N° 221
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 janvier 1998
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile ,
Par M. Alain VASSELLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M.
Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis,
Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès,
Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle
Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau,
Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
327
,
451
,
483
et T.A.
47
.
Sénat
:
188
(1997-1998).
|
|
Étrangers. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le jeudi 15 janvier 1998, sous la
présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
la commission a procédé à
l'examen du rapport pour
avis
de
M. Alain Vasselle
sur le
projet de loi n°
188
(1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale,
après déclaration d'urgence, relatif à
l'entrée
et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile
.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a tout d'abord indiqué
que le projet de loi revenait pour une large part sur les modifications
introduites par la loi du 24 août 1993 relative à la
maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et
de séjour des étrangers en France, complétée par la
loi du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à
l'immigration. Il a rappelé que la commission des affaires sociales
avait souscrit aux objectifs poursuivis par la loi du 24 août 1993 :
réprimer l'immigration clandestine en France, décourager
l'arrivée de nouveaux flux d'immigrants mais aussi éviter les
détournements de procédures qui constituent des obstacles
importants à la maîtrise des flux migratoires.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a déclaré qu'il
avait fait le choix d'examiner de manière pragmatique et constructive
les dispositions du projet de loi sur lesquelles portait l'avis de la
commission des Affaires sociales ; il a considéré qu'il convenait
en effet à la fois d'apporter des solutions aux problèmes qui se
posent effectivement et d'éviter parallèlement une distribution
trop généreuse des prestations sociales aux personnes de
nationalité étrangère, susceptible de
générer un effet d'appel auprès des candidats à
l'immigration.
Il a souligné que nul ne pouvait en effet ignorer l'attrait que peut
susciter, dans de nombreux pays, notre système de sécurité
sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis
, a précisé que la
commission des Affaires sociales était plus particulièrement
concernée par les articles 8, 34 bis, 34 ter, 35 et 36 du projet de loi
qui modifient la législation sociale ou qui auront des
conséquences directes sur les comptes sociaux.
Il a toutefois souligné que d'autres articles du projet de loi,
notamment les articles 4 et 5 qui élargissent les conditions
d'accès à une carte de séjour temporaire et l'article 17
qui assouplit les conditions d'accès au regroupement familial,
étaient susceptibles d'accroître de manière indirecte les
charges qui pèsent sur les organismes de protection sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a ajouté qu'en
facilitant l'entrée et le séjour des étrangers en France,
le projet de loi créait de nouveaux bénéficiaires de
droits sociaux. Il a souligné que l'impact financier sur la protection
sociale de ces dispositions n'avait pas été évalué
par le Gouvernement mais pourrait ne pas être négligeable,
notamment s'agissant des prestations familiales.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis
, a constaté qu'au moment
même où le Gouvernement choisissait de placer sous condition de
ressources les allocations familiales en arguant du déficit de la
branche famille, il allait parallèlement faciliter l'entrée et le
séjour de nouveaux bénéficiaires des prestations
familiales.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis
, a indiqué que le projet
de loi comportait, s'agissant des dispositions sociales, deux volets : d'une
part, la création d'une carte de séjour de retraité et les
droits afférents à cette carte et, d'autre part, la suppression
de la condition de nationalité pour l'accès aux prestations non
contributives que sont le minimum vieillesse et l'allocation aux adultes
handicapés (AAH).
Il a précisé que l'article 8 du projet de loi instaurait un
nouveau titre de séjour -une carte de séjour portant la mention
" retraité "- qui serait délivré aux
étrangers titulaires d'une pension contributive de vieillesse et ayant
séjourné en France sous couvert d'une carte de résident.
Cette nouvelle carte leur permettrait, ainsi qu'à leurs conjoints, de
résider à l'étranger et d'entrer librement sur le
territoire français afin d'y séjourner temporairement.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a ajouté que le texte
proposé initialement par le Gouvernement à l'article 35
permettait en outre à un titulaire de carte de séjour de
" retraité " souffrant d'une pathologie grave de
bénéficier des prestations d'assurance maladie lorsqu'il
séjourne en France.
Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait modifié ce
dispositif en subordonnant, pour les titulaires d'une carte de séjour de
" retraité ", lors de leurs séjours, le
bénéfice des prestations de l'assurance maladie à 15
années de cotisations et à la nécessité de soins
immédiats et en créant une cotisation d'assurance maladie
prélevée sur les pensions de ces personnes.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis
, a considéré que
le principe de l'institution d'une carte de séjour
" retraité " semblait acceptable puisque celle-ci visait
à faciliter le retour définitif des retraités
étrangers dans leur pays d'origine. Il a toutefois jugé qu'il
convenait d'encadrer plus strictement les modalités d'accès
à cette carte et de simplifier le dispositif social qui l'accompagne.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis
, a tout d'abord remarqué
qu'il suffisait d'avoir un trimestre validé, soit l'équivalent de
200 heures de SMIC, pour ouvrir des droits à la retraite. Il a
constaté que tout étranger ayant travaillé 200 heures en
France au cours de sa vie et titulaire d'une carte de résident pourrait
donc bénéficier de la carte de séjour de retraité.
Il a souligné que ces conditions ne semblaient guère
contraignantes.
Du point de vue de l'accès au droit aux prestations sociales,
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a constaté que
cette nouvelle carte posait un problème inédit. Elle autorisait
en effet le séjour sur le territoire français tout en
prévoyant explicitement la résidence à l'étranger
du bénéficiaire. Or, l'article L. 311-7 du code de la
sécurité sociale subordonne, pour les personnes de
nationalité étrangère, le bénéfice des
prestations sociales à la résidence en France.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a donc conclu qu'en
l'état actuel du droit les titulaires de la carte de retraité ne
pourraient bénéficier des prestations sociales lors de leur
séjour temporaire en France.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a expliqué que
l'Assemblée nationale, consciente de cette difficulté, avait
introduit un dispositif d'accès aux prestations en nature de l'assurance
maladie complexe, ambigu et source de contentieux. Elle avait en effet entendu
réserver l'accès aux prestations d'assurance maladie aux
retraités ayant cotisé au moins 15 ans et dont l'état
vient à nécessiter des soins immédiats.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a considéré que
l'Assemblée nationale avait par conséquent créé
deux types de bénéficiaires de la carte de séjour de
retraité : ceux qui auraient droit aux prestations d'assurance maladie
et qui se verraient dès lors prélever une cotisation maladie et
ceux qui n'y auraient pas droit et se trouveraient exclus de toute couverture
maladie lors de séjours qui pouvaient pourtant durer jusqu'à un
an.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a jugé que ce dispositif
semblait en pratique difficilement applicable et qu'il avait suscité
bien des interrogations de la part des responsables des différentes
caisses de sécurité sociale. Il a considéré qu'il
n'apparaissait pas raisonnable ni responsable d'autoriser en vertu d'un titre
de séjour les séjours répétés en France de
personnes étrangères sans prévoir de manière
concomitante leur couverture par l'assurance maladie. Il a ajouté que
prévoir parallèlement la prise en charge par l'assurance maladie
si l'état de l'intéressé " vient à
nécessiter des soins immédiats " semblait inutile, difficile
à mettre en pratique et, là encore, source de contentieux
multiples.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a également
précisé que la cotisation d'assurance maladie introduite aux
articles 34 bis et 34 ter par l'Assemblée nationale existait
déjà et que la disposition adoptée était donc
parfaitement redondante. Il a en effet expliqué que toutes les personnes
retraitées domiciliées fiscalement à l'étranger
voyaient en effet déjà leurs revenus faire l'objet d'une
cotisation d'assurance maladie : ce principe avait été
réaffirmé dans la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 qui avait maintenu cette cotisation.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a par conséquent
indiqué qu'il proposerait un dispositif simplifié,
clarifié et plus strictement encadré. L'accès à la
carte de séjour de retraité ne se ferait plus qu'au bout de
15 années de cotisations, ce qui éviterait les risques
d'abus. Parallèlement les titulaires de cette carte pourraient
bénéficier de plein droit des prestations d'assurance maladie et
la cotisation d'assurance maladie instaurée par l'Assemblée
nationale serait supprimée dans la mesure où elle existe
déjà.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a précisé que le
projet de loi comportait en outre un article 35 prévoyant la suppression
de l'obligation de résidence en France pour la perception de retraites
par les personnes de nationalité étrangère. Il a
expliqué que le droit antérieur obligeait la personne
étrangère à résider en France au moment de sa
première demande de liquidation de sa retraite et constituait par
conséquent un obstacle au retour du travailleur retraité dans son
pays d'origine. Il a considéré que la modification
proposée par le Gouvernement apparaissait dès lors bienvenue.
