Rapport n° 35 - Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale avec modifications en nouvelle lecture portant réforme du service national
M. Serge VINCON
Commission des Affaires étrangères de la défense et des forces armées - Rapport n° 35 - 1997/1998
Table des matières
- I. RAPPEL DU TRAVAIL ACCOMPLI PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
- II. L'ÉCHEC DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
- III. BILAN DE LA NOUVELLE LECTURE DU PROJET DE LOI PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR
- EXAMEN EN COMMISSION
-
MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE AU PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME
DU SERVICE NATIONAL
(NOUVELLE LECTURE)
N° 35
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 octobre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, EN NOUVELLE LECTURE, portant réforme du service national ,
Par M. Serge VINÇON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès,
Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel
Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel
Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert
Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe
de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry, Roger
Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice
Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul
d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis
Ploton, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 199 , 205 et T.A. 5 . Commission mixte paritaire : 304 . Nouvelle lecture : 300 , 314 et T.A 16 . Sénat : Première lecture : 426 (1996-1997), 4 et T.A. 3 (1997-1998). Commission mixte paritaire : 22 (1997-1998). Nouvelle lecture : 30 (1997-1998). |
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Défense . |
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi portant réforme du service national a, après
examen par le Sénat le 7 octobre 1997, été soumis à
une commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 9 octobre 1997. La
commission mixte paritaire a constaté qu'aucun texte commun ne pouvait
être proposé, en raison de positions de principe inconciliables
défendues par les représentants de chaque assemblée sur la
mise en oeuvre du service national rénové.
Le Sénat est donc saisi du projet de loi adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, le 13 octobre 1997. A
quelques dispositions près, ce texte est identique à celui qui
nous avait été transmis en première lecture.
L'Assemblée nationale a, en effet, souhaité annuler l'essentiel
du travail accompli, dans un esprit pourtant positif, par la Haute
assemblée.
I. RAPPEL DU TRAVAIL ACCOMPLI PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
En première lecture, le Sénat a souhaité
corriger les insuffisances et les ambiguïtés
présentées par le présent projet de loi. Son objectif
était d'essayer d'améliorer ce texte, en cohérence avec
les positions soutenues par le Sénat à l'égard du
précédent projet de loi, sans toutefois bouleverser
fondamentalement la logique du texte qui nous était soumis.
- Le Sénat a tout d'abord tiré les conséquences de
l'
inadaptation
du terme d'" appel de préparation à
la défense " à l'objet du service national
rénové.
Comment, en effet, attendre la moindre
préparation à la défense d'une obligation dont la
durée a été réduite, par rapport au
" rendez-vous citoyen ", à une journée,
c'est-à-dire
de facto
à quelques heures d'exposés
sur la défense ? Pourquoi qualifier cette obligation de
" préparation à la défense ", alors même
que c'est aux préparations militaires qu'incombera la
responsabilité d'assurer la préparation des jeunes à la
défense ?
Le Sénat a donc souhaité, par la dénomination de
Rencontre armées-jeunesse
, souligner le rôle majeur du
nouveau service national dans le maintien d'un
lien privilégié
entre la Nation et l'armée,
parallèlement à la
professionnalisation de nos forces. La dénomination
privilégiée par le Sénat s'inscrit dans un souci de
réalisme
: l'" appel de préparation à la
défense " étant trop ambitieux par rapport à ce que
permettra effectivement cette obligation de quelques heures, mieux vaut choisir
une dénomination plus adaptée à la réalité.
- Souhaitant
renforcer la portée de la Rencontre
armées-jeunesse
par rapport à celle que prévoyait le
texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture
pour l'" appel de préparation à la défense ", le
Sénat a étendu l'objet de la Rencontre armées-jeunesse
à un
bilan de santé.
L'utilité de celui-ci a, en
effet, semblé évidente non seulement dans une perspective de
santé publique
, mais aussi pour accélérer
l'éventuelle
remontée en puissance de l'appel au
contingent
, si le rétablissement de la conscription s'avérait
nécessaire. L'argument opposé par le ministre de la
défense à une telle conception du bilan de santé -celui-ci
serait inutile, compte tenu des délais susceptibles de s'écouler
entre l'examen médical des jeunes et le rétablissement
éventuel de la conscription- ne paraît pas pleinement convaincant.
En effet, un bilan de santé effectué également dans une
logique de
sélection
permettrait de compléter le dossier
des personnes recensées suivies par l'administration chargée du
service national, en y insérant des constatations relatives à
certaines inaptitudes, afin d'accélérer, le moment venu, la mise
en oeuvre de la conscription, car il est des inaptitudes qui ne sont pas
censées changer avec le temps.
- Si le Sénat, lors de l'examen du précédent projet de
loi, s'était interrogé sur la durée du " rendez-vous
citoyen ", et avait souhaité rendre possible une réduction
de celle-ci en fonction des leçons de l'expérimentation,
l'
excessive brièveté de l'" appel de préparation
à la défense "
a suscité des doutes
sérieux dans notre assemblée. Le Sénat a donc
souhaité que ne soit pas exclue d'emblée une éventuelle
prolongation de la Rencontre armées-jeunesse, si la mise en oeuvre de la
réforme établissait la pertinence d'une telle modification.
