Mines antipersonnel
GOULET (Daniel)
RAPPORT 451 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- INTRODUCTION
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article additionnel avant l'article premier -
Définitions -
Article Premier -
Interdiction des mines antipersonnel -
Article 2 -
Exceptions -
Article 3 -
Définitions -
Article 4 -
Peines principales encourues par les personnes physiques -
Article 5 -
Peines complémentaires encourues par les personnes physiques -
Article 6 -
Peines encourues par les personnes morales -
Article 7 -
Fonctionnaires habilités à constater les infractions -
Article 8 -
Dérogation au principe de territorialité de la loi pénale -
Article 9 -
Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel -
Article 10 -
Attributions de la Commission nationale
pour l'élimination des mines antipersonnel -
Article 11 -
Conditions de détention du stock autorisé -
Article 11 bis (nouveau) -
Déclarations -
Article 11 ter (nouveau) -
Missions d'établissement des faits: inspecteurs et accompagnateurs -
Article 11 quater (nouveau) -
Droit d'accès de la mission d'établissement des faits -
Article 11 quinquiès (nouveau) -
Protection de la confidentialité et des droits de la personne -
Article 12 -
Entrée en vigueur de la loi -
Article 13 (nouveau) -
Applicabilité aux territoires d'outre-mer
-
Article additionnel avant l'article premier -
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE
DISPOSITIONS DU CODE PÉNAL
VISÉES AUX ARTICLES 4, 5, 6 ET 8
DE LA PROPOSITION DE LOI
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'Assemblée nationale a adopté le 24 avril dernier à
l'unanimité la proposition de loi tendant à l'élimination
des mines antipersonnel.
Par ailleurs, le gouvernement a déposé sur le bureau du
Sénat le 6 mai dernier le projet de loi autorisant la ratification
de la convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production
et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction signée
à Ottawa le 3 décembre 1997.
Cette convention, qui entend édicter une norme d'interdiction totale
à l'encontre d'armes qui ont causé, au sein des populations
civiles, des dégâts considérables, sans aucune mesure avec
les justifications avancées pour un usage strictement militaire,
nécessite la mise en oeuvre de mesures d'application nationales, dans
chaque Etat partie.
Ainsi le Sénat est-il appelé à examiner dans le
prolongement de la convention d'Ottawa elle-même, le texte
législatif destiné à en assurer la pleine application dans
le droit français.
Ce texte d'origine parlementaire, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi, a
été adopté par l'Assemblée nationale avant que le
Parlement ne soit saisi de la convention d'Ottawa. Pour sa part, votre
commission des Affaires étrangères et de la Défense a
examiné conjointement le texte principal -la convention d'Ottawa-, et
celui qui découle directement, c'est-à-dire le texte
législatif interne.
Elle a joint à cet examen deux propositions de loi
déposées au Sénat, l'une par M. Claude Estier et les
membres du groupe socialiste (n° 365, 1994-1995) et l'autre par Mme
Marie-Claude Beaudeau et les membres du groupe communiste, républicain
et citoyen (n° 403, 1997-1998).
EXPOSÉ GÉNÉRAL
1. La nécessité d'un texte législatif interne pour l'application de la convention d'Ottawa
La
convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du
transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction signée par la
France à Ottawa le 3 décembre 1997, stipule, dans son article 9
relatif aux
mesures d'application nationales,
que
"chaque Etat partie
prend toutes les mesures législatives, réglementaires et autres,
qui sont appropriées, y compris l'imposition de sanctions
pénales, pour prévenir et réprimer toute activité
interdite à un Etat partie en vertu de la présente convention,
qui serait menée par des personnes, ou sur un territoire, sous sa
juridiction ou son contrôle".
En vertu de cette disposition, il était donc nécessaire que la
France prenne les
mesures législatives indispensables à
l'application pleine et entière de la convention d'Ottawa,
qu'il
s'agisse des dispositions pénales devant sanctionner les infractions aux
interdictions posées par celle-ci ou des dispositions relatives à
la procédure de vérification qu'elle instaure.
L'ampleur du problème des mines antipersonnel, arme aveugle et
dévastatrice pour les populations civiles, avait par ailleurs depuis
longtemps mobilisé de nombreux parlementaires, comme en
témoignent les questions orales ou écrites posées au
gouvernement mais également les
diverses propositions de loi,
émanant de plusieurs groupes politiques, et déposées
tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Aussi peut-on se féliciter de voir une initiative parlementaire
permettre que soit débattu au Parlement le texte d'application de la
convention d'Ottawa, d'autant que cette procédure a favorisé un
examen plus rapide que celle qui aurait été suspendue au
dépôt du projet de loi ayant le même objet qu'avait
préparé le Gouvernement.
2. La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale et les propositions de loi déposées au Sénat
La
proposition de loi dont le Sénat est saisi a été
adoptée à l'unanimité par l'Assemblée
nationale
le 24 avril dernier.
La proposition de loi d'origine, présentée par M. Robert
Gaïa et les membres du groupe socialiste, comportait 9 articles. Elle a
servi de base à la discussion et a été largement
amendée, principalement par la commission de la Défense et par le
gouvernement, en vue de répondre aussi complètement que possible
aux exigences de l'application dans notre droit interne des dispositions de la
convention d'Ottawa.
Telle qu'elle est transmise au Sénat,
la proposition de loi compte
désormais 17 articles.
Elle comporte principalement
trois
catégories de mesures d'application de la convention
:
- elle prévoit des
sanctions pénales
à l'encontre
des activités interdites par la convention et encadre strictement les
conditions d'exercice des opérations qui demeurent autorisées,
- elle précise le
déroulement des missions
d'établissement des faits
prévues
par la convention,
- elle crée une
commission nationale pour l'élimination des
mines antipersonnel,
instance chargée de veiller à
l'application de la loi et à l'exécution par la France de ses
obligations au regard de la convention.
Sur le fond, les deux propositions de loi déposées au
Sénat par M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste et
par Mme Marie-Claude Beaudeau et les membres du groupe communiste,
républicain et citoyen visent le même objectif d'interdiction
totale, sans cependant prévoir un dispositif aussi complet que la
proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, celle-ci
comportant un grand nombre de mesures de mise en oeuvre de la convention
d'Ottawa.
