article L. 2215-1
du code général
des collectivités territoriales, qui l'autorise à prendre pour
toutes les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles et
dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les
autorités municipales les mesures nécessaires au maintien de la
salubrité, de la sûreté et de la tranquillité
publiques.)
Mais lorsqu'une seule commune est en cause, ce pouvoir ne peut être
exercé par le préfet qu'après une mise en demeure du maire
restée sans résultat.
Quand le maintien de l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes
limitrophes, le préfet peut par ailleurs se substituer par
arrêté motivé, aux maires des communes concernées
pour exercer les pouvoirs de police relatifs à la répression des
atteintes à la tranquillité publique et au maintien du bon ordre
dans des endroits où il se fait de grands rassemblements de personnes.
D'autre part, les
règlements pris par les autorités
supérieures
constituent une seconde limite aux pouvoirs du maire en
matière de police municipale. Le maire a alors la possibilité de
prendre des mesures plus sévères que celles fixées par le
règlement (en matière de police de la circulation par exemple).
En revanche, il ne peut prendre des arrêtés assouplissant ces
règlements. Les mesures plus restrictives doivent être
justifiées par des circonstances particulières de temps et de
lieu.
Les pouvoirs de police du maire s'exercent en outre dans le cadre légal
sous
le contrôle du juge administratif
. Ainsi les mesures de
police doivent-elles être strictement nécessaires pour assurer
l'ordre public mais pas au-delà. Les interdictions
générales et absolues sont prohibées. Les mesures en cause
doivent respecter le principe d'égalité, les discriminations
étant en conséquence illégales. Enfin, le maire ne doit
pas commettre de détournement de pouvoir en usant de ses
prérogatives dans un but autre que celui en vue duquel elles lui ont
été confiées.
- (p. Certains
régimes spéciaux
de police peuvent
également limiter les pouvoirs du maire.)
Dans les communes dotées d'une police d'Etat, le soin de réprimer
les atteintes à la tranquillité publique, sauf en ce qui concerne
les bruits de voisinage, incombe à l'Etat. Celui-ci a également
la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands
rassemblements d'hommes (
article L. 2214-4
du code
général des collectivités territoriales).
Enfin, à Paris, en vertu de l'arrêté des Consuls du
12 Messidor an VIII, la véritable compétence de police
appartient au préfet.
La loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 a néanmoins
rapproché les compétences du maire de Paris de celles des maires
des communes à police étatisée. Lui ont ainsi
été dévolues des compétences en matière de
salubrité sur la voie publique, de maintien de l'ordre sur les foires et
marchés, de gestion et de conservation du domaine (
articles
L. 2512-13
du code général des collectivités
territoriales).
Dans les communes des départements de la " petite couronne "
parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val de Marne), le préfet,
en plus des compétences qui lui sont conférées dans les
communes à police étatisée, a la charge de la police de la
voie publique sur les routes à grande circulation, y compris en ce qui
concerne la liberté et la sûreté.
2. ... auquel correspond un régime juridique ambigu des polices municipales
En
dépit de ces limites objectives, le pouvoir de police du maire reste, en
règle générale, étendu. Il a même eu tendance
à se diversifier en devant intégrer plus que par le passé
les préoccupations de nos concitoyens en matière de protection de
l'environnement ou de lutte contre le bruit.
Pour mettre en oeuvre ces prérogatives, le maire peut utiliser, dans les
communes à police étatisée, les personnels de l'Etat sur
lesquels ils ne peut cependant exercer aucun pouvoir hiérarchique. Dans
les zones rurales, les communes peuvent avoir un ou plusieurs gardes
champêtres
(article L. 2213-17
du code
général des collectivités territoriales), lesquels -outre
la police de campagne- sont chargés de rechercher les contraventions aux
règlements et arrêtés de police municipale. Ils sont
dotés du pouvoir de dresser des procès verbaux pour constater ces
contraventions.
Le maire est par ailleurs habilité à recruter des
policiers
municipaux.
Néanmoins, les
compétences
de ces derniers
de même que leur
statut
restent encore incomplètement
définis.
a) Des compétences légales en-deçà du rôle réel des polices municipales
La
reconnaissance des missions des agents de police municipale a
résulté de la loi du 13 juillet 1987 relative à la
fonction publique territoriale. Tout en réaffirmant la compétence
générale de la gendarmerie et de la police nationale, cette loi a
précisé que le maire pouvait faire appel aux agents de police
municipale agréés par le procureur de la République, pour
la surveillance du bon ordre, de la sûreté, et la
sécurité et de la salubrité publique.
La loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative
à la sécurité a ultérieurement mieux
précisé les missions confiées aux agents de police
municipale.
Dans sa rédaction actuelle,
l'article L. 2212-5
du code
général des collectivités territoriales prévoit
ainsi que ces derniers sont "
chargés d'assurer
l'exécution des arrêtés de police du maire
". Ils
doivent exécuter, dans la limite de leurs attributions et sous son
autorité les tâches relevant de la compétence du maire que
celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance
du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la
salubrité publiques. Leur compétence est également
précisée : elle s'étend au seul territoire communal.
Enfin, l'article 21 du code de procédure pénale leur
reconnaît la qualité d'agent de police judiciaire adjoint.
En dépit des améliorations apportées en 1995, la
définition des missions des policiers municipaux reste
insuffisante
.
En premier lieu, les agents de police municipale ne sont pas dotés des
attributions leur permettant de veiller effectivement à
l'exécution des arrêtés de police du maire.
