II. UNE ANNÉE 1998 DECISIVE POUR LA SECURITE ET LA DEFENSE CIVILES
A. LES INCERTITUDES BUDGÉTAIRES DE LA SECURITE CIVILE
Le budget de la sécurité et de la défense civile surprend par l'incertitude qui pèse sur le financement de certaines dépenses.
1. Les déboires du programme Canadair
Le marché Canadair, qui a porté sur 1,5
milliards de francs depuis 1991, est parvenu à son terme au cours de
l'exercice 1997 avec la livraison du douzième appareil de type Canadair
CL 415 par le groupe Bombardier Inc.
La fin de l'exécution de ce marché se heurte à des
difficultés importantes. D'une part, le niveau de performance des
appareils est en deçà des espérances. D'autre part, le
groupe Bombardier refuse de reprendre les anciens CL 215 aux conditions
où il s'y était engagé en juin 1996. Les
négociations semblent bloquées pour l'instant, et la Cour des
Comptes s'intéresse à cette affaire.
La livraison des derniers appareils s'est accompagnée d'un drame. Au
mois de novembre 1997, un Canadair, l'avant dernier reçu, s'est
retourné à l'entraînement, entraînant la mort de son
pilote.
Cette tragédie humaine a des conséquence financières
considérables puisque le prix de revient d'un appareil est de 120
millions de francs.
La direction de la sécurité et de la défense civiles vient
de vivre sa sixième perte d'appareil en quatre ans : un King en 1994, un
hélicoptère en 1995, un hélicoptère et un Tracker
en 1996, et un hélicoptère et un Canadair en 1997. Ces pertes
représentent presque 10% du parc de lutte contre l'incendie (6 sur 66)
et pourraient avoir des conséquences dommageables en cas de catastrophe
majeure. En effet, l'ensemble de la flotte a été engagée
lors de la lutte contre l'incendie de Septèmes-les-Vallons en juillet
1997.
Il est encore trop tôt pour déterminer quelle va être la
stratégie du ministère de l'intérieur pour compenser cette
perte.
2. Le lancement précipité du programme de modernisation du déminage
La direction de la sécurité civile a
décidéde financer par économies internes, et de
manière prioritaire, un programme de modernisation des infrastructures
consacrées au déminage.
Cette décision est motivée par trois événement
récents. En premier lieu, l'explosion accidentelle d'une quinzaine de
tonnes de munitions stockées au Crotoy a entraîné le
démantèlement du site et la suspension de l'ensemble des
opérations en baie de Somme. En second lieu, l'application de la
convention sur l'interdiction des armes chimiques exige désormais la
destruction des munitions chimiques dans une usine conçue
spécialement à cet effet. Enfin, les interventions des
médias au sujet des conditions de stockage au dépôt de Vimy
ont été jugées justifiées par le directeur de la
sécurité civile de l'époque, qui a décidé de
suspendre le remplissage de ce site, dont les capacités sont
déjà largement dépassées.
En conséquence, et dans l'attente de la réalisation des
restructurations en cours, à l'exception des armes chimiques, plus aucun
ramassage de munitions n'est effectué depuis le début de 1997
dans le Nord et en Picardie.
Le financement de ce programme par le chapitre 34-31 se fait au
détriment des autres dépenses de fonctionnement de la
sécurité civile, mais l'urgence en justifie la mise en oeuvre. Le
directeur de la sécurité civile a estimé que les
dépenses d'immobilier nécessaires à sa réalisation
atteindraient 40 à 50 millions de francs. Le ministère de la
défense sera associé à ce progamme car il est
compétent en matière de destruction d'armes chimiques.
3. La dotation aléatoire des dépenses des services d'incendie et de secours
Les crédits de "
subventions pour les
dépenses des services d'incendie et de secours
" du chapitre
41-31 servent à l'indemnisation des collectivités à la
suite de l'envoi de colonnes préventives et de colonnes de renfort.
Ces crédits sont structurellement sous dotés dans les projets de
loi de finances et dépendent des subventions à titre non
reconductible. Pour 1998, l'Assemblée nationale a voté une
majoration de 5,8 millions de francs de ce chapitre, dont le montant
s'établit à présent à 15,8 millions de francs
contre 18,9 en 1997.
