Rapport n° 20 - Proposition de loi de M. Nicolas ABOUT tendant à modifier les dispositions du code civil relatives à la prestation compensatoire en cas de divorce
M. Daniel HOEFFEL, Sénateur
Commission de Lois constitutionnelles, de legislation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - Rapport n° 20 - 1997-1998
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- TEXTE PROPOSE PAR LA COMMISSION
-
ANNEXE
QUATRE ARRETS DE LA COUR DE CASSATION
N° 20
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :
- la proposition de loi de M. Nicolas ABOUT, tendant à
modifier les dispositions du
code civil
relatives à
la
prestation compensatoire
en cas de
divorce
,
- et la proposition de loi de MM. Robert PAGÈS, Michel DUFFOUR,
Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle
BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT,
Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme
Odette TERRADE relative à l'attribution de la
prestation
compensatoire
en cas de
divorce
,
Par M. Daniel HOEFFEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Sénat
:
151
et
400
(1996-1997).
Divorce. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 8 octobre 1997, sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, et de M.
Georges Othily, vice-président, la commission des Lois a examiné
le rapport de M. Daniel Hoeffel sur les propositions de loi de M. Nicolas About
et de M. Robert Pagès et plusieurs de ses collègues relatives
à la prestation compensatoire en matière de divorce.
Sur la forme, elle a estimé que les difficultés concrètes
constatées après 20 ans d'application de cet aspect de la
loi de 1975 justifiaient que le législateur se prononce sans attendre
une éventuelle réforme plus globale de la procédure de
divorce.
Sur le fond, elle a adopté un texte composé de quatre
articles :
- l'article premier autoriserait désormais la révision de la
prestation compensatoire en cas de
changement substantiel
dans les
ressources ou les besoins des parties ;
- l'article 2 confirme le principe du versement d'un capital :
à défaut, il fait obligation au juge de
fixer la
durée
de la rente ;
- l'article 3 propose d'encourager le versement d'un capital en doublant
l'
abattement fiscal
prévu dans ce cas ;
- enfin, l'article 4 prévoit l'application de ces nouvelles
dispositions aux
rentes en cours
.
Mesdames, Messieurs,
Les propositions de loi de M. Nicolas About, d'une part, et de M. Robert
Pagès et de ses collègues, d'autre part, ont pour objet de
modifier l'une des conséquences pécuniaires du divorce tel qu'il
est organisé par la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant
réforme du divorce.
La loi de 1975, qui s'applique aux procédures commencées
après le 1er janvier 1976, n'a laissé subsister la pension
alimentaire en principe qu'à l'égard des enfants. Entre les
époux divorcés, celle-ci n'est plus prévue par la loi
qu'en cas de divorce pour rupture de la vie commune (moins de 2 % des
divorces).
Elle subsiste toutefois pour les divorces prononcés sous l'empire de la
loi antérieure ainsi que, selon la Cour de cassation, lorsque les
époux en sont convenus par convention (2e chambre civile, 9 mai 1988).
En revanche, dans les autres cas
la pension alimentaire entre époux a
été remplacée par une prestation compensatoire forfaitaire
et difficilement révisable
.
A. L'ÉTAT DU DROIT: LA PRESTATION COMPENSATOIRE INSTAURÉE PAR LA LOI DE 1975
L'article 270 du code civil, tel que rédigé
depuis 1975, prévoit que dans les deux formes principales du divorce
(pour faute ou par consentement mutuel) "
l'un des époux peut
être tenu de verser à l'autre une prestation destinée
à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la
rupture du mariage crée dans les conditions de vie
respectives
".
Seul l'époux aux torts exclusifs duquel le divorce serait
prononcé ne pourrait obtenir cette
prestation compensatoire
(article 280-1 du code civil)
1(
*
)
.
La substitution de la prestation compensatoire à la pension alimentaire
répondait à deux objectifs essentiels du législateur de
1975 : détacher le plus possible le règlement pécuniaire
de l'attribution des torts et, surtout, limiter les sources de conflits
ultérieurs en donnant un caractère forfaitaire et
quasi-définitif à la fixation de cette compensation. A cet effet,
l'article 270 marque que le divorce met fin au devoir de secours entre
époux. La réforme s'efforçait d'éviter de
perpétuer après le divorce des versements mensuels entre
époux qui retardaient par leur caractère alimentaire la sortie
effective du mariage.
