AVIS n° 90 Tome V - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - JUSTICE : ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
M. Georges OTHILY
Commission des lois constitutionnelles de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - AVIS N° 90 Tome V - 1997/1998
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 1998
- II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
-
III. LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT RELATIVES À L'ADMINISTRATION
PÉNITENTIAIRE
- A. LA RÉFORME DE LA DÉTENTION PROVISOIRE
- B. LA RÉFORME DU MILIEU OUVERT
-
C. LES PERSPECTIVES CONCERNANT LES EFFECTIFS
- 1. Les réformes d'ordre statutaire
-
2. Le recours aux emplois-jeunes
- a) L'information et l'orientation des victimes et des justiciables dans les CPAL
- b) L'accueil des familles des détenus
- c) L'assistance individuelle à la réinsertion des personnes prises en charge
- d) L'élargissement de l'action sportive, culturelle et éducative en établissement pénitentiaire
- e) L'assistance à la gestion des associations socio-culturelles en établissement pénitentiaire
- f) L'action sanitaire
N° 90
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME V
JUSTICE :
ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
Par M. Georges OTHILY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
32
)
(1997-1998).
Lois de finances.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le mercredi 26 novembre 1997 sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la
commission des Lois a examiné, sur le rapport pour avis de M. Georges
Othily, les crédits consacrés à l'administration
pénitentiaire par le projet de loi de finances pour 1998.
Elle a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Toutefois, au-delà de l'analyse purement budgétaire, elle s'est
inquiétée de la situation de l'administration
pénitentiaire, caractérisée par l'accroissement sensible
du nombre de personnes placées en détention provisoire ainsi que
par l'allongement de la durée moyenne de détention.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Selon le projet de loi de finances, le budget du ministère de la justice
pour 1998 devrait s'élever à 24,8 milliards de francs, en
augmentation de 946 millions par rapport à la loi de finances
initiales pour 1997. 7 milliards de francs, soit 28,2 % de ces
crédits, seraient consacrés à l'administration
pénitentiaire.
Lors de son audition par votre commission des Lois, le
mardi 25 novembre 1997, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux,
ministre de la Justice, a déclaré que la modernisation de
l'administration pénitentiaire constituait l'une de ses priorités.
C'est pourquoi, dans le cadre du présent avis, votre rapporteur croit
utile à l'information du Sénat de présenter, outre les
crédits consacrés à cette action, la situation actuelle de
l'administration pénitentiaire et les orientations du Gouvernement
à son égard.
I. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 1998
Avec 7,01 milliards de francs, le budget de l'administration
pénitentiaire augmentera en 1998 de 3,5 % par rapport à la loi de
finances pour 1997.
Le tableau figurant ci-après présente la répartition des
crédits en fonction des différents titres :
RÉPARTITION DES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION
PÉNITENTIAIRE EN 1998
(en millions de francs)
TITRE III (Moyens des services)
|
6 712
|
TITRE IV (Interventions publiques) |
19 |
TITRE V (Investissements exécutés par l'Etat) |
278 |
TITRE VI (Subventions d'investissement accordées par l'Etat) |
6 |
TOTAL |
7 015 |
On observera que près de 96 % des crédits sont
consacrés aux dépenses ordinaires (titres III et IV), et moins de
5 % aux dépenses en capital. Les dépenses de personnel
représentent à elles seules 59 % du budget de l'administration
pénitentiaire.
