Rapport sur une proposition de résolution sur Euro 1999


Alain LAMBERT, Sénateur


COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION - RAPPORT N° 382 - 1997/1998

Table des matières






N° 382

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 avril 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur les propositions de résolution, présentées en application de l'article 73 bis du Règlement :

- par M. Claude ESTIER et les membres du groupe socialiste et apparentés,

- par M. Xavier de VILLEPIN,

- par Mmes Hélène LUC, Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Louis MINETTI, Robert PAGÈS, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

sur EURO 1999 - 25 mars 1998 - Rapport sur l'état de la convergence et recommandation associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (Partie 1 : Recommandation - Partie 2 : Rapport) (E 1045) ,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René Régnault,
vice-présidents ; Emmanuel Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Sénat : 362 , 370 et 378 (1997-1998).

 

Union européenne.

AVANT-PROPOS

La commission des finances du Sénat a été saisie de trois propositions de résolution relatives à la recommandation de la Commission européenne préconisant l'adoption par onze Etats de l'euro. Ce rapport est consacré à l'ensemble de ces textes.

La recommandation de la Commission au Conseil s'inscrit dans le cadre de la procédure organisée par l'article 109 J du traité sur l'Union européenne -article 121 du traité d'Amsterdam- pour passer à la troisième phase de l'Union économique et monétaire.

Cette troisième phase qui, faut-il le rappeler, est celle de l'adoption de la monnaie unique, de l'euro, contribue à atteindre l'un des objectifs majeurs de la Communauté européenne, l'établissement d'une Union économique et monétaire.

Le chemin vers une union monétaire en Europe a été long et semé d'embûches. L'aboutissement du projet est le résultat d'un engagement politique très fort de plusieurs générations de chefs d'Etat et de gouvernement que, moyennant débat, les opinions publiques ont soutenu majoritairement. L'adoption de l'euro est avant tout un acte politique. Chaque Etat participant abandonne une part de sa souveraineté au profit de la construction européenne. L'adoption de l'euro est une étape historique de cette construction. Elle resserre les liens entre les Etats et les peuples d'Europe. Elle s'inscrit dans le mouvement vers une Europe unie et puissante.

Ce dernier ne peut lui-même se comprendre sans référence au processus de mondialisation. Face à des puissances économiques extérieures considérables, les Etats européens doivent relever le défi et, par conséquent, s'unir. Cette union est d'autant plus nécessaire qu'existe entre eux une forte interdépendance économique et d'autant plus justifiée que de profondes racines culturelles communes unissent les peuples d'Europe. L'adoption d'une monnaie unique les renforcera sans doute mais elle doit surtout permettre de retrouver une vraie souveraineté monétaire fondée sur la disposition d'une monnaie appelée à devenir à tout le moins l'égale des autres devises internationales. Cette souveraineté monétaire retrouvée s'inscrit en outre dans un contexte de solidarité monétaire renforcée entre les Etats européens. L'euro, c'est bien aussi le partage d'une même monnaie et l'abandon de "l'arme monétaire" entre les pays européens.

Le désarmement monétaire n'est cependant pas le désarmement général. La fin de l'illusion monétaire signe sans doute une intensification supplémentaire des concurrences. Les performances économiques compteront plus encore demain qu'hier. L'adoption de l'euro, qui ne constitue pas de ce point de vue une révolution, mais plutôt un stade supplémentaire et ultime dans une évolution vers un système monétaire européen de changes fixes, appelle donc un approfondissement de la construction européenne.

Il reste en effet à poser les règles d'une concurrence loyale. Il reste sans doute aussi à progresser vers la conciliation des points de vue, des objectifs et des moyens.

Mais, s'agissant de l'Union monétaire, le passage à la troisième phase de sa réalisation en constitue, pour les pays qui y participeront, l'aboutissement au terme duquel se trouvent instaurées une monnaie unique ainsi que la définition et la conduite d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques. L'article 4 du traité détermine l'objectif principal de cette union qui est de maintenir la stabilité des prix " et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans la Communauté ".

Cet aboutissement doit réussir car l'adoption de l'euro est bien une étape majeure, historique, de la construction européenne. Mais elle ne deviendra un succès que pour autant que sa contribution à la réalisation des objectifs éminents qu'elle est censée servir soit effective.

C'est à cette condition qu'elle recueillera le plein soutien des peuples.

L'union monétaire n'est en effet pas une fin suprême. Elle n'est d'ailleurs pas considérée par les traités autrement que comme un moyen parmi d'autres, l'établissement d'un marché commun, la mise en oeuvre de politiques économiques communes, au service d'un projet plus ambitieux.

Celle-ci, telle que précisée à Amsterdam, est définie à l'article 2 du traité et consiste à "promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, l'égalité entre les hommes et les femmes , une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement , le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les Etats membres 1( * ) ".

Quant à l'Union économique et monétaire, elle suppose à côté de l'Union monétaire, la mise en oeuvre d'actions diverses dont l'énoncé se trouve aux articles 3 et 4 du traité. Parmi celles-ci, il faut citer, car il s'agit d'une sorte de pendant de l'unification monétaire "l'instauration d'une politique économique fondée sur l'étroite coordination des politiques économiques des Etats membres...".

CHAPITRE PREMIER

L'EURO POUR ONZE ÉTATS MEMBRES

La recommandation de la Commission consacre les succès économiques remportés par l'Europe.

Elle ouvre la perspective du développement d'une monnaie unique, facteur de solidarité entre les Etats qui l'adopteront et de puissance pour l'Europe.

Mais, tout n'est pas pour autant acquis. L'Europe doit affermir sa situation économique et apprendre à gérer une monnaie unique.

I. LE SUCCÈS DE LA CONVERGENCE FONDE L'ADOPTION PAR UNE LARGE COMMUNAUTÉ D'ETATS D'UNE MÊME MONNAIE, INSTRUMENT D'UNE EUROPE PUISSANTE

A. LES SUCCÈS DE LA CONVERGENCE ÉCONOMIQUE

Les progrès réalisés en matière de convergence conduisent la Commission à recommander la constitution d'une zone euro à onze pays. Quelques indications liminaires s'imposent pour rappeler la procédure prévue par le Traité et souligner la justification de l'intervention du Parlement national dans le processus en cours.


La procédure prévue par le Traité

La recommandation de la Commission s'inscrit dans le cadre de la procédure prévue à l'article 109 J du traité de Maastricht.

Les stipulations du traité -article 109 J- organisant le passage à la troisième phase de réalisation de l'union économique et monétaire précisent que, sauf mise en oeuvre antérieure, la troisième phase commence le 1er janvier 1999.

La procédure se déroule en plusieurs étapes.


·
La commission et l'Institut monétaire européen -IME- ont rendu le 25 mars dernier leurs rapports -visés au paragraphe I de l'article - consacrés aux progrès faits par les Etats membres dans l'accomplissement de leurs obligations pour la réalisation de l'Union économique et monétaire.


·
La commission a alors adressé la recommandation visée par les propositions de résolution renvoyées à la commission des finances du Sénat au Conseil de l'Union européenne qui statuant à la majorité qualifiée devra évaluer " pour chaque Etat membre s'il remplit les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique". Le Conseil de l'Union européenne transmettra alors sous forme de recommandations ses conclusions au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.

Le Parlement européen est consulté sur les recommandations du Conseil et transmet son avis au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.


·
Finalement, ce dernier confirmera à la majorité qualifiée quels sont les Etats qui remplissent les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique.

Cette procédure appelle quelques observations afin de préciser certains éléments, parfois un peu flous.

Le rôle central y est joué par le Conseil de l'Union européenne. C'est lui qui conclut qu'un Etat membre remplit les conditions pour adopter la monnaie unique. La Commission, l'IME, le Parlement européen n'ont pas de compétence décisionnaire en la matière.

Un problème se pose, en revanche, au sujet de la compétence du Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Le Traité indique que celui-ci confirme les décisions du Conseil de l'Union européenne. La marge d'appréciation laissée au Conseil apparaît ainsi des plus réduites. Pourtant, une règle de majorité étant posée, il y a lieu de considérer que le Conseil dispose d'un pouvoir de décision. Ainsi, si le Conseil de l'Union européenne joue un rôle central, celui-ci ne dispose pas d'une compétence exclusive. Le Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement a le dernier mot , mais son pouvoir est "bordé" par les recommandations du Conseil de l'Union européenne.

Un débat s'est ouvert sur l'automaticité du passage à la monnaie unique pour les Etats réunissant les conditions nécessaires à l'adoption de l'euro. Ce débat exclut les situations particulières du Danemark et du Royaume-Uni qui, par protocoles annexés au traité, sont exemptés de l'obligation d'adopter l'euro. Mais, pour les autres Etats, c'est bien une telle obligation qui est posée par le traité sans préjudice de la marge d'interprétation laissée aux différentes institutions communautaires à l'occasion de l'examen des performances économiques des Etats membres auquel, aux termes du traité, elles se livrent.

Dans ces conditions, l'intervention éventuelle des Parlements nationaux avant l'adoption de la recommandation du Conseil de l'Union européenne, est-elle vraiment utile ?

Une réponse affirmative doit, sans aucune ambiguïté, être donnée à cette interrogation. Il est non seulement utile mais nécessaire à la démocratie que le Parlement exprime à cette occasion ses volontés et les adresse au gouvernement . C'est là tout le sens de la procédure de l'article 88-4 de notre Constitution. Sans doute celle-ci n'a-t-elle pas, en l'occurrence, la portée juridique de la réserve d'interprétation admise par la Cour constitutionnelle allemande au terme de laquelle le Bundestag aura à se prononcer sur le passage à la troisième phase de réalisation de l'Union monétaire. Mais, elle constitue un outil politique de grande importance que seule une conception négligeante du Parlement pourrait conduire à minimiser. Le renforcement de l'intégration européenne appelle sans doute une rénovation des moyens d'information et de contrôle des Parlements nationaux à laquelle la Délégation du Sénat pour l'Union européenne apporte une réflexion toute particulière. Qu'il soit ici permis d'insister pour que les résolutions du Sénat soient prises en compte par l'exécutif et que celui-ci mette le plus grand soin à rendre compte de leur respect !

Une dernière observation doit souligner un paradoxe juridique introduit par le droit européen. Le Parlement national ne sera, semble-t-il, pas saisi des recommandations adressées par le Conseil de l'Union européenne au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement alors que le Parlement européen aura lui l'occasion de donner son avis au dit Conseil.

1. Retour sur les conditions d'adoption de la monnaie unique

La recommandation de la Commission est la suite logique de l'examen présenté dans son rapport sur l'état de la convergence du 25 mars 1998 des "progrès faits par les Etats membres dans l'accomplissement de leurs obligations pour la réalisation de l'Union économique et monétaire" .

Un autre rapport coexiste avec celui de la Commission, le rapport élaboré par l'Institut monétaire européen -IME-. Institutionnellement, il servira, tout comme le rapport de la Commission, de base au Conseil pour évaluer si chaque Etat membre remplit les conditions nécessaires pour l'adoption de la monnaie unique.

Ces dernières sont bien connues, mais il n'est pas inutile de les rappeler.

Auparavant, il convient de souligner l'insistance mise par la Commission et l'IME à placer sur un pied d'égalité toutes les conditions posées par le Traité et à affirmer que chacune d'entre elles doit être atteinte pour qu'un Etat puisse adopter l'euro.

Il est également à souligner que le Traité se réfère à des conditions soit à une notion qui n'est pas simplement assimilable aux fameux critères souvent évoqués.


Les trois catégories de conditions

La première catégorie de conditions est institutionnelle : les législations nationales doivent être compatibles avec les articles 107 et 108 du Traité et avec les statuts du système européen de banques centrales -SEBC.

La deuxième catégorie de conditions est la mieux connue, popularisée qu'elle a été sous les vocables divers de "critères de convergence", de "critères du traité de Maastricht."

Il s'agit :

- de la réalisation d'un degré élevé de stabilité des prix ;

- du caractère soutenable de la situation des finances publiques ;

- du respect des marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de change du système monétaire européen ;

- du caractère durable de la convergence atteinte par l'Etat membre et de sa participation au mécanisme de change qui se reflète dans les niveaux de taux d'intérêt à long terme .

La troisième et dernière catégorie de conditions, appelées "facteurs supplémentaires" par la Commission, a trait :

- au développement de l'écu ;

- aux résultats de l'intégration des marchés ;

- à la situation et à l'évolution des balances des paiements courants ;

- à l'évolution des coûts salariaux unitaires et d'autres indices de prix.

Ces conditions édictées au paragraphe 1 de l'article 109 J ont été précisées, les unes par la pratique d'examen de la Commission, les autres par protocole annexé au Traité.

S'agissant des conditions institutionnelles relatives à la compatibilité des législations nationales avec les stipulations du Traité, c'est à la pratique d'examen de la Commission qu'il faut se reporter pour l'essentiel. Celle-ci a pris l'habitude de faire porter son examen sur trois aspects :

- les objectifs assignés aux banques centrales nationales (BCN) ;

- leur indépendance ;

- leur capacité à être intégrées dans le système européen de banques centrales (SEBC).

C'est ainsi qu'en ce qui concerne les objectifs des BCN, la Commission estime qu'ils doivent être compatibles avec ceux du SEBC tels que définis à l'article 105 paragraphe 1 du Traité : L'objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité de prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l'article 2" .

Dans ces conditions, la Commission soumet la compatibilité des dispositions de droit national renvoyant à la politique du gouvernement ou à des objectifs macro-économiques spécifiques avec le Traité, à la condition que "soit respectée la primauté des premier et deuxième objectifs de l'article 105 du Traité".

En ce qui concerne l' indépendance des BCN, la Commission opère le classement des critères d'indépendance qui suit :

" Critères institutionnels

Cette catégorie renvoie par exemple au fait qu'aucun organisme extérieur à la BCN n'a le droit, en ce qui concerne les missions relevant du SEBC :

- de donner des instructions à la BCN .

- d'approuver, de suspendre, d'annuler ou de différer une décision de la BCN .

- de censurer les décisions de la BCN pour des raisons de légalité ;

- de faire partie des organes de décision de la BCN en y ayant un droit de vote ;

- d'être consulté avant que la BCN prenne une décision.

Critères liés au personnel

- Certaines règles doivent figurer dans la législation nationale en application de l'article 14.2 des statuts du SEBC :

- la durée du mandat du Gouverneur doit être d'au moins cinq ans ;

- un Gouverneur ne peut être relevé de ses fonctions que s'il ne remplit plus les conditions nécessaires à l'accomplissement de ses devoirs ou s'est rendu coupable de faute grave.

Critères financiers

Il est évident qu'une BCN doit répondre de ses actes en matière financière. Cependant, instaurer un droit de contrôle ex ante sur son budget peut, selon le contexte, la placer dans l'impossibilité d'accomplir de manière indépendante les missions qui lui incombent dans le cadre du SEBC.

Enfin, s'agissant de l'intégration des banques centrales nationales dans le SEBC et des dispositions diverses, la Commission rappelle que la BCE veille à ce que les missions conférées au SEBC soient exécutées par ses propres activités 2( * ) ou par les banques centrales nationales, et que les BCN font partie intégrante du SEBC et agissent conformément aux orientations et aux instructions de la BCE. Elle en déduit que les dispositions des statuts des BCN qui les empêchent d'assumer leur rôle doivent être adaptées conformément à l'article 108, et donne une liste d'exemples de dispositions incompatibles :

- dispositions en vertu desquelles la BCN est compétente pour fixer les taux d'intérêt applicables aux opérations de crédit ou pour imposer des réserves minimums ;

- règles liant le Gouverneur lors des votes au Conseil des gouverneurs de la BCE ;

- dispositions empêchant l'organe de décision de la BCN de suivre les orientations ou instructions de la BCE .

- règles ne respectant pas les dispositions financières des statuts du SEBC .

- règles empêchant une BCN de détenir et de gérer les réserves officielles de change."


S'agissant des "critères de convergence" , leur définition a été précisée par voie de protocoles annexés au traité.

Le protocole, n° 6 fixe les modalités des critères. Il précise que le critère de stabilité de prix signifie qu'un Etat membre a un degré de stabilité des prix durable et un taux d'inflation moyen observé au cours d'une période d'un an qui ne dépasse pas de plus de 1,5 % celui des trois Etats membres au plus présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

S'agissant du critère relatif à la situation des finances publiques , le protocole reprend fidèlement les termes de l'article 109J en prévoyant que le caractère soutenable de la situation des finances publiques sera atteint si l'Etat membre ne fait pas l'objet au moment de l'examen d'une décision du Conseil visée à l'article 104C paragraphe 6 du traité concernant l'existence d'un déficit excessif dans l'Etat membre concerné.

En ce qui concerne le critère de participation au mécanisme de change , il signifie que la monnaie de l'Etat concerné a respecté les marges normales de fluctuation prévues sans connaître de tensions graves pendant au moins les deux dernières années précédant l'examen.

Enfin, s'agissant du critère des taux d'intérêt , il signifie que l'Etat membre n'a pas eu, pendant l'année précédant l'examen, un taux d'intérêt nominal moyen à long terme excédant de 2 % celui des trois Etats membres au plus présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

Compte tenu du renvoi opéré à l'article 104C du traité, le second protocole pertinent est le protocole n° 5 sur la procédure concernant les déficits excessifs. Celle-ci fait l'objet de développements approfondis dans le chapitre II de ce rapport qui rappelle, en particulier, les valeurs retenues pour apprécier la discipline budgétaire dans les Etats membres. Mais, une curiosité doit être remarquée.

Il est en effet souligné dans la suite de ce rapport qu'une lecture à la lettre du texte de l'article 104 C semble exclure qu'une décision du Conseil prise dans le cadre du paragraphe 6 du traité "place" en situation de déficit excessif un Etat membre qui ferait preuve de laxisme dans la maîtrise de sa dette publique.

Ce n'est donc que par le truchement d'une interprétation très extensive mais conforme à la logique économique que le critère de la dette publique a pu être pris en considération pour apprécier l'aptitude d'un Etat membre à adopter l'euro.

Il reste que l'on attend mieux de l'ordre juridique européen que le recours à la syllepse dont on rappelle que, "figure de grammaire réglant l'accord des mots, non d'après les règles grammaticales, mais d'après les vues particulières de l'esprit", elle a sans doute plus de charme et de justification dans la littérature que dans les textes de droit.

S'agissant des " facteurs supplémentaires ", c'est également de la pratique de la Commission qu'on peut tirer quelques enseignements sur leur sens.

C'est en effet une appréciation large dont dispose la Commission pour apprécier les différents "facteurs supplémentaires" énoncés par le traité.

2. Les performances économiques des Etats membres

Le rapport de la Commission et le rapport de l'IME s'accordent pour constater que onze Etats membres candidats à l'adoption de l'euro présentent les conditions posées pour procéder à l'adoption de l'euro.

Le tableau ci-dessous synthétise l'état de chacun au regard des "critères de convergence" tel que le décrit le rapport de la Commission.

Situation actuelle des Etats membres en matière de convergence

 

Inflation

Situation des finances publiques

Taux de change

Taux d'intérêt à long terme

 

IPCH
(a)

Existence d'un déficit excessif
(b)

Déficit (% du PIB)
(c)

Dette
(% du PIB)

Participation au mécanisme de change


(d)

 

Janvier 1998

 

1997

1997

Variation par rapport à
l'année précédente

Mars 1998

Janvier 1998

 
 
 
 
 

1997

1996

1995

 
 

Valeur de référence

2,7 (e)

 

3

60

 
 
 
 

7,8 (f)

B

1,4

oui (g)

2,1

122,2

- 4,7

- 4,3

- 2,2

oui

5,7

DK

1,9

non

- 0,7

65,1

- 5,5

- 2,7

- 4,9

oui

6,2

D

1,4

oui (g)

2,7

61,3

0,8

2,4

7,8

oui

5,6

EL

5,2

oui

4,0

108,7

- 2,9

1,5

0,7

oui (h)

9,8 (i)

E

1,8

oui (g)

2,6

68,8

- 1,3

4,6

2,9

oui

6,3

F

1,2

oui (g)

3,0

58,0

2,4

2,9

4,2

oui

5,5

IRL

1,2

non

- 0,9

66,3

- 6,4

- 9,6

- 6,8

oui

6,2

I

1,8

oui (g)

2,7

121,6

- 2,4

- 0,2

- 0,7

oui (j)

6,7

L

1,4

non

- 1,7

6,7

0,1

0,7

0,2

oui

5,6

NL

1,8

non

1,4

72,1

- 5,0

- 1,9

1,2

oui

5,5

A

1,1

oui (g)

2,5

66,1

- 3,4

0,3

3,8

oui

5,6

P

1,8

oui (g)

2,5

62,0

- 3,0

- 0,9

2,1

oui

6,2

FIN

1,3

non

0,9

55,8

- 1,8

- 0,4

- 1,5

oui (k)

5,9

S

1,9

oui (g)

0,8

76,6

- 0,1

- 0,9

- 1,4

non

6,5

UK

1,8

oui (g)

1,9

53,4

- 1,3

0,8

3,5

non

7,0

EUR

1,6

 

2,4

72,1

- 0,9

2,0

3,0

 

6,1

(a) Variation en pourcentage de la moyenne arithmétique des 12 derniers indices mensuels des prix à la consommation harmonisés (IPCH) par rapport à la moyenne arithmétique des 12 IPCH de la période précédente. (b) Décisions du Conseil des 26 septembre 1994, 10 juillet 1995, 27 juin 1996 et 30 juin 1997. (c) Un signe négatif indique un excédent.

(d) Durée moyenne : 10 ans ; moyenne des 12 derniers mois. (e) Définition adoptée dans le présent rapport : moyenne arithmétique simple des taux d'inflation des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix, majorée de 1,5 point de pourcentage. (f) Définition adoptée dans le présent rapport : moyenne arithmétique simple de la moyenne sur 12 mis des taux d'intérêt des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix, majorée de 2 points de pourcentage. (g) Abrogation recommandée par la Commission. (H) Depuis mars 1998. (i) Moyenne des données disponibles au cours des 12 derniers mois.

(j) Depuis novembre 1996. (k) Depuis octobre 1996.

Source : Services de la Commission.

S'agissant du taux d'inflation , quatorze des quinze Etats membres inscrivent un taux d'inflation inférieur à la valeur de référence. Celle-ci s'élève à 2,7 % soit "la moyenne des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix" à laquelle est ajoutée la valeur fixée par le traité de 1,5 %.

Il est à noter que la France compte parmi les trois Etats membres, -l'Autriche et l'Irlande sont les deux autres- dont le taux d'inflation sert de référence.

Mais il faut aussi noter que la convergence des taux d'inflation en Europe vers de très bas niveaux a été très forte, certains Etats, l'Italie, l'Espagne et le Portugal en particulier n'ayant réalisé que fort récemment, pour l'essentiel au cours du second semestre 1997, les progrès considérables qui leur permettent aujourd'hui de satisfaire les exigences du traité.

S'agissant de la situation des finances publiques, quatorze des quinze Etats membres ont réalisé un processus d'ajustement budgétaire leur permettant d'atteindre les conditions fixées par le Traité.

Le tableau ci-dessous illustre l'ampleur de l'assainissement des soldes publics réalisés en moyenne en Europe.

Excédent/déficit des administrations publiques

(Capacité (+)/besoin (-) de financement des administrations

(en pourcentage du PIB

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998*

B

DK

D

EL

E

- 7,1

- 2,8

- 3,2

- 13,8

- 6,9

- 4,9

- 2,8

- 2,4

- 10,0

- 6,3

- 3,9

- 2,4

- 3,3

- 10,3

- 7,3

- 3,2

- 0,7

- 3,4

- 7,5

- 4,6

- 2,1

0,7

- 2,7

- 4,0

- 2,6

- 1,7

1,1

- 2,5

- 2,2

- 2,2

F

- 5,8

- 5,8

- 4,9

- 4,1

- 3,0

- 2,9

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

- 2,7

- 9,5

1,7

- 3,2

- 4,2

-6,1

- 8,0

- 12,2

- 7,9

- 1,7

- 9,2

2,8

- 3,8

- 5,0

- 6,0

- 6,4

- 10,3

- 6,8

- 2,2

- 7,7

1,9

- 4,0

- 5,2

- 5,7

- 4,7

- 6,9

- 5,5

- 0,4

- 6,7

2,5

- 2,3

- 4,0

- 3,2

- 3,3

- 3,5

- 4,8

0,9

- 2,7

1,7

- 1,4

- 2,5

- 2,5

- 0,9

- 0,8

- 1,9

1,1

- 2,5

1,0

- 1,6

- 2,3

- 2,2

0,3

0,5

- 0,6

EUR

- 6,1

- 5,4

- 5,0

- 4,2

- 2,4

- 1,9

* Budgets économiques du printemps 1998. Source : Services de la commission

.

Le besoin de financement des administrations publiques qui était de 6,1 % du PIB en 1993 a été réduit de 3,7 points et s'élève en 1997 à 2,4 % du PIB. Les prévisions de la Commission établissent le caractère durable de cette baisse du besoin de financement des administrations publiques qui devrait passer à 1,9 % du PIB européen au cours de l'année. Il est remarquable que ce mouvement se soit accéléré à mesure que s'approchait la date d'examen des conditions de participation à l'euro. Mais il faut également souligner la diversité des efforts consentis par les Etats pour réduire leurs déficits. A cet égard, la Belgique, la Grèce -qui aurait peut-être pu à ce titre mériter une abrogation de la décision la plaçant dans une situation de déficit excessif-, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, la Suède et le Royaume-Uni, tout deux pays non participants, ont réalisé un cheminement spectaculaire vers l'équilibre de leurs finances publiques.

S'agissant de la participation au mécanisme de change, la Commission estime que seuls trois pays, le Royaume-Uni, la Suède et la Grèce ne peuvent être considérés comme remplissant cette condition. Elle concède que ni l'Italie, ni la Finlande n'auront acquis, à la date d'examen du Conseil, l'ancienneté requise pour satisfaire au critère. Mais elle remarque que la stabilité de ces deux monnaies leur aurait permis, sans tensions graves, de participer au mécanisme de change au cours de la période retenue pour l'examen de cette condition. En conséquence, elle recommande que douze pays soient considérés comme satisfaisant le critère de stabilité des changes.

S'agissant de la condition relative aux taux d'intérêt réels, la convergence des performances des Etats membres est grande.

Evolution des taux d'intérêt à long terme

(moyennes sur 12 mois)

 

1993 a)

1994

1995

1996

1997

Janvier
1998 b)

B

7,2

7,8

7,5

6,5

5,8

5,7

DK

7,3

7,8

8,3

7,2

6,3

6,2

D

6,5

6,9

6,9

6,2

5,6

5,6

EL c)

23,3

20,8

17,4

14,4

9,9

9,8

E

10,2

10,0

11,3

8,7

6,4

6,3

F

6,8

7,2

7,5

6,3

5,6

5,5

IRL

7,7

7,9

8,3

7,3

6,3

6,2

I

11,2

10,5

12,2

9,4

6,9

6,7

L

6,8

7,2

7,2

6,3

5,6

5,6

NL

6,4

6,9

6,9

6,2

5,6

5,5

A

6,7

7,0

7,1

6,3

5,7

5,6

P

11,2

10,5

11,5

8,6

6,4

6,2

FIN

8,8

9,0

8,8

7,1

6,0

5,9

S

8,5

9,7

10,2

8,0

6,6

6,5

UK

7,6

8,2

8,3

7,9

7,1

7,0

EUR d)

8,0

8,2

8,5

7,3

6,2

6,1

Valeur de référence e)

 
 
 

9,1

8,0

7,8

Moyenne des trois pays les plus performants

 
 
 

7,1

6,0

5,8

Taux de dispersion f)

1,6

1,3

1,8

1,0

0,5

0,5

a) Pour 1993, les données afférentes au Luxembourg, au Portugal et à la Grèce ne sont pas comparables.

b) Moyenne pour la période février 1997 - janvier 1998.

c) Les données afférents à la Grèce ne sont pas comparables.

d) Moyenne pondérée sur la base du PIB.

e) Moyenne des taux d'intérêt des trois Etats membres (soulignés) présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix, majorée de 2 points de pourcentage.

f) mesuré par l'écart type (la Grèce est exclue pour chacune des années considérées).

Source : IME; Eurostat.

L'Europe, dans son ensemble, a connu une décrue des taux d'intérêt passés depuis 1993 de 8 à 6,1 %.

Quatorze des quinze Etats membres satisfont le critère posé par le Traité. Leurs taux d'intérêt sont inférieurs à la valeur de référence de 7,8 %.

L'appréciation des "facteurs supplémentaires" confirme l'aptitude des Etats membres à adopter l'euro.

En ce qui concerne le développement de l'écu , la Commission relève que celui-ci ne s'est pas réalisé de façon satisfaisante. Elle n'en tire cependant aucune conséquence estimant que la subsistance de monnaies nationales et la perspective de l'euro ont expliqué ces mauvaises performances quand bien même les perspectives plutôt rassurantes d'un taux de conversion de l'écu en euro de 1 pour 1 auraient pu doper les transactions.

En ce qui concerne les résultats de l'intégration des marchés , la Commission relève le développement des échanges intracommmunautaires dont la part dans le commerce total des Etats membres s'est accrue de 2,6 points entre 1985 et 1997 et s'élève en moyenne à 61,2 % en 1997.