Ces deux propositions de loi déposées au Sénat se
distinguent cependant du texte de l'Assemblée nationale, en ce qu'elles
retiennent une définition des mines antipersonnel plus large que celle
de la convention d'Ottawa, qui conduirait à englober dans le champ de
l'interdiction certaines mines antivéhicules.
Par ailleurs, la proposition de loi de Mme Marie-Claude Beaudeau et des membres
du groupe communiste, républicain et citoyen se caractérise par
des sanctions pénales plus élevées puisqu'elle
prévoit des peines criminelles alors que le texte adopté par
l'Assemblée nationale retient des sanctions se situant au maximum de
l'échelle des peines correctionnelles.
3. Les propositions de votre commission
Votre
rapporteur ne reprendra pas ici les développements qu'il a
consacrés à l'occasion de l'examen de la convention d'Ottawa
(voir rapport Sénat n° 454, 1997-1998) à la question des
mines antipersonnel, à l'évolution des instruments internationaux
et au dispositif de la convention elle-même. Au demeurant, la proposition
de loi se borne à permettre l'application du texte de
référence, qui demeure la convention d'Ottawa. Il ne retracera
pas davantage, dans la mesure où le sujet est également
traité dans son rapport précité, l'évolution du
droit français, qui comporte déjà l'interdiction de la
fabrication et de l'exportation des mines antipersonnel, dont la
consécration législative avait été prévue
par le projet de loi déposé au Sénat le 21 avril 1997 par
le gouvernement de M. Alain Juppé.
A titre d'observation générale, il relèvera simplement que
les raisons qui ont motivé le soutien de votre commission des Affaires
étrangères, de la Défense et des Forces armées
à la convention d'Ottawa -et en premier lieu l'espoir de voir
bientôt reculer le fléau des mines antipersonnel- justifient a
fortiori son approbation de cette proposition de loi, complément
nécessaire de l'adhésion de la France à ce nouvel
instrument international porteur d'espérance.
C'est pourquoi votre commission ne proposera sur ce texte que des amendements
tendant à en préciser ou améliorer la rédaction,
sans en affecter le fond, en veillant à retranscrire aussi
fidèlement que possible la lettre et l'esprit du dispositif de la
convention d'Ottawa.
EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant l'article premier
-
Définitions
Votre
commission vous propose de placer en tête de la proposition de loi, ce
que lui paraît plus logique, les dispositions relatives aux
définitions actuellement situées à l'article 3.
Pour les raisons exposées lors de l'examen de l'article 3, elle
préfère par ailleurs renvoyer expressément à la
convention d'Ottawa plutôt que de développer ces
définitions dans la loi française.
Article Premier -
Interdiction des mines
antipersonnel
L'article premier
pose le principe de l'interdiction
de
la
mise au point, de la fabrication, de la production, de l'acquisition, du
stockage, de l'offre, de la cession, de l'importation, de l'exportation, du
transfert et de l'emploi des mines antipersonnel.
Il reprend, en les précisant, les
quatre grandes catégories
d'interdiction totale définies dans l'article premier de la convention
d'Ottawa
, à savoir :
• la
production
, qui est interdite en tant que telle, ainsi que
la fabrication, notion pour le moins très voisine, et la mise au point,
terme pouvant s'appliquer à la définition de
procédés de production, c'est-à-dire aux licences, qu'il
convient également de proscrire,
• la
détention
, visée par les notions d'acquisition,
de stockage et d'importation,
• le
commerce
, couvert par l'interdiction de l'offre, de la
cession, de l'exportation et du transfert,
• et enfin l'
emploi
des mines antipersonnel.
Ainsi que cela a été indiqué dans le rapport relatif
à la convention d'Ottawa,
deux types d'interdiction sont
déjà en vigueur
dans notre pays sur la base du régime
administratif de contrôle a priori prévu par le décret loi
du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes
et munitions, modifié en dernier lieu par l'ordonnance n° 58-917 du
7 octobre 1958.
Les mines antipersonnel étant classées dans la catégorie
des matériels de guerre, c'est sur la base des dispositions de ce
décret-loi qu'ont été successivement interdites leur
exportation et leur fabrication.
En ce qui concerne les
exportations de mines antipersonnel
, un moratoire
de fait a été appliqué dès 1986 puis
officialisé en 1993, la délégation générale
pour l'armement ayant rappelé aux industriels de l'armement le
23 septembre 1993 qu'aucune autorisation ne serait accordée pour
l'exportation de mines antipersonnel. Cette décision gouvernementale
s'est appuyée sur les articles 12 et 13 du décret loi
précité qui prohibent l'exportation sans autorisation des
matériels de guerre et soumettent l'acceptation des commandes par les
industriels à un agrément préalable de l'Etat. La
commission interministérielle pour l'étude des exportations des
matériels de guerre (CIEEMG) a veillé à une application
stricte de ces dispositions.
S'agissant de la
fabrication
, le précédent gouvernement a
décidé en septembre 1995 d'adopter un moratoire sur la production
de toutes les mines antipersonnel. L'article 2 du décret-loi du
18 avril 1939 soumet en effet à l'autorisation et au contrôle
de l'Etat la fabrication des matériels de guerre et permet donc aux
autorités gouvernementales de prendre des mesures d'interdiction. En
pratique, aucun industriel français ne fabriquait plus de mines
antipersonnel depuis 1987.
L'article premier de la proposition de loi donne donc force législative
à l'interdiction de la fabrication et de l'exportation des mines
antipersonnel, déjà effective sur la base de textes
réglementaires.
Il étend le champ des interdictions au
stockage
, ce qui
impliquera la destruction des stocks, spécifiquement visée
à l'article 11, et surtout à l'
emploi des mines
antipersonnel.