En effet, le Sénat a estimé que l'excessive
brièveté de l'" appel de préparation à la
défense " reviendrait à faire de cette nouvelle obligation,
non pas le fondement inédit d'un rapport renouvelé entre la
jeunesse et l'armée, mais une
démarche administrative sans
portée solennelle
, et dont la signification ne serait sans doute pas
pleinement perçue par ceux qui devront l'accomplir.
Le fait que l'Assemblée nationale ait, en première lecture,
aggravé les
sanctions
susceptibles d'être infligées
pour non accomplissement du recensement, sans qu'une modification
équivalente ait été envisagée à
l'égard de ceux qui négligeraient d'accomplir l'" appel de
préparation à la défense ", a traduit une certaine
confusion entre la signification du recensement et celle de
l'" appel
de préparation à la défense "
. Il a pu être
considéré, en effet, que la disparition du service national
obligatoire, parallèlement aux dispositions assurant la
réversibilité de la suspension de la conscription, pouvait faire
du recensement l'élément principal du service national
rénové, car de cette obligation dépendra la
possibilité de rétablir l'appel au contingent.
Cette interprétation ne prend pas en compte la contribution de la
Rencontre armées-jeunesse à la
création d'une nouvelle
forme de lien entre l'armée et la Nation
, qui souligne au contraire
l'importance de cette obligation par rapport au recensement. C'est pourquoi le
Sénat a souhaité revenir au texte initial du gouvernement
à l'égard des sanctions relatives au non accomplissement du
recensement (ces sanctions seraient donc sans objet au-delà d'une limite
d'âge de vingt-cinq ans), afin de
renforcer la portée de la
Rencontre armées-jeunesse.
- Le Sénat a également tenu à rappeler la
priorité qui doit s'attacher à la professionnalisation
, et
à
proscrire toute nostalgie pour le système révolu du
service national obligatoire
.
Dans cet esprit, le Sénat a proposé de modifier la
définition du service national rénové qui résultait
du texte adopté par l'Assemblée nationale en première
lecture, en insistant sur le
caractère exceptionnel que
revêtirait un éventuel rétablissement de la
conscription
. En effet, la définition du service national soumise
à l'appréciation du Sénat en première lecture
considérait le retour éventuel à l'appel au contingent
comme une
modalité banale d'accomplissement du futur service
national
, sur le même plan que le recensement et l'" appel de
préparation à la défense ".
Dans le même ordre d'idées, le Sénat a souhaité
rappeler que le rétablissement de la conscription ne saurait être
décidé que
si la défense de la Nation le justifie
,
sans qu'intervienne quelque appréciation que ce soit sur les
" objectifs assignés aux armées ". En effet, si l'on se
réfère aux débats de l'Assemblée nationale en
première lecture, la possibilité de rétablir le service
national obligatoire en fonction des " objectifs assignés aux
armées " pourrait revenir à
autoriser la mise en cause de
la professionnalisation,
ce que le Sénat a estimé
inacceptable.
- Le Sénat a considéré comme une défaillance
majeure du présent projet de loi la
confusion
voulue par celui-ci
entre volontariat et emplois-jeunes
. Rappelons, en effet, que la
durée
(jusqu'à cinq ans) et la
rémunération
(assise sur le SMIC) du volontariat ont
été définies sur les mêmes principes que celles des
emplois-jeunes. Il en est résulté une confusion évidente
entre volontariat et emploi, confusion aggravée par la suppression, dans
le texte adopté par l'Assemblée nationale en première
lecture, de la notion de " concours temporaire " à une
mission
d'intérêt général. Ainsi le présent projet de
loi inscrit-il dans une
logique de carrière
le volontariat, que
le précédent projet souhaitait fonder sur le dévouement et
la générosité de notre jeunesse, sans toutefois
négliger l'accès à une première expérience
professionnelle.
L'intervention de l'Assemblée nationale en première lecture a
renforcé l'
ambiguïté du volontariat
tel que le
conçoit la présente réforme, en faisant de celui-ci un
élément du service national rénové, ce que
s'abstenait de faire le texte initial du gouvernement. Mais comment admettre
que fasse partie du service national un
volontariat conçu avant tout
comme un service rendu, non pas par les jeunes à la collectivité,
mais par la collectivité aux jeunes
?
- La définition du
volontariat dans les armées
retenue par
l'Assemblée nationale en première lecture relève de la
même confusion entre volontariat et emploi. En effet, l'Assemblée
nationale a tenu à
aligner
le statut des futurs volontaires
dans les armées sur celui des autres personnels militaires de
carrière et sous contrat
. Or l'extension aux futurs volontaires dans
les armées de dispositions majeures du
statut général
de 1972
risque de faire paraître la situation des engagés
comme relativement moins attractive que celle des volontaires, et pourrait
encourager les engagés à percevoir les volontaires comme des
concurrents, à l'heure où les engagés doivent faire
l'objet d'attentions particulières, car c'est cette catégorie qui
conditionnera le succès de la professionnalisation.
Le Sénat a donc proposé de
renforcer la
spécificité du volontariat par rapport aux emplois-jeunes.
