III. UN COMPTE EN SURSIS
A. L'AFFECTATION DES RECETTES DU COMPTE AU DÉSENDETTEMENT DE L'ÉTAT APPARAÎT COMME SEULEMENT VIRTUELLE
Les dernières opérations de réduction de
la dette de l'Etat à partir des ressources issues de la cession des
titres publics remontent à 1995 où 5,4 milliards de francs
avaient été versées à la Caisse d'amortissement de
la dette publique.
Cette situation a pu être partiellement favorisée par la
modification institutionnelle intervenue à l'occasion de l'adoption de
la loi de finances pour 1997.
L'article 16 de la loi de finances rectificative du 4 août 1995 avait
créé le compte d'affectation spéciale n° 902-27 sous
l'intitulé "Compte d'affectation des produits de cessions de titres du
secteur public au désendettement de l'Etat".
La même loi de finances comprenait une disposition qui modifiait en
profondeur les règles d'affectation des recettes de privatisation en :
- supprimant l'affectation des recettes au budget général,
- et en organisant le partage des recettes entre les dotations en capital aux
entreprises publiques et le désendettement de l'Etat entre deux comptes
distincts.
L'article 76 de la loi de finances pour 1997 n'est pas revenu sur la
suppression de l'affectation des recettes de privatisations au budget
général. En revanche, elle a aboli les règles de partage
telles que prévues mi-1995 du produit des cessions des entreprises
publiques entre un compte dédié au désendettement de
l'Etat et un autre compte voué à abonder les fonds propres des
entreprises publiques.
Le dispositif adopté alors est analogue au dispositif mis en place
à l'occasion de la première loi de finances rectificative pour
1986. A l'époque, le gouvernement avait décidé de
créer un seul compte d'affectation spéciale ayant la double
vocation d'abonder les dotations en capital des entreprises publiques et de
contribuer au désendettement de l'Etat.
Lorsque ce système fut remis en cause en 1995, la commission des
finances du Sénat avait considéré que le choix de recourir
à deux comptes spécialisés était "loin d'être
neutre." A l'appui de cette appréciation elle avait souligné :
"
En effet, sur un compte unique, la ventilation des dépenses
telle qu'elle figure en loi de finances initiale, n'a pas de caractère
réellement contraignant et peut donc être modifiée par le
gouvernement en cours de gestion. Au contraire, le recours à des comptes
" spécialisés " impose au gouvernement de soumettre au
Parlement, dans le cadre de la loi de finances, une disposition organisant la
répartition du produit des privatisations entre les deux structures.
Toute modification de la clé de répartition en cours de gestion
suppose alors une nouvelle intervention du législateur. "
Se félicitant du souci de transparence que témoignait ainsi le
gouvernement, la commission avait indiqué que "
la mise en place
de deux comptes d'affectation spéciale ayant la même recette mais
clairement séparés pour leurs dépenses obligeait le
gouvernement à exécuter rigoureusement ses prévisions,
tant pour le versement des dotations en capital que pour les opérations
de désendettement de l'Etat. "
L'article 76 de la loi de finances pour 1997 marquait incontestablement un
recul par rapport aux motifs de satisfaction exprimés alors.
Mais la faiblesse des sommes consacrées au désendettement de
l'Etat provient essentiellement de raisons de fond, à savoir
l'insuffisance des recettes face aux besoins de dotations des entreprises
publiques
.
Sans doute, les prévisions pour 1998 aboutissent-elles à une
prévision d'excédents de recettes par rapport à ces
dotations à hauteur de 14,8 milliards de francs, chiffre identique
à celui de 1997, mais ces prévisions sont établies sur des
besoins en dotations sous-estimés -v. infra.
Quoiqu'il en soit,
un accroissement des produits de cessions de titres
reste, avec le renouement avec les excédents budgétaires, le seul
moyen de réduire la dette de l'Etat et les coûts associés
à elle.
A contrario
, le renoncement aux cessions potentielles
apparaît coûteux pour les finances publiques. Aussi, au terme d'un
raisonnement reposant sur des bases purement patrimoniales,
le maintien du
périmètre du secteur public coûte-t-il à l'Etat la
différence entre le rendement des titres qu'il détient et les
coûts de la dette
.
11(
*
)
.
Une dernière observation doit être faite. On constate un niveau
considérable de reports d'une année sur l'autre. Ces reports
permettent à l'Etat d'engranger des produits de trésorerie du
fait des prises en pension auxquelles il se livre. Mais, ils sont coûteux
pour les entreprises qui doivent supporter à due concurrence des frais
financiers, qu'on pourrait qualifier d'intercalaires, et qui sont
affectés d'un prix supérieur -le taux de leur dette- à
celui que perçoit l'Etat du fait de ses placements.