Comme votre rapporteur l'a rappelé dans son rapport relatif à la
convention d'Ottawa, en dehors de la protection de la base aérienne de
Solenzara, en cours de redéfinition, l'usage des mines antipersonnel par
les forces armées n'a plus cours depuis les événements du
Liban de 1982 et 1983, qui avaient exigé une protection
particulière des installations françaises, en particulier de la
Résidence des Pins.
Cette doctrine avait été formalisée par le gouvernement
d'Alain Juppé dans un communiqué du Conseil des ministres du
2 octobre 1996 précisant que la France renonçait à
l'emploi des mines antipersonnel
"sauf en cas de nécessité
absolue imposée par la protection de ses forces. Dans ce dernier cas,
toute dérogation ne pourrait être autorisée que par une
décision des autorités gouvernementales. L'emploi se ferait dans
le strict respect des conditions de sécurité et en toute
conformité avec les conventions internationales en vigueur".
Cette ultime réserve a disparu avec la signature par la France de la
convention d'Ottawa. Des moyens techniques susceptibles de remplir les
fonctions d'alerte traditionnellement dévolues au mines antipersonnel
mais faisant appel à l'intervention humaine, et non à un
fonctionnement automatique et aveugle, -le système MODER (Moyen de
défense rapproché)- sont mis au point en parallèle afin de
répondre aux besoins de protection des forces armées. Ils
commenceront à équiper l'armée de terre au cours de
l'année 1999, la dotation complète devant être disponible
en 2001.
Votre commission a observé que la proposition de loi n° 403 de
Mme Marie-Claude Beaudeau et des membres du groupe communiste,
républicain et citoyen envisageait d'appliquer une même
interdiction aux composants des mines antipersonnel. Cette interdiction, qui
irait au-delà de la convention d'Ottawa, viserait par exemple les
détonateurs ou les explosifs. Mais il paraît peu envisageable d'en
proscrire la fabrication dans la mesure où ils ne sont pas
spécifiquement dédiés aux mines antipersonnel et peuvent
être utilisés pour la production d'autres types de
matériels.
Votre commission vous propose pour sa part de
compléter cet article
en étendant l'interdiction à la conservation des mines
antipersonnel.
Outre que le terme est expressément employé
par la convention, il peut compléter celui de stockage qui semble
plutôt viser la détention d'une quantité
élevée de mines.
Elle vous propose d'adopter cet article assorti de cet amendement.
Article 2
-
Exceptions
L'article 2 reprend les exceptions au principe d'interdiction
générale énoncées à l'article 3 de la
convention d'Ottawa.
Sont ainsi permis :
•
le stockage et le transfert
de mines antipersonnel
pour
la
mise au point de techniques de détection de mines, de
déminage ou de destruction des mines
, et pour la formation à
ces techniques, en nombre approprié à ces fins (ce nombre -en
l'occurrence 5 000- étant précisé à l'article 11),
•
le stockage et le transfert
des mines antipersonnel aux
fins
de destruction.
Cette double dérogation prévue par la convention est logique et
elle permettra à la France de poursuivre la mise au point des techniques
et des matériels de déminage, ainsi que la formation de
démineurs, actuellement effectuée par l'école
supérieure d'application du génie à Angers, et aussi de
récupérer, en vue de leur destruction, des stocks de mines
provenant de pays ne disposant pas d'installations appropriées, comme
cela a été récemment le cas des Pays-Bas.
Pour plus de clarté, votre commission vous propose de regrouper les
dispositions de l'article 2 et de l'article 11 dans un seul article qui
énoncerait ainsi la nature des exceptions et leurs modalités
d'encadrement, à savoir :
- la date limite du 31 décembre 2000 pour la conservation des stocks de
mines existants jusqu'à leur destruction,
- le nombre maximal de 5 000 mines pouvant être conservées ou
transférées aux fins de formation et d'entraînement,
- la possibilité pour l'Etat de confier ces opérations à
des personnes agréées.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
amendé.
Article 3
-
Définitions
Cet
article reprend très exactement les définitions des mines
antipersonnel et du transfert, telles qu'elles figurent à l'article 2 de
la convention d'Ottawa.
A ce titre, il est précisé que les mines antivéhicules
munies de dispositifs antimanipulation, c'est-à-dire de dispositifs
destinés à protéger la mine et qui se déclenchent
en cas de manipulation de celle-ci, ne sont pas considérées comme
des mines antipersonnel du fait de la présence de ce dispositif. En
effet, le dispositif antimanipulation ne peut être assimilé
à une mine antipersonnel car il ne se déclenche pas au simple
contact de la mine.
Les propositions de loi déposées au Sénat par M. Claude
Estier et Mme Marie-Claude Beaudeau, retiennent une définition plus
large, englobant les mines pourvues de dispositifs antimanipulation.
Votre commission considère sur ce point qu'il existe une
différence de nature entre les mines antipersonnel et des mines
antivéhicules pourvues de dispositifs antimanipulation, l'explosion de
ces dernières exigeant une action volontaire de manipulation de la mine.
S'il est vrai que de tels systèmes peuvent faire des victimes dans le
cadre d'opérations civiles de déminage, ils ne peuvent être
assimilés aux mines antipersonnel qui frappent aveuglément et
ils possèdent une stricte utilité militaire dans la lutte contre
les engins blindés et la protection des mines antichar.
Votre commission souhaite en outre, comme l'a prévu l'Assemblée
nationale, que la loi française reprenne la
définition
internationalement reconnue
des mines antipersonnel, c'est-à-dire
celle de la convention d'Ottawa. Pour plus de clarté, elle propose,
comme cela a été fait pour le projet de loi d'application de la
convention sur l'interdiction des armes chimiques, de renvoyer
expressément aux définitions contenues dans la convention
d'Ottawa et de placer cert article en tête de la proposition de loi.
Elle vous propose en conséquence de supprimer l'article 3.
Article 4 -
Peines principales encourues par les
personnes physiques
L'article 4 punit les infractions, ainsi que les tentatives
d'infraction, aux interdictions édictées par l'article premier,
de
dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende
.
Le décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des
matériels de guerre, armes et munitions prévoit
déjà des sanctions pénales.
