Mines antipersonnel

GOULET (Daniel)

RAPPORT 451 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES

Table des matières






INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté le 24 avril dernier à l'unanimité la proposition de loi tendant à l'élimination des mines antipersonnel.

Par ailleurs, le gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat le 6 mai dernier le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction signée à Ottawa le 3 décembre 1997.

Cette convention, qui entend édicter une norme d'interdiction totale à l'encontre d'armes qui ont causé, au sein des populations civiles, des dégâts considérables, sans aucune mesure avec les justifications avancées pour un usage strictement militaire, nécessite la mise en oeuvre de mesures d'application nationales, dans chaque Etat partie.

Ainsi le Sénat est-il appelé à examiner dans le prolongement de la convention d'Ottawa elle-même, le texte législatif destiné à en assurer la pleine application dans le droit français.

Ce texte d'origine parlementaire, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi, a été adopté par l'Assemblée nationale avant que le Parlement ne soit saisi de la convention d'Ottawa. Pour sa part, votre commission des Affaires étrangères et de la Défense a examiné conjointement le texte principal -la convention d'Ottawa-, et celui qui découle directement, c'est-à-dire le texte législatif interne.

Elle a joint à cet examen deux propositions de loi déposées au Sénat, l'une par M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste (n° 365, 1994-1995) et l'autre par Mme Marie-Claude Beaudeau et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen (n° 403, 1997-1998).

EXPOSÉ GÉNÉRAL

1. La nécessité d'un texte législatif interne pour l'application de la convention d'Ottawa

La convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction signée par la France à Ottawa le 3 décembre 1997, stipule, dans son article 9 relatif aux mesures d'application nationales, que "chaque Etat partie prend toutes les mesures législatives, réglementaires et autres, qui sont appropriées, y compris l'imposition de sanctions pénales, pour prévenir et réprimer toute activité interdite à un Etat partie en vertu de la présente convention, qui serait menée par des personnes, ou sur un territoire, sous sa juridiction ou son contrôle".

En vertu de cette disposition, il était donc nécessaire que la France prenne les mesures législatives indispensables à l'application pleine et entière de la convention d'Ottawa, qu'il s'agisse des dispositions pénales devant sanctionner les infractions aux interdictions posées par celle-ci ou des dispositions relatives à la procédure de vérification qu'elle instaure.

L'ampleur du problème des mines antipersonnel, arme aveugle et dévastatrice pour les populations civiles, avait par ailleurs depuis longtemps mobilisé de nombreux parlementaires, comme en témoignent les questions orales ou écrites posées au gouvernement mais également les diverses propositions de loi, émanant de plusieurs groupes politiques, et déposées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

Aussi peut-on se féliciter de voir une initiative parlementaire permettre que soit débattu au Parlement le texte d'application de la convention d'Ottawa, d'autant que cette procédure a favorisé un examen plus rapide que celle qui aurait été suspendue au dépôt du projet de loi ayant le même objet qu'avait préparé le Gouvernement.

2. La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale et les propositions de loi déposées au Sénat

La proposition de loi dont le Sénat est saisi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 24 avril dernier.

La proposition de loi d'origine, présentée par M. Robert Gaïa et les membres du groupe socialiste, comportait 9 articles. Elle a servi de base à la discussion et a été largement amendée, principalement par la commission de la Défense et par le gouvernement, en vue de répondre aussi complètement que possible aux exigences de l'application dans notre droit interne des dispositions de la convention d'Ottawa.

Telle qu'elle est transmise au Sénat, la proposition de loi compte désormais 17 articles. Elle comporte principalement trois catégories de mesures d'application de la convention :

- elle prévoit des sanctions pénales à l'encontre des activités interdites par la convention et encadre strictement les conditions d'exercice des opérations qui demeurent autorisées,

- elle précise le déroulement des missions d'établissement des faits prévues par la convention,

- elle crée une commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, instance chargée de veiller à l'application de la loi et à l'exécution par la France de ses obligations au regard de la convention.

Sur le fond, les deux propositions de loi déposées au Sénat par M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste et par Mme Marie-Claude Beaudeau et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen visent le même objectif d'interdiction totale, sans cependant prévoir un dispositif aussi complet que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, celle-ci comportant un grand nombre de mesures de mise en oeuvre de la convention d'Ottawa.

Ces deux propositions de loi déposées au Sénat se distinguent cependant du texte de l'Assemblée nationale, en ce qu'elles retiennent une définition des mines antipersonnel plus large que celle de la convention d'Ottawa, qui conduirait à englober dans le champ de l'interdiction certaines mines antivéhicules.

Par ailleurs, la proposition de loi de Mme Marie-Claude Beaudeau et des membres du groupe communiste, républicain et citoyen se caractérise par des sanctions pénales plus élevées puisqu'elle prévoit des peines criminelles alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale retient des sanctions se situant au maximum de l'échelle des peines correctionnelles.