Part des échanges intracommunautaires

dans le commerce total a)

 

1997 b)

Variation de la part
1985-1990

Variation de la part
1985-1997 b)

B/L

72,6

4,0

0,3

DK

68,5

4,8

4,3

D

56,8

3,8

- 2,3

EL

58,6

14,0

4,9

E

67,0

16,8

19,3

F

63,9

7,5

4,7

IRL

64,4

2,5

- 8,7

I

57,3

10,9

6,1

NL

67,9

3,6

- 0,4

A

68,6

7,8

7,0

P

76,6

17,6

18,0

FIN

57,0

9,2

6,0

S

57,9

3,0

- 1,7

UK

52,1

3,3

- 1,1

EUR

61,2

6,1

2,6

a) Moyenne des importations et des exportations de marchandises

b) Neuf premiers mois

Source : Eurostat


Le tableau qui précède démontre cependant que l'intensité de l'intégration varie selon les Etats puisque 6 d'entre eux présentent un ratio inférieur à la moyenne, le Royaume-Uni apparaissant toutefois comme la seule économie significativement partagée entre l'Europe et le reste du monde pour ses échanges.

Il est à souligner que la Commission conteste vigoureusement la qualité des statistiques du commerce intracommunautaire.

Selon elle, le passage d'un enregistrement douanier à une méthode d'enquête nécessité par l'élimination des formalités aux frontières en 1993 dans le cadre du marché unique donne lieu à une "sous-estimation considérable des flux effectifs". Ce constat est évidemment très préoccupant compte tenu de ses implications fiscales et douanières.

Pour apprécier l'intégration des marchés, la Commission s'attache également à analyser les flux d'investissements directs étrangers. Elle met en évidence l'accroissement de la part des flux intracommunautaires passée de 57 % du total entre 1986 et 1991 à 65 % entre 1992 et 1996.

Un mouvement significatif s'est produit entre ces deux périodes avec un rééquilibrage des flux au terme duquel l'attractivité du Royaume-Uni qui reste forte (20 % des entrées de capitaux) s'est considérablement réduite, avec une perte de 12 points. En contrepartie, les Pays-Bas mais aussi la France ont, semble-t-il, renforcé leur attrait. Il n'en reste pas moins que six pays attirent à eux seuls 70 % des investissements directs étrangers et que la dispersion des flux apparaît encore assez grande.

On peut en conclure que l'attractivité des espaces économiques reste très différenciée en Europe .

Cette caractéristique importante s'inscrit dans un contexte de concentration économique permettant aux entreprises manufacturières les plus importantes de gagner des parts de marché. On relève souvent l'impact de l'unification monétaire en Europe sur l'accentuation des phénomènes de concentration géographique et économique des sites de production.

Le constat présenté par la Commission ne valide pas cette analyse ou, plus précisément, s'il démontre que certains pays sont plus attractifs que d'autres, il indique que les pays attractifs sont nombreux. Il apporte également, semble-t-il, la preuve qu'existe un coût pour les pays non candidats à l'euro, en tout cas, pour l'un d'entre eux, le Royaume-Uni, dont la part des investissements internationaux qui lui revient fond à vive allure.

Deux enseignements supplémentaires ressortent de l'analyse de la Commission.

La concentration économique a jusqu'à présent concerné surtout l'industrie, le secteur des services y échappant largement. Une évolution contraire pourrait cependant naître du fait des déréglementations en cours.

La concentration économique a intensifié les phénomènes de concurrence, dans l'industrie au moins. La taille des entreprises européennes n'est pas telle que le "monopole de secteur" soit la règle en Europe. Cette concurrence a constitué un facteur structurel de désinflation en Europe si bien que les marges moyennes des entreprises auraient été, selon les estimations de la Commission, inférieures de 0,5 point à ce qu'elles auraient été sans le marché unique entre 1987 et 1991.

En ce qui concerne la situation et l'évolution des balances des paiements courants , plusieurs éléments doivent d'abord être soulignés. Le premier d'entre eux est que, si les balances extérieures de chacun des pays exerceront un rôle sensiblement moins important sur la valeur des taux de change une fois l'union monétaire réalisée en Europe, elles constituent un indicateur très précieux de la situation d'endettement global de chaque pays.

Autrement dit, un solde positif indique l'existence d'une capacité de financement de la Nation, c'est-à-dire d'une épargne globale, addition des épargnes des agents économiques (Etats, ménages, entreprises) supérieur aux besoins nationaux.

On doit à ce stade rappeler une controverse d'économistes qui n'est pas sans intérêt compte tenu du constat d'une assez forte dispersion des performances obtenues par les différents Etats en la matière.

Certains économistes rappellent en effet que si le niveau des taux d'intérêt dépend de l'équilibre entre offre et demande d'épargne, il convient d'apprécier la performance d'une économie de ce point de vue à partir d'un jugement d'ensemble sur les conditions de cet équilibre. Autrement dit, qu'un agent économique national s'endette n'est pas un problème dès lors que les autres offrent une épargne suffisante pour que l'équilibre national reste inchangé. Or, le seul indicateur pertinent est alors la capacité de financement de la Nation. Il serait donc inutile de s'intéresser à la situation d'un agent en particulier, ce que fait la construction européenne lorsqu'elle encadre le déficit et la dette de l'Etat et néglige la capacité de financement de la Nation. Une validation empirique de cette analyse proviendrait des Etats-Unis où l'absence de déficit public n'empêche pas l'existence d'un fort besoin de financement de la Nation, résultat du déséquilibre entre l'épargne et l'investissement du secteur privé.

Cette analyse n'emporte pas entièrement la conviction dans la mesure où elle ignore certains autres éléments d'appréciation comme l'effet dynamique d'une baisse de la demande d'épargne d'un agent sur la situation des autres, les caractéristiques particulières de l'Etat en tant qu'agent économique ou organe de régulation, la soutenabilité pour un agent particulier de son endettement.

Mais elle doit être présente à l'esprit lorsqu'on évalue la responsabilité particulière de chaque économie dans le processus de fixation des taux d'intérêt ou encore sur le niveau prévisible des taux d'intérêt ou du taux de change après l'adoption de l'euro.

Solde de la balance des opérations courantes

(définition des comptes nationaux, en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998*

B

3,3

3,9

4,5

4,5

4,9

5,2

DK

3,0

1,5

0,8

0,8

0,1

0,0

D

- 1,1

- 1,5

- 1,4

- 1,2

- 0,6

0,1

EL

- 2,6

- 0,8

- 2,1

- 2,6

- 2,3

- 2,8

E

- 1,0

- 1,3

0,4

0,3

0,6

0,7

F

1,0

1,0

1,5

1,6

2,9

2,9

IRL

5,3

3,6

4,5

3,8

3,9

3,1

I

1,0

1,4

2,4

3,4

3,1

3,1

L

20,1

18,2

15,4

16,3

14,4

17,0

NL

4,9

5,4

5,5

5,8

5,8

5,6

A

- 0,4

- 0,9

- 1,8

- 2,1

- 1,9

- 1,6

P

- 2,3

- 2,7

- 2,0

- 1,4

- 2,8

- 2,7

FIN

- 1,3

1,3

4,1

3,8

5,3

6,0

S

- 1,4

- 0,5

1,2

1,5

2,1

2,2

UK

- 2,4

- 1,9

- 1,9

- 1,5

- 0,9

- 2,2

EUR

- 0,1

0,0

0,4

0,8

1,2

1,1

*Budgets économiques du printemps 1998

Source : Services de la commission.

Sur le premier point, il faut relever que la Commission distingue trois groupes de pays. Le premier réunit le Danemark, l'Allemagne, l'Espagne, l'Autriche et le Royaume-Uni, dont les balances des paiements courants sont plus ou moins à l'équilibre, mais ont connu, pour certains pays -Allemagne, Royaume-Uni- des déficits considérables et qui présentent des résultats inégalement favorables.

Le deuxième groupe réunit la Belgique, la France, l'Irlande, l'Italie, les Pays-Bas, la Suède et la Finlande qui affichent des excédents supérieurs à 2 % du PIB.

L'Italie présente probablement une situation particulière due à la dépréciation de la lire dans le courant des années 90, mais on ne note pas, depuis, de dégradation de sa situation.

Le dernier groupe, la Grèce et le Portugal, connaît des déficits supérieurs à 2 % du PIB.

L'équilibre entre épargne et investissement n'est certes pas intangible et dépend de variables aussi bien réelles que monétaires appelées à évoluer. Toutefois, les données disponibles doivent être appréciées dans un contexte de convergence monétaire si bien qu'elles apparaissent assez significatives de l'équilibre épargne-investissement dans chaque Etat et, partant, de l'influence de chacun sur le niveau des taux d'intérêt .

La contribution du deuxième groupe de pays à l'excédent extérieur de la zone européenne doit être soulignée . C'est d'ailleurs cet excédent qui pourrait justifier une appréciation de l'euro par rapport aux autres monnaies s'il se traduisait par un excès de demande sur l'offre d'euro. Cela constituerait un facteur de détente des taux d'intérêt en Europe qui profiterait à tous et dont chacun serait redevable aux pays en excédent. La dépréciation corrélative du dollar pourrait alors induire un écart de taux entre l'Europe et les Etats-Unis supposés rémunérer davantage des emprunteurs formant des anticipations de change défavorables au dollar. Dans ces conditions, le taux de change euro-dollar reviendrait à l'équilibre antérieur, mais avec un écart de taux d'intérêt favorable au dynamisme de l'économie européenne à travers les gains de compétitivité que suppose un niveau de taux d'intérêt relativement bas.

Dernier "facteur supplémentaire", l'évolution des coûts salariaux unitaires et d'autres indices de prix est considérée par la Commission comme autant d'indicateurs avancés de l'inflation.

La Commission souligne la convergence des performances acquises par les Etats membres en matière de coûts salariaux unitaires. Elle souligne que la hausse modérée de ces coûts constitue " l'une des principales explications de l'évolution favorable de l'inflation au cours de la deuxième phase ". Elle considère que ce phénomène résulte de changements structurels qui devraient perdurer et garantir à l'avenir une évolution des salaires compatible avec la stabilité des prix.

Coûts salariaux
(variation en pourcentage, ensemble de l'économie)

 

Rémunération nominale
par salarié

Accroissement de la productivité du travail

Coûts salariaux
unitaires nominaux

 

1990-1993 (a)

1994-1997 (a)

1997

1998*

1990-1993 (a)

1994-1997 (a)

1997

1998*

1990-1993 (a)

1994-1997 (a)

1997

1998*

B

6,1

2,9

3,2

2,1

1,1

2,1

2,5

1,6

4,9

0,8

0,7

0,5

DK

3,6

3,6

4,0

4,3

2,2

1,9

0,7

1,5

1,4

1,7

3,2

2,7

D

6,4

2,9

1,8

2,0

2,4

2,9

3,7

2,7

3,8

0,0

- 1,8

- 0,6

EL

14,8

11,8

10,7

6,9

0,1

1,3

3,0

2,7

14,6

10,4

7,4

4,4

E

9,0

2,7

2,7

2,6

1,4

1,3

0,8

1,2

7,5

1,4

1,9

1,5

F

4,1

2,5

2,5

2,7

1,0

2,0

2,5

1,8

3,1

0,5

0,0

0,9

IRL

5,6

2,9

5,5

5,3

3,3

5,4

6,6

5,0

2,2

- 2,4

- 1,1

0,3

I

7,2

4,4

4,6

2,9

1,2

2,2

1,4

2,0

5,9

2,2

3,1

0,9

L

5,6

2,8

3,3

3,6

2,2

1,3

1,8

1,9

3,3

1,5

1,5

1,7

NL

3,9

2,4

2,7

3,3

1,1

1,7

1,1

1,6

2,8

0,6

1,6

1,7

A

5,6

2,4

1,6

2,2

1,6

2,3

2,7

2,3

3,9

0,0

- 1,1

- 0,1

P

14,8

6,5

4,3

3,9

2,1

2,3

1,8

2,7

12,4

4,1

2,5

1,2

FIN

4,4

3,0

1,3

3,4

2,0

3,8

3,8

2,4

2,4

- 0,8

- 2,4

1,0

S

6,6

4,5

3,8

2,7

1,8

2,9

2,9

2,0

4,7

1,6

0,8

0,7

UK

6,7

3,8

4,3

4,6

1,4

2,2

1,9

1,2

5,2

1,6

2,4

3,4

EUR

6,4

3,3

3,1

3,0

1,6

2,3

2,3

1,9

4,8

1,0

0,8

1,0

(a) Variation annuelle moyenne en pourcentage

* Budgets économiques du printemps 1998.

Source : Services de la Commission

B. L'ADOPTION D'UNE MONNAIE UNIQUE

L'adoption d'une même monnaie par onze Etats signe l'aboutissement de la solidarité monétaire entre des Etats fortement interdépendants sur le plan économique. Elle devrait aussi favoriser l'émergence d'une devise majeure du système monétaire international, instrument de puissance et de prospérité pour l'Europe.

1. Une solidarité monétaire renforcée

L'instauration de l'euro est le complément indispensable du marché unique. Elle constitue une voie de "sortie vers le haut" des difficultés rencontrées par un système monétaire européen imparfait.

Même si sa réalisation n'est encore que ponctuelle, le marché unique s'est considérablement développé et la libre circulation des capitaux et des biens y est désormais la règle. Cette construction repose sur l'idée que les entraves à la liberté économique sont contre-productives car nuisant à une allocation optimale des facteurs.

Avec l'adoption de l'euro, c'est l'une de ces entraves qui disparaît. La solidarité monétaire instituée entre les économies de la zone aura en effet pour conséquence de faire disparaître les " frottements " associés à la diversité des signes monétaires.

Parmi les effets favorables attendus d'une telle disparition sont d'abord citées les économies réalisées sur les frais de transaction que le Commissaire européen chargé des affaires monétaires et financières a pu évaluer à 200 milliards de francs par an 3( * ) .

Mais, les économies sur les coûts de transaction dont le chiffrage mérite sans doute d'être affiné, n'est pas l'essentiel des effets bénéfiques attendus de la monnaie unique.

Le premier d'entre eux est évidemment le fait que l'instauration d'un signe monétaire commun à des économies fort ouvertes les unes aux autres supprime des occasions de manipulations des monnaies à des fins compétitives . C'est la fin de l'illusion monétaire et, plus précisément, de l'artifice du change utilisé à la seule fin de masquer des écarts réels de compétitivité.

On doit en attendre, outre une compétition économique plus loyale, l'instauration d'un cadre durablement non inflationniste.

Indicateurs du commerce extérieur en 1997 des pays de l'Union européenne

Exportations totales de biens et services (en % du PIB)

B

DK

D

EL

E

F

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

75,5

35,0

24,8

16,3

26,2

24,3

75,6

27,1

93,5

55,7

40,6

34,1

38,1

40,9

29,8

Echanges intracommunautaires (en % de la moyenne des importations et exportations de marchandises)

B/L

DK

D

EL

E

F

IRL

I

NL

A

P

FIN

S

UK

72,6

68,5

56,8

58,6

67,0

63,9

64,4

57,3

67,9

68,6

76,6

57,0

57,9

52,1

Ce phénomène revêt une importance toute particulière compte tenu du degré d'ouverture des économies européennes entre elles décrit par le tableau ci-dessus.

Mais, au-delà, la création d'une monnaie commune est appelée à supprimer les asymétries de fonctionnement du système monétaire européen (SME). Ce dernier, système de changes stables mais ajustables, a donné naissance à au moins deux types d'asymétrie.

La première asymétrie a résulté de ce qu'au sein du SME coexistaient des monnaies dont la crédibilité est vite apparue inégale aux marchés. Les monnaies du noyau dur n'étaient guère contestées tandis que des épisodes réguliers de spéculation sont venus fragiliser les autres monnaies. Celles-ci n'ont pu échapper à des dévaluations, le cas type des crises monétaires étant atteint avec la crise de 1992-1993. Un schéma classique présentait successivement une variation du dollar à la baisse suivie d'une appréciation du mark et d'une dépréciation des monnaies du SME jugées les plus faibles.

La seconde asymétrie est venue de ce que les théoriciens appellent le "triangle d'incompatibilité de la politique monétaire". Sous cette dénomination se cache l'affirmation selon laquelle en situation de liberté des mouvements de capitaux, on ne peut à la fois maîtriser son taux d'intérêt et son taux de change. Dans le SME, le maintien des parités a, de fait, supposé de la part des partenaires de l'Allemagne qu'ils calquent leur politique monétaire et, en particulier, la fixation du niveau de leurs taux d'intérêt sur celle de la Bundesbank. Les partenaires de l'Allemagne avaient ainsi perdu toute indépendance monétaire et le recours à la dévaluation ne pouvait que la leur redonner un court laps de temps, celui que les tensions inflationnistes en découlant apparaissent à nouveau . Pis encore, les marchés anticipant d'éventuels épisodes de dépréciation de leurs monnaies, les partenaires de l'Allemagne devaient supporter une prime de risque qui haussait d'autant leurs taux d'intérêt par rapport aux taux allemands. Il en résultait un écart de compétitivité favorable à l'Allemagne.

C'est l'unification allemande qui présente, bien entendu, le cas le plus typique de ces enchaînements.

Il est tout à fait remarquable que, la perspective de l'adoption de l'euro se rapprochant, ces asymétries aient peu à peu disparu. L'avènement de l'euro les supprimera à jamais. La solidarité économique de l'Europe sortira renforcée de cette entière solidarité monétaire .

2. Vers un euro, instrument de puissance et de prospérité de l'Europe

Le système monétaire international devrait quant à lui sortir modifié de l'adoption de l'euro.

Il est jusqu'à présent très fortement dominé par le dollar, que ce soit comme monnaie utilisée dans les échanges commerciaux ou comme monnaie de réserve.

Malgré un certain rééquilibrage observable depuis quinze ans, les tableaux ci-dessous démontrent la suprématie du dollar sur les marchés de capitaux.

Marchés internationaux de capitaux

Total des fonds empruntés
a)

 

1975

1980

1985

1990

1995

1996

Total des émissions

Equivalent en milliards de dollars EU

40,6

116,5

259,8

361,4

841,3

1.058,5

Part de quelques monnaies

Dollar EU

74,3

76,2

68,8

44,6

56,0

54,7

Yen japonais

0,2

1,6

7,1

9,0

10,0

7,4

Deutschemark

9,2

8,5

4,7

7,2

10,6

10,8

Livre sterling

0,4

1,9

3,5

11,9

6,9

8,3

Franc français

0,9

1,6

0,6

3,0

2,3

5,9

ECU

-

0,0

3,7

7,8

2,5

0,5

a) Le total des fonds comprend les émissions d'obligations internationales, les prêts consortiaux à moyen et long terme et d'autres formes d'emprunt.

Obligations internationales a)

 

1975

1980

1985

1990

1995

1996

Total des émissions

Equivalent en milliards de dollars EU

19,9

38,3

167,8

229,9

467,3

708,8

Part de quelques monnaies

Dollar EU

51,2

42,7

60,9

34,8

37,8

43,6

Yen japonais

0,4

4,8

7,2

13,4

17,7

10,9

Deutschemark

16,3

21,9

6,8

8,0

15,6

14,1

Livre sterling

0,2

3,0

4,2

9,2

4,6

7,3

Franc français

1,8

3,0

0,9

4,2

2,7

6,5

ECU

-

0,0

4,3

7,8

1,5

0,7

a) Les obligations internationales comprennent le montant brut des offres publiques et privées d'euro-obligations et d'obligations en devises.

Source : Secrétariat de l'OCDE

Cette prééminence est confirmée par la part occupée par le dollar dans les avoirs officiels en devises.

Part dans le total des avoirs officiels en devises (en %)

 

Fin 1973

Fin 1983

Fin 1995

Dollar

76,1

71,1

61,5

Monnaies européennes (1)

14,3

15,8

20,1

dont Deutsche mark

7,1

11,7

14,2

Yen

0,1

4,9

7,4

(1) Livre sterling, Deutsche mark, franc français, florin néerlandais

Source : FMI, rapports annuels


Mais, le dollar n'est pas seulement la monnaie de réserve par excellence. Il est aussi l'instrument monétaire le plus utilisé pour libeller les échanges commerciaux internationaux.

Libellé des échanges internationaux

Part des principales monnaies dans le libellé des échanges internationaux

 

1980

 

1992

 
 

Part des exportations mondiales libellées en (en %)


Coefficient d'internatio-nalisation (1)

Part des exportations mondiales libellées en (en %)


Coefficient d'internatio-nalisation

Dollar

56,4

4,5

47,6

3,6

Deutsche mark

13,6

1,4

15,5

1,4

Yen

2,1

0,3

0,3

0,6

(1) Ratio du montant des échanges internationaux libellés dans une monnaie sur le montant des échanges internationaux du pays d'origine de la monnaie

Source : Commission européenne


La création de l'euro pourrait modifier ces rapports de force.

L'accroissement de la part des échanges commerciaux libellés en euros n'est pas l'effet le plus couramment attendu.
Les habitudes des pays sont réformables mais progressivement. Cependant, en la matière, rien n'est sûr et les exportateurs et importateurs peuvent vouloir modifier leurs usages, ne serait-ce que pour diversifier les monnaies dans lesquelles sont libellés leurs échanges et s'affranchir ainsi d'un lien monétaire univoque. La dépendance à l'égard du dollar des exportateurs de pétrole pourrait, par exemple, inciter ceux-ci à recourir à la référence euro pour libeller leurs exportations.

Les perspectives d'affirmation de la monnaie européenne comme monnaie de réserve utilisée dans les transactions financières internationales pourraient d'ailleurs hâter ce processus. Ces perspectives sont, rappelons-le, d'une extrême importance puisqu'aussi bien les transactions financières quotidiennes sont peut-être quelque quarante fois supérieures aux transactions commerciales. La constitution d'un vaste marché financier de titres libellés en euro est un résultat mécanique de l'adoption par onze Etats de cette monnaie. La substitualité des titres, des coûts de transaction réduits et les opportunités de diversification qui en résulteront devraient favoriser une décrue des taux d'intérêt en Europe.

Mais, au-delà de ces modifications du système monétaire international, la création de l'euro devrait avoir pour effet de rendre relativement indolores les variations du dollar pour les pays européens.

Les monnaies autrefois très sensibles aux évolutions du dollar disparaissent et il y a tout lieu de considérer que l'euro se comportera comme les monnaies du noyau dur du SME.

De plus, l'ouverture de l'Europe sur l'extérieur est beaucoup moins grande que l'ouverture de chaque pays européen du fait de la prééminence -voir supra- des échanges intraeuropéens dans le commerce extérieur des Etats membres. Le degré d'exposition à l'extérieur de l'Europe se compare avec le degré d'exposition des Etats-Unis. A supposer que la part des échanges intérieurs libellés en euro tende vers 100 %, la vulnérabilité des économies européennes au dollar sera significativement réduite.

Il pourrait en résulter, mais ce n'est pas sûr, ce que les économistes nomment une sorte de "benign neglect" à l'égard de la parité de l'euro et du dollar qui affranchirait la politique monétaire de l'Europe de considérations extérieures à la zone euro.

La souveraineté monétaire de l'Europe, après celle de certains de ses Etats, serait reconquise.

II. UN SUCCÈS QUI NE LÈVE PAS TOUTES LES INCERTITUDES ET QUI SUPPOSE UNE CONSOLIDATION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE

La réussite de l'euro suppose une consolidation économique de l'Europe. L'adoption de l'euro ne lève pas toutes les incertitudes.

A. UNE CONSOLIDATION ÉCONOMIQUE EST NÉCESSAIRE

1. Des performances économiques encore inégales

Si le rapport de la Commission européenne se félicite à juste titre des progrès réalisés en matière de convergence, ce satisfecit ne doit pas occulter quelques "difficultés" qui subsistent.

S'agissant des performances monétaires des Etats membres , plusieurs considérations conduisent non pas à mettre en cause leur réalité, mais à en nuancer la portée.

S'agissant de l'inflation , s'il faut reconnaître que les facteurs structurels désormais à l'oeuvre en Europe, avec en particulier un contexte concurrentiel renforcé et une politique monétaire crédible, jouent un rôle désinflationniste puissant, on doit aussi souligner la contribution de l'environnement conjoncturel aux performances constatées. A cet égard, des événements récents ont agi pour contenir l'inflation ; ils ont, soit profité à l'ensemble de la zone comme la baisse des prix des matières premières consécutive à la crise asiatique, soit bénéficié tout particulièrement à certains pays, comme l'appréciation de la lire et de la peseta espagnole. Mais, surtout, la croissance économique languissante observée dans les pays de la zone euro, avec un rythme d'activité inférieur au potentiel de croissance dans la plupart des pays a contenu les risques de dérive inflationniste, en pesant sur les coûts de production. Le tableau qui suit, récapitulant l'évolution des prix de production depuis 1993, illustre ce phénomène.

Prix à la production

Production intérieur de l'ensemble de l'industrie, à l'exclusion de la construction

(monnaie nationale variation en pourcentage)

 

1993

1994

1995

1996

1997 a)

B

- 1,0

1,4

2,3

0,6

1,7

DK

- 1,1

0,7

3,8

1,6

2,2

D

0,2

0,6

1,7

- 0,4

1,1

EL

11,4

7,2

9,5

7,4

3,5

E

2,4

4,3

6,4

1,7

1,0

F

- 1,0

0,3

2,2

0,5

0,2

IRL

2,3

2,0

3,7

1,8

0,1

I

3,8

3,7

7,9

1,9

1,3

L

0,9

2,0

3,4

- 0,4

1,7

NL

- 1,6

0,7

3,0

1,8

2,7

A b)

- 0,4

1,3

0,4

0,0

0,4

P

3,6

2,8

3,8

3,1

1,6

FIN

2,8

1,9

1,8

- 0,1

1,3

S

2,0

4,3

8,0

0,6

1,0

UK

3,9

2,5

3,7

0,8

0,4

EUR d)

1,7

1,9

3,9

0,8

1,0

a) Moyenne des onze premiers mois de 1997, rapportée à la période correspondante de 1996.

b) Indice général des prix de gros.

Source : Services de la commission, OCDE.

Il illustre également que les pays les plus dynamiques de la zone où, corrélativement, le taux de chômage est relativement faible et l'utilisation des capacités de production relativement tendue, ont tendance à connaître une résurgence inflationniste. C'est tout particulièrement vrai pour les Pays-Bas ; les situations de l'Irlande et du Royaume-Uni viennent le confirmer. En effet, la modération des prix de production dans ces deux pays provient exclusivement de l'appréciation de leur monnaie, alors que les coûts salariaux unitaires nominaux y enregistrent un accroissement sensible comme en rend compte le tableau de la page 26.

S'agissant de l'évolution et de la convergence des taux d'intérêt à long terme , deux observations doivent être faites.

La première consiste à relever que la convergence n'est pas l'uniformité et que les marchés exigent des conditions de rémunération variables selon l'appartenance des émetteurs à tel ou tel espace économique. Ces conditions, et c'est bien l'essentiel, se sont toutefois rapprochées, de telle sorte que le processus d'unification monétaire n'est pas affecté par la dispersion des taux à long terme, unification qu'elle devrait d'ailleurs conduire à réduire.

Une seconde observation consiste dans le constat que la dispersion des taux à court terme est plus grande que celle des taux à long terme. Il en résulte que la convergence des taux à long terme a, pour certains pays, un prix : la fixation des taux courts plus élevés. Il reste -voir infra- à apprécier l'impact de ce phénomène sur la politique monétaire que conduira la BCE.

Mais, c'est la situation des finances publiques qui suscite le plus d'interrogations.

Si les déficits publics ont, dans l'ensemble, été réduits, les performances acquises ont pu susciter quelques doutes quant à leur perennité.

La réduction des déficits publics a été obtenue dans un certain nombre de cas par des mesures exceptionnelles ou par des reports de charges sur des exercices futurs.

En outre, certains pays, dont, malheureusement, la France n'ont aucune marge de manoeuvre de sorte qu'ils se trouvent exposés à des chocs pouvant les conduire à ne pas respecter les règles du traité. Ils doivent poursuivre et intensifier l'assainissement de leurs comptes publics.

Mais c'est sans doute la situation de l'endettement public en Europe qui reste le point le plus délicat.

Dette publique

(Dette brute consolidée des administrations publiques en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998*

B

DK

D

EL

E

135,2

81,6

48,0

111,6

60,0

133,5

78,1

50,2

109,3

62,6

131,3

73,3

58,0

110,1

65,5

126,9

70,6

60,4

111,6

70,1

122,2

65,1

61,3

108,7

68,8

118,1

59,5

61,2

107,7

67,4

F

45,3

48,5

52,7

55,7

58,0

58,1

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

96,3

119,1

6,1

81,2

62,7

63,1

58,0

75,8

48,5

89,1

124,9

5,7

77,9

65,4

63,8

59,6

79,0

50,5

82,3

124,2

5,9

79,1

69,2

65,9

58,1

77,6

53,9

72,7

124,0

6,6

77,2

69,5

65,0

57,6

76,7

54,7

66,3

121,6

6,7

72,1

66,1

62,0

55,8

76,6

53,4

59,5

118,1

7,1

70,0

64,7

60,0

53,6

74,1

52,3

EUR

65,9

68,0

71,0

73,0

72,1

70,5

a) Les dépôts du gouvernement auprès de la banque centrale, les obligations émises par d'autres secteurs et détenues par les administrations publiques et la dette relative aux entreprises publiques s'élevaient à 13 % du PIB en 1997.

* Budgets économiques du printemps 1998.

Source Services de la commission.


Depuis 1993, la part de la dette publique dans le PIB européen a progressé de 6,2 points. Elle s'élève à 72,1 % du PIB en 1997.

Sans même évoquer à ce stade le lien d'ailleurs discuté entre le niveau de la dette publique et le niveau des taux d'intérêt, il faut souligner combien la situation d'endettement pèse sur les marges de manoeuvre des budgets nationaux .

Les charges de la dette publique qui représentaient en moyenne 4,8 % du PIB européen en 1989 s'élèvent à 5,3 % en 1997. Elles représentent plus de 11,4 % des recettes courantes de l'ensemble des administrations publiques et presque le double de leurs dépenses d'investissement.

