Rapport n°380 sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales
M. Bernard Plasait, Sénateur
Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces arméesRapport n° 380 -1996/1997
Table des matières
- I.LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES, NOUVEAUX ACTEURS DE LA SCÈNE DIPLOMATIQUE
- A.UNE CONTRIBUTION ORIGINALE DANS UN NOUVEAU CONTEXTE INTERNATIONAL
- B.UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE LIMITÉE AU PAYS DONT L'ONG EST ORIGINAIRE
- II.LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE : UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE LIMITÉE MAIS NON SANS RISQUE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE I :
ETUDE D'IMPACT 3 -
ANNEXE II :
DÉCLARATION INTERPRÉTATIVE
N° 380
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 juin 1997
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales,
Par M. Bernard PLASAIT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro :
Sénat : 338 (1996-1997).
Traités et conventions .
Mesdames, Messieurs,
La convention sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales a été adoptée sous les auspices du Conseil de l'Europe le 24 avril 1986. Ce texte dont l'adhésion est ouverte aux quarante pays membres du Conseil de l'Europe a été ratifié à ce jour par sept pays: la Grande Bretagne, la Grèce, la Belgique, le Portugal, l'Autriche, la Suisse et la Slovénie.
La France a signé la convention le 4 juillet 1996.
Notre pays pourra ainsi compléter par un nouvel instrument de portée internationale une législation intérieure très libérale fondée sur la loi du ler juillet 1901 relative aux associations.
Malgré un objectif limité, la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales (OING) dans les Etats signataires de la convention- revêt une importance particulière à travers sa double dimension juridique et pratique. D'une part, elle constitue le premier accord international entièrement consacré aux ONG. D'autre part, elle simplifie notablement les procédures nécessaires au développement de l'action des associations humanitaires dans les pays couverts par l'accord.
A ce titre, la convention consacre l'importance croissante des ONG sur la scène diplomatique. Aussi, afin de mieux mesurer la portée du présent accord, votre rapporteur évoquera la place occupée par ces nouveaux acteurs dans la vie des relations internationales avant d'analyser le nouveau dispositif instauré par l'accord.
I. LES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES, NOUVEAUX ACTEURS DE LA SCÈNE DIPLOMATIQUE
L'émergence d'acteurs privés sur la scène internationale représente un fait majeur dont la portée reste encore aujourd'hui mal appréciée. Comme souvent dans pareil cas, cette évolution s'est produite en dehors du cadre juridique traditionnel.
A. UNE CONTRIBUTION ORIGINALE DANS UN NOUVEAU CONTEXTE INTERNATIONAL
Ces nouveaux acteurs jouent un rôle croissant dans l'ordre international. Mais avant d'évoquer leur action, il convient de mieux cerner la nature de ces nouveaux venus considérés parfois avec une certaine méfiance par les acteurs habituels du jeu diplomatique.
1. La variété des associations
La multiplicité des intervenants privés dont l'action peut se déployer sur une échelle internationale apparaît comme une source de confusion. Une meilleure codification internationale aura sans doute pour premier mérite de séparer dans cette nébuleuse le bon grain de l'ivraie. Quoi de commun en effet entre une secte dont les ramifications s'étendent à de nombreux pays et une organisation non gouvernementale à vocation humanitaire ?
Même si cet exemple nous place aux extrémités opposées d'un éventail d'associations très diverses, il importe de cerner précisément les organisations privées dont l' " utilité internationale " justifie une adaptation de l'ordre juridique. La dimension transnationale ne fournit pas en effet un critère suffisamment discriminant. De nombreuses associations pourraient à ce titre prétendre à une reconnaissance internationale : les fédérations sportives comme la FIFA pour le football, le comité olympique, les associations à vocation culturelle... autant d'organismes dont les objectifs, si louables soient-ils, ne justifient cependant pas la signature d'une nouvelle convention internationale.
Sans doute faudrait-il préférer au terme d'organisation non gouvernementale, certes consacré par l'usage et le droit mais aux contours imprécis, la désignation d'"association de solidarité internationale" [1] plus rigoureuse et précise.
Même s'il apparaît malaisé de distinguer les ONG au sein du tissu associatif, l'importance de ces nouveaux acteurs du jeu international ne laisse guère de place au doute. D'après les statistiques de l'Union internationale des Associations pour l'année 1996, l'Europe compterait près de 7.400 ONG (sur un ensemble estimé à 16.000 à travers le monde). Si ces ONG se consacrent principalement à l'aide au développement et à l'assistance humanitaire, leur taille et leur rôle varient beaucoup. A titre d'exemple, seuls 10 % des ONG françaises emploient plus de 10 personnes. La France s'est singularisée par le rayonnement de ses ONG médicales -les "French doctors"- Médecins sans frontières et Médecins du monde, notamment.