En vertu de ce texte :
• la fabrication, le commerce et l'exportation sans autorisation de
matériels de guerre sont punis d'un emprisonnement d'un an à cinq
ans et d'une amende de 360 F à 1 800 F (les taux n'ont pas
été révisés depuis 1958). Sont passibles des
mêmes peines le défaut de déclaration d'un
établissement se livrant à la fabrication ou au commerce de ces
matériels, l'entrave aux contrôles effectués par les
représentants de l'Etat dans de tels établissements, le
défaut de déclaration des commandes autres que celles
émanant de l'Etat ;
• l'importation et la tentative d'importation sans autorisation
régulière de matériels prohibés sont punies d'un
emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 10 F à 100 F.
Au regard de ces sanctions qui visent indistinctement tout type de
matériel, et sanctionnant le défaut d'autorisation, il
apparaît légitime de mettre en place un
régime
pénal spécifique,
assorti de sanctions plus lourdes, pour des
armes considérées aux yeux de la communauté internationale
comme "particulièrement inhumaines".
Sans aller jusqu'à des peines de nature criminelle, comme l'envisageait
la proposition de loi de Mme Marie-Claude Beaudeau précitée, il
paraît adapté de retenir, comme le fait cet article 4, une peine
d'emprisonnement de dix ans, c'est-à-dire
au plus haut de
l'échelle des peines correctionnelles
, ainsi qu'une amende de
1 000 000 F.
Votre commission estime par ailleurs utile, ainsi que l'a prévu le
projet de loi relatif à l'application de la convention d'interdiction
des armes chimiques, d'envisager une
sanction spécifique
, en
l'occurrence cinq ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende,
pour le fait
de s'opposer ou de faire obstacle aux procédures de vérification
internationale
prévues par la convention d'Ottawa.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 assorti de cet
amendement.
Article 5 -
Peines complémentaires encourues
par les personnes physiques
Ainsi
qu'en dispose l'article 131-10 du code pénal, lorsque la loi le
prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné
d'une ou de plusieurs
peines complémentaires
qui, frappant les
personnes physiques, emportent interdiction, déchéance,
incapacité ou retrait d'un droit, immobilisation ou confiscation d'un
objet, fermeture d'un établissement, etc...
L'article 5 propose que les personnes coupables des infractions prévues
à l'article premier encourent également diverses peines
complémentaires prévues par les articles 221-8 à 221-11 du
code pénal :
- la privation, suivant les modalités prévues par l'article
131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de famille (droit
de vote, d'éligibilité, d'être tuteur ou curateur, de
témoigner en justice, ...) ;
- l'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article
131-27 du code pénal, d'exercer l'activité professionnelle ou
sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle
l'infraction a été commise ainsi que d'exercer une fonction
publique ;
- la confiscation prévue par l'article 131-21 du code pénal ;
- l'interdiction de séjour, suivant des modalités prévues
par l'article 131-31 du code pénal, et, lorsqu'il s'agit d'un
étranger, l'interdiction du territoire français, à titre
définitif ou pour une durée de 10 ans au plus ;
- diverses interdictions ou suspensions relatives au permis de conduire et au
permis de port d'armes ;
- l'affichage ou la diffusion de la condamnation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un
amendement de conséquence.
Article 6 -
Peines encourues par les personnes
morales
Le
nouveau code pénal, dans son article 121-2, a introduit la
responsabilité pénale des personnes morales
. Toutes les
personnes morales, à l'exception de l'Etat, peuvent voir leur
responsabilité pénale engagée, celle-ci n'excluant pas
celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.
Cette responsabilité pénale des personnes morales ne peut
être mise en oeuvre que si la loi l'a spécialement prévu.
Tel est l'objet de l'article 6 qui pose le principe de la responsabilité
pénale des personnes morales pour les infractions définies
à l'article premier.
Les
peines encourues
sont de deux sortes :
- l'
amende
, dont le taux maximum est le quintuple de celui prévu
pour les personnes physiques pour la même infraction (article 131-38 du
code pénal),
- et une ou plusieurs des peines énumérées à
l'article 131-39 du code pénal.
Ces peines sont :
- la dissolution, lorsque la personne morale a été
créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni
en ce qui concerne les personne physiques d'une peine d'emprisonnement
supérieure à cinq ans, détournée de son objet pour
commettre les faits incriminés ;
- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de
cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement l'activité
professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle l'infraction a
été commise ;
- le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance
judiciaire ;
- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus
des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements
de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
- l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou
pour une durée de cinq ans au plus ;
- l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de
cinq ans au plus, de faire appel public à l'épargne ;
- l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre
des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le
tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou
d'utiliser des cartes de paiement ;
- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée
à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
- l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de
celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication
audiovisuelle.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de deux
amendements de précision.
Article 7 -
Fonctionnaires habilités à
constater les infractions
Cet
article confère aux
officiers de police judiciaire
, aux
agents
du ministère de la défense habilités
dans des
conditions définies par décret en Conseil d'Etat ainsi qu'aux
agents des douanes
le pouvoir de constater les infractions aux
dispositions du projet de loi et de ses textes d'application.
Le procès-verbal de leurs constatations est adressé au Procureur
de la République.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
Article 8 -
Dérogation au principe de
territorialité de la loi
pénale
Cet
article prévoit que la loi française est applicable lorsqu'un
français commet à l'étranger une infraction relative aux
mines antipersonnel définies à l'article premier, et ce par
dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de
l'article 113-6 du code pénal qui, en ce qui concerne les délits,
n'ouvre cette possibilité que lorsque les faits sont punis par la
législation du pays où ils ont été commis.
De la sorte, la fabrication, le commerce ou l'emploi de mines antipersonnel par
un Français sera sanctionné, quand bien même il
s'effectuerait dans un pays n'ayant prévu, dans sa législation
pénale, aucune sanction pour ce type de faits. En d'autres termes,
l'interdiction définie à l'article premier s'impose à
tous les Français, où qu'ils se trouvent
.
L'article 8 stipule également que pour ce type d'infraction, la
dernière phrase de l'article 113-8 du code pénal, qui dispose
qu'une poursuite judiciaire doit être précédée d'une
plainte de la victime, ou de ses ayants-droits, ou d'une dénonciation
officielle par l'autorité du pays où le fait a été
commis, ne s'applique pas.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un
amendement de précision.
