RAPPORT n° 146 - PROJET DE LOI AUTORISANT L'APPROBATION DE LA CONVENTION D'ASSISTANCE ADMINISTRATIVE MUTUELLE ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DE CUBA POUR LA PREVENTION LA RECHERCHE ET LA POURSUITE DES FRAUDES DOUANIERES
M. Michel ALLONCLE, sénateur
Commission des Affaires Etrangères de la défense et des forces armées - Rapport n° 146 - 1997/1998
Table des matières
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE
ÉTUDE D'IMPACT22 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 146
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières ,
Par M. Michel ALLONCLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Xavier de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean
Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques
Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre
Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre
Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André
Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure,
Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry,
Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune,
Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry,
MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait,
Régis Ploton, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
76
(1997-1998).
Traités et conventions.
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes invités à adopter un projet de loi portant
approbation d'une convention d'assistance administrative mutuelle signée
le 8 novembre 1996 à La Havane, entre la France et Cuba.
La France a déjà signé 31 accords de ce type dont 22 sont
entrés en vigueur. Le présent accord a surtout pour objectif de
renforcer la coopération franco-cubaine contre le trafic de
stupéfiants.
En effet, Cuba, du fait de sa situation géographique entre une zone de
production de drogue -l'Amérique latine pour la cocaïne et les
Caraïbes pour l'herbe de cannabis- et une zone de consommation, les
Etats-Unis, constitue naturellement un Etat de transit dans le trafic des
stupéfiants.
L'existence d'un itinéraire Colombie-Cuba-Espagne est
avérée par les saisies réalisées tant à La
Havane que dans les principaux aéroports européens (Madrid,
Barcelone, Rome et Francfort) et portant en 1991 sur plus de 200 kg de
cocaïne. Ainsi, 40 kg de cocaïne ont été saisis
à La Havane à destination de l'Europe. La France est
également concernée par ce trafic. En effet, dans l'une des
affaires où près de 36 kg de cocaïne ont été
saisis, les auteurs du trafic détenaient des billets à
destination de Paris
C'est dire l'intérêt des mécanismes d'assistance et
d'information réciproques mis en place entre les deux services
douaniers. Ce sont ces modalités de coopération que votre
rapporteur se propose de détailler, avant de rappeler l'état des
relations politiques et commerciales entre Cuba et la France.
I. UN DISPOSITIF DÉSORMAIS BIEN RODÉ
A. UN CHAMP D'APPLICATION TRADITIONNEL
Géographiquement, la présente convention
s'applique sur le
"territoire douanier des deux Parties tel que
défini par leur législation respective".
Ainsi pour la
France, le code des douanes définit le territoire douanier comme
l'ensemble composé des territoires et eaux territoriales de la France
continentale, de la Corse, les îles françaises voisines du
littoral et des départements d'Outre-mer de la Réunion, de la
Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique. Par ailleurs, les douanes
françaises peuvent, le cas échéant, effectuer des
contrôles au-delà des eaux territoriales, dans la zone
contiguë comprise entre 12 et 24 milles.
Administrativement, les instances impliquées dans la mise en oeuvre de
la convention sont respectivement pour la France la Direction
générale des douanes et droits indirects et pour Cuba la douane
générale de la République.
La convention a par ailleurs un objectif clair :
instaurer une
étroite coopération entre les administrations douanières
de chacun des deux pays pour rendre plus efficace la lutte contre les
infractions à la législation douanière
(Préambule). Celle-ci est définie (article 2) comme l'ensemble
des dispositions légales et réglementaires que les
administrations douanières des deux pays sont chargées de faire
appliquer à l'importation, à l'exportation ou au transit de
marchandises ainsi qu'à la circulation de fonds provenant d'infractions
douanières à la législation sur les substances
psychotropes et les produits stupéfiants. En revanche, la convention
d'assistance
ne s'applique pas à la perception des droits de douane,
impôts, taxes, amendes
et autres sommes pour le compte de l'autre
Etat.
B. LES MODALITÉS D'ASSISTANCE ADMINISTRATIVE
Celle-ci repose tout d'abord sur
l'échange de
renseignements
. Ceux-ci peuvent être fournis spontanément et
sans délai ou bien sur demande écrite. Spontanément, les
administrations concernées peuvent transmettre des informations sur les
opérations irrégulières constatées ou
projetées, les nouveaux moyens ou méthodes de fraude, les
catégories de marchandises connues comme faisant l'objet d'un trafic
frauduleux, les individus susceptibles de commettre des infractions, les moyens
de transport pouvant être utilisés à des fins frauduleuses,
les nouvelles tactiques de lutte contre les infractions douanières ayant
fait preuve de leur efficacité (article 4, paragraphe 1).
Par ailleurs, peuvent être transmis sur demande écrite les
documents de douane
concernant des échanges frauduleux de
marchandises, ou encore les renseignements permettant de déceler des
infractions à la législation douanière de l'Etat
requérant (article 4, paragraphe 2).