L'article 273 du code civil précise donc que : "
la prestation
compensatoire a un caractère forfaitaire. Elle ne peut être
révisée même en cas de changement imprévu dans les
ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision
devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une
exceptionnelle gravité
".
Le législateur a encore marqué ce caractère forfaitaire en
prévoyant comme moyen de paiement principal le versement d'un
capital
(article 274 du code civil) dont les modalités seraient
fixées par le juge : versement d'une somme, usufruit de biens en nature
ou dépôt de valeurs productives de revenu (article 275), le cas
échéant avec un versement en trois annuités (article
275-1).
Toutefois, l'article 276 du même code prévoit,
à titre
subsidiaire
, qu'"
à défaut de capital ou si celui-ci
n'est pas suffisant, la prestation compensatoire prend la forme d'une
rente
".
Dans ce cas, l'article 276-1 prévoit en outre l'
indexation
de la
rente "
comme en matière de pension alimentaire
" et,
à défaut de fixation d'une durée inférieure par le
juge, la rente est attribuée jusqu'au décès de
l'époux créancier. Si la mort de l'époux débiteur
est antérieure, la charge de la rente passe à ses
héritiers
(article 276-2).
Or,
dans la pratique, cette modalité subsidiaire est devenue la
règle
. En effet, dans la plupart des cas, les magistrats optent pour
un versement périodique sans référence à un capital
et sans toujours en fixer la durée.
Les statistiques, issues d'une enquête effectuée par la
Chancellerie pour l'année 1994, montrent que, sur 118 056 divorces
prononcés, 15 419 (13 %) ont donné lieu au versement
d'une prestation compensatoire qui n'aura pris la forme d'un
capital
simple
que dans
20 % des cas
.
Le montant moyen du capital se situe autour de 164.000 F. Il ne
dépasse 200.000 F que dans 26 % des cas.
Dans
60 % des cas
, une
rente
est attribuée. Le
surplus se répartit entre des combinaisons rente-capital (3,7 %) et
les autres formes prévues par l'article 275 (usufruit ou revenus d'un
capital versé entre les mains d'un tiers).
Ainsi, dans environ
80 %
des cas où une prestation compensatoire
est attribuée, celle-ci suit un régime très proche de
celui de la pension alimentaire. Les sanctions pénales en cas de
non-versement sont les mêmes ainsi que les procédures de
recouvrement forcé et, surtout, le
régime fiscal
est celui
de l'impôt sur le revenu (déductibilité pour le
débiteur et imposition pour le créancier).
Outre les habitudes des juges et des parties et la composition du patrimoine,
la fiscalité serait d'ailleurs la cause principale de la
préférence pour la rente. En effet en cas de versement d'un
capital, même en trois annuités échelonnées,
l'imposition est celle des donations (mutations à titre gratuit).
Au-delà d'un abattement de 330 000 francs, les droits
progressent de 5 à 40 %.
Le montant moyen des rentes mensuelles est de 2.300 F mais seul un tiers des
rentes excède 2 500 F par mois et 7 % sont supérieures
à 6 000 F.
Ainsi le caractère alimentaire de la prestation est-il
réapparu dans la majorité des cas.
En revanche, l'interprétation stricte donnée par la Cour de
cassation en matière de
révision de la rente
conduit
à interdire de tenir compte de changements de situation des ex-conjoints
qui n'induiraient pas des conséquences d'une exceptionnelle
gravité. La connaissance de cette rigidité limite d'ailleurs les
demandes de révision qui sont passées de 1 151 en 1988
à 878 en 1995 avec toutefois un taux d'appel record de l'ordre de
60 %.
L'analyse des conditions de vie des ex-époux reste donc en
général figée au moment du divorce.
