AVIS N° 86 - PROJET DE LOIS DE FINANCES POUR 1998, ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - ENVIRONNEMENT


Ambroise DUPONT, Sénateur


COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 - AVIS N° 86 TOME 3 - 1997/1998

Table des matières






N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

ENVIRONNEMENT

Par M. Ambroise DUPONT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 5 ) (1997-1998).

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Pour la première fois dans l'histoire des institutions gouvernementales, le ministère de l'environnement et celui de l'aménagement du territoire se trouvent réunis sous l'autorité d'un même ministre.

Si les enjeux d'un tel rapprochement sont évidents, ses modalités restent encore imprécises et l'année 1998 sera de ce point de vue décisive.

Le projet de loi de finances pour 1998 réserve un sort moins favorable au budget de l'environnement qu'à celui de l'aménagement du territoire. En effet, en 1998, si le budget du ministère de l'aménagement du territoire augmentera de 6,1 %, celui de l'environnement s'élèvera à 1.885,5 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 0,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997.

Ces chiffres qui font apparaître une faible augmentation des dotations du ministère de l'environnement ne permettent guère d'apprécier l'effort de l'Etat en faveur de l'environnement. En effet, elles ne représentent qu'une part modeste des dépenses publiques consacrées à la protection de l'environnement qui progresseront globalement en 1998 de 5,9 %.

En outre, les capacités d'intervention du ministère ne doivent pas être appréciées à l'aune des seuls crédits figurant au budget de l'Etat ; les établissements publics placés sous sa tutelle disposent de ressources propres près de sept fois supérieures à son propre budget. Les modalités de financement de la politique de l'environnement ne permettent donc guère au contrôle parlementaire de s'exercer sur une politique dont les crédits figurant au projet de loi de finances ne sont que la traduction partielle. Ces difficultés se trouvent par ailleurs accrues cette année par le recours à des ressources extérieures destinées à renforcer les crédits inscrits au budget afin de financer les engagements pluriannuels de l'Etat.

Conformément à la tradition de notre commission d'examiner plus à fond chaque année un aspect de la politique de l'environnement, votre rapporteur a choisi cette année de traiter des modalités de mise en œuvre de la politique des paysages. Il a souhaité, à cette occasion, se pencher sur les conditions de constitution de la Fondation du patrimoine afin d'apprécier dans quelle mesure cette institution originale, conçue comme un instrument de protection du patrimoine bâti et non bâti, est susceptible de devenir un des outils d'une politique des paysages fondée sur une participation plus active du citoyen.

*

* *

I. LE BUDGET POUR 1998

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DU BUDGET DE L'ENVIRONNEMENT

Le projet de budget de l'environnement s'élève pour 1998 à 1.885,5 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 0,9 % par rapport à la loi de finances pour 1997 et à 794,1 millions de francs en autorisations de programme, soit une diminution de 1,14 % .

Les crédits affectés au ministère de l'environnement connaissent pour 1998 une progression inférieure à celle du budget général.

Le projet de loi de finances pour 1998 traduit donc une diminution sensible de leur part relative au sein du budget de l'Etat ; en effet, ils ne représenteront en 1998 que 0,11 % des dépenses du budget général contre 0,14 % en 1997.

Cependant, cette évolution doit être nuancée par les trois observations suivantes :

· Les crédits inscrits au budget du ministère ne représentent qu'une fraction des dépenses du budget général consacrées à l'environnement .

En 1998, si les crédits du ministère de l'environnement n'enregistrent qu'une faible augmentation, les crédits mis au service de la politique de l'environnement par l'ensemble des ministères progressent pour leur part de 5,09 %. D'après l'annexe budgétaire consacrée à l'effort de l'Etat consenti au titre de l'environnement, ces derniers s'élèveront en 1998 à 11,26 milliards de francs, les crédits affectés au ministère de l'environnement en représentant seulement 16,74  %.

Il importe de noter que deux ministères consacrent plus de crédits à la protection de l'environnement que le ministère spécifiquement chargé de cette politique : il s'agit du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et du ministère de l'agriculture qui contribueront respectivement en 1998 pour 40,36 % et 24,9 % à l'effort de l'Etat en faveur de l'environnement.

· Les capacités d'intervention du ministère de l'environnement ne se limitent pas à ses seules dotations budgétaires.

Son action est appuyée par les établissements publics placés sous sa tutelle
dont les ressources propres s'élèvent en 1997 à 14.587,13 millions de francs, soit près de sept fois le montant des crédits dont il dispose . Il s'agit principalement des ressources des agences de l'eau (12.140 millions de francs en 1997) et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) (1.174,8 millions de francs). Elles connaissent une croissance soutenue depuis le début de la décennie, époque où la politique de l'environnement a pris son essor dans notre pays.

A la suite de l'adoption de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, le Gouvernement a décidé de doubler les programmes d'intervention des agences de l'eau pour la période 1992-1996, afin d'accompagner l'effort d'équipement des collectivités locales, notamment en matière d'assainissement. De même, la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 relative aux déchets a créé un mode de financement particulier de la politique des déchets en instituant une taxe sur la mise en décharge affectée à l'Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie (ADEME). Sous le double effet de ces décisions, les agences de l'eau et l'ADEME ont vu leurs moyens d'intervention progresser sensiblement. Depuis 1993, ceux-ci sont supérieurs aux crédits budgétaires que l'Etat consacre à la politique de l'environnement.

Votre rapporteur constate que si les VIIe programmes d'intervention (1997-2001) ont retenu le principe d'une stabilisation du niveau global des redevances, les taxes perçues au profit de l'ADEME continueront à s'accroître en 1998.

Il note à cet égard que le champ d'application du principe " pollueur-payeur " qui légitime ce mode de financement de la politique de l'environnement ne peut être étendu à l'excès sous peine d'avoir un effet dissuasif sur l'activité économique. Par ailleurs, il ne garantit pas, comme on pourrait le penser, la rationalité des politiques mises en oeuvre. A cet égard, les dysfonctionnements de l'ADEME et la préférence qu'elle a donnée à l'incinération sur les autres formes de traitement des déchets amènent à réfléchir.

· Les collectivités locales consacrent une part importante de leurs budgets à l'environnement.

Les dépenses qu'elles réalisent au titre de la protection de l'environnement et de la gestion de l'environnement et des ressources naturelles représentent 90 % de l'effort public global dans ce secteur
. Elles se sont élevées à 116,59 milliards de francs en 1996 ; elles concernent essentiellement le traitement des eaux (44 milliards de francs) et l'élimination des déchets (26 milliards de francs). Ces chiffres soulignent la contrainte croissante que représentent pour les budgets des collectivités locales des normes environnementales de plus en plus nombreuses et contraignantes.

Il faut donc avoir ces données présentes à l'esprit avant d'examiner les crédits du ministère de l'environnement, dont le tableau ci-après indique l'évolution par catégories d'actions.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR CATÉGORIES D'ACTIONS
(en moyens de paiement)

 

Loi de finances initiale pour 1997

Projet de loi de finances pour 1998

Évolution ( %)

Part de l'agrégat (en  %)

Administration générale 562,67 574,6 2,12

31

Connaissance de l'environne-ment et coopération internationale
75,84

82,65

8,97


4

Protection de l'eau et des milieux aquatiques
262,59

229,84

- 12,4


12

Prévention des pollutions et des risques
383,59

386,6

0,78


21

Protection de la nature, des paysages et des sites
504,67

536,28

+ 6,26


28

Recherche 79,3 75,5 4,79

4

TOTAL 1868,66 1885,47 + 0,89
 

B. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR AGRÉGATS

1. Les crédits d'administration générale

Ces crédits recouvrent les dépenses de fonctionnement de l'administration centrale, responsable de l'élaboration de la politique de l'environnement et de la tutelle des établissements publics, des directions régionales de l'environnement (DIREN), chargées de la mise en oeuvre de cette politique ainsi que celles des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) pour ce qui concerne l'inspection des installations classées.

Ils s'élèvent pour 1998 à 574,6 millions de francs, soit une progression sensible de 2,12 % par rapport à 1997, largement supérieure à celle du budget du ministère.

Cette évolution est due notamment à un important effort de création d'emplois. Il est, en effet, proposé pour 1998 la création de 34 emplois, dont 28 dans les services déconcentrés du ministère.

Sont ainsi créés :

- 18 emplois dans les DIREN ;

- 10 emplois dans les DRIRE pour renforcer l'inspection des installations classées industrielles afin de prendre en compte les observations formulées par la Cour des comptes ;

- et 6 emplois dans les services centraux.

Compte tenu de ces emplois supplémentaires, les effectifs totaux du ministère seront de 2.412 agents en 1998, 503 étant affectés en administration centrale et 1.909 dans les services déconcentrés.

Comme l'a rappelé Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement devant votre commission le 28 octobre dernier, le ministère de l'environnement a vocation à être une administration de mission mettant en oeuvre des actions transversales impliquant les autres ministères.

Votre rapporteur considère donc que cet effort de création d'emploi auquel il convient d'ajouter la participation du ministère de l'environnement au plan " emploi-jeunes ", ne s'imposait pas comme une priorité dans un contexte économique et financier imposant une rigueur budgétaire renforcée.

2. La connaissance de l'environnement et la coopération internationale

Les moyens de paiement de cet agrégat progressent de 8,9 % en moyens de paiement (+ 6,81 millions de francs) et de 37,3 % en autorisations de programme (+ 5 millions de francs).

Les crédits inclus au titre de cet agrégat sont très divers. Ils concernent, notamment, les dotations de l'Institut français de l'environnement (IFEN) et les subventions aux associations.

Dans la perspective de la mise en oeuvre de la directive Natura 2000, un soutien accru est accordé à l'IFEN dont les dépenses de fonctionnement augmentent de 5 %, les crédits de paiement de 11 % et les autorisations de programme de 19 %.

Les crédits destinés aux associations dont la présentation dans le " bleu " budgétaire ne facilite guère l'identification progressent de 14 % pour s'établir à 25,8 millions de francs en 1998.

Votre rapporteur, s'il reconnaît l'apport considérable du mouvement associatif dans la conduite de la politique de l'environnement, s'étonne de l'ampleur de l'augmentation prévue. Par ailleurs, il s'inquiète des critères d'attribution des moyens supplémentaires ainsi dégagés et redoute en la matière des décisions arbitraires en l'absence de formulation précise des obligations des associations ainsi subventionnées.

3. La protection de l'eau et des milieux aquatiques

Les moyens de paiement de cet agrégat diminuent de 12,4 % (- 32,75 millions de francs). Les autorisations de programme sont reconduites en francs courants.

Le budget de l'environnement ne représente qu'une part limitée des ressources de la politique de l'eau. Celles-ci sont, en effet, essentiellement constituées par les interventions des agences de l'eau et par la contribution financière des collectivités locales.

Les dotations inscrites au budget du ministère sont principalement consacrées à la mise en oeuvre de deux plans décennaux arrêtés par le Gouvernement en janvier 1994 : le plan " Loire, grandeur nature " et le plan de restauration des rivières adopté en vue de prévenir les inondations dans le cadre d'un programme de prévention des risques naturels.

Le montant total des participations du ministère de l'environnement à la mise en oeuvre des plans " Loire " et " risques naturels " sur la période 1994-2003 devrait s'élever à 3.321 millions de francs, soit 463  millions de francs pour les dépenses ordinaires et 2.858 millions de francs pour les dépenses d'investissement. Ces engagements exigent donc que la dotation budgétaire allouée à la politique de l'eau s'élève en moyenne annuelle à 300 millions de francs.

En 1995 et 1996, ce sont respectivement 293,4 millions de francs et 292,7 millions de francs qui y ont été consacrés. En 1997, la participation du ministère de l'environnement a été diminuée et s'est élevée à 202 millions de francs. Pour l'exercice 1998, il est prévu de la reconduire en francs courants.

Afin d'assurer le financement de la cinquième année d'exécution de ces plans, ces dotations seront complétées comme en 1997 par un fonds de concours des agences de l'eau de 110 millions de francs, et par des transferts en gestion des budgets de l'agriculture et de l'équipement de 22 millions de francs. Au total, 334 millions de francs pourront donc être consacrés à ces programmes pluriannuels.

La contribution des agences de l'eau s'étendra sur toute la durée du VIIe programme d'intervention, c'est-à-dire jusqu'en 2001. Le fonds de concours mobilisera ainsi 550 millions de francs sur cinq ans. Votre rapporteur ne peut que regretter, comme l'année dernière, que l'exécution des engagements pluriannuels de l'Etat soit assurée en ce domaine par le recours à la débudgétisation.

Votre rapporteur note, pour le regretter, que les deux programmes décennaux comprenant des actions communes qui ne correspondent en rien à la nomenclature du " bleu " budgétaire, elle-même fréquemment modifiée, il n'est guère aisé d'en suivre avec précision l'exécution. Pour 1998, l'enveloppe financière prévue devrait permettre de respecter les engagements pluriannuels pris par l'Etat.

