II. UNE ORGANISATION PLUS ADAPTÉE, SEULE RÉPONSE À DES CHARGES ACCRUES ?
La gendarmerie est confrontée à une double
contrainte : d'une part, des missions dont le poids s'accroît, d'autre
part, des moyens financiers limités, voire érodés.
Dès lors, le choix de la rationalisation de son organisation s'impose
désormais. Cependant, la logique de l'adaptation, si elle apparaît
indispensable, ne suffira pas, à elle seule, à répondre
aux nouveaux défis que l'Arme est appelée à relever dans
les années à venir.
Le double impératif de sécurité et de proximité
assigné à la gendarmerie par le plan d'action "gendarmerie 2002"
trouve une fois encore sa manifestation la plus éloquente dans le bilan
d'activité de la gendarmerie pour l'année 1997.
En effet cette activité se caractérise par la
prépondérance des missions liées à la
sécurité des personnes et des biens et par la part importante
dévolue aux services externes.
Chargée d'assurer seule la surveillance de 96 % du territoire où
vit la moitié de la population, la gendarmerie consacre plus de 90 % de
son activité à la sécurité des personnes et des
biens (38,6 % pour la police judiciaire, 33,6 % pour les actions
préventives de sécurité publique, 16,7 % pour la police de
la route, 2 % pour les missions de secours).
En outre l'essentiel de cette activité se déploie dans le cadre
des services extérieurs (soit 69,5 % de l'activité globale, dont
56,79 % pour les services de jour et 12,45 % pour les services de nuit).
La gendarmerie répond ainsi au besoin de sécurité
quotidien exprimé par nos concitoyens.
A. DES MISSIONS PLUS EXIGEANTES
1. L'évolution des missions traditionnelles
a) La police judiciaire
L'activité de police judiciaire a connu trois types
d'évolutions révélatrices des adaptations et des
changements auxquels la gendarmerie sera nécessairement conduite dans
les années à venir : une réorganisation des structures,
une modernisation des équipements, un renforcement de la formation.
.
La poursuite de le réorganisation des structures
La direction générale de la gendarmerie nationale a mis en oeuvre
à compter du 1er novembre 1995 une réforme des unités de
recherche spécialisées destinée à assurer une
meilleure coordination de moyens jusque là trop dispersés et de
mieux lutter ainsi contre la délinquance juvénile.
Ces objectifs se sont traduits par le renforcement des unités de
recherche à vocation départementale (celles installées
dans l'arrondissement où se trouve également le groupement de
gendarmerie) et des unités implantées au siège du tribunal
de grande instance. Elles ont entraîné en contrepartie la
suppression de toutes les autres unités à l'exception de celles
dont le maintien se justifie par des circonstances locales, une
délinquance importante ou l'isolement géographique.
Les effectifs ainsi libérés ont été
redéployés vers les autres unités de recherche.
Une première phase de réorganisation permettant quelque 201
opérations -créations, transformations ou suppressions- a, dans
l'ensemble, donné satisfaction. Aussi, les restructurations se
sont-elles poursuivies en 1997 sur les mêmes principes et ont conduit aux
modifications suivantes :
- renforcement en effectif de 23 brigades de recherche,
- renforcement en effectif d'une section de recherche,
- transformation de 13 équipes de recherche en autant de brigades de
recherche,
- création de 2 brigades de recherche,
- suppression d'une dernière équipe de recherche,
- suppression de 5 brigades de recherche de la petite couronne parisienne dans
le cadre de regroupements.
Au terme de ces différentes opérations, l'organisation des
unités de recherche en métropole se présente de la
façon suivante :
Catégorie |
Nombre |
Effectifs |
Implantation |
||
Officiers |
Sous-officiers |
GA |
|||
Section de recherches (SR) |
30 |
63 |
626 |
3 |
Chef-lieu cour d'appel |
Brigades de recherches (BR) |
|
|
|
Chef-lieu de département (97)
|
|
Brigades départementales de renseignements judiciaires (BDRJ) |
91 |
424 |
178 |
Chef-lieu de département ou d'arrondissement 1 |
|
Total |
94 |
3 359 |
181 |
1
en région parisienne, une seule
unité, le service centralisateur et d'organisation des recherches
(SCOR), assure les missions dévolues aux BDRJ.
En outre dix-huit nouveaux groupements de gendarmerie départementale ont
été dotés en 1997 d'un officier adjoint
supplémentaire plus particulièrement chargé du suivi de la
police judiciaire. Au total, soixante-sept départements ont
bénéficié de cette mesure.