Seul le divorce par consentement mutuel (50% des divorces) permet aux
ex-époux d'échapper à cette rigidité en
prévoyant, dans leur convention homologuée par le juge, la
faculté pour chacun d'eux de demander au juge la révision, en cas
de changement imprévu dans
ses
ressources ou dans
ses
besoins (article 279 du code civil).
Dans tous les cas, l'amélioration de la situation de l'un des
époux (remariage du créancier comme en matière de pension
alimentaire par exemple) ne peut permettre à l'autre de demander la
révision.
En ce sens le caractère quasi-définitif de la prestation est
assez bien respecté, trop pour certains compte tenu des retournements de
situations induits par la crise économique depuis la mise en application
de la loi et du caractère quasi-viager de la prestation.
Ainsi constate-t-on que ne sont prises en compte pour ouvrir la révision
que les situations extrêmes comme le chomage d'un débiteur
âgé ou la cessation d'activité due à une maladie
grave. En revanche, les juges modulent plus souvent aujourd'hui montant et
durée de la prestation en fonction de la durée du mariage, de
l'âge des conjoints et de leurs perspectives professionnelles. Ils
réservent la prestation viagère aux conjoints les plus
âgés.
B. LES PROPOSITIONS DE LOI SUGGÈRENT TROIS MODIFICATIONS
1. L'assouplissement de la révision
M. Nicolas About propose qu'à l'article 273 du code
civil, le critère d'ouverture de la révision des
"
circonstances d'une exceptionnelle gravité
" soit
remplacé par une référence à une
"
modification notable de la situation
patrimoniale de
l'un
ou l'autre des conjoints
" créant des conditions nouvelles que le
juge n'aurait pu appréhender au moment du divorce.
M. Robert Pagès et ses collègues suggèrent que la
révision soit possible "
en cas de changement imprévu et
important dans les ressources ou les besoins des parties
".
Avec l'une ou l'autre de ces nouvelles rédactions, les modifications
positives
de la situation des ex-époux pourraient être
prises en compte, de même que les changements n'entraînant pas des
conséquences d'une exceptionnelle gravité.
La révision
cesserait donc d'être une exception
.
2. La limitation dans le temps du service de la rente
En outre, l'article 2 de la proposition de M. Nicolas About
limiterait à
10 ans
la durée de la rente "
sauf si
cette limitation (était) susceptible d'entraîner des
conséquences d'une exceptionnelle gravité "
.
L'auteur de la proposition souhaite préserver par cette réserve
exceptionnelle la situation des vieux époux.
3. L'intransmissibilité de la rente
De plus, l'article 3 de la proposition de M. Nicolas
ABOUT supprime le report de la charge de la rente sur les
héritiers
du débiteur. Notre excellent collègue,
estime en effet que la transmission aux héritiers conduit, dans de trop
nombreux cas, des personnes n'ayant pas de lien familial avec le
créancier de la prestation à en supporter la charge (nouveau
conjoint survivant ou enfants d'un mariage subséquent par exemple).
Il considère que la faculté de refuser la succession pour
échapper à ce passif ne règle pas cette difficulté.
C. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
Sur la forme
, l'opportunité de traiter cette
question en dehors du contexte d'une réforme plus générale
de la procédure de divorce a pu être débattue.
Certes il aurait pu apparaître plus satisfaisant de joindre l'examen de
cette proposition à un futur texte issu par exemple des travaux de la
conférence de la famille (Mission Gisserot 1996) ou des propositions de
réforme de la procédure civile élaborées à
partir du rapport de M. le président Jean-Marie COULON.
La commission des lois a toutefois estimé que les difficultés
concrètes d'application constatées justifiaient que le
législateur se prononce en tout état de cause sur cette question.
D'autant plus que le Sénat avait déjà abordé cette
question en décembre 1986 à l'occasion de l'examen d'une
proposition de loi issue de l'Assemblée nationale qui ne l'a pas
à ce jour inscrite à son ordre du jour pour une deuxième
lecture
2(
*
)
. Il s'agissait alors de faciliter la
demande de conversion en capital d'une rente. Le Sénat avait en outre
souhaité inscrire dans le code la possibilité de révision
judiciaire des rentes en cas de divorce par consentement mutuel
3(
*
)
et avait voté l'application de ces
modifications aux rentes octroyées avant leur entrée en vigueur.
