AVIS n° 86 Tome VI - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 - Enseignement supérieur


M. Jean-Pierre CAMOIN, Sénateur


Commission des Affaires culturelles - Avis n° 86 - Tome VI - 1997/1998

Table des matières






N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Par M. Jean-Pierre CAMOIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 15 ) (1997-1998).

Lois de finances .

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte budgétaire commandé par la réduction des déficits publics et la nécessité approuvée par le pays de satisfaire à nos engagements européens, le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 1998, avec 48,45 milliards de francs, augmentera de 3,05 %, soit une progression d'un peu plus de deux fois supérieure à celle du budget de l'Etat.

Si cette évolution est présentée comme traduisant la priorité accordée par le Gouvernement à l'enseignement supérieur, il convient de rappeler que la croissance de ce budget était de 5,5 % en 1997.

L'effort engagé en faveur de l'enseignement supérieur doit donc être relativisé comme en témoignent par ailleurs les comparaisons internationales qui placent notre pays dans une position très moyenne.

Enfin, il faut noter que ce projet de budget intervient dans un contexte de stabilisation des effectifs étudiants qui succède à une décennie d'explosion démographique.

*

* *

Après avoir rappelé que le projet de budget de l'enseignement supérieur s'inscrit dans la continuité par rapport aux exercices précédents, il conviendra de souligner certains dysfonctionnements qui peuvent être constatés dans la gestion des enseignants et d'examiner les nouvelles perspectives de développement des constructions universitaires.

Le présent rapport pour avis abordera ensuite le problème de la réforme des aides sociales aux étudiants et analysera les nouvelles orientations du Gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur.

Les caractéristiques du projet de budget de
l'enseignement supérieur pour 1998

1) Créations d'emplois : 3.000 emplois d'enseignants et 1.200 emplois de non-enseignants.

2) Dépenses en capital : 2,92 milliards de francs en autorisations de programme et 3,09 milliards de francs en crédits de paiement.

Ces crédits d'investissements doivent permettre la couverture des autorisations de programme ouvertes, la poursuite des opérations inscrites dans les contrats de plan Etat-régions et la maintenance et la mise en sécurité des établissements. Un milliard de francs supplémentaire en autorisations de programme permettra le démarrage du Plan " U3M " dès 1998, dont 385 millions de francs pour la mise en sécurité des universités, et notamment celles de Paris, et 415 millions de francs pour les constructions (grosses opérations et études préparatoires du Plan " U3M ").

3) Fonctionnement des établissements : 203 millions de francs supplémentaires permettront de compléter le plan de rattrapage engagé à la fin de 1995, de financer l'équipement informatique des IUFM et la formation aux nouvelles technologies (10 millions de francs), d'augmenter les crédits consacrés aux bibliothèques universitaires et aux nouvelles technologies (55 millions de francs) et de financer l'établissement public du campus de Jussieu (9 millions de francs).

4) Amélioration de la situation des personnels : relèvement de la prime d'administration pour les présidents d'université, amélioration des promotions d'enseignants-chercheurs, transformation de 100 emplois d'assistants et de PRAG en emplois de maîtres de conférence.

I. UN BUDGET QUI S'INSCRIT DANS LA CONTINUITÉ

Le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 1998 ne marque pas une inflexion majeure par rapport aux exercices précédents : les moyens programmés pour 1998 sont inférieurs en progression à ceux de 1997. Ils s'inscrivent en outre dans un mouvement de décroissance des effectifs étudiants et traduisent l'abandon de la plupart des réformes universitaires engagées par le Gouvernement précédent.

A. DES MOYENS BUDGÉTAIRES EN MOINDRE PROGRESSION PAR RAPPORT À CEUX DE 1997

1. L'évolution des crédits

Avec près de 48,5 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, les crédits de 1998 de l'enseignement supérieur enregistrent une progression de 3,05 % par rapport à ceux de 1997.

Si cette augmentation de plus de deux fois supérieure à celle du budget de l'Etat est présentée comme la traduction de la priorité que le Gouvernement entend conférer à l'enseignement supérieur, votre commission tient à rappeler que la croissance de ces crédits était de 5,5 % dans le budget précédent. L'effort engagé par la nation en faveur des formations supérieures doit être relativisé : il est inférieur par exemple à la contribution de l'Etat à l'équilibre de la SNCF et situe notre pays dans une position très moyenne par rapport à nos voisins et concurrents étrangers.

2. La France dans une position moyenne par rapport aux pays étrangers

Le tableau ci-après, établi à partir des indicateurs de l'OCDE fournit pour 1993 des indications sur le pourcentage du produit intérieur brut consacré par chaque pays à son système d'enseignement supérieur.

Alors que la moyenne des pays se situe à 1,3 %, la France avec un taux de 1,1 % se place certes au même niveau que l'Autriche, l'Allemagne, la Hongrie, mais très en-dessous du Canada, des Etats-Unis, de l'Australie, de la Suède, des Pays-Bas et même de l'Irlande et ne dépasse guère que le Japon, l'Italie, le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni.

DÉPENSES D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN POURCENTAGE DU PIB PROVENANT DES SECTEURS PUBLICS ET PRIVÉS

Canada

2,6

Etats-Unis

2,4

Australie

1,7

Japon

0,9

Autriche

1,1

Danemark

1,3

Finlande

1,8

France

1,1

Allemagne

1,1

Irlande

1,4

Italie

0,9

Pays-bas

1,4

Portugal

0,9

Espagne

0,9

Suède

1,6

Royaume-Uni

0,9

Hongrie

1,1

Islande

0,7

Suède

1,6

Turquie

0,8

Moyenne des pays

1,3

Moyenne OCDE

1,6

Source : Regards sur l'éducation, Les indicateurs de l'OCDE

3. L'évolution des créations d'emplois

a) Les créations d'emplois prévus pour 1998

Au total, 4.200 emplois seront créés en 1998 : 3.000 emplois d'enseignants et 1.200 emplois de non enseignants.

- Les emplois d'enseignants

Le projet de loi de finances prévoit la création de 600 emplois supplémentaires de professeur des universités, de 1.200 emplois de maître de conférences et de 1.200 emplois de professeur agrégé.

Il convient de rappeler que les créations d'emplois de professeurs des universités et de maîtres de conférences avaient été respectivement de 206 et de 900 en 1997.

En outre, seront créés 100 emplois de maîtres de conférences, à partir du 1er janvier 1998, qui permettront de recruter 100 ATER dès la rentrée 1998. Le financement de ces emplois est en partie assurée par une économie de 64 millions de francs en tiers d'année, correspondant à la suppression de 262.400 heures complémentaires (787.900 en année pleine).

- Les emplois non enseignants

1.200 emplois supplémentaires de personnels IATOS seront ouverts à la rentrée 1998.

Le niveau de ces emplois (41 % en catégorie A et 36,5 % en catégorie B) tient compte de l'évolution des métiers dans l'enseignement supérieur et contribue à l'effort de modernisation des établissements.

Ces créations concernent :

- 850 emplois de personnels IATOS qui sont créés pour améliorer les conditions d'accueil des étudiants et le fonctionnement des établissements ;

- 350 emplois de personnels de bibliothèques universitaires.

b) Le rappel des emplois créés au titre du plan d'urgence des universités et de la loi de finances pour 1997

Au titre du plan de rattrapage des universités sous dotées, près de 4.500 emplois ont été attribués aux établissements concernés en 1996 et en 1997, soit 2.212 emplois enseignants et 2.285 emplois IATOS, l'objectif poursuivi étant de permettre à chaque université sous dotée d'atteindre d'ici 1999 sa dotation théorique en emplois et en crédits, cet engagement devant figurer dans les contrats d'établissement.

A la rentrée 1996, tous les établissements ont bénéficié ainsi d'une dotation en emplois et en crédits au moins égale à 86 % et à 80 % de leur dotation théorique.

- La loi de finances pour 1997 a prévu pour sa part la création de 2.700 emplois nouveaux, soit 1.500 emplois d'enseignants et 1.200 emplois de personnels non-enseignants, complétés par 300 mises à disposition de fonctionnaires de l'administration centrale.

Ces 2.700 créations d'emplois se ventilaient ainsi qu'il suit :

- 910 enseignants-chercheurs ;

- 438 agrégés ;

- 100 certifiés ;

- 40 enseignants associés ;

- 12 élèves d'ENS ;

- 1.200 personnels IATOS.

Au total, sur deux ans, l'enseignement supérieur aura bénéficié de 7.000 créations d'emplois, ce qui explique les conditions satisfaisantes dans lesquelles se sont déroulées les rentrées universitaires 1996 et 1997.

S'agissant de l'effort entrepris en faveur des bibliothèques, certes 350 emplois seront créés en 1998, contre 200 en 1997 : nos bibliothèques universitaires restent cependant loin d'offrir les mêmes conditions d'accueil et de fonctionnement que celles des universités étrangères (une place pour 18 étudiants contre une pour cinq dans les pays étrangers comparables). Il convient de rappeler que la Commission Fauroux avait souligné la nécessité de créer 2.500 postes nouveaux dans les bibliothèques universitaires.

L'effort annoncé pour le projet de budget pour 1998 doit donc être relativisé et ne marque pas une inflexion notable par rapport aux années antérieures.

Il doit être en outre apprécié en fonction de la décroissance des effectifs étudiants.

B. UN MOUVEMENT DE DÉCROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE

1. L'évolution des effectifs étudiants

a) Les effectifs à la rentrée 1997

Sur un total de 2,148 millions d'étudiants, 1,547 million d'entre eux étaient attendus à la rentrée 1997 dans les 90 universités.

Ces effectifs sont en diminution de 8.000 étudiants par rapport à la rentrée 1996 et se décomposent ainsi qu'il suit :

- 632.000 en premier cycle ;

- 716.000 en 2e et 3e cycles ;

- 113.000 dans les IUT ;

- 321.000 dans les classes supérieures ;

- 80.000 dans les CPGE ;

- 241.000 dans les STS ;

- 280.000 dans les autres établissements publics ou privés (grandes écoles, commerce, gestion et comptabilité, paramédical et social, architecture...).

b) Les projections à moyen terme

Les projections des effectifs universitaires à l'horizon 2001 effectuées par la DEP sont fondées sur les dernières données disponibles de l'année 1996-1997.

Les effectifs de terminales générales et technologiques, après la forte baisse survenue en 1995-1996, devraient reprendre une progression mesurée entre 1997 et 2000. Le nombre d'admis au baccalauréat suivant ces tendances, le contingent de bacheliers généraux et technologiques attendu au cours des quatre prochaines années devrait être assez proche de celui observé en 1996 (400.000). En conséquence, l'hypothèse d'une plus forte orientation des futurs bacheliers vers les filières sélectives (IUT, CPGE, STS) au détriment de l'université, constatée à la rentrée 1996, se trouverait prolongée.

D'une manière générale, l'évolution des flux d'entrée à l'université (y compris en IUT) reflète celle des terminales générales et technologiques. Après le fort recul constaté à la rentrée 1996 (- 25.000 nouveaux inscrits), les flux d'entrée retrouveront une croissance modérée entre 1998 et 2000 où ils atteindront un maximum de 296.000.

En conséquence, l'année 1996 marque une rupture dans la forte progression des effectifs constatée ces dernières années. Au total, les effectifs universitaires (IUT exclus) dépasseront légèrement 1,3 million à l'horizon 2000. Ils s'établissaient à 1,1 million en 1990 et à 1,4 million en 1996. Les effectifs du premier cycle devraient baisser de 39.000 entre 1996 et 2000. Sur la même période, les effectifs du deuxième cycle n'augmenteraient que de 3.000, malgré l'anticipation d'une hausse continue du taux d'accès en licence. Le nombre d'inscrits en troisième cycle connaîtrait une progression un peu plus soutenue (+ 6.000).

Enfin, les IUT devraient poursuivre leur développement de manière atténuée et accueilleraient 119.000 élèves en l'an 2000.

EFFECTIFS UNIVERSITAIRES PAR CYCLE

1995-96
constat

1996-97
constat

1997-98
prévision

1998-99
prévision

1999-2000
prévision

2000-01
prévision

Université (hors IUT et IUFM mais y compris ingénieurs universitaires) 1 382 509 1 360 863 1 347 500 1 340 700 1 335 500 1 330 800
- dont le premier cycle 686 356 656 066 631 600 620 200 616 800 617 000
- dont deuxième cycle 490 099 496 038 504 600 508 100 504 000 498 700
- dont troisième cycle 206 054 208 759 211 300 212 400 214 700 215 100
IUT 103 092 108 587 113 100 115 700 118 200 120 000
Ensemble 1 485 601 1 469 450 1 460 600 1 456 400 1 453 700 1 450 800

EFFECTIFS DANS LES PRINCIPALES FILIÈRES
DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1996-97
Constat

1997-98
Prévision

Université (hors IUT et IUF mais y compris ingénieurs universitaires) 1 360 863 1 347 500
- dont premier cycle 656 066 631 600
- dont deuxième cycle 496 038 504 600
- dont troisième cycle 208 759 211 300
- dont droit 191 940 188 000
- dont lettres, sc humaines 522 906 517 800
- dont sciences, STAPS 342 897 345 200
- dont santé 147 003 144 400
IUT 108 587 113 100
CPGE 78 839 79 600
STS 235 911 241 200
Ensemble 1 784 200 1 781 400

2. L'afflux des étudiants dans les filières sportives

Le flux d'entrée en STAPS en 1996 a été de 10.868 : il était de 7.387 en 1995, et de 3.861 en 1994, soit un triplement en trois ans.