Evoquant l'article 36 qui supprime la condition de nationalité pour
l'accès au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes
handicapés (AAH) et qui constitue le second volet social de ce projet de
loi,
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a indiqué qu'il
s'agissait là d'apporter une solution à un problème
juridique fort complexe. Il a précisé que le
bénéfice du minimum vieillesse et de l'AAH était en effet
aujourd'hui réservé aux nationaux, ressortissants de l'Union
européenne et de l'Espace économique européen ainsi qu'aux
ressortissants de pays ayant passé une convention de
réciprocité avec la France. Or, cette disposition est
jugée contraire au droit européen par la Cour de justice des
Communautés européennes qui estime qu'il n'y a pas lieu de priver
du bénéfice de ces prestations non contributives les
ressortissants des pays ayant signé un accord de coopération ou
d'association avec la Communauté européenne.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a en outre observé que
le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 89-269 DC du 22
janvier 1990, avait eu une position encore plus tranchée en
considérant que l'exclusion des étrangers résidant
régulièrement en France du bénéfice de l'allocation
supplémentaire, dès lors qu'ils ne pouvaient se prévaloir
d'engagements internationaux ou de règlements pris sur leur fondement,
méconnaissait le principe d'égalité.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a constaté que la
jurisprudence communautaire était aujourd'hui strictement
appliquée par les tribunaux français et que les caisses de
sécurité sociale qui refusaient, sur le fondement du droit en
vigueur, le versement aux étrangers couverts par un accord communautaire
du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés se
voyaient systématiquement condamnées. Il a ajouté que les
caisses avaient toutefois choisi, en pratique, d'accorder ces droits dès
l'ouverture par les intéressés d'un contentieux, contentieux
qu'elles étaient assurées de perdre.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a conclu qu'en supprimant la
condition de nationalité, l'article 36 du projet de loi mettait
donc fin à un imbroglio juridique et assurait la conformité du
droit français au droit communautaire.
Il a cependant souligné que la suppression de la condition de
nationalité proposée par le Gouvernement ne s'accompagnait
d'aucun garde-fou propre à limiter les risques de dérives et
d'abus et susceptible d'éviter les incitations à l'immigration.
Il a en effet considéré que dans la rédaction actuelle du
texte, tout étranger titulaire d'un titre de séjour pourrait
bénéficier, dès son arrivée sur le sol
français, du minimum vieillesse et de l'AAH. Il a déclaré
que ceci n'était pas acceptable.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis
, a donc proposé d'aligner
le régime du minimum vieillesse et de l'AAH sur celui qui prévaut
aujourd'hui pour le revenu minimum d'insertion. Il a précisé
qu'en exigeant, pour le bénéfice du minimum vieillesse et de
l'AAH, les titres de séjour demandés pour le RMI, on instaurait,
de facto, dans la plupart des cas, une condition de durée de
résidence régulière et ininterrompue de trois ans en
France pour l'obtention de ces prestations non contributives.