221 millions de francs de mesures nouvelles sont prévues pour 1998 au
titre des dépenses ordinaires. Elles seront pour l'essentiel
consacrées :
·
à la création de 300 emplois
(54,6 millions de
francs) :
- 200 emplois au sein des comités de probation et d'assistance aux
libérés (CPAL), pour développer les mesures alternatives
à l'incarcération (160 conseillers d'insertion et de probation et
40 chefs de service) ;
- 50 emplois de surveillance, pour renforcer la prise en charge des
détenus mineurs dans des quartiers spécialisés ;
- 50 emplois pour le développement du projet d'exécution de peine
et le recrutement du personnel de direction des futurs établissements en
cours de lancement ;
·
à des mesures indemnitaires et statutaires en faveur des
personnels
notamment :
- 5 millions pour la réforme des statuts des corps de direction ;
- 7,4 millions de revalorisation pour les personnels administratifs ;
- une provision de 5 millions en vue de la réforme statutaire du
personnel technique ;
·
à un ajustement des crédits d'entretien des
détenus
(39,5 millions)
·
à l'abondement des crédits de fonctionnement
de
l'administration pénitentiaire, à hauteur de 49,4 millions ainsi
répartis :
- formation continue : 2 millions ;
- renforcement des moyens matériels des services d'insertion et de
probation : 10 millions ;
- mise en conformité aux normes des machines outils : 15 millions ;
- ouverture du centre pénitentiaire de Rémiré-Montjoly
(Guyane) : 8,2 millions ;
- intégration du service pénitentiaire de Polynésie : 2,4
millions ;
- divers (suivi du projet d'exécution des peines...) : 5,8 millions ;
· à l'octroi d'une
indemnité de changement de
résidence pour la mise en service du centre pénitentiaire de
Rémiré-Montjoly
(7,8 millions, par nature non reconductibles).
En ce qui concerne les dépenses en capital, les 278 millions de
crédits de paiement correspondent à 1,024 milliard de francs qui
seront répartis comme suit :
- 20 millions pour le lancement d'un programme de construction de centres de
semi-liberté ;
- 117 millions pour des travaux de rénovation ;
- 32 millions pour renforcer la sécurité ;
- 45 millions au titre de la délocalisation de l'Ecole nationale
d'administration pénitentiaire de Fleury-Mérogis à
Agen ;
- 810 millions pour le programme de construction de trois nouveaux
établissements pénitentiaires près de Lille, Toulouse et
Avignon.
II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
A. LES POPULATIONS PRISES EN CHARGE
1. La population carcérale
a) Le problème de la surpopulation carcérale
La surpopulation carcérale demeure, aujourd'hui comme
hier, le principal défi posé à l'administration
pénitentiaire.
Certes, la situation s'est très légèrement
améliorée en 1996 : 54 496 détenus au 31
décembre (métropole et DOM) contre 55 043 une année
auparavant (- 0,99 %).
Par ailleurs, le nombre de places de prison a augmenté ces
dernières années. Il est ainsi passé, entre le 1er
août 1996 et le 1er juin 1997 de 49 204 à 49 792.
Le taux d'occupation est donc passé de 111 % à 108 % entre le 1er
janvier et le 31 décembre 1996.
Mais la situation demeure inquiétante. En effet, la réduction de
la population carcérale constatée en 1996 tient à la
diminution du nombre des incarcérations (82 860 en 1995, 79 938 en 1996
pour la métropole soit -3,5 %). Pour la première fois depuis
1989, le nombre de libérations (80 956) lui a été
supérieur. Mais est trop tôt pour savoir si cette diminution, la
première depuis 1990, est un phénomène conjoncturel ou
marque une véritable inflexion de la tendance à l'accroissement
du nombre d'incarcération.
Or, cette évolution favorable mais peut-être ponctuelle est
annihilée par l'augmentation continue de la durée moyenne de
détention : 7,1 mois en 1994 ; 7,6 en 1995 ; 7,8 en 1996.
Surtout, au-delà du constat d'ensemble, force est de constater
l'extrême diversité des situations :
- diversité en fonction du type d'établissements, puisque le taux
d'occupation va de 78 % pour les centres de semi-liberté à
131 % pour les maisons d'arrêt (90 % pour les centres de
détention ; 91 % pour les maisons centrales ; 109 % pour les
centres pénitentiaires),
- diversité géographique, avec une situation
particulièrement alarmante en outre-mer, même si elle s'est
améliorée ces dernières années. Le taux
d'occupation moyen était de 169 % en 1996 (il est estimé
à 145 % pour 1997). En 1996, l'outre-mer n'a d'ailleurs pas
bénéficié de la diminution de la population
carcérale constatée au niveau national : 2 629 personnes
étaient incarcérées au 1er janvier 1997 contre
2 402 un an avant (soit + 9,5 %).
b) Le problème de la détention provisoire
Alors que le nombre de prévenus
incarcérés est longtemps demeuré inférieur à
21 000, ce niveau a été dépassé en 1995. Au 1er
janvier 1997, on comptait 22 521 personnes en détention provisoire, soit
41,4 % de la population carcérale (contre 39,7 % en 1996).