Une pause semble pouvoir se constater en 1997 dans l'augmentation des demandes d'entrée dans la filière.

Pour faire face à cet afflux d'étudiants, qu'une meilleure information sur la filière STAPS dès le lycée tente de juguler, de nouveaux sites de formation ont été ouverts et des moyens d'accompagnement ont été attribués.

A la rentrée 1995, trois universités supplémentaires ont été habilitées à délivrer le DEUG STAPS : huit autres l'ont été à la rentrée 1996 et trois habilitations supplémentaires ont été attribuées à la rentrée 1997.

Alors qu'en 1993-1994, on dénombrait 27 UFR de STAPS, à compter de la rentrée 1997, 41 universités seront habilitées avec des formations qui seront réparties sur près d'une soixantaine de sites.

Les moyens alloués à la rentrée 1997 se sont élevés à près de 7 millions de francs et 150 emplois ont été créés ou consolidés.

Depuis l'abandon du système de sélection à l'entrée en STAPS et l'afflux massif d'étudiants, les taux de réussite particulièrement élevés qui existaient dans ce cursus ont commencé à baisser et à se rapprocher des résultats des autres DEUG.

La filière STAPS a connu, ces dernières années, un succès particulièrement important auprès d'étudiants attirés par les métiers du sport, mais souvent peu conscients du contenu exigeant de la formation et de l'exacte étendue des débouchés. L'accent sera mis dans l'avenir sur l'information des étudiants. C'est la raison pour laquelle le ministre a décidé d'ouvrir une réflexion nationale sur l'avenir de la filière STAPS dans le cadre d'une table ronde.

3. L'évolution du taux d'encadrement des étudiants

Le taux d'encadrement des étudiants en personnels enseignants et IATOS a connu depuis cinq ans une évolution contrastée : ce taux a continué à se dégrader en 1992, 1993 et 1994, tandis qu'à partir de 1995, la tendance s'est inversée. Alors que le taux d'encadrement à la rentrée 1995 était d'un emploi d'enseignant pour 22,7 étudiants, il est passé à un pour 21,1 à la rentrée 1997. S'agissant des personnels IATOS, ce taux est passé de un pour 34,2 à un pour 31,6 entre les rentrées 1995 et 1997.

Cette amélioration est due à la baisse des effectifs et aux créations d'emplois.

Le nombre d'emplois enseignants inscrits au budget de l'enseignement supérieur est passé de 64.359 à la rentrée 1992 à 74.216 à la rentrée 1997.

En ce qui concerne les emplois non enseignants, on constate également une certaine amélioration au cours des années récentes : le nombre d'emplois de personnels IATOS est ainsi passé de 46.547 à 49.553 de la rentrée 1995 à la rentrée 1997.

C. L'ABANDON DES RÉFORMES DU PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT

A l'issue d'une large concertation dite des " états généraux de l'université ", engagée au cours du premier semestre 1996 et d'un débat au Parlement et au Conseil économique et social, le précédent gouvernement avait arrêté les grandes lignes d'une réforme de l'université.

1. Le plan Bayrou de réforme de l'université

Les principales mesures proposées étaient les suivantes :

- généralisation d'un tutorat pour les étudiants de premier cycle ;

- mise en place d'un statut étudiant prévoyant la création d'une allocation sociale d'études se substituant aux aides existantes ;

- nouvelle architecture des études supérieures ;

- prise en compte de l'insertion professionnelle dans les contrats passés avec les établissements ;

- mise en oeuvre progressive d'une véritable filière technologique supérieure associant enseignement et recherche ;

- développement de l'autonomie et de la modernisation de la gestion des universités autorisant la création de fondations, de conseils d'orientation et d'une agence de modernisation des universités ainsi qu'un transfert de la propriété des locaux universitaires ;

- extension de la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs ;

- prise en compte de l'ensemble des activités des enseignants dans l'évolution de leur carrière ;

- aménagement du statut des professeurs agrégés dans l'enseignement supérieur pour leur faciliter l'accès à la recherche ;

- harmonisation des statuts des personnels administratifs et techniques.

Enfin, cinq groupes de travail ouverts notamment aux composantes du CNESER et aux représentants de la CPU ont été chargés de mettre en oeuvre ces orientations.

2. Un processus interrompu

Pour des raisons qui ne doivent rien au calendrier et aux problèmes universitaires, la réforme proposée par l'ancien gouvernement s'est singulièrement amoindrie pour n'aboutir qu'à une réorganisation des premiers et des deuxièmes cycles universitaires.

Les chantiers inachevés les plus importants concernent la mise en place du statut étudiant et la définition d'une filière technologique supérieure.

Selon les indications fournies par le ministère à la commission, le Gouvernement n'envisage plus de mettre en place une filière technologique supérieure afin de ne pas marginaliser ces formations au sein de l'enseignement supérieur, comme elles l'ont été dans l'enseignement secondaire.

Le ministre a indiqué, par ailleurs au Sénat et à la commission, que le statut social de l'étudiant ferait l'objet d'un débat parlementaire au printemps prochain afin que la représentation nationale puisse se prononcer sur les grandes options, notamment fiscales, du nouveau dispositif qui est appelé à remplacer le système actuel d'aides aux étudiants.

3. La réorganisation des 1er et 2e cycles universitaires

Si le ministre a indiqué que la réorganisation du DEUG s'inscrivait dans la réforme de 1992 qui a été mise en oeuvre par certaines universités, il conviendrait de distinguer avec soin les deux réformes en soulignant les différences parfois substantielles existant entre les arrêtés du 26 mai 1992 et du 9 avril 1997 relatifs au DEUG, à la licence et à la maîtrise.

a) L'organisation des enseignements

La rénovation de 1992 organisait le DEUG, la licence et la maîtrise en modules définis comme " un groupe identifiable d'enseignements comportant entre eux une cohérence scientifique et pédagogique ". Une fourchette indiquait le nombre de modules pour le DEUG, pour la licence et pour la maîtrise, les arrêtés sectoriels précisant le plus souvent le volume horaire minimum de ces modules.

La réforme de 1997 a substitué aux modules des unités d'enseignement définies comme " un regroupement cohérent d'enseignements et d'activités ". De plus, pour la 1ère année de DEUG, la composition des différentes unités d'enseignement est indiqué de manière distincte selon que les unités d'enseignement ont un caractère fondamental, de découverte, ou méthodologique.

Le passage d'une organisation en modules à une organisation en unités d'enseignement va conduire les établissements à construire des équivalences et des concordances.

En second cycle, l'article 7 de l'arrêté du 9 avril 1997 introduit une novation consistant à mettre en place des unités d'expérience professionnelle, c'est-à-dire des stages diplômants.

b) L'organisation semestrielle

Alors que l'arrêté du 26 mai 1992 ne déterminait pas strictement la durée des périodes d'enseignement, l'arrêté du 9 avril 1997 systématise l'organisation de l'année universitaire en semestres. La combinaison de l'organisation en unités d'enseignement et en semestres détermine un cadrage renforcé par rapport à l'arrêté de 1992 notamment pour la 1ère année du DEUG, d'autant que les modalités de contrôle de connaissances sont fixées également de manière précise.

c) L'orientation et la réorientation des étudiants

Si l'arrêté du 26 mai 1992 (article 6) fixait à la première année un objectif d'orientation pour les étudiants, l'arrêté du 7 avril 1997 (articles 6, 14 et 18 notamment) fixe non seulement un objectif d'orientation mais également détermine de manière détaillée les modalités de cette orientation/réorientation (unité de découverte du premier semestre, coefficients affectés à cette unité, commissions d'orientation, information des étudiants).

d) Le contrôle des connaissances

Les différences entre l'arrêté de 1992 et de 1997 portent sur les modalités d'application du contrôle des connaissances :

- l'arrêté du 26 mai 1992 a déterminé les principes suivants : capitalisation des modules, caractère définitivement acquis des modules, compensation au sein de chaque module sans note éliminatoire, règles de compensation entre modules définies par chaque établissement ;

- l'arrêté du 7 avril 1997 reprend les mêmes principes mais fixe des modalités précises de mise en oeuvre :

· les unités d'enseignement sont capitalisables dans des conditions fixées par les établissements ;

· la fixation des coefficients attribués aux unités d'enseignement de DEUG, mais aussi de licence et maîtrise, est précisée ;

· la compensation entre les unités d'enseignement est explicitement fondée sur la base de la moyenne générale.

Il convient d'ajouter deux éléments nouveaux par rapport à l'arrêté du 26 mai 1992 : l'anonymat des épreuves écrites et l'accès en 2e année de DEUG des étudiants qui ont validé les unités d'enseignement ou les éléments constitutifs d'unités d'enseignement représentant 70 % des coefficients de la 1ère année de DEUG.

e) La procédure d'habilitation

Il convient de rappeler que la procédure d'habilitation à délivrer un diplôme, fixée dans l'arrêté du 26 mai 1992, s'appuyait sur l'analyse d'un comité d'expertise pédagogique des projets d'établissement ou d'une commission nationale. Les CEPPE faisaient une place à des personnalités extérieures.

Cette procédure a été abrogée par arrêté du 12 avril 1994 au profit d'une expertise par la mission scientifique et technique.

L'arrêté du 9 avril 1997 (article 22) ne prévoit plus expressément d'expertise par la mission scientifique et technique et se limite à reformuler les dispositions de la loi du 26 janvier 1984.

f) L'évaluation des enseignants

L'arrêté du 26 mai 1992 prévoyait (article 24) la possibilité, pour chaque module ou niveau d'enseignement dispensé, d'une procédure d'évaluation des enseignements faisant notamment appel à l'appréciation des étudiants.

L'arrêté du 9 avril 1997 (article 23) " organise le cadre d'une procédure d'évaluation des enseignements et de la formation " et indique les objectifs de cette évaluation.

La formulation de l'article 23 rend cette évaluation obligatoire et non plus facultative.

g) Le tutorat

Le développement du tutorat est également conforté. En effet, si l'arrêté du 26 mai 1992 prévoyait la possibilité d'organiser un tutorat pour les étudiants, l'arrêté du 9 avril 1997 dans son article 5 dispose :

" La première année d'enseignement de 1er cycle comporte un dispositif d'appui sous forme de tutorat d'accompagnement, dont la mise en oeuvre est assurée par des étudiants de 2e ou de 3e cycle, sous la responsabilité pédagogique des enseignants et des enseignants-chercheurs. Les tâches de tutorat effectuées par l'étudiant-tuteur sont validables pour l'obtention du diplôme préparé. Les conditions d'organisation du tutorat et de validation éventuelle sont définies par arrêté ministériel ".

h) Le bilan de la réforme

L'arrêté du 9 avril 1997 institue un comité de suivi, associant le CNESER et la CPU, qui a été créé par arrêté ministériel du 9 juillet 1997.

La première réunion de cette instance s'est tenue le 11 septembre 1997.

Le comité doit assurer le suivi de la mise en oeuvre de la réforme dans les différents établissements, notamment dans les formations non encore rénovées.

Il est chargé de faire respecter les grands principes de la réforme tout en laissant s'exprimer la diversité des exigences disciplinaires. Il devrait notamment veiller à ce que les quatre principes essentiels (semestrialisation, orientation, capitalisation, compensation) soient respectés.

Le comité de suivi pourra, en fonction de son appréciation sur la mise en oeuvre de la réforme, faire les propositions qu'il jugera utiles.

Réuni à nouveau le 7 octobre 1997, le comité de suivi a dressé un premier bilan de la réforme dans les établissements.

Au total, 75 universités ont répondu à l'enquête sur la mise en oeuvre de la réforme.

Il en ressort que 6 universités conservent le système de 1992 (réforme Jospin), 14 appliquent celui de 1997 (réforme Bayrou) pour les 1er et 2e cycles, et 5 pour la première année de DEUG. Les autres universités ont opté pour un système " mixte 1992-1997", en fonction des filières.

Le semestre d'orientation est majoritairement passé dans les faits : 75 universités l'ont adopté pour toutes les UFR.

L'évaluation des enseignements, en revanche, n'est mise en place que par 29 universités : 14 pour l'ensemble des formations et 15 pour certaines seulement, le secteur du droit semblant poser des problèmes en 2e cycle. Quant au système de capitalisation/compensation, il a reçu un accueil mitigé de la part des UFR juridiques : si la plupart l'ont instauré, rares sont celles qui l'ont appliqué sur l'ensemble des deux premiers cycles.

Face à cette multiplicité de situations, une proposition de modification de l'article 24 de l'arrêté général du 9 avril 1997 devait être déposée au CNESER, l'objectif étant de permettre un " aménagement calendaire " de la réforme Bayrou.

i) Vers une application de l'arrêté du 7 avril 1997 à toutes les universités

Le ministre a déclaré au cours de l'été, contrairement aux demandes formulées par la conférence des présidents d'université, que les universités appliquant la réforme de 1992 ne seraient pas tenues d'appliquer celle de 1997.

Cependant une modification de l'arrêté de 1997, intervenue le 30 octobre 1997, leur fait obligation d'appliquer dès cette année la réforme de 1997 : il n'est donc plus question de modifier les textes de 1992 pour laisser le temps aux UFR juridiques et économiques de se mettre en conformité avec ces textes.