Il avait enfin estimé que la rente devait être
"
représentative d'un capital préalablement
fixé
".
Votre rapporteur a donc soumis à la commission des conclusions tendant
à confirmer le principe d'un versement en capital, à
défaut duquel la rente devrait être fixée par rapport
à ce qu'aurait dû être le capital et sa durée
précisée par le juge sans excéder en principe dix ans. Il
a également proposé d'autoriser la révision de la rente en
cas de changement substantiel dans la situation des parties, de faciliter le
versement sous forme d'un capital en atténuant ses conséquences
fiscales et de maintenir la transmission de la dette aux héritiers,
laquelle est conforme au droit commun. Il a enfin proposé d'appliquer
ces nouvelles dispositions aux rentes en cours.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a reconnu s'être toujours interrogé sur
le bien fondé de la prestation compensatoire créée en 1975
et a confirmé les grandes difficultés créées aux
débiteurs frappés par la conjoncture économique.
Il a approuvé l'ouverture de la révision en cas de changement
substantiel de la situation des parties ainsi que la fixation de la rente par
référence à un capital. Il s'est en revanche
interrogé sur la limitation de la durée de la rente, sur sa
transmission aux héritiers ainsi que sur la proposition du rapporteur de
doubler l'abattement fiscal en cas de versement d'un capital.
Après avoir rappelé que la prestation compensatoire ne pouvait
être révisée du fait de son caractère forfaitaire
que dans des cas exceptionnels, M. Luc Dejoie s'est opposé à un
assouplissement de la révision, dont il a estimé qu'il
constituerait une transformation radicale de la loi de 1975. Il a fait valoir
que l'élargissement des possibilités de révision
était contraire à la logique juridique de la prestation
compensatoire et ouvrirait la porte à de multiples contentieux.
M. Robert Badinter a rappelé que, dans la situation actuelle, la
jurisprudence n'examine l'exceptionnelle gravité qu'au regard de la
situation de celui qui l'invoque. Il a approuvé l'ouverture de la
révision en cas de changement substantiel. Il s'est interrogé sur
l'opportunité de fixer la rente par référence à un
capital et s'est prononcé contre sa limitation dans le temps par la loi.
M. Charles Jolibois s'est également prononcé contre la limitation
à 10 ans de la durée de la rente.
M. Pierre Fauchon a partagé ce point de vue. Il a en outre
approuvé le principe de l'assouplissement de la révision et
considéré que le transfert de la dette aux héritiers
était conforme au droit commun.
M. Jean-Jacques Hyest, après avoir rappelé que le
législateur de 1975 avait souhaité que le principe fût le
versement d'un capital, a estimé qu'en cas de rente le juge devait
pouvoir en moduler le montant et la durée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt, en réponse à M. Luc Dejoie, a
estimé que la rédaction de l'article 273 du code civil issue
de la loi de 1975 comportait en elle-même une contradiction juridique.
Rappelant le texte voté par le Sénat en 1986, il a
souhaité voir confirmer par le rapporteur la possibilité pour les
héritiers de demander la révision de la rente dans les
mêmes conditions que leur ayant-cause et s'est interrogé sur
l'articulation entre les articles 273 et 279 pour les divorces par consentement
mutuel.
M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur
l'opportunité d'une réforme partielle qui modifierait
néanmoins substantiellement l'esprit de la loi de 1975 et a
souligné que l'ouverture de la révision alourdirait la charge du
juge aux affaires familiales.
Votre rapporteur a estimé que l'évolution jurisprudentielle
constatée depuis 20 ans révélait les imperfections de
la loi de 1975 sur ce point et justifiait l'intervention ponctuelle du
législateur.
Il a souligné que la réforme proposée n'entraînerait
pas un contentieux supplémentaire important dans la mesure où le
doublement de l'abattement fiscal, qu'il préconisait, devrait orienter
les parties vers le versement d'un capital.