La gendarmerie, il convient de le souligner, a cherché à limiter
les conséquences de cette réforme sur la situation familiale et
professionnelle des militaires par trois types de garanties :
- maintien en unité de recherche au sein de la légion
d'appartenance ;
- maintien dans la même résidence ;
- autre affectation en fonction des demandes des intéressés.
La réorganisation des unités de recherche s'est également
accompagnée d'une modernisation sensible des instruments et des
méthodes d'investigation..
.
La modernisation des méthodes d'investigation et l'utilisation
d'Internet
Parmi les nombreuses actions de modernisation, votre rapporteur soulignera en
particulier la priorité accordée aux méthodes
d'investigation.
En effet un
dispositif novateur
, destiné à l'analyse
criminelle opérationnelle, a été déployé
dans toutes les sections de recherche et brigades de recherches
départementales : il permet la gestion et la visualisation
automatisée sous forme graphique de certaines informations recueillies
par les enquêteurs. Ces nouveaux outils informatiques
particulièrement efficaces dans la lutte contre les réseaux de
distribution de la drogue bénéficient d'un soutien financier de
la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie.
En outre, il convient de signaler la mise en oeuvre progressive d'une
chaîne d'informations cohérentes
dans le domaine de la
police judiciaire grâce à la généralisation de la
" base départementale de délinquance ". Ce
système, fondé sur la décentralisation des informations
relatives aux affaires judiciaires et aux auteurs d'infraction permet de
faciliter la prise en compte de la criminalité dans le temps et dans
l'espace et d'adopter ainsi une riposte appropriée. A ce jour
quarante-sept groupements ont été équipés.
Enfin, la gendarmerie a pris la mesure du risque et de la chance que
représente le
réseau Internet
: risque, certes, par les
nombreuses possibilités de contournement de la loi qu'il offre, mais
chance aussi à travers les nouvelles perspectives ouvertes par ce
système pour les enquêtes judiciaires.
Ainsi, afin d'assurer la surveillance du réseau, la gendarmerie envisage
d'installer prochainement au sein du service technique de recherches
judiciaires et de documentation à Rosny-sous-bois un site Internet
sécurisé, utilisé par un personnel
spécialisé pour déceler les infractions à la loi
pénale commise sur le réseau ou par son truchement. Cette
" police du réseau " d'ailleurs destinée à se
généraliser à l'ensemble des sections de recherche
apparaît aujourd'hui indispensable pour faire face au
phénomène inquiétant lié à la diffusion des
messages à caractère illicite (atteinte aux personnes et
notamment aux mineurs, stupéfiants, terrorisme, incitation à la
haine raciale...).
La gendarmerie exécute d'ores et déjà des commissions
rogatoires, dont elle est saisie par la justice, relatives au réseau
Internet.
Par ailleurs, le site Internet, à l'instar de la presse écrite ou
audiovisuelle, pourra également être mis au service de la police
judiciaire pour collecter auprès des témoins éventuels des
informations relatives à une affaire judiciaire tout en respectant le
secret de l'enquête.
.
La formation : un effort particulier pour prendre en compte les
nouvelles formes de criminalité
Les besoins en formation de police judiciaire continueront de croître
dans les années à venir sous l'effet d'un double
phénomène : la technicité requise dans certains domaines
spécifiques (trafic de stupéfiants, environnement), la
volonté manifestée par la gendarmerie de doter les futurs
volontaires du service national de la qualié d'agent de police
judiciaire adjoint.
Dès lors, le plan d'action " gendarmerie 2002 " a inscrit au
rang de ses priorités l'augmentation de la capacité d'accueil du
centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ).