En ce qui concerne le plan " Loire, grandeur nature ", les travaux d'aménagement seront poursuivis, notamment les opérations de restauration des lits de la Loire. Le programme de renforcement des levées de la Loire moyenne et de la basse Loire devrait être achevé pour l'essentiel en 1998. Pour les opérations liées à la protection des milieux naturels, une décision définitive sera prise en concertation avec les collectivités locales sur le barrage du Veurdre sur l'Allier. Par ailleurs, deux barrages de faible intérêt économique devraient être effacés afin de restaurer les milieux aquatiques. Enfin, le programme de protection des zones humides de l'estuaire de la Loire devrait être mené à bien de manière à limiter l'impact de l'extension du port autonome de Nantes-Saint-Nazaire. A la fin de l'année 1998, 608,8 millions de francs auront été consacrés à l'exécution de ce plan.

4. La prévention des pollutions et des risques

Cet agrégat regroupe les crédits alloués aux actions destinées à " connaître, évaluer et prévenir les pollutions créées par les diverses activités économiques ".

Il avait connu en 1997 une forte progression (+ 51 % en crédits de paiement et + 219 % en autorisations de programme) correspondant à l'effort consenti en faveur de l'installation du dispositif de surveillance de la qualité de l'air à la suite de l'adoption de la loi sur l'air du 30 décembre 1996.

En 1998, les moyens de paiement de cet agrégat (386,6 millions de francs) ne progressent que de 0,78 % et les autorisations de programme (168,3 millions de francs) diminuent de 13,25 %. Cette évolution traduit la diminution des dotations consacrées au financement de la loi sur l'air .

Les besoins annuels de financement au titre de l'exécution de cette loi avaient été évalués à 200 millions de francs sur quatre ans. Les dotations inscrites à ce titre pour 1998 au budget de ministère de l'environnement ne s'élèvent qu'à 170 millions de francs, soit 60 millions de francs pour les crédits de paiement et 110 millions de francs pour les autorisations de programme. Elles seront complétées par les ressources résultant du relèvement de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique, gérée par l'ADEME, qui sera portée de 180 à 250 francs par tonne pour dégager un produit supplémentaire de 37 millions de francs.

Le ministère de l'environnement suit donc pour l'application de la loi sur l'air la même démarche que celle retenue pour l'exécution des grands programmes décennaux engagés au titre de la politique de l'eau. Votre rapporteur ne peut que s'opposer à une telle démarche qui contribue dans les faits à l'alourdissement des prélèvements obligatoires et nuit à la sincérité de la présentation budgétaire. En outre, il rappelle qu'elle va à l'encontre du mécanisme de financement prévu par la loi sur l'air.

Ces critiques se trouvent par ailleurs accentuées par le fait que la débudgétisation de l'ADEME se poursuit cette année. La subvention de fonctionnement destinée à l'ADEME inscrite au budget du ministère de l'environnement diminue de 53,5 %, cette réduction étant compensée par le produit attendu au titre du relèvement du prélèvement pour frais de gestion opéré au titre de la taxe sur les déchets qui sera présenté dans le prochain collectif budgétaire.

5. La protection de la nature, des paysages et des sites

Les crédits inscrits au budget du ministère de l'environnement pour la protection de la nature, des paysages et des sites s'élèvent à 536,28 millions de francs en moyens de paiement (soit + 6,26 %) et à 322,83 millions de francs en autorisations de programme (soit + 3,84 %).

Il faut rappeler que dans ce domaine, le ministère de l'environnement est le principal opérateur ; cet agrégat est donc le plus important du budget avec 43 % des dotations d'intervention (dépenses ordinaires et autorisations de programme).

La politique poursuivie en ce domaine, qui constitue une des deux priorités du ministère pour 1998, s'ordonne autour de quatre axes :

· La constitution d'un réseau d'espaces protégés.

- Les crédits destinés aux parcs nationaux s'élèvent à 166 millions en moyens de paiement, soit une progression de 6,6% par rapport à la loi de finances pour 1997 ; ils représentent plus du tiers de l'enveloppe globale destinée à la protection de la nature. Les autorisations de programme sont reconduites à l'identique (44,46 millions de francs).

- Les moyens de paiement du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres s'élèvent à 143,4 millions de francs, en progression de 4,9 % par rapport à la loi de finances pour 1997, les autorisations de programme diminuant de 0,23 % pour s'établir à 125 millions de francs.

- Les crédits de fonctionnement des parcs naturels régionaux progressent de manière très limitée (+ 1,6 %), s'élevant pour 1998 à 29,8 millions de francs. Les autorisations de programme qui leur sont destinées connaissent une évolution plus satisfaisante ; d'un montant de 15,24 millions de francs, elles progressent de 16 %.

- Les réserves naturelles bénéficient d'une progression de 11,76 % de leurs moyens de fonctionnement qui s'élèvent en 1998 à 36,871 millions de francs. Les autorisations de programme connaissent une évolution moins favorable puisqu'elles s'établissent à 14,185 millions de francs contre 14,838 millions de francs en 1997, soit une diminution de 4,4%.

· Les actions de préservation de la diversité biologique bénéficieront d'un budget de 34,7 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement dont 6,5 millions de francs sont consacrés au financement des activités confiées au Museum d'histoire naturelle dans le cadre de la mise en oeuvre du réseau Natura 2000.

· 42,8 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement sont consacrés aux actions de protection des sites et des paysages (protection des sites classés et inscrits, " opérations grands sites ", développement des plans paysage, élaboration de directives paysagères).

· Enfin, les actions correspondant à l'évaluation de l'impact de l'activité humaine sur l'environnement seront dotées de 24,7 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Votre rapporteur souligne pour le regretter que la présentation des crédits ne permet pas au sein du " bleu " budgétaire d'identifier les moyens consacrés aux différents aspects de la politique conduite par le ministère en faveur de la protection de la nature. Il reviendra plus en détail sur l'analyse de ces crédits dans les développements qu'il consacre à la politique des paysages.

6. La recherche

Les crédits affectés à cette action enregistrent une diminution de 4,79 % pour 1998. Ils s'élèvent à 75,5 millions de francs en moyens de paiement et à 70 millions de francs en autorisations de programme.

La diminution des crédits de la recherche prend acte de leur insuffisante consommation constatée au cours des années précédentes.

Au-delà de cet ajustement comptable, il faut se demander si cette sous-consommation des crédits résulte de la lourdeur des procédures d'engagement ou bien d'une surévaluation des crédits.

Dans le premier cas, il importerait, plutôt que de réduire les crédits, de modifier les modalités d'engagement des crédits. Dans le second cas, il serait nécessaire de s'interroger sur les besoins réels du secteur de la recherche au regard des enjeux scientifiques de la politique de l'environnement.

II. LA POLITIQUE DES PAYSAGES : DE LA PROTECTION À LA GESTION CONCERTÉE

Les moyens consacrés à la protection de la nature et des paysages connaissent pour 1998 une croissance sensible .

Les dépenses ordinaires s'élèveront à 233,9 millions de francs, en progression de 6,6 % par rapport à 1997.

Quant aux dépenses en capital, elles sont en progression de 4 % en autorisations de programme et de 6 % en crédits de paiement. Elles s'établiront à 302,3 millions de francs en crédits de paiement et à 322,8 millions de francs en autorisations de programme.

Cette croissance des moyens, consacrés à la protection de la nature et des paysages s'accompagnera d'une augmentation notable du nombre des espaces protégés .

Les parcs marins de Corse et de la mer d'Iroise et le parc de la forêt guyanaise s'ajouteront aux sept parcs nationaux existants. La politique des réserves naturelles sera poursuivie à un rythme accéléré : 14 réserves représentant 723.020 hectares sont susceptibles d'être classées en 1998 contre 7 en 1997. Par ailleurs, la création de nouveaux parcs naturels régionaux est envisagée. Enfin, la mise en oeuvre de la directive Natura 2000 devrait se traduire par la constitution de nouvelles zones de protection de la nature.

Cette augmentation du nombre des espaces protégés implique pour l'Etat des charges de fonctionnement et des dépenses d'investissement qui devront être assurées au fil des ans, sous peine de compromettre la politique d'excellence qu'ils doivent illustrer.

La politique des paysages fondée à l'origine sur un impératif unique de conservation a évolué, au fil des ans, pour s'appuyer sur des moyens permettant d'assurer, au-delà de leur simple préservation, la gestion des paysages de référence . Elle a donné lieu, à ce titre, à des réalisations exemplaires comme en témoignent les parcs naturels régionaux ou les parcs nationaux.

Bien que l'action de l'Etat en ce domaine ait été relayée par les collectivités locales, le coût de la politique des paysages s'en est trouvé alourdi.

L'effort de l'Etat, dans un contexte de rigueur budgétaire, ne peut être constamment accru. Or, la création de nouveaux espaces protégés, si elle ne s'accompagne pas d'un engagement financier pérenne de l'Etat risque de remettre en cause leurs conditions de gestion.

L'approfondissement des réalisations dans les espaces existants ne doit pas en effet être négligé au profit d'une extension mal maîtrisée en termes financiers de leur nombre.

A. LA POLITIQUE DE PROTECTION DES PAYSAGES CONDUITE PAR L'ÉTAT

1. La protection des paysages remarquables

a) Les sites classés

Les arrêtés préfectoraux procédant au classement de sites à la fin du XIXe siècle constituent les premiers signes de l'implication de l'Etat dans la protection des paysages. La loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique et légendaire ou pittoresque qui succéda à une loi du 21 avril 1906, pérennisa cette action en instituant des mécanismes comparables à ceux prévus par la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques.

La protection assurée par la loi de 1930 a été complétée au fil des ans par de nouvelles prescriptions. Ainsi, la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité a précisé que la publicité est interdite sur les monuments naturels et dans les sites classés qu'ils soient urbains ou ruraux. Plus récemment, la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement a prévu que lors de la création de réseaux électriques ou téléphoniques nouveaux, l'enfouissement des réseaux est obligatoire sur ces sites sauf dérogation accordée par arrêté interministériel.

A ce jour, sont recensés 2.692 sites classés et 5.085 sites inscrits. Ils recouvrent des réalités très variées, allant de la protection d'éléments isolés (arbres, rochers, lacs, cascades...) à des sites de vastes dimensions. Depuis plusieurs années, la tendance consistant à classer de vastes entités paysagères s'est développée. Ainsi, en 1997, ont été classés le massif forestier d'Ermenonville et le site de Vézelay (inscrit, par ailleurs, au patrimoine mondial de l'humanité).

Le dispositif de la loi de 1930 présente un caractère essentiellement conservatoire et ne permet guère de garantir que l'entretien des sites protégés s'effectue dans des conditions satisfaisantes. A la différence de la protection assurée au titre de la loi de 1913 pour les monuments historiques, les obligations engendrées pour les propriétaires des sites par une mesure de classement ou d'inscription n'ont pas été compensées par des mesures fiscales ou financières permettant l'entretien du site, ce qui prive donc ces mesures de leur pleine efficacité.

Afin de remédier à cette lacune, les questions soulevées par la gestion des sites classés, en particulier ceux de vastes dimensions, sont désormais prises en compte, dans le cadre d'un document " d'orientations et de recommandations " dont l'usage se développe pour les sites récemment classés et qui fixe les objectifs assignés à la protection des sites.

Par ailleurs, la politique dite " des grands sites " initiée en 1976 et relancée en 1989 a également contribué à ébaucher une gestion de ces espaces. Elle a pour objet de permettre la réhabilitation et la mise en valeur des sites protégés les plus remarquables et les plus menacés, notamment du fait de l'afflux touristique. Les opérations engagées à ce titre s'appuient sur un programme de remise en valeur de l'espace protégé, tout en prenant en compte un développement économique compatible avec la qualité des lieux.

Depuis 1997, ces opérations sont éligibles à des crédits du ministère de l'environnement et non plus à des crédits du ministère de l'équipement. Les dotations consacrées à ces opérations s'élevaient à 9,8 millions de francs en 1997 ; elles seront reconduites pour 1998.

De 1989 à 1997, le ministère de l'équipement puis celui de l'environnement ont financé :

- en études, 19 opérations pour un montant global de 2,6 millions de francs ;

- en travaux, 13 opérations pour un montant global de 30,3 millions de francs.

Les opérations qui peuvent être considérées comme terminées ou ayant fait l'objet de tranches fonctionnelles de travaux concernent les sites de la Dune du Pyla, des jardins du Rayol, de la pointe du Raz et de la montagne Sainte-Victoire ; 19 opérations " grands sites " sont actuellement en cours.

b) Les réserves naturelles et les parcs nationaux

A partir des années 1960, l'Etat inaugura, notamment au travers de la création des parcs nationaux et des réserves naturelles, une politique de protection des paysages, orientée sur la gestion de l'espace.

- Les réserves naturelles

La France compte, au 1er août 1997, 134 réserves naturelles protégeant 323.896 hectares, soit une superficie près de deux fois supérieure à celle couverte en 1995.

L'objectif assigné aux réserves naturelles est d'assurer une protection exemplaire de chacun des milieux existants en France, en se fondant sur les inventaires scientifiques réalisés au niveau français et européen. Leur constitution qui était déjà possible sur le fondement de la loi du 2 mai 1930 fut expressément prévue par la loi du 1er juillet 1957 à laquelle succéda la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature qui en fixe désormais le régime.