Il
a limité à
deux années
la durée maximale
d'un volontariat. Il a également précisé que le
volontariat constitue, comme l'avait d'ailleurs bien compris le texte initial
du gouvernement, un
" concours temporaire "
à une
mission d'intérêt général, et ne saurait ainsi
s'inscrire exclusivement dans une perspective de carrière. Dans le
même esprit, le Sénat a estimé préférable de
réserver aux engagés
(ainsi qu'aux autres militaires de
carrière et sous contrat)
certaines dispositions du statut
général des militaires
qu'il paraît
prématuré d'étendre à des personnels dont la
contribution aux armées n'a pas encore été
expérimentée, et qui sont inadaptées à une
durée de service qu'il est pertinent de limiter à deux
années. Parmi ces dispositions, citons les congés de
reconversion, dont la durée est comprise entre six et douze mois et qui,
rémunérés par les armées, pourraient obérer
le budget de celles-ci à un moment où une telle charge
paraît particulièrement inopportune.
- Le Sénat a également souhaité que la mise en oeuvre de
la réforme du service national rénové, ainsi que son suivi
ultérieur, soient
encadrés par le recours aux avis d'instances
compétentes et spécialisées
.
Il a donc proposé de rappeler l'intervention du
Conseil
supérieur des Français de l'étranger
, et de son bureau
permanent dans l'intervalle des sessions du CSFE, dans la mise en oeuvre du
service national rénové pour les Français de
l'étranger : l'intervention du CSFE vaut, non seulement pour
l'organisation de l'enseignement relatif au principe de la défense dans
les établissements d'enseignement français à
l'étranger, mais aussi pour la mise en place de la Rencontre
armées-jeunesse qui sera effectuée par nos jeunes compatriotes
établis hors de France, et pour la détermination des volontariats.
Le Sénat a également souhaité restaurer le
Haut conseil
du service national
que prévoyait de créer le
précédent projet de loi, en adaptant les missions du Haut conseil
aux spécificités du présent projet. Ainsi le Haut conseil
du service national donnerait-il un avis sur le contenu de l'enseignement
relatif aux principes de la défense qui sera dispensé dans le
cadre scolaire, et sur celui de la Rencontre armées-jeunesse. Le Haut
conseil du service national, si l'on se réfère aux
compétences définies par le Sénat, ne répond donc
pas à l'unique préoccupation d'encadrer la mise en oeuvre de
volontariats civils.
- Le Sénat a tenu à assurer le
respect du principe
d'égalité devant la loi
en étendant aux
jeunes gens
nés en 1979
les obligations du service national rénové
(cette classe ayant déjà été recensée, ces
obligations ne concernent que l'accomplissement de la Rencontre
armées-jeunesse). Le Sénat a estimé inéquitable
qu'une classe entière échappe à toute obligation, que ce
soit dans le cadre de l'ancien système ou dans celui du nouveau service
national. Plaident pour l'extension de celui-ci aux jeunes gens nés en
1979, non seulement le
caractère très faiblement contraignant
du nouveau service national
, mais aussi la brièveté de la
Rencontre armées-jeunesse, qui devrait s'accommoder de l'extension de
son champ d'application. Soucieux néanmoins de ne pas aggraver à
l'excès la charge qui pèsera sur l'administration chargée
du service national, le Sénat a proposé que les jeunes gens
nés en 1979 puissent participer à la Rencontre
armées-jeunesse
jusqu'à la fin de 1999
, année au
cours de laquelle ils atteindront l'âge de vingt ans, soit deux ans
après l'âge limite d'accomplissement de cette nouvelle obligation
prévu par le présent projet de loi.
Par ailleurs, le Sénat a proposé de
revenir aux dates
prévues par le texte initial du projet de loi pour l'entrée en
vigueur du service national à l'égard des jeunes filles
, soit
un an plus tard que les dates prévues par l'Assemblée nationale
en première lecture. Sans remettre en cause l'universalité du
nouveau système, cette mesure devait alléger la charge de travail
de la Direction centrale du service national, pour faciliter
l'intégration des jeunes gens nés en 1979.
- Enfin, le Sénat s'est interrogé sur les dispositions
adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture,
dans le cadre de l'article 4 du projet de loi, à l'égard des
jeunes gens qui,
soumis à l'obligation du service national dans les
modalités en vigueur jusqu'en 2002
, et qui, disposant d'un
emploi
, considèrent cette obligation avant tout comme une
contrainte.
L'Assemblée nationale a jugé pertinent de créer une
nouvelle catégorie de reports d'incorporation
pour les titulaires
d'un contrat de travail de droit privé. Rappelons que, dans le texte
adopté par l'Assemblée nationale, ces reports, susceptibles
d'être renouvelés, pourraient permettre de dispenser
de facto
de toute obligation du service national les titulaires d'un contrat de
travail à durée indéterminée, ce qui constitue une
entorse évidente au principe d'égalité
.
Le Sénat a estimé que ces nouveaux reports
n'apporteraient pas
de solution claire aux difficultés des jeunes qui ont un emploi
, car
l'attribution de ces reports dépendra de l'appréciation qui sera
faite de la situation des jeunes concernés par les commissions
régionales, déjà compétentes en matière de
dispenses. Le Sénat a estimé qu'il s'agissait là
d'améliorations très aléatoires par rapport aux
aménagements du code du travail et du code du service national
prévus par le précédent projet de loi, et repris par le
présent projet (dispense pour " situation économique et
sociale grave ", et garantie de réembauche à l'issue du
service national pour ceux qui avaient un emploi avant leur incorporation).