3. Les propositions de votre commission

Votre rapporteur ne reprendra pas ici les développements qu'il a consacrés à l'occasion de l'examen de la convention d'Ottawa (voir rapport Sénat n° 454, 1997-1998) à la question des mines antipersonnel, à l'évolution des instruments internationaux et au dispositif de la convention elle-même. Au demeurant, la proposition de loi se borne à permettre l'application du texte de référence, qui demeure la convention d'Ottawa. Il ne retracera pas davantage, dans la mesure où le sujet est également traité dans son rapport précité, l'évolution du droit français, qui comporte déjà l'interdiction de la fabrication et de l'exportation des mines antipersonnel, dont la consécration législative avait été prévue par le projet de loi déposé au Sénat le 21 avril 1997 par le gouvernement de M. Alain Juppé.

A titre d'observation générale, il relèvera simplement que les raisons qui ont motivé le soutien de votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées à la convention d'Ottawa -et en premier lieu l'espoir de voir bientôt reculer le fléau des mines antipersonnel- justifient a fortiori son approbation de cette proposition de loi, complément nécessaire de l'adhésion de la France à ce nouvel instrument international porteur d'espérance.

C'est pourquoi votre commission ne proposera sur ce texte que des amendements tendant à en préciser ou améliorer la rédaction, sans en affecter le fond, en veillant à retranscrire aussi fidèlement que possible la lettre et l'esprit du dispositif de la convention d'Ottawa.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l'article premier -
Définitions

Votre commission vous propose de placer en tête de la proposition de loi, ce que lui paraît plus logique, les dispositions relatives aux définitions actuellement situées à l'article 3.

Pour les raisons exposées lors de l'examen de l'article 3, elle préfère par ailleurs renvoyer expressément à la convention d'Ottawa plutôt que de développer ces définitions dans la loi française.

Article Premier -
Interdiction des mines antipersonnel

L'article premier pose le principe de l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, de la production, de l'acquisition, du stockage, de l'offre, de la cession, de l'importation, de l'exportation, du transfert et de l'emploi des mines antipersonnel.

Il reprend, en les précisant, les quatre grandes catégories d'interdiction totale définies dans l'article premier de la convention d'Ottawa , à savoir :

• la production , qui est interdite en tant que telle, ainsi que la fabrication, notion pour le moins très voisine, et la mise au point, terme pouvant s'appliquer à la définition de procédés de production, c'est-à-dire aux licences, qu'il convient également de proscrire,

• la détention , visée par les notions d'acquisition, de stockage et d'importation,

• le commerce , couvert par l'interdiction de l'offre, de la cession, de l'exportation et du transfert,

• et enfin l' emploi des mines antipersonnel.

Ainsi que cela a été indiqué dans le rapport relatif à la convention d'Ottawa, deux types d'interdiction sont déjà en vigueur dans notre pays sur la base du régime administratif de contrôle a priori prévu par le décret loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, modifié en dernier lieu par l'ordonnance n° 58-917 du 7 octobre 1958.

Les mines antipersonnel étant classées dans la catégorie des matériels de guerre, c'est sur la base des dispositions de ce décret-loi qu'ont été successivement interdites leur exportation et leur fabrication.

En ce qui concerne les exportations de mines antipersonnel , un moratoire de fait a été appliqué dès 1986 puis officialisé en 1993, la délégation générale pour l'armement ayant rappelé aux industriels de l'armement le 23 septembre 1993 qu'aucune autorisation ne serait accordée pour l'exportation de mines antipersonnel. Cette décision gouvernementale s'est appuyée sur les articles 12 et 13 du décret loi précité qui prohibent l'exportation sans autorisation des matériels de guerre et soumettent l'acceptation des commandes par les industriels à un agrément préalable de l'Etat. La commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre (CIEEMG) a veillé à une application stricte de ces dispositions.

S'agissant de la fabrication , le précédent gouvernement a décidé en septembre 1995 d'adopter un moratoire sur la production de toutes les mines antipersonnel. L'article 2 du décret-loi du 18 avril 1939 soumet en effet à l'autorisation et au contrôle de l'Etat la fabrication des matériels de guerre et permet donc aux autorités gouvernementales de prendre des mesures d'interdiction. En pratique, aucun industriel français ne fabriquait plus de mines antipersonnel depuis 1987.

L'article premier de la proposition de loi donne donc force législative à l'interdiction de la fabrication et de l'exportation des mines antipersonnel, déjà effective sur la base de textes réglementaires.

Il étend le champ des interdictions au stockage , ce qui impliquera la destruction des stocks, spécifiquement visée à l'article 11, et surtout à l' emploi des mines antipersonnel.

Comme votre rapporteur l'a rappelé dans son rapport relatif à la convention d'Ottawa, en dehors de la protection de la base aérienne de Solenzara, en cours de redéfinition, l'usage des mines antipersonnel par les forces armées n'a plus cours depuis les événements du Liban de 1982 et 1983, qui avaient exigé une protection particulière des installations françaises, en particulier de la Résidence des Pins.

Cette doctrine avait été formalisée par le gouvernement d'Alain Juppé dans un communiqué du Conseil des ministres du 2 octobre 1996 précisant que la France renonçait à l'emploi des mines antipersonnel "sauf en cas de nécessité absolue imposée par la protection de ses forces. Dans ce dernier cas, toute dérogation ne pourrait être autorisée que par une décision des autorités gouvernementales. L'emploi se ferait dans le strict respect des conditions de sécurité et en toute conformité avec les conventions internationales en vigueur".