Depuis le début de la présente décennie, le souci de
donner une formation adaptée aux militaires de la gendarmerie pour faire
face au développement de formes de criminalité
particulières s'est traduit par trois types d'action :
- une action spécifique de formation à la
lutte contre le
travail illégal
par l'intermédiaire de sous-officiers
" formateurs-relais " dans le cadre d'un stage initial d'une
durée de cinq jours et d'un stage annuel de recylage ; chaque compagnie
de gendarmerie départementale ainsi que les unités de gendarmerie
spécialisées disposent d'un formateur-relai (au 30 juin 1997, 738
formateurs-relais travail illégal ont été formés,
parmi lesquels 650 ont déjà été recyclés) ;
- les stages de formation à la
lutte contre les atteintes à
l'environnement
dans le cadre du centre national de formation de police
judiciaire au profit des sous-officiers de la gendarmerie départementale
et maritime ; depuis 1996, chaque groupement dispose de deux formateurs-relais
environnement/écologie ; en 1997, 21 formateurs-relais ont suivi,
à l'école de défense nucléaire
bactériologique et chimique de l'armée de terre à
Bretteville-sur-Odon, un stage sur les risques majeurs (industriels, chimiques,
nucléaires) qui sera d'ailleurs reconduit en 1998 ;
- l'intensification de la formation pour la
lutte contre la toxicomanie
sous deux formes : développement, d'une part, du dispositif existant des
" formateurs-relais antidrogue " (FRAD)
2(
*
)
dans les régions les plus
sensibles en matière de drogue et au sein des gendarmeries
spécialisées (90 FRAD ont été formés
à ce titre au cours des années 1995-1996), d'autre part, la
formation des enquêteurs des unités de recherche (214
sous-officiers supplémentaires ont bénéficié de ce
dispositif en 1995 et 1996) et en particulier le renforcement de la formation
dispensée en matière d'observation et de traitement du
volet
financier des trafics
à travers un allongement de la durée du
stage portée de deux à trois semaines.
b) La gendarmerie mobile
L'amélioration des capacités
opérationnelles de la gendarmerie mobile prend place parmi les mesures
prioritaires inscrites dans le plan d'action " gendarmerie
2002 ". En
effet, les escadrons de gendarmerie mobile sont de plus en plus
sollicités tandis que les effectifs n'ont pas augmenté faute de
moyens d'active supplémentaires.
.
L'augmentation croissante des jours de déplacement des
unités de 1990 à 1996
Années |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Nombre moyen de jours de déplacement des E.G.M. |
171 |
172 |
175 |
173 |
193 |
208 |
199 |
Cette tendance ne devrait pas se démentir en 1997 avec
114 jours de déplacement pour les six premiers mois de l'année.
Pareille sollicitation s'explique par la conjonction, au cours des derniers
mois, de trois facteurs :
- le concours apporté par la gendarmerie mobile aux unités de
gendarmerie départementale situées dans les zones
périurbaines les plus sensibles ;
- la participation au plan Vigipirate ; la réactivation des mesures
gouvernementales à partir du 4 décembre 1994 a pu, au moment de
plus forte mobilisation, nécessiter la réquisition de 12
escadrons de gendarmerie mobile et l'engagement quotidien moyen de 14 750
gendarmes.
- le renforcement du dispositif mis en place en Corse (avec 7 escadrons
déplacés contre trois unités habituellement) dans le cadre
de la lutte antiterroriste.
Il convient de le souligner une fois de plus, l'augmentation continue du nombre
moyen de jours de déplacement des unités n'a pas
été sans conséquence sur le
temps consacré par
les unités à une formation
, pourtant indispensable (en
principe quatre semaines de neutralisation pour la formation à la
résidence ou en camp entre mi-septembre et fin mai, et, pour le tiers
des unités, un stage de 15 jours à Saint-Astier, consacré
au recyclage et maintien de l'ordre et précédé d'une
semaine de préparation à la résidence).
La formation
des escadrons dans trois légions de gendarmerie mobile
(Bordeaux,
Rennes, Villeneuve-d'Ascq)
pour l'année d'instruction n'a pas
dépassé quinze jours.
.
La mise en place des pelotons légers d'intervention : une
expérience à poursuivre
Depuis février 1997, chaque escadron de gendarmerie mobile dispose d'un
peloton léger d'intervention (PLI) destiné à doter
l'unité de capacités tactiques supplémentaires.
Le PLI offre en effet un module d'intervention plus étoffé,
capable notamment de participer à un dispositif de surveillance ou de
contrôle des zones sensibles. Faute d'un engagement significatif,
jusqu'à présent, de ce type de formation, il n'est guère
possible de se prononcer sur la portée de cette initiative. Force est de
constater toutefois qu'elle s'inscrit dans une orientation plus
générale marquée par la mise en place d'instrument
d'intervention plus souple et plus adapté au contexte local.
La création en 1997 à Strasbourg d'un
peloton de surveillance
et d'intervention de la gendarmerie renforcé
s'inspire en effet
d'une même démarche. L'adjonction de cinq sous-officiers à
l'effectif du PSIG existant permettra de donner à cette structure des
moyens plus adaptés à l'activité de la compagnie au sein
de laquelle s'exerce son action. A terme, dans le souci de mieux satisfaire les
besoins réels des unités, chaque PSIG pourrait
bénéficier d'une formation renforcée. Cette perspective
apparaît aujourd'hui subordonnée à la poursuite des
redéploiements d'effectifs présents dans les brigades
situées en zone de police d'Etat.