Ce revirement ministériel s'explique sans doute par le degré d'engagement des universités dans le dispositif de rénovation de 1997 et par le souci d'éviter que ne se multiplient les recours d'étudiants devant les tribunaux administratifs pour non application de la réforme de 1997 : les universités engagées dans la réforme de 1992 devront donc appliquer les nouvelles modalités de capitalisation-compensation en première année de DEUG pour mettre en place en deuxième année les nouvelles modalités de contrôle des connaissances.

II. UNE GESTION PEU SATISFAISANTE DES ENSEIGNANTS

Après avoir rappelé la diversité des statuts des enseignants dans le système universitaire, il conviendra d'évoquer les modalités de leur évaluation, la réforme de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs et les dérives observées dans l'utilisation des heures complémentaires.

A. LA DIVERSITÉ DES PERSONNELS ENSEIGNANTS

L'enseignement supérieur fait appel à des catégories de personnels très variées pour couvrir ses besoins d'enseignement. Parmi ces différentes catégories, on peut distinguer d'une part les personnels titulaires (enseignants-chercheurs et enseignants de statut second degré) et, d'autre part, les personnels non titulaires recrutés soit au titre de la " jouvence " universitaire, soit comme associés, invités ou vacataires.

1. Les personnels titulaires

Pour l'essentiel, il s'agit des maîtres de conférence et des professeurs des universités.

Dans la loi de finances pour 1997, on dénombrait 13.909 emplois de professeurs des universités et 30.211  emplois de maîtres de conférences affectés aux établissements d'enseignement supérieur.

Le nombre des emplois de maîtres de conférences a régulièrement augmenté depuis 1993.

La priorité accordée à l'emploi scientifique se traduira en 1998 par la création de 1.800 emplois d'enseignants-chercheurs.

Les assistants de l'enseignement supérieur constituent depuis 1985 des corps en voie d'extinction et leur nombre s'élève (hors médecine) à environ 1.800 : depuis 1990, un millier d'assistants ont accédé par transformation à l'emploi de maîtres de conférences.

Le budget de 1997 finançait en outre 7.250 emplois de professeurs agrégés et 420 emplois de professeurs certifiés dans l'enseignement supérieur, le décret du 26 mars 1993 fixant à 384 heures par an leurs obligations de service et le décret du 26 mars 1993 les faisant bénéficier de la prime pédagogique réservée jusque-là aux seuls enseignants-chercheurs. Une réflexion est actuellement engagée pour leur faciliter l'accès à la recherche.

Le nombre des emplois budgétaires de professeurs agrégés est passé de 2.925 en 1992 à 7.253 en 1997, les PRAG correspondant à ces emplois exerçant généralement un premier cycle universitaire.

Votre commission exprime la crainte que la création de 1.200 emplois de PRAG, moins coûteux, risque encore d'aggraver la " secondarisation " des premiers cycles universitaires.

Elle rappellera, à cet égard, que cette tendance n'est pas nouvelle : le niveau de notre système universitaire pourra-t-il être maintenu s'il compte de moins en moins d'enseignants-chercheurs et de plus en plus d'enseignants du secondaire ?

Devant l'Assemblée nationale, le ministre a annoncé son souhait de modifier le statut des agrégés enseignant dans les universités, et, plus généralement, d'aborder le problème des obligations de service des enseignants du supérieur, en dénonçant le faible nombre d'heures d'enseignement imposé à ceux qui ne se consacrent pas à des activités de recherche.

2. Les personnels non-titulaires

- Le monitorat d'initiation à l'enseignement supérieur est ouvert aux étudiants de 3e cycle, titulaires d'un DEA et admis au bénéfice d'une allocation de recherche.

Les crédits inscrits au budget de 1997 correspondaient à 2.924 monitorats à la rentrée 1997.

- Les allocataires-moniteurs-normaliens sont des élèves qui sortent des écoles normales supérieures : 670 AMN sont prévus pour l'année universitaire en cours.

- Les ATER sont en majorité des agrégés, titulaires d'un DEA qui souhaitent achever des études doctorales dans de bonnes conditions d'insertion universitaire, ou des moniteurs parvenus au terme de leur contrat.

En 1996-1997, environ 5.300 attachés temporaires d'enseignement et de recherche étaient en fonction dans l'enseignement supérieur.

- Les lecteurs et maîtres de langue étrangère : le budget de 1997 finançait 895 emplois de lecteurs et 220 emplois de maîtres de langue et de répétiteurs à l'INALCO.

- Les enseignants associés à temps plein : au titre de l'année universitaire 1996-1997, 279 personnes ont été recrutées comme maîtres de conférences ou professeurs associés à temps plein pour des durées variables.

- Les associés à mi-temps : les crédits inscrits au budget de 1997 pour rémunérer les associés à mi-temps correspondent à 1.370 emplois équivalents temps plein.

La répartition fonctionnelle des personnels enseignants selon leur statut est détaillée dans le tableau ci-après :

LES ENSEIGNANTS EN FONCTION DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
SUR EMPLOIS BUDGÉTAIRES

Emplois au

Effectifs réels au 1/05/1997

Fonctions

31/12/96

Titulaires

Non fonctionnaires

TOTAL

Professeurs des universités

17 505

16 870

252 (1)

17 122

Maîtres de conférences

31 580

27 533

295 (1)

27 828

Assistants

1 912

1 785

12 149

Lecteurs et maîtres de langues

1 053

944

944

Ater

5 312 (2)

5 312

(1) Associés à temps plein

(2) 5 312 personnes physiques représentent 3 720,5 équivalents temps plein.

Les Ater sont recrutés soit sur des emplois budgétaires de maîtres de conférences gagés à cet effet, soit sur des emplois d'enseignants-chercheurs (Professeurs, maîtres de conférences, assistants) vacants.

B. L'ÉVALUATION DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS

1. Les principes en vigueur

D'après l'article 55 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, les fonctions des enseignants-chercheurs recouvrent l'enseignement, la formation initiale et continue, le tutorat, l'orientation, le conseil et le contrôle des connaissances, la recherche, la diffusion des connaissances et la liaison avec l'environnement économique, social et culturel, la coopération internationale, l'administration et la gestion de l'établissement.

D'après l'article 56 de la même loi, l'évaluation des enseignants-chercheurs, dans la mesure où elle a une incidence sur leur carrière, est effectuée par leurs pairs et, en principe prend en compte l'ensemble des fonctions définies à l'article 55 de la loi sur l'enseignement supérieur.

Concrètement, le statut particulier des enseignants-chercheurs, organisé par le décret du 6 juin 1984 a précisé les conditions de cette évaluation. Les carrières sont divisées en classes et la promotion d'une classe à la classe supérieure s'effectue au choix. Les diverses promotions sont organisées selon des procédures statutaires diversifiées qui doivent, en théorie, permettre la prise en compte d'une " trifonctionnalité " professionnelle s'exerçant dans les domaines de la recherche, de l'administration et de la pédagogie. Les promotions sont ainsi réparties, au prorata des effectifs de promouvables, en deux voies :

- la première voie comporte deux contingents de promotions, l'un directement attribué aux établissements et réparti, toutes sections confondues, sur proposition du conseil d'administration pour les maîtres de conférences et du conseil scientifique pour les professeurs des universités. Dans le cadre de cette procédure, les instances de l'établissement peuvent, si elles le souhaitent, choisir la pédagogie ou d'autres fonctions universitaires comme critère de promotion. L'autre contingent est attribué au Conseil national des universités. Il est réparti par section. Traditionnellement, les sections accordent leurs promotions en se fondant exclusivement sur des critères de recherche et sur la base des publications scientifiques ;

- la deuxième voie, dite voie spécifique, est confiée aux groupes du Conseil national des universités. Sont seuls promouvables à ce titre, d'une part, les enseignants-chercheurs qui s'investissent particulièrement dans les fonctions d'enseignement et perçoivent à ce titre une prime pédagogique et, d'autre part, les enseignants-chercheurs qui exercent certaines responsabilités administratives dont la liste est fixée par arrêté.

Seules les promotions à la classe exceptionnelle des professeurs des universités sont prononcées uniquement par les sections du Conseil national, c'est-à-dire, en fait, sur des critères de recherche.

Il serait cependant incomplet de réduire l'évaluation des enseignants-chercheurs aux seules dispositions relatives à leur avancement. D'une part en effet, pour les maîtres de conférences, le recrutement en qualité de professeur des universités consacre la reconnaissance de leur valeur professionnelle par le corps professoral. D'autre part, un dispositif indemnitaire, reprenant lui aussi les trois fonctions pédagogique, administrative, et de recherche auxquelles il a déjà été fait référence, a été mis en place dès 1990, pour reconnaître l'engagement des enseignants-chercheurs dans chacune de ces fonctions.

Le dispositif statutaire et indemnitaire qui vient d'être brièvement exposé paraît diversifié et semble permettre une évaluation des enseignants-chercheurs en fonction des missions que leur assignent la loi et les statuts particuliers. Il convient cependant de remarquer que cette évaluation est largement une auto-évaluation ou du moins une évaluation strictement interne.

2. Les activités de recherche privilégiées

Au-delà des textes législatifs et réglementaires qui régissent les carrières universitaires, les instances d'évaluation semblent réticentes à admettre d'autres fonctions que la recherche comme critère d'excellence. Encore convient-il de remarquer que ce concept de recherche est assez large puisqu'il recouvre aussi bien des résultats de travaux de laboratoire objectivement contestables, et pouvant donner lieu à des applications concrètes, que les réflexions les plus spéculatives. Aussi l'activité de recherche est-elle fréquemment mesurée et appréciée en fonction des " publications ". C'est ainsi le plus souvent sur cet unique critère que les enseignants-chercheurs sont recrutés, promus et, en définitive évalués.

3. Les observations de la commission

Le rapport de la mission d'information sur l'information et l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires, créée à l'initiative de votre commission, préconisait une redéfinition de la carrière et des règles d'avancement des enseignants-chercheurs en prenant en compte équitablement leur activité de recherche, d'enseignement, d'encadrement administratif et de formation continue.

Elle proposait également une formation pédagogique des enseignants-chercheurs, aujourd'hui inexistante, et la création d'une prime pédagogique plus incitative pour ceux qui se consacrent principalement à l'enseignement en premier cycle.

Devant la commission, le ministre a indiqué que les centres d'initiation à l'enseignement supérieur, qui avaient été mis en sommeil, seront relancés mais n'a fourni aucun élément susceptible d'annoncer à court terme une réforme de la pratique concernant l'évaluation des enseignants.

S'appuyant sur les témoignages recueillis auprès d'universitaires lors des déplacements de la mission d'information dans l'académie de Lille, votre commission ne peut qu'appeler de ses voeux une évaluation des enseignants qui ne se limiterait pas qu'à la recherche et qui engloberait la totalité des activités des enseignants-chercheurs.

C. LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE DE RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS

Les procédures de recrutement actuellement applicables aux enseignants-chercheurs sont régies par le décret du 27 avril 1995 modifiant le décret du 6 juin 1984 relatif aux dispositions statutaires.

1. Les inconvénients de la procédure actuelle

Ces procédures présentent deux inconvénients principaux : une lourdeur de gestion et une rigidité qui rend difficile la prise en compte des besoins pluridisciplinaires des établissements du point de vue scientifique et pédagogique.

a) La lourdeur de la procédure

Le recrutement se déroule actuellement en trois phases :

- sélection par les commissions de spécialistes constituées au sein des établissements ;

- qualification par le Conseil national des universités en application de l'article 56 de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur qui prévoit l'intervention d'une instance nationale ;

- classement par les commissions de spécialistes des candidats qualifiés par le CNU.

Cette suite d'opérations impose aux établissements un calendrier très rigoureux, qui n'accorde pas toujours aux jurys les délais nécessaires à la sélection permettant d'analyser avec exactitude les mérites respectifs de candidats de plus en plus nombreux. A l'occasion de la troisième phase des opérations, il arrive en outre que la commission de spécialistes se trouve dans l'impossibilité de dégager une majorité permettant le classement des candidats, lorsque le candidat qui avait recueilli la préférence en cours de première phase n'a pas été qualifié.

b) Une prise en compte imparfaite des besoins interdisciplinaires des établissements

Les modalités de recrutement en vigueur permettent difficilement de prendre en compte des besoins interdisciplinaires. Les emplois sont en effet publiés au titre d'une section disciplinaire principale, avec, le cas échéant, mention de caractéristiques correspondant à une ou plusieurs autres sections secondaires. Les commissions de spécialistes concernées, lorsqu'il est fait référence à plusieurs sections, peuvent se réunir conjointement lors des phases locales de recrutement. Mais, pour l'examen des candidatures par l'instance nationale, c'est la section principale de publication qui détermine seule l'unique section du Conseil national des universités appelée à se prononcer sur la qualification des candidats aux fonctions considérées. Les candidats qui se situent à la charnière de deux ou plusieurs sections du Conseil national des universités se trouvent ainsi souvent pénalisés par l'instance nationale. Celle-ci ignore les profils des postes à pourvoir et contrarie de ce fait la politique scientifique et pédagogique des établissements. Aucune procédure d'appel ne vient équilibrer ce dispositif.

c) Une qualification limitée à l'année en cours

Il convient enfin d'ajouter que la qualification aux fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités n'est valable que pour l'année en cours et que les candidats classés, mais non retenus perdent, d'une année sur l'autre, l'entier bénéfice de leur participation au concours, sans aucune assurance de voir leur qualification reconnue à nouveau dans le cadre de la campagne de recrutement suivante.