Cette ultime réserve a disparu avec la signature par la France de la convention d'Ottawa. Des moyens techniques susceptibles de remplir les fonctions d'alerte traditionnellement dévolues au mines antipersonnel mais faisant appel à l'intervention humaine, et non à un fonctionnement automatique et aveugle, -le système MODER (Moyen de défense rapproché)- sont mis au point en parallèle afin de répondre aux besoins de protection des forces armées. Ils commenceront à équiper l'armée de terre au cours de l'année 1999, la dotation complète devant être disponible en 2001.

Votre commission a observé que la proposition de loi n° 403 de Mme Marie-Claude Beaudeau et des membres du groupe communiste, républicain et citoyen envisageait d'appliquer une même interdiction aux composants des mines antipersonnel. Cette interdiction, qui irait au-delà de la convention d'Ottawa, viserait par exemple les détonateurs ou les explosifs. Mais il paraît peu envisageable d'en proscrire la fabrication dans la mesure où ils ne sont pas spécifiquement dédiés aux mines antipersonnel et peuvent être utilisés pour la production d'autres types de matériels.

Votre commission vous propose pour sa part de compléter cet article en étendant l'interdiction à la conservation des mines antipersonnel. Outre que le terme est expressément employé par la convention, il peut compléter celui de stockage qui semble plutôt viser la détention d'une quantité élevée de mines.

Elle vous propose d'adopter cet article assorti de cet amendement.

Article 2 -
Exceptions

L'article 2 reprend les exceptions au principe d'interdiction générale énoncées à l'article 3 de la convention d'Ottawa.

Sont ainsi permis :

le stockage et le transfert de mines antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection de mines, de déminage ou de destruction des mines , et pour la formation à ces techniques, en nombre approprié à ces fins (ce nombre -en l'occurrence 5 000- étant précisé à l'article 11),

le stockage et le transfert des mines antipersonnel aux fins de destruction.

Cette double dérogation prévue par la convention est logique et elle permettra à la France de poursuivre la mise au point des techniques et des matériels de déminage, ainsi que la formation de démineurs, actuellement effectuée par l'école supérieure d'application du génie à Angers, et aussi de récupérer, en vue de leur destruction, des stocks de mines provenant de pays ne disposant pas d'installations appropriées, comme cela a été récemment le cas des Pays-Bas.

Pour plus de clarté, votre commission vous propose de regrouper les dispositions de l'article 2 et de l'article 11 dans un seul article qui énoncerait ainsi la nature des exceptions et leurs modalités d'encadrement, à savoir :

- la date limite du 31 décembre 2000 pour la conservation des stocks de mines existants jusqu'à leur destruction,

- le nombre maximal de 5 000 mines pouvant être conservées ou transférées aux fins de formation et d'entraînement,

- la possibilité pour l'Etat de confier ces opérations à des personnes agréées.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

Article 3 -
Définitions

Cet article reprend très exactement les définitions des mines antipersonnel et du transfert, telles qu'elles figurent à l'article 2 de la convention d'Ottawa.

A ce titre, il est précisé que les mines antivéhicules munies de dispositifs antimanipulation, c'est-à-dire de dispositifs destinés à protéger la mine et qui se déclenchent en cas de manipulation de celle-ci, ne sont pas considérées comme des mines antipersonnel du fait de la présence de ce dispositif. En effet, le dispositif antimanipulation ne peut être assimilé à une mine antipersonnel car il ne se déclenche pas au simple contact de la mine.

Les propositions de loi déposées au Sénat par M. Claude Estier et Mme Marie-Claude Beaudeau, retiennent une définition plus large, englobant les mines pourvues de dispositifs antimanipulation.

Votre commission considère sur ce point qu'il existe une différence de nature entre les mines antipersonnel et des mines antivéhicules pourvues de dispositifs antimanipulation, l'explosion de ces dernières exigeant une action volontaire de manipulation de la mine. S'il est vrai que de tels systèmes peuvent faire des victimes dans le cadre d'opérations civiles de déminage, ils ne peuvent être assimilés aux mines antipersonnel qui frappent aveuglément et ils possèdent une stricte utilité militaire dans la lutte contre les engins blindés et la protection des mines antichar.

Votre commission souhaite en outre, comme l'a prévu l'Assemblée nationale, que la loi française reprenne la définition internationalement reconnue des mines antipersonnel, c'est-à-dire celle de la convention d'Ottawa. Pour plus de clarté, elle propose, comme cela a été fait pour le projet de loi d'application de la convention sur l'interdiction des armes chimiques, de renvoyer expressément aux définitions contenues dans la convention d'Ottawa et de placer cert article en tête de la proposition de loi.

Elle vous propose en conséquence de supprimer l'article 3.

Article 4 -
Peines principales encourues par les personnes physiques

L'article 4 punit les infractions, ainsi que les tentatives d'infraction, aux interdictions édictées par l'article premier, de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende .

Le décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions prévoit déjà des sanctions pénales.

