RAPPORT N° 252 - PROJET DE LOI AUTORISANT L'APPROBATION DE L'AVENANT A LA CONVENTION ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE GOUVERNEMENT DU CANADA RENDANT A EVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS ET A PREVENIR L'EVASION FISCALE
M. Emmanuel HAMEL, Sénateur
COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION - RAPPORT N° 252 - 1997/1998
Table des matières
- I. UN RETARD REGRETTABLE DANS LA PROCÉDURE D'APPROBATION
- II. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES CROISSANTES
- III. LES PRINCIPAUX POINTS DE L'AVENANT
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 252
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 janvier 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 2 mai 1975 et modifiée par l'avenant du 16 janvier 1987,
Par M. Emmanuel HAMEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot,
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël
Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon
Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel
Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir le numéro
:
Sénat
:
172
(1996-1997).
Traités et conventions.
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation d'un
avenant à la convention du 2 mai 1975 entre la France et la Canada en
vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir
l'évasion et la fraude fiscales. Cet avenant complexe, qui est le second
apporté à la convention d'origine, a été conclu
à l'issue de cinq tours de négociations menés entre 1990
et 1994, et signé le 30 novembre 1995.
I. UN RETARD REGRETTABLE DANS LA PROCÉDURE D'APPROBATION
Il convient de signaler que le Canada a officiellement
notifié
dès le 14 mai 1996
avoir accompli toutes les
procédures légales et constitutionnelles requises pour
l'entrée en vigueur du texte. La France a donc pris un certain retard
dans sa procédure d'approbation par rapport à son partenaire,
d'autant plus regrettable que nos compatriotes établis au Canada qui
attendent l'entrée en vigueur de cet avenant sont nombreux.
Votre commission des finance déplore ce retard, qui n'a pas d'autre
motif qu'une certaine négligence dans l'organisation du travail
gouvernemental
.
Le présent avenant devait être examiné au printemps 1997,
mais a été retiré
in extremis
de l'ordre du jour
dans l'attente de l'avis obligatoire de la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon, que l'on avait omis de solliciter. Cet avis,
favorable, a été rendu le 17 mars 1997.
Mais, curieusement, le présent avenant ne figurait toujours pas à
l'ordre du jour du Sénat du 10 décembre 1997, alors que deux
conventions fiscales étaient inscrites ce jour là, dont l'une
plus récente (accord entre la France et le Kenya en vue d'éviter
les doubles impositions en matière de transport aérien en trafic
international, signé le 12 janvier 1996).
Cette temporisation sans motif risque d'apparaître un peu
désinvolte à l'égard du Canada.
II. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES CROISSANTES
Les relations économiques et commerciales
franco-canadiennes restent modestes : le Canada représente 1% de nos
exportations et 0,6% de nos importations. Le solde commercial est
traditionnellement excédentaire en faveur de la France
grâce aux biens d'équipement aéronautiques. Longtemps
concentrés au Québec, les échanges économiques et
commerciaux se sont étendus à d'autres provinces canadiennes,
notamment l'Ontario.
Les investissements français au Canada, comme les flux de services et du
tourisme, sont en augmentation rapide. La France est le
cinquième
investisseur étranger au Canada
avec un stock de 4,5 milliards
de dollars canadiens.
On compte aujourd'hui 350 entreprises françaises au Canada, dont
les deux-tiers au Québec. Les secteurs industriels où la France
est le mieux représentée sont les équipements
électriques (GEC Alsthom, Jeumont-Schneider), l'électronique
(Thomson-CSF) et l'informatique (Bull), la chimie-pharmacie
(Rhône-Poulenc, Roussel Uclaf, Mérieux), les semi-produits
(Péchiney, Ciments Lafarge, Air-Liquide), l'énergie
(Elf-Aquitaine, Gaz de France), les pneumatiques (Michelin) et, enfin, certains
biens de consommation (l'Oréal, BSN).
Réciproquement, le volume des investissements canadiens en France a
été
multiplié par vingt
au cours des dix
dernières années, passant de 100 millions de dollars
canadiens en 1984 à 1,9 milliard de francs en 1994. Les entreprises
canadiennes implantées en France sont au nombre de 120, dont
70 québécoises.
Quatre opérations ont principalement marqué l'implantation
canadienne ces dernières années : la prise de contrôle
par Bombardier des Ateliers du Nord de la France ; l'entrée de
Northern Telecom dans le capital de Matra
Télécommunications ; la participation de Bombardier au
projet Eurotunnel ; le rachat de quatre entreprises par Québecor,
qui détient désormais 20 % du marché français
de l'imprimerie offset.
L'importance des investissements directs et des coopérations
industrielles entre la France et le Canada justifie pleinement une mise
à jour périodique de la convention fiscale qui lie les deux pays.
Cette convention est également essentielle pour la
nombreuse
communauté française au Canada
qui est évaluée
à environ 110.000 personnes, dont 70.000 dans la province du
Québec, et pour la communauté canadienne en France, qui est
estimée à 8.000 personnes.
III. LES PRINCIPAUX POINTS DE L'AVENANT
La négociation d'un nouvel avenant à la
convention fiscale franco-canadienne de 1975 a principalement pour objectif de
régler les points suivants :
-
la définition des biens immobiliers
en conformité
avec la pratique française ;
- l'adaptation des dispositions relatives à
l'imposition de la
fortune
afin de tirer les conséquences de l'instauration de
l'impôt de solidarité sur la fortune en France ;
- la modification des règles françaises d'élimination
des doubles impositions, afin d'étendre la technique du
crédit
d'impôt
, qui permet de préserver la spécificité
du barème, à la différence de la technique de
l'exemption ;
-
le règlement de la double imposition des mutations par
décès
, qui résultait de la suppression par le Canada
en 1971 des impôts sur les successions et les donations au profit d'une
imposition des plus-values .