Le tableau qui suit démontre que ces chiffres moyens s'accompagnent d'une grande diversité de situation selon les pays concernés.

Charges d'intérêt supportées
par les administrations publiques en 1997

(en % du PIB)

Pays

1997

B

8,1

DK

5,9

D

3,9

EL

11,2

E

5,3

F

3,8

IRL

4,2

I

9,6

L

0,4

NL

5,4

A

4,6

P

4,5

FIN

5,8

S

7,0

UK

3,9

EUR 15

5,3

Il met en évidence la fragilité de certains Etats qui, en cas de tensions sur les taux d'intérêt, auraient à faire face à un surcroît de dépenses au titre de la dette qui les priverait de toutes marges de manoeuvre au moment où ils en auraient le plus besoin.

C'est pourquoi la réduction de la dette publique est en Europe une absolue nécessité. L'obligation de provisionner des engagements financiers futurs lourds, les pensions de retraite en particulier, vient confirmer cette conclusion.

Absolue nécessité financière et économique mais aussi absolue nécessité morale car l'endettement public a très largement excédé dans le passé les dépenses d'investissement public ; tout s'est passé comme si l'on demandait aux générations futures de financer le train de vie des générations présentes.

La confrontation des chiffres du tableau ci-dessous avec les niveaux de déficits publics constatés au cours des années récentes démontre amplement cette observation.

Dépenses d'investissement des administrations publiques

(Formation brute de capital fixe des administrations publiques, en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

B

DK

D

EL

E

1,5

1,9

2,5

3,1

4,0

1,6

1,9

2,4*

3,0

3,9

1,4

1,9

2,2

3,2

3,7

1,2

2,1*

2,0

3,1

3,0

1,4

1,8*

1,8

3,3

2,9*

F

3,3

3,2

3,1

2,7

2,8

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

2,2

2,6

5,4*

2,7

3,2

4,0

2,8

1,1

1,9

2,3*

2,3

4,4*

2,7

3,2

3,6

2,8

3,1

1,8

2,2*

2,2

4,7*

2,7

3,0

3,7

2,6

2,9

1,8

2,2*

2,3

4,7*

2,7*

2,8

4,0*

2,7

2,1

1,3

2,2*

2,3

4,9*

2,7*

2,6*

4,3*

2,7*

2,5*

1,0

EUR

2,7

2,6

2,5

2,2

2,1

* Indique que les dépenses d'investissement des administrations publiques sont supérieures ou égales au déficit public.

Source : Services de la commission

Cette nécessaire réduction des dettes publiques ne doit pas être différée. Elle impose des politiques budgétaires probablement plus strictes que celles entreprises par certains gouvernements.

C'est ce que démontre le tableau ci-dessous.

Caractère soutenable de l'évolution de la dette

 

Ratio de la dette publique en 1997 (en % du PIB)

Variation du ratio de la dette 1996-1997 (en % du PIB)

Solde primaire effectif en 1997 (en % du PIB)

(1)

Solde primaire nécessaire à la stabilisation de la dette en 1997 (en % du PIB)

(2)

Ecart à combler pour stabiliser la dette a) en 1997 (en % du PIB)

(3)=(2)-(1)

Nombre d'années nécessaires pour ramener le ratio de la dette au-dessous de 60 % du PIB b)

Année où le ratio de la dette tombera au-dessous de 60 % du PIB b)

B

DK

D

EL

E

122,2

65,1

61,3

108,7

68,8

- 4,7

- 5,5

0,8

- 2,9

- 1,3

5,8

6,5

1,1

5,6

1,9

2,7

1,9

2,1

- 1,0

0,7

- 3,1

- 4,6

1,0

- 6,6

- 1,2

14

1

4

10

6

2011

1998

2001

2007

2003

F

58,0

2,4

0,6

1,8

1,2

Dette60%

Dette60%

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

66,3

121,6

6,7

72,1

66,1

62,0

55,8

76,6

53,4

- 6,4

- 2,4

0,1

- 5,0

- 3,4

- 3,0

- 1,8

- 0,1

- 1,3

5,2

6,8

2,1

3,9

1,6

1,9

4,5

5,4

1,6

- 2,4

4,5

- 0,1

1,3

1,5

0,8

1,6

4,2

0,3

- 7,6

- 2,3

- 2,2

- 2,6

- 0,1

- 1,1

- 2,9

- 1,2

-1,3

1

19

Dette60%

5

7

1

Dette60%

4

Dette60%

1998

2016

Dette60%

2002

2004

1998

Dette60%

2001

Dette60%

EUR

72,1

- 0,9

2,6

1,3

- 1,3

7

2004

a) Un signe négatif indique que le solde primaire effectif est suffisant pour faire baisser le ratio de la dette en 1997. L'ajustement stocks-flux n'est pas pris en compte pour ces calculs.

b) Les calculs ont été effectués comme suit : budgets économiques du printemps 1998 pour le ratio de la dette jusqu'en 1999, et projections pour les années ultérieures, les taux d'intérêt sur la dette publique étant fixés à un niveau commun de 6 %, les taux d'inflation à 2 %, les ajustements stocks-flux à zéro, et les taux de croissance réelle du PIB tendanciel et les soldes primaires étant supposés constants aux niveaux prévus pour chaque Etat membre en 1999.

Source : Services de la commission

Ce tableau n'est pas une prévision. Il est bâti à partir d'une maquette permettant de calculer le nombre d'années nécessaires à chaque Etat pour ramener le ratio de sa dette publique par rapport à son PIB sous la barre des 60 %. Le calcul est effectué à partir d'orientations de politique budgétaire portant sur le solde primaire (recettes publiques - dépenses publiques hors charges d'intérêt) et d'hypothèses faites sur la croissance et le coût de la dette publique. Il est à signaler que ces deux dernières variables échappent largement au contrôle.

Le tableau est donc bâti sur des conventions. Mais celles-ci sont plutôt favorables grâce à un coût modéré de la dette et à des taux de croissance plutôt dynamiques.

Malgré cette caractéristique, l'ajustement de certains pays prendrait des années. Ce résultat confirme donc une vulnérabilité des finances publiques de certains pays de la zone euro appelant à souhaiter, de leur part, un ajustement plus rapide.

A cet égard, la responsabilité des grands pays est grande car la stabilité de la zone euro dépendra, au premier chef, de leurs propres performances.

Notre pays, qui compte pour environ 18 % du PIB européen, doit donner l'exemple et donc modifier en conséquence sa politique budgétaire.

Une autre politique budgétaire s'impose en France

Notre pays respecte désormais les deux conditions posées par le Traité en matière de finances publiques. C'est le résultat d'un comblement du déficit public nous permettant d'atteindre en la matière le niveau nominal requis par le Traité et d'éviter de dépasser le critère fixé pour la dette.

Mais, nos performances sont très insuffisantes.

Exprimée en part de PIB, notre dette publique s'accroît. Notre résultat en matière de déficit nous place dans une situation de vulnérabilité face à tout accident conjoncturel.

Le tableau ci-après permet de comparer la réduction de notre besoin de financement avec les performances de nos partenaires.

Composition de l'assainissement budgétaire entre 1993 et 1997

(Chiffres ajustés cycliquement, en % du PIB tendanciel)

 
 

dont

dont

dont

 

Variation du solde global

(1)=(3)-(2)

Variation des paiements d'intérêts

(2)

Variation du solde primaire

(3)=(4)-(5)

Variation des recettes

(4)

Variation des dépenses primaires

(5)=(6)+(7)

Variation des dépenses primaires courantes (6)

Variation des dépenses en capital

(7)

B

4,6

- 2,6

2,0

1,2

- 0,8

- 0,6

- 0,2

DK

1,5

- 1,8

- 0,3

- 0,5

- 0,2

0,2

- 0,4

D

1,1

0,4

1,5

- 1,3

- 3,0

- 1,6

- 1,4

EL

9,2

- 2,9

6,3

3,2

- 3,0

0,6

- 3,6

E

4,3

- 0,7

3,6

- 1,6

- 5,2

- 3,5

- 1,7

F

2,4

0,3

2,7

1,4

- 1,3

- 0,5

- 0,8

IRL

- 0,1

- 1,8

- 1,9

- 2,1

- 0,2

- 0,7

0,5

I

6,4

- 2,6

3,8

0,5

- 3,3

- 1,7

- 1,6

L

 
 
 
 
 
 
 

NL

1,6

- 1,0

0,6

- 4,2

- 4,7

- 4,2

- 0,5

A

2,3

- 0,3

2,0

0,0

- 2,1

- 1,3

- 0,8

P

4,3

- 1,9

2,4

4,6

2,2

2,8

- 0,6

FIN

0,6

1,3

1,9

0,1

- 1,8

- 1,6

- 0,2

S

7,7

0,3

8,0

2,4

- 5,5

- 2,9

- 2,6

UK

3,4

0,8

4,2

2,3

- 1,8

- 0,4

- 1,4

EUR

3,2

- 0,4

2,8

0,0

- 2,8

- 1,5

- 1,3

Note : Le solde primaire ne comprend pas les paiements d'intérêts. On le calcule en déduisant les dépenses primaires des recettes. Les dépenses primaires peuvent encore être ventilées en dépenses primaires courantes et dépenses en capital. En raison des arrondis, la somme des composantes ne correspond pas nécessairement aux totaux.

Source : Services de la Commission


Nous avons moins réduit notre déficit que la moyenne des pays européens et la variation positive de notre solde budgétaire est l'une des moins satisfaisantes. Notre performance nominale est meilleure qu'en Allemagne, mais celle-ci a dû supporter les charges de l'unification et était moins éloignée de l'équilibre.

Surtout, notre ajustement s'est réalisé plutôt grâce à une hausse des recettes et donc des prélèvements que par une réduction des dépenses. La part des dépenses budgétaires dans le PIB a été réduite d'un point (- 1,3 point pour les dépenses primaires, mais + 0,3 point pour les paiements d'intérêt) quand celle des recettes a été accrue de 1,4 point.

Les économies ont principalement porté sur les dépenses d'investissement de l'Etat, si bien que la dynamique de la dépense publique n'a pas été suffisamment enrayée.

Nos partenaires ont en moyenne réduit leurs dépenses primaires 4( * ) de 2,8 points et laissé inchangé le poids des prélèvements dans le PIB.

Or, un ajustement budgétaire durable suppose que le poids des dépenses publiques dans le PIB soit réduit et donc une évolution des dépenses moins rapide que celle du PIB.

Ce n'est pas le chemin emprunté par le gouvernement, ce qu'a largement démontré la dernière discussion budgétaire.

A cet égard, le tableau ci-après est instructif.

Influence du cycle économique sur l'excédent/le déficit des administrations publiques
(capacité (+)/besoin (-) de financement des administrations publiques, en % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998*

 

Solde effectif

Compo-sante cyclique

Solde ajusté
(a)

Solde effectif

Compo-sante cyclique

Solde ajusté
(a)

Solde effectif

Compo-sante cyclique

Solde ajusté
(a)

Solde effectif

Compo-sante cyclique

Solde ajusté
(a)

Solde effectif

Compo-sante cyclique

Solde ajusté
(a)

Solde effectif

Compo-sante cyclique

Solde ajusté
(a)

B

- 7,1

- 1,0

- 6,1

- 4,9

- 0,6

- 4,3

- 3,9

- 0,6

- 3,3

- 3,2

- 1,0

- 2,2

- 2,1

- 0,6

- 1,5

- 1,7

- 0,4

- 1,3

DK

- 2,8

- 1,9

- 0,9

- 2,8

- 0,6

- 2,2

- 2,4

- 0,3

- 2,1

- 0,7

- 0,2

- 0,5

0,7

0,0

0,7

1,1

0,1

1,0

D

- 3,2

0,0

- 3,2

- 2,4

0,2

- 2,6

- 3,3

0,0

- 3,3

- 3,4

- 0,5

- 2,9

- 2,7

- 0,6

- 2,1

- 2,5

- 0,5

- 2,0

EL

- 13,8

- 0,8

- 13,0

- 10,0

- 0,9

- 9,1

- 10,3

- 1,1

- 9,2

- 7,5

- 0,9

- 6,6

- 4,0

- 0,5

- 3,5

- 2,2

- 0,1

- 2,1

E

- 6,9

- 0,9

- 6,0

- 6,3

- 1,2

- 5,1

- 7,3

- 1,1

- 6,2

- 4,6

- 1,3

- 3,3

- 2,6

- 0,9

- 1,7

- 2,2

- 0,5

- 1,7

F

- 5,8

- 1,0

- 4,8

- 5,8

- 0,6

- 5,2

- 4,9

- 0,6

- 4,3

- 4,1

- 0,8

- 3,3

- 3,0

- 0,7

- 2,3

- 2,9

- 0,3

- 2,6

IRL

- 2,7

- 2,7

0,0

- 1,7

- 2,3

- 0,6

- 2,2

- 0,4

- 1,8

- 0,4

0,0

- 0,4

0,9

1,0

- 0,1

1,1

1,2

- 0,1

I

- 9,5

- 1,0

- 8,5

- 9,2

- 0,7

- 8,5

- 7,7

- 0,1

- 7,6

- 6,7

- 0,6

- 6,1

- 2,7

- 0,7

- 2,0

- 2,5

- 0,4

- 2,1

L

1,7

-

-

2,8

-

-

1,9

-

-

2,5

0,0

2,5

1,7

- 0,1

1,8

1,0

- 0,1

1,1

NL

- 3,2

- 0,6

- 2,6

- 3,8

- 0,4

- 3,4

- 4,0

- 0,8

- 3,2

- 2,3

- 0,6

- 1,7

- 1,4

- 0,3

- 1,1

- 1,6

0,1

- 1,7

A

- 4,2

0,0

- 4,2

- 5,0

0,0

- 5,0

- 5,2

- 0,1

- 5,1

- 4,0

- 0,6

- 3,4

- 2,5

- 0,5

- 2,0

- 2,3

- 0,3

- 2,0

P

- 6,1

0,0

- 6,1

- 6,0

- 0,9

- 5,1

- 5,7

- 1,3

- 4,4

- 3,2

- 1,0

- 2,2

- 2,5

- 0,6

- 1,9

- 2,2

- 0,2

- 2,0

FIN

- 0,8

- 5,9

- 2,1

- 6,4

- 4,2

- 2,2

- 4,7

- 2,3

- 2,4

- 3,3

- 1,7

- 1,6

- 0,9

0,3

- 1,2

0,3

1,1

- 0,8

S

- 12,2

- 4,1

- 8,1

- 10,3

- 2,5

- 7,8

- 6,9

- 0,5

- 6,4

- 3,5

- 0,8

- 2,7

- 0,8

- 0,8

0,0

0,5

- 0,1

0,6

UK

- 7,9

- 2,0

- 5,9

- 6,8

- 0,9

- 5,9

- 5,5

- 0,4

- 5,1

- 4,8

- 0,3

- 4,5

- 1,9

0,3

- 2,2

- 0,6

0,1

- 0,7

EUR

- 6,1

- 1,0

- 5,1

- 5,4

- 0,6

- 4,8

- 5,0

- 0,4

- 4,6

- 4,2

- 0,6

- 3,6

- 2,4

- 0,5

- 1,9

- 1,9

- 0,2

- 1,7

(a) Solde ajusté des variations cycliques.

* Budgets économiques du printemps 1998.

Source : Services de la Commission.

Il en résulte que la France relâche sa politique des finances publiques. Le déficit effectif ne serait que fort peu réduit entre 1997 et 1998, de 0,1 point de PIB, mais de surcroît, le déficit discrétionnaire, c'est-à-dire celui résultant de choix politiques sera creusé, passant de 2,3 à 2,6 % du PIB.

Il est donc essentiel de réorienter la politique budgétaire.

2. Des éléments de "divergence"

La convergence nominale n'a pas fait disparaître l'hétérogénéité des économies européennes.

Trois pays, l'Allemagne, la France et l'Italie, représentent près de 60 % de la richesse de l'Europe. Les niveaux de production par habitant diffèrent beaucoup.

Données relatives aux écarts de développement
entre pays européens

 

PIB aux prix courants 1)

PIB par habitant 2)

 

1991

1997

1991

1997

B

160,6

215,4

104,1

111,4

DK

104,7

144,1

131,7

144,6

D

1.391,5

1.916,6

112,8

123,4

EL

72,1

103,6

45,8

51,8

E

427,6

483,0

71,3

64,9

F

971,7

1.256,1

110,5

113,2

IRL

37,5

61,3

69,0

89,5

I

931,1

1.004,7

106,4

92,5

L

8,8

13,9

147,8

175,3

NL

234,8

320,9

101,1

108,6

A

133,5

184,1

110,7

120,0

P

61,8

89,1

40,6

47,7

FIN

98,1

104,1

126,6

107,2

S

193,5

212,4

145,7

125,8

UK

818,2

969,9

91,8

86,9

EUR 15

5.645,4

7.078,9

100,0

100,0

1) en milliards d'écus

2) Europe à 15 = 100

Ces écarts sont pour certains pays en voie de réduction alors que pour d'autres, ils se creusent.

L'instauration d'une monnaie unique accentuera leur lisibilité. Il est alors à redouter que les gouvernements des pays en retard de développement ne subissent des pressions auxquelles une réponse appropriée devra être apportée. La convergence des variations des coûts salariaux unitaires observée récemment invite à un certain optimisme, mais les disciplines dont elle témoigne ne devront pas être relâchées.

C'est d'autant plus indispensable que la part des salaires dans les pays en cause est relativement élevée comme le montre le tableau ci-dessous.

Part des salaires dans le PIB

(% du PIB aux coûts des facteurs)

Pays

1991

1997

B

72,0

69,7

DK

71,2

69,4

D

69,3

66,5

EL

71,5

72,6

E

68,5

63,3

F

68,3

66,2

IRL

70,2

62,2

I

72,8

68,3

L

73,5

72,1

NL

65,3

65,1

A

69,3

66,1

P

76,7

71,3

FIN

76,7

68,2

S

76,2

72,6

UK

76,7

71,0

EUR 15

71,6

68,4

La question des effets de la monnaie unique sur la convergence réelle en Europe est, quant à elle, un objet de conjectures.

La disparition de l'aléa monétaire pourrait favoriser une allocation des facteurs et un développement des échanges plus en accord avec les niveaux relatifs de la compétitivité des pays européens. Il s'ensuivrait un certain rattrapage structurel.

Compétitivité de quelques pays européens

Prix relatif du PIB en monnaie commune Allemagne = 100


1986


1991


1993


1995


1998

France

100

96,3

90,8

88,1

91,9

Belgique

100

102,2

99,0

100,0

102,1

Pays-Bas

100

94,1

89,7

89,3

91,9

Espagne

100

124,2

102,5

94,6

100,9

Italie

100

111,0

88,3

76,8

94,6

Source : OFCE

Une réorientation des flux d'investissement pourrait favoriser les pays en retard de développement.

Mais, la fragilité des indices de compétitivité, la complexité de ses déterminants, imposent une certaine circonspection.

Un scénario inverse est d'ailleurs avancé par certains qui, remarquant la spécialisation économique et géographique à l'oeuvre aux Etats-Unis, tablent sur un phénomène semblable en Europe, qui bénéficierait aux pays les plus développés.

Le niveau de développement n'est pas le seul élément de différenciation en Europe. Les niveaux de chômage y sont très disparates.

Taux de chômage en Europe en 1997

(% de la population active civile)

Pays

1997

B

9,9

DK

6,0

D

9,1

EL

9,0

E

21,5

F

12,4

IRL

12,0

I

12,3

L

3,0

NL

6,3

A

4,3

P

7,1

FIN

14,9

S

9,4

UK

7,8

EUR 15

10,8

Source : Commission européenne

Cette situation est de nature à influer sur la capacité des différents Etats à maîtriser leurs finances publiques. Elle pourrait aussi receler des facteurs de divergence dans l'évolution des coûts et donc des prix.

Mais c'est également le rythme de croissance qui différencie les Etats européens.

Croissance en volume des pays européens de 1992 à 1997

(variations en %)

 

Années

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

B

1,7

- 1,4

2,3

1,9

1,4

2,2

DK

0,2

1,5

4,4

2,8

2,1

3,1

D

2,2

- 1,1

2,9

1,9

1,4

2,2

EL

0,4

- 1,0

1,5

2,0

2,4

2,5

E

0,7

- 1,2

2,1

2,8

2,1

2,7

F

1,2

- 1,3

2,8

2,2

1,1

2,1

IRL

4,6

3,7

7,3

10,7

7,8

5,8

I

0,6

- 1,2

2,1

3,0

0,8

1,4

L

1,9

0,0

3,3

3,4

2,3

2,8

NL

2,0

0,8

3,4

2,1

2,5

2,8

A

2,0

0,4

3,0

1,8

1,0

1,6

P

1,1

- 1,2

0,8

2,3

2,5

2,8

FIN

- 3,6

- 1,2

4,4

4,2

2,3

3,7

S

- 1,4

- 2,2

2,6

3,0

1,7

2,1

UK

- 0,5

2,2

3,8

2,4

2,3

3,0

EUR 15

0,9

- 0,5

2,8

2,4

1,6

2,3

Si, du fait de leur interdépendance économique, l'Allemagne et la France connaissent une conjoncture le plus souvent parallèle, les rythmes de croissance des autres Etats peuvent s'éloigner de la trajectoire du couple franco-allemand.

La nécessité de redresser les finances publiques à laquelle sont plus particulièrement confrontés certains pays pourrait accroître ces écarts.

Comme il s'agit d'une variable importante pour la définition de la politique monétaire, il y a là une source d'incertitudes.

B. L'ADOPTION DE L'EURO NE LÈVE PAS TOUTES LES INCERTITUDES MONÉTAIRES

L'adoption de l'euro suppose celle d'une politique monétaire commune et la définition d'une politique de change.

Les orientations de ces deux politiques ont donné naissance à des débats parfois passionnés. Une lecture attentive du Traité, la logique de la construction entreprise, ainsi que son esprit, permettent de les aborder avec sérénité.

1. Quelle politique monétaire pour l'Europe ?

a) L'impact d'une politique monétaire unique sur les conditions monétaires de chaque Etat

Le constat d'une relative hétérogénéité des conditions économiques en Europe et les développements théoriques relatifs aux fonctions de réaction des politiques monétaires ont fait naître des incertitudes sur l'orientation de la future politique monétaire de la BCE.

Au terme de considérations assises sur la "règle de Taylor", on peut en effet observer que la future politique monétaire commune se traduira, pour certains, par une hausse des taux d'intérêt à court terme, et pour d'autres par une détente de ces taux.


La "règle de Taylor"

La règle dite de Taylor est utilisée pour estimer les déterminants des taux d'intérêt et par conséquent le niveau souhaitable et probable des taux d'intérêt en tant que cible que devrait se fixer une Banque centrale.

Selon cette règle, les déterminants des taux d'intérêt sont le taux d'inflation, l'écart du PIB à sa tendance de moyen terme et l'écart d'inflation par rapport à une cible.

Dans sa contribution à un prochain rapport de la délégation pour la planification du Sénat, l'OFCE examine ce que pourrait être la politique monétaire de la BCE si elle était fixée sur le fondement de ces déterminants.

L'étude de l'OFCE indique ce que serait les taux à court terme dans chaque pays européen si la règle de Taylor était observée de la même manière.

Les résultats pour chacun des principaux pays sont indiqués dans le tableau ci-après :

Règle de Taylor en Europe en 1998

Allemagne

3,45

Autriche

3,45

Belgique

3,3

France

2,4

Italie

3,8

Espagne

4,95

Pays-Bas

5,65

Portugal

5,45

Irlande

9,7

Source : calculs OFCE

On peut observer des écarts importants par rapport à la situation réelle, la dispersion naturelle des taux d'intérêt étant plus forte que la dispersion observée.

A supposer que la BCE conduise une politique monétaire pour l'ensemble de la zone fondée sur une fonction de réaction inspirée de la règle de Taylor, les taux d'intérêt à court terme serait en Europe de 3,7 %.

Cependant, cette perspective ne doit pas être exagérée en même temps que ses effets ne doivent pas être excessivement redoutés.

Cette perspective ne doit pas être exagérée dans la mesure où la BCE est appelée à mettre en oeuvre une politique monétaire réellement européenne, c'est-à-dire adaptée aux réalités économiques de l'ensemble de la zone euro. Il faudra donc veiller à ce que chaque gouverneur ne "cherche pas à pondérer" à l'excès la situation de son propre pays. La définition d'agrégats européens s'impose dans cette perpective. Elle justifie aussi pleinement qu'un dialogue s'instaure entre le Conseil de l'euro et la BCE.

Les effets d'une communautarisation de la politique monétaire ne doivent pas donner naissance à de trop vives inquiétudes.

Le relèvement des taux d'intérêt à court terme qu'elle laisse présager pour certains pays est minime. Il pourrait s'accompagner d'une baisse du niveau des taux d'intérêt à long terme et favoriser les ajustements des pays pour lesquels les conditions monétaires en sortiront détendues.

b) Les objectifs de la politique monétaire

Un débat doit être récusé, même si certains s'en offusquent, celui de la mission imposée à la BCE de rechercher la stabilité des prix.

Il n'est pas sérieux de considérer qu'une politique monétaire axée sur un autre objectif -l'inflation ?- puisse apporter un quelconque bienfait à l'Europe. On voit mal en quoi la politique monétaire pourrait régler les problèmes structurels sur lesquels vient buter la croissance. On voit également mal comment une politique monétaire visant la stabilité des prix pourrait faire comme si ces problèmes structurels n'existaient pas, et n'étaient pas de nature à provoquer des enchaînements inflationnistes.

Il est de la responsabilité des autres agents économiques -partenaires sociaux, Etat-, d'apporter les réponses adaptées aux problèmes structurels qu'ils rencontrent.

Le vrai problème posé par la politique monétaire ne résulte pas de la mission qui lui est attribuée, mais, à l'évidence, des conditions dans lesquelles cette mission est réalisée. On peut craindre que les interventions d'une banque centrale soient inappropriées, soit par excès de laxisme, soit par excès de rigorisme. Mais rien ne permet de craindre que ce risque pèsera davantage avec la BCE qu'avec n'importe quelle autre banque centrale.

Mais, comme rien n'indique qu'il pèsera moins. La nécessité d'un dialogue entre la BCE et les institutions politiques de la zone euro (le Conseil, mais aussi le Conseil de l'euro et les parlements nationaux) s'affirme de manière absolue. Le rôle des parlements nationaux doit être d'autant plus affirmé qu'ils sont seuls en mesure de traduire des réalités nationales spécifiques.

2. La controverse relative à la politique de change

L'adoption prochaine de l'euro a donné naissance à un débat sur la valeur externe de la monnaie européenne.

Une querelle institutionnelle est née de la perspective d'un dessaisissement des Etats en matière de change.

Elle s'est doublée d'un débat entre les partisans de l'euro fort et ceux de l'euro faible.

S'agissant des questions institutionnelles,
les clauses du traité relatives à la détermination de la politique de change de l'euro figurent pour l'essentiel à l'article 109.

Cet article distingue deux situations selon que la parité de l'euro est fixée par un accord international formel ou non.

Dans la première hypothèse, le Conseil statuant à l'unanimité , peut conclure des accords de change. Une fois ceux-ci conclus, le Conseil est également l'institution communautaire qui, à la majorité qualifiée adopte, modifie ou abandonne les cours centraux de l'euro.

Dans la seconde hypothèse, soit en l'absence d'un accord formel instituant un système de taux de change, le Conseil peut formuler les orientations générales de la politique de change de l'euro vis à vis des monnaies tierces. Ces orientations sont décidées à la majorité qualifiée du Conseil.

La compétence pour définir le taux de change de l'euro appartient donc au Conseil.

Au terme de l'article 109 K, le Conseil devrait, dans cette hypothèse, être composé des seuls représentants des Etats ayant adopté la monnaie unique européenne. Ainsi, les Etats ne participant pas à l'euro n'auraient aucune part dans les décisions ou les orientations générales relatives à la valeur extérieure de l'euro.

La compétence du Conseil est, on l'a dit, affirmée par le traité, mais il s'agit d'une compétence limitée et conditionnelle.

L'action du Conseil est d'abord encadrée par des conditions procédurales. Son initiative
est conditionnée à une recommandation de la Banque Centrale Européenne -BCE- ou de la Commission. Le Conseil n'en est pas pour autant à la merci du bon vouloir de la Commission ou de la BCE. L'article 109 D du traité permet en effet au Conseil ou à un Etat membre de demander à la Commission de formuler la recommandation qui conditionne son initiative. En ce cas, la Commission doit rendre ses conclusions sans délai. Le dispositif laisse la Commission entièrement libre de choisir le sens de sa recommandation ou de ses conclusions. Mais le Conseil est lui-même libre de décider ce qu'il souhaite.

De plus, une consultation du Parlement européen est prévue.

Une difficulté doit cependant être signalée.

Les parlements nationaux sont ignorés par le dispositif. Il est, dès lors, souhaitable que le gouvernement transmette toutes recommandations au Conseil susceptibles de donner lieu à l'application de la procédure afin que le Parlement français soit en mesure de se prononcer sur des accords dont l'importance pourrait être considérable.

Doit être encore soulignée la place éminente réservée à la BCE qui, au terme du dispositif de l'article 109, devra être consultée lorsqu'elle n'aura pas elle-même pris l'initiative d'une recommandation adressée au Conseil.

Enfin, la Commission doit être étroitement associée aux négociations susceptibles de déboucher sur un accord de change.

Mais l'action du Conseil est également soumise au respect de règles de fond . Les accords conclus sur les orientations générales formulées par le Conseil ne doivent pas affecter l'objectif principal du système européen de banque centrale -SEBC- à savoir le maintien de la stabilité des prix.