En vertu de ce texte :

• la fabrication, le commerce et l'exportation sans autorisation de matériels de guerre sont punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 360 F à 1 800 F (les taux n'ont pas été révisés depuis 1958). Sont passibles des mêmes peines le défaut de déclaration d'un établissement se livrant à la fabrication ou au commerce de ces matériels, l'entrave aux contrôles effectués par les représentants de l'Etat dans de tels établissements, le défaut de déclaration des commandes autres que celles émanant de l'Etat ;

• l'importation et la tentative d'importation sans autorisation régulière de matériels prohibés sont punies d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 10 F à 100 F.

Au regard de ces sanctions qui visent indistinctement tout type de matériel, et sanctionnant le défaut d'autorisation, il apparaît légitime de mettre en place un régime pénal spécifique, assorti de sanctions plus lourdes, pour des armes considérées aux yeux de la communauté internationale comme "particulièrement inhumaines".

Sans aller jusqu'à des peines de nature criminelle, comme l'envisageait la proposition de loi de Mme Marie-Claude Beaudeau précitée, il paraît adapté de retenir, comme le fait cet article 4, une peine d'emprisonnement de dix ans, c'est-à-dire au plus haut de l'échelle des peines correctionnelles , ainsi qu'une amende de 1 000 000 F.

Votre commission estime par ailleurs utile, ainsi que l'a prévu le projet de loi relatif à l'application de la convention d'interdiction des armes chimiques, d'envisager une sanction spécifique , en l'occurrence cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende, pour le fait de s'opposer ou de faire obstacle aux procédures de vérification internationale prévues par la convention d'Ottawa.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 assorti de cet amendement.

Article 5 -
Peines complémentaires encourues par les personnes physiques

Ainsi qu'en dispose l'article 131-10 du code pénal, lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit, immobilisation ou confiscation d'un objet, fermeture d'un établissement, etc...

L'article 5 propose que les personnes coupables des infractions prévues à l'article premier encourent également diverses peines complémentaires prévues par les articles 221-8 à 221-11 du code pénal :

- la privation, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de famille (droit de vote, d'éligibilité, d'être tuteur ou curateur, de témoigner en justice, ...) ;

- l'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ainsi que d'exercer une fonction publique ;

- la confiscation prévue par l'article 131-21 du code pénal ;

- l'interdiction de séjour, suivant des modalités prévues par l'article 131-31 du code pénal, et, lorsqu'il s'agit d'un étranger, l'interdiction du territoire français, à titre définitif ou pour une durée de 10 ans au plus ;

- diverses interdictions ou suspensions relatives au permis de conduire et au permis de port d'armes ;

- l'affichage ou la diffusion de la condamnation.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de conséquence.

Article 6 -
Peines encourues par les personnes morales

Le nouveau code pénal, dans son article 121-2, a introduit la responsabilité pénale des personnes morales . Toutes les personnes morales, à l'exception de l'Etat, peuvent voir leur responsabilité pénale engagée, celle-ci n'excluant pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

Cette responsabilité pénale des personnes morales ne peut être mise en oeuvre que si la loi l'a spécialement prévu.

Tel est l'objet de l'article 6 qui pose le principe de la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions définies à l'article premier.

Les peines encourues sont de deux sortes :

- l' amende , dont le taux maximum est le quintuple de celui prévu pour les personnes physiques pour la même infraction (article 131-38 du code pénal),

- et une ou plusieurs des peines énumérées à l'article 131-39 du code pénal.

Ces peines sont :

- la dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personne physiques d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;

- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

- le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

- l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de faire appel public à l'épargne ;

- l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;

- l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de deux amendements de précision.

Article 7 -
Fonctionnaires habilités à constater les infractions

Cet article confère aux officiers de police judiciaire , aux agents du ministère de la défense habilités dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ainsi qu'aux agents des douanes le pouvoir de constater les infractions aux dispositions du projet de loi et de ses textes d'application.

Le procès-verbal de leurs constatations est adressé au Procureur de la République.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 8 -
Dérogation au principe de territorialité de la loi pénale

Cet article prévoit que la loi française est applicable lorsqu'un français commet à l'étranger une infraction relative aux mines antipersonnel définies à l'article premier, et ce par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 113-6 du code pénal qui, en ce qui concerne les délits, n'ouvre cette possibilité que lorsque les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

De la sorte, la fabrication, le commerce ou l'emploi de mines antipersonnel par un Français sera sanctionné, quand bien même il s'effectuerait dans un pays n'ayant prévu, dans sa législation pénale, aucune sanction pour ce type de faits. En d'autres termes, l'interdiction définie à l'article premier s'impose à tous les Français, où qu'ils se trouvent .

L'article 8 stipule également que pour ce type d'infraction, la dernière phrase de l'article 113-8 du code pénal, qui dispose qu'une poursuite judiciaire doit être précédée d'une plainte de la victime, ou de ses ayants-droits, ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis, ne s'applique pas.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de précision.

Article 9 -
Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel

L'article 9 institue une "Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel".

Elle comprendra :

- des représentants du Gouvernement,

- deux députés et deux sénateurs,

- des représentants d'associations à vocation humanitaire,

- des représentants des organisations syndicales patronales et de salariés,

- des personnalités qualifiées.