2. La réforme proposée

La réforme en cours d'élaboration a pour objet essentiel de mettre un terme à ces rigidités et de revenir, dans ses grandes lignes, au système existant avant celui mis en place en 1995.

a) La dissociation des procédures

La procédure de qualification serait dissociée du recrutement proprement dit et s'organiserait en deux étapes autonomes qui s'articuleraient ainsi : l'instance nationale, c'est-à-dire le Conseil national des universités, arrêterait deux listes de qualification, l'une aux fonctions de maître de conférences, l'autre aux fonctions de professeur des universités ; seuls les candidats inscrits sur la liste de qualification correspondante pourraient se présenter aux concours de recrutement ouverts dans les établissements.

b) Les avantages attendus

Les avantages attendus de cette réforme sont de plusieurs ordres : la procédure s'organiserait en deux phases plus souples et moins longues. Les instances universitaires disposeraient de délais accrus pour examiner les candidatures qui leur seraient soumises. Les candidats auraient moins de formalités à accomplir puisque leur inscription sur une liste de qualification, une fois acquise, serait valable quatre ans. Les établissements, eux, verraient leurs besoins pris en compte de manière plus satisfaisante. Les emplois mis au concours pourraient en effet être ouverts au titre de plusieurs sections du Conseil national des universités. Toute personne inscrite sur une liste de qualification aux fonctions de maîtres de conférences ou de professeur des universités pourrait faire acte de candidature sur tout emploi de rang correspondant publié au Journal officiel.

c) Une procédure d'appel

De plus, une procédure d'appel devant les groupes du Conseil national des universités serait instaurée en faveur des candidats dont la demande d'inscription sur les listes de qualification a fait l'objet de deux refus successifs. Cette procédure constitue un gage de pluralisme scientifique et une garantie pour les candidats dont la recherche se situe à la charnière de plusieurs sections disciplinaires.

d) La création d'une agrégation interne

Le projet envisagé modifierait également les procédures de recrutement applicables aux professeurs des universités des disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion. A côté de l'agrégation externe serait instaurée une agrégation interne ouverte aux maîtres de conférences ayant dix ans de service dans l'enseignement supérieur, et également, sous certaines conditions d'ancienneté, aux chargés de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique et aux professeurs agrégés affectés dans l'enseignement supérieur. Le nombre des postes offerts à ce concours interne ne pourrait être supérieur à celui offert au concours externe. Parallèlement, la procédure de recrutement au choix après audition par le Conseil national des universités est maintenue.

*

* *

Si elle convient de la complexité des procédures actuelles de recrutement, votre commission tient à exprimer sa perplexité devant la perspective d'un retour au système antérieur institué en 1992 : celui-ci avait en effet abouti en deux ans à la constitution d'un stock de 12.000 " reçus-collés ", c'est-à-dire des enseignants potentiels qui avaient vocation à enseigner dans l'université et qui sont restés sans emploi.

D. UNE UTILISATION DÉTOURNÉE DES HEURES COMPLÉMENTAIRES

A la demande du ministre, l'IGAEN a procédé, en 1996 et 1997, à une enquête sur l'utilisation des heures complémentaires, compte tenu du potentiel d'enseignement des universités.

1. Un constat sévère

Les universités utilisent aujourd'hui entre 4 et 5 millions d'heures complémentaires dont le coût est évalué à 1,2 milliard de francs, soit l'équivalent de 20.000 postes.

Le rapport de l'IGAEN, qui n'a pas fait l'objet d'une publication officielle, indique notamment que certaines universités disposent d'un contingent important d'heures complémentaires alors que leurs enseignants n'assurent pas la totalité de leur service statutaire de 192 heures par an, et que d'autres établissements utilisent ces crédits pour rémunérer des tâches administratives ou de tutorat.

Il révèle ainsi des situations abusives, qui si elles ne sont pas toutes illégales, ont prospéré sur de " regrettables lacunes réglementaires " et dénonce un certain laxisme dans l'affectation des fonds comme dans le contrôle des obligations de service des enseignants.

2. Un détournement de la finalité des heures complémentaires

En l'absence de créations d'emplois suffisantes, les heures complémentaires sont habituellement utilisées pour faire face à un afflux d'étudiants dans certaines disciplines, pour ouvrir de nouvelles formations, pour rémunérer des intervenants extérieurs dans les formations professionnalisées ou des professeurs du secondaire dans des antennes universitaires délocalisées.

En dépit de la mise en place du plan de rattrapage des universités sous-dotées à la fin de 1995, comportant de nombreuses créations de postes, l'IGAEN a constaté que le volume des heures complémentaires n'avait pas baissé dans ces établissements, ce qui semble indiquer que ces heures ne servent pas qu'à compenser l'insuffisance des postes.

Le rapport constate aussi de nombreuses disparités entre les cycles bénéficiaires : dans certaines universités, ces heures sont attribuées en 2e et 3e cycles pour la préparation aux concours plutôt qu'en 1er cycle où se concentre la majorité des étudiants ; elles sont également utilisées pour maintenir quelques spécialités rares regroupant de faibles effectifs d'étudiants, et assurer le fonctionnement du système des modules et des options.

L'IGEN constate aussi que certains enseignants effectuent plusieurs services au détriment de leur activité de recherche.

Elle observe enfin que les heures complémentaires servent fréquemment à rémunérer un suivi des stages, une surveillance des examens ou le tutorat ainsi que des activités administratives pourtant dotées de primes.

3. Les propositions de l'Inspection générale

Constatant l'absence de réglementation définie et le comportement laxiste de certains directeurs d'UFR, le rapport propose un renforcement du pouvoir des présidents d'université pour contrôler les obligations de service des enseignants et l'utilisation des heures complémentaires en fonction des besoins.

Dans cette perspective, une gestion plus centralisée de ces heures, la mise en place de l'informatique et l'annualisation des services devraient permettre de réduire les pratiques abusives de certains établissements.

III. UNE NOUVELLE ORIENTATION POUR LES CONSTRUCTIONS UNIVERSITAIRES : DU PLAN " U 2000 " AU PLAN " U3M "

Après avoir rappelé les dispositifs successifs qui ont permis de mener à bien l'effort de rénovation et de construction universitaire sur l'ensemble du territoire national, il conviendra de consacrer quelques développements à la mise en sécurité des bâtiments universitaires.

A. LA POLITIQUE MENÉE DANS LE DOMAINE DES CONSTRUCTIONS UNIVERSITAIRES

1. Le bilan du plan Université 2000 et des contrats de plan Etat-régions

Le plan Université 2000 prévu pour s'achever en 1995 a été relayé et complété dès 1994 dans le cadre du XIe plan par les contrats de plan Etat-régions. Leur exécution, d'abord envisagée sur cinq ans (1994-1998), courra jusqu'en 1999, les compléments envisagés aux actuels contrats de plan Etat-régions restant à définir.

Le schéma de développement des enseignements supérieurs " Université 2000 " était un programme quinquennal (1991-1995) de construction et d'aménagement des établissements d'enseignement supérieur. Le rythme d'investissement a été un peu inférieur à ce qu'il aurait dû être pour que le schéma soit entièrement réalisé à la fin de l'année 1995, c'est-à-dire à l'échéance initialement prévue.

Les contrats Etat-régions du XIe plan, qui ont été négociés au premier trimestre de l'année 1994, intègrent le solde du schéma calculé à la fin de 1993 et prévoient, en général, des opérations nouvelles, dans une proportion variable d'une région à l'autre. Dans ces contrats, l'Etat et les collectivités s'engagent à apporter 22 milliards de francs, sensiblement à parité, ces crédits devant être complétés par les fonds européens, pour un montant approximatif de 1,4 milliard de francs pour la période 1994-1996. Les crédits de maintenance et ceux destinés au logement des étudiants ne figurent pas dans la base du XIe plan, alors qu'ils étaient intégrés au schéma Université 2000.

2. L'exécution financière des contrats Etat-régions par l'Etat

De 1994 à 1997, l'Etat a apporté 7,313 milliards de francs en autorisations de programme pour les opérations de construction de premier équipement et d'un reliquat de maintenance du schéma Université 2000. Il a ainsi supporté 68,1 % du financement de l'investissement auquel il s'était engagé dans les contrats Etat-régions.

Les variations observées d'une région à l'autre dans le rythme de réalisation financière tiennent au fait que le budget global voté en loi de finances n'est pas réparti mécaniquement au prorata des engagements contractés région par région. En effet, le ministère détermine le niveau de l'enveloppe annuelle qu'il attribue aux préfets de région en tenant compte de la nature des opérations, de leur caractère prioritaire et éventuellement de la programmation du financement de l'Etat avec celui des collectivités locales.

L'Etat a par ailleurs apporté 705 millions de francs d'autorisations de programme en 1994 et 1995 au titre d'opérations de construction ou de premier équipement inscrites au schéma " Université 2000 ", et non reprises dans les contrats Etat-régions, bien que non financées avant 1994, soit 6,5 % de l'enveloppe contractualisée.

3. L'exécution financière des contrats Etat-régions par les collectivités locales

De 1994 à 1996, les collectivités locales ont apporté 6,3 milliards de francs au financement des opérations de construction et de premier équipement. Elles ont financé 57 % des crédits inscrits aux contrats Etat-régions. Hors Ile-de-France et hors DOM-TOM, le taux d'exécution financière est de 61 % tandis qu'il est de 68 % dans les DOM-TOM et seulement de 48 % en Ile-de-France.

Le rythme de mise en place des financement varie de 20 % à 88 % selon les régions.

Les collectivités locales ont par ailleurs apporté 997 millions de francs de 1994 à 1996 au titre d'autres opérations de construction ou de premier équipement au bénéfice des établissements d'enseignement supérieur publics, soit 9 % de l'enveloppe contractualisée. La presque totalité de celles-ci correspondent à des opérations inscrites au schéma Université 2000 mais non reprises dans les contrats Etat-régions, bien que non financées avant 1994.

Enfin, de 1994 à 1996, les partenaires institutionnels de l'Etat et des collectivités locales -fonds européen de développement économique des régions, fonds national d'aménagement du territoire (FNADT)- et les établissements d'enseignement supérieur eux-mêmes ont apporté 838 millions de francs supplémentaires au financement des opérations des contrats Etat-régions. Le principal financement a été supporté par le FEDER.

4. Le prolongement du schéma Université 2000 : le plan " Université du 3e millénaire " (U3M)

Compte tenu des efforts effectués depuis le début des années 90, les besoins en locaux supplémentaires devraient être peu importants, à l'exception notable toutefois des universités parisiennes (intra muros et couronne ).

En revanche, l'effort de construction de surfaces documentaires nouvelles devra être poursuivi. A la démarche ouverte par le plan Université 2000 d'un accroissement du patrimoine devra succéder une politique de maintien et d'évolution du bâti qui impliquera la couverture de besoins de maintenance et de mise en sécurité ainsi que le financement d'opérations de restructuration et de réaménagement.

Pour la vie étudiante, d'importants besoins n'ont été que peu pris en compte par le plan Université 2000 et le XIe plan, axés principalement sur les locaux d'enseignement. Une réhabilitation massive du parc de logement étudiant, la réalisation d'installations sportives et culturelles et des aménagements de sites devront être privilégiés.

Devant la commission, le ministre a indiqué que le Plan " U3M " devrait permettre de relancer l'investissement universitaire alors que les crédits d'investissement inscrits dans les lois de finances précédentes n'avaient pas été dépensés du fait notamment de la lourdeur des procédures concernant les constructions universitaires.

Il a précisé que l'ouverture d'un milliard de francs supplémentaire d'autorisations de programme serait consacrée au démarrage du plan U3M.

Il a rappelé que, grâce au plan Université 2000 et à l'effort financier des collectivités locales, la province se trouvait désormais très en avance sur la capitale pour la qualité de ses équipements universitaires, la région Ile-de-France n'ayant financé que les universités nouvelles périphériques.

Il a également souligné que le schéma Université 2000 ne constituait pas un plan de développement complet des universités françaises mais n'était destiné qu'à remettre à niveau les constructions universitaires. Ce plan peut être considéré comme un succès, notamment pour les universités nouvelles de la région parisienne dont le principe avait pourtant été condamné par la DATAR et dont le développement a eu pour conséquence heureuse de réduire pour la première fois le nombre des étudiants dans Paris intra muros.

Ce plan a enfin permis d'engager un dialogue entre les universitaires et les élus locaux, les responsables universitaires étant désormais prêts à accepter que les conseils des universités comportent un conseil d'orientation.

Le ministre a enfin souhaité que les élus et les hommes de terrain soient associés à l'élaboration du nouveau plan " U3M " et que les régions participent davantage au développement des universités comme elles l'ont fait pour les lycées, ce qui implique notamment un allégement des procédures actuelles de construction et sans doute un réexamen de l'implantation de certains sites universitaires compte tenu de la réduction prévisible des effectifs étudiants.