Dans l'exercice de cette compétence, lorsqu'ils constatent une
infraction à l'un de ces arrêtés, ils ne peuvent
qu'établir des rapports destinés, selon les termes de l'article
D. 15 du code de procédure pénale, à leur chefs
hiérarchiques, en l'occurrence le maire et ses adjoints, officiers de
police judiciaire.
En dehors de certaines polices spéciales pour lesquelles ils
reçoivent une telle habilitation (dans certains cas qui concernent la
police de la circulation et du stationnement, la police de la salubrité,
la police de la publicité et la police de la nature), ils ne peuvent
constater les infractions aux arrêtés de police du maire
par
procès-verbal
.
En matière de police de la route, les compétences des agents de
police municipale concernent essentiellement la police du stationnement.
L'article R. 250-1 du code de la route leur permet de dresser
procès-verbal des contraventions aux règles de stationnement
autres que le stationnement dangereux et l'usage des voies de circulation
spécialisées. Ils peuvent également constater par
procès verbal la non-apposition du certificat d'assurance sur le
véhicule.
Pour ce qui est de la circulation, leur pouvoir de verbalisation se limite aux
seules infractions aux " arrêtés et décrets de
police " sanctionnés par des contraventions de
1ère classe (article R. 610-5 du code pénal). Il
concerne également les entraves à la libre circulation sur la
voie publique (article R. 644-2 du code pénal) et les
atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité
d'un animal, se rapportant à la circulation.
Cependant, ces limitations des attributions des agents de police municipale
paraissent difficilement compréhensibles, s'agissant d'une police de
proximité pour laquelle leur rôle devrait au contraire être
très largement reconnu.
b) Un statut législatif des policiers municipaux encore très incomplet
Imprécis ou incomplet sur les compétences des
polices
municipales, le cadre législatif en vigueur est encore plus elliptique
en ce qui concerne l'organisation et les moyens matériels des corps de
policiers municipaux.
Il aura fallu attendre dix ans après la parution de la loi
n° 84-53 du 26 janvier 1984 relative à la fonction
publique territoriale pour que soit établi par le décret
n° 94-732 du 24 août 1994 le cadre d'emplois des policiers
municipaux (modifié par le décret n° 97-392 du
22 avril 1997). Les agents de police municipale constituent un cadre
d'emploi de catégorie C. Leur
recrutement
s'effectue selon les
règles prévues par les articles 12 à 17 de la loi du
26 janvier 1984. Les concours sont organisés au niveau
départemental par les centres de gestion de la fonction publique
territoriale pour les communes qui y sont affiliées. Cette affiliation
est facultative pour les communes de plus de 350 fonctionnaires, qui
peuvent organiser elles-mêmes leurs concours.
En matière de
formation
, les policiers municipaux ne sont
actuellement soumis obligatoirement qu'à la seule formation initiale
d'application prévue dans le cadre du régime de la fonction
publique territoriale qui dure six mois. Ils peuvent, il est vrai,
bénéficier en cours de carrière des formations continues
prévues pour les fonctionnaires territoriaux, en application de la loi
du 12 juillet 1984. Une formation mieux adaptée à la
spécificité de leurs missions serait cependant nécessaire.
En outre, est posé le problème de la formation des policiers
municipaux recrutés avant la mise en place du cadre statutaire.
En matière d'
équipement,
aucune disposition n'a
prévu de doter les policiers municipaux d'une carte professionnelle ni
précisé les règles applicables aux tenues dont la
portée symbolique est pourtant essentielle.
Pour ce qui est de la
tenue
, le seul texte applicable est
l'article 433-15 du code pénal qui réprime le port de tout
costume présentant une ressemblance de nature à causer une
méprise dans l'esprit du public avec les uniformes de la police
nationale ou des militaires ainsi que l'usage d'un insigne présentant
les mêmes caractéristiques. Les maires peuvent néanmoins
s'inspirer de la tenue des policiers nationaux pour celle de leurs policiers
municipaux.
Quant à la
carte professionnelle
, son modèle
résulte de circulaires ministérielles.
L'armement
est régi par le décret n° 95-589 du
6 mai 1995 qui autorise les fonctionnaires et agents des administrations
publiques chargées d'un service de police ou de répression,
après simple visa du préfet, à porter dans l'exercice de
leurs fonctions des armes individuelles de première catégorie
(armes de guerre) quatrième catégorie (armes à feu
d'autodéfense et leurs munitions) et de sixième catégorie
(armes blanches). Cet armement est néanmoins subordonné à
la décision du maire qui le plus souvent opère un tel choix
lorsque ses agents assument des missions les exposant à certains risques
(îlotages, rondes nocturnes notamment). Seulement 37 % des policiers
municipaux sont armés. Une meilleure liaison entre la nature des
missions qui leur sont conférées et la nécessité
d'un armement devrait être assurée.
Enfin, la
complémentarité
entre les polices municipales et
les services de la police ou de la gendarmerie nationale ne fait pas l'objet de
dispositions spécifiques.
Pour objectives que soient ces lacunes, il convient cependant de ne pas en
exagérer la portée dans la pratique. Dans l'ensemble, les polices
municipales ont plutôt bien fonctionné sous l'autorité des
maires. Au regard de la pratique, la question de l'armement ne justifie pas une
approche qui serait, par principe, restrictive.
Quant à la recherche nécessaire de la
complémentarité entre les différents services
chargés de missions de sécurité, votre rapporteur a pu
constater qu'elle s'était le plus souvent organisée de
manière pragmatique, à l'initiative des maires et des
préfets,
sous une forme conventionnelle
respectant le rôle
des différents intervenants.