Le Sénat s'est surtout interrogé sur l'incidence des reports
adoptés par l'Assemblée nationale sur la
montée en
puissance de la professionnalisation
, compte tenu des incontestables
besoins des armées
jusqu'à la fin de la période de
transition.
Soucieux de
concilier le légitime souci de l'emploi des jeunes, les
impératifs de la professionnalisation, et le principe
d'égalité
, le Sénat a donc proposé de
limiter à deux années la durée du report susceptible
d'être attribué aux titulaires de contrats de travail à
durée indéterminée
, sachant que ceux-ci retrouveraient
obligatoirement leur emploi à leur libération,
conformément aux modifications introduites dans le code du travail par
l'article 5 du projet de loi.
II. L'ÉCHEC DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Réunie le jeudi 9 octobre 1997 à
l'Assemblée nationale, la commission mixte paritaire a très vite
constaté le désaccord qui opposait les délégations
des deux assemblées sur la réforme du service national.
Votre rapporteur a présenté les
modifications apportées
par le Sénat au projet de loi portant réforme du service
national, et auxquelles la Haute assemblée était le plus
attachée
:
- dénomination de Rencontre armées-jeunesse, de
préférence à celle d'"appel de préparation
à la défense ",
- insertion d'un bilan de santé dans les dispositions relatives à
cette nouvelle obligation du service national,
- limitation à deux années au plus de la durée des futurs
volontariats,
- spécificité du statut des volontaires dans les armées
par rapport à celui des autres personnels militaires,
- limitation à une durée maximale de deux ans des reports
d'incorporation susceptibles d'être accordés aux titulaires d'un
contrat de travail à durée indéterminée.
Votre rapporteur a rappelé le caractère inadapté et
contestable du terme d'
" appel de préparation à la
défense "
, compte tenu de l'excessive brièveté de
la nouvelle obligation du service national prévue par le projet de loi,
qui ne saurait permettre de préparer véritablement les jeunes
à la défense du pays, et du fait que la " préparation
à la défense " relèvera plus des
préparations militaires
auxquelles renvoie ce texte, que des
quelques heures d'exposés qui constitueront la
regrettable
réalité de l'" appel de préparation à la
défense "
.
Votre rapporteur a également déploré la
confusion entre
volontariat et emplois-jeunes
sur laquelle repose le présent projet
de loi, et a souligné les
dangers qui pourraient résulter de
l'application prématurée, aux futurs volontaires dans les
armées, de la plupart des dispositions du statut général
des militaires de 1972
. A cet égard, il a estimé que les
engagés pourraient être conduits à considérer les
volontaires comme des concurrents, et à juger leur statut relativement
moins attractif que celui des volontaires.
Par ailleurs, votre rapporteur a tenu à exprimer le souci du
Sénat pour la
prise en compte des indiscutables besoins des
armées pendant la période de transition
. Dans cet esprit,
votre rapporteur a présenté l'amendement adopté par le
Sénat à l'article 4 du projet de loi (suppression de la
possibilité de prolonger le report d'incorporation concernant les
titulaires d'un contrat à durée indéterminée au
delà d'une limite de deux ans) comme une
mesure
d'équité
, dont l'objet est d'éviter que certains
jeunes échappent
de facto
à toute obligation jusqu'en
2002, par le biais de reports successifs, et comme une disposition
destinée à
garantir le bon déroulement du processus de
professionnalisation
pendant les prochaines années.
Le rapporteur du projet de loi pour l'Assemblée nationale s'est
prononcé contre :
- les dispositions adoptées par le Sénat à l'égard
de la Rencontre armées-jeunesse (dénomination et insertion d'un
bilan scolaire et médical),
- le choix du terme de conscription de préférence à celui
d'appel sous les drapeaux,
- l'extension, aux jeunes gens nés en 1979, de l'obligation de
participer à la Rencontre armées-jeunesse,
- le recul d'un an de l'application de la réforme du service national
aux jeunes filles par rapport aux dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale,
- la création du Haut conseil du service national,
- la limitation à deux ans de la durée du volontariat, et la
possibilité de fractionner le volontariat militaire.
Enfin, le rapporteur pour l'Assemblée nationale a souligné la
différence d'approche entre les deux assemblées sur le report
susceptible d'être attribué aux titulaires d'un contrat à
durée indéterminée.
III. BILAN DE LA NOUVELLE LECTURE DU PROJET DE LOI PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Que reste-t-il du travail législatif accompli par le
Sénat en première lecture, dans un esprit modéré et
objectif, après la nouvelle lecture à laquelle l'Assemblée
nationale a procédé au cours de sa séance du lundi 13
octobre 1997 ?
Force est de constater que le texte qui nous est soumis en nouvelle lecture
est, sous réserve de quelques modifications de portée modeste,
pratiquement identique à celui qui nous avait été transmis
en première lecture par l'Assemblée nationale. Celle-ci a donc
annulé les plus importantes des modifications adoptées en
première lecture par le Sénat.