En réponse à M. Michel Dreyfus-Schmidt, il a estimé qu'en
revanche l'exigence que chaque partie d'un divorce par consentement mutuel soit
représentée par un avocat relevait d'une réforme plus
générale de la procédure de divorce.
Au terme de ce débat, sur le fond
,
votre commission a
estimé souhaitable une modification dans le sens proposé par les
auteurs des propositions de loi
.
Elle partage le constat d'une dérive par rapport à l'intention
initiale du législateur qu'elle souhaite réaffirmer tout en
tenant compte des enseignements de la pratique. En conséquence elle vous
propose:
1. D'assouplir l'accès à la
révision
de la rente,
en l'autorisant en cas de
changement substantiel
dans la situation des
parties, c'est-à-dire de l'une ou l'autre des parties ; ainsi chaque
partie pourra demander la prise en compte des changements positifs ou
négatifs de sa situation ou de celle de son ex-conjoint; la nouvelle
rédaction proposée pour l'article 273 du code civil
permettrait toujours à l'héritier du débiteur de la rente
de demander la révision ; cette révision
judiciaire
élargie demeurerait applicable aux divorces par consentement mutuel
lorsque les époux n'ont pas prévu de clause de révision
dans leur convention en application de l'article 279 du code civil; comme
à l'heure actuelle, la révision ne pourrait être
demandée que tant que la dette ne serait pas éteinte
4(
*
)
(article premier) ;
2. De confirmer le principe d'un versement en
capital
; à
défaut la
durée
de la rente devrait être
précisée par le juge selon les critères de l'article 272
du code civil ; la commission a en revanche estimé
préférable de ne pas déterminer dans la loi un plafond
pour cette durée et d'en laisser la libre appréciation au juge
(article 2) ;
3. De faciliter le versement sous forme d'un capital, en atténuant ses
conséquences fiscales
par le
doublement de l'abattement
prévu par le code général des impôts pour les droits
de mutation à titre gratuit (article 3) ;
4.
De maintenir la transmission de la dette aux héritiers
qui
découle du principe de la transmission active et passive du patrimoine
du de cujus et dont les effets les plus inéquitables devraient
être sensiblement atténués par la fixation de la
durée de la rente et l'assouplissement de la révision ;
5. De prévoir l'application de ces nouvelles dispositions aux
rentes en cours
, comme l'avaient voté l'Assemblée
nationale et le Sénat en 1986 (article 4). Cette disposition
signifie simplement que la loi est d'application immédiate, sans
être pour autant rétroactive. En effet, si la loi nouvelle est
susceptible de s'appliquer aux rentes décidées
antérieurement comme aux nouvelles, la demande de révision ne
vaudra que pour les arrérages à venir de la rente. Elle ne
saurait remettre en cause les versements effectués antérieurement
à l'entrée en vigueur de la loi.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des
lois vous demande d'adopter les conclusions qu'elle vous soumet pour ces
propositions de loi et qui sont reproduites ci-après.
TEXTE PROPOSE PAR LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI
RELATIVE A LA PRESTATION COMPENSATOIRE
EN MATIERE DE DIVORCE
Article premier
L'article 273 du code civil est ainsi rédigé:
"
Art. 273
.- La prestation compensatoire a un caractère
forfaitaire. Elle ne peut être révisée qu'en cas de
changement substantiel dans les ressources ou les besoins des
parties. ".
Article 2
Le premier alinéa de l'article 276-1 du même code
est ainsi rédigé:
" Le juge fixe la durée de la rente en prenant en
considération les éléments d'appréciation
prévus à l'article 272. Le décès de l'époux
créancier avant l'expiration de cette durée met fin à la
charge de la rente. ".
Article 3
L'article 757 A du code général des impôts
est complété par la phrase suivante:
" Dans ce dernier cas, l'abattement prévu à l'article 779
est doublé. ".
Article 4
La révision des rentes allouées avant l'entrée en vigueur de la présente loi peut être demandée dans les conditions prévues aux articles premier à 3.
