IV. LES LIAISONS À GRAND GABARIT : QUI A PEUR DU RENOUVEAU FLUVIAL ?
Alors que le canal du Rhin au Danube, dont le coût a, en Allemagne, avoisiné 14 milliards de francs, relie depuis 1992 quelque 15 nations européennes à la mer Noire, la France apparaît encore, au regard du schéma directeur des voies navigables européennes, comme le pays des « accrocs » ou des « maillons manquants ».
La représentation nationale, par le vote de la loi du 4 février 1995, a marqué sa volonté de mettre fin aux solutions de continuité qui empêchent la communication à grand gabarit entre la Seine et le Nord, la Seine et l'Est, le
Rhin et le Rhône. Pourtant, des freins sinon des oppositions se manifestent, laissant à penser que le renouveau du transport fluvial pourrait « faire peur » à certains en dépit de l'impérieuse obligation d'aménagement du territoire.
A. LA LIAISON RHIN-RHÔNE
Déclaré d'utilité publique en 1978, relancé par le vote de l'article 36 de la loi du 4 février 1995, le projet de canal à grand gabarit Saône (ou Rhin)-Rhône connaît une maturation progressive en dépit des obstacles.
La mise en place de la SORELIF
Le premier conseil d'administration de la SORELIF Saône-Rhin, créée à parité entre EDF et la Compagnie nationale du Rhône en application de la loi du 4 février 1995 et dont le capital est de 250.000 francs, a élu son président à la fin de février 1996.
La SORELIF a reçu la maîtrise d'ouvrage des travaux du canal qui devront être achevés en 2010.
La tâche principale de la société consiste actuellement à acquérir les terrains nécessaires.
Votre commission des Affaires économiques souligne l'intérêt primordial qui s'attache à informer les élus locaux et les populations riveraines du tracé du futur canal. Elle souligne la nécessité de prendre en compte les avis des organisations écologistes et les impératifs environnementaux. L'adhésion de la Franche Comté et des maires des communes traversées par le projet reste la clé du succès.
Un coût de réalisation réactualisé
Lors de la discussion de la loi du 4 février 1995, les parlementaires avaient travaillé sur la base d'un coût de réalisation de 17,25 milliards de francs. Ce chiffre paraissait raisonnable comparé au coût de réalisation annoncé pour le canal Rhin-Main-Danube achevé en 1992.
Selon une étude conjointe du Conseil des Ponts et Chaussées et de l'Inspection des finances, ce coût a été porté, en mai 1996, à 49,4 milliards de francs (avec 21,5 milliards d'intérêts, 4,6 milliards de TVA, 3 milliards de dépenses environnementales).
Votre rapporteur s'interroge sur cette réactualisation du coût estimatif. Il émet le voeu qu'il ne s'agisse pas, de la part de techniciens, d'une tentative de contournement d'une volonté expressément affirmée par la représentation nationale.
L'aménagement de la section Niffer-Mulhouse
La première phase d'aménagement de la section Niffer-Mulhouse a été réalisée de 1991 à 1995 (écluse de Niffer et bief de raccordement, recalibrage du canal à 5,70 m de profondeur, élargissement à Hombourg, cercle d'évitement à l'Île Madame).
La deuxième tranche d'aménagement reste à réaliser, pour l'application d'un décret du 22 novembre 1990 (relèvement des ponts routiers du Petit Landau et du RD201 et, en 1997, du pont ferroviaire de l'Île Napoléon). Le financement devrait être assuré à 80 % par le FITTVN et à 20 % par les collectivités territoriales.
Des trafics rhodaniens en expansion
Votre commission accueille avec satisfaction la croissance de 14 % du trafic fluvial sur le Rhône en 1995. Elle salue le dynamisme du port fluvial d'Arles dont le trafic a crû de 46,5 % sur la seule année 1995, de même que la croissance de 8,3 % du trafic des quatre ports regroupés dans l'association « Aproport » (Châlon sur Saône, Mâcon, Villefranche sur Saône et Vienne Sud) et que les 100.000 tonnes supplémentaires transportées, depuis 1993, par la voie d'eau à partir du port de Sète.
Elle observe qu'aucune raison ne s'oppose à ce que le transport de marchandises qui ne représente que 2,7 % pour l'axe Saône-Rhône atteigne 17 % comme pour le Rhin.
Elle souligne, pour finir, qu'il existe une contradiction entre les écologistes qui contestent la rentabilité de la liaison et la SNCF qui semble redouter les détournements de trafic que celle-ci induirait à ses dépens.
Or, une récente étude du laboratoire d'économie des transports de l'université « Lumière-Lyon 2 » a montré que la voie d'eau était intéressante par rapport à la route si l'on prenait en compte les coûts externes comparés.
Des velléités de contournement de la loi ?
Le vote de l'article 36 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 a été suivi de réactions : celles du courant écologiste qui, n'hésitant pas à mobiliser ici le concours prestigieux d'une personnalité pourtant très étrangère, à tous égards, à la Franche Comté ou celui de manifestants de nationalité suisse ou allemande, organisé, en 1995-1996, quelques manifestations.
Plus troublante est, aux yeux des commentateurs, l'attitude de certaines sphères proches de l'administration qui pourraient parfois être soupçonnées de mener des contre-offensives.
Ainsi, les travaux de certaines équipes ont-ils suscité, lors de leur publication à la mi-juillet 1996, des interrogations dans la mesure où certains ont cru y voir une incitation au « ré-examen » du projet « Rhin-Rhône ».
Votre Commission accueille donc avec satisfaction la récente confirmation, par le Premier ministre, de l'intention du Gouvernement de mener à bien ce projet.