Le classement des réserves et leur gestion font largement appel à la déconcentration et à la concertation avec les propriétaires et les collectivités locales.

L'article R-242-18 du code rural prévoit que les réserves naturelles peuvent être gérées par des propriétaires de terrains classés, des associations, des fondations, des collectivités locales ou des établissements publics qui passent à cet effet une convention avec l'Etat définissant les modalités de leur intervention, leurs droits et leurs obligations.

Pour les 134 réserves existantes, la répartition des organismes gestionnaires est actuellement la suivante :

- 28 réserves sont confiées à des instances locales (11 sont gérées directement par des collectivités locales ; 11, par des parcs naturels régionaux  et 6, par des syndicats mixtes ou intercommunaux) ;

- 25 réserves sont gérées par des établissements publics (parcs nationaux, office national des forêts, office national de la chasse...) ;

- 79 réserves sont gérées par des associations ;

- 1 réserve est gérée par une fondation et 1 réserve n'a pas encore de gestionnaire désigné.

Il faut noter que 8 réserves naturelles bénéficient d'une cogestion par deux organismes. La tendance à la cogestion s'affirme, en effet, ces dernières années, alors que les associations sont moins souvent que par le passé désignées comme gestionnaires uniques. Une telle évolution semble correspondre à l'intérêt grandissant pour les réserves naturelles manifesté par les collectivités locales qui prennent conscience de la place qu'elles peuvent tenir dans le développement local.

6 réserves ont été classées en 1995, 4 en 1996, 2 depuis le début de l'année 1997 et 7 projets sont susceptibles d'aboutir d'ici à la fin de l'année. Le rythme de constitution des réserves s'est accéléré au cours des dernières années : 34 projets sont en cours d'instruction, l'objectif étant d'atteindre le nombre de 250 réserves en 2040. Pour l'année 1998, est envisagée la création de 14 réserves.

L'Etat prend en charge en priorité les dépenses liées à la conservation du milieu et au rétablissement des équilibres biologiques, les collectivités locales étant associées aux dépenses d'accueil du public. L'engagement de ces dernières est bien entendu plus important quand elles sont elles-mêmes gestionnaires de réserves.

Les difficultés rencontrées dans la gestion des réserves sont de trois ordres. Elles tiennent, d'une part, aux contraintes que les réserves engendrent pour certaines activités humaines (chasse, activités agricoles, ostréicoles et sylvicoles), d'autre part à la difficulté de trouver un organisme gestionnaire possédant les compétences techniques comme les capacités de négociation et de concertation indispensables et, enfin, au coût que représentent la création de nouvelles réserves et la mise en oeuvre de méthodes de gestion efficaces et exemplaires.

Ces difficultés exigent donc que la gestion des réserves fasse l'objet d'une réflexion approfondie . L'effort entrepris depuis 1991 pour établir dans chaque réserve un plan de gestion doit être poursuivi. En effet, ces plans permettent d'effectuer un bilan du patrimoine naturel protégé et de déterminer les objectifs assignés à la réserve afin d'évaluer et de programmer les moyens d'intervention nécessaires. Jusqu'ici, 32 plans ont été élaborés et agréés par le Conseil national de la protection de la nature.

Les moyens affectés par l'Etat aux réserves rapportés à leur nombre et à leur superficie, ont augmenté jusqu'en 1994 ; depuis, ils n'ont pas progressé pour les dépenses de fonctionnement et ont diminué pour les dépenses d'investissements.

Le financement des nouvelles réserves, délicat en 1996 comme 1997, devrait être rendu plus aisé en 1998 compte tenu d'une augmentation des crédits qui leur sont consacrées. En effet, pour 1998, en dépit d'une diminution de 4,4 % des autorisations de programme qui s'établissent à 14,185 millions de francs, les dépenses de fonctionnement augmentent de 11,76 % pour s'élever à 36,8 millions de francs.

Compte tenu, cependant, du nombre élevé de réserves dont le classement est envisagé en 1998, votre rapporteur s'interroge sur le montant des dotations prévues par le projet de loi de finances et sur les conditions de fonctionnement des réserves naturelles existantes qu'elles impliquent.

- Les parcs nationaux

Les objectifs des parcs nationaux sont définis dans l'exposé des motifs de la loi du 22 juillet 1960. Ils ont pour mission de protéger le patrimoine naturel, de mettre à la disposition de tous, et plus particulièrement des citadins, les richesses qu'ils préservent et de contribuer au développement économique, social et culturel des territoires où ils sont implantés.

On compte aujourd'hui 7 parcs nationaux : le plus ancien est celui de la Vanoise créé en 1963 ; le plus récent, celui de la Guadeloupe créé en 1989. Situés pour la plus grande part en montagne, ils représentent 0,65 % du territoire national métropolitain (2,2 % avec leurs zones périphériques).

3 nouveaux parcs dont la création est désormais en phase opérationnelle devraient venir s'ajouter aux 7 parcs existants ; ceci constitue une accélération sensible du rythme de création des parcs nationaux. Rappelons en effet que les deux derniers parcs créés l'ont été en 1979 (parc du Mercantour) et en 1989 (parc de la Guadeloupe).

Le projet de création le plus avancé concerne le parc national de la forêt tropicale de Guyane qui revêt une urgence particulière, compte tenu des engagements pris par la France lors de la conférence de Rio de 1992 sur la diversité biologique. La mise en oeuvre de ce projet souffre de retards dus aux difficultés rencontrées dans la conciliation des intérêts contradictoires en présence, en particulier la protection d'un patrimoine naturel très riche, le nécessaire développement de l'emploi touristique, l'exploitation des gisements de minéraux et le respect des modes de vie traditionnels. En dépit de ces obstacles, et grâce à un effort de concertation avec les populations locales, le parc pourrait être mis en place entre 1998 et l'an 2000. La charge budgétaire qu'est susceptible d'engendrer ce nouveau parc s'avère très lourde : ses effectifs permanents devraient passer de 9 à 85 postes à l'échéance de l'an 2000 et son fonctionnement annuel est provisoirement évalué à 37 millions de francs alors qu'il n'est que de 15 millions de francs pour un parc moyen de 50.000 hectares. Quant aux dépenses d'investissement liées à la création du parc, elles sont estimées à près de 90 millions de francs sur cinq ans.

Les deux autres projets de parcs concernent le milieu marin.

Le projet de parc marin de Corse qui couvrirait une superficie marine de 100.000 hectares et littorale de 40.000 hectares a fait l'objet d'une prise en considération par arrêté du 18 septembre 1997, étape obligatoire avant le lancement de l'enquête publique. Il devrait constituer un sanctuaire du milieu méditerranéen, compte tenu de l'excellente qualité des eaux, de la faible densité humaine et de l'isolement de certaines de ces zones. La création du parc est destinée à préserver le caractère exceptionnel de cette zone qui englobe plusieurs sites inscrits ou classés.

Le projet de parc marin de la mer d'Iroise est, à ce jour, moins avancé. La définition du projet devrait être précisé dans le courant de l'année 1998.

Pour 1998, les crédits consacrés par le ministère de l'environnement aux parcs nationaux s'élèvent à 166 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 6,6 % et à 44,46 millions de francs en autorisations de programme, soit une reconduction en francs courants.

Cet effort en faveur des parcs nationaux devra s'inscrire dans la durée afin que les coûts représentés par la mise en place des nouveaux parcs ne soient pas dans les années à venir financés par des redéploiements qui ne pourraient qu'engendrer des difficultés de gestion pour les parcs existants.

Le bilan de l'action conduite depuis 1963 par les parcs nationaux ne justifie en aucun cas un relâchement de l'effort de l'Etat . En effet, si leur succès en tant qu'instruments de protection des milieux naturels et des paysages ruraux mérite d'être souligné, leurs réalisations sont perfectibles. C'est le cas en particulier dans les zones périphériques des parcs où les résultats de leur action sont mitigés au regard de l'article L.241-10 du code rural qui prévoit que dans ces zones " (...) les diverses administrations publiques prennent, suivant un programme défini, en liaison avec l'organisme de gestion (...), toutes mesures pour permettre un ensemble de réalisations et d'améliorations d'ordre social, économique et culturel tout en rendant plus efficace la protection de la nature dans le parc ".

Votre rapporteur émet donc le souhait que la poursuite de la politique de création de nouveaux parcs, qui dans son principe ne peut être contestée, ne s'effectue pas au détriment des parcs existants.

c) Le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres

Le conservatoire du littoral, créé par la loi du 10 juillet 1975, a pour mission de mener une politique foncière destinée à protéger les espaces naturels maritimes et lacustres de tout risque de dégradation ou d'urbanisation.

Cet objectif clair a connu une remarquable stabilité qui a fortement contribué à l'excellente opinion que le public s'est forgée de l'action menée par l'établissement.

Le Conservatoire a acquis au cours des vingt-deux dernières années un peu plus de 50.000 hectares d'espaces naturels fragiles ou menacés. L'intervention de l'établissement public a concerné, à ce jour, 370 sites répartis sur la totalité des départements littoraux. Le Conservatoire, par ses interventions, assure désormais la protection de près de 10 % du linéaire côtier métropolitain . Afin de mener à bien la politique foncière qui lui incombe, le Conservatoire a dépensé depuis sa création 1,6 milliard en francs courants soit 23,1 milliards en francs constants. Il offre aujourd'hui à un large public un patrimoine étendu d'une rare qualité pour lequel, à de très rares exceptions, l'accès est gratuit.

Le champ de compétence du Conservatoire a été progressivement élargi par la loi littoral du 3 janvier 1986, la loi paysage du 8 janvier 1993 et la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Aux termes de l'article L.243-1 du code rural, le Conservatoire exerce de droit sa mission dans les cantons côtiers, les communes riveraines des mers, étangs et plans d'eau de plus de 1.000 hectares, les communes riveraines des estuaires et des deltas et, sur leur demande et après accord du préfet, dans les communes qui participent directement aux équilibres économiques et écologiques littoraux.

Cette extension du champ d'action du Conservatoire semble aujourd'hui trouver ses limites. En effet, il ne semble pas opportun de le faire intervenir dans des zones peu menacées par la pression foncière pour lesquelles l'impératif de gestion l'emporte sur celui de conservation. Il faut souligner que la loi, bien qu'elle n'interdise pas formellement au Conservatoire de gérer lui-même les terrains acquis, prévoit la gestion de ses immeubles par convention avec des collectivités locales, des établissements publics tels l'Office national des forêts, des fondations, des associations spécialisées agréées à cet effet ou des exploitants agricoles. Les conventions prévoient expressément l'usage à donner aux terrains, qui doit respecter les sites naturels et l'équilibre écologique.

Les crédits du Conservatoire du littoral connaîtront en 1998 une relative stabilité. Les dotations qui lui sont consacrées progresseront de 4,9 % et s'établiront à 143,4 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Les autorisations de programme diminueront légèrement (- 0,2 %) et s'élèveront à 125 millions de francs.

Le maintien à ce niveau des dotations budgétaires est absolument indispensable si l'on veut permettre au Conservatoire de poursuivre sa stratégie globale de préservation à long terme d'un tiers du littoral français, plus communément appelé le " tiers-sauvage ". Pour y parvenir, l'établissement devrait acquérir au cours des prochaines décennies, 120.000 hectares, soit une superficie plus de deux fois supérieure à celle qu'il a acquise depuis sa création en 1975.

Cette ambition est encore loin d'être atteinte d'autant que le Conservatoire a été, une fois encore, cette année victime de la régulation budgétaire. La mesure d'annulation portant sur 12 millions de francs d'autorisations de programme et 6 millions de francs de crédits de paiement a eu pour effet de retarder certaines opérations qu'il s'agisse d'acquisitions ou de programmes de travaux.

En outre, si les dotations budgétaires permettent au Conservatoire de faire face aux opérations courantes, elles ne sont pas suffisantes pour rendre possible l'acquisition par le Conservatoire de grands domaines qui sont mis en vente dans des secteurs d'intérêt primordial à des prix élevés, en particulier sur le littoral méditerranéen.

L'article 26 de la loi de finances pour 1996 a étendu au profit du Conservatoire du littoral le régime de la dation en paiement de droits de succession reconnaissant l'intérêt national du patrimoine naturel au même titre que celui du patrimoine culturel. Cette possibilité fiscale commence à être connue et des propositions de dation (8 au total pour les exercices 1996 et 1997) ont été examinées par le conseil d'administration du Conservatoire du littoral. Il faut souligner que le montant des dations ne sera pas imputé sur les crédits du Conservatoire, ce dont votre rapporteur se félicite.

2. L'émergence d'un droit du paysage

Les paysages remarquables, sites classés ou inscrits, parcs nationaux, réserves et terrains du Conservatoire du littoral qui recouvrent 2 à 3 % de notre territoire présentent un caractère d'exception. L'essentiel du paysage français est en effet régi par le droit de l'urbanisme, le droit rural et le droit de l'environnement à défaut d'un véritable droit du paysage qui se présente encore comme un corpus diffus dont l'application demeure imparfaite.

a) Un corpus juridique diffus

Le décret n° 58-1467 du 31 décembre 1958, à l'origine de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme, introduisit l'atteinte aux " paysages naturels et urbains " comme motif légal du refus du permis de construire. Il constitue le premier pas en faveur de la reconnaissance du caractère d'intérêt public de la politique des paysages qui sera consacré par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture ou encore la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

La loi du 8 janvier 1993 s'inscrit, en ce qui concerne ses dispositions modifiant le code de l'urbanisme, dans la continuité de cette évolution. Elle a, à ce titre, introduit des innovations décisives : extension aux paysages des zones de protection du patrimoine architectural et urbain, prise en compte dans les plans d'occupation du sol de l'aspect paysager, création des directives paysagères destinées à protéger les lointains.