La durée moyenne de la détention provisoire ne cesse d'augmenter
: 3,5 mois en 1992 ; 3,8 en 1994 ; 4,2 en 1996.
Il convient toutefois de relativiser l'ampleur du problème eu
égard à la définition extensive de la détention
provisoire en France. Elle s'applique en effet non seulement aux personnes en
attente de premier jugement (mis en examen ou en attente de comparution
après clôture de l'instruction ou dans le cadre d'une comparution
immédiate) mais aussi à celles qui ont interjeté appel ou
se sont pourvues en cassation contre une décision de condamnation. Comme
le démontre le tableau ci-après, celles-ci représentent
environ un dixième des prévenus incarcérés en
métropole.
RÉPARTITION DES PRÉVENUS
(en
métropole)
au 1er janvier |
1980 |
% |
1997 |
% |
en cours d'instruction |
11 302 |
71,3 |
15 273 |
71,5 |
en attente de comparution |
2 347 |
14,8 |
3 141 |
14,7 |
comparution immédiate |
463 |
2,9 |
938 |
4,4 |
en appel ou pourvoi |
1 737 |
11,0 |
2 014 |
9,7 |
ensemble |
15 849 |
100,0 |
21 366 |
100,0 |
Source : ministère de la Justice
(Rapport annuel d'activité de l'administration pénitentiaire)
C'est dans ce contexte qu'a été votée la loi n°
96-1235 du 31 décembre 1996 relative à la détention
provisoire, entrée en vigueur en mars dernier. Il est bien entendu trop
tôt pour dresser un bilan des conséquences de cette réforme.
Votre rapporteur pour avis a en revanche obtenu de la Chancellerie des
statistiques sur l'application du
" référé-liberté " (article 187-1 du code
de procédure pénale) créé par la loi du 24
août 1993 votée à l'initiative du Président Jacques
Larché.
Il résulte de ces informations que, comme l'avait déjà
indiqué M. Larché lui-même, la procédure est
assez peu usitée : 216 demandes en 1993 ; 397 en 1994 ; 332 en 1995 ;
394 en 1996.
En 1994, cette procédure a conduit à remettre dix-neuf personnes
en liberté.
2. La population prise en charge en milieu ouvert.
Au 1er janvier 1997, 117 061 personnes étaient prises
en charge par les CPAL. Certaines d'entre elles faisant l'objet de plusieurs
mesures, le nombre total de mesures à cette date s'élevait
à 130 345 (soit + 10,4 % par rapport à 1996) réparties
comme suit :
- 74 % consistaient en des sursis avec mise à l'épreuve : 96 523
mesures (soit + 11,5 % en un an) ;
- 17,5 % consistaient en des travaux d'intérêt
général (TIG) : 22 812 mesures (soit + 9,1 %). Le travail
d'intérêt général a connu ces dernières
années une forte croissance ; sa part au sein des mesures du milieu
ouvert était en 1989 de 5 % (3 684 mesures) ;
- 4,1 % consistaient en des libérations conditionnelles :
5 356 mesures. Dans son précédent avis
budgétaire, votre rapporteur avait déploré le recul
constant de cette mesure, qui constitue pourtant un instrument efficace de
réinsertion et de prévention de la récidive. Ce
déclin n'a pas été freiné en 1996, malgré
l'augmentation en valeur absolue du nombre de mesures (5 282 au 1er janvier
1996). Compte tenu de l'augmentation de l'activité des CPAL, la part des
libérations conditionnelles (4,4 % au 1er janvier 1996) a
continué de chuter. Cette part était proche de 20 % en 1970.
Les autres mesures prises en charge par les CPAL (auxquelles il convient
d'ajouter 2 489 contrôles judiciaires) n'occupent qu'une part fort
limitée : 0,8 % pour l'interdiction de séjour ; 0,6 % pour
l'ajournement.