Cette règle formellement posée par le paragraphe 2, dans l'hypothèse où le Conseil décide de formuler des orientations générales, devrait s'appliquer également lorsqu'il entend conclure des accords de change formels puisqu'en ce cas un consensus devra être recherché avec la BCE afin que ces accords n'altèrent pas l'objectif de stabilité des prix.

Cette condition de fond est cohérente compte tenu de l'impact du système de change sur l'inflation et le niveau des taux d'intérêt.

On conclura en soulignant qu'une lecture attentive du Traité permet d'établir que la responsabilité en matière de change reviendra au Conseil, c'est-à-dire à une instance politique. Il est de plus loisible d'observer que les gouvernements continueront d'avoir, dans la pratique, l'influence qu'ils tiennent de leur participation dans les institutions monétaires internationales et lors des sommets qui dessinent régulièrement le paysage monétaire international.

Quant au débat sur la valeur de la parité extérieure de l'euro, son existence démontre combien, grâce à l'euro, l'Europe est appelée à regagner de sa souveraineté monétaire.

L'euro sera, et c'est souhaitable, un concurrent du dollar. Pour qu'il le soit, il lui faut être crédible, inspirer confiance. Cette perspective permet de maximiser les avantages propres à l'adoption de l'euro en termes d'attraction de capitaux et de modération des coûts de financement ; on imagine mal dès lors comment l'euro pourrait être une monnaie faible.

D'ailleurs, une politique monétaire et économique crédible devrait permettre de gagner des marges de manoeuvre ; un euro fort pourrait s'accompagner de taux d'intérêt réduits. La situation extérieure de la zone européenne justifierait sans doute cette prime de risque négative qui permettrait de dégager un avantage de compétitivité pour les entreprises européennes.

Si l'euro doit être attractif, il lui faut aussi être maîtrisable . Les perturbations que pourraient traverser le système monétaire international seront d'ailleurs plus susceptibles d'être réglées au profit d'une Europe unie monétairement que dans un contexte de polycentrisme monétaire. Il faudra veiller à exploiter cet avantage propre de l'euro. C'est d'ailleurs ce que reconnaît sans ambiguïté la résolution du Conseil européen de Luxembourg -voir infra- qui confirme à ce titre les pouvoirs du Conseil.

Une dernière considération : l'Europe monétaire étant constituée, l'exposition de l'économie européenne à l'extérieur sera du même ordre quantitatif que celle de l'économie américaine ; dès lors, les problèmes posés par les rapports extérieurs de change de l'euro devraient être, sinon minimes, du moins beaucoup moins sensibles que ceux rencontrés par une Europe monétairement éclatée.

CHAPITRE II

LES QUESTIONS POSÉES PAR LA COORDINATION
DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES EN EUROPE

L'article 103 du traité est le fondement juridique de la coordination des politiques économiques entre les pays membres. Les règles posées par l'article 103 ont récemment été complétées par le règlement 1466/97 du 7 juillet 1997 qui constitue l'un des trois piliers du pacte de stabilité et de croissance et, ce, dans la perspective du passage à la troisième phase de la réalisation de l'Union monétaire.

Quant à l'article 104 C complété par le règlement 1467/97 du 7 juillet 1997, deuxième pilier du pacte de stabilité et de croissance, il pose des règles de discipline budgétaire assorties de sanctions pour les Etats adoptant la future monnaie unique.

Cet ensemble, qui forme avec la résolution du Conseil européen d'Amsterdam du 17 juin 1997 le pacte de stabilité et de croissance, fonde un processus de renforcement de la coordination des politiques économiques d'Etats partageant la même monnaie. Mais, si les fondations sont posées, il n'est pas sûr que ce soit toujours dans les règles de l'art, tandis qu'il reste à construire l'édifice.

Avant-propos

Résumé des conclusions des résolutions du Conseil européen d'Amsterdam relatives au pacte de stabilité et de croissance (17 juin 1997) et du Conseil européen de Luxembourg sur la coordination des politiques économiques au cours de la troisième phase de l'UEM (15 décembre 1997)

La résolution du Conseil européen d'Amsterdam a pour objet de fournir des orientations politiques qualifiées de fermes aux Etats auxquels s'appliquera le pacte de stabilité et de croissance.

Elle repose sur l'idée que des finances publiques "saines" sont un moyen de renforcer les conditions propices à la stabilité des prix et à une croissance forte et durable génératrice d'emplois.

Par cette résolution, les Etats s'engagent à respecter un objectif budgétaire à moyen terme proche de l'équilibre ou excédentaire . Ils sont invités à rendre publiques les recommandations que pourrait leur adresser le Conseil aux fins d'atteindre cet objectif ou de corriger un déficit excessif.

La résolution invite le Conseil à décider systématiquement d'infliger des sanctions si un Etat membre participant ne prend pas les mesures nécessaires pour mettre fin à une situation de déficit excessif.

La résolution du Conseil européen de Luxembourg rappelle que les politiques économiques, ainsi que la détermination des salaires, demeureront des prérogatives nationales, mais que l'UEM établira des liens plus étroits entre les économies des Etats membres. Elle rappelle que cette interdépendance concernera aussi bien les Etats membres non participants. Elle en conclut que la coordination renforcée entre les évolutions et les politiques économiques nationales s'impose lorsque lesdites évolutions ou politiques économiques sont susceptibles d'influer sur la situation monétaire et financière dans l'ensemble de la zone ou d'affecter le bon fonctionnement du marché intérieur.

Suit une liste de tels sujets qui inclut :

"- la surveillance étroite de l'évolution macroéconomique dans les Etats membres afin d'assurer une convergence soutenue, ainsi que de l'évolution du taux de change de l'euro ;

- la surveillance des situations et des politiques budgétaires, conformément au traité et au pacte de stabilité et de croissance ;

- la surveillance des politiques structurelles menées par les Etats membres sur les marchés du travail, des produits et des services, ainsi que des tendances en matière de coûts et de prix, notamment dans la mesure où elles pèsent sur les possibilités d'obtenir une croissance non inflationniste durable et de créer des emplois, et

- l'encouragement de réformes fiscales de nature à améliorer l'efficacité et des mesures dissuasives à l'encontre d'une concurrence fiscale préjudiciable
."

Il est rappelé que la coordination économique renforcée doit être conforme au principe de subsidiarité prévu par le traité et respecter le rôle du Conseil "Questions économiques et financières" (Ecofin) en tant qu'instance centrale habilitée à prendre des décisions en matière de coordination économique. Cependant, le Conseil, la Commission et les Etats membres sont invités à appliquer intégralement et efficacement les instruments que prévoit le traité en matière de coordination des politiques économiques.

A cette fin, il est souhaité que les " grandes orientations des politiques économiques " adoptées conformément à l'article 103, paragraphe 2, du traité, soient un instrument efficace au service d'une convergence soutenue entre les Etats membres , qu'elles fournissent des lignes directrices plus concrètes, adaptées à chaque pays , et soient davantage axées sur des mesures destinées à améliorer le potentiel de croissance des Etats membres, augmentant ainsi l'emploi.

La résolution poursuit en souhaitant que la surveillance multilatérale prévue à l'article 103 du traité veille particulièrement à déclencher rapidement l'alerte, non seulement en cas de menace de détérioration de la situation budgétaire, mais aussi lorsque surviennent d'autres évolutions qui risquent de menacer la stabilité, la compétitivité et, à terme, la création d'emplois. Est exprimé le souhait que les Etats membres s'engagent à procéder à un échange d'informations complet et rapide sur l'évolution économique et les intentions politiques susceptibles d'avoir des incidences au-delà des frontières nationales.

En outre, la résolution conforte l'existence d'un Conseil de l'euro . Elle indique que les ministres des Etats participant à la zone "euro" peuvent se réunir entre eux de façon informelle pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu'ils partagent en matière de monnaie unique et que la Commission ainsi que, le cas échéant, la Banque centrale européenne (BCE), peuvent être invitées à participer aux réunions.

La résolution aborde également la mise en oeuvre des dispositions du traité relatives à la politique de change, à la position extérieure et à la représentation de la Communauté (article 109 du traité).

Elle indique que le Conseil devrait surveiller l'évolution du taux de change de l'euro à la lumière d'une large gamme de données économiques et qu'il convient d'assurer entre le Conseil et la BCE un échange de vues et d'informations sur le taux de change de l'euro. Elle précise que le Conseil peut, dans des circonstances exceptionnelles, par exemple en cas de désalignement manifeste, formuler des orientations générales de politique de change vis-à-vis des monnaies non communautaires, conformément à l'article 109, paragraphe 2, du traité mais que ces orientations générales devraient toujours respecter l'indépendance du SEBC et être conformes à l'objectif principal du SEBC , qui est d'assurer la stabilité des prix.

Elle ajoute que le Conseil devra arrêter la position de la Communauté au niveau international en ce qui concerne des questions qui revêtent un intérêt particulier pour l'UEM, conformément à l'article 109, paragraphe 4, du traité pour les relations bilatérales entre l'Union européenne et des pays tiers et pour les travaux se déroulant dans des enceintes internationales ou des groupements informels d'Etats.

Elle précise enfin les conditions du dialogue entre le Conseil et la BCE. Elle indique qu'il faudra que s'instaure entre le Conseil et la BCE un dialogue.

Elle suggère que le Conseil devrait jouer pleinement son rôle en tirant parti des voies de dialogue prévues par le traité, rappelant que le président du Conseil, faisant usage de la faculté que lui ménage l'article 109 B du traité, devrait faire rapport au conseil des gouverneurs de la BCE sur l'évaluation que fait le Conseil de la situation économique de l'Union et sur les politiques économiques des Etats membres et qu'il pourrait discuter avec la BCE du point de vue du Conseil sur l'évolution et les perspectives en matière de taux de change.

Elle remarque également que les rapports annuels que la BCE adressera au Parlement européen, au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au Conseil européen, sont un autre élément important.

I. LE CADRE DE LA COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES EN EUROPE : DES ARTICLES 103 ET 104 C AU PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

A. LA COORDINATION ET LA SURVEILLANCE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES : L'ARTICLE 103 DU TRAITÉ ET LE RÈGLEMENT 1466/97 DU 7 JUILLET 1997

L'article 103 du traité et le règlement 1466/97 visent à assurer la pérennité des performances acquises par les Etats adoptant l'euro. Ils ont un autre objet, qui est de tirer les conséquences de l'absence d'un budget fédéral européen. Celle-ci impose en effet que les Etats puissent mobiliser leurs budgets propres en cas de choc économique. Il leur faut, pour cela, regagner des marges de manoeuvre. Compte tenu des règles de discipline budgétaire posées par le deuxième pilier du pacte de stabilité et de croissance, il est nécessaire de rejoindre une situation d'équilibre des finances publiques.

1. L'article 103 du traité

Dans un premier paragraphe, l'article pose le principe de la coordination des politiques économiques des Etats membres au sein du Conseil. Chaque Etat membre est tenu de considérer sa politique économique comme une question d'intérêt commun.

Cette coordination doit s'inscrire dans le cadre des grandes orientations des politiques économiques qui, au terme d'un processus complexe, font l'objet d'une recommandation adoptée par le Conseil à la majorité qualifiée.

C'est également le Conseil -paragraphe 3 de l'article- qui, sur la base de rapports présentés par la Commission, surveille la conformité des politiques économiques des Etats à ces "grandes orientations".

Lorsque cette conformité n'est pas établie -paragraphe 4 de l'article-, le Conseil agissant sur recommandation de la Commission peut, statuant à la majorité qualifiée, adresser des recommandations à l'Etat membre concerné et, dans les mêmes conditions, décider de rendre publiques ses recommandations.

Un devoir d'information du Parlement européen est posé : les résultats de la surveillance multilatérale font l'objet d'un rapport adressé au Parlement par le Président du Conseil et par la Commission.

Enfin, le cinquième paragraphe de l'article ouvre au Conseil la latitude d'arrêter les modalités de la procédure de surveillance multilatérale organisée aux paragraphes 3 et 4 du texte.

C'est de cette latitude dont le conseil a usé en adoptant le règlement 1466/97 du 7 juillet 1997.

2. Le règlement 1466/97 du 7 juillet 1997 : premier pilier du pacte de stabilité et de croissance

L'objet du règlement est, explicitement, de renforcer la surveillance des positions budgétaires ainsi la surveillance et la coordination des politiques économiques.

Les règles adoptées par le Conseil diffèrent selon la situation des Etats membres au regard de l'euro.

Pour ceux qui auront adopté l'euro , dénommés Etats membres participants, ils devront présenter au Conseil et à la Commission avant le 1 er mars 1999 puis, ensuite, chaque année, un programme de stabilité.

Le contenu du programme de stabilité
est précisé avec un certain souci de détail. Il doit fournir les informations suivantes :

l'objectif à moyen terme d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire ainsi que la trajectoire d'ajustement -les programmes doivent couvrir, outre l'année encours, au moins les trois années suivantes- qui doit conduire à la réalisation de cet objectif ;

les principales hypothèses et les principaux résultats de prévisions économiques sous-jacentes ;

la description des mesures budgétaires et économiques envisagées pour réaliser les objectifs du programme et un chiffrage de l'impact des mesures sur le budget ;

une analyse, sous forme de variante sans doute, des effets sur le budget et la dette publique d'un changement d'hypothèses économiques.

Il est prévu que les Etats membres rendent publics leurs programmes de stabilité.

C'est au Conseil de procéder à l'examen des programmes de stabilité.


Deux cas sont à distinguer. S'agissant des programmes initiaux, le Conseil les examine ; s'agissant de programmes actualisés, il peut les examiner.

En tout état de cause, il procède à son examen sur la base d'évaluations effectuées par la Commission et par le comité économique et financier qui succède, au début de la troisième phase, au comité monétaire institué à l'article 109C du traité.

Les objectifs poursuivis, lors de l'examen par le Conseil des programmes de stabilité, sont précisés . Il s'agit d'abord d'apprécier si l'objectif budgétaire à moyen terme offre une marge de sécurité pour prévenir l'apparition d'un déficit excessif et, si, compte tenu des hypothèses économiques sous-jacentes et des mesures budgétaires mises en oeuvre ou envisagées, l'objectif budgétaire est réaliste. Il s'agit, en outre, d'apprécier si le contenu du programme favorise une coordination plus étroite des politiques économiques et s'il est conforme aux grandes orientations de politique économique recommandées par le Conseil.

Dans les deux mois de la présentation du programme de stabilité, le Conseil rend un avis dans lequel, le cas échéant, il invite l'Etat concerné à adapter son programme.

Le Conseil surveille l'exécution du programme de stabilité et s'il constate un dérapage de la position budgétaire par rapport à l'objectif du programme, il adresse une recommandation à l'Etat membre concerné l'invitant à prendre les mesures d'ajustement nécessaires.

Si le dérapage persiste, le Conseil adresse une recommandation l'invitant à prendre rapidement des mesures correctrices.

Le Conseil peut rendre publique sa recommandation.

On sera plus bref pour décrire les obligations imposées aux Etats membres non participants , ceux qui n'auront pas adopté l'euro. Ils doivent présenter des programmes de convergence . Ces programmes sont identiques aux programmes de stabilité sauf sur un point. Ils doivent, en effet, présenter les objectifs à moyen terme de la politique monétaire et les relations entre ces objectifs et la stabilité des prix et des taux de change.

De la même manière, la procédure, les finalités et les sanctions de l'examen des programmes de convergence sont identiques à ce qu'elles sont pour les programmes de stabilité excepté sur un point, lui aussi relatif aux questions monétaires. Le Conseil doit suivre les politiques économiques des Etats membres afin de s'assurer qu'elles évitent les distorsions des taux de change réels et les fluctuations excessives des taux de change nominaux.

Engagement européen et affichage national, un hiatus récent :
le partage de la valeur ajoutée

On ne compte pas les déclarations du gouvernement issu de la nouvelle majorité sur les méfaits d'un partage de la valeur ajoutée supposé défavorable aux salariés. Par exemple, le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 1998 dénonçait "un partage de la valeur ajoutée préjudiciable à la consommation et à l'emploi". Il y était dénoncé la relative faiblesse de la part revenant aux salaires.

C'est dans ces conditions une profonde perplexité qui saisit le lecteur attentif de la recommandation du Conseil du 7 juillet 1997 concernant les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres de la Communauté à laquelle s'est associé le nouveau gouvernement français. Elle précise en effet que le dosage souhaitable des politiques économiques en Europe doit comprendre "une évolution (...) des salaires réels (...) inférieure à la hausse de la productivité afin de renforcer la rentabilité des investissements créateurs d'emplois" .

En clair, notre engagement européen est radicalement à l'opposé des déclarations nationales.

Les programmes économiques de moyen terme de chaque Etat membre sont issus des gouvernements. Les premiers programmes devront être notifiés avant le 1er mars 1999, les programmes devant ensuite être révisés chaque année. Compte tenu de leur objet, ces programmes s'apparenteront beaucoup à des "budgets économiques" prolongés et enrichis ne serait-ce qu'en raison de l'existence dans leurs corps de variantes et d'évaluations spécifiques.

Il serait donc souhaitable que le calendrier d'élaboration de ces programmes puisse être compatible avec leur transmission au Parlement dans le cadre du rapport économique et financier produit chaque année à l'appui de la loi de finances. L'article 163 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 devrait être modifié sur ce point.

Enfin, les recommandations adressées aux Etats membres sont issues des organes communautaires sans qu'a priori soit ménagée une association en amont des gouvernements. Ces éventuelles recommandations doivent être transmises aux commissions compétentes du Parlement.

B. UN RENFORCEMENT DES CONTRAINTES ENCADRANT LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE : DE L'ARTICLE 104 C DU TRAITÉ AU RÈGLEMENT 1467/97 DU 7 JUILLET 1997

L'article 104 C et l'une des dispositions importantes introduites par le traité sur l'Union européenne puisqu'il a posé une règle communautaire d'encadrement des politiques budgétaires conduites par les Etats membres. Cet article vise fondamentalement à combattre les déficits publics excessifs et à fonder la discipline budgétaire imposée aux Etats membres au nom de l'Union économique et monétaire.

Destiné à entrer en vigueur de façon progressive à mesure que se déroulerait le cheminement de l'union monétaire, l'article 104 C a été complété par le règlement 1467/97 du 7 juillet 1997 qui constitue l'un des trois piliers du pacte de stabilité et de croissance.

L'analyse des difficultés résultant de ces dispositifs conduit à mettre en évidence un choix de politique budgétaire sous-jacent à l'unification monétaire qui peut être discuté, ainsi que quelques difficultés résultant des modalités d'application des règles européennes de discipline budgétaire.

1. L'article 104 C du traité sur l'Union européenne

L'article 104 C est le cadre juridique de la discipline budgétaire imposée aux Etats membres dans le contexte de la réalisation d'une union monétaire.

a) Une application par étapes

L'article 104 C organise la surveillance et la lutte contre ce que l'usage a désigné du nom de "déficits excessifs".

Divisé en 14 chapitres, son application a été conçue comme évolutive dans le temps à mesure des progrès réalisés sur la voie de l'unification monétaire en Europe. L'article 109 E du traité prévoit ainsi que l'article 104 C, à l'exception des paragraphes 1, 9, 11 et 14 s'applique dès le début de la deuxième phase ... de l'Union économique et monétaire qui a commencé le 1er janvier 1994 et que l'article 104 C, paragraphes 1, 9, et 11 s'applique dès le début de la troisième phase , c'est-à-dire le 1er janvier 1999 lors de l'instauration de l'euro.

S'agissant des paragraphes 1, 9 et 11, qui ne s'appliqueront donc qu'à partir du 1er janvier 1999, il faut souligner que les paragraphes 9 et 11 ne s'appliqueront qu'aux Etats ayant adopté l'euro, les Etats "hors euro" étant cependant soumis au paragraphe 1 dès cette date.

Objet des paragraphes destinés à entrer en application le 1er janvier 1999

Le paragraphe 1 de l'article 104 C comporte une injonction aux Etats membres d'éviter les déficits publics excessifs.

Les paragraphes 9 et 11 complètent la procédure de l'article 104 C en introduisant deux nouvelles étapes.

Le paragraphe 9 introduit la faculté laissée au Conseil de mettre en demeure un Etat en déficit excessif de prendre des mesures correctrices.

Le paragraphe 11 donne au Conseil la faculté de prononcer une série de sanctions contre un Etat qui ne se serait pas conformé à cette mise en demeure.

Il faut aussi souligner que c'est le traité sur l'Union européenne lui-même qui a organisé le renforcement des pouvoirs du Conseil sur la politique budgétaire des Etats membres après l'adoption de la monnaie unique et non pas le "pacte de stabilité et de croissance".

b) L'édiction de règles de "discipline budgétaire"

L'expression 'discipline budgétaire" doit être considérée comme une commodité. Les règles posées par l'article 104 C et précisées par le protocole n° 5 annexé au traité concernent en effet la situation globale des finances publiques appréhendée à travers les dettes publiques et les besoins de financement des administrations publiques, soit deux "critères" sensiblement différents par leurs champs du concept de déficit budgétaire.

En tout état de cause, au terme du dispositif de l'article 104 C, paragraphe 2, la discipline budgétaire est censée avoir été respectée en tant qu'elle intéresse les déficits publics si le rapport entre ceux-ci, qu'ils soient prévus ou effectifs, ne dépasse pas 3 % du PIB. Si tel n'est pas le cas, un manquement à la discipline budgétaire n'est pour autant pas nécessairement établi. Autrement dit, le dépassement de la valeur de 3 % du PIB ne constitue pas automatiquement un fait "d'indiscipline budgétaire" . Deux cas de figure alternatifs sont envisagés. Ils permettent tous deux de décerner un label de bonne conduite budgétaire, même si le critère quantitatif évoqué ci-dessus n'est pas atteint :

si le rapport entre le déficit public et le PIB a diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de 3 % du PIB ;

si le dépassement de la valeur de référence n'est qu' exceptionnel et temporaire et que le rapport entre le déficit public et le PIB reste proche de 3 %.

On peut donc énoncer qu'un déficit public excessif est, au sens du traité, un déficit public excédant 3 % du PIB ou un déficit public d'une valeur éloignée de 3 % du PIB, ou encore un déficit public un peu supérieur à 3 % du PIB si le dépassement de cette valeur ne peut être considéré comme exceptionnel et temporaire ou comme s'inscrivant dans un processus de diminution substantielle et constante du rapport du déficit public dans le PIB.

Lorsque le déficit public d'un Etat ne dépasse pas 3 % du PIB, il est réputé respecter la norme de discipline budgétaire relative au niveau de son déficit public. Toutefois, même si un Etat membre respecte ce critère, la Commission est habilitée à élaborer un rapport et à transmettre son avis au Conseil si elle estime qu'il y a un risque de déficit excessif dans cet Etat membre (article 104 C, paragraphe 3, second alinéa).

En ce cas, le Conseil ne pouvant que décider s'il y a ou non déficit public excessif, le paragraphe 6 de l'article 104 C ne lui ouvrant pas la faculté de décider qu'il y a un risque de déficit public excessif, l'avis de la Commission ne peut que servir de support à une décision du Conseil constatant l'inexistence d'un déficit public excessif.

Une incertitude subsiste sur le fait de savoir si un Etat membre qui respecte strictement la règle des 3 % obtient de ce fait la garantie d'être considéré comme budgétairement discipliné.

L'article 104 C organise la surveillance communautaire des déficits publics des Etats membres mais aussi du montant de leur dette publique (paragraphe 2 de l'article 104 C). Il indique en effet que la discipline budgétaire suppose le respect des critères précisés ci-dessus relatif au rapport du déficit public dans le PIB, mais aussi des critères suivants qui concernent la dette publique . La discipline budgétaire est respectée si le rapport entre la dette publique dans le PIB ne dépasse pas une valeur de référence fixée à 60 % par le protocole n° 5 annexé au traité. Dans le cas contraire, la discipline budgétaire n'est pas respectée à moins que ledit rapport "ne diminue suffisamment et ' approche de 60 % à un rythme satisfaisant ".

Cependant, la question se pose de savoir quelles sont les conséquences du non-respect de critère relatif à la dette publique. Précisons qu'elle se pose dans le cadre d'une lecture littérale du traité mais que la coutume ne semble ni infirmer ni confirmer cette lecture.

L'article 104 C du traité énonce en effet que si un Etat membre ne satisfait pas les critères relatifs au déficit public et (ou) à la dette publique, la Commission élabore un rapport (paragraphe 3). En revanche, lorsque le même article donne mission à la Commission d'adresser un avis au Conseil (paragraphe 5) sur la base duquel celui-ci décide s'il y a ou non déficit excessif (paragraphe 6), il ne vise pas autre chose que l'existence d'un déficit excessif (ou d'un risque de déficit excessif).

Or, un déficit excessif n'est pas une dette excessive . Dans ces conditions, il apparaît loisible de considérer que sans que cet Etat soit réputé budgétairement discipliné -la Commission peut (paragraphe 3) élaborer un rapport à ce sujet- un Etat qui connaîtrait une dette excessive ne pourrait être l'objet de la part du Conseil d'aucune autre décision prise dans le cadre de l'article 104 C . Seule, dans ce cadre là, la Commission pourrait agir en élaborant un simple rapport.

Cette interprétation à la lettre n'est évidemment pas la seule possible. Mais il faut admettre qu'elle s'inscrit dans un contexte d'une pratique communautaire où le "critère" de dette publique n'apparaît pas comme le plus fondamental des deux "critères" de finances publiques.

Un débat s'est ouvert opposant les tenants d'une appréciation stricte des règles de discipline budgétaire à ceux favorables à une interprétation souple de ces règles. Si la lettre même du traité donne plutôt raison à ces derniers en ce qu'elle admet -voir supra- quelques écarts par rapport aux valeurs arithmétiques fixées dans le protocole n° 5 annexé au traité, force est de reconnaître que celui-ci ne laisse pourtant que de faibles marges aux Etats membres.

Si le déficit public d'un Etat membre peut dépasser la valeur de référence de 3 % du PIB sans pour autant être considéré comme excessif, il n'en doit pas moins, pour échapper à cette qualification, satisfaire des critères exigeants.

D'abord, le traité impose qu'il prenne une valeur proche de 3 % du PIB. Aucune définition précise de ce qu'est une valeur proche de 3 % du PIB n'est donnée par le texte. Mais, on peut inférer de la pratique récente de la Commission suivie par le Conseil que cette valeur ne saurait être éloignée de plus de quelques dixièmes de points de PIB de la valeur de 3 %.

Ensuite, il faut, on le rappelle, que ce dépassement soit, soit exceptionnel et temporaire, soit inscrit dans un processus d'ajustement budgétaire caractérisé par une réduction substantielle et constante du rapport du déficit public dans le PIB.

Une source d'assouplissement aurait pu provenir de la rédaction du paragraphe 6 de l'article qui prévoit que pour décider s'il y a ou non déficit excessif le Conseil entreprend une "évaluation globale".

Il est toutefois difficile de concilier cette marge d'appréciation laissé au Conseil avec la rigueur des règles posées par le paragraphe 2 de l'article. On doit en outre indiquer que manquent des indications sur la méthode d'évaluation globale que devrait suivre le Conseil.
Sans doute s'agit-il de prendre en considération tous les éléments pertinents pour juger de la situation des finances publiques d'un Etat et, en particulier, leur évolution sur moyenne période. Mais, on conviendra que cela est un peu vague.

Peut-être alors pourrait-on considérer que le paragraphe 3 de l'article est susceptible d'apporter un peu de précision quant à la méthode d'évaluation globale que devrait suivre le Conseil. Il y est en effet indiqué que lorsqu'elle élabore un rapport en cas de déficit ou de dette excessifs, la Commission examine " si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement " et " tient compte de tous les autres facteurs pertinents, y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l'Etat membre ".

Si tel était le cas, le Conseil bénéficierait d'une marge d'appréciation tout à fait considérable. Car, si l'élaboration d'un rapport par la Commission suppose que celle-ci ait au préalable pris acte que l'Etat membre se trouve en situation de déficit ou de dette publics excessifs, le Conseil pourrait lui, à la lumière d'une évaluation globale conduite sur les bases indiquées ci-dessus, requalifier le déficit public de cet Etat et, en un mot, l'absoudre.

Dans les faits, le Conseil n'a jusqu'à présent pas usé de cette marge d'appréciation.

c) Une procédure d'une très grande complexité

L'article 104 C organise en outre la procédure dite des déficits excessifs.

Les différentes étapes de la procédure

1. Le rapport de la Commission (paragraphe 3)

Si un Etat membre ne satisfait pas aux exigences du critère relatif à la dette publique et à celui du déficit public, ou si elle estime qu'il existe un risque de déficit excessif, la Commission élabore un rapport 5( * ) . Aucun autre paragraphe de l'article 104 C ne visant littéralement l'existence dans un Etat membre d'une dette publique excessive, il y a lieu de s'interroger sur le point de savoir si la seule "sanction" ménagée par ce texte dans ce cas consiste dans l'élaboration par la Commission d'un rapport tel qu'il est indiqué au paragraphe 3 de l'article.

Cette étape de procédure, lorsqu'elle concerne l'hypothèse où un déficit public excessif serait constaté par la Commission est, sans doute possible quant à elle, suivie d'autres étapes.

2. L'avis de la Commission (paragraphe 5)


C'est ainsi que la Commission ayant élaboré le rapport sus-dit, elle adresse alors un avis au Conseil -paragraphe 5 de l'article 104 C- qu'il y ait déficit excessif ou, d'ailleurs, qu'un tel déficit risque de se produire.

Il est assez piquant d'observer que, dans cette dernière hypothèse, la Commission n'a pas la même latitude que lors de l'élaboration du rapport visé au paragraphe 3 : elle doit adresser un avis au Conseil. Plus étonnant encore est le sort que réserve le paragraphe 6 à l'avis de la Commission si celui-ci n'est fondé que sur le risque de survenance d'un déficit excessif -voir infra-.