1. L'annulation, par l'Assemblée nationale, des modifications les plus substantielles adoptées par le Sénat en première lecture
- Ainsi que cela avait été annoncé lors
de la réunion de la commission mixte paritaire, l'Assemblée
nationale a amendé le texte transmis par le Sénat en
substituant le terme d'" appel de préparation à la
défense " à celui de Rencontre armées-jeunesse, et le
terme d'" appel sous les drapeaux " à celui de
conscription
.
- L'Assemblée nationale a rétabli, à l'article L. 111-2 du
futur code du service national, la
définition ambiguë du service
national rénové
qu'elle avait adoptée en
première lecture. Ainsi l'" appel sous les drapeaux " est-il
considéré comme une modalité normale et banale
d'accomplissement du service national, sur le même plan que le
recensement et l'" appel de préparation à la
défense ". Dans le même esprit, les critères de
rétablissement de l'" appel sous les drapeaux " renvoient
non
seulement à la nécessité d'assurer la défense de la
Nation, mais aussi, de manière difficilement admissible, aux
" objectifs assignés aux armées " : ainsi pourrait-il
être fait de nouveau appel au contingent si la mise en oeuvre de la
professionnalisation paraissait devoir être corrigée -mais selon
quels critères ?
- L'Assemblée nationale a rétabli la
durée d'une
journée
prévue par le texte initial du projet de loi pour
l'" appel de préparation à la défense ", et a
supprimé toute référence au bilan de santé
qui devait être accompli à cette occasion, dans l'esprit du texte
adopté par le Sénat.
- L'Assemblée nationale a rétabli les dispositions du texte
initial du projet de loi à l'égard des
jeunes gens nés
en 1979, exemptés de toute obligation du service national
, dans
l'ancien comme dans le nouveau système, mais auxquels la participation
à l'" appel de préparation à la défense "
est ouverte sur une base volontaire.
- L'Assemblée nationale est également revenue aux
dates
d'entrée en vigueur du service national rénové à
l'égard des jeunes filles
qu'elle avait adoptées en
première lecture (recensement à partir de 1999, application des
nouvelles dispositions à partir de l'année de naissance 1983).
- L'Assemblée nationale a souhaité
supprimer le Haut conseil
du service national,
dont la création avait été
prévue par le Sénat en première lecture.
- Par ailleurs, l'Assemblée nationale a préféré
rétablir la
durée du volontariat
qui résultait du
texte initial du projet de loi, soit un contrat de douze mois renouvelable dans
la
limite de cinq ans
. Dans le même esprit, elle n'a pas admis les
restrictions apportées par le Sénat aux
dispositions du statut
général des militaires de 1972 susceptibles de s'appliquer aux
volontaires dans les armées
. De manière plus
étonnante, l'Assemblée nationale a persisté à
exclure que le volontariat sous les drapeaux puisse être accompli de
manière
fractionnée
, en dépit de l'avis favorable
du ministre de la défense.
- Enfin -et c'est peut-être la décision la plus
préoccupante- l'Assemblée nationale a voulu maintenir la
possibilité de
prolonger au-delà de deux ans le report
d'incorporation dont pourraient bénéficier les titulaires d'un
contrat de travail à durée indéterminée
.
2. L'acceptation de modifications de portée modeste
L'Assemblée nationale a souhaité conserver
certaines des modifications de portée modeste adoptées par le
Sénat en première lecture, sans toutefois que cette
démarche revienne à souscrire à l'esprit du texte
adopté par la Haute assemblée.
- Ainsi l'Assemblée nationale a-t-elle maintenu, à l'article L.
111-1 du futur code du service national, la définition du
devoir de
défense
adoptée par le Sénat en première
lecture et qui, en cohérence avec la mise en oeuvre de la
professionnalisation, posait le principe que
" les citoyens
concourent
à la défense de la Nation "
sans toutefois admettre que
cette obligation s'impose à " tous les citoyens ".
L'adoption de cet article, dans le texte voté par le Sénat, ne
saurait toutefois être motivée par le souci de faire
prévaloir la priorité attachée à la
professionnalisation puisque, comme votre rapporteur l'a fait observer
précédemment, l'Assemblée nationale a, dans le même
temps, adopté une définition de l'éventuel
rétablissement de la conscription selon laquelle la professionnalisation
pourrait être remise en cause et qui, ce faisant, paraît
vulnérabiliser le principe même de conscription.
- Le texte de l'article L. 111-3 du code du service national adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture se réfère,
conformément au souhait du Sénat, à une définition
du volontariat qui s'appuierait sur la notion de
" concours
temporaire"
à une mission d'intérêt
général. On peut néanmoins déplorer que
l'Assemblée nationale ne soit pas allée jusqu'au bout de cette
logique en limitant la durée du volontariat, de manière à
disjoindre celui-ci de la logique d'emploi sur laquelle s'appuie la
présente réforme du service national.
- L'Assemblée nationale est convenue que les
sanctions
susceptibles d'être infligées pour
non accomplissement du
recensement
deviennent sans objet au delà de la limite d'âge
de vingt-cinq ans qu'elle avait maintenue, en première lecture, à
l'égard de ceux qui négligeraient d'effectuer l'"appel de
préparation à la défense ".