En dépit de ces évolutions législatives et d'une prise de conscience dont témoigne la multiplication des " plans paysage ", le droit du paysage se présente encore aujourd'hui comme l'addition de multiples prescriptions empruntées au droit rural, au droit de l'urbanisme ou aux lois d'aménagement du territoire.

b) Une efficacité aléatoire

Les nouveaux instruments juridiques destinés à protéger les paysages ne sont pas à ce jour pleinement utilisés.

Certaines dispositions législatives ne sont pas appliquées. C'est le cas des directives de protection et de mise en valeur des paysages qui ont pour vocation de déterminer les orientations et principes fondamentaux de protection des structures paysagères des territoires remarquables pour leur intérêt paysager. Ces directives s'imposent à la fois aux documents d'urbanisme et aux autorisations de défrichement, d'occupation et d'utilisation du sol en l'absence de plans d'occupation du sol ou lorsque le plan d'occupation des sols est incompatible avec leurs prescriptions. Depuis l'adoption de la loi sur le paysage, voilà quatre ans, aucune directive paysagère n'a été élaborée ; trois directives seulement sont à l'étude (Alpilles, Côtes de Meuse et vues sur la cathédrale de Chartres). Ces résultats modestes résultent essentiellement de la lourdeur de leur procédure d'élaboration. En effet, celle-ci s'avère trop centralisée : la mise à l'étude des directives relève du ministre de l'environnement ; la concertation associant collectivités locales, associations et organes professionnels s'effectue sous l'autorité du préfet, la directive étant ensuite approuvée par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, certaines prescriptions législatives sont souvent mal appliquées . C'est le cas en particulier de la loi du 29 décembre 1979 sur la publicité.

c) Un droit encore incomplet

Le droit du paysage reste encore à construire, en particulier dans le domaine des grandes infrastructures.

C'est le cas notamment de l'enfouissement des réseaux électriques ou téléphoniques où les prescriptions législatives ne sont que très partielles et n'ont guère permis d'accélérer les actions conduites par les opérateurs dans le cadre d'une politique contractuelle.

En effet, l'article 91 de la loi de 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement précise que " sur le territoire d'un parc national, d'une réserve naturelle ou d'un site classé au titre de la loi du 2 mai 1930 (...), il est fait obligation d'enfouissement des réseaux électriques ou téléphoniques ou, pour les lignes électriques d'une tension inférieure à 19.000 volts d'utilisation de techniques de réseaux torsadés en façade d'habitation, lors de la création de lignes électriques nouvelles ou de réseaux téléphoniques nouveaux ". Cette disposition n'apporte qu'une réponse très partielle aux problèmes posés par les réseaux téléphoniques ou électriques : en effet, la loi ne concerne pas les lignes existantes qui semblent désormais devoir faire partie du paysage et ne s'applique qu'à une portion très limitée du territoire national.

En dehors de cette prescription législative, les opérations engagées résultent des engagements pris par France Télécom et Électricité de France dans le cadre d'engagements contractuels. L'annexe au contrat d'entreprise pour les années 1997-2000 conclu entre l'Etat et EDF signée le 22 mai 1997, reprend les principales dispositions du protocole du 25 août 1992 ; il est à noter qu'il prévoit notamment la résorption de la moitié des " points noirs paysagers " qui avaient fait l'objet en 1995 de listes départementales hiérarchisées établies par les préfets. En ce qui concerne les réseaux téléphoniques, un nouveau protocole qui devrait succéder à celui signé le 19 janvier 1993 est en cours de négociation.

Il s'avère, en ce domaine que, pour des raisons tenant essentiellement au coût de ces opérations, ce sont les opérateurs qui déterminent le rythme de leur effort en faveur de la protection du paysage.

Le développement de la téléphonie mobile , qui s'accompagne d'une multiplication de nouvelles infrastructures dont l'impact très négatif sur le paysage est évident, exige que le ministère de l'environnement tire les enseignements de la politique conduite dans le domaine des lignes électriques et téléphoniques .

Pour l'heure, aucune action décisive n'a été menée. Certes, la loi du 26 juillet 1996 portant réglementation des télécommunications subordonne l'autorisation d'établir et d'exploiter un réseau à l'application de règles contenues dans un cahier des charges dans lequel figurent notamment les prescriptions exigées par le respect de l'environnement. Cependant, cette disposition n'est pas applicable aux licences accordées avant cette loi, ce qui laisse une certaine liberté aux opérateurs de réseaux, France Télécom Mobile, SFR et Bouygues Télécom. Par ailleurs, il n'existe aucune réglementation spécifique sur l'installation des pylônes. Afin de remédier dans un premier temps à cette lacune, une circulaire devrait être prochainement adressée aux préfets pour que les projets d'installation donnent lieu à un examen plus systématique.

B. LES NOUVEAUX ACTEURS DE LA POLITIQUE DES PAYSAGES

1. Le rôle croissant joué par les collectivités locales

a) La politique décentralisée du paysage

Jusqu'en 1983, on pouvait considérer que l'Etat était seul responsable de la politique de l'environnement. Depuis la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences, il existe désormais une responsabilité partagée puisque l'Etat concourt avec les communes, les départements et les régions " à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie ". Néanmoins, les lois de décentralisation n'ont pas clairement attribué la compétence environnementale à l'un ou l'autre des niveaux de collectivités territoriales.

Différentes lois intervenues depuis ont renforcé leurs compétences environnementales, qui contribuent toutes plus ou moins directement à la mise en oeuvre de la politique du paysage.

L'instrument majeur de la protection des paysages étant le droit de l'urbanisme, la politique décentralisée des paysages repose donc pour l'essentiel sur les communes en raison des larges compétences qu'elles possèdent en matière de délivrance des permis de construire ou d'élaboration des documents d'urbanisme. Par ailleurs, le pouvoir de police traditionnel du maire, étendu à des domaines de plus en plus variés (pollution, bruit, affichage, circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels), contribue à renforcer le rôle central que les communes sont appelées à jouer.

Plusieurs instruments permettent aux communes de protéger ponctuellement les espaces naturels. Elles peuvent être gestionnaires de terrains acquis par le conservatoire du littoral ou par le département au titre des espaces naturels sensibles ou encore de réserves naturelles par convention avec l'Etat. Par ailleurs, la loi du 2 février 1995 a prévu la possibilité pour les communes ou groupements de communes réalisant des actions de protection et de gestion des espaces naturels d'instituer une taxe de séjour et d'affecter son produit aux dépenses destinées à favoriser la protection et la gestion des espaces naturels à des fins touristiques. Dans le domaine environnemental, on a assisté à un développement considérable des formules de regroupement de communes sous forme de syndicats à vocation unique ou multiple. En effet, le cadre communal est souvent trop étroit, notamment en termes financiers, pour assumer les compétences qui ont été dévolues aux communes dans ce domaine. Il faut noter que depuis la loi du 2 février 1995, les groupements de communes à fiscalité propre peuvent élaborer des projets intercommunaux de gestion des espaces naturels et du patrimoine, en vue de favoriser la restauration et l'entretien des espaces naturels, du paysage et du patrimoine bâti et d'inciter à des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.

Les départements bien que dotés de compétences plus réduites semblent être aux yeux de beaucoup un échelon adapté pour protéger le patrimoine naturel et paysager.

Ils disposent de pouvoirs leur permettant de mettre en oeuvre une politique de protection des sites et paysages notamment grâce à la procédure des espaces naturels sensibles qui est depuis la loi du 2 février 1995 complètement décentralisée. Par ailleurs, ils peuvent jouer un rôle d'impulsion en particulier au travers des conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement (CAUE) qui apparaissent comme un des instruments les plus prometteurs de la politique du paysage.

Les régions apparaissent, notamment grâce à l'appui financier qu'elles sont susceptibles de fournir, comme un cadre adéquat pour concevoir et assurer des actions de lutte contre les pollutions ou de protection de la nature. Il importe de noter que le paysage figurait parmi les thèmes prioritaires de contractualisation en matière d'environnement retenus pour la période 1994-1998.

b) Un exemple de partenariat réussi entre l'Etat et les collectivités territoriales : les parcs naturels régionaux

Conçus en 1967 à l'initiative de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), leur pérennité en tant qu'instrument de protection du milieu rural a été consacrée par l'article 29 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat.

Ils constituent, aux termes de l'article L. 244-1 du code rural, " le cadre privilégié des actions menées par les collectivités publiques en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel ".

Le bilan établi trente ans après l'édiction du décret portant création des parcs naturels régionaux souligne le succès de cet outil de protection de la nature qui allie préservation du patrimoine et développement économique .

Ce succès résulte essentiellement de la cohérence de leur action, articulée autour d'un projet destiné à défendre l'identité du parc et formalisée dans la charte constitutive. Celle-ci est élaborée par la région avec l'accord de l'ensemble des collectivités territoriales concernées et en concertation avec les partenaires intéressés. Elle est adoptée par décret portant classement de la zone en parc naturel régional pour une durée maximale de dix ans, au terme de laquelle elle est révisée par l'organisme de gestion du parc. Elle a deux finalités : d'une part, elle détermine les orientations et les mesures de protection, de mise en valeur et de développement pour l'ensemble du territoire concerné et, d'autre part, elle inventorie les différentes zones du parc et leur vocation.

Les trente-deux parcs naturels régionaux existants à ce jour occupent près de 10 % du territoire français. Ils intéressent 21 régions, 54 départements et 2.678 communes pour une population de 2.457.000 habitants.

Nombreux sont les territoires à souhaiter bénéficier du label " parc naturel régional ". Néanmoins, le ministère de l'environnement, dans un souci bien compris d'exemplarité, applique des critères exigeants . Ainsi, le parc poitevin Val de Sèvre-Vendée, dont la charte n'a pas été respectée, s'est vu retirer le label.

En 1997, a été classé un seul parc : celui du Vercors (région Provence-Alpes-Côte d'Azur). Une quinzaine de projets de parc sont aujourd'hui à l'étude. Certains, très avancés, pourraient être classés en cours d'année prochaine ; il s'agit de ceux du Périgord-Limousin, du Perche, de l'Avesnois et du Gâtinais français.

Les parcs naturels régionaux mènent des actions très diverses tant en faveur de la préservation du paysage que du développement et de l'aménagement du territoire. Leurs réalisations sont d'autant plus remarquables que l'équilibre entre ces deux objectifs est particulièrement délicat à définir dans la mesure où, à la différence des parcs nationaux, ils recouvrent des zones où l'activité agricole, artisanale et parfois industrielle est maintenue, voire développée.

Ils offrent une illustration de l'idée -maintes fois défendue- selon laquelle la dépense engagée en faveur du patrimoine a un fort effet multiplicateur . Selon une étude de CDC Consultants (Caisse des dépôts et consignations) rendue publique en juin 1996 portant sur vingt-sept parcs, les parcs naturels régionaux ont entraîné pour l'année 1994 la création ou le maintien de 5.000 à 5.500 emplois : 900 emplois directs (salariés des parcs), 1.300 à 1.400 emplois indirects (liés aux dépenses d'investissement et de fonctionnement effectuées par les parcs sur leur territoire) et 2.800 à 3.200 emplois induits (dans les activités économiques présentes sur le territoire). Par ailleurs, le coût d'un emploi créé ou maintenu grâce aux actions conduites est compris dans une fourchette entre 14.000 à 20.000 francs, ce qui est modeste comparé aux coûts des autres dispositifs d'aide à la création d'emplois.

Globalement, le budget des parcs naturels régionaux s'élève pour 1997 à 425,5 millions de francs.

Depuis le décret de 1975 qui a confié l'initiative de la création des parcs aux régions les recettes qui provenaient auparavant des départements, des communes et de l'Etat, sont complétées par les contributions de plus en plus importantes des régions. En 1997, les régions et l'Etat assument respectivement 40 % et 9,5 % du budget de fonctionnement et 35 % et 8,4 % du budget d'équipement.

Si certaines régions financent depuis longtemps les parcs de leur territoire selon un taux fixe qui leur permet de savoir sur quelle base établir leur budget, d'autres régions étaient encore réticentes pour apporter aux parcs une telle assurance, mettant ceux-ci en position difficile notamment pour le développement de leurs actions d'animation et de revitalisation du milieu rural qui doivent s'inscrire dans la durée.

La politique des contrats de plan négociés entre l'Etat et les régions depuis 1984 a permis aux parcs régionaux de bénéficier, en dépit des aléas attachés au principe d'annualité budgétaire, de perspectives financières à moyen terme.

Les crédits du ministère de l'environnement réservés aux parcs naturels régionaux dans le cadre de la contractualisation Etat-régions sont répartis suivant une modulation qui tient compte notamment de l'effort de chaque parc pour la protection et la gestion de son patrimoine et des conditions de révision de sa charte.