3. La décision du Conseil (paragraphe 6)

En effet, cette clause énonce que le Conseil qui statue à la majorité qualifiée sur la recommandation de la Commission n'a qu'une alternative : décider soit qu'il y a déficit excessif , soit qu'il n'y a pas déficit excessif. On souligne que le Conseil n'a alors littéralement pas vocation à décider qu'il y a dette excessive . Mais au-delà, il faut aussi souligner que saisi d'un avis de la Commission qui ne ferait que constater l'existence d'un risque de déficit excessif, on voit mal le Conseil sauf à ce qu'il s'éloigne de l'avis de la Commission décider autre chose que l'inexistence d'un déficit excessif.

4. Les recommandations du Conseil (paragraphes 7, 8 et 10)


Une fois prise par le Conseil la décision qu'existe un déficit excessif , celui-ci adresse des recommandations à l'Etat concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné. En l'état, le délai n'est pas précisé par le texte et est donc fixé à la discrétion du Conseil. Les recommandations du Conseil ne sont pas rendues publiques sauf si, paragraphe 8, le Conseil constate qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise en réponse à ses recommandations.

Le paragraphe 10 précise que les voies de recours organisées par les articles 169 et 170 du traité -la saisine de la Cour de justice par la Commission ou un Etat membre qui s'estimerait lésé par le non-respect par un autre membre de ses obligations- ne peuvent être exercées dans le cadre des paragraphes 1 à 9.

5. L'abrogation des décisions du Conseil (paragraphe 12)

Lorsqu'il estime que le déficit excessif dans l'Etat membre a été corrigé, le Conseil abroge toutes ou certaines des décisions visées aux paragraphes 6 à 9 et 11. En l'état, seuls les paragraphes 6, 7 et 8 étant en vigueur, les seules décisions susceptibles d'être abrogées par le Conseil sont celles prises sur la base de ces paragraphes.

Une formalité particulière est imposée au Conseil si celui-ci a décidé de rendre publiques ses recommandations, celle de déclarer publiquement qu'il n'y a plus de déficit excessif dans cet Etat membre.

2. La troisième phase de réalisation de l'Union monétaire : la mise en oeuvre complète de l'article 104 C et le règlement 1467-97 du 7 juillet 1997

a) La mise en oeuvre complète de l'article 104 C

La troisième phase de réalisation de l'Union monétaire qui commencera le 1 er janvier 1999 sera caractérisée par l'entrée en vigueur des paragraphes 1, 9 et 11 de l'article 104 C et du règlement 1467-97 du 7 juillet 1997.

Le paragraphe 1 de l'article 104 C édicte une obligation faite à tous les Etats membres, celle d'éviter à compter du 1 er janvier 1999 les déficits excessifs.

Le paragraphe 9 permet au Conseil de mettre en demeure un Etat qui ne donnerait pas suite à ses recommandations de prendre, dans un délai déterminé, les mesures visant à la réduction du déficit.

Le paragraphe 11 pose le principe de sanctions en précisant que le Conseil peut décider d'appliquer à un Etat qui ne respecterait pas ses mises en demeure -celles du paragraphe 9- les mesures suivantes :

la publication d'informations supplémentaires avant l'émission de titres publics ;

inviter la Banque européenne d'investissement -BEI- à revoir sa politique de prêts à l'égard de cet Etat ;

effectuer des dépôts sans intérêt auprès de la Communauté ;

imposer des amendes d'un montant approprié.

Ces clauses entrent en vigueur dès le 1 er janvier 1999 mais, rappelons-le, cette entrée en vigueur n'est appelée à concerner, pour les paragraphes 9 et 11, que les Etats ayant adopté l'euro.

b) Le règlement 1467/97 du 7 juillet 1997 : deuxième pilier du pacte de stabilité et de croissance

Il en va de même pour les dispositions du règlement 1467/-97 qui viennent préciser ces derniers paragraphes tandis que les autres dispositions de ce règlement s'appliquent à l'ensemble des Etats membres.

Le règlement évoqué ci-dessus qui forme l'un des trois piliers du pacte de stabilité et de croissance décidé lors du Conseil européen d'Amsterdam de juin dernier vise à "accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs" . Ses dispositions doivent être appréciées au regard du troisième pilier du pacte que constitue la résolution du Conseil européen relative au pacte de stabilité et de croissance adoptée le 17 juin 1997 lors du sommet d'Amsterdam.

Un curiosité doit au préalable être exposée. On sait que le règlement 1467-97 a été pris sur la base du paragraphe 14 de l'article 104 C. Or, d'une lecture littérale du traité, il ne ressort pas clairement quel est le moment d'entrée en vigueur de ce paragraphe.

Une curiosité

L'article 104 C du traité comporte 14 paragraphes . L'article 109 E du même traité précise que neuf de ces paragraphes s'appliquent dès le début de la deuxième phase qui a commencé le 1 er janvier 1994. Sont exclus de cette application immédiate les paragraphes 1, 9, 11 et 14. L'article 109 E indique que les paragraphes 1, 9 et 11 s'appliquent dès le début de la troisième phase. Il n'évoque en rien le paragraphe 14. Cette omission, qui ne trouve pas d'explication, pose un problème juridique signification de la qualité de rédaction de certaines clauses du traité. A quel moment le paragraphe 14 de l'article 104 C du traité trouve-t-il à s'appliquer ? Nulle réponse ne peut être donnée à cette question.

Comme la clause dont il s'agit est le fondement juridique de la proposition de la Commission ayant donné naissance au règlement 1467/97, on admettra qu'il y aurait pu y avoir là un problème substantiel.

Le règlement qui entrera en vigueur le 1 er janvier 1999 a d'abord pour objet d'accélérer la procédure dite des déficits excessifs. A cette fin, sont institués une série de délais.

Les délais encadrant les différents stades de la procédure

On se reportera au tableau ci-dessus pour identifier les différentes étapes de la procédure.

Le rapport prévu au paragraphe 3 donne lieu à un avis du comité économique et financier dans les deux semaines de son adoption.

Le Conseil prend la décision visée au paragraphe 6 dans un délai de 3 mois à compter des dates de notification prévues à l'article 4 paragraphes 2 et 3 du règlement 3605/93. On rappelle que, selon celui-ci, les Etats membres doivent notifier à la commission les informations requises par ce règlement deux fois dans l'année avant le 1 er mars et avant le 1 er septembre.

S'il décide qu'il y a déficit excessif, le Conseil doit concomitamment adresser à l'Etat concerné les recommandations visées au paragraphe 7 du traité. Ces recommandations prescrivent à l'Etat concerné un délai de quatre mois au maximum pour engager une action suivie d'effets et fixent un délai pour corriger le déficit excessif qui, sauf circonstances exceptionnelles, doit disparaître dans l'année suivant celle de sa constatation.

La décision mentionnée au paragraphe 8 est prise immédiatement après l'expiration du délai mentionné ci-dessus.

La décision mentionnée au paragraphe 9 est prise un mois après la décision ci-dessus.

La décision d'imposer des sanctions (paragraphe 11) est prise, au plus tard deux mois , après la décision ci-dessus.

Finalement, entre les dates de ratification prévues par le règlement 3605/93 et la décision du Conseil d'appliquer des sanctions, ne doit pas s'écouler un délai supérieur à 10 mois. Est en outre prévue la mise en oeuvre d'une procédure accélérée en cas de déficit excessif prévu et délibéré. Enfin, l'intensification des sanctions doit, le cas échéant, intervenir dans les deux mois des dates de notification évoquées ci-dessus, tandis que l'abrogation des décisions du Conseil prévue au paragraphe 12 de l'article 104 C doit intervenir le plus rapidement possible et, au plus tard, dans les deux mois suivant les dates de notification.

Mais l'accélération de la procédure n'est pas le seul objet d'un règlement qui ambitionne aussi de la clarifier .

Deux éléments sont concernés : la définition de ce qu'est un déficit excessif et le mécanisme des sanctions.

L'article 2 précise en effet d'abord à quelles conditions un déficit peut n'être pas excessif s'il est considéré comme exceptionnel et temporaire . Il faut pour cela qu'il résulte "d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'Etat membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière de ses administrations publiques" ou qu'il soit "consécutif à une grave récession économique".

Le paragraphe 2 de l'article précise qu'une récession se produit lorsque le PIB réel de l'Etat membre "enregistre une baisse annuelle d'au moins 2 %".

Le paragraphe 3 du même article apporte une certaine atténuation à la rigueur de la règle précédente. Il invite en effet le Conseil à tenir compte " dans son évaluation globale, des observations éventuelles de l'Etat membre concerné, lui indiquant qu'une baisse annuelle du produit intérieur brut de moins de 2 % en termes réels est néanmoins exceptionnelle, eu égard à d'autres éléments d'information allant dans le même sens ...". Ceux-ci sont, en particulier, " le caractère soudain de la récession ou la baisse cumulative de la production par rapport à l'évolution constatée dans le passé ".

Cependant, dans la résolution d'Amsterdam citée plus haut, les Etats se sont engagés à ne pas invoquer le bénéfice de cette dernière disposition lorsque la baisse annuelle du PIB réel serait inférieure à 0,75 %.

En ce qui concerne les sanctions , dont on rappelle qu'elles ne s'appliquent qu'aux Etats ayant adopté la monnaie unique européenne, l 'article 11 indique que lorsque des sanctions sont décidées contre un Etat membre, le Conseil doit, "en principe", exiger avant tout que cet Etat "effectue un dépôt non porteur d'intérêts".

L'article 12 encadre le pouvoir du Conseil en précisant les règles de calcul des dépôts.

Le montant du premier dépôt comprend un élément fixe égal à 0,2 % du PIB et un élément variable égal à un dixième de la différence entre le déficit exprimé en points de PIB et la valeur de référence (3 % du PIB).

Les dépôts supplémentaires sont, quant à eux, égaux à cette différence ; c'est dire qu'il ne comporte pas d'élément fixe.

En tout état de cause, les dépôts annuels ne peuvent excéder 0,5 % du PIB de l'Etat concerné.

L'article 13 précise que ces dépôts sont, "en principe" convertis en amende" dans les deux années suivant la décision d'imposer la constitution du dépôt "si le déficit excessif n'a pas été corrigé.

L'article 14 et l'article 15 prévoient des mesures d'abrogation par le Conseil de ses décisions de sanction.

Pour ce qui est des sanctions des premier et deuxième tirets du paragraphe 11 6( * ) , le Conseil peut les abroger si l'Etat a accompli des progrès sensibles même s'ils sont insuffisants pour corriger son déficit excessif.

Ce n'est que s'il est décidé que le déficit excessif a été corrigé que le Conseil peut, et doit, lever toutes les sanctions prononcées par lui. Il est cependant prévu qu'en ce cas les amendes ne sont pas remboursées à l'Etat fautif.

L'article 16 précise enfin le sort des dépôts et des amendes infligés aux Etats. Les dépôts sont constitués auprès de la Commission. En outre, il précise que les intérêts sur ces dépôts et les amendes font partie des ressources du budget général des Communautés européennes.

Ils sont répartis entre les Etats membres n'étant pas en situation de déficit excessif, au prorata de leur part dans le PNB des Etats membres éligibles.

II. UN DISPOSITIF EN DEBAT

Le pacte de stabilité et de croissance a fait l'objet d'après discussions. Deux objections ont été émises, l'une portant sur son principe même, l'autre sur ses modalités.

Les termes de ce débat sont exposés ci-dessous pour ce qui concerne, successivement, la surveillance et la coordination des évolutions et des politiques économiques et la prévention et la correction des déficits excessifs.

A. LE NECESSAIRE RENFORCEMENT DE LA SURVEILLANCE ET DE LA COORDINATION DES EVOLUTIONS ET POLITIQUES ECONOMIQUES

Le thème de la coordination des politiques économiques a une longue histoire en Europe. Mais, c'est une histoire complexe qui superpose deux conceptions au moins.

La première, minimale, consiste à promouvoir un modèle où le partenaire ne gêne pas l'autre. Minimale certes mais exigeante au moins pour les pays disposant d'une situation favorable dans un rapport de forces économiques que tend à atténuer la coordination mise en oeuvre. On peut estimer que l'union monétaire est l'exemple même de ce type de coordination.

Une deuxième conception est axée sur l'idée de coopération. Elle suppose la définition et la mise en oeuvre de règles au terme desquelles l'inégalité des partenaires étant constatée, le partenaire le plus fort aide celui qui est en difficulté. Elle est également invoquée pour reconnaître que la contribution à la résolution d'un problème commun aux partenaires peut supposer des efforts inégaux de la part de chacun d'eux.

Ces deux conceptions peuvent avoir des frontières communes -le renoncement à un avantage comparatif structurellement nuisible pour les partenaires peut être rangé dans la catégorie des comportements coopératifs-, cependant la distinction entre ces deux formes de coordination conserve une valeur analytique robuste.

Force est de constater que la coordination des politiques économiques en Europe relève plutôt du premier modèle que du second. Force est aussi de souhaiter que des progrès soient réalisés pour promouvoir mieux la coordination en Europe.

1. Une évolution des règles du traité

Le règlement 1466/97 pris sur la base du paragraphe 5 de l'article 103 a modifié les règles posées par cet article.

Des règles de fond nouvelles ont en effet été ajoutées sans que ces modifications trouvent de base légale évidente dans le traité.

C'est évidemment l'énoncé d'un objectif budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire, à rechercher dans le cadre des programmes de stabilité ou de convergence, qui constitue la novation essentielle du texte.

Cet objectif intangible et non circonstancié -tout au moins si l'on se réfère au seul dispositif du règlement- est plus rigoureux que celui inscrit à l'article 104 C du traité qui "admet" l'existence de déficits s'élevant à 3 % du PIB. Et même s'il est vrai que le défaut de respect de la règle ainsi posée n'est sanctionné que par l'édiction d'une recommandation du Conseil -alors que l'apparition d'un déficit excessif entraînera, en théorie, des sanctions pécuniaires- il s'agit là d'une contrainte qui ajoute incontestablement au texte du traité. Dans ces conditions, une application nuancée des nouvelles règles s'impose, qui devrait s'appuyer sur le considérant (4) du règlement nouveau qui se réfère explicitement aux fluctuations conjoncturelles et paraît associer l'objectif budgétaire ainsi énoncé à un environnement économique particulier.

Un second ajout
, de précision cette fois, mérite d'être cité même s'il ne concerne que les Etats membres non participants . Il s'agit de la surveillance de la politique monétaire conduite dans ces Etats et des éventuelles distorsions des taux de change réels et des fluctuations excessives des taux de change nominaux auxquelles elle pourrait donner lieu. Il est peu douteux que l'objectif recherché consiste principalement à prévenir l'apparition de "dévaluations compétitives". Mais, il est également significatif que la surveillance s'exerce sur les fluctuations des taux de change nominaux. Il y a là probablement la volonté d'arrimer les Etats non participants -dont le nombre au moment de la rédaction du texte ne pouvait qu'être supputé- à la nouvelle monnaie unique. En tout état de cause, outre que ce texte manifeste une grande confiance dans la capacité de la politique monétaire à contribuer à la maîtrise des prix et des parités, il faut souligner son aspect paradoxal.

Il est en effet significatif que soit organisée la surveillance de la politique monétaire conduite par des Banques centrales indépendantes. Cela constitue une reconnaissance claire de la part du Conseil que le contrôle par lui de la politique monétaire ne pose pas de difficultés juridiques.

Mais il n'est pas moins significatif que le règlement ne ménage en revanche aucun contrôle de la politique monétaire de la BCE alors même qu'il s'inscrit dans le cadre d'une surveillance multilatérale des politiques économiques exercée par référence à des grandes orientations de politiques économiques qui, elles, comportent bien diverses mentions à la politique monétaire.

Il faut cependant concéder que la résolution du Conseil européen de Luxembourg a été l'occasion de réaffirmer les compétences du Conseil et la nécessité d'instaurer le dialogue visé par l'article 109 B du Traité entre le Conseil et la BCE.

2. Un dispositif auquel n'est pas associé le Parlement national

L'article 103 complété par le règlement du 7 juillet 1997 est le cadre formel de l'élaboration et du suivi des politiques économiques en Europe. Il est à ce titre censé déboucher sur trois types de documents importants :

- les grandes orientations des politiques économiques en Europe ;

- les programmes économiques à moyen terme de chaque Etat membre ;

- les recommandations adressées à eux.

Chacun de ces importants documents desquels le Parlement national est jusqu'alors, en pratique, tenu à l'écart, a sa spécificité, si bien que les modalités de la nécessaire association du Parlement à leur examen ne peuvent qu'être diversifiées.

Les grandes orientations des politiques économiques sont adoptées par le Conseil au terme d'une négociation où chaque pays fait entendre sa voix. Il serait heureux que la position défendue par la France à cette occasion puisse faire l'objet d'un débat en amont à partir d'une communication de l'exécutif transmise au Parlement.

Dans cette perspective, il conviendrait que le gouvernement fasse application de l'article 88-4 de la Constitution en transmettant la recommandation de la Commission qui initie la procédure . Jusqu'à présent, une telle transmission n'a jamais été réalisée. Sans entrer dans un débat juridique un peu vain, il suffit d'indiquer combien, la dimension européenne s'imposant de plus en plus à la définition et à la conduite de la politique économique, une telle possibilité de débat au Parlement national apporterait à la satisfaction d'une simple exigence démocratique, ne serait-ce que parce qu'elle permettrait d'évaluer et discuter les engagements pris par les gouvernements à l'égard de nos partenaires européens.

3. Une procédure à faire vivre

Jusqu'à présent la procédure de l'article 103 n'a donné lieu qu'à une pratique décevante. Les possibilités ouvertes par le mécanisme n'ont guère été utilisées et lorsqu'elles l'ont été, elles n'ont débouché que sur des documents peu opératoires.

La concrétisation essentielle, sinon exclusive, de la procédure a jusqu'alors été l'adoption annuelle des "grandes orientations de politique économique".

Le Conseil européen dans sa résolution de Luxembourg en a reconnu la faible portée -v supra- et l'on ne peut que s'associer à ses conclusions souhaitant un approfondissement du texte afin que ces grandes orientations deviennent l'expression d'objectifs communs des partenaires formulés sur la base d'une appréciation économique concrète de la situation de chacun. C'est à cette condition qu'une politique économique réellement européenne pourra exister fondée sur une base sérieuse d'appréciation de la situation des partenaires et des problèmes rencontrés par chacun.

C'est aussi une condition nécessaire à l'exercice d'une surveillance efficace des évolutions et des politiques économiques dans la zone euro.

Or, celle-ci s'impose tout particulièrement compte tenu des caractéristiques de cette zone.

Sans aborder le débat théorique suscité par la notion de zone monétaire optimale 7( * ) , il est remarquable d'observer la dispersion des niveaux de développement et des taux de croissance en Europe ainsi que les écarts constatés face à des problèmes structurels, par exemple le chômage -v. supra-. L'on peut en outre supputer une faible mobilité de la population active européenne et, le cas échéant, le renforcement d'une spécialisation économique déjà à l'oeuvre dans certains pays. La convergence nominale n'est donc pas acquise une fois pour toutes.

Dans ces conditions, les occasions d'hétérogénéité des évolutions économiques seront probablement non nulles dans la zone euro
si bien qu'une surveillance rigoureuse des phénomènes économiques à l'oeuvre dans chaque Etat partenaire s'impose. Il est souhaitable qu'elle débouche sur une prévention et, le cas échéant, une correction des divergences ce qui peut supposer davantage que le modèle de coordination minimal évoqué plus haut.

Plusieurs observations doivent alors être formulées.

Il ne faut pas surestimer le risque d'une divergence grave entre économies européennes. L'expérience historique démontre que l'intégration européenne s'est accompagnée d'une mise en phase des conjonctures et de performances nominales qui ont convergé. En outre, les économies européennes sont, dans l'ensemble, peu spécialisées, les grands pays de la zone disposant d'une gamme productive vaste ce dont témoignent les caractéristiques des échanges intraeuropéens qui concernent des produits relevant des mêmes branches de production. Néanmoins, ces données sont inégalement vérifiées dans les pays appelés à adopter l'euro.

L'absence d'un budget fédéral capable, comme aux Etats-Unis, de compenser une part substantielle des chocs économiques supportées par certaines régions doit inciter les Etats membres de la zone euro à pratiquer une politique budgétaire qui leur permette de disposer de marges de manoeuvre en phase conjoncturelle défavorable .

De ce point de vue, l'objectif posé par le pacte de stabilité et de croissance d'un retour à l'équilibre des finances publiques en période ascendante du cycle économique doit être entièrement approuvé.

Toutefois, il est à supposer que la question du fédéralisme budgétaire continuera à se poser.

Le rôle des finances publiques comme instrument d'ajustement conjoncturel est appelé à s'intensifier. Deux questions émergeront inévitablement.

La première sera celle de savoir si les disciplines budgétaires du pacte de stabilité et de croissance sont pertinentes et réalistes -v.infra-.

La seconde sera celle de la coordination entre la politique budgétaire et la politique monétaire.


Cette question est "a priori" résolue par les règles du pacte de stabilité et de croissance. Celles-ci peuvent s'analyser comme un engagement réciproque des autorités budgétaires et de la BCE. Les premières s'engagent à conduire une politique budgétaire saine 8( * ) et contracyclique. La seconde s'engage à reconnaître que la phase descendante du cycle ou un choc récessif peuvent justifier un déficit budgétaire dans certaines limites. Il reste que la réciprocité de ces engagements devra être vérifiée dans la pratique. C'est pourquoi il est si fondamental qu'un dialogue s'instaure entre le Conseil et la BCE.

La surveillance et la coordination des évolutions et des politiques économiques n'est pas seulement justifiée par le souci de mettre en place un cadre favorable aux ajustements conjoncturels. Il faut aussi éliminer les aspects déloyaux d'une concurrence que l'adoption de l'euro pourrait accentuer.

L'adoption de l'euro doit s'accompagner d'un approfondissement rapide de tous les volets de l'Union économique et monétaire. Le Président de la République a pris la très heureuse initiative de promouvoir l'approfondissement social de l'Union. D'autres dossiers importants doivent être traités, qu'il s'agisse des gestions fiscales que votre commission des finances s'est attachée à clarifier depuis deux ans 9( * ) ou des règles financières. La concurrence entre Etats européens doit être loyale. Des rapprochements avec nos partenaires doivent être recherchés à cet effet dans le respect d'un principe de subsidiarité évalué sur des bases réalistes.

Ces rapprochements seront, ne le cachons pas, difficiles à obtenir. Nous devons éviter l'écueil que nous rencontrerions certainement en imaginant pouvoir toujours amener nos partenaires à se calquer sur "l'exception française". C'est vrai dans le domaine social et la loi imposant la mise en oeuvre universelle des 35 heures, quelle que soit l'issue des négociations sociales, nous place dans une situation de singularité incohérente avec le souci d'une recherche de solutions communes en Europe.

Mais, c'est également vrai dans bien d'autres domaines dont, tout particulièrement, le domaine fiscal. En nous situant dans un contexte de hausse des prélèvements mise en évidence à l'occasion du dernier débat budgétaire 10( * ) , le gouvernement nous éloigne de l'objectif à promouvoir d'une certaine harmonisation fiscale en Europe. Là aussi, la maîtrise et l'optimisation des dépenses publiques s'imposent, sauf à se résigner à des pertes cumulatives de compétitivité structurelle.

B. LA PROCÉDURE DE PRÉVENTION ET DE CORRECTION DES DÉFICITS PUBLICS EXCESSIFS

La procédure ménagée par l'article 104 C du traité institue des règles strictes de discipline financière.

Le dispositif en vigueur depuis 1994 a été durci dans le cadre du deuxième pilier du pacte de stabilité et de croissance si bien que les imperfections constatées à l'occasion de sa mise en oeuvre effective devront être corrigées à l'avenir.

Mais l'essentiel est ailleurs. La pertinence des règles posées peut être débattue ; leur crédibilité peut être discutée.

1. Une procédure appelée à évoluer

L'article 104 C sur les déficits excessifs a été mis en oeuvre sous une forme partielle depuis le 1er janvier 1994, date du début de la deuxième phase de réalisation de l'Union économique et monétaire. Désormais, il sera mis en oeuvre dans la totalité de ses stipulations et selon les modalités prévues par le règlement 1467/97 analysées plus haut.

Le renforcement de la discipline budgétaire devra s'accompagner d'une application de la procédure plus stricte qu'auparavant.

La mise en oeuvre de la procédure des déficits excessifs n'a en effet pas été entièrement satisfaisante jusqu'à présent. L'application éventuelle de sanctions aux Etats membres devrait susciter une rationalisation des méthodes. Un point doit et sera probablement corrigé.

La procédure de l'article 104 C suppose un enchaînement de décisions. Le Conseil doit chaque année décider si un Etat membre se trouve en situation de déficit excessif.

Les textes communautaires ne précisent pas suffisamment de quel déficit il s'agit ou, plus exactement, le rattachement temporel du déficit public en question. S'agit-il du déficit public en cours ou du déficit public de l'année à venir ou bien encore d'un autre déficit public ?

La seule mention utile donnée par le texte de l'article 104 C est celle du a) du paragraphe 2 qui vise le déficit public prévu ou effectif.

Il faut, pour obtenir des informations supplémentaires, se reporter au règlement n° 3605/93 du Conseil du 22 novembre 1993 qui, dans son article 3, dispose que

" 1. les chiffres de déficit public prévu sont les chiffres établis pour l'année courante par les Etats membres en conformité avec les décisions les plus récentes de leurs autorités budgétaires. ", tandis que

" 2. les chiffres de déficit public effectif et de niveau de dette publique effective sont les résultats estimés, semi-définitifs et définitifs pour une année écoulée. "

Si donc la surveillance du déficit public prévu concerne le déficit de l'année courante, celle du déficit public effectif concerne les déficits d'années écoulées. Ces dernières sont définies à l'article 4 du règlement sus-mentionné. Il s'agit des années n-1 à n-4.

Ces règles posent à l'évidence un problème par leur caractère extensif. Car, littéralement, les instances communautaires sont en mesure de constater l'existence d'un déficit excessif dans un Etat membre pour n'importe quel déficit des années n à n-4. Cependant, l'utilité de la procédure commande que ce constat soit réservé au déficit de l'année courante car, par hypothèse, le déficit des années précédentes ne peut être corrigé.

Cette interprétation de bon sens, conforme à la règle de l'interprétation utile des textes de droit a-t-elle prévalu dans la pratique ?

L'examen des propositions de la Commission démontre que tel n'a pas été le cas.

La Commission et le Conseil ont en effet pris l'habitude de se référer au déficit de l'année écoulée pour fonder le constat de l'existence d'un déficit public excessif dans un état membre.

La recommandation de la Commission au Conseil visant le déficit public français notifié par notre pays en 1997 illustre cette méthode.

En effet, alors que le Conseil notait , "que conformément à sa recommandation, le gouvernement français se propose de ramener le déficit des administrations publiques à 3 % du PIB en 1997 " soit à un niveau conforme à la valeur de référence, il n'en recommandait pas moins au gouvernement français " de mettre un terme à la situation actuelle de déficit excessif ".

Il y a là une contradiction patente à laquelle les organes communautaires tentent de donner une solution au moyen d'une astuce de procédure. Elles se fondent en effet sur le paragraphe 12 de l'article 104 C qui concerne l'abrogation des décisions du Conseil pour éviter de décider formellement l'existence d'un déficit excessif.

Ce paragraphe stipule en effet que :

" le Conseil abroge toutes ou certaines de ses décisions visées aux paragraphes 6 à 9 et 11 dans la mesure où, de l'avis du Conseil, le déficit excessif dans l'Etat membre concerné a été corrigé ... "

Ce paragraphe permet de maintenir en vie des décisions prises dans le passé et donc de considérer qu'un Etat membre connaît un déficit excessif dès lors que le constat que ce déficit a été corrigé n'est pas posé par le Conseil. Or, ce constat dépend de la réalisation effective d'un objectif de réduction du déficit et ne saurait être fondé sur les seules intentions d'un gouvernement .

En optant pour cette méthode les organes communautaires ont probablement mésusé de la procédure de l'article 104 C.

On peut en effet considérer que le paragraphe 12 organise un simple dispositif de conséquence en prévoyant l'abrogation de décisions antérieures et donc la suppression de leurs effets pour l'avenir.

On comprend que le Conseil ait, par prudence, agi de la sorte. mais, cette méthode qui conduit à négliger les efforts consentis par un Etat pour assainir ses finances publiques tant que la réalisation d'un objectif, serait-il posé par la loi 11( * ) , n'aurait pas été constatée, devrait n'être plus de mise dès lors que les décisions du Conseil pourraient déboucher sur le prononcé de sanctions.

On peut par ailleurs signaler une dérive de la Commission et du Conseil qui devrait être endiguée à l'avenir.

On sait que, lorsque le Conseil décide de constater l'existence d'un déficit excessif dans un Etat membre, il adresse des recommandations à cet Etat " afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné " conformément au paragraphe 7 de l'article 104 C.

Le reste de la procédure est conditionnée par les réactions de l'Etat concerné face aux recommandations du Conseil et non plus par le maintien ou l'extinction du déficit excessif.

On pourrait considérer que ces deux conditions sont équivalentes. Il n'en est rien. Les organes communautaires ont en effet élargi leur compétence et sont allés dans leurs recommandations au-delà de ce qu'implique le retour à un déficit ne dépassant pas 3 % du PIB.

C'est ainsi que dans le projet de recommandation adressé à la France en 1997, " le Conseil invite en outre le gouvernement français à poursuivre la réduction du déficit public en 1998 afin de le ramener à 2,8 % du PIB... ".