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis,
a considéré que
l'introduction d'une durée minimale de résidence
présenterait un triple avantage. Tout d'abord, elle permettrait de
limiter
sensiblement les risques que pourrait susciter une
législation trop généreuse tout en réglant le
problème des étrangers présents depuis un certain temps
sur notre territoire. De plus, elle limiterait le coût très
élevé de ces mesures, évalué à 500 millions
de francs pour le Fonds de solidarité vieillesse et à 300
millions pour l'Etat ; le coût global pour la collectivité
pourrait, il est vrai, être minoré dans la mesure où
certaines des personnes concernées sont déjà
bénéficiaires du RMI. Enfin, cette rédaction simplifierait
considérablement l'état du droit existant en instituant
exactement les mêmes conditions d'accès pour les trois minima
sociaux que sont le RMI, le minimum vieillesse et l'AAH.
M. Jean Chérioux
a demandé au rapporteur pour avis quel
serait le statut au regard du droit aux prestations de l'assurance maladie
d'une personne de nationalité étrangère résidant
dans son pays d'origine et titulaire d'une pension en France et dans son pays
d'origine. Il s'est enquis des éventuelles modifications apportés
par le texte au droit applicable en matière d'aide sociale pour les
étrangers en situation irrégulière.
Mme Dinah Derycke
a souligné que l'avis de M. Alain Vasselle
avait avant tout un caractère technique ; elle a néanmoins
déclaré qu'elle ne partageait pas son inspiration dans la mesure
où le rapporteur ne semblait pas tenir compte du fait que l'immigration
était surtout le résultat de la misère régnant dans
certaines régions du monde.
M. Guy Fischer
a souhaité rappeler que les retraités
étrangers étaient venus travailler en France à la demande
de notre pays et qu'il convenait d'éviter, dans le domaine de
l'immigration, de tirer des conclusions générales à partir
de cas particuliers. Il a ajouté que les dispositions sociales
prévues par le projet de loi étaient complexes, techniques et
méritaient un examen approfondi.
Mme Gisèle Printz
a rappelé que les droits à
pension des retraités étrangers venaient des cotisations que
ceux-ci avaient acquittées au cours de leur vie.
En réponse aux intervenants,
M. Alain Vasselle, rapporteur pour
avis,
a rappelé que son approche avait été
volontairement technique et pragmatique et qu'il avait entendu éviter
tout abus au détriment de notre système de protection sociale.
En réponse à M. Jean Chérioux, il a indiqué que les
étrangers non ressortissants communautaires titulaires d'une pension en
France et dans leur pays d'origine bénéficiaient de la couverture
maladie de leur pays d'origine quand ils résidaient dans celui-ci et de
la couverture maladie française lorsqu'ils résidaient en France.
Il a précisé que ce principe général souffrait
quelques exceptions dans les cas de pays ayant signé des conventions de
sécurité sociale avec la France.
Il a en outre confirmé que le projet de loi ne modifiait en rien les
conditions d'accès des étrangers à l'aide sociale.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
a déclaré qu'il
convenait d'instaurer des dispositifs qui permettent d'éviter que des
étrangers qui ne seraient pas durablement installés sur notre sol
puissent bénéficier des prestations sociales non contributives
que sont le minimum vieillesse et l'AAH.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
A
l'article 8
, elle a adopté un amendement limitant le
bénéfice de la carte de séjour de retraité aux
titulaires d'une pension rémunérant au moins 15 années de
cotisations.
Par coordination, elle a adopté un amendement à
l'article 34
bis
prévoyant que les titulaires de la carte de séjour de
retraité bénéficieraient de plein droit des prestations en
nature de l'assurance maladie lors de leurs séjours temporaires en
France.
Constatant qu'il existait déjà une cotisation d'assurance maladie
pesant sur les retraités étrangers domiciliés hors de
France, elle a supprimé
l'article 34 ter
.
A
l'article 35
, la commission a adopté un amendement de
précision prévoyant que le bénéfice des prestations
sociales est réservé aux personnes de nationalité
étrangère justifiant de leur résidence
régulière en France.