5. L'implantation des sites universitaires envisagée dans le cadre de l'aménagement du territoire

a) La recherche d'une répartition équilibrée des sites universitaires sur le territoire national

La recherche d'une répartition équilibrée des formations d'enseignement supérieur sur le territoire national constitue une priorité pour le schéma sectoriel de l'enseignement supérieur et de la recherche prévu par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, comme pour les schémas régionaux de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Cette répartition devra tenir compte de la double évolution qui marque d'ores et déjà le système universitaire et qui va s'accentuer dans les dix prochaines années :

- arrêt de la pression démographique qui poussait à l'expansion du système universitaire ;

- constitution d'un espace éducatif européen qui crée une concurrence accrue entre les établissements universitaires les contraignant à développer des sites attractifs et bien équipés pour l'accueil des étudiants.

Si la création d'universités constitue un outil à prendre en considération pour une répartition équilibrée de l'enseignement supérieur sur le territoire national, d'autres perspectives peuvent également être envisagées dans certaines villes moyennes :

- le modèle des universités multipolaires déjà retenu par exemple pour les universités nouvelles de l'Artois, du Littoral, de Vannes-Lorient ;

- la création de structures administratives adaptées comme celles mises en place à Valence ou Bayonne.

Rappelant que le Sénat, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire avait souhaité que toutes les villes moyennes puissent accueillir une université de plein exercice, le ministre a indiqué devant la commission qu'une réflexion pourrait s'engager sur la place des universités dans l'aménagement du territoire prenant en compte notamment la dimension européenne et le rôle des collectivités locales.

Le souci de développement des villes moyennes doit en effet être pris en compte, mais ce développement devrait plutôt s'appuyer sur la délocalisation d'universités technologiques ou de " petites grandes écoles " regroupées débouchant sur des emplois.

Il a dénoncé, à cet égard, le coût de ces " petites grandes écoles ", leur nombre excessif, leur sous-utilisation et leur sous-équipement.

Il a indiqué que certaines universités de plein exercice délocalisées étaient confrontées à de grandes difficultés et que deux missions ont été confiées à l'Inspection générale pour établir un bilan des centres universitaires délocalisés.

Il a ainsi estimé que la délocalisation des premiers cycles universitaires n'était pas souhaitable tandis que la décentralisation des IUT peut être considérée comme une réussite lorsque les diplômes débouchent sur des emplois de proximité. En revanche, les IUT implantés dans de grands centres universitaires se caractérisent par un fort taux de poursuite d'études et peuvent être considérées comme des DEUG déguisés mais coûteux.

Il a enfin rappelé que la vocation de l'enseignement supérieur est de créer un savoir et de le transmettre, ce qui implique une capacité de recherche et d'innovation : le " maillage " universitaire ne doit donc pas être trop éclaté sauf à faire disparaître cette spécificité.

b) Le développement de l'enseignement supérieur dans les villes moyennes : des formations courtes pour des étudiants d'origine modeste

L'étude récente effectuée par l'association française des villes moyennes (AFVM) rappelle que les villes moyennes accueillent désormais plus de 10 % de la population étudiante dans 162 villes.

Depuis trois ans, le nombre des étudiants en villes moyennes a augmenté de 10 % alors que la croissance des effectifs au niveau national n'a été que de 3 %.

L'étude révèle que la moitié de ces étudiants optent pour des formations supérieures courtes, les STS et les IUT y représentant 47,5 % des effectifs étudiants. Sur les 92 IUT existants, 24 sont situés dans des villes moyennes et les STS accueillent le tiers de la population étudiante de ces villes contre 10,7 % au niveau national.

Par ailleurs, plus du tiers de ces étudiants souhaitent arrêter leurs études à bac + 2 et 47 % d'entre eux envisagent leur avenir professionnel dans le cadre de la région.

Il convient de rappeler que 41 villes moyennes seulement accueillent des 2e cycles et 15 et des 3e cycles.

Ces étudiants sont plus jeunes que la moyenne nationale (64 % ont vingt ans ou moins) et vivent le plus souvent chez leurs parents : 50 % de ces étudiants cohabitent avec leur famille contre 38,4 % sur l'ensemble du territoire.

Leur origine sociale est plus modeste : leurs parents sont deux fois moins nombreux à posséder un diplôme de l'enseignement supérieur, à disposer d'un revenu mensuel supérieur à 20.000 F, et à appartenir à la catégorie des cadres.

Ces résultats flatteurs constituent autant d'acquis pour que s'engage une réflexion sur l'avenir de l'enseignement supérieur dans les villes moyennes.

RÉPARTITION DES EFFECTIFS ÉTUDIANTS

Formations

Effectifs nationaux

Effectifs

Répartition

Villes moyennes

Enseignement supérieur universitaire 1 359 000 72 372 35,0 %
IUT 99 000 28 048 13,5 %
Ingénieurs * 25 980 5 938 2,9 %
IUFM 86 000 12 743 6,0 %
Classes préparatoires aux grandes écoles 76 500 9 460 4,6 %
Sections de techniciens supérieurs 231 000 89 817 34,0 %
Autres ** 285 780 8 292 4,0 %
Total 2 163 260 206 670 100,0 %

* Formation relevant du ministère de l'enseignement supérieur.

** Ecoles de commerce, facultés privées, écoles d'ingénieurs ne relevant pas du ministère de l'enseignement supérieur

c) Les observations de la commission

La commission tient d'abord à saluer les efforts accomplis par les collectivités pour financer la construction des bâtiments universitaires et même parfois pour indemniser les enseignants qui y sont affectés : si de grands centres universitaires se sont tenus à l'écart du plan Université 2000, certaines villes petites et moyennes ont financé avec difficulté un établissement universitaire ou para-universitaire qui pourrait contribuer à leur développement.

Elle souhaiterait également signaler une certaine ambivalence dans l'attitude de l'Etat qui, à la fois, sollicite la participation des collectivités locales à l'effort de construction des bâtiments universitaires et s'oppose par ailleurs à la création d'un certain type d'université, comme l'université thématique d'Agen, pourtant souhaité par les collectivités. Elle constate également que le plan Université 2000 appliqué aux villes moyennes s'est traduit souvent par un taux de réussite satisfaisant d'étudiants qui n'étaient pas spécialement préparés à entreprendre des études supérieures, ce qui pourrait inciter les présidents d'université à prendre en compte les souhaits des villes moyennes pour diversifier l'implantation de sites universitaires.

B. LES MESURES PRISES POUR ASSURER LA SÉCURITÉ DES BÂTIMENTS UNIVERSITAIRES

Dès 1995, le ministère a demandé aux établissements de consacrer 80 % de leurs crédits de maintenance aux opérations intéressant la sécurité, et d'accompagner cet effort par une mobilisation de leurs capacités d'autofinancement : plus de 600 millions de francs de travaux de sécurité ont été ainsi engagés en 1995.

Cette politique a été poursuivie et amplifiée en 1996, grâce aux 2 milliards de francs d'autorisations de programme ouverts en loi de finances rectificative en décembre 1995 pour la mise en sécurité du patrimoine universitaire.

Dans le cadre de ce budget spécifique, un plan quadriennal de mise en sécurité des établissement d'enseignement supérieur a été engagé.

1. Le bilan du plan quadriennal de mise en sécurité des établissements d'enseignement supérieur

a) Les besoins

Les établissements publics d'enseignement supérieur, les instituts universitaires de formation des maîtres et les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires pour ce qui concerne les restaurants universitaires, ont d'abord effectué un diagnostic de leurs besoins pour la mise en sécurité de leur patrimoine immobilier.

La majorité des travaux décrits correspondent d'abord aux prescriptions des commissions de sécurité : travaux de remise aux normes des installations électriques et travaux de mise en sécurité contre l'incendie.

Une partie significative des travaux qui doivent être réalisés permettrait aussi d'améliorer les conditions de l'activité universitaire et de la vie étudiante : sécurité améliorée des campus, mise en conformité des ateliers et des machines-outils pour les écoles d'ingénieurs, réfection des installations sportives, restructuration et mise en sécurité des amphithéâtres, mise aux normes d'hygiène des restaurants universitaires. Les interventions portent sur la totalité des types de bâtiments universitaires avec un effort particulier pour les bibliothèques universitaires et pour les amphithéâtres.

b) Le plan de financement

Après diagnostic et évaluation du besoin, un plan de financement a été négocié entre l'établissement et le ministère.

Outre la mobilisation d'une grande partie des crédits contractuels de maintenance, ce plan de financement arrête les crédits d'urgence proprement dits du plan sécurité) qui se compose d'un engagement de dépenses sur ressources propres de l'établissement et d'un engagement de couverture en subvention exceptionnelle.

c) Le bilan actuel

L'estimation des travaux à effectuer sur la durée du plan, hors traitement du campus de Jussieu, approche actuellement les 6 milliards de francs. Les ressources prévues en couverture (autofinancement, subventions de maintenance et de sécurité s'élèvent au total à 4,8 milliards de francs. Le déficit prévisionnel de financement est donc d'ores et déjà de l'ordre d'1,2 milliard de francs.

Le montant des travaux engagés en 1996 est de 920 millions de francs. Les négociations pour 1997 devraient permettre la programmation financière de 1,3 milliard de francs de travaux.

d) les précisions fournies par le ministre

Devant la commission, le ministre a indiqué que les universités de province construites dans les années 70 devront être rénovées ou rasées et reconstruites à l'instar des nouvelles universités comme celles d'Angers, Amiens, Le Havre qui n'ont rien à envier aux universités anglo-saxonnes.

Il a ajouté que 585 millions de francs seraient affectés à la mise en sécurité des établissements d'enseignement supérieur, et notamment des universités parisiennes qui sont dans un état de délabrement notoire.

2. La mise en sécurité des universités parisiennes

a) Les besoins

Le diagnostic et le chiffrage précis des besoins des universités parisiennes sont difficiles à établir du fait du grand nombre des implantations, du partage fréquent entre plusieurs établissements, et de l'inégale capacité des universités à fournir l'effort technique nécessaire.

On peut actuellement estimer à 800 millions de francs les travaux nécessaires à la remise en sécurité des locaux des universités de Paris intra-muros. L'ampleur du besoin résulte de la vétusté des locaux, de leur défaut d'entretien et de la surexploitation des bâtiments, ce qui suppose sur certains sites la mise en oeuvre d'opérations très lourdes.

La couverture financière d'une première tranche de travaux a été assurée en 1996 à hauteur de 120 millions de francs dont 66 millions de francs de subventions.

Il convient de rappeler que le projet de budget pour 1998 prévoit 585 millions de francs d'autorisations de programme principalement destinés à engager les opérations de sécurité des établissements parisiens et d'Ile-de-France.

b) L'opération engagée à l'université de Jussieu

Cette opération dont la maîtrise d'ouvrage appartiendra à l'établissement public du campus de Jussieu, créé par le décret du 17 avril 1997, ne sera pas seulement une opération de désamiantage, mais également de remise en sécurité et de rénovation de l'ensemble du campus.

Le site de Jussieu doit en effet devenir un véritable campus, qui rassemble et intègre des unités de formation et de recherche, et qui offre des conditions satisfaisantes de travail, de vie et même à terme de logement pour les étudiants.

Si le coût global, les modalités de financement et l'échéancier de cette opération restent à préciser, celle-ci a déjà été engagée.

Sur les 200 millions de francs d'autorisations de programme ouverts en loi de finances rectificative 1996, 73 millions de francs ont été engagés pour conclure les marchés de programmation et de maîtrise d'oeuvre et pour construire des locaux de substitution dont la réalisation permettra de démarrer, au début de 1998, le désamiantage de deux barres.

Par ailleurs, des mesures transitoires nécessaires à la protection des usagers ont été mises en oeuvre. Les travaux de confinement de l'amiante par pose d'une protection adéquate ont été réalisés sur l'ensemble du site pour un coût de 16 millions de francs. Dans l'état actuel des connaissances, le risque sanitaire est extrêmement faible dans les salles de cours, les laboratoires, les bureaux et les couloirs de Jussieu.

Les techniciens et ouvriers de service appelés à intervenir pour la maintenance du bâtiment peuvent cependant être exposés à des teneurs en amiante plus élevées et des moyens devraient être mis en oeuvre pour assurer leur protection.

Devant la commission, le ministre a estimé que la présence d'amiante à l'université de Jussieu ne présentait pas de danger immédiat mais a fait observer que la réfection de cet établissement qui connaît régulièrement des incendies en raison de la présence de nombreux laboratoires, s'effectuerait dans des conditions techniques difficiles du fait qu'il n'existe pas de substitut à l'amiante pour prévenir le risque d'incendie.

Déplorant le développement d'une psychose à l'égard de ce matériau et rappelant que le fait de respirer de la silice sur une plage n'expose pas à la silicose, il a indiqué que les Etats-Unis avaient connu une polémique de même nature, mais qu'on avait désormais renoncé à retirer systématiquement l'amiante des bâtiments en mettant en place une protection adaptée.

Il a également précisé qu'il ne souhaitait pas remettre en cause une réglementation prise dans une certaine précipitation et qui lui impose de procéder au désamiantage des constructions dont il avait la charge.

IV. LA RÉFORME DES AIDES AUX ÉTUDIANTS

Avant d'examiner les orientations du futur statut social étudiant, il convient de rappeler le système d'aides sociales actuellement attribuées aux étudiants.