En 1995, pour la première année depuis l'instauration des contrats de plan, les crédits disponibles en fonctionnement n'ont pas permis d'honorer les montants des contrats de plan. Il en a été de même, en fonctionnement et en investissement, en 1996 et en 1997. Le déficit de contribution de l'Etat au financement des parcs est donc allé en s'aggravant.

Le projet de budget du ministère pour 1998 prévoit une reconduction des moyens de fonctionnement en francs courants à leur niveau de 1997 soit 29,8 millions de francs et une augmentation des autorisations de programme de 16,86 % qui s'établissent à 15,2 millions de francs.

Compte tenu des projets de création de nouveaux parcs, ces mesures ne permettent pas d'améliorer de manière décisive la contribution de l'Etat aux budgets des parcs naturels régionaux . Dans ce contexte, il y a donc fort à parier que le coût de l'exemplarité incombera aux collectivités locales. Lorsque la ministre de l'environnement a été reçue par votre commission le 28 octobre, elle a indiqué au demeurant que le niveau de l'aide apportée aux parcs par l'Etat dans les années à venir pourrait être modulé en fonction de l'évolution des ressources propres des parcs. La menace d'un désengagement de l'Etat existe donc aussi en ce domaine. Elle aurait vraisemblablement comme conséquence une remise en cause de la légitimité de la tutelle qu'il exerce sur les parcs.

Les parcs naturels régionaux demeurent des pôles d'excellence. Rassemblant des territoires fédérés par un fort sentiment identitaire, ils ont vocation à ne protéger qu'une faible part du territoire. La pérennité de ces parcs paraît, en effet, reposer sur un renforcement de leur spécificité de nature à les identifier de façon plus marquée plutôt que sur leur multiplication .

A l'image de ce qu'il préconise pour les parcs nationaux, votre rapporteur souhaiterait que la priorité soit donnée à une amélioration de la contribution de l'Etat pour chacun des parcs plutôt qu'à une dispersion des crédits sur un nombre croissant de parcs.

2. La difficile intégration de la politique des paysages dans le cadre européen : la mise en place du réseau Natura 2000

Les premières réglementations communautaires en matière de protection de la nature ont porté sur la protection de l'avifaune à travers la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages, la nature transfrontalière des migrations des oiseaux justifiant une intervention communautaire. Ce texte, à la fois peu précis et peu contraignant, laissant une grande marge d'appréciation aux Etats membres, ne constituait qu'une approche fragmentaire de la mise en place d'une politique européenne de conservation de la biodiversité. Il fut complété par la directive 92/431/CEE du Conseil du 21 mai 1992 dite directive " Habitats ".

L'objectif de cette directive est de contribuer à assurer la préservation de la diversité biologique européenne, principalement au moyen de la constitution d'un réseau écologique de sites abritant les habitats naturels et les habitats d'espèces de faune et de flore sauvages d'intérêt communautaire. Ce réseau, intitulé " Natura 2000 ", doit contribuer à la réalisation des objectifs de la convention mondiale sur la préservation de la diversité biologique adoptée au " Sommet de la terre " de Rio de Janeiro en 1992 et ratifiée par la France.

L'une des originalités de la directive est de chercher à concilier cet objectif avec les exigences économiques, sociales et culturelles des Etats membres.

La désignation des sites entraînera pour les Etats membres une obligation de résultat, c'est-à-dire, selon la directive, le maintien dans un état de conservation favorable ou la restauration des habitats naturels, mais l'article 2 de la directive, précise qu'il est tenu compte tant des exigences économiques sociales et culturelles que des particularités régionales et locales et l'article 6 aménage le régime d'implantation dans les zones du réseau des projets affectant de façon significative l'environnement.

La directive du 21 mai 1992 prévoit une mise en place du réseau en trois étapes qui s'achèverait en juin 2004 par la désignation des sites concernés.

Proche dans sa méthode de l'inventaire scientifique, la procédure d'identification des sites, qui a été coordonnée par le Muséum d'histoire naturelle, a suscité jusqu'ici de nombreuses inquiétudes tenant à la finalité de ces zones qui ont été comprises par certains comme une possible " sanctuarisation " interdisant toute activité humaine dans les espaces concernés.

Ces craintes avaient été accentuées par l'étendue des zones susceptibles d'être intégrées dans le réseau Natura 2000. En effet, les travaux menés par le Muséum avaient conduits à identifier 1.623 sites couvrant une superficie de près de 8 millions d'hectares, soit 15 % du territoire métropolitain. De son côté, le Conseil national de la protection de la nature avait proposé de ne retenir que les sites qualifiés de remarquables ou de très intéressants par le Muséum, ce qui représentait 1.316 sites couvrant une superficie d'environ 7 millions d'hectares, soit 13 % du territoire.

En raison de la mauvaise compréhension de la directive, la mise en oeuvre de ce dispositif a pris en France beaucoup de retard. Jusqu'à une date récente, la France était actuellement, avec le Luxembourg, le seul Etat membre à n'avoir transmis aucun projet de liste, même partielle, à la Commission. Les autres Etats ont, en effet, adressé des projets plus ou moins complets de listes. Les inventaires complets qui ont été transmis couvrent des espaces représentant de 3 % (pour la Belgique) à 26 % (pour le Danemark) des territoires nationaux.

Une mise en demeure complémentaire, étape préalable à la saisine de la Cour de justice européenne, a été adressée le 3 juillet 1997 aux autorités françaises par la Commission. Par ailleurs, il faut souligner que le retard pris par la France la pénalise au plan financier en ce qui concerne l'attribution des financements dans le cadre du programme LIFE.

Afin de remédier à cette situation, la procédure de consultation prévue par le décret du 5 mai 1995 a été relancée par une circulaire du 11 août 1997 du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement aux préfets de département afin que le Gouvernement puisse transmettre à la Commission, dans les meilleurs délais, des propositions de sites.

Le comité national de suivi et de concertation Natura 2000 a été réuni le 30 juillet 1997 et, à cette occasion, élargi à des associations de représentants d'élus locaux (maires et conseillers généraux) et à des associations d'usagers des espaces naturels, ce dont votre rapporteur se félicite. Comme le prévoyait le décret du 5 mai 1995, les préfets vont organiser la consultation des maires des communes concernées, des conseils généraux et des organisations professionnelles.

Le Gouvernement devait adresser une première liste à la Commission européenne concernant des sites pour lesquels les consultations avaient déjà abouti ou bien, d'ores et déjà, inclus dans des espaces protégés ou assortis de demandes de financement au titre de l'instrument communautaire LIFE. Une liste a été communiquée dans le courant du mois d'octobre par la France à la Commission ; elle ne vise que des sites alpins et semble avoir été envoyée trop tardivement pour être examinée dans le cadre de la réunion d'évaluation tenue à Salzbourg le 20 octobre dernier avec les Etats membres concernés par les sites alpins. Une nouvelle liste à vocation plus générale devrait être envoyée avant la fin de l'année et complétée dans le courant de l'année prochaine.

La transmission de ces listes -rappelons-le- s'inscrit dans le cadre de la première étape de la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 au cours de laquelle les Etats membres doivent proposer des listes nationales de sites susceptibles d'être reconnues d'intérêt communautaire. La deuxième étape, qui devrait se dérouler jusqu'en juin 1998 a pour objet d'arrêter la liste de sites au sein de chacune des six régions biogéographiques européennes en vue de constituer un réseau cohérent à partir des propositions nationales. La troisième étape, qui s'étendra de juin 1998 à juin 2004, permettra de désigner définitivement les sites retenus et de déterminer les modalités de gestion. Compte tenu des retards pris jusqu'ici, il semble que ce calendrier devra être modifié.

*

* *

Les collectivités publiques disposent pour mettre en oeuvre leur volonté de sauvegarder le patrimoine naturel de nombreux instruments. Ceux-ci connaissent des succès inégaux et apparaissent perfectibles.

Leur évolution a fait apparaître qu'au-delà du souci de conservation des sites protégés, devait être développée leur gestion. Cette préoccupation est apparue d'autant plus justifiée que le champ de la politique des paysages s'élargissait et qu'il ne pouvait être question de " sanctuariser " des zones de plus en plus étendues.

Cette gestion a pour objet de parvenir à un équilibre harmonieux entre préservation des espaces et aménagement du territoire. A cette fin, il est nécessaire que le citoyen, usager et acteur du paysage, y soit étroitement associé.

Cette nécessité s'est traduite, dans un premier temps, par la mise en place d'instruments de gestion concertée de l'espace dont certains ont donné lieu à des réalisations exemplaires (parcs naturels régionaux). Plus récemment, elle a inspiré la création de la commission nationale du débat public par la loi du 2 février 1995 qui a notamment pour mission d'organiser des débats publics relatifs aux grandes opérations d'aménagement d'intérêt national pendant la phase de leur élaboration et de définir une doctrine de la concertation.

Au-delà de cette démarche, il est apparu souhaitable de mettre en place une structure favorisant la mobilisation des initiatives et des volontés publiques et privées et permettant au citoyen de prendre une part active dans la politique de protection du patrimoine naturel.

Tel est l'objet de la Fondation du patrimoine créée par la loi du 2 juillet 1996. Conçue comme un instrument de protection et de mise en valeur du patrimoine entendu au sens le plus large c'est-à-dire incluant à la fois le patrimoine bâti et le patrimoine non bâti, elle était susceptible de constituer un nouvel outil de la politique des paysages.

III. LA FONDATION DU PATRIMOINE : UN NOUVEL INSTRUMENT DE PROTECTION DU PAYSAGE QUI NE DOIT PAS ÊTRE NÉGLIGÉ

Conformément aux conclusions des rapports remis par notre collègue Jean-Paul Hugot en 1994 à M. Jacques Toubon, alors ministre de la culture et de la francophonie, et à M. Michel Barnier, alors ministre de l'environnement, la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 relative à la Fondation du patrimoine a créé un nouvel instrument de protection et de mise en valeur de notre patrimoine national.

Cette institution d'un genre inédit est novatrice à deux égards.

- La Fondation traduit une nouvelle approche du patrimoine. En effet, elle a pour vocation de s'attacher tant à la protection et à la mise en valeur du patrimoine bâti qu'à celle du patrimoine non bâti. L'article 2 de la loi du 2 juillet précise en effet que la Fondation du patrimoine " contribue à la sauvegarde des monuments, édifices, ensembles mobiliers ou éléments remarquables des espaces naturels ou paysagers menacés de dégradation, de disparition ou de dispersion . "

Cette approche unitaire du patrimoine qui apparaît comme une des conditions essentielles d'une politique des paysages bien comprise contraste, en effet, avec la tendance suivie jusque-là à créer des instruments de protection distincts pour le patrimoine naturel et le patrimoine monumental.

- Par ailleurs, elle offre à l'initiative privée un vecteur de mobilisation jusque-là inexistant.

Les études d'opinion révèlent l'attachement croissant des Français à leur patrimoine. Les pratiques touristiques comme l'implication des associations qui oeuvrent en ce domaine témoignent également de ce nouvel engouement. Néanmoins, pour une large majorité des Français (79 %), le financement nécessaire à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine doit être entièrement pris en charge par les pouvoirs publics. Cette attitude s'explique par des raisons historiques. Dans son article sur la notion de patrimoine dans l'ouvrage sur les " Lieux de mémoire ", dirigé par Pierre Nora, André Chastel constate que " l'intervention de l'Etat semble avoir habitué collectivités et particuliers à considérer que les autorités doivent assumer la responsabilité du patrimoine dans sa définition et dans sa mise en valeur ".

La Fondation du patrimoine doit donc donner aux Français les moyens de prendre une part active à la protection de leur patrimoine. A ce titre, elle est susceptible de compléter les instruments de protection des paysages mis en oeuvre par l'Etat et les collectivités territoriales, en permettant une association plus étroite des citoyens.

Plus d'un an après le vote de la loi créant la Fondation du patrimoine, votre rapporteur a souhaité se pencher sur les conditions de mise en oeuvre de cette institution originale. Il lui est, en effet, apparu opportun d'apprécier dans quelle mesure ce nouvel outil pouvait contribuer à la politique de protection de nos paysages.

Il apparaît que la constitution de la Fondation du patrimoine, qui s'est effectuée en l'absence de tout soutien financier ou logistique du Gouvernement, a été plus difficile que ne le laissaient supposer les travaux préparatoires de la loi.

Le mode de fonctionnement retenu par le conseil d'administration s'avère sensiblement différent du schéma initial prévu par le législateur. Il repose sur une organisation largement décentralisée recourant au niveau local à la fois aux entreprises et aux associations qui seront chargées de collecter les fonds nécessaires à la réalisation des projets cofinancés par la Fondation.

Le programme retenu par la Fondation est ambitieux. Sa réussite exige néanmoins une collaboration entre la Fondation et les structures administratives de l'Etat qui, jusqu'ici, ne semble pas s'être mise en place de manière satisfaisante. Ce partenariat apparaît nécessaire pour qu'elle puisse, d'une part, user des prérogatives dont la loi l'a dotée et, d'autre part, assumer l'ensemble des missions qui lui ont été confiées par le législateur et, en particulier, la sauvegarde du patrimoine naturel.