2. Un rôle croissant
Le rôle de ces associations n'a cessé de croître au fil des années. Elles ne se satisfont plus du rôle d'instance consultative qui leur est reconnu par la communauté internationale, elles sont devenues les vecteurs de ce droit d'assistance humanitaire en passe désormais d'obtenir une consécration dans le droit international.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la Charte des Nations unies (art. 71) reconnaissait au Conseil économique et social la faculté de consulter "les organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa compétence". Pour la première fois, les ONG se trouvaient ainsi mentionnées dans un accord international. Nombre d'ONG utilisent ainsi les organisations internationales comme caisse de résonance pour leurs préoccupations. Ainsi, l'organisation de défense des droits de l'homme, Amnesty International, se montre très active auprès de la sous-commission des droits de l'homme de l'ONU lors de la session annuelle à Genève, mais elle intervient également auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg et de la Commission européenne à Bruxelles.
En France, la Commission Coopération développement , placée sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du secrétariat d'Etat chargé de la coopération, associe à parité les représentants des pouvoirs publics et des ONG. Ces dernières en particulier donnent leur avis sur la politique française d'aide au développement et se concertent avec les ministères concernés sur les pays ou les secteurs à privilégier.
Ces procédures de consultation ouvrent la voie à des actions de partenariat .
Les actions de partenariat peuvent reposer sur un cofinancement public ou privé, voire sur une prise en charge intégrale d'une mission confiée par le bailleur de fonds. La connaissance du terrain, la souplesse des interventions désignent en effet souvent les associations d'aide au développement comme des opérateurs efficaces pour une politique de coopération au risque, cependant, parfois, d'une dispersion excessive de l'aide au développement.
En France, le service de l'action humanitaire du ministère des affaires étrangères conduit en partenariat la moitié de ses actions avec les ONG, et leur consacre 50 millions de francs. De même, la Direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques et le secrétariat d'Etat chargé de la Coopération assurent des opérations de cofinancement avec les ONG -la première pour 11 millions de francs, le second pour 100 millions de francs.
Soucieuses avant tout des missions dont elles sont investies, ces associations sont parfois conduites à contourner l'Etat où elles opèrent et même à s'y opposer. Ainsi leur action peut revêtir une dimension politique. Le soutien apporté par les associations françaises aux moudjahidins en Afghanistan pendant l'intervention soviétique de 1979 ou la participation actuelle de plusieurs ONG aux côtés des populations civiles dans le sud du Soudan contrôlé par l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) de John Garang : autant d'actions -et les exemples pourraient être multipliés- menées en opposition avec les pouvoirs en place.
Comment est-on passé de l'ingérence humanitaire -vécue comme une situation de fait- à un droit d'assistance -revendiqué par les ONG et reconnu dans une certaine mesure dans les enceintes mêmes des Nations unies- ? Parmi les facteurs décisifs de cette évolution, il faut citer la pression des opinions publiques, sensibles au rôle utile et courageux de nombreuses ONG, et les orientations d'une diplomatie internationale désormais moins déterminée par les antagonismes idéologiques.
Ainsi, la reconnaissance progressive d'un droit "d'assistance humanitaire" constitue un acquis décisif des deux dernières décennies. Le Président François Mitterrand avait montré la direction en ouvrant la session de Paris de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe le 30 mai 1989 : "l'obligation de non ingérence s'arrête à l'endroit précis où naît le risque de non assistance". Trois résolutions adoptées dans le cadre des Nations unies ont permis de mieux fixer les contours du devoir "d'assistance humanitaire". Le 8 décembre 1988, à l'initiative de la France, sous l'impulsion du secrétariat d'Etat à l'action humanitaire, l'Assemblée générale de l'ONU adoptait une résolution intitulée "Assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d'urgence du même ordre." Ce texte, coparrainé par une trentaine de pays, reconnaissait en cas d'urgence le rôle des ONG agissant de manière impartiale et neutre et le principe de la liberté d'accès aux victimes. La diplomatie française permit l'adoption d'une seconde résolution le 14 décembre 1990 priant le Secrétaire général de poursuivre ses consultations à propos de la création de "couloirs d'urgence humanitaires". Ces prescriptions ont reçu une première application avec la résolution 688 du Conseil de sécurité adoptée pour prévenir de nouveaux massacres de Kurdes par l'armée irakienne. Le texte exige ainsi "un accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans toutes les parties de l'Irak".