Un décret en Conseil d'Etat précisera la représentation exacte de ces catégories et les modalités de désignation des membres, ainsi que l'organisation et le fonctionnement de la commission.

Votre commission relève que la création d'une telle commission avait été envisagée par la proposition de loi de Mme Marie-Claude Beaudeau précitée.

Elle vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10 -
Attributions de la Commission nationale
pour l'élimination des mines antipersonnel

La Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, se voit confier deux séries d'attributions :

- le suivi de l'application de la loi , sur lequel elle établit un rapport annuel qui sera adressé par le Gouvernement au Parlement,

- le suivi de l'action internationale de la France en matière d'assistance aux victimes de mines antipersonnel et d'aide au déminage.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 11 -
Conditions de détention du stock autorisé

L'article 11 précise et encadre strictement les conditions dans lesquelles, en application de l'article 2, des stocks de mines antipersonnel peuvent être conservés ou transférés, aux fins de mise au point de techniques de détection, de formation au déminage ou de destruction.

Il indique tout d'abord que de telles opérations ne peuvent être effectuées que par les services de l'Etat ou sous leur contrôle.

Il stipule ensuite que les stocks existants de mines antipersonnel seront détruits au plus tard le 31 décembre 2000 , ce qui appelle deux remarques :

• d'une part, les opérations de destruction du stock de mines en dotation dans l'armée française , de l'ordre de 1 400 000, ont démarré et ont déjà porté sur environ 50 000 mines. Ces opérations vont désormais se poursuivre selon un procédé industriel de brûlage ce qui permettra d'accélérer le rythme de destruction, la moitié du stock devant être détruit d'ici la fin de l'année.

• d'autre part, l' échéance du 31 décembre 2000 posée par la proposition de loi, est nettement plus rapprochée que celle prévue par la convention d'Ottawa, à savoir au plus tard 4 ans après l'entrée en vigueur de la convention pour l'Etat considéré.

Enfin, l'article 11 précise le nombre de mines pouvant être détenues , sous le contrôle des services de l'Etat, dans le cadre de la dérogation prévue à l'article 2. Bien qu'aucune indication chiffrée n'ait été fournie lors de l'adoption de cette clause dérogatoire dans la convention d'Ottawa, la France a estimé que le nombre de 5 000 était suffisant pour répondre aux différents besoins énoncés à l'article 2. Le Royaume-Uni et l'Allemagne se situeraient sur une position sensiblement équivalente.

Par coordination avec la nouvelle rédaction qu'elle vous propose à l'article 2, et qui reprend les précisions apportées par cet article 11, votre commission vous propose de supprimer l'article 11.

Article 11 bis (nouveau) -
Déclarations

Cet article, introduit par amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, tend à définir un régime de déclaration , prévu dans le cadre des mesures de transparence énoncées à l'article 7 de la convention d'Ottawa.

Cet article reprend donc l'ensemble des déclarations rendues obligatoires par l'article 7 de la convention (à l'exception de celles sur la localisation des zones minées, qui sont sans objet), à savoir :

- le total des stocks de mines antipersonnel, avec leur quantité, leur type et leur numéro de lot,

- les types, quantités et numéros de lots des stocks dont la conservation est autorisée, pour la formation ou en vue de la destruction, ainsi que les installations qui les abritent,

- les types, quantités et numéros de lots des mines antipersonnel détruites,

- l'état des programmes de destruction, incluant des précisions sur les techniques utilisées et les normes observées en matière de sécurité et d'environnement,

- l'état des programmes de reconversion ou de mise hors service des installations de production des mines antipersonnel.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de conséquence.

Article 11 ter (nouveau) -
Missions d'établissement des faits: inspecteurs et accompagnateurs

Cet article, introduit par amendement du Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale, concerne le régime de vérification internationale prévu par l'article 8 de la convention d'Ottawa.

La convention prévoit en effet que tout Etat partie peut demander à un autre Etat partie des éclaircissements au sujet du respect des dispositions qu'elle a prises. Si besoin, et sur décision de la majorité des Etats réunis en Assemblée générale, une mission d'établissement des faits, composée de neuf experts au maximum, peut être dépêchée dans l'Etat concerné. C'est également l'Assemblée générale qui détermine le mandat de cette mission.

Ainsi que le stipule la convention, l'article 11 ter prévoit que ces missions pourront porter sur toutes les zones ou toutes les installations situées sur le territoire français où il pourrait être possible de recueillir des faits pertinents relatifs au cas du non respect présumé qui motive la mission (paragraphe 14 de l'article 8 de la convention).

La convention d'Ottawa (paragraphe 9 de l'article 8) prévoit que ces missions sont effectuées par des experts qualifiés figurant sur une liste dressée par le secrétaire général des Nations unies, à partir des noms fournis par les Etats parties. Ces experts peuvent être récusés par un Etat partie et dans ce cas, il ne peuvent participer à une mission d'établissement des faits sur le territoire de cet Etat, pour autant que cette récusation ait été signifiée avant la désignation de l'expert pour la mission considérée.