ANNEXE
QUATRE ARRETS DE LA COUR DE
CASSATION
COUR DE CASSATION 1ÈRE CHAMBRE CIVILE
8 Novembre 1989
Attendu selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Pau, 4
décembre 1986) qu'un jugement définitif prononçant le
divorce des époux Z... a ordonné la liquidation et le partage de
leur communauté conjugale ; que saisi d'un procès-verbal
dressé par le notaire liquidateur, relativement aux difficultés
qui opposaient Mme X... à Mme Y..., venant aux droits de Z...
décédé, le tribunal a homologué un rapport
d'expertise établi en vue de cette liquidation ; qu'ayant relevé
appel, Mme X... a sollicité notamment l'allocation d'une prestation
compensatoire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à cet arrêt d'avoir rejeté
sa demande comme tardive alors que, selon le moyen, elle ne se trouvait soumise
qu'à la prescription trentenaire et qu'en se refusant à
l'accueillir pour avoir été seulement formée à
l'occasion des opérations de liquidation et partage consécutives
au prononcé du divorce, la cour d'appel a violé l'article 271 du
Code civil ;
Mais attendu que les juges d'appel ont estimé à bon droit que la
prestation compensatoire ne pouvait être demandée qu'au cours de
la procédure de divorce ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que Mme X... fait enfin grief à l'arrêt attaqué
d'avoir retenu que constituait un bien propre à Z..., un véhicule
acquis par lui durant le mariage, alors que, selon le moyen, cette voiture,
bien qu'ayant été achetée grâce à son
industrie personnelle, ne se trouvait pas affectée à celle-ci et
constituait dès lors un acquêt de communauté de telle sorte
qu'en statuant comme elle a fait, la cour a violé l'article 1401 du Code
civil ;
Mais attendu que par motifs adoptés la cour d'appel a constaté
que le véhicule litigieux avait été acheté pour "
le cabinet d'assurances lui-même propre de M. Z... " ; qu'en
conséquence de cette constatation suivant laquelle la voiture en cause
était acquise à titre d'accessoire d'un bien propre au sens de
l'article 1406 du Code civil, la cour d'appel a justement admis qu'elle formait
un bien propre à Z... ;
Que le moyen n'est donc pas fondé et qu'il y a lieu de le rejeter ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
87-12.698
Mme X...
contre Mme Y....
COUR DE CASSATION 2EME CHAMBRE CIVILE
24 Mai 1991
Sur le moyen unique pris en ses deuxième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 novembre 1989),
partiellement infirmatif, que Mme X... a fait assigner les héritiers de
son ex-mari décédé, Y..., en paiement de la rente
mensuelle viagère allouée à son profit, à titre de
prestation compensatoire, par la décision ayant prononcé le
divorce des époux X... et a demandé et obtenu la transformation
de cette rente en capital ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la
demande reconventionnelle des héritiers en révision de la
prestation compensatoire et décidé la réduction du capital
constitutif de celle-ci sur le fondement de l'article 273 du Code civil, alors
que, d'une part, en déclarant que les héritiers de l'époux
débiteur, tenus au paiement de la rente au décès de ce
dernier, disposent également de la faculté d'en demander la
révision, la cour d'appel aurait violé les articles 273 et 276-1
du Code civil ; alors que, d'autre part, en retenant que l'absence de
révision de la prestation compensatoire due à Mme X... aurait des
conséquences d'une exceptionnelle gravité dès lors que la
charge transmise aux héritiers de M. Y... absorberait plus des trois
cinquièmes de l'actif successoral, au motif erroné que la rente
de 2 000 francs représente en capital une somme de 942 000 francs, la
cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au
regard de l'article 273 du Code civil ;
Mais attendu qu'à la mort de l'époux débiteur, la charge
de la rente passant à ses héritiers, ceux-ci peuvent, comme le
conjoint débiteur, demander la révision de la prestation
compensatoire si l'absence de révision doit avoir pour eux des
conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Et attendu que l'arrêt énonce que la rente, après sa
transformation en capital, absorberait plus des trois cinquièmes de
l'actif successoral, que le décès du débiteur a eu pour
conséquence la suppression définitive des revenus sur lesquels la
fixation de la prestation avait été fondée ; que, par ces
énonciations, la cour d'appel a usé de son pouvoir souverain pour
apprécier si l'absence de révision aurait des conséquences
d'une exceptionnelle gravité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique pris en ses deuxième et troisième branches :
(sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
90-11.848
Mme X...
contre consorts Y....