B. LA SECURITE CIVILE CONFRONTEE A DES REFORMES DE STRUCTURE
1. La fusion et le déménagement
La fusion de la direction de la sécurité civile
avec les services du Haut Fonctionnaire de défense a été
actée par le décret du 30 août 1996. Elle conduit à
une nouvelle répartition des tâches au sein de la direction de la
sécurité et de la défense civiles, illustrée par la
mise en place de la " mission défense et continuité de la
vie nationale " chargée d'élaborer la doctrine en
matière de défense civile.
Cette modification de la structure administrative est l'occasion de
redéfinir les priorité de la sécurité civile dans
le sens d'une plus grande prise en compte de la prévention du risque
chimique et nucléaire, au détriment des moyens de la lutte contre
l'incendie dont le développement dans les collectivités locales
autorise le ministère de l'intérieur à réduire
légèrement l'importance dans son budget.
Parallèlement à cette fusion, la direction de la
sécurité et de la défense civiles déménage
actuellement dans de nouveaux locaux situés à Asnières. Ce
mouvement est dû à la volonté de la municipalité de
Levallois de récupérer les locaux occupés par la
sécurité civile.
Un centre opérationnel et d'aide à la décision (COAD) a
été construit dans les nouveaux locaux de la
sécurité civile. Sa réalisation, d'un coût de 7
à 8 millions de francs (hors loyer), a été
accélérée du fait de la nécessité de mettre
en place un poste de coordination des opérations de
sécurité à l'occasion de la coupe du monde de football. Il
permettra la gestion simultanée, en cas de besoin, d'une catastrophe de
grande ampleur, d'une grande manifestation de type coupe du monde de football,
d'une crise majeure (vague terroriste) et d'une intervention à
l'extérieur de l'hexagone.
2. La réforme du statut des sapeurs-pompiers professionnels
La mise en oeuvre de la loi du 3 mai 1996 portant
réforme des services d'incendie et de secours butte sur les points
concernant les sapeurs-pompiers professionnels. Ce point est
développé dans l'avis présenté par
M. René-Georges Laurin au nom de la commission des lois.
Les points restant en négociation sont les conditions de travail et les
régimes indemnitaires et statutaires des sapeurs pompiers
professionnels. La direction de la sécurité et de la
défense civiles organise une concertation permanente avec les
organisations syndicales et l'association des maires de France (AMF).
Elle espère aboutir, au début de 1998, à un accord sur
cette question, qui a déjà fait l'objet de 6 à 7
arbitrages par différents Premiers ministres.
3. Les conséquences de la professionnalisation des armées
Le ministre de l'intérieur a sous ses ordres trois
unités militaires, dites unités d'instruction et d'intervention
de la sécurité civile (UIISC). Elles comptent environ 1800
hommes, répartis sur cinq sites.
Les unités militaires sont prévues pour assurer les tâches
de défense civile en temps de guerre. En temps de paix, elles peuvent
être envoyés en renfort des moyens de secours territoriaux en cas
de sinistre. Elles peuvent également être envoyées à
l'étranger pour répondre à des catastrophes de toute
nature.
Les effectifs de ces unités militaires sont largement composés
d'appelés du service national, qui cesseront d'exister à partir
de 2002. La perte de cette main d'oeuvre peu chère va automatiquement
entraîner des surcoût pour le budget de la sécurité
civile, qui travaille actuellement sur l'hypothèse d'une
professionnalisation de 75 % des effectifs.
Le solde des effectifs pourrait être comblé sur la base du
volontariat, en envisageant peut-être des passerelles avec les
sapeurs-pompiers, ou par un recours aux emplois pour les jeunes
créés par la loi du 16 octobre 1997. Plus onéreuse que des
appelés du contingent, ces solutions pourraient cependant conduire
à une amélioration de l'efficacité des unités
militaires, qui pourraient gérer leurs recrues dans la durée,
n'étant plus obligées de former des nouveaux venus tous les dix
mois. Le type de mission effectué par les unités militaires,
comme la mise en place d'un hôpital de campagne à Brazzaville en
octobre 1997, conduit à souhaiter une plus grande stabilité des
effectifs.
Le coût de la professionnalisation va également conduire à
réduire le nombre d'implantations et les effectifs, qui diminueraient
à 1.600 selon les informations recueillies par votre rapporteur. La
fermeture du centre de Rochefort est aujourd'hui pratiquement acquise. La
dissolution de cette unité permettrait de réduire les effectifs
de 28 postes, de réduire le parc automobile, de réaliser une
économie de fonctionnement de 2 millions de francs et, par
conséquent, de dégager des moyens pour les installations
restantes, et pour la nouvelle (et première) compagnie de lutte contre
les risques nucléaire et chimique.