N° 87
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XXI
TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET POSTE
Par M. Pierre HÉRISSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Jean
François-Poncet,
président
; Philippe François,
Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis
Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy,
Jean-Paul Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard
Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer,
Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat,
Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere,
Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe
Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard
Dussaut
,
Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert
Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis
Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson,
Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond
Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber
Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni,
Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan,
Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
11
)
(1997-1998).
Lois de finances. |
Mesdames, Messieurs,
Le changement de gouvernement s'est traduit par une fusion des fascicules
budgétaires " Industrie " et " Poste,
télécommunications et espace ". Désormais, les
crédits de la poste et des télécommunications ne sont donc
plus individualisés, mais fondus au sein de ceux du ministère de
l'industrie, tandis que la politique de l'espace relève désormais
du ministère chargé de la recherche, auxquels sont
rattachés les crédits correspondants. Les modifications de
structure gouvernementale ont donc eu des conséquences importantes en
termes de périmètre budgétaire.
Les dotations demandées pour la poste et les
télécommunications s'élèvent à
2,643
milliards de francs
dans le projet de loi de finances
pour 1998, soit, à structure constante,
une légère
diminution, de 0,2 %
, par rapport à 1997.
Au-delà de l'analyse des évolutions budgétaires, votre
commission est attentive à la très profonde mutation en cours du
secteur postal et de celui des télécommunications.
L'irruption
des nouvelles technologies, l'internationalisation des échanges et
l'ouverture à la concurrence constituent en effet
des chocs
auxquels les deux opérateurs que sont la Poste et France
Télécom ont été inégalement
préparés
. La réforme, opérée par le
précédent Gouvernement, du secteur des
télécommunications, bien qu'inaboutie en ce qui concerne le
régime de paiement de la taxe professionnelle de France
Télécom, a en effet doté cette entreprise des armes
nécessaires pour affronter le jeu concurrentiel, alors que de lourdes
menaces pèsent encore sur l'avenir de La Poste.
CHAPITRE 1ER -
DES ÉVOLUTIONS
BUDGÉTAIRES CONTRASTÉES
Le nouveau fascicule budgétaire " Industrie " isole un agrégat (l'agrégat n° 5) consacré aux crédits relatifs à la Poste et aux Télécommunications, pour un montant de 2,633 milliards de francs. Si on y inclut les pensions civiles de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART), pour 10 millions de francs, on arrive à un total de 2,643 milliards de francs, répartis de la façon suivante :
Les crédits sont en légère baisse,
de
0,2%. Toutefois, cette diminution résulte de deux mouvements
contradictoires : une augmentation des dotations affectées aux
télécommunications et une baisse du soutien de l'Etat au secteur
postal.
La consolidation des organismes issus de la réforme du secteur des
télécommunications
: le groupe des écoles de
télécommunications, l'ART et l'agence des fréquences
voient leurs moyens accrus.
l'enseignement supérieur des télécommunications,
qui est à la charge de l'Etat depuis la loi du 26 juillet 1996
de réglementation des télécommunications, est doté
de
443 millions de francs au total
(+ 6,8%), dont 441 millions
pour l'Ecole nationale supérieure des postes et
télécommunications.
L'ART
, autorité administrative indépendante
chargée de la régulation du secteur des
télécommunications, reçoit au total
91,7 millions
de francs
(en incluant ses charges de pension fondues au sein de la
dotation globale industrie),
en augmentation de près de 30 %.
Les dépenses de personnel de l'Autorité s'élèvent
au total à 54,7 millions de francs, en augmentation de 17,3 %.
Le projet de budget prévoit la
création de quatre emplois
supplémentaires
. La dotation de fonctionnement de l'organisme est en
très forte augmentation (+ 56,6 %), à 37 millions
de francs. Cet accroissement est lié au déménagement
prévu de l'Autorité, qui devrait quitter le 20 avenue de
Ségur pour s'installer dans de nouveaux locaux, ainsi qu'à la
montée en charge des activités dont l'ART a reçu la
compétence, avec le rapprochement de l'échéance du
1er janvier 1998 qui marquera l'ouverture du secteur à la
concurrence.
L'augmentation des moyens de cet organisme est donc significative, comme il est
indiqué ci-dessous :
L'Agence nationale des fréquences
(ANF), établissement
public créé par la loi précitée du
26 juillet 1996, chargé de la gestion du spectre de
fréquences, est dotée de 196 millions de francs au total,
soit une baisse de 3 %. Ses crédits de fonctionnement augmentent de
plus de 10 %, de 130 à 144 millions de francs, en partie sous
l'effet de
la création de 25 emplois
. En revanche, les
crédits d'investissement diminuent de plus d'un quart, pour
s'établir à 52 millions de francs (en crédits de
paiement), en partie à cause de la non-reconduction d'une dotation
accordée l'an dernier pour des travaux immobiliers.