Une troisième modalité d'assistance administrative concerne la
surveillance spéciale
, exercée sur demande de
l'administration douanière d'une des deux parties à celle de
l'autre. Cette surveillance peut porter sur les déplacements de
personnes soupçonnées de fraudes, les mouvements suspects de
marchandises liées à un trafic frauduleux, les endroits où
sont stockées ces marchandises, les moyens de transport utilisés
pour procéder à des activités frauduleuses (article 5).
Chaque administration douanière peut, à la demande de l'autre,
procéder à des
enquêtes
et à l'audition de
témoins et communiquer les résultats de ces démarches
à la partie requérante. Les agents de l'administration
douanière à l'origine de la demande peuvent assister aux
enquêtes dans les limites de la législation nationale (article 7).
Au demeurant, des efforts sont faits pour permettre des relations personnelles
et directes entre les agents de chacun des services de douanes (article 8).
Les informations et renseignements recueillis en application de cette
assistance administrative peuvent être utilisés à titre de
preuve
dans leurs procès verbaux et dans le cadre de poursuites
judiciaires (article 10). Dans ce même cadre, les agents des douanes de
l'un des deux Etats peuvent être autorisés par leur
autorité administrative à comparaître en tant que
témoins
ou experts
devant un tribunal ou une autorité
de l'autre Etat (article 11).
C. LES LIMITES POSÉES À L'ASSISTANCE ADMINISTRATIVE
La convention comprend des dispositions qui posent certaines
limites à l'assistance réciproque que peuvent se porter les
administrations douanières des deux pays.
Ces limitations sont de deux ordres. La première concerne la
possibilité d'un
refus d'assistance.
- En premier lieu les Parties ne sont pas tenues d'accorder l'assistance
demandée si elle est de nature à porter
atteinte à la
souveraineté, à l'ordre public
ou à d'autres
intérêts essentiels de leur Etat, ou si elle implique la violation
d'un secret industriel, commercial ou professionnel.
- En second lieu, une
clause de réciprocité
prévoit
que l'une des deux administrations douanières peut refuser assistance
à celle de l'autre Etat si celle-ci n'est pas en mesure de satisfaire
une demande de même nature qui lui serait adressée. Tout refus
d'assistance doit être motivé.
Une deuxième limitation concerne
l'usage des renseignements
obtenus au titre de l'assistance administrative. Ainsi est-il
précisé (article 9) qu'ils ne peuvent être utilisés
à d'autres fins que celles prévues par la convention que si
l'administration douanière qui les a fournis y a consenti
expressément.
II. LES RELATIONS FRANCO-CUBAINES
A. DES RELATIONS POLITIQUES RÉDUITES
A l'égard de Cuba, la France tient un dialogue critique
tendant à encourager une transition pacifique vers plus de
démocratie, pour contribuer notamment à l'amélioration des
conditions de vie d'une population très éprouvée. La
France attire régulièrement l'attention des autorités
cubaines sur la situation préoccupante des libertés individuelles
et s'efforce, par des interventions discrètes et efficaces, de favoriser
la solution des situations particulières.
Parallèlement notre pays réaffirme régulièrement,
en particulier dans le cadre de l'Assemblée générale des
Nations unies, ses positions à l'égard de l'embargo
unilatéralement déclaré par les Etats-Unis contre Cuba en
1960 et qui contribue davantage, selon nous, à désespérer
la population cubaine qu'à permettre toute véritable
évolution politique pourtant hautement souhaitable.
De même, la France, avec ses partenaires de l'Union européenne,
s'est opposée à la mise en oeuvre du " Cuban Liberty and
Democratic Solidarity Act " ou loi Helms-Burton adoptée en 1996 par
le Congrès des Etats-Unis. Ce dispositif non seulement renforce
l'embargo, mais, sur le plan des principes, consiste à appliquer des
clauses d'extraterritorialité de la législation américaine
qui contredisent les principes de liberté du commerce et de la
navigation auxquels nous sommes attachés.
Cela étant, les contacts entre les autorités des deux pays sont
rares : le précédent Président de la République,
François Mitterrand, avait reçu le Président Castro en
février 1995 lors de le visite officielle de ce dernier à
l'Unesco. M. de Peretti, alors ministre délégué
à l'outre-mer, avait brièvement séjourné à
La Havane en novembre 1996 à l'occasion de la Foire internationale, soit
onze ans après la dernière visite ministérielle
française dans l'île.
B. DES FLUX COMMERCIAUX EN PROGRESSION
Les échanges commerciaux entre la France et Cuba sont
modestes : Cuba a été en 1996, notre 99e fournisseur et 80e
client, se plaçant ainsi derrière d'autres îles de la
région comme la Jamaïque. La France est aujourd'hui le 6e
partenaire commercial de Cuba avec une part de marché qui
s'élève à 7 %. Globalement, nos exportations progressent
régulièrement, ayant atteint 985 millions de francs en 1996,
à l'inverse des importations qui régressent (260 millions de
francs en 1996). L'excédent de notre balance commerciale avec Cuba (725
millions de francs) est le deuxième en Amérique latine. Deux
secteurs constituent l'essentiel de nos échanges avec Cuba : les
produits des industries agroalimentaires et les produits agricoles.