Cette procédure est évoquée par l'article 11 ter de la proposition de loi qui précise que les misions d'établissement des faits sont effectuées par des inspecteurs habilités par le secrétaire général des Nations unies et agréés par l'autorité administrative de l'Etat. Cet agrément ne doit pas s'entendre comme une procédure supplémentaire, mais il se rapporte à la faculté de récusation laissée aux Etats parties par la convention.

L'article 11 ter se réfère également aux pouvoirs, privilèges et immunités dont bénéficieront les inspecteurs, en application de la convention, qui elle-même renvoie à la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies de 1946.

L'article 11 ter précise par ailleurs le rôle de l' équipe d'accompagnement, désignée par l'autorité administrative de l'Etat, chargée d'accueillir les inspecteurs à leur point d'entrée du territoire, d'assister aux opérations et de les accompagner jusqu'à leur sortie du territoire.

Cette équipe d'accompagnement s'inspire de la solution retenue pour l'application de la convention sur les armes chimiques. Elle n'est pas expressément prévue par la convention d'Ottawa qui stipule simplement que l'Etat sollicité prendra des mesures administratives nécessaires pour accueillir, transporter et loger la mission.

Un chef d'équipe d'accompagnement est plus particulièrement chargé de veiller à la bonne orientation de la mission et de représenter l'Etat auprès des inspecteurs. Il se fait communiquer le mandat d'inspection et vérifie, conformément au paragraphe 12 de l'article 8 de la convention d'Ottawa, que les équipements détenus par les inspecteurs sont conformes à la liste fournie par la mission avant son arrivée et qu'ils sont exclusivement destinés à être utilisés pour la collecte de renseignement sur le cas de non-respect présumé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'une précision se référant à la procédure de désignation des experts prévue par la convention d'Ottawa.

Article 11 quater (nouveau) -
Droit d'accès de la mission d'établissement des faits

Cet article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale.

Il précise tout d'abord que lorsque le lieu soumis à inspection dépend d'une personne publique autre que l'Etat, l'autorisation d'accès est donné par une autorité administative de l'Etat.

Il définit par ailleurs les conditions dans lesquelles la mission d'établissement des faits peut accéder à des lieux relevant d'une personne privée .

En effet, si la convention d'Ottawa (paragaphe 14 de l'article 8) impose à l'Etat sollicité d'accorder à la mission d'établissement des faits l'accès à toutes les zones et toutes les installations où pourraient être recueillis des éléments pertinents, elle précise également que cet accès sera assujetti aux mesures que l'Etat jugera nécessaire pour la protection des droits constitutionnels , notamment en matière de droit de propriété, de fouille ou de saisie.

Ainsi, lorsque l'accès du lieu dépend d'une personne privée, la procédure retenue est la suivante :

• le chef de l'équipe d'accompagnement avise de l'inspection la personne ayant qualité pour autoriser l'accès,

• si cette personne ne peut être jointe, ou si elle refuse l'accès, l'inspection ne peut commencer qu'avec l' autorisation du président du tribunal de grande instance ou du juge délégué par lui,

• avant de statuer par voie d'ordonnance, le président du tribunal de grande instance s'assure que la demande d'inspection est conforme à la convention d'Ottawa et que le mandat d'inspection a bien été délivré. Il vérifie l'habilitation des membres de l'équipe d'inspection et des accompagnateurs. L'ordonnance est notifiée aux personnes concernées soit au moment de la visite, ou, en leur absence, par lettre recommandée avec accusé de réception.

• la visite s'effectue sous le contrôle du juge qui l'a autorisée et qui désigne à cet effet un officier de police judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 11 quinquiès (nouveau) -
Protection de la confidentialité et des droits de la personne

Dans le même esprit que l'article précédent, et conformément à l'article 8, paragraphe 14, de la convention, qui permet à l'Etat inspecté de prendre les mesures nécessaires concernant non seulement les obligations constitutionnelles, mais aussi la protection d'équipements, d'informations et de zones sensibles , l'article 11 quinquiès, introduit par un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée Nationale, précise les conditions dans lesquelles le chef de l'équipe d'accompagnement peut prendre toutes les dispositions qu'il estime nécessaires à la protection de la confidentialité et du secret, ainsi que des droits de la personne.

Après avoir avisé le chef de la mission d'établissement des faits du caractère confidentiel ou privé des informations, il peut notamment s'assurer qu'aucun document sans rapport avec la mission n'est détenu par des inspecteurs, et que ceux qu'il désigne comme confidentiels bénéficient de la protection appropriée (conformément au paragaphe 16 de l'article 8 de la convention).

Enfin, la convention d'Ottawa prévoyant (paragraphe 14 de l'article 8) qu'au cas où il prendrait de telles mesures de protection, l'Etat inspecté doit déployer tous les efforts raisonnables pour démontrer par d'autres moyens qu'il respecte la convention, le dernier alinéa de l'article 11 quinquiès stipule qu'aux cas où le chef de l'équipe d'accompagnement fait usage des procédures de protection, il est tenu de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour proposer des mesures de substitution visant à démontrer le respect de la convention et à satisfaire aux demandes de l'équipe d'inspection.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 12 -
Entrée en vigueur de la loi

Cet article prévoit que la loi sera applicable dès l'entrée en vigueur de la convention d'Ottawa et, en tout état de cause, au plus tard le 1er juillet 1999 .