Article 9 -
Commission nationale pour
l'élimination des mines
antipersonnel
L'article 9 institue une "Commission nationale pour
l'élimination des mines antipersonnel".
Elle comprendra :
- des représentants du Gouvernement,
- deux députés et deux sénateurs,
- des représentants d'associations à vocation humanitaire,
- des représentants des organisations syndicales patronales et de
salariés,
- des personnalités qualifiées.
Un décret en Conseil d'Etat précisera la représentation
exacte de ces catégories et les modalités de désignation
des membres, ainsi que l'organisation et le fonctionnement de la commission.
Votre commission relève que la création d'une telle commission
avait été envisagée par la proposition de loi de Mme
Marie-Claude Beaudeau précitée.
Elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 10 -
Attributions de la Commission nationale
pour l'élimination des mines
antipersonnel
La
Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, se voit
confier deux séries d'attributions :
- le
suivi de l'application de la loi
, sur lequel elle établit un
rapport annuel qui sera adressé par le Gouvernement au Parlement,
- le
suivi de l'action internationale de la France
en matière
d'assistance aux victimes de mines antipersonnel et d'aide au déminage.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
Article 11 -
Conditions de détention du stock
autorisé
L'article 11 précise et encadre strictement les
conditions
dans lesquelles, en application de l'article 2, des stocks de mines
antipersonnel peuvent être conservés ou transférés,
aux fins de mise au point de techniques de détection, de formation au
déminage ou de destruction.
Il indique tout d'abord que de telles opérations ne peuvent être
effectuées que par les services de l'Etat ou sous leur contrôle.
Il stipule ensuite que les
stocks existants
de mines antipersonnel
seront détruits au plus tard le 31 décembre 2000
, ce qui
appelle deux remarques :
• d'une part, les opérations de
destruction du stock de mines
en dotation dans l'armée française
, de l'ordre de
1 400 000, ont démarré et ont déjà
porté sur environ 50 000 mines. Ces opérations vont
désormais se poursuivre selon un procédé industriel de
brûlage ce qui permettra d'accélérer le rythme de
destruction, la moitié du stock devant être détruit d'ici
la fin de l'année.
• d'autre part, l'
échéance du 31 décembre
2000
posée par la proposition de loi, est nettement plus
rapprochée que celle prévue par la convention d'Ottawa, à
savoir au plus tard 4 ans après l'entrée en vigueur de la
convention pour l'Etat considéré.
Enfin, l'article 11 précise le
nombre de mines pouvant être
détenues
, sous le contrôle des services de l'Etat, dans le
cadre de la dérogation prévue à l'article 2. Bien
qu'aucune indication chiffrée n'ait été fournie lors de
l'adoption de cette clause dérogatoire dans la convention d'Ottawa, la
France a estimé que le nombre de
5 000
était suffisant
pour répondre aux différents besoins énoncés
à l'article 2. Le Royaume-Uni et l'Allemagne se situeraient sur une
position sensiblement équivalente.
Par coordination avec la nouvelle rédaction qu'elle vous propose
à l'article 2, et qui reprend les précisions apportées par
cet article 11, votre commission vous propose de supprimer l'article
11.
Article 11 bis (nouveau)
-
Déclarations
Cet
article, introduit par amendement du Gouvernement adopté par
l'Assemblée nationale, tend à définir un
régime
de déclaration
, prévu dans le cadre des mesures de
transparence énoncées à l'article 7 de la convention
d'Ottawa.
Cet article reprend donc l'ensemble des
déclarations rendues
obligatoires par l'article 7 de la convention
(à l'exception de
celles sur la localisation des zones minées, qui sont sans objet),
à savoir :
- le total des stocks de mines antipersonnel, avec leur quantité, leur
type et leur numéro de lot,
- les types, quantités et numéros de lots des stocks dont la
conservation est autorisée, pour la formation ou en vue de la
destruction, ainsi que les installations qui les abritent,
- les types, quantités et numéros de lots des mines antipersonnel
détruites,
- l'état des programmes de destruction, incluant des précisions
sur les techniques utilisées et les normes observées en
matière de sécurité et d'environnement,
- l'état des programmes de reconversion ou de mise hors service des
installations de production des mines antipersonnel.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un
amendement de conséquence.
Article 11 ter (nouveau) -
Missions
d'établissement des faits: inspecteurs et
accompagnateurs
Cet
article, introduit par amendement du Gouvernement et adopté par
l'Assemblée nationale, concerne le
régime de
vérification internationale
prévu par l'article 8 de la
convention d'Ottawa.
La convention prévoit en effet que tout Etat partie peut demander
à un autre Etat partie des éclaircissements au sujet du respect
des dispositions qu'elle a prises. Si besoin, et sur
décision de la
majorité des Etats
réunis en Assemblée
générale, une
mission d'établissement des faits,
composée de neuf experts au maximum, peut être
dépêchée dans l'Etat concerné. C'est
également l'Assemblée générale qui détermine
le mandat de cette mission.
Ainsi que le stipule la convention, l'article 11 ter prévoit que ces
missions pourront porter sur toutes les zones ou toutes les installations
situées sur le territoire français où il pourrait
être possible de recueillir des faits pertinents relatifs au cas du non
respect présumé qui motive la mission (paragraphe 14 de l'article
8 de la convention).
La convention d'Ottawa (paragraphe 9 de l'article 8) prévoit que
ces
missions sont effectuées par des experts qualifiés
figurant
sur une liste dressée par le secrétaire général des
Nations unies, à partir des noms fournis par les Etats parties.
Ces
experts peuvent être récusés
par un Etat partie et dans
ce cas, il ne peuvent participer à une mission d'établissement
des faits sur le territoire de cet Etat, pour autant que cette
récusation ait été signifiée avant la
désignation de l'expert pour la mission considérée.