- L'Assemblée nationale a accepté, sous réserve de nuances
rédactionnelles, deux des trois amendements présentés par
nos collègues du groupe socialiste et adoptés par le
Sénat. Elle a ainsi admis que l'enseignement des principes de la
défense prévu par l'article L. 114-1 du code du service national
soit étendu aux
principes de la défense européenne
,
et que l'objet de cet enseignement soit de " renforcer le lien
armées-Nation tout en sensibilisant la jeunesse à son devoir de
défense ". En revanche, l'Assemblée nationale a
préféré la rédaction de l'article L. 114-3 relatif
au contenu de l'" appel de préparation à la
défense " qu'elle avait adoptée en première lecture,
sans retenir l'amendement de nos collègues socialistes, qui
étendait l'objet de cette nouvelle obligation à l'information des
jeunes Français sur " les principes et les objectifs de la
politique étrangère et de sécurité communes ".
- Enfin, l'Assemblée nationale a, à la demande du ministre de la
défense, adopté l'article L. 114-12 dans la rédaction
transmise par le Sénat, qui confie au
Conseil supérieur des
Français de l'étranger
la mission de délivrer des avis
sur la mise en oeuvre de la réforme du service national à
l'égard de nos jeunes compatriotes établis hors de France.
CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR
- Le
texte adopté par le Sénat en
première lecture
s'appuyait donc avant tout sur le
souci
d'assurer dans les meilleures conditions la défense du pays
, et de
garantir une montée en puissance satisfaisante de la
professionnalisation,
car celle-ci constitue, pour votre commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, la
priorité des prochaines années.
- Le
texte qui nous est soumis en nouvelle lecture
est, à
l'évidence, éloigné de ces préoccupations.
Il s'appuie sur une
conception minimaliste de la nouvelle obligation du
service national,
dénommée à tort
" appel de
préparation à la défense ",
qui ne peut
être considérée que comme une simple démarche
administrative, sans portée véritable pour notre défense.
Il renvoie à une
conception de l'éventuel
rétablissement de l' " appel sous les drapeaux ",
c'est-à-dire de la conscription,
incohérente avec la
suppression du service national obligatoire et avec le choix de la
professionnalisation.
Il se réfère à une
interprétation très
contestable de la notion de volontariat du service national,
en
encourageant une
confusion inadmissible entre les titulaires des
contrats-jeunes et les futurs volontaires.
Dans le domaine militaire, le
volontariat tel que le définit le projet de loi adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture revient à
vulnérabiliser la situation des engagés,
catégorie
sur laquelle repose pourtant le succès de la professionnalisation.
- Votre rapporteur constate donc que l'Assemblée nationale a fait
preuve, lors de l'examen de ce projet de loi en nouvelle lecture, d'un
esprit globalement négatif
à l'égard des
propositions pourtant modérées du Sénat.
Dans ce contexte, il paraît inenvisageable de modifier à nouveau
le projet de loi transmis par l'Assemblée nationale, en proposant une
nouvelle fois l'ensemble des amendements votés par la Haute
Assemblée le 7 octobre dernier (à l'exception des quelques rares
amendements que l'Assemblée nationale a bien voulu admettre). Une telle
démarche serait pertinente si le Sénat avait le moindre espoir de
faire aboutir ses propositions les plus substantielles. L'Assemblée
nationale a montré, pendant la réunion de la commission mixte
paritaire et lors de la nouvelle lecture du présent projet de loi, la
vanité de telles espérances.
- Votre rapporteur regrette tout particulièrement cette situation, car
l'importance du projet de loi portant réforme du service national, pour
notre défense comme pour notre jeunesse, aurait justifié la
recherche d'un consensus entre les deux assemblées
. Ce consensus
aurait été le reflet de celui qui s'est manifesté dans
l'opinion publique sur les grands principes de la réforme.
- L'absence de volonté de conciliation opposée par
l'Assemblée nationale aux propositions du Sénat montre qu'
il
n'y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce texte
. Votre rapporteur
est donc d'avis d'adopter, en vue de la nouvelle lecture par le Sénat du
projet de loi portant réforme du service national, le 16 octobre 1997,
une motion tendant à opposer la
question préalable
à ce projet.
Dans une configuration politique comparable, votre commission des Affaires
étrangères, de la Défense et des Forces armées
avait proposé, en décembre 1991, d'opposer la question
préalable au projet de loi qui tendait à limiter à dix
mois la durée du service militaire. Aucune des modifications importantes
adoptées par le Sénat en première lecture n'ayant
été acceptée ni par l'Assemblée nationale, ni par
le gouvernement, le Sénat avait estimé qu'il n'y avait pas lieu
de poursuivre l'examen de ce texte.
Aujourd'hui comme il y a six ans, compte tenu du travail accompli par le
Sénat en première lecture, la question préalable ne
saurait être interprétée comme un refus de
délibérer. Son objet est de
constater que le Sénat est
mis dans l'impossibilité de participer activement à
l'élaboration d'un texte pourtant essentiel pour notre jeunesse et pour
notre défense
.
EXAMEN EN COMMISSION
Le 15 octobre 1997, la Commission des Affaires
étrangères, de la Défense et des Forces armées a
examiné le projet de loi portant réforme du service national,
adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin,
président,
a rendu hommage au travail accompli par M. Serge
Vinçon sur la réforme du service national depuis la
réflexion engagée par le Sénat au printemps de 1996.