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DES AIDES RÉSULTANT DE LA DÉMOCRATISATION DE L'UNIVERSITÉ

Afin de permettre aux étudiants issus des milieux moins favorisés de poursuivre leurs études, les aides financières ont connu une augmentation substantielle au cours des dix dernières années : alors que les crédits consacrés à l'action sociale en faveur des étudiants atteignaient 3,082 milliards de francs en 1987, ceux-ci se sont élevés à 8,238 milliards de francs en 1997 soit une progression de plus de 167 %. La part de l'action sociale dans le budget de l'enseignement supérieur est passée dans le même temps de 14,2 % en 1987 à 20,7 % en 1997.

Cette montée en puissance résulte certes d'une progression des effectifs étudiants au cours des dernières années mais aussi d'une augmentation de la part des étudiants d'origine modeste dans chaque cycle universitaire.

1. Les aides directes

Les aides directes se ventilent entre les bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux, les bourses sur critères universitaires et les aides individualisées exceptionnelles.

Après avoir augmenté pendant plusieurs années, le nombre de boursiers, toutes aides confondues, a fléchi entre 1995 et 1996, passant de 396.700 à 387.500. Cette baisse résulte de la stagnation des effectifs étudiants et du blocage des plafonds de ressources ouvrant droit à bourses depuis trois ans.

Pour l'année universitaire 1996-1997, la répartition des boursiers par échelon est la suivante :

1er échelon

2e

3e

4e

5e

Nombre de boursiers

48 464

58 276

52 685

48 902

165 912

Pourcentage

12,9 %

15,6 %

14,1 %

13,1 %

44,3 %

Taux de la bourse

7 164 F

10 746 F

13 842 F

16 948 F

19 314 F

L'attribution d'une bourse d'enseignement supérieur ne peut intervenir que si le candidat accède chaque année à un niveau d'études supérieur à celui déjà atteint. Toutefois, dans la limite des crédits prévus à cet effet, le recteur a la possibilité d'accorder une aide individualisée exceptionnelle.

Cette aide permet ainsi à des étudiants redoublants ou en situation de réorientation de continuer à bénéficier d'une aide financière. Elles sont attribuées sur l'initiative du recteur d'académie compte tenu de critères universitaires et au regard de la situation sociale et familiale de l'étudiant.

L'évolution du montant des bourses attribuées sur critères sociaux a été la suivante :

Échelon

1992-1993

1993-1994

1994-1995

1995-1996

1996-1997

1997-1998

1er échelon 6 390 F 6 588 F 6 912 F 7 020 F 7 164 F 7 308 F
2e échelon 17 244 F 17 756 F 18 648 F 18 936 F 19 314 F 19 692 F

Pour la rentrée 1997, les plafonds de ressources permettant d'obtenir une bourse ont été revalorisés de 1,9 % et les taux des bourses de 2 %.

Pour les dix dernières années, la proportion de boursiers a progressé de 16 à 21 % et les crédits relatifs aux bourses ont été multipliés par trois :


1987-88

1988-89

1989-90

1990-91

1991-92

1992-93

1993-94

1994-95

1995-96

1996-97

Nombre d'étudiants du MEN

1 131 732

1 205 236

1 304 952

1 404 153

1 531 908

1 624 187

1 724 142

1 762 719

1 803 062

1 789 395

Nombre de BCS/AIE

185 398

208 424

230 236

254 809

273 384

301 416

353 622

375 233

383 566

374 239

% de boursiers

16,4

17,3

17,6

18,1

17,8

18,6

20,5

21,3

21,3

20,9

Nombre de BCU

8 643

8 686

9 558

10 151

11 126

11 681

12 739

13 168

13 126

13 259

Budget année civile

2 029 MF

2 236 MF

2 768 MF

3 128 MF

3 599 MF

4 093 MF

4 750 MF

5 348 MF

5 768 MF

6 246 MF

6 47 MF

Taux de croissance

88-89

89-90

90-91

91-92

92-93

93-94

94-95

95-96

96-97

Sur 3 ans

Sur 5 ans

Sur 10 ans

Nombre d'étudiants du MEN

6,5 %

8,3 %

7,6 %

9,1 %

6 %

6,1 %

2,2 %

2,3 %

- 0,7 %

3,8 %

16,8 %

58,1 %

Nombre de BCS/AIE

12,4 %

10,5 %

10,7 %

7,3 %

10,2 %

17,3 %

6,1 %

2,2 %

- 2,4 %

5,8 %

36,9 %

101,8 %

Budget

10,2 %

23,8 %

13 %

15 %

13,7 %

16 %

12,6 %

7,8 %

8,3 %

31,5 %

73,5 %

207,8 %

2. Les aides indirectes

Depuis cinq ans, les aides indirectes aux étudiants ont augmenté dans des proportions sensibles, notamment concernant les capacités d'hébergement et de restauration. Lors de la dernière année universitaire, 150.000 étudiants étaient ainsi logés en résidences universitaires ou dans des foyers agréés et 73 millions de repas ont été servis grâce aux 181.000 places offertes dans les restaurants universitaires.

a) Les restaurants universitaires

Le tableau ci-après établit le bilan du fonctionnement des restaurants universitaires depuis 1992 :

Année

Nombre de repas étudiants (*)

Subvention restauration

Prix du ticket au 1er janvier

1992

71 804 619

509 200 000 F

11,50 F

1993

72 490 933

527 200 000 F

12,00 F

1994

72 132 223

553 750 000 F

12,30 F

1995

67 990 715

567 020 000 F

12,70 F

1996

66 605 478

564 720 000 F

13,20 F

1997

66 750 000

564 720 000 F

13,70 F

1998

67 350 000

564 720 000 F

14,10 F

(*) pour 1997 et 1998, prévisions au 1er août 1997

b) Les résidences universitaires

Le potentiel d'accueil des étudiants en matière de logement est constitué :

- de logements traditionnels dont l'entretien et le fonctionnement font l'objet d'une subvention de l'Etat (environ 98.500 chambres classiques et près de 1.500 logements dans les foyers agréés) ;

- de studios et d'appartements nouvellement construits (en application de la loi du 18 juillet 1985) et répondant aux normes actuelles de confort.

L'équilibre financier de cette dernière catégorie de logements, qui ouvrent droit à l'aide personnalisée au logement, est assuré par les seules recettes provenant des étudiants.

Une subvention d'hébergement et d'accueil d'un peu plus de 194 millions de francs devrait être attribuée en 1998 au titre du fonctionnement des résidences universitaires ; 252 millions de francs sont en outre affectés à la maintenance ainsi qu'au fonds de contractualisation, créé en 1996 et consacrés pour leur plus grande partie à la rénovation du patrimoine immobilier des oeuvres universitaires.

3. Les crédits prévus pour 1998 en faveur des aides aux étudiants

Le total des crédits consacrés aux aides en faveur des étudiants devrait représenter pour 1998, hors mesures nouvelles, 8,289 milliards de francs, soit une progression de 0,6 % par rapport à 1997.

Sur ce total, les dépenses d'hébergement s'élèveraient à un peu plus de 201 millions de francs, les dépenses de restauration à près de 565 millions de francs, les dépenses de bourses à 6,527 milliards de francs (+ 0,68 %) et les prêts d'honneur à 26 millions de francs.

B. DE NOUVELLES ORIENTATIONS EN MATIÈRE D'AIDE SOCIALE AUX ÉTUDIANTS

1. Le caractère " anti-redistributif " du système actuel : le rapport Cieutat

En janvier 1997, M. Bernard Cieutat, conseiller à la Cour des Comptes, a remis au ministre un rapport dressant un état précis de l'effort de la nation en direction des étudiants.

Les aides attribuées par le ministère en charge de l'enseignement supérieur (bourses diverses, prêts d'honneur, financement des oeuvres universitaires, aides aux associations étudiantes, compensation aux établissements de l'exonération des droits d'inscription accordée aux boursiers) ne représentent que 35 % du total.

Les étudiants bénéficient également d'aides directes accordées par d'autres ministères. Il s'agit principalement des aides au logement qui dépendent respectivement du ministère du logement et du ministère des affaires sociales et des aides fiscales du ministère du budget (réduction d'impôt et majoration du quotient familial).

Les prestations versées sous condition de ressources (bourses, APL et exonérations des droits d'inscription pour les boursiers) ne représentent que 30 % de l'ensemble.

A l'inverse, les autres aides profitent soit à l'ensemble des étudiants (ALS, oeuvres universitaires), soit aux foyers imposables et donc davantage aux revenus élevés (aides fiscales).

Il en résulte qu'un étudiant issu d'une famille déclarant plus d'un million de francs de revenus est davantage aidé que celui d'une famille touchant le SMIC et près de deux fois plus que celui d'une famille déclarant un salaire net de 140.000 francs.

La répartition des divers types d'aides est indiquée dans le tableau ci-après :

Types d'aides

Nombre de bénéficiaires

Budget

Ministères concernés

Bourses sur critères sociaux

353 000

)

Bourses sur critères universitaires

13 000

6,5 milliards

) Enseignement supérieur

Prêts d'honneur

2 800

)

Oeuvres universitaires

2 000 000

1,9 milliard

Enseignement supérieur

Concours divers

0,85 milliard

Allocation logement (ALS)

512 000

4,6 milliards

CNAF - Aff. sociales

Allocation logement (APL)

120 000

0,75 milliard

Équipement

Déficit de la S.S. (régime étudiant)

2 000 000

2,7 milliards

Affaires sociales

Déductions fiscales

environ 800 000

9,3 milliards

Budget

TOTAL

26,6 milliards

Source : Rapport Cieutat

2. Les orientations du gouvernement

Lors de son discours de politique générale du 19 juin 1997, le Premier ministre a annoncé la mise en place d'un plan social étudiant qui permettra à tous de travailler dans des conditions matérielles convenables.

Le champ de ce plan social couvre non seulement les aides financières directes et indirectes mais aussi les différents secteurs de la vie de l'étudiant : logement, restauration, santé, citoyenneté, sport, culture.

Une concertation a été engagée avec les organisations étudiantes représentatives, les mutuelles étudiantes, les présidents d'université, les syndicats, les parents d'élèves. Les autres ministères concernés (économie, finances et industrie, emploi et solidarité, défense, équipement, transport et logement, agriculture et pêche) devraient être associés au plan social étudiant.

Un rapport d'étape devait être établi au moment de la rentrée universitaire.

Un document synthétisant l'ensemble des contributions accueillies par le groupe de travail consacré au statut étudiant devait être présenté à la fin du mois d'octobre et une table ronde devrait réunir début novembre l'ensemble des parties prenantes.

Si deux tendances se dégagent sur ce thème (allocation d'études pour tous ou système redistributeur), le réaménagement des aides fiscales et des aides au logement suppose une concertation entre les ministères concernés et des mesures de caractère législatif.

3. Les observations de la commission

Devant la commission, le ministre a indiqué que la préparation du plan social étudiant, qui n'avait pas été assorti d'un financement par le précédent gouvernement, avait déjà fait l'objet d'une cinquantaine de réunions de travail, et qu'il souhaitait associer la commission à la préparation de ce plan en l'invitant à entendre le président du groupe de travail sur le plan social étudiant.

Il a précisé que le Parlement sera invité à examiner les principales orientations du futur statut étudiant lors d'un débat qui sera organisé au printemps prochain.

Votre commission s'interroge sur la nécessité de reprendre à zéro une concertation qui avait été engagée par le précédent gouvernement sur ce thème dans le cadre de la procédure dite des états généraux de l'université et qui avait abouti à la création d'un groupe de travail " vie de l'étudiant " compétent pour examiner la mise en place d'un statut social, d'une allocation d'études et la réforme des CROUS.

Elle tient à rappeler à cet égard les orientations qui avaient été annoncées le 18 juin 1996 par le précédent gouvernement concernant les grandes orientations du statut de l'étudiant :

- une allocation sociale d'études devait être proposée aux nouveaux étudiants entrant à l'université en 1997, sa mise en place devant être progressive ;

- cette allocation sociale d'études se serait substituée aux aides existantes et devait permettre de définir un nouveau cadre plus équitable, le système actuel étant jugé trop complexe et peu transparent, mais aussi d'unifier l'ensemble des prestations sociales aujourd'hui servies aux étudiants ;

- cette allocation devait prendre en compte les revenus de la famille, l'éloignement de la résidence de l'étudiant du site universitaire choisi, certains critères pédagogiques et ne devait pas être cumulable, au plan fiscal, avec le maintien de la demi-part fiscale étudiante ;

- les nouvelles modalités d'attribution des aides sociales aux étudiants devaient par ailleurs s'inscrire dans le cadre d'une réflexion générale sur la réforme de la fiscalité ;

- la refonte générale des aides sociales directes (bourses, prêts d'honneur, ALS) et indirectes (réduction d'impôt pour les enfants inscrits dans l'enseignement supérieur, demi-part fiscale pour les étudiants à charge) avait également pour objet de recibler ces aides sur les familles " moyennes ".

Votre commission estime ainsi qu'une réflexion approfondie a déjà été engagée sur le statut étudiant et que celle-ci devrait permettre d'accélérer la préparation du futur plan social étudiant. Elle souhaiterait que le débat parlementaire prévu au printemps sur ce thème laisse au Parlement la possibilité de procéder à un arbitrage entre les orientations qui lui seront proposées et que la représentation nationale n'ait pas seulement à approuver un plan qui conditionne le devenir de nos étudiants et de notre université.