Ces initiatives, qui pourraient être justifiées dans le cadre de l'article 103 du traité sont condamnables lorsqu'elles prennent place dans le cadre de l'article 104 C. Elles le sont d'autant plus que les organes communautaires, allant au-delà des textes, considèrent que " le Conseil tient compte du respect des recommandations... quand il adopte des décisions conformément à l'article 104 C paragraphe 12 ". En clair, l'abrogation des décisions consécutives au constat de l'existence d'un déficit excessif, tient compte du respect de recommandations dont le contenu peut être plus exigeant que ce qu'impliquerait le retour à un déficit public limité à 3 % du PIB.

Il convient donc d'inviter le gouvernement à faire en sorte que la procédure de l'article 104 C joue normalement.

2. La discipline budgétaire en débat

Une question fondamentale est de savoir si les règles de discipline budgétaire posées par le Traité sont cohérentes avec les objectifs d'une zone monétaire unifiée. Une autre question est de savoir si elles sont réalistes.

a) Le réalisme des règles

Cette question conduit à présenter des analyses nuancées.

Une première approche consiste à explorer l'histoire récente des finances publiques en Europe et à se demander si des déficits supérieurs à la norme posée auraient pu échapper à la procédure des déficits excessifs compte tenu des cas d'exemption prévus par elle.

Quelques considérations factuelles doivent d'abord être présentées.

Le tableau ci-après démontre que des déficits publics supérieurs à 3 % ont fréquemment été observés en Europe dans un passé proche.

Excédent/déficit des administrations publiques

(Capacité (+)/besoin (-) de financement des administrations

(en pourcentage du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998*

B

DK

D

EL

E

- 7,1

- 2,8

- 3,2

- 13,8

- 6,9

- 4,9

- 2,8

- 2,4

- 10,0

- 6,3

- 3,9

- 2,4

- 3,3

- 10,3

- 7,3

- 3,2

- 0,7

- 3,4

- 7,5

- 4,6

- 2,1

0,7

- 2,7

- 4,0

- 2,6

- 1,7

1,1

- 2,5

- 2,2

- 2,2

F

- 5,8

- 5,8

- 4,9 - 4,1 - 3,0 - 2,9

IRL

I

L

NL

A

P

FIN

S

UK

- 2,7

- 9,5

1,7

- 3,2

- 4,2

-6,1

- 8,0

- 12,2

- 7,9

- 1,7

- 9,2

2,8

- 3,8

- 5,0

- 6,0

- 6,4

- 10,3

- 6,8

- 2,2

- 7,7

1,9

- 4,0

- 5,2

- 5,7

- 4,7

- 6,9

- 5,5

- 0,4

- 6,7

2,5

- 2,3

- 4,0

- 3,2

- 3,3

- 3,5

- 4,8

0,9

- 2,7

1,7

- 1,4

- 2,5

- 2,5

- 0,9

- 0,8

- 1,9

1,1

- 2,5

1,0

- 1,6

- 2,3

- 2,2

0,3

0,5

- 0,6

EUR

- 6,1

- 5,4

- 5,0 - 4,2 - 2,4 - 1,9

* Budgets économiques du printemps 1998. Source : Services de la commission

On peut en outre estimer que les conditions à remplir pour qu'un déficit soit considéré comme exceptionnel et temporaire au sens du pacte de stabilité et de croissance sont particulièrement rigoureuses.

Il faut d'abord imaginer ce que pourrait être une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'Etat membre et ayant des effets sensibles sur la situation financière de ses administrations publiques
. Une catastrophe naturelle est souvent citée comme pouvant constituer un tel événement. Peut-être un conflit guerrier, mais à condition qu'il n'ait pas été déclenché par l'Etat concerné pourrait-il en constituer un aussi. Un événement aussi important et lourd de conséquences financières que l'unification allemande ne répondrait pas aux critères ainsi posés. Il n'y répondrait tout du moins pas pour l'Allemagne elle-même, puisqu'il a dépendu à l'évidence de sa volonté. En revanche, pour les autres Etats européens ou, pour certains d'entre eux, il pourrait être considéré comme tel.

La question se pose avec une particulière acuité pour les crises pouvant affecter tel ou tel secteur économique et, notamment, les établissements financiers. La crise du Crédit Lyonnais pourrait entrer dans le cadre ainsi défini..., mais rien n'est moins sûr.

Sans doute le Conseil disposera-t-il d'une marge d'appréciation, mais il reste à savoir comment il en usera.

Pour ce qui est de l'autre circonstance dans laquelle un déficit public excessif pourrait être absent, celle d'une "grave récession", l'exigence d'une baisse annuelle du PIB d'au moins 2 % en termes réels relève d'une démarche particulièrement rigoureuse là aussi . Seuls le Royaume-Uni en 1980 et 1991, la Suède en 1993 et la Finlande en 1991 et 1992 ont, parmi les pays européens, connu de telles récessions. Ce cas d'exemption pourrait donc -on peut d'ailleurs le souhaiter- ne se rencontrer que rarement.

Il est vrai que le Conseil pourra apprécier si une récession comprise entre 0,75 % et 2 % justifie une exemption. Mais, là également, on ne peut qu'observer que cette circonstance se rencontre rarement et que les finances publiques européennes ont connu des déficits supérieurs à la norme retenue dans des contextes économiques nettement moins dégradés.

Il est par conséquent probable que les règles d'exemption des disciplines instituées ne trouveront que rarement à s'appliquer mais qu'elles permettront d'absorber des chocs économiques de grande ampleur.

Une deuxième approche du "réalisme" des règles de discipline budgétaire conduit à examiner si les situations de finances publiques observées dans les Etats de la zone euro au moment où elle se constitue les garantissent contre l'éventualité de se trouver en situation de déficit excessif.


A cette question, l'analyse des programmes de convergence fournis par les différents Etats membres apporte une réponse plutôt rassurante.

Projections des programmes de convergence
concernant l'évolution de l'excédent/du déficit
des administrations publiques


(Capacité (+)/besoin (-) de financement des administrations publiques en % du PIB)

 

Date de présentation

1997

1998

1999

2000

2001

B

1/97

- 2,9

- 2,3

- 1,7

- 1,4

 

DK a)

06/97

0,7

0,7

0,9

1,1

 

D b)

1/97

- 2,9

- 2 ½

- 2

- 1 ½

 

EL

7/97

- 4,2

- 2,4

- 2,1

 
 

E

4/97

- 3,0

- 2,5

- 2,0

- 1,6

 

F

1/97

- 3,0

- 2,8

- 2,3

- 1,8

- 1,4

IRL

12/97

0,4

0,3

0,7

 
 

I

6/97

- 3,0

- 2,8

- 2,4

- 1,8

 

NL

12/96

- 2,2

- 2 ¼

 
 
 

A

10/97

- 2,7

- 2,5

- 2,2

- 1,9

 

P

3/97

- 2,9

- 2,5

- 2,0

- 1,5

 

FIN

9/97

- 1,3

- 0,1

0,3

1,0

1,9

S

9/97

- 1,9

0,6

0,5

1,5

 

UK c)

9/97

- 1,6

- 0,3

- 0,1/0,4

0,5/1,5

0,9/2,4

a) Un excédent des administrations publiques de 2,8 % du PIB est projeté pour 2005.

b) Les autorités allemandes ont présenté des estimations révisées en février 1997.

c) Années budgétaires.

Sources : Programmes de convergence nationaux

Mais ces programmes sont dépendants d'hypothèses dont certaines échappent à la volonté des gouvernements. Un accident conjoncturel qui ne revêtirait pas l'ampleur requise pour exempter des règles de discipline budgétaire l'Etat qui en serait victime mettrait en situation difficile les Etats dont le besoin de financement se situe aux alentours de 3 %. Il est à cet égard heureux que l'instauration de l'euro s'inscrive dans un contexte économique favorable, propice à un redressement des comptes publics.

De la même manière, un choc de taux d'intérêt mettrait en grande difficulté les finances publiques des Etats fortement endettés.

Ces programmes dépendent aussi d'une volonté politique qui conditionne leur mise en oeuvre.
A cet égard, on doit déplorer que les récentes orientations du gouvernement ne s'inscrivent pas dans les objectifs du programme présenté au mois de janvier de l'année dernière. Un objectif de déficit du budget de l'Etat de 2,5 % pour 1999 apparaît insuffisant pour garantir que la progression du poids de la dette publique sera stoppée. Compte tenu du degré inégal de maîtrise des comptes sociaux et du budget de l'Etat, il convient que celui-ci traduise mieux l'objectif nécessaire d'un retour à l'équilibre.

b) La pertinence des règles

La pertinence des règles de discipline budgétaire doit être examinée au regard d'abord de l'indicateur choisi et ensuite des valeurs retenues.

S'agissant du choix de l'indicateur , plusieurs observations doivent être faites.

L'objectif des règles du pacte de stabilité et de croissance étant essentiellement d'éviter qu'un accroissement de la demande d'épargne n'exerce des tensions sur le niveau des taux d'intérêt en Europe, certains ont pu considéré qu'il aurait été plus justifié de choisir d'encadrer le besoin de financement de l'ensemble des agents économiques plutôt que celui des seules administrations publiques -voir supra-. Mais, compte tenu de l'influence particulière exercée par celles-ci sur les conditions de formation de l'équilibre entre épargne et investissement et de leur propension à s'affranchir des règles de discipline financière au détriment des autres agents, une surveillance de leur politique financière apparaît nécessaire.

Le choix d'une norme imposée à chaque Etat plutôt que d'une norme tenant compte du besoin de financement de l'ensemble de la zone euro peut déboucher, en théorie, sur des "illogismes" financiers. Tel serait le cas si le besoin de financement des administrations publiques européennes se réduisant dans l'ensemble, un pays se trouvait pour des raisons propres en situation de devoir resserrer sa politique budgétaire pour satisfaire les conditions posées par le pacte plus que ne l'exigerait sa situation économique. Une autre difficulté vient de l'inégale influence sur la demande d'épargne dans la zone euro d'une norme uniforme exprimée en pourcentage du PIB de chaque Etat, compte tenu des écarts entre leurs niveaux de PIB.

Ce choix qui résulte beaucoup d'une absence de fédéralisme budgétaire en Europe est, en outre, justifié par le souci d'éviter la propagation dans la zone de comportements de "passagers clandestins". Autrement dit, il s'impose pour éviter que chacun, pariant sur la discipline de l'autre, tous pratiquent des politiques budgétaires laxistes, phénomène qui rendrait insoutenable la situation financière de l'Europe. Cette solution, réaliste, pourrait sortir améliorée d'un approfondissement de l'Union économique et monétaire. En l'état, elle a le mérite de proposer un compromis acceptable.

La procédure de prévention et de correction des situations où des finances publiques se trouveraient compromises traite, on l'a vu, avec plus de sévérité les déficits publics que les dettes publiques. Ce choix, fondé sur l'idée selon laquelle les contraintes imposées aux déficits publics garantissent contre une dérive des dettes publiques n'est pourtant pas entièrement satisfaisant. Il ignore qu'une même valeur de déficit national exprimée en pourcentage de PIB peut faire varier l'endettement public de la zone dans des conditions très variables. Il ignore aussi les effets que pourraient avoir des reprises de dette pratiquées par certains Etats sur le niveau de l'endettement de la zone. Une grande vigilance s'imposera donc afin de vérifier l'efficacité des limites imposées aux déficits publics sur la demande d'épargne dans la zone euro.

S'agissant des valeurs retenues pour apprécier les disciplines budgétaires
, on rappelle qu'elles sont inchangées par rapport aux valeurs choisies pour apprécier les performances des Etats candidats à l'euro, à savoir 3 % du PIB pour le déficit public et 60 % du PIB pour la dette publique.

Un bref rappel historique doit indiquer que ces chiffres correspondaient, pour l'un, à la moyenne de l'endettement public au moment de la signature du traité sur l'Union européenne et, pour l'autre, au niveau de déficit public compatible, dans le cadre d'une croissance de 5 %, avec une convergence des performances de chacun vers une stabilisation de la dette autour de 60 % du PIB.

Plusieurs conclusions intermédiaires doivent donc être formulées.

La référence posée en matière de dette publique est arithmétique plutôt que financière et économique. Elle ne doit pas servir de guide pour apprécier la soutenabilité de la dette publique. Compte tenu des effets potentiels d'une dette publique atteignant 60 % du PIB sur les marges de manoeuvre budgétaires, il faut se fixer un objectif plus ambitieux.

La référence posée en matière de déficit ne correspond plus à la situation des finances publiques de la zone non plus que, semble-t-il, aux conditions économiques prévisibles. Un déficit public atteignant 3 % n'assure pas la stabilité ou la réduction du poids de la dette publique dans le PIB autour des objectifs, d'ailleurs insuffisants, visés en la matière. C'est donc à juste titre qu'il doit être considéré comme exceptionnel.

Une seconde question est alors de savoir si, une situation exceptionnelle advenant, un Etat pourra user de sa politique budgétaire efficacement dans le respect des disciplines imposées par le pacte de stabilité et de croissance.


Une réponse affirmative doit être apportée à cette interrogation sous réserve que l'assainissement budgétaire ait été entrepris de telle sorte que le besoin de financement des administrations publiques tende vers l'équilibre lorsque la conjoncture est favorable.

Un exemple chiffré

Soit un équilibre des finances publiques réalisé moyennant des recettes et des dépenses publiques s'élevant, chacune, à 50 % du PIB. On suppose une baisse du PIB de deux points.

Les recettes de l'Etat sont alors réduites d'un point de PIB. Pour soutenir l'activité, on imagine que l'Etat ne réduit pas ses dépenses. Leur part dans le PIB s'accroît mécaniquement d'un point. La dégradation de l'équilibre budgétaire s'élève donc à deux points et compense comptablement la récession économique.

Il faut en conclure que, même en cas de difficultés exceptionnelles, la capacité pour un gouvernement de décider d'orienter sa politique budgétaire pour compenser des évolutions économiques défavorables sera entière dès lors qu'une politique budgétaire saine aura été entreprise auparavant.

3. La crédibilité de l'arsenal des sanctions

S'agissant de la crédibilité de l'arsenal de sanctions prévu dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, une première observation peut être formulée.

L'exclusion du système de sanctions des Etats membres n'ayant pas adopté d'euro peut être contestée . Elle obéit à une certaine logique si l'on considère que la "discipline budgétaire" ne doit être renforcée qu'entre les participants à la monnaie unique pour des motifs propres à la cohérence de la nouvelle zone monétaire. Elle entre dans la logique propre au traité qui n'a prévu d'entrée en vigueur de ces nouvelles disciplines qu'au stade de la troisième phase, c'est-à-dire après l'adoption de l'euro.

Une autre solution aurait pu être décidée. Appliquer ces disciplines à tous dès l'adoption de la monnaie unique aurait pu être délicat pour les pays dont la situation de déficit excessif aurait justifié qu'ils soient exclus de la monnaie unique. Le risque aurait été alors grand que ces pays soient quasi automatiquement sanctionnés. On doit toutefois remarquer que les délais prévus par la procédure sur les déficits excessifs leur aurait ménagé du temps pour corriger leur déficit. Le traité aurait d'ailleurs pu n'exempter que pour un temps les Etats membres "hors euro" du renforcement des disciplines de l'article 104 C.

Cette difficulté renvoie fondamentalement au statut de la future monnaie unique. On sait qu'elle n'est pas un objectif de politique économique de l'Union mais qu'elle en est un instrument qu'on peut qualifier d'essentiel. Dans cette perspective, il aurait été logique d'intensifier au fil du temps les pressions pour que tous les Etats du grand marché adoptent la monnaie unique et donc que tous soient astreints au renforcement des règles de discipline budgétaire.

Cette solution aurait d'autant moins manqué de logique qu'elle aurait entouré le fonctionnement du "SME bis" qui devrait constituer une zone monétaire par défaut des garanties supplémentaires qu'exige un tel mécanisme.

Il est cependant à souligner que la constitution d'une zone euro à onze Etats fait un peu perdre de son intérêt à une critique dont la pertinence aurait été plus grande si le nombre des Etats qualifiés avait été moindre.

Une seconde difficulté avait pu être justement mise en évidence. Elle concernait l' affectation du produit (capital et intérêts) des amendes et des dépôts qui posait un problème de principe. La proposition de résolution n° 71 présentée par M. Xavier de Villepin le 7 novembre 1996 sur une version initiale de la proposition de la Commission avait très justement demandé au gouvernement :

" de veiller à ce que le produit des amendes prévues par la procédure concernant les déficits excessifs ne puisse bénéficier aux pays qui ne sont pas astreints aux règles du pacte de stabilité budgétaire ".

On rappelle en effet que l'article 109 K paragraphe 3 du Traité prévoit que les Etats faisant l'objet d'une dérogation, en clair les Etats n'ayant pas adopté la monnaie unique, sont exemptés des règles posées par les paragraphes 9 et 11 du traité si bien qu'en particulier ils échappent aux sanctions ci-dessus décrites.

Echappant au dispositif destiné à renforcer la discipline budgétaire, il aurait été choquant qu'ils bénéficient de la mise en oeuvre des règles répressives imposées aux Etats qui y auraient été astreints.

Le dispositif de l'article 16 a été corrigé sur ce point. Il prévoit certes que les intérêts sur les dépôts et les amendes infligées par le Conseil font partie des ressources du budget des Communautés européennes. Mais les Etats faisant l'objet d'une dérogation sont exclus du bénéfice de ces ressources. Il reste à veiller à ce que soient précisées les modalités de leur répartition entre les seuls Etats participants respectant la discipline budgétaire.

Mais, l'essentiel est sans doute ailleurs.

Le Conseil européen d'Amsterdam a demandé au Conseil de sanctionner systématiquement les Etats dont le déficit apparaîtrait excessif.

Une telle fermeté s'impose compte tenu de la logique de la construction européenne. Mais, il est naturel de s'interroger sur l'usage d'un dispositif qui est essentiellement dissuasif. Il pourrait être malaisé d'appliquer des sanctions financières à un Etat qui, par définition, connaîtrait des difficultés.

La vertu dissuasive de l'appareil de sanctions en sort-elle vraiment affaiblie ? Probablement pas car un Etat qui serait en infraction risquerait au fond bien plus que les sanctions prévues. Ne risquerait-il pas en effet d'être conduit à renoncer à l'euro ?

En tout état de cause, cette perspective n'interviendrait qu'au terme d'un processus de riposte graduée permettant aux instances européennes de vérifier l'indiscipline caractérisée d'un Etat membre.

CONCLUSION

La recommandation de la Commission européenne a fait l'objet de trois propositions de résolution dont les textes figurent en annexe de ce rapport. Ces propositions, renvoyées à la commission des finances, ont fait l'objet d'un examen attentif. A son terme, et compte tenu des conclusions suscitées par la recommandation de la Commission européenne, votre rapporteur a jugé souhaitable de proposer à l'adoption de la commission des finances un nouveau texte. Celui-ci s'inspire très étroitement de la proposition de résolution n° 370 de M. Xavier de Villepin, telle qu'elle est sortie des délibérations de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Les apports du texte de la commission des finances résultent principalement d'une volonté de préciser certaines conditions du contrôle du Parlement français sur les implications financières et économiques de la participation de la France à la zone euro.

En outre, sur la base des conclusions du rapport relatives aux implications de l'euro, il est proposé d'inviter le Gouvernement à adopter une politique économique et des finances publiques cohérente avec nos engagements européens et à contribuer ainsi à approfondir l'ensemble des volets de l'Union économique et monétaire. Cet approfondissement, qui suppose d'être attentif aux conditions économiques et sociales, implique aussi d'être vigilant dans d'autres domaines parmi lesquels la fiscalité ou les règles financières.

Au total, la proposition de résolution de la commission soumise à l'adoption du Sénat par la commission des finances manifeste les mêmes préoccupations que celle déposée par M. Xavier de Villepin. Se félicitant de l'adoption de l'euro dans un grand nombre de pays européens, elle invite le Gouvernement à agir dans le sens d'un succès de l'euro, à s'inscrire dans le cadre de l'équilibre institutionnel dessiné par le traité, ses textes d'application et les résolutions des conseils européens et à permettre au Parlement français de surveiller les implications de l'adoption de l'euro.

ANNEXE N° 1

Texte des trois propositions de résolution renvoyées
à la commission des finances, en application de
l'article 73 bis du règlement

I. PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 362 PRÉSENTÉE PAR M. CLAUDE ESTIER ET LES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE ET APPARENTÉS LE 31 MARS 1998

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les dispositions de l'article 109 J du Traité de Maastricht concernant le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (UEM),

Vu l'examen par la Commission européenne des déficits excessifs dans les Etats membres, conformément à l'article 104 C du Traité de Maastricht,

Vu le rapport de convergence de la Commission européenne publié le 25 mars 1998,

Vu la recommandation de la Commission européenne publiée le 25 mars 1998 relative à la liste des pays candidats à l'entrée dans l'Union économique et monétaire (article 109 J), (E-1045),

- Considérant :

la détermination du Gouvernement à respecter les critères de convergence, tout en maintenant les objectifs primordiaux de croissance et de création d'emplois,

les initiatives du Gouvernement en faveur du rééquilibrage des dispositions monétaires inscrites dans le traité de Maastricht, dans le sens de l'emploi, de la croissance et d'une meilleure coordination des politiques économiques des futurs Etats participant à l'Union économique et monétaire,

les atouts de la création d'une monnaie unique européenne en termes de croissance, d'emploi et de compétitivité sur le plan international, qui vont dans le sens du renforcement d'une Europe puissante,

- Considérant que le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire nécessite un degré élevé et durable de convergence vers les critères définis par le Traité de Maastricht.

- Se félicite :

que 11 Etats membres de l'Union européenne sont susceptibles de participer à la monnaie unique,

du respect de tous les critères de convergence par la France,

que l' Italie , compte tenu des sacrifices qu'elle s'est imposé et des efforts qu'elle a entrepris dans le sens du respect des critères de convergence définis dans le Traité de Maastricht, fasse partie des premiers pays participants à la monnaie unique, tout comme l' Espagne .

- Souhaite que :

dans le cadre de la mise en place de l'Union économique et monétaire, les principes de solidarité et de cohésion qui fondent l'Union européenne soient préservés, aussi bien entre les pays membres de la zone euro qu'entre les Etats participant à l'euro et ceux qui n'y participent pas encore,

le processus d'intégration économique et monétaire continue à s'accompagner de politiques permettant d'éviter l'approfondissement des disparités économiques entre les différentes régions de l'espace européen,

soit instauré un contrôle démocratique qui puisse assurer une plus grande transparence des décisions monétaires et par conséquent une plus grande confiance des citoyens européens dans le fonctionnement de l'Union économique et monétaire.

- Souligne, cependant, la nécessité d'une harmonisation progressive de la fiscalité, de la protection sociale et des salaires, afin de réduire toute tentation de concurrence dommageable entraînant une pratique de "dumping" fiscal et social préjudiciable à l'emploi.

- Souligne la nécessité d'une meilleure organisation des relations entre les pays membres de la zone euro et ceux qui n'y appartiennent pas encore.

- Rappelle, enfin, que l'appréciation globale que porteront les gouvernements sur les progrès de convergence est une décision éminemment politique.

- Invite le Gouvernement :

à maintenir ses efforts pour que soient renforcés dans les années à venir les volets économique et social de l'Union économique et monétaire,

à soutenir les initiatives de ses partenaires européens qui aillent dans le sens d'une coordination des politiques budgétaires et des politiques fiscales,

à veiller à ce que, en cas de "choc asymétrique", c'est-à-dire de variation de compétitivité dommageable entre les Etats participant à la monnaie unique, le droit du travail et le niveau de protection sociale ne servent pas de variable d'ajustement.

II. PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 370 PRÉSENTÉE PAR M. XAVIER DE VILLEPIN, LE 1ER AVRIL 1998

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil conformément à l'article 109 J, paragraphe 2, du Traité,

Invite le gouvernement :

à approuver, au sein du Conseil, la liste des Etats membres remplissant les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique telle qu'elle est proposée par la Commission européenne ;

a réaffirmer que le bon fonctionnement de la zone euro ainsi définie suppose que tous les Etats membres s'attachent, par une stricte gestion de leurs finances publiques, à retrouver la marge de manoeuvre indispensable pour que chaque politique budgétaire nationale puisse pleinement jouer son rôle d'ajustement conjoncturel dans le cadre d'une politique monétaire unique ;

à veiller à ce que le Conseil, dans le cadre d'un dialogue permanent et équilibré avec la Banque centrale européenne (BCE), exerce effectivement les responsabilités qui lui sont reconnues par les articles 109 et 109 B du traité sur l'Union européenne, dans l'esprit de la résolution adoptée par le Conseil européen à Luxembourg le 13 décembre 1997 ;

à poursuivre ses efforts pour que soient renforcés dans les années à venir les volets économique et social de l'Union économique et monétaire ;

à assurer l'information régulière de l'Assemblée nationale et du Sénat sur l'action que le Gouvernement mènera à ce titre au sein du Conseil et lors des réunions informelles des ministres des Etats participant à la zone euro, et à organiser un débat annuel à ce sujet dans chacune des deux assemblées ;

à favoriser un dialogue entre la BCE et les Parlements des Etats participant à la zone euro afin que ceux-ci soient informés de la politique monétaire menée au sein de celle-ci ;

à agir en sorte que soient pleinement respectées les dispositions de l'article 109 A du traité sur l'Union européenne, en vertu desquelles la nomination des membres du directoire de la BCE relève de la pleine responsabilité des chefs d'Etat ou de Gouvernement des Etats membres participant à la monnaie unique.

III. PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 378 PRÉSENTÉE PAR MMES HÉLÈNE LUC, MARIE-CLAUDE BEAUDEAU, M. JEAN-LUC BECARD, MMES DANIELLE BIDARD-REYDET, NICOLE BORVO, MM. JEAN DERIAN, MICHEL DUFFOUR, GUY FISCHER, PIERRE LEFEBVRE, PAUL LORIDANT, LOUIS MINETTI, ROBERT PAGES, JACK RALITE, IVAN RENAR ET MME ODETTE TERRADE12( * )

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la recommandation de la Commission de Bruxelles (E-1045) pour le passage de 11 pays -dont la France- à la monnaie unique dès le 1er janvier 1999,

Vu que la dite recommandation doit être examinée par les Chefs d'Etat et de Gouvernement le 2 mai,

Demande au gouvernement :

de surseoir à l'examen de la recommandation de la Commission européenne tant qu'un grand débat national n'aura pas eu lieu sur les implications de l'euro, notamment sur le plan social, de la démocratie et de la souveraineté, et sur les alternatives possibles en matière de coopération monétaire ;

de faire respecter ses objectifs sociaux, de relance de l'emploi et de la réduction du temps de travail pour lesquels notre peuple vient encore d'affirmer sa volonté de voir l'action gouvernementale poursuivie et amplifiée ;

de proposer à nos partenaires de travailler en commun à une véritable réorientation de la construction européenne tournée vers le développement social et l'emploi, et donc à une coopération monétaire conçue pour ces priorités ;

qu'en tout état de cause, la décision finale de passage ou non de la France à la monnaie unique, revienne aux citoyens, consultés par voie de référendum.

ANNEXE N° 2

LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 109 J DU TRAITÉ

1. La Commission et l'IME font rapport au Conseil sur les progrès faits par les Etats membres dans l'accomplissement de leurs obligations pour la réalisation de l'Union économique et monétaire. Ces rapports examinent notamment si la législation nationale de chaque Etat membre, y compris les statuts de sa Banque centrale nationale, est compatible avec les articles 107 et 108 du présent Traité et avec les statuts du SEBC. Les rapports examinent également si un degré élevé de convergence durable a été atteint, en analysant dans quelle mesure chaque Etat membre a satisfait aux critères suivants :

- réalisation d'un degré élevé de stabilité des prix : ceci ressortira d'un taux d'inflation proche de celui des trois Etats membres, au plus, présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix ;

- caractère soutenable de la situation des finances publiques ; ceci ressortira d'une situation budgétaire qui n'accuse pas de déficit excessif au sens de l'article 104 C, paragraphe 6 ;

- respect des marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de change du système monétaire européen pendant deux ans au moins, sans dévaluation de la monnaie par rapport à celle d'un autre Etat membre ;

- caractère durable de la convergence atteinte par l'Etat membre et de sa participation au mécanisme de change du système monétaire européen, qui se reflète dans le niveau des taux d'intérêt à long terme.

Les quatre critères visés au présent paragraphe et les périodes pertinentes durant lesquelles chacun doit être respecté sont précisés dans un protocole annexé au présent Traité. Les rapports de la Commission et de l'IME tiennent également compte du développement de l'écu, des résultats de l'intégration des marchés, de la situation et de l'évolution des balances des paiements courants, et d'un examen de l'évolution des coûts salariaux et d'autres indices de prix.

2. Sur la base de ces rapports, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, sur recommandation de la Commission, apprécie :

- pour chaque Etat membre, s'il remplit les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique ;

- si une majorité des Etats membres remplit les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique ;

et transmet, sous forme de recommandations, ses conclusions au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement. Le Parlement européen est consulté et transmet son avis au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement.

3. Prenant dûment en considération les rapports visés au paragraphe 1 et l'avis du Parlement européen visé au paragraphe 2, le Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement, statuant à la majorité qualifiée, au plus tard le 31 décembre 1996 :

- décide, sur la base des recommandations du Conseil visées au paragraphe 2, si une majorité des Etats membres remplit les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique ;

- décide s'il convient que la Communauté entre dans la troisième phase ;

et, dans l'affirmative,

- fixe la date d'entrée en vigueur de la troisième phase.