B. LES PERSONNELS
Compte tenu des 300 emplois dont le projet de loi de finances
prévoit la création, les effectifs budgétaires de
l'administration pénitentiaire correspondront à 25 086 emplois en
1998 (dont 19 771 emplois de surveillance) répartis comme suit :
- 23 808 (contre 23 708 en 1997) pour les effectifs en milieu fermé ;
- 1 278 (contre 1 078 en 1997) pour les effectifs en milieu ouvert.
Comme le montre le tableau ci-après, l'écart entre les effectifs
réels et les effectifs budgétaires s'est réduit en 1997.
EVOLUTION DES EFFECTIFS RÉELS ET BUDGÉTAIRES
DE 1996 À 1997
1996 |
1997 |
|||
Budgétaires |
Réels |
Budgétaires |
Réels |
|
Personnel de direction |
311 |
299 |
314 |
301 |
Personnel administratif |
2 146 |
2 077 |
2 159 |
2 103 |
Personnel de surveillance |
19 622 |
19 332 |
19 727 |
19 729 |
Personnel technique |
667 |
571 |
673 |
644 |
Personnel d'insertion |
1 199 |
1 045 |
1 239 |
1 167 |
Contractuels |
129 |
117 |
129 |
114 |
Assistantes sociales |
543 |
511 |
545 |
491 |
Infirmières |
2 |
78 |
2 |
5 |
TOTAL |
24 619 |
24 030 |
24 786 |
24 554 |
Compte tenu de l'augmentation du nombre de surveillants, plus rapide que celle du nombre de détenus, le taux d'encadrement n'a cessé de s'améliorer, quoique lentement, depuis 1994, passant, comme le retrace le tableau ci-après, de 2,85 à 2,76 détenus par surveillant.
EVOLUTION DU TAUX D'ENCADREMENT EN MILIEU FERMÉ
|
|
|
Ratio
|
1994 |
18 795 |
53 500 |
2,85 |
1995 |
19 146 |
53 935 |
2,81 |
1996 |
19 622 |
55 062 |
2,80 |
1997 |
19 727 |
54 496 |
2,76 |
C. L'INDIVIDUALISATION DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ
Dans son précédent avis budgétaire, votre
rapporteur avait consacré des larges développements à
l'individualisation des peines privatives de liberté. Outre un
déclin de la libération conditionnelle, il avait alors
constaté une stagnation de la semi-liberté et du placement
à l'extérieur, alors que ces mesures avaient respectivement
augmenté de 30 et 34 % sur la période 1986-1995.
En 1996, le nombre d'ordonnances de semi-liberté a diminué de
2,6 % par rapport à 1995 (6 267 contre 6 437). En revanche,
le nombre d'ordonnances de placement à l'extérieur, qui avait
baissé de 5 % en 1995, a augmenté de 2,2 % (3 371 contre 3 299).
III. LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT RELATIVES À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
A. LA RÉFORME DE LA DÉTENTION PROVISOIRE
Dans sa communication au Conseil des Ministres du 29 octobre
1997, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la Justice, a
notamment affiché son intention de limiter le recours à la
détention provisoire. Pour ce faire, elle envisage de proposer une
réforme législative dont les principaux axes seraient :
- la distinction entre le juge chargé de l'instruction et le juge
chargé de la décision de détention ;
- l'instauration de délais pour l'information ;
- la consécration de la publicité, permettant un débat
contradictoire, pour les mesures les plus importantes.
Il appartiendra à votre commission des Lois de se prononcer sur le fond
de ces propositions dans le cadre de l'examen du projet de loi qui les
reprendra. Elle tient toutefois d'ores et déjà à
réaffirmer son attachement à la nécessité de
s'assurer préalablement de la disponibilité des moyens que
l'adoption d'une telle réforme ne manquerait pas de nécessiter.
B. LA RÉFORME DU MILIEU OUVERT
Lors de son audition par votre commission des Lois, le mardi
25 novembre 1997, Mme le Garde des Sceaux a rappelé que 200 des 300
créations d'emplois prévues pour 1998 dans l'administration
pénitentiaire seraient consacrées à la réforme des
CPAL.
Selon les informations fournies à votre rapporteur par les services du
ministère de la justice et par Mme Elisabeth Guigou elle-même lors
de son audition, cette réforme, sur laquelle M. Jacques Toubon avait
ouvert la réflexion, reposerait sur la création de services
pénitentiaires d'insertion et de probation à compétence
départementale, chargés d'assurer leurs missions tant en milieu
ouvert qu'en milieu fermé, et dirigés par un cadre
pénitentiaire, responsable de l'action des travailleurs sociaux.
Par ailleurs, une clarification des rôles respectifs du JAP et du
directeur du CPAL serait opérée.
Même si la réflexion se poursuit sur ce point, il n'est pas exclu
qu'une telle réforme aboutisse à confier au juge de l'application
des peines les seules décisions judiciaires, le directeur étant
responsable des questions administratives. Ainsi seraient
concrétisées trois propositions émises par notre
collègue M. le Président Guy Cabanel dans son rapport au Premier
ministre "
Pour une meilleure prévention de la
récidive "
:
- la proposition n° 13 : judiciariser les décisions du JAP ;
- la proposition n° 14 : confier la gestion administrative du CPAL
à son directeur ;
- la proposition n° 15 : créer une antenne de l'administration
pénitentiaire dans chaque département.
C. LES PERSPECTIVES CONCERNANT LES EFFECTIFS
1. Les réformes d'ordre statutaire
Dans le cadre de la rénovation de la grille des
rémunérations et des classifications de la fonction publique
entreprise en 1990, tous les statuts particuliers pénitentiaires, qui
datent de 1977, ont été mis à l'étude : la
réforme est réalisée pour plusieurs d'entre eux, à
savoir le personnel de surveillance, les personnels administratifs ainsi que
les personnels de service social et les infirmiers.
Quatre autres réformes statutaires sont actuellement en cours.
a) Les attachés d'administration et d'intendance
La première étape de la réforme du statut
particulier des attachés d'administration et d'intendance a
été concrétisée par le décret n° 94-758
du 30 août 1994 qui consacre notamment la fusion des deux premiers
grades. Le reclassement des attachés de 1re et 2e classe dans le nouveau
grade fusionné s'est effectué en 1994, rétroactivement
à compter du 1er août 1993.
La seconde étape consiste en une amélioration de la
carrière des attachés par la création au niveau du
principalat d'un nouveau grade culminant à l'indice brut 966. Cette
mesure est applicable au 1er août 1995. A l'occasion de cette
modification de statut, l'administration pénitentiaire a souhaité
réécrire complètement le statut particulier de ses
attachés. Le projet qui a fait l'objet d'un accord des ministères
chargés du Budget et de la fonction publique est actuellement soumis
à l'examen du Conseil d'Etat.
b) Le personnel de direction
Le statut du personnel de direction, régi par le
décret n° 77-905 du 8 août 1977, avait fait l'objet
d'une longue réflexion avec les organisations syndicales
représentatives qui avait abouti au cours du premier semestre 1995
à la rédaction d'un projet soumis à arbitrage
interministériel le 27 novembre 1996. Ainsi ont été
actés les grands principes de cette réforme :
- la création d'un corps de directeurs des services
pénitentiaires en trois grades dont l'indice brut terminal est
fixé à 1.015 ;
- la création d'un statut d'emploi pour les directeurs régionaux
avec un indice terminal en hors échelle B pour un tiers du statut
d'emploi.
La particularité de cette réforme réside en l'existence
d'un lien entre le grade et l'emploi qui a induit un repyramidage très
favorable entre les trois grades du corps.
Les projets rédigés conformément aux dispositions de
l'arbitrage interministériel ont fait l'objet d'un avis favorable du
ministère chargé de la Fonction publique ainsi que du
Comité technique paritaire ministériel consulté le
26 juin 1997.
Une provision de 705 517 F avait été inscrite à la loi de
finances pour 1995. Cette provision avait été abondée par
la suite. Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit l'inscription
du solde, soit 5,078 MF, ainsi que les transformations d'emplois pour
atteindre le pyramidage prévu par les nouveaux statuts.
c) Le personnel technique
Ce personnel est régi par le décret n°
77-1141 du 22 septembre 1977. L'étude de la réforme statutaire,
qui s'était initialement heurtée à l'opposition des
organisations représentatives, a été
réorientée à partir d'une réflexion sur
l'évolution des métiers techniques à l'administration
pénitentiaire.
