C. L'AMÉLIORATION DE LA DESSERTE DANS LES PORTS MARITIMES
Les ports maritimes réalisent le transfert des
marchandises entre le transport maritime et les différents moyens de
transport terrestre.
Ils constituent donc le maillon essentiel d'une chaîne de transport
multimodale vers lequel doivent converger les divers modes de transport
terrestre.
Les infrastructures routières
Depuis l'achèvement complet de l'A26, le port transmanche de Calais et
le port de Dunkerque, mais aussi les ports du Bénélux
bénéficient d'un accès direct et performant,
évitant Paris, vers les régions du bassin Rhône-Saône.
En 1998, devraient être achevées les liaisons accompagnant le plan
transmanche qui améliorent les situations respectives du port de
Boulogne et, partiellement, des ports de la Basse-Seine au regard de leur
desserte vers le Nord et le Nord-Est : A16 entre Boulogne et Paris, A29
entre Le Havre et l'A28. La section Abbeville-Rouen de l'autoroute A28 a
été, quant à elle, mise en service cette année.
Faire de la Basse-Seine un carrefour autoroutier bien desservi sur l'axe
Nord-Sud et relié aux autoroutes, non seulement vers le Nord et l'Est
(A1, A26, A4), mais aussi vers le Sud-Ouest et le Sud-Est (A11, A10, A71, A6),
en évitant la région parisienne, est désormais un enjeu
majeur à prendre en compte dans la préparation du futur
schéma d'aménagement des ports maritimes.
Sont, à ce titre, concernées :
- pour ce qui est du contournement de la région parisienne par le
nord, l'autoroute A29 (Le Havre-Amiens-Saint-Quentin) ;
- pour ce qui est du contournement de la région parisienne par le
sud-ouest l'autoroute A28 Rouen-Alençon-Tours et la jonction des ports
de la Basse-Seine avec les autoroutes A10, A11, A71 et A6. La mise à
deux fois deux voies de la route nationale Rouen-Chartres-Orléans (RN
154) apparaît, à cet égard, comme la solution à
privilégier.
Les infrastructures ferroviaires
La voie ferrée Paris-Rouen-Le Havre, actuellement au gabarit B, est
depuis plusieurs années progressivement mise au gabarit B+, capable de
laisser passer à vitesse normale et sur wagons normaux les grands
conteneurs de neuf pieds six pouces de hauteur et de huit pieds six pouces de
largeur.
En ce qui concerne Marseille, la principale amélioration d'un
réseau déjà complet et très performant sera la mise
au gabarit B+ de la ligne Paris-Dijon-Lyon-Marseille-Fos, qui placera ce port
au débouché du premier axe français à grand gabarit
et lui permettra d'accueillir plus facilement les conteneurs aux dimensions
nouvelles.
La mise au gabarit B+ de l'axe Europe du Nord-Italie concerne la liaison
Dunkerque-Feignies-Modane et intéresse les ports de Dunkerque et du
Havre (par Dijon), mais aussi le port d'Anvers, Feignies étant le
point-frontière avec le réseau de chemin de fer belge.
Les voies navigables
Comparé aux pays voisins, le transport fluvial n'occupait pas,
jusqu'à présent en France, une place aussi importante dans les
transports d'acheminement portuaire.
Plusieurs aménagements en cours de réalisation,
intéressent, cependant, les dessertes fluviales des ports. On
citera :
- l'aménagement de la Seine au gabarit de 3.000 tonnes entre
Rouen et Nogent-sur-Seine.
- Le canal de Dunkerque à l'Escaut
- la mise au gabarit de 1.000 tonnes du canal du Rhône à
Sète.
La part de la voie navigable aurait pu prendre une dimension tout à fait
nouvelle
avec la liaison fluviale rhin-Rhône.
Le Gouvernement a cependant pris la responsabilité d'abandonner le
projet de mise à grand gabarit du canal Rhin-Rhône en estimant que
" l'importance des atteintes directes et irréversibles au
patrimoine naturel et plus généralement au cadre de vie dans les
régions traversées n'était pas compensée par
l'intérêt d'un projet dont le coût d'investissement et le
déficit prévisionnel de fonctionnement étaient
excessifs ".
Les procédures d'acquisition foncière en cours ont ainsi
été suspendues; La déclaration d'utilité publique a
été abrogée par un décret du
1er novembre 1997 tandis qu'une mission interministérielle
était mise en place pour examiner les conséquences de l'abandon
du projet et de proposer de manière concertée, les conditions de
mise en oeuvre de cette décision.