COUR DE CASSATION 2EME CHAMBRE CIVILE
8 Novembre 1989
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Pau, 16
décembre 1987), que le jugement prononçant le divorce des
époux Y... a condamné M. Y... en 1979 à verser à
Mme X... à titre de prestation compensatoire une rente mensuelle pendant
trois ans ; que, sept ans plus tard, Mme X... a demandé la condamnation
de M. Y... à lui verser à titre de prestation compensatoire une
nouvelle rente viagère mensuelle ;
Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de l'avoir
déboutée de cette demande, alors que, d'une part, la cour d'appel
aurait violé l'article 273 du Code civil en subordonnant la
révision de la prestation compensatoire allouée pour une
durée inférieure à la vie du créancier à la
condition que la demande en soit présentée avant l'expiration du
terme fixé, et alors que, d'autre part, la cour d'appel, en
déclarant inapplicables les dispositions de l'article 273 du Code civil,
n'aurait pu s'approprier les motifs du jugement déclarant la demande non
fondée et aurait violé le texte par refus d'application ;
Mais attendu que l'arrêt, après avoir constaté que la
prestation compensatoire allouée par le jugement de divorce avait
cessé d'exister trois ans après son prononcé, retient
à bon droit que les dispositions de l'article 273 du Code civil ne
permettent pas de satisfaire une telle demande qui ne constitue pas une demande
de révision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
88-17.516
Mme X...
contre M. Y....
COUR DE CASSATION 2EME CHAMBRE CIVILE
6 Février 1985
Sur le moyen unique : vu les articles 273 et 279, alinea 3, du code civil,
Attendu que le second de ces textes n'exclut pas la possibilité reconnue
aux parties par le premier de demander au juge de réviser la prestation
compensatoire convenue dans la convention homologuée si l'absence de
révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences
d'une exceptionnelle gravité ;
Attendu que pour débouter M. L. de sa demande de réduction de la
rente allouée à titre de prestation compensatoire à Mme
Chauvellier dans la convention définitive homologuée par le
jugement, devenu irrévocable, ayant prononcé, sur leur demande
conjointe, le divorce des époux L., l'arrêt attaqué,
confirmatif de ce chef, rendu sur appel d'une ordonnance d'un juge aux affaires
matrimoniales, après avoir relevé (qu'aucune clause de
révision de la rente ne figurait dans la convention et qu'aucun accord
n'était intervenu entre les parties pour en modifier le montant et qu'en
conséquence) les conditions imposées par l'article 279 du code
civil pour la révision de la prestation compensatoire conventionnelle
n'étaient pas réunies, retient que les dispositions de l'article
273 relatives aux seules prestations compensatoires fixées par le juge
ne sont pas applicables aux prestations convenues entre les parties ; en quoi
la cour d'appel a violé les textes susvisés ; par ces motifs :
casse et annule l'arrêt rendu le 20 mai 1983, entre les parties, par la
cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les
parties au même et semblable état où elles étaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d'appel de Bourges, à ce désignée par
délibération spéciale prise en la chambre du conseil ;
83-15.518
L.
contre Mme C.
1
Il pourrait en revanche obtenir une
indemnité à titre exceptionnel si la durée de la vie
commune et la collaboration apportée à la profession de l'autre
époux rendait manifestement contraire à l'équité de
lui refuser toute compensation pécuniaire.
2
Rapport de M. Charles Jolibois n° 399 (Sénat
1983-1984) et TA n° 29 (1986-1987). Proposition de loi transmise à
nouveau à l'Assemblée nationale sous le n°81 (11ème
légis.)
3
La jurisprudence a en fait d'ores et déjà admis que
le régime de droit commun de la révision judiciaire de l'article
273 du code civil peut s'appliquer aux divorces par consentement mutuel
(2ème Ch. Civ. 6 février 1985).
4
Cf. Cass. 2
ème
Ch. Civile - 8 novembre 1989.