L'Union européenne est le principal partenaire commercial de Cuba avec
près du tiers des échanges en 1996, l'Espagne représentant
13 %. Avec 18 %, la Russie est redevenue un partenaire essentiel de Cuba en
1996.
CONCLUSION
Face à la sophistication croissante des méthodes de fraudes et au caractère très organisé de leurs auteurs, les services concernés, en particulier les administrations douanières, se doivent d'approfondir leurs coopérations. L'assistance administrative constitue l'un des éléments essentiels de cet arsenal, c'est pourquoi votre rapporteur invite votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à adopter le projet de loi qui lui est soumis.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Affaires étrangèers, de la
Défense et des Forces armées a examiné le présent
projet de loi lors de sa réunion du 3 décembre 1997.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Michel Caldaguès s'est
enquis des conséquences économiques de l'embargo
décrété par les Etats-Unis à l'égard de
Cuba. Le rapporteur a fait observer que cet embargo contribuait à
renchérir les importations de toute nature effectuées par Cuba,
alors même que ce pays était dans une situation économique
particulièrement critique.
M. Xavier de Villepin, président, s'est étonné de la
capacité de résistance du "communisme tropical" dans l'île,
huit ans après la fin de l'Union soviétique. Il a par ailleurs
estimé que la législation Helms-Burton, avec ses effets
extraterritoriaux, était légitimement contestée par la
France et l'Union européenne.
La commission a ensuite adopté le projet de loi.
PROJET DE LOI
(Texte adopté par l'Assemblée nationale)
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la république de Cuba pour la prévention, la recherche et la poursuite des fraudes douanières, signée à La Havane le 8 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 1( * ) .
ANNEXE
ÉTUDE D'IMPACT2(
*
)
Une Convention d'assistance administrative mutuelle en
matière douanière a été signée par la France
et Cuba, le 8 novembre 1996.
1. Avantages attendus
L'accord signé doit renforcer l'efficacité des administrations
douanières française et cubaine dans la lutte contre les fraudes
douanières en instaurant une coopération en vue de faciliter la
prévention la recherche, la constatation et la poursuite des infractions
douanières.
Des dispositions particulières du Code des Douanes autorisent
l'administration des douanes et droits indirects,
"sous réserve de
réciprocité, à fournir aux autorités
qualifiées des pays étrangers tout renseignement susceptible
d'établir la violation des lois et règlements applicables
à l'entrée et à la sortie du territoire"
(article
65.6). Le recours à ces dispositions n'offre cependant qu'une faible
sécurité juridique notamment dans le domaine de la protection de
la confidentialité des renseignements et informations
échangés, d'où l'intérêt de conclure des
conventions d'assistance administrative mutuelle en matière
douanière.
D'autre part, il convient de souligner que la complexité croissante des
circuits commerciaux et financiers ainsi que le développement des
échanges internationaux ont conduit à une sophistication et un
accroissement des infractions douanières impliquant, dans la plupart des
cas, des actes préparatoires ou de complicité commis à
l'étranger. De telles infractions risquent de rester impunies dans les
pays où elles ont été perpétrées faute d'un
accord prévoyant le recueil des éléments permettant
d'apporter la preuve juridique de leur existence.
2. Impact sur l'emploi
Cette convention n'a pas d'incidence directe sur l'emploi. Elle permet
toutefois de protéger l'économie nationale et européenne
et, à ce titre, participe à la défense de l'emploi.
3. Impact sur d'autres intérêts généraux
Cette convention permettra :
- d'assurer une meilleure perception des recettes fiscales de l'Etat et de
l'Union européenne ;
- de protéger la sécurité et la santé des citoyens
français et européens (lutte contre la drogue, le trafic d'armes
et d'explosifs, de cigarettes, de déchets nocifs, de produits
radioactifs) ;
- d'assurer la protection des entreprises françaises et
européennes contre les menaces d'irrégularités
liées aux échanges internationaux (concurrence déloyale,
contrefaçons) ;
- d'assurer une meilleure protection de l'environnement (protection des
espèces de la faune et de la flore menacées d'extinction, lutte
contre le trafic des déchets nocifs) ;
- de protéger le patrimoine culturel (lutte contre le trafic frauduleux
d'oeuvres d'art notamment).
4. Incidences financières
Aucune à l'exception de celles mentionnées au point
précédent.
5. Impact en termes de formalités administratives
Néant.
6. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement
juridique
Néant.
7. Incidences indirectes et involontaires
Néant.
1
Voir le texte annexé au document
Assemblée nationale n° 76 (1997-1998)
2
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.