Votre commission `estime pour sa part que la décision de renoncer au
projet a été décidée sans véritable
concertation ni études préalables. Il lui apparaît que des
considérations financières et environnementales de court terme
ont prévalu sur une appréciation sérieuse du projet
à échéance de 10 ou de 15 ans.
Une réflexion s'impose sur les conséquences d'une décision
qui met fin à un projet dont l'objet n'était rien moins
qu'assurer l'avenir d'un axe structurant européen reliant le Nord et le
Sud de l'Europe.
Réuni le 4 novembre 1997, sous la présidence de votre
rapporteur pour avis et en présence de M. Daniel Hoeffel,
sénateur du Bas-Rhin, ancien ministre, le groupe d'études
" Rhin-Rhône et voies navigables " du Sénat a pris acte
de la publication, au Journal Officiel du 1er novembre, du décret
d'abrogation de la déclaration d'utilité publique du canal
à grand gabarit " Rhin-Rhône ".
Il a publié le communiqué suivant :
" Alors d'une loi de la République, celle du
4 février 1995, faisant suite elle-même à la loi
du 4 janvier 1980 sur la concession des travaux, avait, dans un
consensus de tous les groupes parlementaires, décidé dans son
article 36 l'achèvement et le financement de la liaison
" Rhin-Rhône " décret ministériel vient remettre
en question la parole de l'Etat et une volonté exprimée par tous
les Présidents de la Ve République.
Le groupe d'études avait déjà exprimé ses
réserves contre la décision du Premier ministre d'abandon de ce
projet. Cette décision remettait en cause un équipement essentiel
d'aménagement du territoire. Elle ouvrait la voie à l'affectation
à un autre objet que le transport fluvial d'une ressource pérenne
-le concours EDF à la SORELIF Saône-Rhin- qui lui avait
été exclusivement consacrée, en 1995, sans qu'il soit fait
appel au contribuable. Enfin, elle reniait un engagement de la France au plan
européen.
Devant le manquement à la parole de l'Etat et l'absence de concertation
avec la Représentation nationale, le groupe d'études entend
poursuivre l'action sous toutes les formes efficaces pour que soit enfin
réalisé l'axe Mer-du-Nord/Méditerranée, liaison
nord-sud structurante de notre continent ".
Votre commission présentera trois séries d'observations
constituant autant de conclusions qui lui permettront d'émettre un avis
sur les crédits de la mer dans le projet de budget pour 1998.
Première observation :
la marine marchande et les ports
maritimes constituent pour la France, riche d'une façade maritime
exceptionnelle, un outil stratégique de première importance, au
regard notamment de son indépendance nationale, dont les récents
budgets n'ont certainement pas pris la mesure.
Il importe de redonner à la France une grande ambition maritime et comme
le soulignait l'an passé, devant le Sénat, le ministre de
l'équipement, du logement, des transports et du tourisme " que ce
soit pour les ports ou pour la flotte de commerce, les moyens dont nous
disposons n'ont pas été suffisamment exploités et
valorisés au cours des dernières années. "
Le même ministre rappelait que le Président de la
République était " particulièrement et
personnellement attaché à une grande politique de la mer "
qu'il considérait comme " une chance pour notre pays ".
Cette grande politique de la mer devait, s'agissant des ports, se
concrétiser par une importante réforme qui aurait eu notamment
trois objectifs :
- dynamiser la gestion des ports ;
- encourager l'implantation d'activités économiques sur les
places portuaires ;
- renforcer la compétitivité des ports, en particulier par
une meilleure maîtrise des coûts de passage.
En ce qui concerne la flotte de commerce, il a été
décidé de donner aux investissements la concernant ce " coup
de fouet " qu'un grand quotidien parisien du soir a pu qualifier de
" salutaire ". Tel fut l'objectif -atteint- de la loi sur
les quirats.
Le projet de budget qui nous est soumis reconduit grosso-modo les
crédits votés l'année dernière. On y cherchera en
vain l'amorce de cette ambition maritime ou de cette " grande
politique de
la mer " annoncées l'année dernière et qui avaient
fait naître beaucoup d'espoirs.
Tout au contraire, sur la proposition du Gouvernement, l'Assemblée
nationale, à l'article 8 du projet de loi de finances, a aboli le
dispositif mis en place par la loi du 5 juillet 1996 sur les quirats.
Tel est l'objet de la seconde réflexion de votre commission
.
L'article 8 du projet de loi de finances pour 1998 énonce
laconiquement : " les dispositions du présent article
(l'article 238 bis HN du code général des impôts)
cessent de s'appliquer aux investissements qui n'ont pas fait l'objet d'une
demande d'agrément parvenue à l'autorité administrative
avant le 15 septembre 1997 ".