Votre commission ne peut enfin que s'inquiéter de l'initiative récemment prise par les services fiscaux qui demandent désormais aux étudiants d'acquitter la taxe d'habitation alors qu'ils n'y étaient pas assujettis jusqu'à présent. Ce changement annonce-t-il les nouvelles mesures du statut social étudiant ?

V. LES NOUVELLES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT EN FAVEUR DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Ces nouvelles orientations concernent notamment la formation continue à l'université, la prise en compte de la dimension internationale de l'enseignement supérieur et l'ouverture des grandes écoles.

Certaines devraient faire l'objet de tables rondes qui ont d'ores et déjà engagé leurs réflexions.

Il conviendra également de s'interroger sur la perspective d'une réforme générale des études médicales.

A. LE DÉVELOPPEMENT DE LA FORMATION CONTINUE À L'UNIVERSITÉ

1. Des capacités sous utilisées

En application de la loi de 1971, les établissements d'enseignement supérieur se sont engagés dans la voie de la formation professionnelle continue.

Au cours de l'année universitaire 1994-1995, 272.000 stagiaires étaient ainsi inscrits dans les services de formation continue des universités, des écoles d'ingénieurs, du Centre national des arts et métiers, générant un " chiffre d'affaires " de l'ordre de 1,2 milliard de francs.

En dépit des efforts accomplis par les établissements pour accueillir des publics variés (salariés, demandeurs d'emploi...), valider les acquis professionnels, aménager les cursus, recourir aux nouvelles technologies, la formation continue dispensée par les universités ne joue qu'un rôle limité et n'assure que 15 % des formations de niveau I et II et 8 % des formations de niveau III.

Dans la perspective de la mise en place d'une formation permanente tout au long de la vie active, et même au-delà, le système universitaire doit développer son action de formation professionnelle continue et ainsi contribuer à favoriser les allers et retours qui seront de plus en plus nécessaires entre l'université et les entreprises.

2. Les propositions du ministre

Afin de favoriser la création de projets de développement de la formation continue, le ministre a lancé un concours auprès des établissements et a indiqué qu'un appel d'offres venait d'être lancé auprès de grandes entreprises pour organiser cette formation dans les universités.

Ce concours devrait :

- porter sur les formations diplômantes en introduisant les mécanismes de validation des acquis prévus par la loi de 1992 et en privilégiant le recours aux nouvelles technologies ;

- proposer des aménagements quant à l'organisation des établissements pour accueillir en permanence des stagiaires pendant toute la durée de l'année civile ;

- faire appel à des personnels intervenant en formation continue sur leur temps normal de service.

Dès la fin de l'année 1997, une dizaine de projets devraient être retenus et bénéficier d'une aide financière, ces projets devant réserver une place importante à la validation des acquis professionnels.

Le ministre a indiqué que l'objectif du gouvernement était de faire en sorte que tous les diplômes accessibles en formation initiale puissent être obtenus dans le cadre de la formation continue.

Il a cependant regretté devant la commission que certaines universités aient pris l'habitude de placer les ressources qu'elles tirent notamment de la formation continue, alors que cet argent devrait venir en atténuation de leurs dépenses de fonctionnement supportées par l'Etat.

Si votre commission manifeste son accord avec cette orientation qui consiste à associer davantage l'université à la formation continue, et donc à adapter ses formations aux besoins des entreprises, elle tient cependant à souligner la nécessité de prendre en compte ces tâches de formation dans l'évaluation des enseignants au même titre que les activités pédagogiques, de recherche, d'encadrement, d'animation et de direction des établissements.

Elle a en effet cru déceler une certaine réticence des universitaires à prendre en charge cette formation continue parce que celle-ci n'était pas prise en compte pour le déroulement de leur carrière.

B. LE DÉVELOPPEMENT DE LA DIMENSION INTERNATIONALE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1. L'ouverture actuelle de l'enseignement supérieur français vers l'extérieur

Depuis quelques années les établissements d'enseignement supérieur et l'Etat ont engagé un effort d'ouverture sur l'extérieur, notamment par le biais de partenariats de diverses natures.

a) Le réseau des instituts culturels français à l'étranger

Les instituts culturels français à l'étranger sont des services extérieurs du ministère des affaires étrangères. Leur réseau peut dispenser, pour le compte d'universités françaises auxquelles ces instituts sont liés par convention, des cours de DEUG ou même de licence à des étudiants étrangers. Ce système existe essentiellement dans les pays de l'Union européenne.

b) Les programmes européens

Les programmes Socrates, Leonardo, Lingua et Tempus sont destinés à favoriser la mobilité des étudiants et permettent de valider les périodes d'études passées à l'étrangers dans le pays d'origine.

c) Une politique d'échanges

Dans le cadre européen, se sont développés de nombreux accueils croisés d'étudiants, des cursus intégrés sanctionnés par des validations mutuelles, des diplômes à double sceau, des réseaux d'établissement.

d) Les co-tutelles de thèse

Les co-tutelles de thèses permettent à un étudiant français ou étranger de se déplacer pour préparer une thèse sous la double direction d'un professeur français et d'un professeur étranger, de la soutenir devant un jury mixte et de bénéficier d'un doctorat reconnu dans l'un et l'autre des établissements liés par de telles conventions.

Cette procédure donne lieu à appel d'offres et bénéficie d'allocations spécifiques. Elle constitue un moyen de créer des liens durables entre enseignants-chercheurs, jeunes chercheurs et laboratoires.

e) La mise en place de filières d'enseignement " en français "

Dans un certain nombre de pays, notamment ceux de l'Europe de l'Est, ceux de la " francophonie " et ceux du champ de la coopération, des filières d'enseignement supérieur en français sont progressivement installées au sein d'établissements étrangers inter-universitaires. Les domaines les plus concernés sont le droit, l'administration, la gestion, certains enseignements techniques à la suite d'accords passés entre écoles d'ingénieurs.

Il s'agit d'assurer à des étudiants étrangers des enseignements en français donnés par des professeurs français ou locaux, encadrés dans un premier temps par des enseignants français. Ces opérations mobilisent des moyens relevant à la fois du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'éducation nationale : bourses, délégations, consortium d'universités... Certaines de ces filières sont en voie de création en Russie, en Roumanie, en Turquie, au Liban et constituent un investissement de formation dans la durée, intégrant contenu scientifique et apprentissage linguistique.

f) Les formations technologiques courtes

En matière de formation technologique courte, la France dispose d'un savoir-faire qu'elle exporte vers de nombreux pays notamment du Maghreb, de l'Amérique latine et du Proche-Orient.

La plupart de ces actions passent par les établissements d'enseignement supérieur, le ministère jouant d'abord un rôle de médiation et d'impulsion et sont fréquemment co-financées par le ministère des affaires étrangères et le secrétariat d'Etat à la coopération.

2. Les orientations du gouvernement

Dans de multiples interventions, le ministre a exprimé le souhait de placer la France sur le " marché " mondial de l'éducation en développant la coopération internationale mais aussi en ouvrant l'enseignement supérieur sur l'étranger. Il a souligné l'émergence d'un marché mondial de l'éducation dans lequel la France pouvait être à même de diffuser son savoir-faire. Il a rappelé que les crédits de coopération du budget du ministère de l'éducation nationale s'élevait à 7 milliards de francs, contre 10,5 milliards pour celui des affaires étrangères, mais a souligné que nos efforts étaient trop dispersés et souffraient de rigidités dans les procédures administratives. Il a ainsi annoncé la création prochaine au sein du ministère d'une agence pour la coopération internationale autonome, qui sera chargée de faire connaître l'offre française en matière de formation et de recherche. Il a par ailleurs mis l'accent sur la nécessité d'ouvrir davantage les universités françaises aux enseignants et aux étudiants étrangers et a proposé aux premiers un système d'échanges permettant à des universitaires étrangers d'enseigner plusieurs mois en France et aux seconds un système plus rigoureux d'admission préalable, avec tests sur leurs capacités universitaires, assorti de procédures moins tatillonnes une fois l'inscription acceptée. Il a souhaité augmenter jusqu'à un tiers du total la proportion des étudiants étrangers dans les grandes écoles, afin de faciliter à l'avenir l'obtention de marchés à travers le monde.

Il a également évoqué une future université européenne, c'est-à-dire un système d'harmonisation des études avec une trame commune, permettant aux étudiants et enseignants de passer d'une université à l'autre et a annoncé la tenue d'un colloque international sur ce thème à Paris au printemps prochain.

Soulignant enfin l'importance croissante du marché international de l'éducation qui se traduit par un nombre élevé d'appels d'offres internationaux pour des écoles, des universités ou la fourniture de manuels scolaires, il a estimé qu'il s'agissait moins désormais d'apporter une aide au développement que d'attendre de légitimes retours financiers en contrepartie de l'effort réalisé.

C. VERS UNE OUVERTURE DES GRANDES ÉCOLES ?

1. Le rapprochement des universités et des grandes écoles

Par lettre du 21 juillet 1997, le ministre a confié à M. Jacques Attali une mission de réflexion et de propositions sur le rapprochement des universités et des grandes écoles, qui devrait préserver l'originalité des deux structures, ce rapprochement devant concerner la recherche, l'enseignement, les diplômes et la mobilité des enseignants.

Consulté par le Président de votre commission, le 5 novembre 1997, M. Jacques Attali lui a indiqué la liste des personnalités désignées pour engager cette réflexion, le calendrier et les axes de travail de cette mission et s'est proposé d'exposer ses premières orientations devant la commission au début de l'année prochaine, son rapport devant être publié au cours du deuxième trimestre 1998.

2. Une plus grande ouverture des écoles aux diplômés des filières technologiques et aux étudiants étrangers

Dans la perspective d'une revalorisation de la filière technologique, le ministre a souhaité que les grandes écoles s'ouvrent davantage aux bacheliers technologiques.

Il convient de rappeler que la réforme des classes préparatoires aux grandes écoles, initiée à la rentrée 1995 en classe de première année et à la rentrée 1996 en classe de deuxième année, leur assure normalement un débouché en classes préparatoires et un accès aux écoles d'ingénieurs ; il est prévu en outre d'étendre le champ des classes réservées aux titulaires de BTS et de DUT qui préparent le concours à certaines écoles d'ingénieurs.

Le ministre a souhaité devant la commission que le quart des entrants de l'Ecole polytechnique soient issus des filières technologiques, mais cet objectif suppose que les écoles les plus prestigieuses acceptent de recruter des élèves en provenance de ces formations, ce qui n'est pas le cas actuellement.

En cas de résistance de celles-ci à l'ouverture aux bacheliers technologiques, et aussi aux étudiants étrangers il n'a pas exclu un recours éventuel à la loi. Il a dénoncé en particulier l'organisation actuelle des concours d'entrée dans les grandes écoles pour les étrangers qui porte sur des épreuves de français trop difficiles favorisant à l'excès les étudiants francophones, ces épreuves devant, selon lui, être reportées, au cours de la scolarité. Il a par ailleurs indiqué que les étudiants étrangers seraient sans doute disposés à acquitter des droits d'inscription plus élevés dans nos établissements, un enseignement payant étant gage de qualité, et a noté à cet égard la désaffection des étudiants étrangers pour les universités allemandes qui sont gratuites.

Votre commission constate avec satisfaction que certaines des propositions formulées par sa mission d'information sur l'orientation des étudiants des premiers cycles universitaires, et concernant l'orientation des diplômés de la voie technologique, ont été prises en compte par le gouvernement : elle rappelle à cet égard que la mission préconisait une ouverture plus large des CPGE aux bacheliers technologiques (mais aussi des IUT et des STS) selon des quotas qui seraient fixés au niveau académique, un accès plus large des diplômés de la filière technologique aux grandes écoles existantes et aussi la création de grandes écoles spécifiques dans la filière technologique.

D. VERS UNE RÉFORME DES ÉTUDES MÉDICALES ?

Constatant les imperfections du système d'études médicales, le précédent gouvernement a confié aux professeurs Mattéi, Chabot et Etienne le soin de rédiger un rapport et de formuler des propositions de réforme.

1. Un constat alarmant

Les auteurs du rapport constatent que les facultés de médecine souffrent manifestement d'un statut hybride, entre université et école professionnelle et comporte un système de sélection qui n'a nulle part ailleurs son équivalent.

Ils estiment que la formation des médecins est inadaptée, obsolète, voire même parfois contraire aux intérêts de la santé publique.

Ils soulignent en particulier la singularité et le cloisonnement excessif de la formation médicale qui interdisent en fait la réorientation des étudiants ayant échoué au concours vers d'autres professions de santé. Ils rappellent en outre que les modalités de la sélection des études de médecine conduisent au rejet de près de neuf étudiants sur dix. Ils considèrent également que la formation des futurs médecins est inadaptée en termes de maîtrise des méthodes de travail, d'éthique, de déontologie, de formation clinique.

Ils observent enfin que le dispositif d'accès au concours de l'internat conduit la majorité des futurs généralistes à être sélectionnés par l'échec, constatent l'impossibilité d'une réorientation en cours d'étude ou de reconversions professionnelles pour les étudiants et concluent à l'inadaptation de la formation scientifique des futurs hospitalo-universitaires en fin de cursus.

2. Les propositions du rapport

Le rapport propose notamment :

- d'instaurer un DEUG santé qui clôturerait le premier cycle des études médicales ;

- de créer des universités de santé qui regrouperaient l'ensemble des formations de santé ;

- d'ouvrir davantage le 2e cycle sur des formations pluridisciplinaires validées par des tests d'évaluation ;

- de réformer le concours de l'internat en instaurant un classement dans trois nouvelles filières : médecine spécialisée, chirurgie, médecine générale.