4. Si, à la fin de 1997, la date du début de la troisième phase n'a pas été fixée, elle commence le 1er janvier 1999. Avant le 1er juillet 1998, le Conseil, réuni au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement, après répétition de la procédure visée aux paragraphes 1 et 2, compte tenu des rapports visés aux paragraphes 1 et 2, compte tenu des rapports visés au paragraphe 1 et de l'avis du Parlement européen, confirme, à la majorité qualifiée et sur la base des recommandations du Conseil visées au paragraphe 2, quels sont les Etats membres qui remplissent les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique.

ANNEXE N° 3

PROTOCOLE N° 6 SUR LES CRITÈRES DE CONVERGENCE VISÉS À L'ARTICLE 109 J DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

Les hautes parties contractantes

Désireuses de fixer les modalités des critères de convergence qui doivent guider la Communauté dans les décisions qu'elle prendra lors du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire visée à l'article 109 J, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne.

Sont convenues des dispositions ci-après, qui sont annexées au traité instituant la Communauté européenne.

Article premier

Le critère de stabilité des prix, visé à l'article 109 J, paragraphe 1, premier tiret, du traité, signifie qu'un Etat membre a un degré de stabilité des prix durable et un taux d'inflation moyen, observé au cours d'une période d'un an avant l'examen, qui ne dépasse pas de plus de 1,5 % celui des trois Etats membres, au plus, présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix. L'inflation est calculée au moyen de l'indice des prix à la consommation sur une base comparable, compte tenu des différences dans les définitions nationales.

Article 2

Le critère de situation des finances publiques, visé à l'article 109 J, paragraphe 1, deuxième tiret, du traité, signifie qu'un Etat membre ne fait pas l'objet, au moment de l'examen, d'une décision du Conseil visée à l'article 104 C, paragraphe 6, du traité concernant l'existence d'un déficit excessif 13( * ) dans l'Etat membre concerné.

Article 3

Le critère de participation au mécanisme de change du système monétaire européen, visé à l'article 109 J, paragraphe 1, troisième tiret, du traité, signifie qu'un Etat membre a respecté les marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de change du système monétaire européen sans connaître de tensions graves pendant au moins les deux dernières années précédant l'examen. Notamment, l'Etat membre n'a, de sa propre initiative, pas dévalué le taux central bilatéral de sa monnaie par rapport à la monnaie d'un autre Etat membre pendant la même période.

Article 4

Le critère de convergence des taux d'intérêt, visé à l'article 109 J, paragraphe 1, quatrième tiret, du traité, au cours d'une période d'un an précédant l'examen, signifie qu'un Etat membre a eu un taux d'intérêt nominal moyen à long terme qui n'excède pas de plus de 2 % celui des trois Etats membres, au plus, présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix. Les taux d'intérêt sont calculés sur la base d'obligations d'Etat à long terme ou de titres comparables, compte tenu des différences dans les définitions nationales.

Article 5

Les données statistiques utilisées pour l'application du présent protocole sont fournies par la Commission.

Article 6

Le Conseil, statuant à l'unanimité, sur proposition de la Commission, et après consultation du Parlement européen, de l'IME ou de la BCE selon le cas, ainsi que du comité visé à l'article 109 C du traité, adopte les dispositions appropriées pour préciser de manière détaillée les critères de convergence visés à l'article 109 J du traité, qui remplacent alors le présent protocole.

ANNEXE N° 4

LE PROTOCOLE N° 5 SUR LA PROCÉDURE
CONCERNANT LES DÉFICITS EXCESSIFS

Les hautes parties contractantes

Désireuses de fixer les modalités de la procédure concernant les déficits excessifs visés à l'article 104 C du traité instituant la Communauté européenne, sont convenues des dispositions ci-après, qui sont annexées au traité instituant la Communauté européenne.

Article premier

Les valeurs de référence visées à l'article 104 C, paragraphe 2 du traité sont les suivante :

- 3 % pour le rapport entre le déficit public prévu ou effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché ;

- 60 % pour le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut aux prix du marché.

Article 2

A l'article 104 C du traité et dans le présent protocole, on entend par :

- public : ce qui est relatif au gouvernement général, c'est-à-dire les administrations centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale, à l'exclusion des opérations commerciales, telles que définies dans le système européen de comptes économiques intégrés ;

- déficit 14( * ) : le besoin net de financement, tel que défini dans le système européen de comptes économiques intégrés ;

- investissement : la formation brute de capital fixe, telle que définie dans le système européen de comptes économiques intégrés ;

- dette : le total des dettes brutes, à leur valeur nominale, en cours à la fin de l'année et consolidées à l'intérieur des secteurs du gouvernement général tel qu'il est défini au premier tiret .

Article 3

En vue d'assurer l'efficacité de la procédure concernant les déficits excessifs, les gouvernements des Etats membres sont responsables, aux termes de la présente procédure, des déficits du gouvernement général tel qu'il est défini à l'article 2, premier tiret. Les Etats membres veillent à ce que les procédures nationales en matière budgétaire leur permettent de remplir les obligations qui leur incombent dans ce domaine en vertu du traité. Les Etats membres notifient rapidement et régulièrement à la Commission leurs déficits prévus et effectifs ainsi que le niveau de leur dette.

Article 4

Les données statistiques utilisées pour l'application du présent protocole sont fournies par la Commission.

EXAMEN EN COMMISSION

I. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 8 avril 1998, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, en présence de M. Jacques Genton, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, la commission ayant désigné M. Alain Lambert, rapporteur général, rapporteur, a examiné son rapport sur trois propositions de résolution, n° 362, présentée par M. Claude Estier, n° 370, présentée par M. Xavier de Villepin et n° 378 présentée par Mme Hélène Luc, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la recommandation de la Commission en vue d'une recommandation du Conseil relative au rapport sur l'état de convergence et à la recommandation associée en vue du passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire (n° E-1045).

M. Jacques Genton, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, ayant, en préambule, rappelé que la délégation avait souhaité créer les conditions d'un débat en séance publique sur le passage à l'euro, a estimé que le texte de la commission des finances s'inscrivait pleinement dans l'esprit de la proposition de résolution de M. Xavier de Villepin.

M. Alain Lambert, rapporteur, a alors exposé les conclusions de son rapport présenté au soutien de la proposition de résolution soumise à l'adoption de la commission des finances.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Bernard Angels ayant observé que l'adoption de l'euro représentait pour la France le fruit d'un engagement politique continu des chefs d'Etat et de Gouvernement, s'est félicité que notre pays présente des conditions économiques telles que sa participation à la monnaie unique européenne soit possible, soulignant que cela n'était pas acquis au seuil de l'année précédente.

Ayant manifesté qu'il aurait pu donner son accord avec la tonalité d'ensemble de la proposition de résolution examinée par la commission, il a regretté qu'elle s'éloigne du texte de la proposition de résolution de M. Xavier de Villepin, en particulier en supprimant une disposition résultant d'un amendement issu d'une initiative du groupe socialiste et citant la nécessité de poursuivre les efforts vers une Europe plus sociale.

M. Jean-Philippe Lachenaud a indiqué son adhésion à la proposition de résolution, se demandant toutefois si une adjonction ne devait pas être faite afin de préciser que les programmes de stabilité prévus par le pacte de stabilité et de croissance représentaient la garantie d'une croissance durable.

M. Paul Loridant, s'étant félicité de la cohérence du calendrier des travaux de la commission et relevé le contraste avec la confusion d'un agenda proposé par le Gouvernement au terme duquel le texte sur la Banque de France aura été examiné par l'Assemblée nationale avant le débat sur l'euro, a manifesté son désaccord avec la proposition de résolution. Il a insisté sur la nécessité de rendre la parole au peuple et de satisfaire, par un référendum, à l'exigence démocratique. Il a dénoncé une version monétariste de la construction européenne, observant qu'il était sans précédent dans l'histoire qu'une monnaie précède une construction politique.

M. Philippe Marini, ayant précisé qu'il s'exprimait à titre personnel, à indiqué que l'état de sa réflexion ne lui permettait pas d'apporter, à l'instant de l'examen de la proposition de résolution soumise à la commission des finances, un vote favorable.

Ayant jugé que l'euro n'avait ni vice ni vertu propre, il a tout particulièrement souligné que deux questions étaient posées par les ambiguïtés institutionnelles résultant de l'instauration de l'euro et le hiatus créé par des initiatives gouvernementales en totale contradiction avec les engagements européens souscrits par le pays.

M. René Ballayer a alors manifesté son soutien à la proposition de résolution examinée par la commission.

M. Denis Badré, s'étant félicité de la convergence du texte proposé par le rapporteur avec celui présenté par M. Xavier de Villepin, a exprimé quelques réserves sur l'idée selon laquelle les programmes de stabilité pourraient apporter une garantie en matière de croissance. Il a souligné que l'euro était en effet le succès d'un engagement politique qui avait permis d'en réussir la préparation. Il a jouté que ce succès devait être confirmé après l'adoption de l'euro, ce qui supposait en particulier une réduction durable des déficits publics, que seule rendrait possible la baisse des dépenses publiques. Ayant estimé que chacun des dossiers européens devait avancer en fonction d'un projet cohérent, il a jugé qu'introduire la mention du volet social dans une résolution portant sur l'euro était de nature à créer quelque confusion. Il a, à ce propos, rappelé les déboires qui s'en étaient suivis lorsqu'une telle tentative avait été faite lors du sommet de Poitiers. Il a jugé qu'il était préférable de mentionner l'approfondissement de l'Union économique et monétaire dans tous ses volets, à l'instar du texte de la proposition de résolution présentée par le rapporteur.

Il a insisté sur l'utilité de prévoir un dialogue entre la BCE et le Parlement français remarquant que la construction européenne n'étant pas fédérale, un tel dialogue devait permettre de promouvoir un système original et acceptable.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a souligné les liens entre l'instauration d'une monnaie unique et les données sociales dans la zone euro. Elle a insisté sur le fait que l'acceptation de l'euro serait conditionnée par des améliorations du sort des peuples.

M. Jacques Ostermann a considéré que les questions posées sur l'harmonisation des règles du jeu devaient être abordées dans le texte de la commission.

M. Jacques Genton, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, a suggéré que la proposition de résolution mentionne que les documents à destiner aux présidents des commissions permanentes le soient également aux présidents des délégations compétentes des parlements.

M. Christian Poncelet, président, s'est interrogé sur le devenir du Royaume-Uni et les problèmes posés par sa non participation à la monnaie unique. Il s'est, par ailleurs, inquiété de la crédibilité du système de sanctions des déficits excessifs.

En réponse aux différents intervenants, M. Alain Lambert, rapporteur, a d'abord rappelé qu'un assainissement budgétaire durable supposait que l'on évite de lever de nouveaux impôts faisant observer que le présent gouvernement avait malheureusement recouru à cette dangereuse facilité. Il a alors souligné que le texte qu'il proposait était très proche de celui de M. Xavier de Villepin, n'en différant que lorsque la sensibilité propre de la commission des finances l'avait conduit à proposer des adjonctions. Il a insisté sur le fait que le terme d'approfondissement lui semblait englober le volet social de l'Union économique et monétaire, mais visait aussi d'autres volets, comme la fiscalité. Il a estimé que les programmes de stabilité ayant pour objectif d'assurer une croissance durable, il serait peut-être redondant d'adjoindre cette mention dans le texte de la proposition de résolution. Ayant relevé la profondeur des désaccords de la majorité gouvernementale, il a souligné que la lecture attentive du traité permettait de faire litière d'un certain nombre d'ambiguïtés, mais qu'il fallait favoriser le rapprochement entre les instances communautaires et les pouvoirs nationaux.

Il a jugé que la proposition de résolution souhaitait que des progrès soient réalisés dans la voix de l'harmonisation des règles européennes.

Ayant indiqué que, demandant au Gouvernement la communication de documents qui, pour certains, ne seraient pas publics, il lui faudrait vérifier que cette demande puisse être juridiquement étendue au-delà des destinataires mentionnés dans la proposition de résolution.

Il a enfin estimé que la crédibilité des sanctions dépendrait probablement beaucoup de leur efficacité dissuasive et de la pratique qui s'instaurerait en la matière.

La commission a alors décidé d'adopter la proposition de résolution présentée par le rapporteur.

II. AUDITION DE M. PATRICK ARTUS, DIRECTEUR DU SERVICE DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

Au cours d'une séance tenue le mardi 24 mars, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'audition de M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques et financières de la Caisse des Dépôts et Consignations, sur les perspectives de la mise en oeuvre de l'euro.

M. Patrick Artus a rappelé que les Allemands n'étaient guère persuadés du degré élevé et durable de la convergence économique dans tous les Etats membres appelés à participer à l'Union économique et monétaire (UEM). Il a rappelé que le cas de l'Italie était, aux yeux des responsables monétaires allemands, très significatif d'un effort de convergence considérable, mais qui suscitait de vives interrogations sur la pérennité de cet effort, la convergence italienne ayant été rendue possible par une hausse des recettes et non par une réduction des dépenses publiques. En outre, l'Italie n'a pas totalement tiré profit de son effort de convergence, dont elle a par ailleurs beaucoup souffert, eu égard au montant des intérêts qu'elle devra payer sur sa dette à court terme, même si elle devrait encore bénéficier de la baisse des taux, de sorte que son déficit budgétaire ne devrait pas être supérieur à 2 % de son produit intérieur brut (PIB) en 1999.

M. Patrick Artus a estimé, au regard des profondes réformes structurelles accomplies par de nombreux Etats, que les craintes allemandes de voir ces Etats brutalement changer de politique économique après leur entrée en UEM étaient peu fondées.

Il a jugé "peu intelligent" le pacte de stabilité et de croissance tel qu'il a été conçu, notamment en raison de la trop grande uniformité des dispositions qu'il prévoit.

Il a considéré que l'Union économique et monétaire devait avoir pour ambition de stabiliser le niveau de la dette publique des Etats membres, et a rappelé que cette dernière, en moyenne, atteignait aujourd'hui 80 % du PIB communautaire, contre 30 % au début des années 1980.

M. Patrick Artus a estimé qu'un objectif, qu'il a qualifié de "raisonnable mais nécessaire", devait consister à utiliser les gains générés par la forte croissance économique attendue pour les prochaines années, à réduire le déficit budgétaire à moins de 2 % du PIB, si les Etats voulaient retrouver une marge d'intervention budgétaire en cas de récession.

Il a expliqué que, si la coordination en matière monétaire était très approfondie en Europe, les autres domaines de la politique économique souffraient au contraire d'un manque considérable de coordination suscitant de vives inquiétudes de sa part. Il a en effet estimé que les Etats européens étaient encore beaucoup trop concurrents sur leur propre marché, et a notamment ajouté que la compétition sans coopération par les instruments fiscaux était plus dommageable que la compétition sans coopération par les taux de change.

M. Patrick Artus a estimé que, contrairement aux craintes initiales des marchés, l'euro risquait d'être trop fort, ajoutant qu'existaient des risques d'entrée massive de capitaux internationaux, notamment des dollars, en Europe, ce qui pourrait entraîner une sous-évaluation de la monnaie américaine, avec les risques que cela comporte.

Il a expliqué que ce danger était accru par l'importance du déficit extérieur des Etats-Unis, évalué à 220 milliards de dollars cette année, la conjonction d'une dette tendanciellement croissante et d'un taux d'épargne des ménages toujours en régression faisant des Etats-Unis un pays financé par l'endettement extérieur et, par conséquent, exposé à une chute brutale du cours de sa monnaie.

M. Patrick Artus a noté que l'unification monétaire en Europe allait lever le risque de change et améliorer la circulation des capitaux, mais aurait également des conséquences sur la localisation des activités sur notre continent.

D'une part, les pays périphériques (Espagne, Portugal, Irlande...), qui ont jusqu'à présent beaucoup bénéficié du marché unique, risquent de perdre leurs avantages comparatifs, l'euro entraînant chez eux, par exemple, une forte augmentation salariale.

D'autre part, la monnaie unique devant se traduire par un mouvement de spécialisation industrielle en Europe, chaque pays devrait promouvoir dès maintenant son attractivité afin d'aborder ce mouvement de concentration dans des conditions optimales.

M. Patrick Artus a conclu son intervention en estimant que, si la concurrence était bénéfique aux économies européennes, elle devait néanmoins s'effectuer dans un cadre harmonisé.

M. Alain Lambert, rapporteur général, s'est interrogé sur l'efficacité de la politique budgétaire, l'expérience ayant montré que les politiques expansionnistes étaient rapidement contrecarrées par la hausse des taux d'intérêt.

Il a rappelé le doute, souvent exprimé, sur la capacité des Etats européens à vivre dans le contexte actuel de concurrence fiscale et sociale, et a voulu savoir ce qu'il en serait en situation d'Union économique et monétaire.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a également voulu connaître l'évaluation des pertes de recettes, notamment pour les commissions de change, occasionnées par le passage à la monnaie unique.

Il s'est, enfin, demandé si la politique monétaire que conduirait la Banque centrale européenne (BCE) serait très différente de celle actuellement appliquée par la Bundesbank.

M. Patrick Artus a rappelé qu'en UEM les chocs asymétriques seraient plus fréquents et que, face à de tels chocs, la politique monétaire ne pouvait plus les corriger, la seule solution consistant à recourir à la politique budgétaire.

Il a néanmoins affirmé la nécessité de stabiliser le déficit budgétaire, non pas pays par pays, mais au niveau de l'ensemble de l'UEM.

Il a également fait part de ses craintes, d'une part, devant l'utilisation peu coopérative des réformes fiscales actuellement mises en oeuvre, en Grande-Bretagne par exemple, et, d'autre part, eu égard aux effets sous optimaux des mesures de rétorsion éventuellement adoptées.

M. Patrick Artus a estimé que la présentation souvent faite de la Banque centrale allemande était largement caricaturale, la Bundesbank accordant bien plus souvent qu'on ne le dit une importance considérable aux objectifs réels en général, et à l'emploi en particulier. Il a ainsi qualifié cette politique de "souple et pragmatique".

M. Patrick Artus a, en revanche, exprimé ses craintes de voir la BCE davantage polarisée sur des objectifs d'inflation, ses textes fondateurs réduisant trop son rôle à la surveillance de la masse monétaire.

Il a expliqué que, au moment de la réunification de l'Allemagne, la politique monétaire de la Bundesbank ne poursuivait, comme il était normal, que des objectifs nationaux, la forte augmentation du chômage, en France, au cours de la première moitié des années 1990 résultant essentiellement de l'erreur des autorités monétaires françaises qui ont choisi d'importer les taux d'intérêt allemands.

M. Patrick Artus a reconnu qu'il fallait distinguer le discours et la pratique de la Bundesbank, le premier étant, afin de préserver sa réputation, marqué du sceau de l'orthodoxie, la seconde s'étant révélée très souple.

M. Denis Badré s'est interrogé sur l'opportunité de mettre rapidement en oeuvre une harmonisation fiscale au niveau européen, et sur les capacités de reporter la concurrence entre les entreprises européennes de leur marché intérieur vers les marchés extérieurs.

M. Paul Loridant a souhaité savoir où en était le projet, évoqué par le ministre allemand Théo Waigel, d'un "pacte de stabilité bis".

M. François Trucy s'est interrogé sur la confiance prétendument moindre qu'inspirerait le dollar, eu égard à l'excellente santé de l'économie américaine, et a voulu connaître l'avenir de "l'euro-CFA".

M. Philippe Marini a souhaité connaître les possibles améliorations du pacte de stabilité, et s'est demandé si un tel pacte renové ne devait pas s'accompagner d'un prolongement institutionnel.

M. Christian Poncelet, président, a souhaité savoir si la Grande-Bretagne pouvait se tenir à l'écart longtemps encore de la monnaie unique et si le Parlement allemand, qui doit normalement se prononcer sur l'entrée de la République fédérale dans l'UEM avant le 1 er juillet, pouvait être appelé à ne se prononcer qu'après les élections législatives d'octobre.

En réponse aux différents intervenants, M. Patrick Artus a apporté les éléments d'information suivants :

- l'entrée en UEM ne nécessite pas une structure fiscale similaire, mais exige une synchronisation des évolutions fiscales, l'harmonisation en tant que telle ne devant pas nécessairement être recherchée ;

- le "pacte de stabilité bis" repose sur l'idée de ramener durablement les déficits budgétaires des pays participant à l'UEM en-dessous de 3 % du PIB, et, plus fondamentalement, soulève la question du fédéralisme budgétaire en Europe qui gagnerait à être développé, au moins au profit des petits pays ;

- le financement par le crédit de l'investissement américain et la baisse continue du taux d'épargne des ménages constituent d'importants motifs d'inquiétude, la dette extérieure des Etats-Unis suivant actuellement une trajectoire explosive, ce qui devrait entraîner soit une forte récession dans ce pays, soit une chute du cours du dollar ;

- la Grande-Bretagne ne devrait pas entrer en UEM avant 2001 ou 2002, du fait du fort ralentissement de l'économie britannique et de ses spécificités telles que forte cyclicité, inflation plus élevée que sur le continent et niveau assez haut des taux d'intérêt ;

- les économistes allemands sont généralement hostiles à l'euro, mais résignés, ce qui n'empêche pas les banques et les entreprises allemandes d'être plus en avance que les banques et les entreprises françaises dans leur préparation au passage à l'euro.

III. AUDITION DE M. YVES-THIBAULT DE SILGUY, COMMISSAIRE EUROPÉEN, CHARGÉ DES AFFAIRES MONÉTAIRES ET FINANCIÈRES

Au cours d'une séance tenue le jeudi 26 mars, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'audition de M. Yves-Thibault de Silguy, commissaire européen, chargé des affaires monétaires et financières, sur les perspectives de la mise en oeuvre de l'euro.

M. Christian Poncelet, président, ayant remercié le commissaire européen de la primeur accordée par lui à la commission des finances du Sénat pour présenter la recommandation de la Commission européenne sur les pays susceptibles d'adopter l'euro, a indiqué à la commission qu'il solliciterait, à la fin de l'audition, une décision sur le principe d'une demande adressée à la Banque de France en vue qu'elle élabore et publie un rapport sur l'état de la convergence des pays candidats à l'euro comme entendent y procéder six banques centrales en Europe.

M. Yves-Thibault de Silguy, commissaire européen, ayant exprimé son honneur et son plaisir de se trouver en priorité devant le Sénat français pour présenter les travaux de la Commission européenne, qui serviront de base à la décision des chefs d'Etat et de Gouvernement le 2 mai prochain, dressant la liste des Etats adoptant la future monnaie unique européenne, a souligné que les résultats obtenus provenaient d'un engagement politique fort des Etats concernés. Ajoutant qu'ils étaient aussi le fruit d'années d'efforts de redressement économique, il a précisé que la commission avait, pour apprécier les performances des Etats, fait une application stricte des critères du Traité.

Le commissaire européen a alors exposé le cheminement du travail de la commission qui, saisie à la fin février 1998 des résultats définitifs de l'année 1997, en avait examiné la sincérité, puis avait élaboré de nouvelles prévisions économiques à l'horizon 1999 pour servir de cadre à son évaluation présentée dans son rapport de convergence. Il a insisté sur l'importance particulière accordée à cette occasion au caractère durable des performances économiques des Etats membres.

Evoquant les rapports élaborés par les différentes banques centrales, il a rappelé que seule la Commission européenne avait un pouvoir de recommandation, aux termes du traité, tout en soulignant les avantages pour le débat démocratique de l'existence d'une pluralité d'opinions.

Puis, M. Yves-Thibault de Silguy, commissaire européen, a indiqué que, lors de l'examen de la compatibilité des législations nationales relatives aux banques centrales avec les textes communautaires, une réserve avait été émise s'agissant de la France, qui impliquait que les projets actuels du Gouvernement soient adoptés avant début mai prochain pour mettre la France en situation de participer à l'euro.

Après avoir observé que, malgré une légère révision à la baisse, les perspectives économiques en Europe restaient favorables, il a analysé l'évolution des différents critères posés par le Traité. A ce propos, il a tout particulièrement mis en valeur :

la convergence des Etats vers un très bas niveau d'inflation ;

la réduction structurelle des déficits publics, revenus de 5,5 à 2,6 % du PIB entre 1993 et 1997 ;

la stabilité du mécanisme de change européen ;

et le niveau historiquement bas des taux d'intérêt à long terme, reflet d'anticipations favorables des marchés.

Concluant son exposé, le commissaire européen a insisté sur le découplage entre la réduction des déficits publics et la croissance du chômage et il a expliqué que l'assainissement des finances publiques était, contrairement à une idée répandue, source de baisse du chômage.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Denis Badré s'est félicité que le commissaire européen ait souligné la contribution décisive à la réussite de l'euro d'un engagement politique fort. S'étant interrogé sur le degré effectif de la coordination des politiques économiques, il a souhaité obtenir une série de précisions sur :

la nature du déficit, passé ou prévu, pris en compte dans le cadre du pacte de stabilité ;

la destination du produit des sanctions éventuellement prononcées dans ce même cadre ;

les raisons de l'inexistence d'une procédure sur les dettes publiques excessives ;

les problèmes rencontrés dans le processus d'harmonisation fiscale ;

l'adaptation nécessaire de la législation sur la Banque de France ;

l'impact de l'unification monétaire sur le budget européen ;

et les coûts, pour les agents économiques, du passage à l'euro.

En réponse, M. Yves-Thibault de Silguy, commissaire européen, a d'abord précisé que le déficit pertinent était le déficit constaté et que les recettes issues d'éventuelles sanctions ne sauraient bénéficier aux Etats ne participant pas à l'euro, estimant en outre que le mécanisme des sanctions était d'essence dissuasive et qu'il n'était appelé à jouer qu'en cas de mauvaise volonté manifeste d'un Etat. Il a ensuite indiqué que les Etats membres s'étaient opposés au projet de la Commission visant à sanctionner les dettes publiques excessives au motif que l'appréciation des dettes publiques devait être faite en tendance. Ayant estimé que se produirait certainement un rapprochement des fiscalités, il a complété sa réponse en jugeant que les réformes budgétaires majeures proviendraient plutôt de l'initiative "Agenda 2000" que de l'Union monétaire et en indiquant que, si les coûts du passage à l'euro, estimés dans une fourchette de 2 à 5 points de PIB, étaient importants, il s'agissait d'une dépense assimilable à un investissement.

M. Maurice Blin, ayant souligné l'optimisme des propos du commissaire européen, a rappelé qu'il était sans précédent qu'une monnaie commune devance la construction d'une union politique forte. Il a jugé que les efforts de pédagogie sur les avantages de l'euro devaient être renforcés. Enfin, il s'est inquiété de la possibilité de concilier l'élargissement de l'Europe et la préservation de l'euro.

En réponse, M. Yves-Thibault de Silguy a souligné que l'euro était une évolution, certes importante, mais pas une révolution compte tenu de l'expérience européenne de taux de change fixe. Il a estimé qu'il n'existait plus depuis longtemps de souveraineté nationale en matière monétaire et que l'euro était un moyen de recréer une souveraineté monétaire partagée. Il a considéré que l'information sur l'euro devait être développée et qu'elle supposait une implication des décideurs locaux. Il a enfin rappelé les difficultés résultant de la négociation relative à "Agenda 2000", expliquant que le point majeur de friction avait trait au devenir des fonds structurels.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est alors inquiétée des conditions dans lesquelles s'était effectuée la convergence nominale en Europe et s'est demandée si les risques de concentration géographique des activités économiques et d'accroissement de la concurrence en Europe n'étaient pas susceptibles d'être extrêmement préjudiciables à la France. Elle s'est enfin interrogée sur la perspective d'une modification des rapports politiques entre Etats européens.

M. Yves-Thibault de Silguy ayant notamment souligné que la convergence n'était pas synonyme d'uniformisation, M. Christian Poncelet, président, a mis en évidence les phénomènes de concurrence fiscale et leur impact éventuel en matière d'uniformisation.

M. Yves-Thibault de Silguy a alors jugé que l'euro devant attirer les capitaux extérieurs, la localisation des activités économiques dans les pays dont ce serait la monnaie, serait accrue sans qu'on puisse, en effet, prédire les pays qui en bénéficieraient le plus.

M. Jacques-Richard Delong, ayant souligné que la monnaie unique était la pierre de touche de la construction européenne, s'est inquiété des effets négatifs du choix de sa dénomination et a estimé qu'il aurait été préférable de la baptiser marc ou livre, conformément à l'histoire monétaire de la France et de l'Europe.

M. Yves-Thibault de Silguy, ayant rappelé que le choix en la matière avait appartenu aux chefs d'Etat et Gouvernement, M. René Ballayer s'est inquiété des effets d'une éventuelle crise boursière survenant lors du lancement de l'euro.

M. Yves-Thibault de Silguy a estimé que le lancement de l'euro s'accompagnerait probablement d'importants transferts vers les marchés d'actions en Europe du fait de l'attractivité de la monnaie unique et du bas niveau des taux d'intérêt.

M. Yvon Collin a souhaité recueillir les explications du commissaire européen sur les causes de la langueur de l'économie européenne depuis 1990. Puis, évoquant les grandes orientations de politique économique du Conseil et le rapport de la Commission, il s'est demandé s'il n'existait pas un hiatus entre la recommandation du Conseil d'un partage de la valeur ajoutée favorable aux entreprises et le constat fait par la Commission d'une forte rentabilité des investissements des entreprises.

En réponse, M. Yves-Thibault de Silguy a jugé que la croissance avait été cassée en Europe par la remontée des taux d'intérêt résultant de la hausse des taux américains en 1994. Il a considéré que, depuis, le dosage des politiques économiques était devenu beaucoup plus satisfaisant, le redressement des finances publiques ayant été accompagné d'une baisse des taux d'intérêt.

Il a alors estimé que la croissance pourrait désormais connaître un rythme annuel, durable, de 3 %. Ayant reconnu que ces résultats devaient beaucoup à la modération salariale, il a jugé que les positions du Conseil et de la Commission étaient en cohérence sur ce point.