A
l'article 36
, elle a adopté un amendement alignant, pour les
personnes de nationalité étrangère, les conditions
d'accès au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes
handicapés sur celles prévalant pour le revenu minimum
d'insertion.
En réponse à une question de Mme Joëlle Dusseau,
M. Alain
Vasselle, rapporteur pour avis,
a précisé que l'amendement
à l'article 36 reprenait très exactement le dispositif applicable
au revenu minimum d'insertion.
Mesdames, Messieurs,
Le Parlement se trouve une nouvelle fois saisi d'un texte modifiant
l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au
séjour des étrangers en France.
Le projet de loi présenté par le Gouvernement revient pour une
large part sur les modifications introduites par la loi du 24 août 1993
relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions
d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France,
complétée par la loi du 24 avril 1997 portant diverses
dispositions relatives à l'immigration.
La commission des Affaires sociales avait souscrit aux objectifs poursuivis par
la loi du 24 août 1993 : réprimer l'immigration clandestine en
France, décourager l'arrivée de nouveaux flux d'immigrants mais
aussi éviter les détournements de procédure qui
constituent des obstacles importants à la maîtrise des flux
migratoires.
La politique de lutte contre l'immigration clandestine a en effet aussi pour
objectif de permettre l'intégration des étrangers qui sont
régulièrement installés ou admis sur notre sol, insertion
dont chacun connaît aujourd'hui les difficultés. Or, cette
politique d'insertion des populations immigrées ne peut réussir
sans une réelle maîtrise des flux d'immigration entrant sur notre
territoire.
Votre commission a fait le choix d'examiner de manière pragmatique et
constructive les dispositions du projet de loi sur lesquelles elle était
amenée à émettre un avis.
Elle a considéré qu'il convenait en effet à la fois
d'apporter des solutions aux problèmes qui se posent effectivement et
d'éviter parallèlement une distribution trop
généreuse des prestations sociales aux personnes de
nationalité étrangère, susceptible de
générer un effet d'appel auprès des candidats à
l'immigration.
Nul ne peut en effet ignorer l'attrait que peut susciter, dans de nombreux
pays, notre système de sécurité sociale. Or, comme le
soulignait fort justement M. Michel Rocard, ancien Premier ministre,
" la France ne peut accueillir toute la misère du
monde ".
Votre commission s'est particulièrement intéressée aux
articles 8, 34
bis
, 34
ter
, 35 et 36 du projet de loi qui
modifient la législation sociale ou qui auront des conséquences
directes sur les comptes sociaux. Ces dispositions découlent pour
l'essentiel des propositions formulées par M. Patrick Weil dans son
rapport remis au Premier ministre en juillet dernier
1(
*
)
.
Sur les articles 34
bis
, 34
ter
, 35 et 36 du projet de loi,
la commission des Lois s'en est remise à l'avis de la commission des
Affaires sociales.
Il convient néanmoins de souligner au préalable que d'autres
articles du projet de loi, notamment les articles 4 et 5 qui élargissent
les conditions d'accès à une carte de séjour temporaire et
l'article 17 qui assouplit les conditions d'accès au regroupement
familial, sont susceptibles d'accroître - de manière indirecte -
les charges qui pèsent sur les organismes de protection sociale.
En facilitant l'entrée et le séjour des étrangers en
France, le projet de loi crée de nouveaux bénéficiaires de
droits sociaux. L'impact financier sur la protection sociale de ces
dispositions n'a pas été évalué par le Gouvernement
mais pourrait ne pas être négligeable, notamment s'agissant des
prestations familiales.
Au moment même où le Gouvernement place sous condition de
ressources les allocations familiales en arguant du déficit de la
branche famille, force est de constater qu'il va parallèlement faciliter
l'entrée et le séjour de nouveaux bénéficiaires des
prestations familiales.