S'agissant du DEUG santé, celui-ci remplacerait l'actuel PCEM1 qui est redoublé par nombre d'étudiants et serait attribué à ceux qui auraient obtenu la moyenne, ce cursus du DEUG santé permettant également un classement autorisant les étudiants à s'orienter en médecine en fonction de leur rang et des places disponibles.

S'agissant de l'internat, les auteurs proposent que celui-ci soit obligatoire et qu'au terme de l'épreuve de classement, chaque candidat puisse choisir sa filière de 3e cycle en fonction des possibilités offertes par son rang de classement, et ait la possibilité de se présenter à deux reprises, au moins.

Votre commission souhaiterait obtenir des précisions sur l'état de la réflexion du gouvernement concernant la réforme des études médicales et de la position du ministre en charge de l'enseignement supérieur.

E. LES DIVERSES TABLES RONDES MISES EN PLACE DANS LE DOMAINE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Outre la concertation déjà évoquée concernant la préparation du plan social étudiant et la mission de réflexion sur le rapprochement des universités et des grandes écoles, le ministère de l'enseignement supérieur a engagé une concertation en créant diverses tables rondes sur les points suivants :

1. Les mesures concernant les personnels administratifs et techniques

Créée en juin dernier, la table ronde sur les personnels non-enseignants (IATOS) s'est réunie le 9 octobre 1997.

D'ores et déjà, elle a annoncé un certain nombre de mesures relatives à l'organisation d'une première session du concours interne pour aboutir à la titularisation des personnels en situation précaire et à la création d'emplois en 1998 dans l'enseignement scolaire et supérieur ainsi que dans la recherche.

2. L'emploi des jeunes chercheurs scientifiques

Une première réunion s'est tenue en juillet, associant 60 experts d'horizons divers. Les participants ont dressé une première liste de sujets à traiter au sein de quatre groupes de travail portant sur l'emploi des jeunes docteurs dans l'entreprise, l'emploi dans l'enseignement supérieur et la recherche publique, la condition des doctorants et la mobilité au cours de la carrière ultérieure. Des propositions devaient être faites dans le courant du mois d'octobre.

3. Les stages diplômants

Pour développer les relations entre étudiants et monde professionnel, une table ronde sera organisée sur les stages afin d'aboutir à la constitution d'une charte permettant de développer les stages tout en assurant le respect de certains principes : un stage ne doit pas remplacer un emploi, il doit être rémunéré et se dérouler en dehors des horaires de cours.

Au début de l'année 1997, votre commission a entendu quelque quinze personnalités sur les " stages diplômants ", le compte rendu de ces auditions ayant donné lieu à un rapport d'information 1( * ) .

Elle tient à rappeler que l'unité d'expérience professionnelle (UEP) est un stage validé dans un cursus qui se substitue à un enseignement. Créée par l'article 7 de l'arrêté du 9 avril 1997 relatif au Deug, à la licence et à la maîtrise, elle s'adresse à des étudiants de deuxième cycle de l'enseignement général.

Principale mesure annoncée à l'issue de la conférence nationale sur l'emploi des jeunes du 10 février 1997, l'UEP a pour origine la proposition de M. Pineau Valencienne de créer des " stages diplômants " pour les étudiants. S'intégrant dans un panorama diversifié de dispositifs d'aide à l'insertion des étudiants (stages, alternance, modules de professionnalisation, étudiants salariés), elle a pour objectif de faciliter l'insertion des étudiants de second cycle de l'enseignement général.

D'une durée de 4 mois et demi, l'UEP est une unité " au choix " de l'étudiant se substituant à un enseignement, sous forme de stage en entreprise, placée sous la responsabilité de l'université et de l'entreprise et validée par l'université.

Sa mise en oeuvre suppose des adaptations de la législation sur les stages (un texte est en préparation avec le ministère de l'emploi et de la solidarité) ainsi qu'une concertation au plan local entre universités et milieux socio-professionnels.

4. L'avenir des filières sportives

Compte tenu du développement des STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), cent postes de PRAG ont été mis à la disposition de ces filières à la rentrée 1998. A la fin du mois d'octobre, une table ronde devait être créée afin d'examiner le fonctionnement de cette filière et ses débouchés professionnels.

*

* *

Avec une augmentation deux fois supérieure à celle du budget général de l'Etat, le projet de budget de l'enseignement supérieur est présenté par le gouvernement comme traduisant la priorité accordée à la formation de nos étudiants et consacrant une rupture par rapport aux exercices précédents.

Votre commission tient à nuancer cette présentation en rappelant d'abord, sur un plan général, que l'effort de la nation, en faveur de l'enseignement supérieur, tous financements confondus, place notre pays dans une position très moyenne par rapport aux pays de l'OCDE : est-il normal qu'un pays ne consacre pas plus de moyens à la formation de ses étudiants qu'à l'équilibre financier des transports ferroviaires ?

Elle regrette ensuite que le redéploiement qui avait été amorcé dans le budget précédent entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur ait été interrompu. Elle considère, par ailleurs, qu'un budget en augmentation n'est pas nécessairement un bon budget s'il n'est pas convenablement géré : peut-on se satisfaire à cet égard d'un taux d'échec en premier cycle qui touche 40 % des étudiants, d'une sélection qui n'ose pas dire son nom mais qui est en fait de plus en plus la règle dans notre système universitaire, de l'inadaptation d'une bonne part de nos formations supérieures aux besoins de l'économie, de l'absence quasi totale d'évaluation des enseignants et des établissements d'enseignement supérieur, de l'inégalité qui devient la règle entre les universités selon leur nature et leur implantation, de dérives comme celles qui ont été constatées par l'Inspection générale dans l'utilisation des heures complémentaires, d'un système coûteux d'aides sociales qui n'assure pas sa fonction de redistribution entre les étudiants favorisés et ceux qui le sont moins ?

On a salué ensuite, à juste titre, les efforts engagés par l'Etat, et aussi par les collectivités territoriales, en matière de construction universitaire : encore faut-il rappeler que cette politique devrait être accompagnée d'un effort parallèle en matière de fonctionnement des universités ; le plan Université 2000 s'est en effet traduit, à cet égard, par une baisse du budget de fonctionnement de chaque établissement.

Votre commission considère ainsi que le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 1998 ne marque aucune inflexion notable par rapport à ceux qui l'ont précédé depuis le début des années 90.

Elle déplore aussi que les réformes annoncées et amorcées par le précédent gouvernement, avec l'appui unanime de toutes les composantes de la communauté universitaire, aient été remises en cause.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors d'une réunion tenue le 19 novembre 1997, la commission des affaires culturelles a examiné le rapport pour avis de M. Jean-Pierre Camoin sur les crédits de l'enseignement supérieur inscrits au projet de budget pour 1998.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Jacques Legendre a souhaité que le rapport de la commission consacre des développements aux conséquences de la baisse démographique pour l'enseignement supérieur et a souligné la nécessité de programmer les constructions universitaires en fonction des besoins et d'utiliser les bâtiments existants de manière satisfaisante.

M. Roger Quilliot a également estimé que l'évolution des effectifs étudiants devait être prise en compte pour évaluer les besoins en locaux universitaires et en emplois.

Il a dénoncé l'archaïsme des bibliothèques universitaires, où les étudiants n'ont pas, comme en Allemagne et aux Etats Unis, libre accès aux ouvrages, sous réserve d'un contrôle effectué à l'entrée et à la sortie des bibliothèques. A propos de l'inflation des effectifs dans les filières de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), il s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable d'établir un numerus clausus pour l'accès à ces filières, comme il en existe d'ailleurs dans les IUFM, et il a estimé que l'attrait des étudiants pour les filières STAPS pouvait être comparé à celui éprouvé pour la sociologie après 1968.

Se fondant sur son expérience personnelle, il a rappelé que les maîtres assistants n'avaient normalement pas vocation à se livrer à des activités de recherche et a estimé que le recrutement des professeurs agrégés dans l'enseignement supérieur ne risquait pas de conduire à une secondarisation de l'université. Il a, en revanche, déploré que certains professeurs d'université se déchargent de leurs cours sur les professeurs agrégés.

S'agissant de l'évaluation des enseignants chercheurs, il a souligné la nécessité de modifier les pratiques actuelles, de contrôler la ponctualité et la présence des enseignants, et a noté que l'évaluation ne devait pas être fondée sur la rumeur ni la renommée. A cet égard, il a estimé que le système américain de notation par les étudiants, qui " votent aussi avec leurs pieds ", pouvait présenter un intérêt.

Il a constaté que de trop nombreux locaux universitaires étaient sous utilisés et a souhaité que leur utilisation soit contrôlée par les directeurs des unités de formation et de recherche et même par les recteurs chanceliers. Il a par ailleurs dénoncé l'inflation incontrôlée des " thésards " dans de nombreuses disciplines, notamment en philosophie, qui est source d'aigreur et de déception pour les intéressés.

A propos des aides aux étudiants, il a rappelé que les aides au logement des étudiants représentaient quelque 7 milliards de francs et qu'un aménagement raisonnable du système pourrait consister à offrir aux étudiants et à leur famille, comme dans d'autres pays européens, un choix entre les aides directes et les avantages fiscaux, au lieu de cumuler les deux avantages, et à appliquer progressivement ce nouveau régime en commençant par les nouveaux étudiants, ce qui permettrait de réaliser des économies de l'ordre de 4 milliards de francs sur les dépenses d'hébergement des étudiants.

M. Franck Sérusclat a fait observer que le ministre actuel n'avait pas pu reprendre les réformes de son prédécesseur parce que celles ci n'avaient pas été chiffrées et n'étaient pas assorties des crédits nécessaires à leur mise en oeuvre, et que les moyens prévus par le projet de budget tenaient compte de l'évolution des effectifs étudiants. Il a par ailleurs contesté l'estimation faite par le rapporteur pour avis de l'importance des emplois précaires dans l'enseignement supérieur, et a estimé que la conclusion du rapport était inspirée par une position de principe.

Soulignant le rôle joué par les collectivités locales dans la réussite du plan " Université 2000 ", M. Philippe Richert a indiqué que l'effort qu'elles avaient consenti s'était aussi traduit par une détérioration de la situation fiscale de nombre d'entre elles. Il a estimé inacceptable que les collectivités territoriales soient à nouveau sollicitées pour financer le prochain plan "U3M " et a affirmé son refus d'entrer dans une logique destinée à pallier le désengagement de l'Etat. Rappelant que les contraintes qui pèsent sur le budget des collectivités locales sont au moins aussi importantes que celles qui pèsent sur le budget de l'Etat, il a refusé ce nouveau transfert de charges et indiqué qu'il se rangerait à la position proposée par le rapporteur pour avis.

M. André Maman a jugé dépassées les oppositions de principe à la sélection à l'entrée dans l'université, qui pourrait être un bon système si elle était bien faite et s'accompagnait d'une véritable politique d'orientation. Il a également estimé qu'il serait difficile d'en rester à la gratuité des études supérieures, soulignant que l'octroi de bourses pouvait permettre d'assurer l'égalité d'accès à un enseignement supérieur payant. Il a préconisé une participation des entreprises privées au financement des universités, qui devrait selon lui être sans influence sur le contenu des enseignements, en estimant anormal que les grandes entreprises profitent gratuitement des diplômés.

Il a également suggéré que les locaux universitaires soient utilisés tout le long de l'année civile en s'ouvrant notamment à des activités non universitaires. Il a enfin souhaité que le Sénat prenne l'initiative d'une réflexion générale permettant d'améliorer le fonctionnement de notre système universitaire.

Rejoignant les dernières observations de M. André Maman, M. Albert Vecten a estimé que le Sénat pouvait être l'artisan de cette réflexion et a dénoncé notamment les gaspillages résultant de la construction de nouveaux bâtiments universitaires alors que certains sont sous utilisés ou inoccupés.

Répondant à ces diverses interventions, M. Jean-Pierre Camoin, rapporteur pour avis , a notamment apporté les précisions suivantes :

- le rapport comportera des développements sur l'évolution prévisible des effectifs étudiants ;

- si la notation des enseignants par les étudiants peut être considérée comme une révolution culturelle, elle existe déjà dans des organismes comme l'Institut des hautes études de la défense nationale et il conviendrait de la développer ;

- la position exprimée par le ministre à l'égard des réformes engagées par son prédécesseur n'a pas été des plus mesurée ;

- les financements croisés nés des lois de décentralisation constituent des " pièges mortels " pour les collectivités locales et tendent à favoriser les régions riches et à " étrangler " les régions plus pauvres ; à la limite, on peut se demander si les chambres régionales des comptes n'auraient pas vocation à poursuivre des maires qui participent au financement des dépenses relevant de l'Etat ;

- la participation des collectivités locales au financement des universités décentralisées devrait, en toute logique, leur conférer des responsabilités dans la gestion de ces établissements ;

- les universités à vocation européenne devraient sans doute être sélectives et payantes pour leurs étudiants, en fonction des revenus de ces derniers.

A l'issue de ce débat, et suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 1998 .



1 Des " stages diplômants " aux unités de première expérience professionnelle. Sénat. N° 276, 1996-1997.


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