Revenant sur le débat suscité par l'amendement adopté en
première lecture par l'Assemblée nationale à l'article 4
du projet de loi portant réforme du service national, et tendant
à créer une nouvelle catégorie de reports d'incorporation
qui concerneraient les titulaires d'un contrat de travail de droit
privé, M. Xavier de Villepin, président,
a rappelé
le souhait du Sénat de proposer une formule équilibrée,
conciliant à la fois le souci de l'emploi des jeunes et les besoins des
armées pendant la période de transition. Il a estimé que
les nouveaux reports d'incorporation créés par l'Assemblée
nationale comportaient un risque très sérieux pour la conduite de
la professionnalisation et, de ce fait, pour la défense du pays. Il
s'est donc déclaré favorable à l'adoption de la motion
tendant à opposer la question préalable au projet de loi portant
réforme du service national en nouvelle lecture.
Puis
Mme Paulette Brisepierre a évoqué la situation des
jeunes Français établis hors de France et qui, exerçant un
emploi à l'étranger, pourraient ne pas être en droit de
bénéficier des modifications du code du travail induites par
l'article 5 du projet de loi, et qui garantissent aux appelés, lors de
leur libération, la réintégration dans l'emploi qu'ils
occupaient avant d'être incorporés.
M. Jacques Habert a estimé que les dispositions de l'article 4 du projet
de loi, relatives aux reports d'incorporation susceptibles d'être
attribués aux titulaires d'un contrat de travail, s'appliqueraient aux
Français établis hors de France, qui pourraient ainsi
bénéficier de cette nouvelle catégorie de reports.
M. André Rouvière a alors fait observer que certaines des
divergences qui se sont manifestées entre l'Assemblée nationale
et le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi portaient
davantage sur les moyens que sur les finalités de la réforme du
service national. Il a, à cet égard, cité le bilan de
santé, dont l'actuelle majorité de l'Assemblée nationale
ne remet pas en cause l'opportunité, mais qu'elle estime plus pertinent
de confier à la médecine scolaire. M. André
Rouvière a également exprimé le souci que la
période de transition n'altère pas la conduite de la
professionnalisation, et a jugé que les commissions régionales
qui attribueront les nouveaux reports d'incorporation exerceront leur mission
en fonction des intérêts des jeunes concernés et des
armées. Tout en s'interrogeant sur l'application qui sera faite de
l'article 4 du projet de loi, M. André Rouvière
a
estimé que le service national, dont la suspension est imminente, ne
devrait pas avoir pour effet d'aggraver le chômage des jeunes. M.
André Rouvière
a également souligné les
divergences de fond entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur
la conception du volontariat créé par le projet de loi. Il a fait
observer que le volontariat auquel renvoyait le précédent projet
de loi s'appuyait sur le principe du bénévolat qui,
confronté à la concurrence des emplois-jeunes, mieux
rémunérés, aurait conduit à diriger vers les
différentes formes de volontariat les candidats les moins bien
formés, qui n'auraient pu de ce fait obtenir un emploi-jeunes. Enfin, M.
André Rouvière
a rappelé les réticences
exprimées par l'actuelle majorité à l'encontre du
" rendez-vous citoyen ", eu égard à une durée
excessivement longue et à des conditions d'accomplissement qui auraient,
selon lui, du fait du principe de l'internat, posé d'insurmontables
problèmes de discipline. Il a jugé l'" appel de
préparation à la défense " plus réaliste, tout
en estimant symbolique la durée d'une journée prévue par
le présent projet de loi.
M. Serge Vinçon
a objecté que l'amendement du Sénat
tendant à autoriser la prolongation de l'" appel de
préparation à la défense " n'avait aucunement pour
objet de restaurer la durée de cinq jours prévue pour le
" rendez-vous citoyen ". Il a rappelé que son opposition
à la conception du volontariat sur laquelle repose le présent
projet de loi n'était pas motivée par la
rémunération prévue dans le cadre du projet de loi -de
l'ordre du SMIC- mais essentiellement par la durée du volontariat,
calquée sur celle des emplois-jeunes, et par la confusion qui
résultait de cette situation entre le volontariat du service national et
les emplois-jeunes. Il a maintenu que l'amendement adopté par
l'Assemblée nationale à l'article 4 du projet de loi
constituait une entorse au principe d'égalité, car il permettrait
à certains jeunes, par le biais de reports successifs, d'échapper
à toute forme d'obligation du service national jusqu'à la fin de
la période de transition.
M. Serge Vinçon
a
également relevé que les difficultés de l'éducation
nationale ne permettaient pas d'envisager d'organiser dans le cadre scolaire le
bilan de santé et la détection de l'illettrisme que le
Sénat aurait souhaité pouvoir organiser à l'occasion de la
Rencontre armées-jeunesse, et que le service national devait par
conséquent jouer un rôle dans ce domaine.
M. Xavier de Villepin, président,
a estimé
préférables aux nouveaux reports d'incorporation adoptés
par l'Assemblée nationale les modifications du code du travail et du
code du service national induites par le présent projet de loi, et qui
tendent à créer une nouvelle forme de dispense pour
" situation économique et sociale grave ", et à
garantir aux appelés, lors de leur libération, la
réintégration dans l'emploi qu'ils occupaient avant d'être
incorporés.