M. Emmanuel Hamel s'est vivement alarmé des conséquences sociales d'une conception exclusivement monétariste de la construction européenne.

M. Yves-Thibault de Silguy a alors rappelé que la souveraineté monétaire avait disparu de fait et que le pacte de stabilité et de croissance était destiné à permettre aux Etats de regagner des marges de manoeuvre budgétaire. Il a enfin appelé à la mise en oeuvre d'une vraie politique pour l'emploi, éliminant les obstacles structurels qui s'opposent à la baisse du chômage.

M. Christian Poncelet, président, s'est interrogé sur les voies et moyens d'une meilleure association des parlements nationaux au fonctionnement de l'union monétaire, en soulignant qu'il s'agissait d'assurer la légitimité démocratique de l'édifice. Il s'est ensuite demandé si la banque centrale européenne serait en mesure de définir une politique monétaire pour l'ensemble de l'Europe et d'échapper à certains tropismes nationaux.

En réponse, M. Yves-Thibault de Silguy a considéré que le mécanisme de coordination des politiques économiques donnerait l'occasion aux Gouvernements nationaux d'associer les Parlements au fonctionnement de l'union monétaire, estimant souhaitable que l'euro soit soumis à un contrôle démocratique dans le respect de l'indépendance de la banque centrale européenne.

La commission a donc alors décidé à l'unanimité d'adresser une demande à la Banque de France pour qu'elle élabore et publie un rapport sur l'état de la convergence des performances économiques des pays candidats à l'adoption de la future monnaie unique européenne.

IV. AUDITION DE M. JEAN-CLAUDE TRICHET, GOUVERNEUR DE LA BANQUE DE FRANCE

Au cours d'une séance tenue le mercredi 1er avril, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France.

M. Christian Poncelet, président, a fait trois remarques préliminaires. D'une part? il s'est inquiété de l'absence d'obligation pour la Banque centrale européenne d'informer régulièrement les Parlements nationaux et a souhaité la mise en place de procédures spécifiques d'information directe. D'autre part, il a fait part de certaines craintes quant à l'éventualité d'une politique trop rigoureuse de la future banque centrale européenne, qui conduirait à l'aggravation du chômage. Enfin, il s'est interrogé sur les capacités de la France et de l'Italie à poursuivre l'ajustement de leurs politiques budgétaires.

M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, a rappelé les caractéristiques principales de la conjoncture des pays européens, en précisant que la croissance dans l'ensemble des pays de l'Europe continentale était probablement passée d'un taux de l'ordre de 2 % à un taux de 3 % environ, tirée essentiellement par la demande interne.

Il a souligné les bons résultats de la France : une inflation parmi les trois plus basses de l'Union européenne et des taux d'intérêt à long terme les plus bas avec ceux des Pays-Bas. Il a estimé que cette très bonne compétitivité monétaire constituait une condition nécessaire mais non suffisante pour assurer l'avenir économique de la France, qui dépend également d'une politique budgétaire adaptée, d'indispensables réformes structurelles et d'un bon environnement économique international.

Concernant le projet de loi modifiant le statut de la Banque de France, M. Jean-Claude Trichet a souligné qu'il s'agissait essentiellement d'adapter ce statut de la Banque de France aux exigences juridiques provoquées par le passage à la 3ème phase de l'Union Economique et Monétaire. Puis, il s'est félicité de ce que la convergence de l'ensemble des pays appartenant à l'Union européenne ait été beaucoup plus rapide que le pronostiquait l'ensemble des acteurs économiques. En particulier, 14 pays sur 15 respectent les critères de l'inflation, des taux d'intérêt à long terme et du déficit budgétaire.

Il a récusé les critiques concernant les sacrifices trop importants que les pays auraient dû consentir pour satisfaire les critères définis lors du sommet de Maastricht, en faisant remarquer que même les pays refusant pour l'instant de participer à l'Union monétaire avaient suivi des politiques identiques. Les pays européens ont poursuivi des politiques conformes à leurs intérêts nationaux, qui se trouvaient au surplus correspondre aux objectifs de convergence économique, monétaire ou financière.

M. Jean-Claude Trichet a ensuite souligné que la situation de certains pays pouvait être jugée délicate à cause de l'importance de leur encours de dette en proportion du produit intérieur brut.

Il a également souligné que le respect du critère de déficit public sera décisif pour le bon fonctionnement de l'Union monétaire. Il a rappelé un récent sondage qui révèle que 95 % des Français intéressés souhaitent que la nouvelle monnaie soit au moins aussi solide et stable que le franc. En outre, il a refusé l'idée selon laquelle une monnaie solide, en inspirant confiance, pouvait conduire à un chômage élevé. Il a donc estimé que la nouvelle banque centrale européenne maintiendra durablement la stabilité d'un euro au moins aussi solide que le franc ou le Mark aujourd'hui.

Ensuite, M. Jean-Claude Trichet a fait part de trois réflexions sur la future Union monétaire. Il a jugé que le Conseil des ministres aurait à fonctionner de manière efficace pour assurer la surveillance mutuelle des budgets des différents pays européens. Il a en effet souligné qu'il existait un risque si un pays aggravait fortement son déficit dans la nouvelle Union européenne sans que les autres gouvernements ne réagissent. Il a toutefois contesté les critiques selon lesquelles l'Union monétaire ne pouvait fonctionner sans fédéralisme budgétaire. Concernant les déficits budgétaires, il a insisté sur le fait que tous les Etats membres s'étaient donné pour objectif l'équilibre, voire l'excédent des finances publiques. C'est ce qui figure dans le pacte de stabilité et de croissance signé par les quinze pays de l'Union. En effet, seule cette stratégie permet la consolidation des bas taux d'intérêt sur les marchés financiers, le financement dans de bonnes conditions de l'investissement productif, le renforcement de la confiance des ménages et des entreprises et l'utilisation des stabilisateurs automatiques en période de basse conjoncture. A propos du chômage, il a déclaré que toutes les analyses sur ce sujet convergent pour en dénoncer les causes structurelles et que l'accent devait donc être mis sur la mise en oeuvre de réformes structurelles. En conséquence, il s'est déclaré favorable au renforcement de la coordination des politiques économiques des Etats membres de l'Union décidée au conseil de Luxembourg.

Un large débat s'est alors ouvert. M. Alain Lambert, rapporteur général, a demandé des renseignements supplémentaires sur la parité externe du futur euro, sur le décalage entre les prévisions de la Banque de France et l'évolution réelle de la masse monétaire, sur la constitution du Conseil politique comme contrepoids à la future Banque centrale européenne, sur la composition du directoire de celle-ci et sur la réforme du statut de la Banque de France.

En réponse, M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, a tenu à préciser les conditions dans lesquelles les Parlements seront informés des actions menées par la Banque centrale européenne. Il a insisté sur le fait que le Traité de Maastricht avait organisé le même type de relations entre la Banque centrale européenne et le Parlement européen que celles qui existent entre la Banque de France et le Parlement français. Ainsi, le président de la Banque centrale européenne pourra être entendu par le Parlement européen. Par ailleurs, les gouvernements nationaux continueront d'expliquer aux parlements la politique de la Banque centrale européenne.

A propos du rôle futur du Conseil politique et monétaire de la Banque de France, il a estimé que celui-ci serait au moins aussi important qu'aujourd'hui, même si les décisions finales seront prises en dernier ressort par le Conseil de la Banque centrale européenne, composé du Collège des gouverneurs et des membres du directoire. Il sera chargé, demain comme aujourd'hui, de synthétiser l'état économique, monétaire et financier de notre pays à partir des informations recueillies dans les régions, de préserver des contacts étroits avec les leaders d'opinion de toutes sensibilités dans l'ensemble de la France, d'expliquer la politique du Système européen de banques centrales.

Concernant la parité externe de l'euro, M. Jean-Claude Trichet a insisté sur le rôle des marchés et sur la concertation au niveau du G7 qui régule, dans le régime des changes flottants actuel, les rapports entre l'euro, le dollar et le yen. Il a estimé que la parité externe du futur euro serait probablement dans la continuité des relations observées au cours des dernières années entre le dollar et les monnaies du coeur de l'Europe.

Concernant l'évolution des agrégats monétaires, M. Jean-Claude Trichet a rappelé que l'évolution de référence de la Banque de France, soit une augmentation à moyen terme des agrégats monétaires de 5 % par an, était établie compte tenu d'une croissance potentielle non inflationniste de 2,5 % et d'un objectif d'inflation de moins de 2 %. Il a noté que l'évolution effectivement observée de ces agrégats avait été inférieure, certaines années, à la valeur de référence et qu'elle était aujourd'hui supérieure à cette valeur de référence.

Concernant les pouvoirs de l'exécutif européen, il a estimé que l'on sous-estimait souvent le degré d'union politique déjà atteint dans le volet "Union économique" de l'Union économique et monétaire. En effet, le Conseil des gouvernements dispose de pouvoirs considérables en matière budgétaire, notamment pour influencer, voire sanctionner, les Etats membres. Par ailleurs, il a noté que, dans le Traité de Maastricht comme dans la loi française ou dans la loi allemande, le dernier mot appartenait aux gouvernements ou au Conseil après concertation étroite avec la Banque centrale en vue de trouver un consensus, sur la question d'un réalignement au sein d'un mécanisme de change.

Concernant la réforme de la Banque de France, M. Jean-Claude Trichet a rappelé que, pour le Conseil de la politique monétaire, l'objectif de la stabilité des prix était réalisé lorsque l'inflation s'élevait à moins de 2 %. Au niveau européen, il appartiendra au Conseil de la Banque centrale européenne de décider l'objectif fixé.

Concernant la possibilité d'émettre des obligations indexées sur l'inflation, M. Jean-Claude Trichet a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une responsabilité de la Banque de France, mais de l'Etat. Il s'est borné à mentionner la réserve des banques centrales en général à l'égard du concept d'indexation.

M. Denis Badré s'est inquiété de l'importance du déficit budgétaire et de l'encours de la dette en France. Il s'est étonné que la France connaisse les taux d'intérêt les plus bas de la Communauté européenne alors que son déficit est parmi les plus élevés. Il a également plaidé pour un budget européen limité.

M. Roland du Luart a souhaité des renseignements complémentaires sur les réformes structurelles à entreprendre.

Mme Marie-Claude Beaudeau a demandé des informations sur les modifications qu'entraînera le passage à l'euro pour la gestion des réserves par la Banque de France et s'est inquiété du plan de restructuration lancé par celle-ci et visant la suppression de plus de huit cents emplois et de quatre-vingt-dix succursales.

M. Maurice Blin s'est inquiété de la diminution des marges de manoeuvre des pays de l'Union monétaire pour conduire leurs politiques économiques internes.

M. François Trucy s'est interrogé sur l'avenir de "l'euro/CFA", en remplacement du franc CFA.

M. Yann Gaillard a souligné la continuité de la politique monétaire de la France malgré les alternatives politiques.

M. Henri Collard a demandé des renseignements supplémentaires sur les pouvoirs du Conseil européen et sur l'état de l'opinion publique face à la perspective de l'euro.

M. Jean Clouet s'est interrogé sur la procédure de rachat des monnaies nationales. Il s'est également demandé si un état fédéral européen n'était pas de facto en train de se constituer.

M. Christian Poncelet, président, a rappelé que M. Patrick Artus, directeur du service des études économiques et financières de la Caisse des dépôts et consignations, avait estimé, au cours de son audition, que le franc, à cause de son "arrimage" au Deutsche Mark, était surévalué aux débuts de la réunification allemande, ce qui aurait causé 1,5 million de chômeurs. Il a donc demandé si l'euro serait également surévalué. En outre, il a demandé un rapport détaillé de la Banque de France sur analyse de la convergence économique, telle qu'elle a été appréciée par la Commission européenne et par l'Institut monétaire européen.

En réponse, M. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, a souligné les risques que courrait la France si elle négligeait la croissance de l'encours de sa dette. Il a estimé que la France disposait de très nombreux atouts, mais qu'elle devait également combattre ses défauts. Concernant le paradoxe de taux d'intérêt très bas malgré un déficit élevé, il a déclaré que cette situation résultait de la remarquable position de la France face aux quatre autres critères du Traité de Maastricht, de l'état exceptionnellement bon de ses comptes extérieurs et de la confiance qu'avait su acquérir la Banque de France.

Concernant le fonctionnement du système de banques centrales européennes, il a insisté sur le caractère collégial des décisions prises par la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, M. Jean-Claude Trichet a indiqué qu'il était erroné d'imputer notre chômage à la politique du franc fort et stable. Cette politique a permis de préserver non seulement le pouvoir d'achat des Français mais aussi de bas taux d'intérêt de marché et une bonne compétitivité, ce qui est bon pour la croissance et la création d'emplois. Cependant, une bonne politique monétaire est une condition nécessaire mais pas suffisante pour vaincre le chômage. Encore faut-il des réformes structurelles.

Puis, il a indiqué que la quote-part de la France dans le montant des réserves de la future Banque centrale européenne constituerait une part ténue des réserves de la Banque de France. Il a souligné que la restructuration de cette dernière avait pour objectif d'abaisser le coût des services rendus dans le domaine de la circulation fiduciaire et qu'il n'était pas question de fermer la moindre succursale. En outre, il a insisté sur les rencontres organisées entre la Banque de France et les maires concernés par les suppressions d'emplois afin de trouver des solutions concrètes et adaptées aux conditions locales. La Banque de France entend aider le mieux possible les villes concernées.

S'agissant de l'avenir du franc/CFA, il a fait remarquer que la Banque de France n'intervenait pas puisque le franc/CFA est relié au franc par l'intermédiaire du budget de l'Etat. Il a estimé qu'à sa connaissance, la France et les pays africains n'entendaient rien changer dans leurs relations.

Ensuite, M. Jean-Claude Trichet a déclaré que la construction européenne conduisait probablement moins à la création d'un Etat fédéral "de facto" qu'à une organisation originale confiant au collège des gouvernements de l'Union des pouvoirs importants et qu'il ne fallait pas sous-estimer l'efficacité de la construction institutionnelle sans précédent que les Européens s'étaient donnée. Il a également annoncé que le "rachat" des monnaies nationales se ferait partout en Europe, à partir du 1er janvier 2002, avec l'aide des banques commerciales.

Enfin, il a répondu favorablement à la demande de rapport présentée par M. Christian Poncelet, président.

V. AUDITION DE M. PHILIPPE SIGOGNE, DIRECTEUR DE L'OBSERVATOIRE FRANÇAIS DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE (OFCE)

Au cours d'une séance tenue le mercredi 1er avril, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Sigogne, directeur de l'Observatoire français de conjoncture économique (OFCE).

S'interrogeant sur la destruction éventuelle de un à un million et demi d'emplois par la politique monétaire menée depuis la fin des années 80, le directeur de l'OFCE a expliqué que la politique monétaire de la France avait été dictée par un objectif politique, consistant à préparer l'euro et à ancrer l'Allemagne à l'Ouest. Dans ce contexte, il a indiqué que le rôle de la politique économique était de limiter les contraintes occasionnées par ce choix. Détachée de la réalisation de cet objectif, la politique économique aurait probablement été caractérisée par des taux d'intérêt plus bas et une gestion différente de la phase spéculative. A titre de comparaison, il a signalé que les Etats-Unis avaient opté pour des taux d'intérêts réels presque nuls et des recapitalisations sur fonds publics des organismes financiers en difficulté, tandis que la France avait subi une dégradation de ses finances publiques et un désendettement trop rapide du secteur privé.

Les conséquences de cette politique sur les entreprises varient selon leur taille. M. Philippe Sigogne a considéré que les grandes entreprises sortaient indéniablement raffermies de la phase de désendettement, acquérant ainsi un avantage sur leurs concurrentes allemandes sur les marchés internationaux. En revanche, il a constaté que les contraintes imposées aux petites et moyennes entreprises avaient conduit à une destruction importante de tissu productif. En conséquence, il a jugé que des mesures en faveur des PME constituaient aujourd'hui une priorité.

S'agissant des finances publiques, le directeur de l'OFCE a estimé que leur évolution, au cours de la période, était liée aux orientations de la politique monétaire. En effet, la dégradation de la situation des finances publiques doit être considérée comme l'inévitable contrepartie de la nécessité de défendre la parité de change entre le franc et le mark, conjuguée à une demande intérieure française inférieure à la demande intérieure allemande. Ce mécanisme a provoqué la nécessité d'une phase de désendettement de l'Etat et des entreprises. Il a signalé que l'action de la Banque de France avait été conforme aux orientations fixées par le Gouvernement.

M. Philippe Sigogne a déclaré percevoir aujourd'hui les prémisses d'une modification des comportements. S'agissant des ménages, il a constaté un retour, peu à peu, vers le crédit. S'agissant des entreprises, il a pronostiqué qu'elles reprendraient également le chemin de l'endettement bancaire mais aussi hypothécaire et sur le marché des actions.

Il a indiqué que ce réendettement des agents devrait faciliter l'amélioration des finances publiques une fois effectués les mouvements actuels de restructuration, de fusion-acquisition notamment. Il s'est déclaré optimiste quant à la possibilité de réduire le déficit public dans un contexte d'augmentation des dépenses publiques limitée à 1% par an. Il a considéré que les aides à l'emploi constituaient un gisement d'économies budgétaires important.

M. Philippe Sigogne a ensuite évoqué les orientations susceptibles d'être retenues par la future banque centrale européenne dans la conduite de la politique monétaire commune. Envisageant qu'elles soient inspirées par celles de la Bundesbank, il a signalé que cette dernière était de moins en moins influencée par les fluctuations du dollar, et déterminait le niveau des taux d'intérêt à court terme en fonction de deux facteurs : l'écart avec le taux de croissance potentiel de l'économie et l'écart avec un taux d'inflation jugé raisonnable.

Si la banque centrale européenne décidait de retenir ces deux facteurs, le directeur de l'OFCE a mis en évidence le fait que la politique monétaire européenne ne serait, pour autant, pas forcément identique à celle de la Bundesbank. En effet, la France et l'Allemagne ont des acceptions différentes tant du taux de croissance potentiel de l'économie que du niveau d'inflation raisonnable. S'agissant du taux de croissance potentiel de l'économie, il correspond en France au taux de croissance à long terme, soit 2,5 %, tandis que les Allemands le déterminent en faisant une moyenne de taux de croissance passés, soit environ 3 %. S'agissant de l'inflation, la Banque de France considère qu'une augmentation des prix de 2 % par an est raisonnable tandis que la Bundesbank vise une évolution des prix comprise entre 0 et 2 % par an. En conséquence, en appliquant les critères de la Bundesbank dans leur interprétation française, la banque centrale européenne fixerait les taux d'intérêt à court terme à 4%, et les porterait à 5 % si elle retenait l'interprétation allemande.

En outre, M. Philippe Sigogne a relevé que la politique monétaire européenne serait en théorie déterminée par onze banquiers centraux raisonnant à partir d'agrégats correspondant à l'ensemble de l'Europe, mais que ceux-ci ne manqueraient pas d'être influencés par la conjoncture interne de leur pays d'origine. Il a décelé dans ce cas de figure un risque de politique restrictive à court terme, les économies de la plupart des petits pays d'Europe étant aujourd'hui proches de la surchauffe.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a alors sollicité le point de vue du directeur de l'OFCE s'agissant de deux risques identifiés par le Gouverneur de la Banque de France au cours de son audition : l'absence de réformes structurelles destinées à réduire durablement le chômage et l'incidence de la situation des finances publiques sur le niveau des taux d'intérêt.

S'agissant du chômage, M. Philippe Sigogne a évoqué la tentation d'imiter les pays dans lesquels le nombre de demandeurs d'emploi a le plus fortement baissé dans les années récentes, tels que les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou les Pays-Bas. Il a cependant indiqué, s'appuyant sur une étude de l'INSEE, que la baisse du chômage s'était accompagnée dans ces pays d'une élévation du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et que l'Europe devait se départir d'un modèle portant en germe des facteurs de destabilisation aussi graves que l'opposition entre travailleurs et chômeurs.

Evoquant les pistes à étudier afin de réduire le chômage, il a cité les travaux de la Commission européenne incitant à une réduction du coût du travail pour les emplois les moins qualifiés. Il a jugé que la loi portant réduction de la durée légale du travail s'écartait de cette direction. M. Philippe Sigogne a ajouté qu'il fallait développer les incitations à travailler, afin que personne ne se contente de revenus de substitution. Enfin, il a prôné le développement de remises dans les conditions mentales de retour à l'emploi, en s'inspirant des expériences américaines. Il a déploré l'absence totale d'actions dans ce sens en France.

Au plan macroéconomique, le directeur de l'OFCE a considéré qu'il existait de solides raisons de croire à un accroissement de la quantité de travail offerte par les entreprises. Il a avancé l'idée selon laquelle une légère augmentation des salaires, liée à la reprise de la croissance, ne conduirait pas à l'apparition d'un risque inflationniste, et que la part des profits dans la valeur ajoutée diminuerait compte tenu de l'effort de productivité important réalisé au cours des dernières années. Il a ajouté que ce phénomène s'était produit aux Etats-Unis, sans mettre en péril la rentabilité des entreprises. Il a également estimé que l'enjeu des années à venir consisterait à répartir la diffusion du progrès technique, due aux investissements passés, entre salaire et emploi.

Dans cette perspective, M. Philippe Sigogne a appelé à une réflexion sur le type de politique des revenus et de négociation salariale à mettre en oeuvre, s'interrogeant sur la faisabilité d'une transposition de l'expérience néerlandaise à l'ensemble de l'Europe.

M. Jean-Philippe Lachenaud, constatant que la durabilité de la croissance actuelle n'était pas acquise, a souhaité la mise en place d'une politique d'incitation à l'investissement productif. Il a par ailleurs souhaité savoir si, au vu du texte sur la réduction de la durée du travail adopté par l'Assemblée nationale, l'OFCE avait modifié ses prévisions de créations d'emplois occasionnées par ce dispositif.

M. Philippe Sigogne s'est déclaré sceptique quant à l'efficacité des dispositifs d'aide à l'investissement. Il a considéré qu'ils étaient souvent mal ciblés, donc peu efficaces, et très chers lorsqu'ils étaient incitatifs. Il a par ailleurs constaté qu'ils étaient souvent mis en place au moment où la croissance était forte et que l'investissement repartait de lui-même, provoquant par là des effets d'aubaine. Il s'est prononcé en faveur de mesures facilitant la création d'entreprise.

S'agissant de la loi relative à la réduction du temps de travail, le directeur de l'OFCE a précisé que son institut ne s'était pas livré à des prévisions de créations d'emploi, mais à des estimations reposant sur différents scénarios. Il s'est déclaré incapable de se livrer à des prévisions compte tenu du trop grand nombre d'éléments restant flous s'agissant de la manière dont le texte allait être appliqué. Il a maintenu la fourchette élaborée par son institut, envisageant des résultats allant d'une destruction de 100.000 emplois à la création de 450.000 emplois.

M. Jacques Oudin a déclaré que la politique actuelle négligeait l'investissement productif et collectif. Il a considéré que certains mécanismes d'amortissement ou d'orientation de l'épargne avaient fait leur preuve. S'agissant de la réduction de la durée du travail, il a considéré que la France ne pouvait pas avoir raison contre l'ensemble de ses partenaires. Il a, enfin, rejeté l'idée d'une politique des revenus, lui préférant une politique de charges ou de fiscalité.

Le directeur de l'OFCE a indiqué que, s'agissant d'incitation à l'investissement dans des secteurs tels que la flotte maritime ou les autoroutes, pour lesquels la rentabilité n'est pas immédiate, une réflexion spécifique devait être menée. Il a constaté que ces investissements étaient souvent délaissés par l'Etat en période de basse conjoncture et repris au moment où le marché serait à même de les prendre en charge.

Il a précisé que la loi sur la réduction de la durée du travail n'avait pas pour objectif de créer des richesses ou des heures de travail, mais de les répartir différemment, moyennant un coût budgétaire minime. Il a fait valoir que ce coût ne serait, pour les finances publiques, probablement pas supérieur à celui d'une mesure de réduction des charges.

Répondant aux questions de M. Christian Poncelet, président, M. Philippe Sigogne a observé que l'endettement de la France se réduisait année après année, même si l'endettement public continuait à croître.

Il a appelé à ne pas séparer la question du déficit de celle de la dette, soulignant que l'institut monétaire européen, dans son récent rapport, s'était surtout intéressé au niveau de dette des Etats de l'Union. Il a affirmé qu'un niveau de dette équivalent 40 % du produit intérieur brut lui paraissait raisonnable. Afin d'atteindre cet objectif, il a estimé qu'un déficit public ramené entre 1 et 2 % du produit intérieur brut était suffisant. Le directeur de l'OFCE a rappelé que le Royaume-Uni, l'Espagne ou l'Allemagne s'étaient fixés des objectifs ambitieux d'équilibre budgétaire, et a mis l'accent sur les risques d'assèchement du marché des actifs liquides induits par de telles orientations.

Il a pronostiqué que la banque centrale européenne serait très crédible, sa crédibilité résultant d'une comparaison avec les autres banques centrales. La Banque du Japon traversant une période difficile, la concurrente de la banque centrale européenne sera la réserve fédérale américaine, réputée pour agir selon des règles moins strictes que celles de la Bundesbank.

En conclusion, M. Philippe Sigogne a considéré que, l'Europe ayant, contrairement aux Etats-Unis, procédé au désendettement de ses entreprises, elle serait une zone très attractive pour les capitaux internationaux dans les années à venir.

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RESOLUTION

ADOPTEE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la recommandation de la Commission européenne en vue d'une recommandation du Conseil conformément à l'article 109 J, paragraphe 2, du Traité,

Invite le Gouvernement

- à approuver, au sein du Conseil, la liste des Etats membres remplissant les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique, telle qu'elle est proposée par la Commission européenne ;

- à réaffirmer que le bon fonctionnement de la zone euro ainsi définie suppose que tous les Etats membres s'attachent à retrouver la marge de manoeuvre indispensable pour que chaque politique budgétaire nationale puisse jouer son rôle d'ajustement conjoncturel dans le cadre d'une politique monétaire unique ;

- à élaborer et mettre en oeuvre un programme de stabilité, pleinement conforme à nos engagements européens et au rôle de notre pays en Europe ;

- à veiller à ce que le Conseil, dans le cadre d'un dialogue permanent avec la Banque centrale européenne (BCE) exerce effectivement les responsabilités qui lui sont reconnues par les articles 109 et 109 B du Traité sur l'Union européenne, en tirant parti des possibilités de modulation institutionnelle décidées dans le cadre de la résolution adoptée par le Conseil européen de Luxembourg le 13 décembre 1997 ;

- à poursuivre rapidement l'approfondissement de tous les volets de l'Union économique et monétaire ;

- à assurer l'information régulière du Parlement sur l'action que le Gouvernement conduira à ces différents titres, à organiser un débat annuel à ce sujet dans chacune des deux assemblées, à produire à l'appui du projet de loi de finances de l'année le programme de stabilité notifié par lui et, au moins une fois par an, une présentation des programmes des autres Etats membres ;

- à communiquer aux présidents des commissions permanentes compétentes du Parlement tous rapports, avis et recommandations auxquels pourrait donner lieu la mise en oeuvre des articles 103 et 104 C du traité sur l'Union européenne du 7 février 1992 ;

- à favoriser un dialogue régulier entre la BCE et le Parlement français afin que celui-ci soit informé de la politique monétaire menée par celle-ci ;

- à agir en sorte que soient pleinement respectées les dispositions de l'article 109 A du Traité sur l'Union européenne, en vertu desquelles la nomination des membres du directoire de la BCE relève de la pleine responsabilité des Chefs d'Etat ou de gouvernement des Etats membres participant à la monnaie unique.



1 Les mots en italique résultent des adjonctions introduites par le traité d'Amsterdam.

2 Sic...

3 Ces économies se traduisent par symétrie par une perte de recettes pour le système financier, les recettes tirées des échanges de devises entre pays membres étant appelées à disparaître tandis que les marges de taux d'intérêt devraient se réduire encore.

L'OCDE cite ainsi diverses estimations selon lesquelles les profits sur les opérations de banque en gros pourraient diminuer de 10 à 15 %. Il reste ainsi à déterminer comment seront compensées ces pertes des recettes.

4 Dépenses hors charges d'intérêt.

5 Si elle estime que seul un risque de déficit excessif se présente, elle conserve la latitude d'élaborer ou de ne pas élaborer son rapport.

6 C'est-à-dire l'exigence de publications supplémentaires avant l'émission de titres publics par l'Etat concerné et l'invitation adressée à la BEI de revoir sa politique de prêts à l'Etat en cause.

7 La théorie des zones monétaires optimales initiée par un article de Mundell (1961) établit que le coût de la renonciation à l'instrument monétaire (taux d'intérêt et taux de change) peut être élevé lorsque les économies liées entre elles par une même politique monétaire et une même monnaie sont inégalement vulnérables à des chocs économiques. Elle considère qu'en ce cas, la flexibilité des marchés du travail est une condition essentielle à la viabilité de la zone monétaire. La flexibilité du marché du travail peut elle-même être vérifiée soit si les salaires réels sont flexibles, soit si les salariés sont mobiles.

8 C'est-à-dire profitant de la phase ascendante du cycle pour tendre vers l'équilibre et évitant les déficits excessifs.

9 Rapports n° 86 du 21 novembre 1996 et n° 85 du 20 novembre 1997 - Sénat - Commission des finances.

10 Rapport n° 85 du 20 novembre 1997 - Sénat - Commission des finances.

11 En particulier par une loi de finances.

12

Telle qu'elle a été transmise à votre rapporteur.

13 Souligné par le rapporteur.

14 Souligné par le rapporteur.

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