Cette procédure est évoquée par l'article 11 ter de la
proposition de loi qui précise que les misions d'établissement
des faits sont effectuées par des inspecteurs habilités par le
secrétaire général des Nations unies et
agréés par l'autorité administrative de l'Etat. Cet
agrément ne doit pas s'entendre comme une procédure
supplémentaire, mais il se rapporte à la faculté de
récusation laissée aux Etats parties par la convention.
L'article 11 ter se réfère également aux pouvoirs,
privilèges et immunités dont bénéficieront les
inspecteurs, en application de la convention, qui elle-même renvoie
à la convention sur les privilèges et immunités des
Nations unies de 1946.
L'article 11 ter précise par ailleurs le rôle de
l'
équipe d'accompagnement,
désignée par
l'autorité administrative de l'Etat, chargée d'accueillir les
inspecteurs à leur point d'entrée du territoire, d'assister aux
opérations et de les accompagner jusqu'à leur sortie du
territoire.
Cette équipe d'accompagnement s'inspire de la solution retenue pour
l'application de la convention sur les armes chimiques. Elle n'est pas
expressément prévue par la convention d'Ottawa qui stipule
simplement que l'Etat sollicité prendra des mesures administratives
nécessaires pour accueillir, transporter et loger la mission.
Un chef d'équipe d'accompagnement est plus particulièrement
chargé de veiller à la bonne orientation de la mission et de
représenter l'Etat auprès des inspecteurs. Il se fait communiquer
le mandat d'inspection et vérifie, conformément au paragraphe 12
de l'article 8 de la convention d'Ottawa, que les équipements
détenus par les inspecteurs sont conformes à la liste fournie par
la mission avant son arrivée et qu'ils sont exclusivement
destinés à être utilisés pour la collecte de
renseignement sur le cas de non-respect présumé.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'une
précision se référant à la procédure de
désignation des experts prévue par la convention
d'Ottawa.
Article 11 quater (nouveau) -
Droit d'accès
de la mission d'établissement des
faits
Cet
article résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par
l'Assemblée nationale.
Il précise tout d'abord que lorsque le lieu soumis à inspection
dépend d'une personne publique autre que l'Etat, l'autorisation
d'accès est donné par une autorité administative de l'Etat.
Il définit par ailleurs les conditions dans lesquelles la mission
d'établissement des faits peut accéder à des
lieux
relevant d'une personne privée
.
En effet, si la convention d'Ottawa (paragaphe 14 de l'article 8) impose
à l'Etat sollicité d'accorder à la mission
d'établissement des faits l'accès à toutes les zones et
toutes les installations où pourraient être recueillis des
éléments pertinents, elle précise également que
cet accès sera assujetti aux mesures que l'Etat jugera nécessaire
pour la protection des droits constitutionnels
, notamment en matière
de droit de propriété, de fouille ou de saisie.
Ainsi, lorsque l'accès du lieu dépend d'une personne
privée, la procédure retenue est la suivante :
• le chef de l'équipe d'accompagnement avise de l'inspection la
personne ayant qualité pour autoriser l'accès,
• si cette personne ne peut être jointe, ou si elle refuse
l'accès, l'inspection ne peut commencer qu'avec l'
autorisation
du président du tribunal de grande instance
ou du juge
délégué par lui,
• avant de statuer par voie d'ordonnance, le président du tribunal
de grande instance s'assure que la demande d'inspection est conforme à
la convention d'Ottawa et que le mandat d'inspection a bien été
délivré. Il vérifie l'habilitation des membres de
l'équipe d'inspection et des accompagnateurs. L'ordonnance est
notifiée aux personnes concernées soit au moment de la visite,
ou, en leur absence, par lettre recommandée avec accusé de
réception.
• la visite s'effectue sous le
contrôle du juge
qui l'a
autorisée et qui désigne à cet effet un officier de police
judiciaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
Article 11 quinquiès (nouveau) -
Protection
de la confidentialité et des droits de la
personne
Dans le
même esprit que l'article précédent, et conformément
à l'article 8, paragraphe 14, de la convention, qui permet à
l'Etat inspecté de prendre les mesures nécessaires concernant non
seulement les obligations constitutionnelles, mais aussi la
protection
d'équipements, d'informations et de zones sensibles
, l'article 11
quinquiès, introduit par un amendement du gouvernement adopté par
l'Assemblée Nationale, précise les conditions dans lesquelles le
chef de l'équipe d'accompagnement peut prendre toutes les dispositions
qu'il estime nécessaires à la protection de la
confidentialité et du secret, ainsi que des droits de la personne.
Après avoir avisé le chef de la mission d'établissement
des faits du caractère confidentiel ou privé des informations, il
peut notamment s'assurer qu'aucun document sans rapport avec la mission n'est
détenu par des inspecteurs, et que ceux qu'il désigne comme
confidentiels bénéficient de la protection appropriée
(conformément au paragaphe 16 de l'article 8 de la convention).
Enfin, la convention d'Ottawa prévoyant (paragraphe 14 de l'article 8)
qu'au cas où il prendrait de telles mesures de protection, l'Etat
inspecté doit déployer tous les efforts raisonnables pour
démontrer par d'autres moyens qu'il respecte la convention, le dernier
alinéa de l'article 11 quinquiès stipule qu'aux cas où le
chef de l'équipe d'accompagnement fait usage des procédures de
protection, il est tenu de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour
proposer des mesures de substitution visant à démontrer le
respect de la convention et à satisfaire aux demandes de l'équipe
d'inspection.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
Article 12 -
Entrée en vigueur de la
loi
Cet
article prévoit que la loi sera applicable dès l'entrée en
vigueur de la convention d'Ottawa et, en tout état de cause,
au plus
tard le 1er juillet 1999
.
En ce qui concerne la convention d'Ottawa, son article 17 dispose qu'elle
entrera en vigueur le premier jour du sixième mois suivant celui au
cours duquel le 40e instrument de ratification aura été
déposé. Ainsi, la loi ne pourrait s'appliquer avant le ler
juillet 1999 que si 40 instruments de ratification sont déposés
d'ici le 31 janvier prochain.
Cet article appelle deux remarques de la part de votre commission, l'une de
fond, l'autre plus formelle.