La dotation de la Commission supérieure du service public de la
Poste et des Télécommunication (CSSPPT)
est en
légère régression (- 2 %), à
1,5 million de francs, dont 1,3 million de moyens de fonctionnement
et 0,2 millions de dépense informatique et
télématique.
Une somme de 55 millions de francs (comme en 1997) est consacrée
aux
organismes internationaux
spécialisés et aux
cotisations à l'Institut européen de normalisation des
télécommunications.
En ce qui concerne les crédits relatifs aux
autoroutes de
l'information,
la fusion des fascicules budgétaires
" Industrie " et " Poste et
Télécommunications " a eu pour conséquence la
disparition de l'article 20 du chapitre 66-01, " actions de
recherche
et de développement dans le domaine des autoroutes de
l'information ", qui retraçait l'effort de l'Etat pour soutenir le
développement de projets et d'expérimentations dans ce domaine.
Ces crédits sont désormais intégrés à
l'article 80 du chapitre 66-01, intitulé " Electronique et
société de l'information ".
Une dotation de
150 millions de francs (en autorisations de programme) est prévue
à ce titre, en stagnation par rapport à la loi de finances
initiale pour 1997.
Si les dotations consacrées aux télécommunications sont en
augmentation, c'est l'inverse qui se produit pour le secteur postal.
La baisse de l'aide de l'Etat au transport postal de la presse
L'article 7 de l'actuel contrat de plan de la Poste prévoyait un
maintien du soutien de l'Etat au transport de la presse de 1995 à 1997.
La dotation de l'Etat a donc été stable sur cette période,
à 1,9 milliards de francs.
Or, la dotation prévue pour
1998 n'est plus que de
1,850 milliard de francs, en baisse de
2,6 %.
Rappelons que l'aide de l'Etat au transport et à la distribution de la
presse ne représente qu'une partie du coût total, estimé
à 5,5 milliards de francs par an. La Poste supporte le solde, soit
près de 3,6 milliards de francs
1(
*
)
par an.
Ce désengagement de l'Etat est une décision unilatérale du
Gouvernement, sans lien avec le récent accord entre la presse et la
Poste, ni avec la négociation actuelle du futur contrat de Plan entre
l'Etat et la Poste.
Une réflexion globale et approfondie sur la politique
française d'aide au transport de la presse s'avère
nécessaire. Aussi, un désengagement unilatéral de l'Etat,
annoncé à la sauvette, au détour d'une décision
budgétaire, ne saurait-il remplacer l'indispensable " remise
à plat " qui s'impose. Votre commission souhaite au contraire que
cette question soit évoquée dans le cadre, plus approprié,
de la négociation du futur contrat de plan de La Poste, sans que la loi
de finances ait hypothéqué au préalable les chances d'un
juste règlement de ce dossier.
On trouve, d'ailleurs, récemment formulées dans le remarquable
rapport d'information de notre collègue Gérard Larcher
2(
*
)
, sept propositions pour
améliorer le système actuel de l'aide au transport de la presse,
parmi lesquelles figurait la nécessaire garantie d'un financement stable
de la part de l'Etat :
LES MOYENS D'OPTIMISER L'AIDE POSTALE À LA PRESSE
1. En finir avec les controverses : établir la
vérité des coûts ;
2. Poursuivre dans la voie du ciblage de l'aide sur la presse d'opinion ;
3. Développer des relations commerciales avec les autres éditeurs
;
4. Alléger les charges de La Poste soutenant davantage le portage
à domicile ;
5. Etudier la préservation de la deuxième tournée postale
dans la capitale pour la presse du soir ;
6. Assurer un suivi externe de la qualité ;
7. Veiller à garantir la pérennité de la contribution
de l'Etat au financement du transport de la presse.
Source : " Sauver La Poste, devoir politique, impératif économique ".
Ce rapport marquant la crainte qu'après 1997, date de
la fin de l'actuel contrat de Plan, la contribution de l'Etat au transport de
la presse ne fonde "
comme neige au soleil
" si son
montant ne
se voyait pas précisé clairement dans le nouveau contrat de plan.
Il affirmait "
qu'un silence du contrat de Plan sur ce point
essentiel
risquerait fort d'entraîner que, au lieu de s'alléger comme
prévu, la charge que supporte l'opérateur
[postal]
au
titre de la presse reste constante, voire s'alourdisse [...].
C'est pourquoi il disait sa volonté
" que les intentions du
Gouvernement en ce domaine soient rapidement et clairement
énoncées ".
Le projet de loi de finances pour 1998 montre que cette crainte est plus que
jamais d'actualité.
Le Gouvernement a beau jeu d'affirmer qu'en
raison des gains de productivité réalisés par La Poste,
malgré la baisse de 50 millions de la dotation de l'Etat, le taux
de couverture par l'Etat de la charge du transport postal de la presse
augmentera entre 1997 et 1998. Il n'empêche que ce désengagement
est un symbole particulièrement malheureux, à l'heure où
une véritable réflexion sur l'avenir de La Poste s'impose.