S'agissant des dispositions sociales, le projet de loi comporte deux volets qui
seront examinés successivement : d'une part, la création d'une
carte de séjour de retraité et les droits afférents
à cette carte, d'autre part, la suppression de la condition de
nationalité pour l'accès aux prestations non contributives que
sont le minimum vieillesse et l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
I. L'ACCÈS À LA NOUVELLE CARTE DE SÉJOUR DE " RETRAITÉ " DOIT ÊTRE PLUS RIGOUREUSEMENT ENCADRÉ TANDIS QUE LE DROIT AUX PRESTATIONS D'ASSURANCE MALADIE QU'ELLE COMPORTE PEUT ÊTRE SIMPLIFIÉ
L'article 8 du projet instaure un nouveau titre de
séjour - une carte de séjour portant la mention
" retraité " -
qui serait délivré aux
étrangers titulaires d'une pension contributive de vieillesse et ayant
séjourné en France sous couvert d'une carte de résident.
Cette nouvelle carte leur permettrait, ainsi qu'à leur conjoint, de
résider à l'étranger et d'entrer librement sur le
territoire français afin d'y séjourner temporairement. La carte
de séjour " retraité " serait valable dix ans et
renouvelable de plein droit. Elle n'ouvrirait pas droit à une
activité professionnelle.
Le texte proposé initialement par le Gouvernement à l'article 35
permettait en outre à un titulaire d'une carte de séjour
" retraité "
souffrant d'une pathologie grave de
bénéficier des prestations de l'assurance maladie lorsqu'il
séjourne en France.
L'Assemblée nationale a modifié de manière importante ce
dispositif. Elle a tout d'abord introduit, dans le code de la
sécurité sociale, un article L. 161-25-3 subordonnant, pour
les titulaires d'une carte de séjour de retraité, le
bénéfice des prestations de l'assurance maladie, lors de leurs
séjours en France, à quinze années de cotisations et
à la nécessité de soins immédiats. Elle a
également créé une cotisation d'assurance maladie
prélevée sur les pensions de ces personnes.
Le principe de l'institution d'une carte de séjour
" retraité "
semble acceptable puisque celle-ci vise,
selon le Gouvernement, à faciliter le retour définitif des
retraités étrangers dans leur pays d'origine.
Toutefois, pour votre commission, il convient d'encadrer plus strictement les
modalités d'accès à cette carte et de simplifier le
dispositif d'accès aux prestations de l'assurance maladie qui
l'accompagne.
On remarquera tout d'abord qu'il suffit seulement d'avoir un trimestre
validé pour ouvrir des droits à la retraite et que 200 heures de
travail rémunérées au SMIC, soit environ un mois de
travail, valident un trimestre. Dans la rédaction actuelle de l'article
8, tout étranger ayant travaillé 200 heures en France au
cours de sa vie et titulaire d'une carte de résident pourra donc
bénéficier de la carte de séjour de retraité. On
conviendra que cela ne semble guère contraignant.
Du point de vue de l'accès aux droits aux prestations sociales, cette
nouvelle carte pose un problème inédit : elle autorise en effet
le séjour sur le territoire français tout en prévoyant
explicitement la résidence à l'étranger du
bénéficiaire. Or, l'article L. 311-7 du code de la
sécurité sociale subordonne, pour les personnes de
nationalité étrangère, le bénéfice des
prestations sociales à la résidence en France.
Il apparaît donc qu'en l'état actuel du droit les titulaires de la
carte de retraité ne pourraient bénéficier des prestations
sociales lors de leurs séjours temporaires en France.
Consciente de cette difficulté, l'Assemblée nationale a introduit
un dispositif d'accès aux prestations en nature de l'assurance maladie
complexe, ambigu et source de contentieux. Elle a entendu réserver
l'accès à ces prestations aux retraités ayant
cotisé au moins quinze ans et dont l'état vient à
nécessiter des soins immédiats.
