B. LES LENTEURS DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT
1. Des avancées très positives jusqu'au 31 mai 1997
Les investigations conduites par votre rapporteur au cours du
premier semestre 1997 le conduisent aux observations suivantes.
1) L'utilité du fonds pour la réforme de l'Etat
(150 millions de francs en 1997) ne paraît pas
démontrée à 100 % : les améliorations
techniques sont souvent des mesures inhérentes au fonctionnement normal
de l'administration, et la répartition des crédits entre les
départements n'échappe pas aux écueils du saupoudrage.
2) Les mesures prises en matière de déconcentration sont
décisives :
- un décret du 15 janvier 1997 a, enfin, posé le principe du
transfert des décisions administratives individuelles aux
autorités déconcentrées de l'Etat à partir du
1er janvier 1998, sauf texte contraire express, pris sous forme de
décret en Conseil d'Etat ou en conseil des ministres ;
- un conseil interministériel du 29 mai 1996 a défini la notion
de contrat de service : celle-ci permet la négociation d'un budget
global pour un service, qui se verra attribuer la liberté de
réallouer ses moyens (échange de catégories d'emplois,
échange d'emplois contre d'autres dotations...). A l'heure actuelle,
l'équipement, l'éducation nationale, l'industrie,
expérimentent cette démarche tout à fait novatrice avec
plusieurs de leurs services extérieurs ;
- deux décrets du 9 mai 1997 ont créé les services
à compétence nationale, qui sont des services dont le champ
territorial est national mais qui exercent des activités à
caractère opérationnel (exemple : le service des essences
des armées). Ces services, qui représentent 20.000 emplois,
fonctionneront désormais en se fixant des objectifs et en
évaluant leurs résultats ;
- enfin, trois décrets sont intervenus le 31 mai 1997 pour
faciliter la déconcentration de la gestion des personnels et du dialogue
social, en instituant des comités techniques paritaires locaux dans les
services déconcentrés de plus de 50 personnes, en
déconnectant le niveau (local ou central) où siège la
commission administrative paritaire (consultative) du niveau où est
prise la décision individuelle, enfin en donnant au préfet la
compétence d'organiser les mises à disposition de personnel entre
les services extérieurs de l'Etat d'un même échelon
territorial.
Ces décrets vont beaucoup plus loin que de simples mesures
techniques : ils devraient permettre, pour la première fois, de
pouvoir pratiquer une gestion avisée du personnel au plan territorial.
3) Le précédent ministre de l'économie et des finances a
réussi à amorcer un objectif de gestion patrimoniale de
l'Etat : il s'agit de passer d'une logique de budget à une logique
de bilan. Une mission a été confiée à un
trésorier payeur général, qui doit publier un livre blanc
au cours de cet automne, contenant une expertise technique des problèmes.
2. Des interrogations nombreuses en début de législature
Votre rapporteur considère que les avancées opérées par le gouvernement précédent sur la réforme de l'Etat ont été remarquables, même si elles ont suscité peu de publicité. Elles nécessitent incontestablement d'être poursuivies, mais le nouveau gouvernement n'a pas encore donné d'assurances véritables à ce sujet.
a) Il faut aller plus loin
En ce qui concerne la gestion de la fonction publique, trois
chantiers au moins doivent absolument être poursuivis : les fusions
de corps administratifs (il en existe à peu près 1.000),
l'enrichissement de la procédure de notation, l'élargissement de
la mobilité des fonctionnaires qui pourrait conduire à
l'avènement de "métiers" dans la fonction publique.
Une étape supplémentaire vers la modernisation de la fonction
publique pourrait permettre de sortir d'une gestion salariale à la fois
rigide et à courte vue : le Parlement pourrait fixer une enveloppe
salariale maximale pour la fonction publique (sur plusieurs années), la
direction du budget répartirait cette enveloppe entre les
différents ministères selon les modalités actuellement
retenues pour le contrat pluriannuel avec le ministère de
l'équipement, et enfin des contrats de service pourraient être
conclus par les ministères avec leurs services
déconcentrés. Mais cette évolution devrait s'inscrire dans
le contexte plus général de la révision, à
l'évidence indispensable, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant
loi organique sur les finances publiques.
Enfin, le livre blanc annoncé sur la gestion patrimoniale de l'Etat
devrait pouvoir permettre de soumettre au Parlement les bases d'un nouveau plan
comptable.
b) Les intentions du nouveau gouvernement n'apparaissent pas clairement
Une seule option apparaît hélas de
manière incontestée, qui est celle de l'abandon de la
réduction des effectifs : votre rapporteur ne peut que
déplorer ce revirement, car la modernisation de l'Etat va bien
évidemment de pair non seulement avec une redéfinition de ses
missions -sur laquelle aucun débat public n'a pu encore avoir lieu- mais
aussi, à tout le moins, avec une plus grande efficacité de ses
méthodes qui implique un allégement des structures.
Au-delà de ce choix que l'on peut qualifier d'idéologique, les
orientations ne sont pas encore très claires : l'intervention de
M. le ministre de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation devant la Commission de modernisation du conseil
supérieur de la fonction publique de l'Etat le 24 septembre
dernier, définit ainsi ces orientations :
"Ce que recherchera ce
gouvernement c'est un accroissement continu de l'efficacité de l'Etat,
fondée sur une amélioration de la gestion publique, une
mobilisation accrue des agents et une proximité encore plus grande de
l'action des services publics"
. Le ministre évoque ainsi la mise en
place de plans à moyen terme de modernisation des ministères,
d'organisation de la fonction de gestion des ressources humaines dans
l'administration...
Votre rapporteur ne lit pas dans ces déclarations la traduction d'une
véritable volonté politique de réforme, ce que confirme,
malheureusement, le freinage opéré à
l'expérimentation des contrats de service.
Compte tenu de ces incertitudes, votre rapporteur vous propose de rejeter les
crédits de la fonction publique figurant aux Services
généraux du Premier Ministre.