Sur le fond, étant donné que notre pays a déjà
interdit la production et l'exportation des mines antipersonnel, la
conséquence principale de l'entrée en vigueur des prescriptions
de la convention d'Ottawa sera le renoncement définitif à tout
emploi des mines antipersonnel.
On a indiqué lors de l'examen de l'article premier qu'un
équipement destiné à remplir les fonctions d'alerte
dévolues aux mines antipersonnel -le système MODER- allait
progressivement entrer en dotation dans l'armée de terre à partir
de 1999, la totalité des équipements étant pourvue en 2001.
Il est donc clair qu'à la fin de 1999, seule une partie des forces sera
équipée de ce système qui sera donc en mesure d'apporter
une protection appropriée à des troupes en opérations dans
la limite cependant d'un certain contingent.
Sur la forme, votre commission considère que le système de
"double date" retenu par l'article 12 pour l'entrée en vigueur de la loi
est quelque peu complexe, d'autant que compte tenu du rythme de ratification de
la convention d'Ottawa, on peut penser que son entrée en vigueur ne sera
guère éloignée du 1er juillet 1999. Dans ces conditions,
sans doute aurait-il été plus simple et plus clair de ne retenir
qu'une seule date, celle de l'entrée en vigueur de la convention.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
Article 13 (nouveau) -
Applicabilité aux
territoires d'outre-mer
Cet
article, adopté par l'Assemblée nationale à la suite d'un
amendement du Gouvernement, précise que la loi s'applique aux
territoires d'Outre-mer ainsi qu'à la collectivité territoriale
de Mayotte, collectivité territoriale à statut particulier
n'ayant pas le statut de département d'Outre-mer.
En effet, les règles constitutionnelles ont posé, pour les
territoires d'Outre-mer, un principe de spécialité
législative qui veut qu'une loi ne leur soit applicable qu'en vertu
d'une disposition expresse de cette même loi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
*
* *
Votre commission vous demande d'adopter l'ensemble du projet de loi assorti des amendements qu'elle vous propose.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des Affaires étrangères, de la Défense et des
Forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa
réunion du mercredi 27 mai 1998.
M. Daniel Goulet, rapporteur, a indiqué que la convention d'Ottawa
nécessitait des mesures d'application nationales, notamment en
matière de sanctions pénales, et que tel était l'objet de
la proposition de loi adoptée le 24 avril dernier par l'Assemblée
nationale. Il a précisé que les deux propositions de loi
d'origine sénatoriale allaient dans le même sens.
Il a alors présenté les principales dispositions du texte
adopté par l'Assemblée nationale, à savoir :
- l'inscription dans la loi française du principe de l'interdiction de
l'emploi, de la fabrication, du stockage et du transfert des mines
antipersonnel;
- la destruction des stocks d'ici la fin de l'an 2000, à l'exception
d'une quantité maximale de 5 000 mines destinée à la
formation des démineurs et à la mise au point de matériels
de détection, de déminage et de destruction ;
- l'édiction de sanctions pénales ;
- la mise en place d'un régime de déclaration ;
- les conditions de déroulement des missions d'établissement des
faits prévues par la convention.
Considérant que ce texte devait se borner à permettre
l'application en droit français de la convention d'Ottawa, M. Daniel
Goulet, rapporteur, en a proposé l'adoption, sous réserve de
quelques amendements de clarification et de précision inspirés du
souci de traduire aussi fidèlement que possible la lettre et l'esprit de
la convention.
Mme Marie-Claude Beaudeau, entendue en application de l'article 18-3 du
Règlement du Sénat, a ensuite présenté la
proposition de loi n° 403 (1997-1998) qu'elle a déposée avec
les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.
Elle a estimé que les mines antipersonnel constituaient un fléau
à caractère planétaire qui violait doublement les
conventions de Genève en frappant sans distinction civils et militaires
et en provoquant des maux superflus. Elle a rappelé les positions prises
par la France à l'égard des mines antipersonnel et s'est
félicitée de l'adoption de la convention d'Ottawa qui
représente une norme humanitaire proclamant l'illégalité
totale de ces armes.
Elle a jugé la proposition de loi adoptée par l'Assemblée
nationale plus complète que le projet de loi déposé en
avril 1997 par le précédent Gouvernement, qui n'interdisait pas
l'utilisation et le stockage des mines antipersonnel.
Elle a précisé que sa proposition tendait à une
interdiction plus large encore en visant les composants des mines antipersonnel
ainsi que les mines à usage mixte, antivéhicules et
antipersonnel, afin d'éviter un contournement de la convention d'Ottawa.
Elle a souhaité l'adoption de sanctions pénales de nature
criminelle à l'encontre des infractions à la loi, y compris
lorsqu'elles sont commises par un citoyen français hors du territoire
national. Elle a souligné l'importance de la commission nationale pour
l'élimination des mines antipersonnel prévue par sa proposition
de loi.
La commission a alors procédé à l'examen des articles de
la proposition de loi n° 410 (1997-1998), adoptée par
l'Assemblée nationale.
Avant l'article premier, la commission a inséré un article
additionnel tendant à placer en tête du texte l'article relatif
à la définition des mines antipersonnel, qui figurait à
l'article 3, et à renvoyer aux définitions contenues dans la
convention d'Ottawa elle-même.
A l'article premier, elle a adopté un amendement tendant à
ajouter la conservation des mines antipersonnel dans la liste des
activités interdites par cet article, ainsi que le prévoit la
convention d'Ottawa, puis l'article premier ainsi amendé.
A l'article 2, relatif aux exceptions au principe d'interdiction posé
à l'article précédent, elle a adopté un amendement
tendant à regrouper en un seul article les dispositions figurant aux
articles 2 et 11, de manière à viser à la fois la nature
et les limites de ces exceptions. Elle a adopté l'article 2 ainsi
amendé.
Puis la commission a supprimé l'article 3, par coordination avec
l'insertion d'un article additionnel avant l'article premier.
A l'article 4, elle a adopté un amendement prévoyant des
sanctions pénales en cas d'entrave aux procédures internationales
d'établissement des faits, puis l'article 4 ainsi amendé.