Elle a par conséquent créé deux catégories de
bénéficiaires de la carte de séjour de retraité :
ceux qui auraient droit aux prestations d'assurance maladie et qui se verraient
dès lors prélever une cotisation maladie et ceux qui n'y auraient
pas droit et se trouveraient exclus de toute couverture maladie lors de
séjours qui peuvent pourtant durer jusqu'à un an.
En pratique, ce dispositif semblait difficilement applicable et a
suscité bien des interrogations de la part des responsables des
différentes caisses de sécurité sociale.
Il n'apparaît pas raisonnable et responsable d'autoriser, en vertu d'un
titre de séjour, les séjours répétés en
France de personnes étrangères sans prévoir de
manière concomitante leur couverture par l'assurance maladie.
Lorsqu'elles séjourneront en France, ces personnes auront de toute
façon la possibilité de se faire soigner dans les cas d'urgence
et la collectivité devra de toute manière -par le biais de l'aide
médicale d'Etat ou des créances hospitalières- en
supporter le coût.
De même, prévoir que la prise en charge par l'assurance maladie
des titulaires de la carte de retraité justifiant de quinze
années de cotisations
" si leur état vient à
nécessiter des soins immédiats "
paraît inutile,
difficile à mettre en pratique et, là encore, source de
contentieux multiples.
On peut également s'interroger sur le sens exact et la portée de
la cotisation d'assurance maladie introduite aux articles 34
bis
et
34
ter
. La rédaction retenue est pour le moins
imprécise et peut faire l'objet de plusieurs
interprétations : s'agit-il d'une cotisation prélevée
sur l'ensemble des pensions des étrangers retraités
résidant à l'étranger, seulement sur les pensions des
titulaires de la carte de séjour de retraité ou seulement sur
celles de ceux parmi ces derniers qui sont susceptibles de
bénéficier des prestations de l'assurance maladie ?
En réalité, la cotisation d'assurance maladie sur les pensions
françaises des étrangers résidant à
l'étranger existe déjà et la disposition adoptée
par l'Assemblée nationale est parfaitement redondante. Qu'elles soient
de nationalité étrangère ou française, toutes les
personnes retraitées domiciliées fiscalement à
l'étranger voient en effet déjà leurs pensions faire
l'objet d'une cotisation d'assurance maladie : ce principe a été
réaffirmé dans la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998 qui a maintenu cette cotisation.
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose un dispositif
simplifié, clarifié et plus strictement encadré.
L'accès à la carte de séjour de retraité ne se
ferait plus qu'au bout de quinze années de cotisations, ce qui
éviterait les risques d'abus.
Parallèlement, les titulaires de cette carte pourraient
bénéficier de plein droit des prestations d'assurance maladie,
sans limitation aucune, et notamment sans référence à
" la nécessité de soins immédiats ".
La cotisation d'assurance maladie instaurée par l'Assemblée
nationale serait supprimée dans la mesure où elle existe
déjà.
Le projet de loi comporte enfin une autre disposition relative aux
retraités étrangers : l'article 35 prévoit la
suppression de l'obligation de résidence en France pour la perception de
retraites par les personnes de nationalité étrangère.
Même si rien n'empêche en pratique le versement des retraites aux
retraités étrangers vivant dans des pays étrangers, le
droit antérieur prévoyait l'obligation pour la personne
étrangère de devoir résider en France au moment de sa
première demande de liquidation de sa retraite. Le droit
antérieur constituait donc un obstacle au retour du travailleur
retraité dans son pays d'origine et la modification proposée par
le Gouvernement apparaît bienvenue.
II. LA SUPPRESSION DE LA CONDITION DE NATIONALITÉ POUR L'ACCÈS AU MINIMUM VIEILLESSE ET À L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS DOIT S'ACCOMPAGNER D'UN ALIGNEMENT SUR LES CONDITIONS D'ACCÈS AU REVENU MINIMUM D'INSERTION
S'agissant de l'article 36, qui supprime la condition de
nationalité pour l'accès au minimum vieillesse et à
l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et qui constitue le second
volet social de ce projet de loi, l'Assemblée nationale n'a pas
apporté de modification au dispositif proposé par le Gouvernement.