-
le transfert de l'avoir fiscal
aux résidents du Canada
percevant des dividendes de source française.
Le problème de la double imposition des successions en France et au Canada
Une convention en matière de droits de mutation par
décès avait été signée entre la France et le
Canada le 16 mars 1951. Celle-ci n'a plus d'application pratique depuis la
suppression, en 1971, du système fédéral de droits sur les
successions et les donations. En outre, les Provinces canadiennes ont elles
aussi supprimé leurs systèmes de droits de mutation à
titre gratuit, la Province du Québec ayant été, en 1985,
la dernière en date à intégrer cette
modification
dans sa législation.
Depuis 1971, les successions des personnes résidentes d'un des deux
Etats lors de leur décès et possédant des biens sur le
territoire de l'autre Etat subissaient une double imposition pouvant
s'avérer particulièrement pénalisante.
En effet, le Canada soumet au barème de l'impôt sur le revenu au
nom du défunt l'ensemble des plus-values calculées sur son
patrimoine au jour du décès. Dans la situation d'une personne qui
était un résident du Canada, cette obligation porte sur
l'ensemble du patrimoine mondial du défunt. Dans l'hypothèse
contraire, où le défunt était un résident de France
au jour du décès, l'obligation fiscale au Canada ne porte plus
que sur les seuls biens situés sur le territoire canadien.
Ainsi, dans le cas d'une personne résidente du Canada et
décédant dans cet Etat qui possède des immeubles sur le
territoire français, le Canada soumet à l'impôt sur le
revenu établi au nom du défunt les plus-values calculées
au jour du décès à raison, d'une part, des biens de la
succession situés sur son territoire et, d'autre part, des biens
immeubles situés en France.
Dans le même temps, la France soumet aux droits de mutation à
titre gratuit les biens immeubles situés sur son territoire.
Dans l'hypothèse inverse, l'intégralité du patrimoine
successoral mondial du défunt est soumise en France aux droits de
mutation à titre gratuit, et les plus-values relatives aux biens
situés au Canada faisant partie de la succession y sont soumises
à l'impôt sur le revenu au nom du défunt.
Dans ces deux hypothèses,
dès lors qu'il s'agit
d'impôts de nature différente
et que ni la Convention du 16
mars 1951, ni la Convention du 2 mai 1975 ne visent une telle situation,
aucune imputation de l'impôt prélevé par l'un des deux
Etats ne pouvait avoir lieu sur l'impôt calculé par l'autre Etat
à raison d'une même succession.
Les dispositions des articles 1er et 16 de 1'avenant visent à
remédier à cette situation de double imposition en permettant
cette imputation.
Par ailleurs, le Canada, qui négociait dans le même temps un
avenant à la convention le liant aux Etats-Unis, a désiré
aligner certaines dispositions de la convention fiscale avec la France sur les
solutions retenues avec son voisin nord-américain. Ces apports ont
notamment consisté dans une
réduction de 10 à 5% du
taux de la retenue à la source applicable aux dividendes
servis
à une société mère.
Le Canada a également souhaité inclure une clause anti-abus
empruntée à la convention fiscale franco-américaine du
31 août 1994 destinée à prévenir
l'usage
abusif
de la convention par l'intermédiaire d'établissements
stables situés dans des
Etats à fiscalité
privilégiée
.
Enfin, le droit de chacun des Etats contractants d'appliquer ses dispositions
légales destinées à prévenir l'évasion
fiscale internationale est expressément confirmé. Pour la France,
il s'agit des articles 209 B et 212 du code général des
impôts.
Cette précision est importante, car
certaines décisions de
justice récentes ont considéré que ces dispositifs de
droit interne sont contraires aux conventions fiscales,
puisqu'ils
aboutissent à maintenir des doubles impositions (Tribunal administratif
de Strasbourg, 16 décembre 1996 - Société Strafor
Facom). Des précautions analogues figurent dans toutes les conventions
fiscales conclues récemment par la France.
Il semble donc que l'administration, après avoir dans un premier temps
envisagé de préciser les dispositions incriminées, a
préféré les faire
valider préventivement par les
accords internationaux eux-mêmes.
Ce choix, justifié par un
souci d'efficacité, doit néanmoins conduire votre commission des
finances à se montrer particulièrement vigilante à
l'égard des dispositions législatives destinées à
prévenir l'évasion fiscale internationale qui lui seront soumises.
*
* *
La convention fiscale entre la France et le Canada, telle
que
modifiée par le présent avenant, s'écarte assez souvent
dans son détail du modèle de l'OCDE. Cela s'explique par
l'ancienneté et la densité des liens économiques entre les
deux pays, qui font qu'il s'agit vraiment d'un texte "sur mesures".
Votre commission des finances vous propose d'en autoriser l'approbation.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 27 janvier 1998, sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président, la
commission a procédé, sur le rapport de M. Jacques Chaumont,
en remplacement de M. Emmanuel Hamel, empêché, à
l'examen du projet de loi autorisant l'approbation d'un avenant à la
convention fiscale du 2 mai 1975 entre la France et le Canada.
Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de
loi dont le texte suit :
Article unique
"Est autorisée l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 2 mai 1975 et modifiée par l'avenant du 16 janvier 1987, signé à Ottawa le 30 novembre 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi."