CHAPITRE III -
LES MOYENS D'ÉQUIPEMENT DE LA MARINE
La loi de programmation militaire 1997-2002 a retenu une
importante réduction du format de la Marine
, sensible tant du
point de vue de la flotte, qui passera de 100 à 80 bâtiments, que
de l'aéronautique navale, dont le nombre d'appareils sera réduit
dans les mêmes proportions puisqu'il ne serait plus que de l'ordre de 240
contre 300 aujourd'hui.
Votre rapporteur avait tenu à souligner l'an passé que
pour
autant, aucune des missions fondamentales de la Marine n'avait
été modifiée
. La dissuasion, qui repose
désormais plus largement encore sur la force océanique
stratégique et la capacité d'embarquer l'arme nucléaire
aéroportée, demeure l'élément central de notre
stratégie. La priorité donnée aux capacités de
projection de forces renforce le rôle du groupe aéronaval et du
groupe amphibie. L'accent mis sur le rôle du renseignement impose la
présence de bâtiments sur les espaces et les approches maritimes.
Enfin, l'intégralité des missions de protection de la Marine
demeurent, compte tenu de l'importance du domaine maritime de notre pays.
Le maintien des missions dans le cadre d'un format réduit impose la
modernisation des équipements et l'acquisition de matériels
performants
, et tel était l'objectif retenu par la loi de
programmation militaire.
Le projet de budget pour 1998 met en place des crédits qui permettront
de poursuivre cette modernisation de la Marine. Sans remettre en cause aucun
des programmes qui concourent au modèle de Marine futur, il comporte
cependant de
sévères réductions de financement
, par
rapport aux prévisions de la loi de programmation, qui ne seront pas
sans conséquences sur l'évolution des moyens d'équipement
de la Marine.
En effet, au regard des ressources prévues en programmation, c'est un
effort d'économie de plus de 2,1 milliards de F
qui est
imposé à la Marine sur ses crédits d'équipement
en 1998.
Cette réduction de crédits de 2,1 milliards de F portera :
· à hauteur de 500 millions de F environ,
sur les
crédits d'entretien programmé des matériels
, y compris
ceux de la FOST, ce qui se traduira notamment par la suspension des
opérations portant sur 2 voire 3 bâtiments, qui resteront ainsi
à quai pendant tout ou partie de l'année 1998 ;
· à hauteur de
1,6 milliards de F
sur les
crédits
d'études et de construction
, ce qui aura pour effet de retarder,
d'étaler ou de suspendre des programmes ;
S'agissant des programmes, les mesures d'économies auront pour
conséquences principales :
· le
report
de 2002 à 2003 de
l'admission au service
actif du 3e SNLE/NG "le Vigilant"
,
· un
moratoire sur le développement de l'adaptation des SNLE/NG
au futur missile M51,
·
un
décalage
de trois mois
sur l'admission au
service actif du porte-avions "Charles de Gaulle"
,
· un
retard
d'un an pour le lancement de la
modernisation des
chasseurs de mines tripartites,
·
la
suspension de la commande d'un bâtiment
océanographique
,
· un
décalage sur l'équipement au standard
définitif
de la première flottille de
Rafale
,
· la
suspension de la commande
de 2 avions de surveillance
maritime
Falcon 50.
Votre rapporteur se propose d'analyser plus précisément l'impact
de ces mesures en présentant tout d'abord l'évolution des
capacités de la Marine en 1998 avant de détailler le
déroulement des principaux programmes.
I. L'ÉVOLUTION DES CAPACITÉS DE LA MARINE EN 1998
L'évolution des capacités de la Marine en 1998 sera marquée par la poursuite de la réduction du format, et par une baisse des crédits d'entretien programmé des matériels, de fonctionnement et d'infrastructure.
A. LA POURSUITE DE LA RÉDUCTION DU FORMAT
La Marine a pris le parti de rallier au plus tôt son futur format, réduit de 20 % par rapport à celui de 1996, afin de rester dans le cadre des dotations définies par la loi de programmation tant pour les dépenses en personnel que pour les crédits d'entretien. Une forte réduction a été opérée en 1997 et elle se poursuivra en 1998, pour la flotte comme pour l'aéronautique navale.
1. La flotte
Le tableau ci-dessous retrace l'évolution de la flotte d'ici à 2002 et 2015 pour les principaux bâtiments de combat et de soutien, telle qu'elle résulte de la loi de programmation.
Évolution de la flotte jusqu'en 2015
(rapport annexé à la loi de programmation 1997-2002)
Bâtiments de combat et de soutien |
1996 |
2002 |
2015 |
SNLE |
5 |
4 |
4 |
Sous-marins nucléaires d'attaque |
6 |
6 |
6 |
Sous-marins diesel |
6 |
- |
- |
Porte-avions |
2 |
1 * |
2 * |
Frégates antiaériennes |
4 |
4 |
4 |
Frégates anti-sous-marins |
11 |
8 |
8 |
Frégates de 2e rang et avisos |
17 ** |
14 |
14 |
Bâtiments antimines |
16 |
14 |
16 |
TCD |
4 *** |
4 |
4 |
* Le Foch sera en veille en 2002 et le second porte-avions
est
planifié pour 2015, sous réserve que les conditions
économiques le permettent
** non comprises 2 frégates type " La Fayette " livrées
fin 1996
*** dont le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc
L'année 1997
a été marquée par
d'importants retraits anticipés du service actif :
SNLE "Le
Foudroyant", porte-avions "Clemenceau", sous-marins diesel
"Agosta" et
"Sirène", frégate anti-sous-marins "Aconit", aviso
"Detroyat",
pétrolier ravitailleur "Durance", bâtiments de soutien
"Rance" et
"Rhône". Parallèlement ne sont entrés en service que le
SNLE/NG "le Triomphant", les frégates légères de type La
Fayette "Surcouf" et "Courbet", les chasseurs de mines
tripartites
"Capricorne", "Orphée" et "Verseau" rachetés à la
marine
belge ainsi que des patrouilleurs côtiers de gendarmerie et des
patrouilleurs de service public.
Au total, au cours de l'année 1997, les retraits ont
représenté un tonnage de près de 2,5 fois supérieur
aux livraisons.
L'année 1998 verra la livraison d'un seul bâtiment, le
transport de chalands de débarquement "Siroco"
, alors que
seront
retirés les sous-marins diesel "Beveziers" et "Psyché", le
chasseur de mines "Cerès", un engin de débarquement d'infanterie
et de chars ainsi que 2 remorqueurs côtiers. Compte tenu de l'importance
de la livraison du Siroco, le tonnage global de la Marine augmentera
légèrement.
Le tableau suivant récapitule l'évolution de la flotte en 1997 et
1998.
Évolution de la flotte en 1997 et 1998
1/1/1997 |
31/12/1997 |
31/12/1998 |
|
SNLE |
4 |
4 |
4 |
Sous-marins d'attaque |
12 |
10 |
8 |
Porte-avions |
2 |
1 |
1 |
Transports de chaland de débarquement* |
4 |
4 |
5 |
Frégates antiaériennes |
4 |
4 |
4 |
Frégates anti-sous-marins |
11 |
10 |
10 |
Frégates de 2e rang |
18 |
19 |
19 |
Bâtiments antimines |
16 |
15 |
14 |
Bâtiments logistiques |
10 |
7 |
7 |
Bâtiments de souveraineté |
22 |
22 |
22 |
Petites unités |
7 |
7 |
7 |
Service public |
6 |
6 |
6 |
TOTAL |
116 |
109 |
107 |
* dont porte-hélicoptères Jeanne d'Arc |
2. L'aéronautique navale
La loi de programmation retient également le principe
de la réduction du format de l'aéronautique navale.
Pour l'
aviation embarquée
, le nombre d'avions devrait être
ramené à 58 en 2002, dont 12 Rafale, contre 75 aujourd'hui,
l'objectif 2015 étant de disposer de 60 Rafale. Par ailleurs, les
appareils de guet aérien Hawkeye seront au nombre de 2 en 1998 et de 3
après 2002. Le nombre d'hélicoptères restera autour de la
soixantaine d'ici 2002.
Pour
l'aviation de patrouille maritime
, le format définitif
fixé à 22 Atlantique 2 sera atteint dès 1999.
En ce qui concerne l'aviation embarquée, l'année 1997 a
été marquée par la livraison de 11 Super Etendard
modernisés et de 8 hélicoptères Panther. En 1998, 2 avions
de guet aérien Hawkeye seront livrés. C'est essentiellement
à partir de 1999, avec le retrait des Crusader que le nombre d'appareils
diminuera sensiblement.
Pour l'aviation de patrouille maritime, 6 Atlantique 2 seront "mis sous
cocon"
d'ici 1999, ce qui signifiera que ces appareils seront tenus en réserve,
soit pour une vente éventuelle, soit pour compenser l'attrition.
B. LA DIMINUTION DES DOTATIONS D'ENTRETIEN, DE FONCTIONNEMENT ET D'INFRASTRUCTURE
Les crédits qui concourent à l'entretien, au fonctionnement courant et à l'amélioration de l'infrastructure de la flotte et de l'aéronautique navale diminueront sensiblement en 1998.
1. Un nouveau recul des dotation d'entretien programmé des matériels
Le tableau ci-dessous récapitule l'évolution des crédits d'entretien programmé des matériels, titre III et titre V confondus, pour la flotte classique, l'aéronautique navale et la FOST.
Évolution des crédits d'entretien
programmé des matériels
T.III
|
TV
|
Total
|
TIII
|
TV
|
Total
|
% |
|
EPM flotte classique |
895 |
2 358 |
3 253 |
639 |
1 894 |
2 533 |
- 22,1 |
EPM aéronautique navale |
66 |
1 524 |
1 590 |
59 |
1 667 |
1 726 |
+ 8,6 |
Total hors FOST |
961 |
3 882 |
4 843 |
698 |
3 561 |
4 259 |
- 12,1 |
EPM FOST |
- |
1 405 |
1 405 |
- |
1 188 |
1 188 |
- 15,6 |
TOTAL EPM |
961 |
5 287 |
6 248 |
698 |
4 749 |
5 447 |
- 12,8 |
La diminution des crédits d'entretien programmé
des matériels sera donc de 12,1 % hors FOST et de 15,4 % pour la FOST en
1998.
Pour une part, elle provient d'un transfert de crédits à la DGA
au titre du fonctionnement du service des programmes navals
(budgétisation de la DCN étatique) qui porte au total sur 335,1
millions de F (190 millions de F au titre III et 145,1 millions de F au titre
V).
Indépendamment de ce transfert, les dotations demeurent
inférieures de 500 millions de F environ au niveau prévu pour la
deuxième annuité de la loi de programmation.
Alors que les dotations de l'aéronautique navale sont maintenues au
niveau requis, c'est essentiellement l'entretien de la flotte classique qui
subira cette diminution de ressources, pour un montant d'environ
350 millions de F.
Afin de ne pas pénaliser l'ensemble des unités, la Marine a
choisi de concentrer l'effort d'économies sur de grosses
opérations qui devraient se dérouler en 1998 et qui seront
reportées. Cette décision conduit à surseoir à la
remise en état du porte-hélicoptères Jeanne d'Arc et
à interrompre son activité. La frégate antiaérienne
Duquesne sera également maintenue à quai et il pourrait en
être de même, pour une partie de l'année, de la
frégate antiaérienne Suffren.
S'agissant de la Jeanne d'Arc, dont la remise en état était
nécessaire en raison de corrosions importantes constatées sur des
collecteurs de vapeur, son indisponibilité impose de modifier le
déroulement de la campagne du groupe écoles d'application des
officiers de marine. Une moitié de la promotion demeurera à quai
sur la Jeanne d'Arc pour suivre une formation générale, l'autre
moitié de la promotion étant embarquée à bord de
trois bâtiments (les frégates Duguay-Trouin et Germinal et le
pétrolier-ravitailleur Marne), une permutation intervenant au milieu de
la campagne. Ce prélèvement d'unités les rendra
indisponibles pour d'autres missions.
Par ailleurs, l'indisponibilité du Duquesne et du Suffren réduit
de moitié le nombre de frégates antiaériennes disponibles,
ce qui ne sera pas dépourvu de conséquences
opérationnelles, notamment l'impossibilité d'engager
simultanément le groupe aéronaval et le groupe amphibie faute
d'une protection antiaérienne suffisante.
Enfin, une réduction significative sera opérée sur les
crédits d'entretien programmé de la FOST. Elle devrait se
traduire par un report sur la modification de matériels et sur la
livraison de rechanges.
2. Une quasi-stabilité des crédits de fonctionnement courant
Votre rapporteur avait souligné l'an passé que
des crédits de fonctionnement courant connaissaient une insuffisance
structurelle, que l'on peut évaluer à 150 millions de F, et qui
se traduit par un déficit sur la plupart des articles, regroupés
au chapitre 34.05, à l'exception de ceux portant sur les combustibles et
les carburants.
S'il est logique que les crédits de fonctionnement courant
régressent dans un contexte de diminution du format, on doit
néanmoins constater que le budget pour 1998 ne permettra pas de
rattraper le retard enregistré ces dernières années.
En effet, si l'on constate une quasi-stabilité des crédits de
fonctionnement courant, qui s'élèveront à 1,740 milliard
de F en 1998, soit 0,4 % de moins qu'en 1997, celle-ci résulte de
mouvements contradictoires.
Les articles consacrés aux combustibles de la flotte et aux carburants
de l'aéronautique navale font l'objet d'une mesure nouvelle de
32,6 millions de F, si bien qu'ils progresseront de 7,5 % l'an
prochain. En réalité, cette mesure ne traduit qu'un ajustement
minimal à l'évolution du coût des produits
pétroliers car l'hypothèse retenue pour le cours du dollar (5,82
francs) et le prix du baril (18 dollars) peut encore paraître
insuffisamment réaliste.
Toujours au chapitre du fonctionnement courant, une mesure nouvelle de 10
millions de F est prévue au titre des dépenses de sous-traitance,
qui pourraient être appelées à se développer avec la
réduction des effectifs et la professionnalisation.
Une mesure nouvelle de 2 millions de F intervient également au titre des
locations immobilières.
Parallèlement, l'application de la loi de programmation entraîne
une réduction des crédits de 43 millions de F, à laquelle
s'ajouteront plusieurs mesures d'économies.
Au total, on peut craindre des tensions dues à une insuffisance de
crédits sur les dépenses comme les frais de déplacement,
qui recouvrent notamment les participations d'officiers à des
réunions de niveau international (OTAN, UEO), les prises à bail
pour le personnel outre-mer, l'entretien immobilier et les affrètements
de service public.
3. Les crédits d'infrastructure
Les crédits d'infrastructure passeront de 757 à
708 millions de F de 1997 à 1998, soit un recul de 4 %.
L'année 1997 aura vu l'achèvement de deux opérations
importantes : la réfection du radier du grand bassin Vauban-est à
Toulon et la rénovation du bâtiment élèves de
l'école navale à Brest.
Au cours de l'année 1998, plusieurs gros travaux devraient
également s'achever :
· à la base aéronavale de Lann Bihoué, pour
l'accueil des avions de guet Hawkeye (24,3 millions de F) et avec la
construction d'un entrepôt pour matériels aéronautiques (59
millions de F) en raison du transfert de l'établissement principal de
l'aéronautique navale de Quimper ;
· à Brest, avec la réfection du quai est de la Pyrotechnie
Saint-Nicolas (32,1 millions de F) ;
· et à Toulon, avec la remise à niveau du petit bassin
Vauban II (28,5 millions de F) ;
Se poursuivront également, en vue d'un achèvement en 1999 :
· les travaux liés à l'accueil du porte-avions Charles de
Gaulle à Toulon (93,8 millions de F dont 82,1 millions de F pour
l'aménagement du quai Milhaud 6),
· les travaux à la base support de Fort de France (51,9 millions
de F).
Enfin, parmi les opérations importantes lancées en 1998, on peut
citer la construction d'un bâtiment pour la première flottille de
Rafale qui sera achevé en 2000 sur la base aéronavale de
Landivisiau (60 millions de F) et la modernisation du CES et de l'école
de sécurité à Toulon (80 millions de F) en vue d'un
achèvement en 2001.
Les réductions de crédits conduisent cependant à
différer environ 30 millions de F de travaux qui devaient
intervenir en 1998.