Elle a adopté l'article 5 assorti d'un amendement rédactionnel,
puis l'article 6 assorti de deux amendements rédactionnels.
Elle a adopté l'article 7 sans modification, puis l'article 8 assorti
d'un amendement de précision.
Elle a adopté sans modification les articles 9 et 10 relatifs à
la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel.
Puis la commission, par coordination avec l'amendement adopté à
l'article 2, a supprimé l'article 11.
Elle a adopté l'article 11 bis assorti d'un amendement
rédactionnel, puis l'article 11
ter assorti d'un amendement de
précision. Elle a adopté l'article 11 quater sans modification,
puis l'article 11 quinquiès assorti d'une rectification.
La commission a enfin adopté les articles 12 et 13 sans modification.
A l'issue de l'examen des articles, M. Jean Arthuis a fait part de ses
réserves quant à la présence de parlementaires au sein de
la commission instituée par la proposition de loi. Il a estimé
que le Parlement devait privilégier ses propres pouvoirs de
contrôle à son implication dans de tels organismes.
Mme Danielle Bidard-Reydet s'est pour sa part interrogée sur la
possibilité, pour les pays pauvres, de conduire des opérations de
déminage, et a souhaité une assistance financière
internationale pour les y aider.
M. Daniel Goulet, rapporteur, a précisé que depuis 1994, la
France avait consacré 120 millions de francs à l'assistance
internationale au déminage, soit à titre bilatéral, soit
dans le cadre de programmes multilatéraux.
La commission a alors adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi
modifiée.
ANNEXE
DISPOSITIONS DU CODE
PÉNAL
VISÉES AUX ARTICLES 4, 5, 6 ET 8
DE LA PROPOSITION
DE LOI
Article 113-6
La loi pénale française est applicable à tout crime commis
par un Français hors du territoire de la République.
Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du
territoire de la République si les faits sont punis par la
législation du pays où ils ont été commis.
Il est fait application du présent article lors même que le
prévenu aurait acquis la nationalité française
postérieurement au fait qui lui est imputé.
Article 113-8
Dans les cas pévus aux articles 113-6 et 113-7, la poursuite des
délits ne peut être exercée qu'à la requête du
ministère public. Elle doit être précédée
d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation
officielle par l'autorité du pays où le fait a été
commis.
Article 121-2
Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables
pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et
dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions
commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont
responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice
d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de
délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle
des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.
Article 131-26
L'interdiction de droits civiques, civils et de famille porte sur :
1° Le droit de vote ;
2° L'éligibilité ;
3° Le droit d'exercer une fonction juridictionnelle ou d'être expert
devant une juridiction, de représenter ou d'assister une partie devant
la justice ;
4° Le droit de témoigner en justice autrement que pour y faire de
simples déclarations ;
5° Le droit d'être tuteur ou curateur ; cette interdiction n'exclut
pas le droit, après avis conforme du juge des tutelles, le conseil de
famille entendu, d'être tuteur ou curateur de ses propres enfants.
L'interdiction des droits civiques, civils et de famille ne peut excéder
une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une
durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit.
La juridiction peut prononcer l'interdiction de tout ou partie de ces droits.
L'interdiction du droit de vote ou l'inégibilité
prononcées en application du présent article emportent
interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique.
Article 131-27
Lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire pour un
crime ou un délit, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou
d'exercer une activité professionnelle ou sociale est soit
définitive, soit temporaire ; dans ce dernier cas, elle ne peut
excéder une durée de cinq ans.
Cette interdiction n'est pas applicable à l'exercice d'un mandat
électif ou de responsabilités syndicales. Elle n'est pas non plus
applicable en matière de délit de presse.
Article 131-38
Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au
quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui
réprime l'infraction.
Article 131-39
Lorsque la loi le prévoit à l'encontre d'une personne morale, un
crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de
plusieurs des peines suivantes :
1° La dissolution, lorsque la personne morale a été
créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni
en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement
supérieure à cinq ans, détournée de son objet pour
commettre les faits incriminés ;
2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une
durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou
plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous
surveillance judiciaire ;
4° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au
plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des
établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits
incriminés ;
5° L'exclusion des marchés publics à titre définitif
ou pour une durée de cinq ans au plus ;
6° L'interdiction, à titre définitif ou pour une
durée de cinq ans au plus, de faire appel public à
l'épargne ;
7° L'interdiction, pour une durée cinq ans au plus,
d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait
de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont
certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;
8° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée
à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
9° L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de
celle-si soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication
audiovisuelle.
Les peines définies aux 1° et 3° ci-dessus ne sont pas
applicables aux personnes morales de droit public dont la responsabilité
pénale est susceptible d'être engagée. Elles ne sont pas
non plus applicables aux partis ou groupements politiques ni aux syndicats
professionnels. La peine définie au 1° n'est pas applicable aux
institutions représentatives du personnel.
Article 221-8
Les personnes physiques coupables des infractions prévues au
présent chapitre encourent également les peines
complémentaires suivantes :
1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par
l'article 131-27, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a
été commise ;
2° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de
cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
3° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de
conduire, cette suspension pouvant être limitée à la
conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
4° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la
délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
5° La confiscation d'une ou plusieurs armes dont le condamné est
propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
6° Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la
délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus.
Article 221-9
Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la section
1 du présent chapitre encourent également les peines
complémentaires suivantes :
1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les
modalités prévues par l'article 131-26 ;
2° L'interdiction d'exercer une fonction publique, selon les
modalités prévues par l'article 131-27 ;
3° La confiscation prévue par l'article 131-21 ;
4° L'interdiction de séjour, suivant les modalités
prévues par l'article 131-31.
Article 221-10
Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la section
II du présent chapitre encourent également la peine
complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision
prévue par l'article 131-35.
Article 221-11
L'interdiction du territoire français peut être prononcée
dans les conditions prévues par l'article 131-30, soit à titre
définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à
l'encontre de tout étranger coupable de l'une des infractions
définies à la section I du présent chapitre.