En ce qui concerne la convention d'Ottawa, son article 17 dispose qu'elle entrera en vigueur le premier jour du sixième mois suivant celui au cours duquel le 40e instrument de ratification aura été déposé. Ainsi, la loi ne pourrait s'appliquer avant le ler juillet 1999 que si 40 instruments de ratification sont déposés d'ici le 31 janvier prochain.

Cet article appelle deux remarques de la part de votre commission, l'une de fond, l'autre plus formelle.

Sur le fond, étant donné que notre pays a déjà interdit la production et l'exportation des mines antipersonnel, la conséquence principale de l'entrée en vigueur des prescriptions de la convention d'Ottawa sera le renoncement définitif à tout emploi des mines antipersonnel.

On a indiqué lors de l'examen de l'article premier qu'un équipement destiné à remplir les fonctions d'alerte dévolues aux mines antipersonnel -le système MODER- allait progressivement entrer en dotation dans l'armée de terre à partir de 1999, la totalité des équipements étant pourvue en 2001.

Il est donc clair qu'à la fin de 1999, seule une partie des forces sera équipée de ce système qui sera donc en mesure d'apporter une protection appropriée à des troupes en opérations dans la limite cependant d'un certain contingent.

Sur la forme, votre commission considère que le système de "double date" retenu par l'article 12 pour l'entrée en vigueur de la loi est quelque peu complexe, d'autant que compte tenu du rythme de ratification de la convention d'Ottawa, on peut penser que son entrée en vigueur ne sera guère éloignée du 1er juillet 1999. Dans ces conditions, sans doute aurait-il été plus simple et plus clair de ne retenir qu'une seule date, celle de l'entrée en vigueur de la convention.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 13 (nouveau) -
Applicabilité aux territoires d'outre-mer

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement du Gouvernement, précise que la loi s'applique aux territoires d'Outre-mer ainsi qu'à la collectivité territoriale de Mayotte, collectivité territoriale à statut particulier n'ayant pas le statut de département d'Outre-mer.

En effet, les règles constitutionnelles ont posé, pour les territoires d'Outre-mer, un principe de spécialité législative qui veut qu'une loi ne leur soit applicable qu'en vertu d'une disposition expresse de cette même loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

*

* *

Votre commission vous demande d'adopter l'ensemble du projet de loi assorti des amendements qu'elle vous propose.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du mercredi 27 mai 1998.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a indiqué que la convention d'Ottawa nécessitait des mesures d'application nationales, notamment en matière de sanctions pénales, et que tel était l'objet de la proposition de loi adoptée le 24 avril dernier par l'Assemblée nationale. Il a précisé que les deux propositions de loi d'origine sénatoriale allaient dans le même sens.

Il a alors présenté les principales dispositions du texte adopté par l'Assemblée nationale, à savoir :

- l'inscription dans la loi française du principe de l'interdiction de l'emploi, de la fabrication, du stockage et du transfert des mines antipersonnel;

- la destruction des stocks d'ici la fin de l'an 2000, à l'exception d'une quantité maximale de 5 000 mines destinée à la formation des démineurs et à la mise au point de matériels de détection, de déminage et de destruction ;

- l'édiction de sanctions pénales ;

- la mise en place d'un régime de déclaration ;

- les conditions de déroulement des missions d'établissement des faits prévues par la convention.

Considérant que ce texte devait se borner à permettre l'application en droit français de la convention d'Ottawa, M. Daniel Goulet, rapporteur, en a proposé l'adoption, sous réserve de quelques amendements de clarification et de précision inspirés du souci de traduire aussi fidèlement que possible la lettre et l'esprit de la convention.

Mme Marie-Claude Beaudeau, entendue en application de l'article 18-3 du Règlement du Sénat, a ensuite présenté la proposition de loi n° 403 (1997-1998) qu'elle a déposée avec les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.

Elle a estimé que les mines antipersonnel constituaient un fléau à caractère planétaire qui violait doublement les conventions de Genève en frappant sans distinction civils et militaires et en provoquant des maux superflus. Elle a rappelé les positions prises par la France à l'égard des mines antipersonnel et s'est félicitée de l'adoption de la convention d'Ottawa qui représente une norme humanitaire proclamant l'illégalité totale de ces armes.

Elle a jugé la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale plus complète que le projet de loi déposé en avril 1997 par le précédent Gouvernement, qui n'interdisait pas l'utilisation et le stockage des mines antipersonnel.

Elle a précisé que sa proposition tendait à une interdiction plus large encore en visant les composants des mines antipersonnel ainsi que les mines à usage mixte, antivéhicules et antipersonnel, afin d'éviter un contournement de la convention d'Ottawa. Elle a souhaité l'adoption de sanctions pénales de nature criminelle à l'encontre des infractions à la loi, y compris lorsqu'elles sont commises par un citoyen français hors du territoire national. Elle a souligné l'importance de la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel prévue par sa proposition de loi.

La commission a alors procédé à l'examen des articles de la proposition de loi n° 410 (1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale.