A. UN OUTIL AMBITIEUX DESTINÉ À COMBLER LES LACUNES DE LA POLITIQUE DE PROTECTION ET DE MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE

1. La vocation de la Fondation du patrimoine

La Fondation du patrimoine devait avoir pour mission, d'une part, de combler les lacunes du dispositif de protection et de valorisation du patrimoine national et, d'autre part, de favoriser la mobilisation des initiatives et des volontés publiques et privées.

· Combler les lacunes du dispositif de protection et de valorisation du patrimoine national.

Définies à l'article 2 de la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 précitée, les missions de la Fondation du patrimoine lui permettaient de remédier aux lacunes de l'action conduite par l'Etat et les collectivités locales en faveur du patrimoine. L'article 2 précise, en effet, qu'elle " a pour but de promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national ".

- En premier lieu, elle devait s'attacher à l'identification, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine non protégé -et plus particulièrement du patrimoine de proximité. En effet, de nombreux bâtiments ou sites trop modestes ou trop isolés -bien qu'ils constituent une composante décisive du cachet d'un paysage- ne font pas l'objet des mesures de protection du patrimoine que sont par exemple le classement ou l'inscription.

L'instrument de cette reconnaissance se manifeste par l'attribution d'un label de qualité dont les conditions d'attribution sont déterminées par le conseil d'administration de la Fondation. Ces dernières devaient différer de celles retenues au titre de la loi de 1913 sur les monuments historiques ou de la loi de 1930 sur les sites afin que la Fondation ne se substitue pas à l'Etat, l'intérêt et la mobilisation de la population locale, d'une association ou d'une collectivité locale pouvant selon les initiateurs du projet s'avérer déterminants.

Par ailleurs, il était prévu que la Fondation puisse apporter son concours à des personnes publiques ou privées propriétaires par le biais d'aides financières (avances remboursables, aides, garanties d'emprunts) ou en soutenant leur action par ses conseils.

- En second lieu, la Fondation devait participer au sauvetage des monuments historiques ou des sites menacés .

A la différence du National Trust, la Fondation, dans l'esprit du législateur, n'avait pas vocation à devenir un propriétaire foncier mais devait avoir pour rôle d'assurer le " portage " temporaire des monuments ou sites en péril, l'objectif poursuivi étant qu'elle puisse à terme revendre le bien à une personne publique ou privée capable d'en assumer la conservation et l'entretien. La loi dispose donc que les biens acquis dans un souci de protection par la Fondation ne sont pas inaliénables.

- Enfin, la Fondation devait contribuer à la valorisation et à la présentation au public du patrimoine national . Son rôle de promotion a été conçu largement puisqu'il peut porter tant sur le patrimoine protégé que sur le patrimoine non protégé.

· Mobiliser et fédérer les initiatives publiques et privées

A ce titre, la Fondation a pour objet de valoriser les expériences acquises par les associations et les collectivités locales. Elle n'a nullement vocation à se substituer aux différents intervenants dont certains témoignent, en faveur du patrimoine, un engagement qui doit être salué. Leur action devait, grâce à cette nouvelle structure, être mieux relayée auprès des pouvoirs publics, et notamment auprès du ministère de la culture et du ministère de l'environnement.

La représentation des associations au sein de la Fondation est assurée par un conseil d'orientation composé notamment de trois membres choisis par le conseil d'administration en dehors de son sein parmi les représentants des associations ayant pour objet la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel et de trois membres choisis parmi les représentants des associations ayant pour objet la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel.

2. Une structure originale dotée de moyens d'action efficaces

· Une structure originale

Les statuts de la Fondation du patrimoine qui comportent des traits originaux par rapport au droit des fondations ont pour objet d'une part, de donner aux personnes physiques ou morales la possibilité d'y adhérer directement et, d'autre part, de pérenniser son action grâce à l'engagement durable des fondateurs.

A la différence de ce que prévoit le droit des fondations, l'article 3 de la loi du 2 juillet 1996 dispose que des personnes physiques ou morales, publiques ou privées peuvent adhérer à la Fondation . Les statuts ont déterminé les conditions d'adhésion de manière très souple. L'article 22 du décret du 18 avril 1997 portant reconnaissance d'utilité publique et approbation des statuts précise, en effet, que " l'adhésion est libre ", les adhérents se contentant de verser une cotisation dont le montant est déterminé par le conseil d'administration. Les adhérents directs se réunissent en assemblée générale au moins une fois par an et élisent trois représentants au conseil d'administration.

Les fondateurs s'engagent sur des modalités différentes de celles retenues par le droit des fondations . La loi précise que les apports constitutifs de la Fondation du patrimoine ne sont pas immobilisés : ils peuvent directement servir à financer les actions définies par le conseil d'administration. La pérennité de l'organisme ne repose pas sur l'importance du capital immobilisé lors de la constitution de la Fondation mais procède de la continuité de l'engagement des fondateurs.

Alors que les fondateurs d'une fondation " classique " en perdent le contrôle dès lors qu'elle est constituée, l'article 6 de la loi précise que les représentants des fondateurs doivent disposer ensemble de la majorité absolue des voix au conseil d'administration. Ce sont donc eux qui conservent le pouvoir de décision au sein de la Fondation. Par ailleurs, la loi prévoit que l'admission de nouveaux fondateurs est possible sur proposition du conseil d'administration.

L'Etat, s'il cautionne la Fondation du patrimoine en lui donnant les moyens de son action, n'a pas vocation à intervenir dans sa gestion. Le président de la Fondation est élu par le conseil d'administration -et non nommé par décret comme le prévoyait le projet de loi initial. Le Gouvernement ne désigne que trois des onze membres du conseil d'administration qui ne représentent pas les fondateurs ; trois commissaires du Gouvernement sont nommés respectivement par le ministre de la Culture, le ministre de l'Environnement et le ministre de l'Intérieur et assistent aux réunions du conseil d'administration.

Composition du conseil d'administration
(article 3 du décret du 18 avril 1997 portant reconnaissance d'utilité publique
et approbation des statuts de la Fondation du patrimoine)

Le conseil d'administration est composé :

- du président de la fondation, choisi ou non au sein du conseil ;

- d'un représentant de chacun des fondateurs ;

- d'un sénateur, désigné par le président du Sénat, et d'un député, désigné par le président de l'Assemblée nationale ;

- de trois représentants des communes, des départements et des régions :

- un maire, désigné par l'Association des maires de France ;

- un président de conseil général, désigné par l'Association des
présidents de conseils généraux ;

- un président de conseil régional, désigné par l'Association des
présidents de conseils régionaux ;

- d'un membre de l'Institut de France, désigné par le Premier ministre sur proposition de la commission administrative centrale ;

- d'une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la culture ;

- d'une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de l'environnement

- et de trois représentants élus par les membres adhérents de la Fondation du patrimoine.

Composition du conseil d'orientation
(article 8 du décret du 18 avril 1997)

Le conseil d'orientation de la Fondation du patrimoine comprend :

- trois membres choisis par le conseil d'administration, en dehors de son sein, parmi les représentants des associations ayant pour objet la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel et trois membres choisis parmi les représentants des associations ayant pour objet la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel ;

- six autres personnes qualifiées, désignées par le conseil d'administration en dehors de son sein, particulièrement compétentes dans le domaine de la protection et la mise en valeur, d'une part, du patrimoine naturel, d'autre part, du patrimoine culturel.

· Des moyens d'action efficaces

Afin de mener à bien sa mission, la loi a doté la Fondation du patrimoine de moyens d'action particulièrement efficaces.

Elle a, notamment, accordé à la Fondation du patrimoine, personne morale de droit privé, le bénéfice de prérogatives de puissance publique pour l'exercice de sa mission de sauvegarde du patrimoine national. Ces prérogatives sont :

- l'expropriation pour cause d'utilité publique des monuments historiques classés ou en instance de classement, prévue à l'article 6 de la loi du 31 décembre 1913 précitée ;

- l'expropriation pour cause d'utilité publique des monuments naturels ou des sites visée par l'article 16 de la loi du 2 mai 1930 précitée ;

- et la préemption en vente publique des oeuvres d'art prévue par les articles 37 et 38 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice de 1922.

Dans l'intention du législateur, la Fondation ne devait recourir qu'avec parcimonie à ces prérogatives dont la mise en oeuvre est soumise à la libre appréciation de l'Etat.

Compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à leur préservation, les biens acquis par la Fondation (monuments, édifices, ensembles mobiliers ou éléments remarquables des espaces naturels ou paysagers) dans l'exercice de sa mission de sauvetage des biens ou des sites en péril sont insaisissables (article 5 de la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 précitée).

Par ailleurs, la loi prévoit des dispositions de nature à faire de la Fondation un instrument de relance de la politique du mécénat . Afin d'assurer la protection et la mise en valeur d'un bien particulier, la Fondation du patrimoine peut accueillir des " fondations filiales " disposant d'un capital propre mais dépourvues de la personnalité juridique. Par ailleurs, les dons et legs reçus par la Fondation du patrimoine seront soumis à l'application des dispositions fiscales réservées aux fondations reconnues d'utilité publique. Les donations et les legs que la Fondation pourrait recevoir bénéficieront de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit prévue par l'article 795 du code général des impôts. Les dons des particuliers et des entreprises seront déductibles du revenu imposable dans les conditions définies par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Ceci constitue incontestablement un moyen d'encourager le mécénat en faveur du patrimoine qui est aujourd'hui encore insuffisamment développé. En effet, en adressant leurs dons à la Fondation, les particuliers ou les entreprises pourront participer à des opérations de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine tout en bénéficiant d'un régime fiscal avantageux, ce qui était jusque là impossible.

B. UNE INSTITUTION EN QUÊTE D'IDENTITÉ

1. Une mise en place difficile

· Une constitution laborieuse ...

La loi créant la Fondation du patrimoine a été adoptée définitivement par le Parlement le 20 juin 1996.

La constitution de la Fondation était conditionnée, aux termes de l'article 11 de la loi, par l'édiction du décret en Conseil d'Etat portant reconnaissance d'utilité de la Fondation et approuvant ses statuts. Ce dernier a été pris le 18 avril 1997 et publié au Journal officiel -Lois et Décrets- du 20 avril 1997, soit dix mois après l'adoption de la loi alors que, lors des débats parlementaires, avait été envisagée la possibilité de voir la Fondation fonctionner avant la fin de l'année 1996.

Le premier conseil d'administration s'est tenu le 13 juillet 1997, soit près d'un an après le vote de la loi.

Ce retard s'explique essentiellement par les difficultés liées à la collecte des fonds devant constituer le capital de la Fondation. Estimé à hauteur de 40 millions de francs lors des travaux préparatoires, celui-ci s'élève en définitive à 32 millions de francs.

Ces capitaux initiaux ont été apportés par les entreprises suivantes :

- Axa SA 4 MF

- Bellon SA 4 MF

- Caisse nationale du Crédit agricole 2 MF

- Centenaire Blanzy 1 MF

- Compagnie générale des Eaux 4 MF

- Danone 2 MF

- Devanlay 1 MF

- Electricité de France 4 MF

- Fimalac SA 1 MF

- Gaz de France 4 MF

- Indreco 1 MF

- Marie Brizard 4 MF

Il importe de relever que, parmi les fondateurs, se trouvent des entreprises qui pratiquent d'ores et déjà un mécénat actif en faveur du patrimoine, qu'il soit bâti ou naturel. C'est le cas notamment de Gaz de France qui participe, en partenariat avec le Conservatoire du littoral et des espaces lacustres, à des opérations de protection et de mise en valeur de sites littoraux.

La collecte des fonds a été accomplie essentiellement grâce à l'action personnelle de M. Edouard de Royère, pressenti par le ministre de la culture après l'adoption du projet de loi pour devenir président du conseil d'administration de la Fondation.

Cette mise en oeuvre assez laborieuse a eu pour première conséquence d'empêcher la participation de la Fondation du patrimoine au plan patrimoine-emplois.

· ...effectuée en toute indépendance

Lors des débats législatifs, avait été soulignée la nécessité de ne pas voir la Fondation du patrimoine devenir le " faux-nez de l'administration ". Les conditions avaient certes été réunies pour garantir l'indépendance de la Fondation à l'égard des pouvoirs publics. Néanmoins, l'Etat disposant de moyens d'intervention dans le fonctionnement de la Fondation (approbation conjointe du règlement intérieur par les ministères de tutelle, mise en oeuvre des procédures d'expropriation et de préemption conditionnée par l'autorisation de l'autorité compétente de l'Etat, possibilité pour les commissaires du Gouvernement de demander une seconde délibération au conseil d'administration), il semblait difficile d'envisager qu'il se désintéresse de sa constitution.

Néanmoins, il est apparu à votre rapporteur que le ministère de l'environnement comme le ministère de la culture ne sont pas intervenus dans le processus de constitution de la Fondation.