Ce faisant, cette disposition supprime le régime fiscal des quirats qui
avait pour objectif de relancer l'investissement sous pavillon national et
d'enrayer le déclin de la flotte française ; objectif
atteint, d'ailleurs, au-delà des espérances et ce, très
rapidement.
Après seulement un an d'existence, le nouveau dispositif fiscal a eu des
effets extrêmement encourageants :
10 % de la flotte
française ont été renouvelés
, l'investissement
maritime a plus que doublé (
5 milliards de francs contre une
moyenne annuelle de 2,2 milliards de francs
précédemment
) et
550 emplois de navigants et
sédentaires
ont été créés, alors que
300 pertes d'emplois de navigants avaient été
enregistrés chaque année entre 1990 et 1995. Selon les
estimations, les commandes induites ont, ainsi, permis de maintenir
4.700 emplois
dans la construction navale.
A ceux qui relèvent que sur les seize navires neufs
agréés, seuls six seront construits dans des chantiers
français, on répondra que la procédure d'agrément,
dont les pouvoirs publics ont l'entière maîtrise, intervenait de
façon sélective en faveur des dossiers les plus performants sur
le plan économique et social et que les six navires neufs
commandés à des chantiers français représentent, en
valeur, 2,331 milliards de francs, contre 2,296 milliards de francs
pour les dix bâtiments construits dans les chantiers étrangers.
En novembre 1996, il y avait trois navires français en construction
dans les chantiers français ; il y en a neuf aujourd'hui.
L'exemple allemand était tout à fait significatif à cet
égard.
La décision gouvernementale apparaît donc " gravissime "
aux yeux de votre rapporteur. Elle remet en cause l'espoir de voir notre pays
doté à nouveau d'une flotte de commerce digne de son rang dans le
monde.
La dernière observation
de votre commission concernera un autre
renoncement :
l'abandon du projet de mise à grand gabarit du
canal Rhin-Rhône.
Certes, cette question relève d'un autre
avis budgétaire -présenté par notre excellent
collègue Georges Gruillot- mais le président du groupe
sénatorial d'études " Rhin-Rhône " ne peut rester
silencieux sur ce dossier ni dissimuler que la décision gouvernementale,
prise sans concertation avec la Représentation nationale, ni
études préalables sérieuses, pèse lourd dans
l'appréciation qu'il est amené à formuler sur un budget
relevant du ministère de l'équipement et des transports.
Le canal Rhin-Rhône constituait pour notre pays un grand défi
à l'échelle européenne. La mise en oeuvre du marché
unique implique en effet que soient développés des réseaux
de transport transeuropéens permettant une juste " distribution de
cartes " entre les différentes parties de l'Europe.
S'il pérennise, à coup sûr, la situation d'encombrement
routier de toute la vallée du Rhône, l'abandon du projet remet, en
réalité, en cause l'avenir des ports fluviaux de Strasbourg,
Mulhouse et Lyon. Il anéantit toute vraie perspective de
développement pour l'" hinterland " de Marseille.
Votre rapporteur pour avis a rappelé les termes du communiqué que
le groupe sénatorial d'études sur le canal Rhin-Rhône a
diffusé le 4 novembre dernier.
Le groupe soulignait que la décision gouvernementale remettait en cause
un équipement essentiel d'aménagement du territoire en ouvrant la
voie à l'affectation à un autre objet que le transport fluvial
d'une ressource pérenne qui lui avait été exclusivement
consacrée, en 1995, sans qu'il soit fait appel au contribuable. Il
estimait que ce faisant, cette décision reniait un engagement de la
France au plan européen.
Face au manquement à la parole de l'État et à l'absence de
concertation avec la Représentation nationale, il convient de poursuivre
l'action sous toutes les formes efficaces pour que soit enfin
réalisé l'axe Mer-du-Nord/Méditerranée, liaison
nord-sud structurante de notre continent.
S'il s'élève contre l'abandon du régime fiscal des quirats
et contre l'abandon du projet du canal Rhin-Rhône, votre commission
exprimera, par ailleurs, sa déception devant un budget qui manque
singulièrement de " souffle " pour affronter les défis
de l'avenir.
L'" ambition maritime " de la France méritait mieux qu'une
reconduction des crédits de l'année dernière et ce, quels
que soient les changements de majorité à l'Assemblée
nationale.
*
* *
La commission a décidé à la majorité d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mer dans le projet de budget du ministère de l'équipement des transports et du logement pour 1998.