Avant l'article premier, la commission a inséré un article additionnel tendant à placer en tête du texte l'article relatif à la définition des mines antipersonnel, qui figurait à l'article 3, et à renvoyer aux définitions contenues dans la convention d'Ottawa elle-même.

A l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à ajouter la conservation des mines antipersonnel dans la liste des activités interdites par cet article, ainsi que le prévoit la convention d'Ottawa, puis l'article premier ainsi amendé.

A l'article 2, relatif aux exceptions au principe d'interdiction posé à l'article précédent, elle a adopté un amendement tendant à regrouper en un seul article les dispositions figurant aux articles 2 et 11, de manière à viser à la fois la nature et les limites de ces exceptions. Elle a adopté l'article 2 ainsi amendé.

Puis la commission a supprimé l'article 3, par coordination avec l'insertion d'un article additionnel avant l'article premier.

A l'article 4, elle a adopté un amendement prévoyant des sanctions pénales en cas d'entrave aux procédures internationales d'établissement des faits, puis l'article 4 ainsi amendé.

Elle a adopté l'article 5 assorti d'un amendement rédactionnel, puis l'article 6 assorti de deux amendements rédactionnels.

Elle a adopté l'article 7 sans modification, puis l'article 8 assorti d'un amendement de précision.

Elle a adopté sans modification les articles 9 et 10 relatifs à la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel.

Puis la commission, par coordination avec l'amendement adopté à l'article 2, a supprimé l'article 11.

Elle a adopté l'article 11 bis assorti d'un amendement rédactionnel, puis l'article 11 ter assorti d'un amendement de précision. Elle a adopté l'article 11 quater sans modification, puis l'article 11 quinquiès assorti d'une rectification.

La commission a enfin adopté les articles 12 et 13 sans modification.

A l'issue de l'examen des articles, M. Jean Arthuis a fait part de ses réserves quant à la présence de parlementaires au sein de la commission instituée par la proposition de loi. Il a estimé que le Parlement devait privilégier ses propres pouvoirs de contrôle à son implication dans de tels organismes.

Mme Danielle Bidard-Reydet s'est pour sa part interrogée sur la possibilité, pour les pays pauvres, de conduire des opérations de déminage, et a souhaité une assistance financière internationale pour les y aider.

M. Daniel Goulet, rapporteur, a précisé que depuis 1994, la France avait consacré 120 millions de francs à l'assistance internationale au déminage, soit à titre bilatéral, soit dans le cadre de programmes multilatéraux.

La commission a alors adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

ANNEXE
DISPOSITIONS DU CODE PÉNAL
VISÉES AUX ARTICLES 4, 5, 6 ET 8
DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 113-6

La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République.

Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.

Il est fait application du présent article lors même que le prévenu aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé.

Article 113-8

Dans les cas pévus aux articles 113-6 et 113-7, la poursuite des délits ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis.

Article 121-2

Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

Article 131-26

L'interdiction de droits civiques, civils et de famille porte sur :

1° Le droit de vote ;

2° L'éligibilité ;

3° Le droit d'exercer une fonction juridictionnelle ou d'être expert devant une juridiction, de représenter ou d'assister une partie devant la justice ;

4° Le droit de témoigner en justice autrement que pour y faire de simples déclarations ;

5° Le droit d'être tuteur ou curateur ; cette interdiction n'exclut pas le droit, après avis conforme du juge des tutelles, le conseil de famille entendu, d'être tuteur ou curateur de ses propres enfants.

L'interdiction des droits civiques, civils et de famille ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit.

La juridiction peut prononcer l'interdiction de tout ou partie de ces droits.

L'interdiction du droit de vote ou l'inégibilité prononcées en application du présent article emportent interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique.

Article 131-27

Lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire pour un crime ou un délit, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale est soit définitive, soit temporaire ; dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de cinq ans.

Cette interdiction n'est pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales. Elle n'est pas non plus applicable en matière de délit de presse.

Article 131-38

Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction.

Article 131-39

Lorsque la loi le prévoit à l'encontre d'une personne morale, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs des peines suivantes :

1° La dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;

2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

4° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

5° L'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

6° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de faire appel public à l'épargne ;

7° L'interdiction, pour une durée cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;

8° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;

9° L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-si soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle.

Les peines définies aux 1° et 3° ci-dessus ne sont pas applicables aux personnes morales de droit public dont la responsabilité pénale est susceptible d'être engagée. Elles ne sont pas non plus applicables aux partis ou groupements politiques ni aux syndicats professionnels. La peine définie au 1° n'est pas applicable aux institutions représentatives du personnel.

Article 221-8

Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :

1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

2° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

3° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

4° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

5° La confiscation d'une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

6° Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus.

Article 221-9

Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la section 1 du présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :

1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les modalités prévues par l'article 131-26 ;

2° L'interdiction d'exercer une fonction publique, selon les modalités prévues par l'article 131-27 ;

3° La confiscation prévue par l'article 131-21 ;

4° L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31.

Article 221-10

Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la section II du présent chapitre encourent également la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision prévue par l'article 131-35.

Article 221-11

L'interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable de l'une des infractions définies à la section I du présent chapitre.


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