En effet, cette dernière, au cours des exercices 1996 et 1997, n'a reçu ni subventions publiques ni soutien logistique de la part de ces administrations. Certes, la Fondation n'avait, avant l'édiction du décret portant reconnaissance de son statut, aucune existence juridique. Néanmoins, votre rapporteur s'étonne que cette institution, dont la création résultait d'une initiative gouvernementale et dont les modalités de fonctionnement ont été fixées par la loi, ne bénéficie lors de sa mise en place d'aucun concours, quel qu'il soit, financier ou technique. Il apparaît, en effet, que sans la détermination de ses fondateurs et d'un président soucieux de faire aboutir le projet, la Fondation aurait eu de bonnes chances de ne jamais voir le jour.

2. Un mode d'organisation sensiblement différent du schéma initial fixé par le législateur

· Les moyens de financement

Une des originalités présentées par la Fondation du patrimoine résidait dans le statut inédit dont l'avait dotée la loi. En effet, à la différence du droit classique des fondations, la pérennité de la Fondation ne résidait pas dans l'immobilisation du capital, ce qui aurait exigé des apports initiaux d'un montant très élevé qu'il aurait été vraisemblablement impossible de réunir sur un tel projet, mais dans l'engagement des fondateurs d'assurer le financement de la Fondation.

Les apports des fondateurs devaient donc financer les actions engagées par le budget de la Fondation ainsi que son fonctionnement, ce qui exigeait, si un nombre significatif d'opérations devaient être lancées, un renouvellement du capital soit par des apports supplémentaires des fondateurs, soit par des apports de nouveaux fondateurs. Compte tenu des difficultés rencontrées dans la collecte des fonds devant constituer le capital initial de la Fondation, ceci signifiait soit un abondement permanent du capital -difficilement réalisable- soit plus vraisemblablement l'épuisement, à échéance plus ou moins lointaine, des moyens d'action de la Fondation.

Le mode de fonctionnement prévu par la loi a donc été abandonné au profit d'un schéma plus proche de celui retenu par le droit commun des fondations. Ainsi, il a été décidé que le capital initial de 32 millions de francs serait placé afin de produire des revenus destinés à financer la structure centrale de la Fondation (frais de publicité, de personnel et d'équipements divers) et que les opérations menées par la Fondation seraient financées par des appels à financement lancés à l'échelon local à l'occasion de projets précis.

D'après les informations données à votre rapporteur par le président de la Fondation, le capital initial devrait être porté, au cours de l'année 1998, à 60 millions de francs grâce à l'apport de fonds de nouveaux donateurs, ce qui permettrait à la Fondation de bénéficier d'une solidité financière plus grande de nature à accroître sa force de conviction à l'égard des entreprises appelées à participer aux projets. L'immobilisation du capital présente l'avantage pour les entreprises donatrices d'associer de manière permanente leur nom à l'action de la Fondation du patrimoine alors que, dans le schéma initial, elles étaient des partenaires parmi d'autres de réalisations cofinancées.

· L'appel à des adhérents directs

L'article 3 de la loi précisait que " des personnes physiques ou morales, publiques ou privées peuvent adhérer dans les conditions prévues par les statuts à la Fondation du patrimoine à condition de s'acquitter d'une cotisation annuelle dont le montant est déterminé par le conseil d'administration ".

Cette disposition audacieuse rapprochait le droit des fondations de celui des associations afin de permettre aux citoyens de participer activement à l'action de la Fondation, à l'image de ce qui prévaut dans le fonctionnement du National Trust britannique. Les statuts approuvés par le décret du 18 avril 1997 précisent que l'adhésion est libre, posant comme seule condition l'acquittement d'une cotisation dont le montant est fixé par le conseil d'administration.

D'après les informations qu'a pu recueillir votre rapporteur, il apparaît que la Fondation du patrimoine n'est pas désireuse de disposer, du moins dans la première phase de sa mise en place, d'adhérents directs. Elle ne souhaite pas pour autant interdire l'adhésion directe : le montant de la cotisation, très modique, a été fixé par le dernier conseil d'administration mais elle n'envisage pas de lancer un large appel à cotisations pour des raisons tenant essentiellement au coût d'une telle opération.

La Fondation associera les citoyens à ses actions mais selon un mécanisme sensiblement différent de celui prévu à l'origine . En effet, a été mis en place un système fondé non sur l'adhésion directe des citoyens à la Fondation mais sur celle des associations elles-mêmes. Les associations souhaitant soutenir l'action de la Fondation demandent à leurs membres de lui verser une cotisation symbolique de 10 francs, la Fondation se réservant le droit de les solliciter lorsqu'un projet susceptible de les intéresser doit être lancé. Plutôt que des adhérents directs, il s'agit de membres " dormants " qui sont informés des projets de nature à les concerner au plan local. Ils sont, à ce jour, plus de 100.000 et constituent le vivier dans lequel la Fondation puisera ses mécènes.

Ce système, qui n'était pas prévu par la loi, présente aux yeux de votre rapporteur plusieurs avantages.

En premier lieu, il constitue la garantie que la Fondation ne se substituera pas aux associations de protection du patrimoine. Ce souci avait été exprimé, lors de la discussion du projet de loi, par votre commission. La défense du patrimoine bâti et non bâti est une cause encore étroite et un appel à adhésion directe risquerait de priver les associations de leurs membres, risque qui est susceptible de nourrir leur prévention à l'égard de la Fondation, qui ne pourrait qu'en pâtir. La Fondation tirera parti du réseau et de la mobilisation des adhérents des associations qui, elles-mêmes, pour la réalisation de leurs projets, bénéficieront de l'effet de levier de la Fondation.

En second lieu, ce principe d'affectation des dons à des projets identifiés permet une plus grande transparence financière des actions soutenues par la Fondation et l'opinion que le public aura de cette institution s'en trouvera renforcée.

· L'organisation interne de la Fondation

L'organisation retenue jusqu'ici se fonde, d'une part, sur une structure centrale s'appuyant sur une équipe de dimension réduite et, d'autre part, sur une organisation largement décentralisée recourant à l'appui des entreprises .

- Au niveau central , la Fondation ne souhaite pas développer une importante technostructure. Elle se réduira à une équipe de cinq cadres -bénévoles pour quatre d'entre eux- choisis en raison de leurs compétences et de leur personnalité et responsables respectivement des réseaux régionaux, des associations, des finances, de la communication et des questions techniques (M. Marcel Jullian a été désigné en tant que directeur de la communication). Leur rôle est conçu restrictivement : ils n'ont vocation qu'à exercer un rôle d'impulsion à destination du réseau décentralisé et à assumer les tâches qui ne peuvent être déléguées aux membres de ce dernier. Il faut souligner que le rôle logistique de la structure centrale se réduira, du moins dans un premier temps, au minimum. L'idée d'une ingénierie technique ou financière fournie par la Fondation, qui avait été avancée lors des débats parlementaires, ne semble pas encore pouvoir se concrétiser.

- La Fondation s'appuiera essentiellement dans la mise en oeuvre de ses projets sur une organisation décentralisée. Celle-ci semble s'être dessinée non pas a priori mais au fur et à mesure que la Fondation mesurait sa marge d'indépendance à l'égard de l'Etat et des collectivités locales .

Elle repose à l'échelon régional sur un " patron régional " selon l'expression utilisée par M. de Royère, président de la Fondation. Ce responsable régional qui sera un chef d'entreprise ou bien une personnalité à fort rayonnement régional aura pour mission d'aider à la mise en oeuvre des projets. Son influence et son réseau de relations devront permettre de mobiliser les énergies et de surmonter les réticences psychologiques ou administratives des divers partenaires potentiels. Il sera assisté d'un bénévole membre ou non d'une association, qui sollicitera le soutien des chambres de commerce, des unions professionnelles, des associations et des collectivités locales.

A l'échelon départemental, se retrouve la même organisation : un chef d'entreprise assisté d'un bénévole. A la différence de l'équipe régionale, à qui il revient de nouer des contacts, celle-ci aura un véritable rôle opérationnel. Il lui reviendra de sélectionner les projets les plus intéressants et de recueillir les financements nécessaires.

La Fondation aura pour seul rôle de donner son accord à la réalisation de l'opération envisagée après avoir vérifié que son financement est assuré et que les devis et les travaux envisagés sont fondés. Il s'agit donc d'un contrôle souple exercé à l'échelon central qui donnera lieu à la délivrance du label.

Cette organisation décentralisée repose sur le principe de la régionalisation et de la départementalisation des financements. Les projets seront financés par les sommes perçues dans le département ou la région concernée. Il n'y aura donc pas de péréquation entre les régions ni même entre les départements.

Cette organisation décentralisée n'exclut pas que la Fondation définisse des lignes directrices à son action. Il reviendra au conseil d'orientation de déterminer des grands thèmes transversaux qui commanderont, sans pour être totalement exclusifs du choix d'autres réalisations, la sélection des projets.

Jusqu'à présent, la Fondation a préféré, plutôt que de couvrir l'ensemble du territoire, choisir des régions pilotes. Celles-ci seront au nombre d'une dizaine d'ici la fin de l'année 1997.

Il est apparu à votre rapporteur que le mode d'organisation calqué sur les méthodes de l'entreprise privée et inspiré par l'esprit de responsabilité et d'initiative des responsables locaux résultait non pas d'une méthode définie a priori mais des conditions dans lesquelles la Fondation s'est mise en place en dehors de toute orientation définie par les ministères de tutelle.

3. Des projets ambitieux mais encore incertains

Le programme que s'est fixé la Fondation répond au souci des Français de se réapproprier leur patrimoine, et en cela, elle demeure fidèle aux intentions du législateur.

Néanmoins, il semble à votre rapporteur susceptible de se heurter à de nombreux obstacles. C'est pourquoi, il formulera des suggestions afin que la Fondation puisse réussir à remplir pleinement la mission que la loi lui a dévolue.

· Un programme ambitieux

D'après une enquête réalisée par la SOFRES en 1997, 86 % des Français s'intéressent à l'action susceptible d'être menée par la Fondation du patrimoine.

Forte de cette légitimité, la Fondation a ébauché les premières lignes d'un programme ambitieux. L'objectif affiché est de pouvoir collecter, une fois les réseaux régionaux mis en place, 2 millions de francs par an et par département au titre de la Fondation, ce qui permettrait de soutenir à hauteur de 20 % en moyenne des projets cofinancés par l'Etat, les collectivités locales et les propriétaires. La Fondation disposerait ainsi d'une réelle capacité d'intervention. Ceci exige une mobilisation forte des entreprises et des citoyens mais semble correspondre à l'étendue de la tâche. En effet, le seul patrimoine bâti, non protégé, représente près de 500.000 monuments ; quant au patrimoine non bâti, les possibilités d'action sont infinies.

Au-delà de cet objectif à long terme, la Fondation a défini la nature des projets susceptibles de bénéficier de son soutien. Elle ne souhaite pas, du moins dans une première étape, se lancer dans de vastes opérations. Le coût total moyen des projets devrait, en effet, être compris entre 50.000 et 100.000 francs.

L'élaboration des projets comme leur sélection seront opérées au sein des réseaux locaux. Néanmoins, afin de faciliter le choix des projets, d'une part, et, d'autre part, de conférer à l'ensemble de l'action de la Fondation du patrimoine une relative lisibilité notamment à l'égard à des entreprises fondatrices comme des entreprises donatrices, les réalisations -du moins pour une large majorité d'entre elles (60 % environ)- illustreraient des thèmes transversaux choisis à l'échelon national par le conseil d'orientation.

Outre ce critère thématique de sélection, la Fondation souhaite être particulièrement attentive à l'aspect économique des projets qui lui seront soumis. Conformément aux souhaits exprimés au cours du débat parlementaire, seront privilégiés les projets susceptibles de créer ou de maintenir des emplois. Les entreprises donatrices ne pourront qu'être sensibles à une telle approche.

La Fondation ne semble pas vouloir limiter son rôle à l'organisation de la collecte de fonds. Elle souhaite également apporter son soutien en mobilisant des bénévoles autour d'un projet. Est, en effet, envisagée la possibilité de faire appel aux retraités des entreprises fondatrices afin d'offrir à des propriétaires le concours de bénévoles désireux de se mobiliser autour d'une opération. A la différence du National Trust, il ne s'agirait pas de faire appel aux adhérents directs mais de recourir aux entreprises mécènes.

Il n'est pas actuellement dans les intentions de la Fondation de mettre en oeuvre les prérogatives de puissance publique dont la loi lui a accordé le bénéfice (expropriation, préemption). De même, le recours à la possibilité d'acquérir des biens immobiliers ou mobiliers n'est pas envisagé.

Les premiers projets de la Fondation seront lancés progressivement à partir du mois de décembre au rythme d'un projet tous les mois. Cette méthode permettra d'entretenir sur la durée l'intérêt des Français pour la Fondation. A la fin de l'année 1998, l'ensemble des régions devraient avoir été concernées par le lancement de projets. Les premières réalisations intéresseront deux régions pilotes : les Pays de Loire et Midi-Pyrénées. Il s'agira de projets d'envergure financière modeste : restauration de moulins ou de pigeonniers par exemple.