Le dialogue ayant été renoué avec les organisations
syndicales, l'administration pénitentiaire a élaboré un
projet de réforme de la filière en deux corps qui est
actuellement en discussion avec les ministères techniques et les
organisations syndicales. Ces discussions devraient aboutir fin 1997 à
la consultation sur un projet achevé du Comité technique
paritaire ministériel afin que la mise en oeuvre puisse se
réaliser en 1998.
Pour 1998, le projet de loi de finances a inscrit une provision de 5 MF.
d) Le personnel d'insertion et de probation
Ce statut a déjà fait l'objet d'une
réforme, intervenue en 1993. Depuis lors, ce personnel, qui était
constitué en un corps unique à deux grades du niveau de la
catégorie B, est structuré en deux corps :
- le corps des conseillers d'insertion et de probation, qui comporte deux
grades et bénéficie du classement indiciaire intermédiaire
;
- le corps des chefs de services d'insertion et de probation, corps
d'encadrement à grade unique classé en catégorie A.
Antérieurement ouvert aux candidats titulaires du baccalauréat ou
d'un titre équivalent, le premier de ces corps voit son niveau de
recrutement élevé au diplôme d'études universitaires
générales (DEUG).
L'administration pénitentiaire étudie actuellement la
création d'un statut d'emploi qui permette de reconnaître la place
et l'importance des responsabilités confiées aux futurs
directeurs de ces services.
Ce statut d'emploi, accessible par détachement sur des emplois de
directeurs des services d'insertion et de probation, sera ouvert aux chefs des
services d'insertion et de probation, aux conseillers techniques de service
social du ministère de la Justice ainsi qu'aux personnels de direction
des services pénitentiaires.
Le statut d'emploi prévoit deux catégories d'emplois en fonction
de l'importance des responsabilités exercées.
Une provision de 0,5 MF est inscrite par le projet de loi de finances pour 1998
pour la réalisation des études nécessaires à
l'élaboration de cette réforme statutaire.
2. Le recours aux emplois-jeunes
Sur les 350.000 emplois-jeunes prévus par la loi
du 16 octobre 1997, 3.500 devraient être affectés à
une activité relevant du ministère de la justice. Leur
financement sera assuré à hauteur de 80 % du SMIC et des
charges sociales par le ministère de l'emploi et de la
solidarité. Le mode de financement des 20 % restant variera selon
le type d'emploi.
Pour les activités relevant de l'administration pénitentiaires,
des emplois-jeunes sont prévus dans six domaines.
a) L'information et l'orientation des victimes et des justiciables dans les CPAL
Le ministère de la justice juge insuffisant le nombre
de personnes chargées de recevoir le public accueilli dans les CPAL
(condamnés ou victimes désireuses d'obtenir une information sur
la suite donnée à leur affaire). Il considère
également que l'activité de ces comités et les
possibilités ouvertes par les mesures suivies sont peu connues ou
sous-estimées par les partenaires potentiels de leur action, faute de
temps et de supports pour assurer leur information et communiquer avec eux.
Aussi envisage-t-il de créer une cinquantaine d'emplois-jeunes, dont le
rôle consisterait à :
- assurer un accueil et une première information, faire préciser
le besoin ou l'objet de la visite, dédramatiser l'attente ;
- gérer un planning informatique de rendez-vous ;
- répondre à des demandes simples d'ordre juridique ou
administratif, aider à l'établissement de formulaires ou à
l'accomplissement de démarches liées aux mesures ;
- concevoir des documents d'information destinés aux publics et aux
partenaires, sous différentes formes : imprimés,
vidéo ;
- contacter des partenaires actuels ou potentiels des CPAL dans le domaine de
l'hébergement, du suivi social, de la formation, dans le cadre des
relations existantes ou envisagées pour développer les mesures.