M. Jacques Habert
a tout particulièrement déploré
que l'attitude négative de l'Assemblée nationale à
l'égard des propositions du Sénat revienne à annuler le
travail considérable effectué par la Haute assemblée en
première lecture. Il a rappelé que l'adoption sans modification
en nouvelle lecture, par l'Assemblée nationale, de l'article L. 114-12
du futur code du service national, relatif à la consultation du Conseil
supérieur des Français de l'étranger à
l'égard des modalités d'accomplissement du service national
rénové par les jeunes Français établis hors de
France, était due à une intervention du ministre de la
défense en séance publique.
M. Christian de La Malène
a, comme le rapporteur, jugé
d'une constitutionnalité discutable les dispositions de l'article 4 du
projet de loi relatives aux nouveaux reports d'incorporation.
M. Nicolas About
a, sur ce point, noté la contradiction entre les
dispositions législatives adoptées par l'Assemblée
nationale en première et en nouvelle lectures, et les difficultés
rencontrées, depuis l'annonce de la suspension du service national
obligatoire, à l'occasion d'interventions sollicitant la dispense de
jeunes gens incorporables qui exercent une activité professionnelle.
Rappelant que les refus opposés à ces interventions
étaient motivés par le respect du principe
d'égalité et par les besoins des armées, il s'est
demandé comment les mesures relatives aux nouveaux reports pourraient
être effectivement appliquées.
M. Jean-Luc Bécart
a rappelé son scepticisme sur la
décision de procéder à la professionnalisation de nos
forces. Il s'est néanmoins déclaré opposé à
l'adoption d'une question préalable, car il a estimé le
présent projet de loi plus opportun que le précédent, et
parce qu'il a jugé regrettable de ne pas débattre une nouvelle
fois de ce texte, compte tenu des difficultés posées par la
période de transition.
M. Xavier de Villepin, président,
a rappelé, à cet
égard, que la commission mixte paritaire s'était trouvée
dans l'obligation de constater le désaccord entre les deux
assemblées sur les aspects majeurs du projet de loi.
Enfin, MM. Jean Clouet, Serge Vinçon
et Xavier de Villepin,
président,
ont évoqué les perspectives de
modification du code actuel du service national à l'issue de la
période de transition.
M. Hubert Durand-Chastel
a ensuite déploré qu'aucune place
n'ait été faite, au sein des emplois-jeunes, à des
activités susceptibles d'être accomplies à
l'étranger, en dépit de propositions de certains membres du
Sénat.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur,
adopté la
motion tendant à opposer la question préalable
au projet de
loi portant réforme du service national en nouvelle lecture, les
commissaires socialistes et communistes votant contre.
MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE
AU PROJET DE LOI PORTANT RÉFORME DU SERVICE NATIONAL
(NOUVELLE
LECTURE)
.
Considérant qu'en première lecture,
soucieux d'améliorer le projet de loi portant réforme du service
national, le Sénat a abordé celui-ci dans un esprit positif, en
cohérence avec les positions déjà soutenues par le
Sénat lors de l'examen du précédent projet de loi portant
réforme du service national ;
.
Considérant que l'Assemblée nationale s'est
bornée en nouvelle lecture à reprendre quelques rares
amendements, de portée modeste, adoptés par le Sénat en
première lecture, sans prendre en compte aucune des modifications
substantielles que le Sénat avait insérées dans le projet
de loi en première lecture : dénomination de Rencontre
armées-jeunese, extension du contenu de cette nouvelle obligation
à un bilan de santé, réduction de la durée des
volontariats à deux années, nouvelle définition du service
national rappelant, en cohérence avec la professionnalisation, le
caractère exceptionnel que revêtirait un éventuel
rétablissement de l'appel au contingent, extension du service national
rénové aux jeunes gens nés en 1979, prise en
considération des besoins des armées dans la détermination
des reports d'incorporation susceptibles d'être attribués aux
titulaires d'un contrat de travail pendant la période de transition ;
.
Considérant que le projet de loi transmis au Sénat en
nouvelle lecture repose sur les mêmes ambiguïtés que le
Sénat avait voulu corriger en première lecture -mise en place
d'un " appel de préparation à la défense " qui
n'aura ni les moyens, ni le temps, de ses ambitions, pourtant fort
réduites par rapport au "rendez-vous citoyen", et confusion entre les
emplois-jeunes et les futurs volontariats, ceux-ci étant conçus
dans une perspective de carrière qui devrait demeurer
étrangère à la logique du service national ;
.
Considérant que l'alignement du statut des futurs volontaires
dans les armées sur celui des engagés, qui résulte du
texte adopté par l'Assemblée nationale, est de nature à
altérer les conditions de la professionnalisation, de même que les
reports d'incorporation susceptibles d'être attribués aux jeunes
gens titulaires d'un contrat de travail ;
.
Considérant qu'ainsi le projet de loi voté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture risque d'affaiblir la
défense du pays pendant la délicate et cruciale période de
transition 1997-2002 ;
le Sénat, conformément au troisième alinéa de
l'article 44 du Règlement, décide qu'il n'y a pas lieu de
continuer à délibérer du projet de loi portant
réforme du service national en nouvelle lecture.