Singulièrement, alors même que leur action commence à bénéficier ainsi d'une consécration dans l'ordre international, les OING ne disposent pas d'une assise juridique assurée.
B. UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE LIMITÉE AU PAYS DONT L'ONG EST ORIGINAIRE
1. Un statut fragile
Si les OING ne disposent pas d'un statut reconnu par le droit international, il convient toutefois de mentionner le cas particulier de la Croix Rouge. Certes, le Comité international de la Croix Rouge (CICR) simple association de droit privé suisse -composée exclusivement pour sa direction et ses "délégués" sur le terrain de citoyens helvétiques -ne possède pas une personnalité juridique internationale. Il bénéficie toutefois d'une véritable reconnaissance à travers les quatre conventions de Genève et les deux protocoles additionnels. Ces textes lui ont assigné le rôle de garant de l'application du droit international humanitaire tout en déterminant précisément les conditions de son intervention. Le CICR, il importe de le souligner, s'abstient de porter témoignage sur le comportement des parties en présence sur le terrain, même si ce "devoir de neutralité" connaît aujourd'hui quelques brèches et reste l'objet, en tout état de cause, d'un débat.
L'absence d'une reconnaissance de la personnalité juridique internationale s'explique, pour une bonne part, par la résistance des Etats soucieux de maintenir sous le contrôle des législations nationales les associations menant une activité internationale. Cependant, plusieurs pays ont toutefois cherché à encourager l'activité des ONG. Il convient de distinguer cependant les statuts juridiques spécifiques applicables aux ONG nationales et les règles relatives aux ONG étrangères.
Au chapitre des principes relatifs aux associations nationales, la Belgique est, parmi les pays européens, celui qui sans doute fait le mieux droit à la spécificité des ONG. D'une part, en effet, dans ce pays le ministère de la coopération peut délivrer aux associations un "agrément en qualité d'ONG" -agrément "général" complété par des agréments spécifiques- ouvrant droit à des subventions publiques.
D'autre part, une loi de 1929 prévoit d'accorder par arrêté royal le statut d'association internationale à toute association ouverte aux ressortissants belges comme aux étrangers -poursuivant un but scientifique, philosophique, religieux, artistique ou pédagogique-. Elle les exempte ainsi de l'obligation d'une présence minimale des 3/5ème d'associés de nationalité belge : la participation d'un seul ressortissant belge est considérée comme suffisante.
S'agissant des règles applicables aux ONG étrangères, trois cas principaux méritent d'être distingués.
En premier lieu, les associations étrangères peuvent relever de règles comparables à celles qui s'appliquent aux associations nationales. Ainsi en France, si une ONG souhaite développer une activité permanente sur le territoire national, elle doit créer une association ou un établissement autonome assimilé aux organismes français déclarés ou reconnus d'utilité publique. Toutefois pour les ONG qui n'accomplissent que des actes juridiques isolés sur notre territoire, la jurisprudence française applique la loi du pays où elles ont leur siège pour connaître leur statut juridique et leur capacité à recueillir une libéralité, à agir en justice ou à acquérir.
En second lieu, les ONG peuvent bénéficier dans certains pays étrangers d'une capacité limitée sans formalités particulières d'enregistrement tout en restant parfois soumises à quelques conditions : un régime fiscal différencié en Grèce, la possession d'un domicile dans le Grand-Duché pour le Luxembourg.
Enfin, dans certains pays, les ONG bénéficient d'une reconnaissance de plein droit sans aucune formalité particulière, dans la mesure où elles remplissent les conditions de légalité requises par les pays d'accueil. Ce dernier cas de figure concerne en fait tous les pays dans lesquels les associations sont dispensées d'une procédure d'enregistrement : Grande-Bretagne, Irlande, Pays-Bas, Danemark, mais aussi des pays de droit écrit comme l'Allemagne ou l'Autriche. Certains Etats cependant, à l'instar de la Slovénie et du Portugal, organisent un régime de publicité obligatoire pour informer les tiers sous la forme d'une inscription dans un registre spécial.
A l'exception de ces pays dotés d'un régime particulièrement libéral, une majorité d'Etats n'offrent pas un régime juridique favorable au développement de l'activité des OING.