· Les suggestions formulées par votre rapporteur

Le programme ambitieux conçu par la Fondation trouve un écho dans la mobilisation des entreprises et des associations autour des premiers projets qu'elle conduit. L'engagement des citoyens qui est la condition nécessaire à la pérennité de cette institution semble véritablement pouvoir se manifester. Votre rapporteur a pu mesurer les attentes qu'avait fait naître la création de la Fondation du patrimoine auprès des collectivités publiques comme des propriétaires. Afin de réduire les incertitudes qui pèsent encore sur la viabilité de ce projet, il souhaite formuler deux suggestions afin que la Fondation puisse remplir la vocation que la loi lui a assignée.

La Fondation s'est engagée dans un mode de fonctionnement inspiré des méthodes de gestion de l'entreprise privée. La personnalité de son président conjuguée à une mise en oeuvre conduite en dehors de tout engagement de l'administration, explique cet état de fait.

Néanmoins, votre rapporteur n'envisage pas que la Fondation puisse développer son action sans que ses rapports avec l'administration soient précisés.

Il s'agit là d'une nécessité, commandée, notamment, par les conséquences entraînées par l'octroi du label " Fondation du patrimoine "
au patrimoine non protégé et aux sites. L'article 2 de la loi prévoit, en effet, que ce label est susceptible d'être pris en compte pour l'octroi de l'agrément prévu au 1°ter du II de l'article 156 du code général des impôts qui dispose d'ores et déjà que les propriétaires d'immeubles non protégés au titre des monuments historiques mais " qui font partie du patrimoine national en raison de leur caractère historique ou artistique particulier " peuvent bénéficier des avantages fiscaux qu'il prévoit dès lors qu'ils ont été agréés à cet effet par le ministre de l'économie et des finances. L'octroi de cet avantage s'avère très précieux pour les propriétaires de monuments non protégés qui ne bénéficient pas des différents avantages fiscaux attachés aux monuments historiques comme pour les propriétaires de sites s'ils étaient susceptibles d'être concernés, ce qui ne semble pas pouvoir être le cas selon les travaux préparatoires de la loi au profit desquels n'existe aucun dispositif fiscal.

Néanmoins, il était difficile d'imaginer que la seule décision de la Fondation octroyant le label suffirait pour que les propriétaires soient agréés par l'administration fiscale.

L'article 16 de la loi de finances pour 1997 a modifié le 1° ter du II de l'article 156 du code général des impôts afin de préciser que, pour être pris en compte par l'administration fiscale, le label devra été accordé " sur avis favorable du service départemental de l'architecture et du patrimoine ".

Cette condition qui ne figurait pas dans la loi du 2 juillet 1996 implique donc dans les faits que l'architecte des bâtiments de France donne son accord aux projets lancés par la Fondation, seuls ceux qui recueillent son avis favorable pouvant donner lieu à déduction fiscale.

Une telle procédure suscite de nombreuses interrogations. En premier lieu, il semble difficile d'envisager que se noue une collaboration entre la Fondation et les architectes des bâtiments de France (ABF) sans que le ministère de la culture en précise les modalités exactes et que les critères que retiendront les architectes soient formalisés. En effet, si les ABF fondent leur décisions sur les mêmes exigences que celles appliquées en matière de patrimoine protégé, il est à craindre que les difficultés rencontrées dans ce domaine se reproduiront dans le champ d'action de la Fondation du patrimoine. Par ailleurs, les ABF ont à faire face à une charge de travail déjà très lourde et il semble difficile de leur attribuer de nouvelles compétences sans augmenter les effectifs de la profession. Par ailleurs, cette solution si elle est légitime pour le patrimoine bâti ne semble pas justifiée en ce qui concerne le patrimoine non bâti.

Votre rapporteur souhaite que la précision introduite dans le code général des impôts ne prive pas d'effet la possibilité intéressante ouverte par la loi créant la Fondation, en liant le lancement des opérations à l'accord de l'administration .

Le label ne pourra ouvrir droit à déduction qu'à deux conditions : d'une part, l'accord de l'architecte des bâtiments de France et, d'autre part, l'agrément des services fiscaux. S'il est conscient de l'impossibilité de donner à la Fondation le droit d'accorder proprio motu un avantage fiscal, votre rapporteur souhaite que son autonomie de décision soit garantie. Ainsi, il pourrait être envisagé qu'un accord entre la Fondation et les services fiscaux fixe au niveau départemental ou au niveau national les conditions que les opérations doivent remplir afin d'ouvrir droit à déduction. En effet, un agrément " au coup par coup ", conjugué à la condition de l'avis favorable de l'architecte des bâtiments de France, risque d'aboutir à une mise sous tutelle de la Fondation.

En dehors de ce point particulier, l'absence de relations entre la Fondation et les structures administratives ne correspond pas aux intentions du législateur et constitue selon votre rapporteur un handicap susceptible de nuire à l'efficacité de l'action de la Fondation. La collaboration entre la Fondation du patrimoine et les structures administratives notamment celles qui dépendent du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et du ministère de la culture s'impose à deux titres.

La Fondation du patrimoine s'est organisée et a entamé son action selon des méthodes inspirées de la gestion des entreprises privées. Ceci constitue non seulement un gage d'efficacité mais apparaît également comme le moyen le plus sûr pour mobiliser l'initiative privée et notamment les entreprises elles-mêmes.

Néanmoins, il apparaît souhaitable que la Fondation n'ignore pas l'action engagée par les collectivités publiques en matière de protection du patrimoine qu'il soit monumental ou naturel. Comme nous l'avons souligné plus haut, les projets soutenus par la Fondation sont des projets cofinancés. Or, il serait profitable que des relations de partenariat puissent se nouer entre la Fondation, les collectivités locales et l'Etat afin d'augmenter les chances de succès des opérations sélectionnées . Les nombreux services et organismes qui dépendent du ministère de la culture ou du ministère de l'environnement seraient en effet susceptibles d'apporter leur concours aux projets soutenus par la Fondation. Certains sont d'ores et déjà habitués à travailler en partenariat avec des partenaires de droit privé. C'est le cas par exemple du conservatoire du littoral et des espaces lacustres ou encore de la fédération des parcs nationaux. Ceci exige que les ministères concernés (environnement et culture en particulier) soient informés de l'action de la Fondation et puissent la faire connaître à leurs services notamment déconcentrés et aux divers organismes dont ils ont la tutelle. D'ores et déjà, les réseaux régionaux ont pu nouer des relations avec ces structures administratives au plan local pour les réalisations de tel ou tel projet. On peut citer ainsi l'exemple d'un projet destiné à réhabiliter des chalets anciens situés dans un parc national.

En outre, il est souhaitable que la Fondation puisse bénéficier de l'appui technique des services de l'Etat . Les contacts qu'elle a noués avec des architectes des bâtiments de France ou certains préfets de régions ou de départements démontrent que la Fondation ressent elle-même ce besoin. Les conditions d'attribution du label l'exigent ; ce serait par ailleurs un atout pour la conduite des actions décidées par la Fondation. C'est le cas plus particulièrement des projets relatifs au patrimoine naturel ou paysager où les connaissances acquises par les services de l'Etat permettraient de faciliter et d'optimiser la sélection des projets par la Fondation afin de choisir les actions les plus importantes ou les plus urgentes, de définir des actions correctrices et de déterminer et conduire des plans de gestion à long terme des sites restaurés.

L'établissement de rapports fructueux entre la Fondation et les structures administratives est cependant conditionné par le respect de l'indépendance de la Fondation . Celle-ci ne doit pas devenir un simple vecteur permettant de collecter des fonds destinés à financer des projets élaborés par les ministères de la culture et de l'environnement ou leurs services extérieurs.

Par ailleurs, votre rapporteur souhaite émettre une recommandation concernant le champ d'action de la Fondation du patrimoine .

La loi créant la Fondation lui a donné pour mission la protection et la mise en valeur du patrimoine qu'il soit bâti ou non bâti. C'était là une des originalités du statut de l'institution qui lui permettait d'appréhender le patrimoine dans son ensemble, au-delà du partage traditionnel qui distingue les attributions relevant du ministère de la culture de celles du ministère de l'environnement. Dans cette perspective, la Fondation devait se révéler comme un acteur de la politique du paysage, permettant une participation plus active du citoyen.

Or, votre rapporteur constate, pour le regretter que, pour l'heure la Fondation n'a pas engagé d'action concernant le patrimoine naturel ou paysager. Deux raisons peuvent être avancées : la première tient dans les réticences dont ont fait preuve les associations de défense du patrimoine naturel à oeuvrer en partenariat avec la Fondation, la seconde dans les difficultés méthodologiques qu'elle éprouve pour définir des possibilités d'intervention en ce domaine.

En effet, s'agissant d'espaces ou de paysages, la protection ne se limite pas en général à une simple opération ponctuelle de réhabilitation mais exige souvent des projets d'entretien s'inscrivant dans la durée et dans lesquels la Fondation ne souhaite pas s'engager. Certaines pistes ont été envisagées : elles concernaient par exemple des opérations liées à la sauvegarde du marais breton, mais la complexité comme le coût de telles opérations ont conduit à leur abandon par la Fondation. La proposition formulée plus haut par votre rapporteur de voir s'établir une collaboration fructueuse entre l'administration et la Fondation permettrait de remédier, en partie du moins, aux difficultés rencontrées par la Fondation pour apprécier la faisabilité des projets de sauvegarde du patrimoine naturel.

Si le patrimoine naturel n'est pas encore couvert par la Fondation, celle-ci envisage néanmoins de lancer des opérations englobant à la fois le patrimoine bâti et le patrimoine non bâti. Il s'agirait par exemple de projets permettant la sauvegarde de monuments (églises, châteaux) dans leur cadre naturel. L'adhésion d'associations s'intéressant à la protection de l'environnement s'avérerait décisive pour la mise en oeuvre de telles opérations.

*

* *

La Fondation du patrimoine répond à une attente des Français et les premiers projets qu'elle met en oeuvre suscitent un intérêt manifeste.

L'organisation qui s'est mise en place est susceptible de garantir l'efficacité de son action bien qu'elle soit assez profondément différente de celle prévue par le législateur.

En effet, elle apparaît de nature à mobiliser les mécènes et à assurer la transparence du financement de la Fondation.

Pour ces raisons, il est nécessaire que ces atouts qui tiennent pour beaucoup à la détermination de ses fondateurs permettent à la Fondation d'investir la totalité du champ d'action que lui a assigné la loi. En effet, elle a pour mission -et cela constitue un des aspects les plus novateurs de cette institution - de protéger le patrimoine bâti et le patrimoine non bâti. A ce titre, elle constitue un instrument susceptible de renouveler les moyens traditionnels de la politique des paysages en associant les citoyens à la protection de leur cadre de vie. Pour ce faire, un partenariat doit s'établir entre la Fondation et les ministères ; celui-ci devra contribuer à accroître l'efficacité de la Fondation tout en respectant son indépendance.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Ambroise Dupont sur les crédits de l'environnement inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998 au cours d'une séance tenue le mercredi 12 novembre 1997, sous la présidence de son président, M. Adrien Gouteyron.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. James Bordas a manifesté son accord avec les analyses du rapporteur relatives aux risques entraînés par la débudgétisation du financement de la politique de l'environnement, à l'insuffisante maîtrise financière de la politique des paysages et à la nécessité de favoriser l'action de la Fondation du patrimoine pour la préservation du patrimoine naturel.

M. Daniel Eckenspieller a rappelé le coût des investissements réalisés par les collectivités locales pour la collecte et le traitement des ordures ménagères. Il s'est interrogé sur les possibilités de ramener le taux de la TVA applicable à ces activités du taux normal au taux réduit de 5,5 %, qui s'applique déjà aux dépenses d'assainissement des eaux.

M. Adrien Gouteyron, président , a souligné que l'élaboration des schémas départementaux d'élimination des déchets suscitait de nombreuses interrogations sur les modalités de traitement à mettre en oeuvre. A cet égard, il s'est inquiété des conditions d'application de l'arrêté du 9 septembre 1997 qui conditionne le maintien des décharges existantes après le 1er juin 1999 à la réalisation d'une étude de mise en conformité à partir de laquelle seront déterminées les conditions de la poursuite de l'exploitation.

En réponse aux intervenants, M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis , a considéré qu'un abaissement du taux de la TVA applicable au traitement et à la collecte des déchets serait justifié. Il a indiqué que le calendrier fixé pour l'élaboration des plans départementaux d'élimination des déchets demeurait applicable, et noté que leurs modalités de mise en oeuvre soulevaient la question de l'opportunité de la solution de l'incinération, préconisée jusqu'alors. Rappelant que la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, lorsqu'elle avait été entendue par la commission, avait envisagé la possibilité du recours aux décharges contrôlées notamment dans les zones faiblement peuplées, il a souhaité que l'ensemble des solutions de traitement des déchets soient examinées afin que les collectivités locales disposent d'une information suffisante en la matière.

Reprenant la parole, M. James Bordas s'est interrogé sur la possibilité de recourir, dans les décharges, à des emplois-jeunes pour assurer le triage des déchets. Par ailleurs, il a souligné que le développement du tri sélectif achoppait sur la difficulté de commercialiser la totalité des produits recyclés.

Le rapporteur pour avis a indiqué que, compte tenu de l'amélioration des conditions d'exploitation des décharges, il était, en effet, dans certains cas possible d'envisager leur maintien.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a alors décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet du projet de budget de l'environnement pour 1998 .

CONCLUSION


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