Le financement des 20 % non pris en charge par le ministère de
l'emploi et de la solidarité sera assuré par les
collectivités locales ou les conseils communaux ou départementaux
de prévention de la délinquance.
b) L'accueil des familles des détenus
Dans ce domaine, l'administration pénitentiaire
envisage la création d'une centaine d'emplois-jeunes dont le rôle
consisterait à :
- assurer, en liaison avec les intervenants bénévoles l'accueil
des personnes venant visiter les personnes incarcérées, apporter
les informations utiles sur le déroulement des visites et sur les
procédures de réservation, faciliter les opérations de
réservation de parloir ;
- accueillir et prendre en charge les jeunes enfants pendant la durée de
l'attente ou de la visite, et assurer des activités éducatives
(du type ateliers) ou ludiques en leur faveur ;
- assurer des transports gare/site et retour lorsque des dispositifs pratiques
de transport urbain n'existent pas ;
- orienter vers une solution d'hébergement de nuit les familles dont
l'éloignement du domicile le justifie ;
- participer aux opérations d'entretien et de maintenance courante des
lieux d'accueil des familles.
Les 20 % restant à financer seront pris en charge par les communes,
les caisses d'allocations familiales, les associations socio-culturelles des
établissements pénitentiaires et les organismes caritatifs.
c) L'assistance individuelle à la réinsertion des personnes prises en charge
Les 150 jeunes recrutés dans ce cadre seront
chargés d'aider à la préparation de la libération
des détenus ou des personnes suivies en milieu ouvert. Il s'agira
d'assurer, sous l'autorité des travailleurs sociaux, un rôle
d'accompagnement dans la réalisation d'un parcours individualisé
d'insertion sociale et professionnelle. A cette fin, ils devront :
- contribuer à l'information et à la prise en charge
individualisée des détenus libérables, dans le cadre des
orientations tracées par le service socio-éducatif, en
participant à l'animation des dispositifs institués à cet
effet dans l'établissement ;
- faciliter la relation avec les dispositifs de droit commun
(hébergement, santé et soins, insertion socio-professionnelle) et
l'exécution des mesures suivies par les travailleurs sociaux de
l'administration pénitentiaire, par un tutorat individuel, et une
assistance au quotidien permettant la réalisation du projet de sortie
élaboré avec le travailleur social ;
- assurer un accompagnement et un appui individualisé pour la
préparation et la réalisation des démarches
nécessaires (établir un curriculum vitae, préparer un
dossier d'indemnisation ASSEDIC ou un dossier RMI, etc.) ;
- participer à l'animation des dispositifs mis en place dans les murs
des établissements ou à destination des sortants de prison par
l'accueil dans les lieux (points d'information, ateliers de préparation
à la sortie...), la mise à disposition de l'information fournie
par les partenaires (Agence nationale pour l'emploi, Caisse d'allocations
familiales, direction départementale de l'action sanitaire et sociale)
ou la familiarisation avec les techniques de recherche d'information, dont la
détention a privé ou désappris l'usage ;
- intervenir en appui des travailleurs et dans le cadre des mesures qu'ils ont
la charge d'organiser et contrôler, pour apporter un appui
individualisé dans le suivi des actions, la réalisation de
démarches, la résolution des difficultés liées
à l'hébergement, l'argent, la santé et faciliter la
transmission d'informations entre les partenaires de la prise en charge.
d) L'élargissement de l'action sportive, culturelle et éducative en établissement pénitentiaire
L'administration pénitentiaire envisage de consacrer
plusieurs centaines d'emplois-jeunes à l'assistance des professionnels
(travailleurs sociaux, surveillants moniteurs de sport, enseignants mis
à disposition par l'éducation nationale...) chargés
d'assurer des activités éducatives, culturelles ou sportives.
Cette assistance aurait pour but d'élargir les activités à
des publics qui y ont peu accès (notamment les jeunes détenus et
les femmes), ou de constituer des groupes restreints se prêtant à
une action (pédagogique, culturelle ou sportive) plus
individualisée.
Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis,
"
les principaux domaines où les activités pourraient
ainsi se développer, dans le cadre du projet d'intervention
établi par les professionnels responsables du domaine et sous leur
autorité, sont : la pratique sportive ; l'utilisation des
bibliothèques et des supports multimédia (l'accès au livre
et aux supports informatiques) ; l'enseignement de base
(alphabétisation, lutte contre l'illettrisme, enseignement
général) ; la culture sous toutes ses formes
".