L'article 36 tente d'apporter une solution à un problème
juridique fort complexe. Le bénéfice du minimum vieillesse et de
l'AAH est aujourd'hui réservé aux nationaux, aux ressortissants
de l'Union européenne et de l'Espace économique européen
ainsi qu'aux ressortissants de pays ayant passé une convention de
réciprocité avec la France. Cette disposition est jugée
contraire au droit européen par la Cour de justice des
communautés européennes qui estime qu'il n'y a pas lieu de priver
du bénéfice de ces prestations non contributives les
ressortissants des pays ayant signé un accord de coopération ou
d'association avec la Communauté européenne (pays du Maghreb,
Turquie, pays d'Europe centrale et orientale...).
On remarquera en outre que le Conseil constitutionnel, dans sa décision
n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, a eu une position encore plus
tranchée dans la mesure où il a considéré que
l'exclusion des étrangers résidant régulièrement en
France du bénéfice de l'allocation supplémentaire -le
deuxième étage du minimum vieillesse-, dès lors qu'ils ne
peuvent se prévaloir d'engagements internationaux ou de
règlements pris sur leur fondement, méconnaissait le principe
d'égalité.
La jurisprudence communautaire est aujourd'hui strictement appliquée par
les tribunaux français et les caisses de sécurité sociale
qui refusent, sur le fondement du droit en vigueur, le versement aux
étrangers couverts par un accord communautaire du minimum vieillesse et
de l'allocation aux adultes handicapés se voient systématiquement
condamnées. En pratique, toutefois, les caisses ont choisi d'accorder
ces droits dès l'ouverture par les intéressés d'un
contentieux, contentieux qu'elles sont assurées de perdre.
En supprimant la condition de nationalité, l'article 36 du projet met
donc fin à cet imbroglio juridique et assure la conformité du
droit français au droit communautaire.
Toutefois, la suppression de la condition de nationalité proposée
par le Gouvernement ne s'accompagne d'aucun garde-fou propre à limiter
les risques de dérives et d'abus et susceptible d'éviter les
incitations à l'immigration.
En effet, dans la rédaction actuelle du texte, tout étranger
titulaire d'un titre de séjour pourrait bénéficier,
dès son arrivée sur le sol français, du minimum vieillesse
et de l'AAH. Ceci n'est pas acceptable.
Votre commission vous propose donc d'aligner le régime du minimum
vieillesse et de l'AAH sur celui qui prévaut aujourd'hui pour le
bénéfice du revenu minimum d'insertion.
En exigeant, pour le bénéfice du minimum vieillesse et de l'AAH
les titres de séjour demandés pour le RMI, on instaure
de
facto
, dans la plupart des cas, une condition de durée de
résidence régulière et ininterrompue de trois ans pour
l'obtention de ces prestations non contributives.
L'introduction, pour le bénéfice du minimum vieillesse et de
l'AAH, des critères qui prévalent aujourd'hui pour l'obtention
par les personnes de nationalité étrangère du RMI
présenterait un triple avantage.
Tout d'abord, elle permettrait de limiter sensiblement les risques que pourrait
susciter une législation trop généreuse tout en
réglant le problème des étrangers présents depuis
un certain temps sur notre territoire.
De plus, elle limiterait le coût très élevé de ces
mesures, évalué à 500 millions de francs pour le Fonds de
solidarité vieillesse et à 300 millions pour l'Etat ; le
coût global pour la collectivité pourrait, il est vrai, être
minoré dans la mesure où certaines des personnes
concernées sont déjà bénéficiaires du RMI.
Enfin, cette rédaction simplifierait considérablement
l'état du droit existant en instituant, s'agissant des personnes de
nationalité étrangère, exactement les mêmes
conditions d'accès pour les trois minima sociaux que sont le RMI, le
minimum vieillesse et l'AAH.