Le financement des 20 % non pris en charge par le ministère des
affaires sociales et de l'emploi releverait notamment des associations, des
directions départementales de la jeunesse et du sport, des
collectivités locales...
e) L'assistance à la gestion des associations socio-culturelles en établissement pénitentiaire
Le ministère de la justice rappelle que la gestion des associations chargées au sein de chaque établissement pénitentiaire du développement des activités socio-culturelles destinées aux détenus repose traditionnellement sur le bénévolat de leurs animateurs, qui sont des intervenants en milieu pénitentiaire, des fonctionnaires ou des partenaires de l'administration pénitentiaire. Il considère que ce mode de gestion ne convient plus aux besoins d'associations en charge d'un " nombre croissant d'activités et dont le développement des initiatives suppose une meilleure disponibilité des responsables pour les tâches d'orientation de l'activité, d'organisation, de relations partenariales et de contrôle ". Aussi est-il prévu de consacrer une centaine d'emplois-jeunes à l'aide à la gestion administrative et comptable des associations socio-culturelles. Celles-ci financeraient les 20 % non pris en charge par le ministère de l'emploi et de la solidarité.
f) L'action sanitaire
Plusieurs dizaines d'emplois-jeunes seraient affectés à l'assistance des structures de prévention et des professionnels de la santé de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agirait d'assurer une action d'information, d'orientation et d'accompagnement vers les dispositifs de prise en charge et les structures de soins, tout en concourant à la prise de conscience par les intéressés de l'importance des enjeux de santé. Les 20 % restant à financer relèveraient notamment des conseils généraux, des directions départementales de l'action sanitaire et sociale, des conseils communaux de prévention de la délinquance, des comités départementaux d'éducation pour la santé, de la fédération de la mutualité française.
*
A l'issue de cette présentation, votre rapporteur pour
avis tient personnellement à attirer l'attention de Mme le garde des
Sceaux, ministre de la justice sur certaines revendications du personnel
pénitentiaire qui lui apparaissent légitimes.
En premier lieu, il semblerait tout à fait normal d'affecter en
priorité les personnes originaires des départements d'outre-mer
aux postes vacants dans ces collectivités. Votre rapporteur pour avis ne
voit en effet aucune raison d'empêcher, lorsque l'occasion s'en
présente, ces personnes de se rapprocher de leur famille en leur
préférant des surveillants originaires de la métropole.
Une telle attitude ne ferait qu'ajouter une contrainte alors que chacun
reconnaît l'extrême difficulté des conditions de travail des
personnes pénitentiaires.
Par ailleurs, l'attention de votre rapporteur a été
attirée sur l'évidente insuffisance du personnel prévu
pour l'ouverture du centre pénitentiaire de
Rémiré-Montjoly (Guyane). Cette insuffisance n'est certes pas
propre à cet établissement mais, en l'espèce, elle
paraît d'autant plus regrettable que M. le directeur de l'administration
pénitentiaire, au cours d'un récent voyage dans les DOM
d'Amérique, avait personnellement constaté qu'il fallait
renforcer les effectifs de ce nouveau centre pénitentiaire en
créant au moins deux agents par unité de vie.
Enfin, le problème de l'insécurité dans les prisons se
pose avec une particulière acuité dans les DOM, notamment en
raison du taux d'occupation, largement supérieur à 100 %
(288 % à la maison d'arrêt de Cayenne au 1er janvier
1997). C'est ainsi que, le 7 juillet 1997, des surveillants ont
été victimes d'une prise d'otages. De même, un dangereux
détenu, auteur d'un meurtre sur un policier à Cayenne, s'est
récemment évadé de la prison de Ducos et n'a pas, à
ce jour, été retrouvé, ce qui ne va d'ailleurs pas sans
inquiéter gravement les habitants du département. Aussi, votre
rapporteur pour avis appelle-t-il à une vigilance renforcée dans
ces établissements.
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Sous le bénéfice de l'ensemble des observations qu'elle a formulées, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.