2. Les handicaps pour une activité internationale
Sans doute les ONG seront-elles encore longtemps confrontées aux problèmes habituels d'une activité transfrontalière : les questions de change et de fiscalité, les coûts de transport, ou les difficultés de dédouanement du matériel ou des produits convoyés.
Cependant les obstacles de nature juridique rencontrés par les ONG dans les pays où l'Etat de droit reste fragile constituent l'une des entraves les plus fortes au développement de leur activité. Dans de nombreux Etats d'Europe centrale et orientale, les actes courants d'une ONG restent subordonnés à des conditions très restrictives : ouverture d'un bureau, recrutement de personnel, implantation régionale, etc.
La convention du Conseil de l'Europe relative à la reconnaissance de la personnalité juridique des ONG tente de réaliser un équilibre entre les prérogatives des Etats souverains et les nécessités pratiques de l'activité d'une ONG. Elle ne confère pas ainsi aux ONG une personnalité juridique internationale mais vise à favoriser la reconnaissance de ces associations par les législations nationales des Etats signataires.
II. LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE : UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE LIMITÉE MAIS NON SANS RISQUE
La convention permet aux organisations non gouvernementales de conserver leur personnalité juridique dans les différents Etats signataires de l'accord. Elle entoure cette possibilité de plusieurs garanties dont la portée n'apparaît toutefois pas suffisamment précise.
A. LE PRINCIPE DE LA RECONNAISSANCE DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE D'UNE ONG DANS LES DIFFÉRENTS ETATS SIGNATAIRES
La convention précise d'une part les conditions requises par une association pour bénéficier des avantages prévus par le texte et d'autre part les conséquences du nouveau dispositif pour la reconnaissance de la personnalité et de la capacité juridiques.
1. Les associations visées par la convention
Le bénéfice de la convention apparaît subordonné aux termes de l'article 1, à cinq conditions distinctes :
. La convention s'applique aux " associations, fondations et autres institutions " de nature privée . Ce critère pourrait se révéler hasardeux dans la pratique alors que les liens entre les ONG et les pouvoirs publics se sont intensifiés au cours des dernières années au point de confondre parfois les missions des unes et des autres.
. L'association doit être guidée par un " but non lucratif d'utilité internationale ". L'exigence d'un " but non lucratif " permet d'exclure les sociétés commerciales sans interdire cependant à une ONG de réaliser des bénéfices à la faveur d'une opération déterminée comme la location d'un immeuble ou la vente d'une publicité.
Le critère d'" utilité internationale " paraît, quant à lui, nettement plus incertain . Certes, il doit s'interpréter à la lumière du préambule : " Les organisations internationales non gouvernementales exercent une activité utile à la communauté internationale notamment dans les domaines scientifique, charitable, philanthropique, de la santé et de l'éducation et contribuent à la réalisation des buts et principes de la charte des Nations unies ". L'esprit du texte conduit à exclure de la sorte les mouvements politiques et syndicaux, même si la formulation retenue -à travers l'expression " notamment "- ne présente pas la rigueur nécessaire et reste trop extensive.
. L'ONG doit avoir été créée par " un acte relevant du droit interne ". En effet, les organisations mises en place à la suite d'un traité international disposent en principe de la reconnaissance de la personnalité juridique internationale et la présente convention n'a dès lors pas lieu de s'appliquer.
. L'ONG doit exercer une " activité effective " dans deux Etats au moins sans que l'un de ces Etats soit nécessairement membre du Conseil de l'Europe.
. L'ONG doit avoir son siège statutaire et son siège réel sur le territoire d'un Etat signataire . La double mention du siège réel et statutaire permet de tenir compte de la pratique des ONG dont le siège effectif change en fonction du lieu de résidence de leur président ou de leur secrétaire général au moment du renouvellement de ces deux mandats. En outre, la référence au siège réel garantit aux personnes conduites à signer un contrat avec l'ONG, que des biens de cette institution se trouvent sur le territoire de l'un des Etats signataires.
Il convient de souligner que la disparition de l'une de ces conditions supprime automatiquement le droit d'invoquer la convention.
2. Une personnalité et une capacité juridiques reconnues
Quand l'ensemble des conditions précédentes sont satisfaites, l'OING se voit reconnaître, dans l'ensemble des Etats signataires, la personnalité et la capacité juridiques qui lui ont été conférées dans l'Etat partie où elle a son siège (art. 2).
La preuve de l'acquisition de la personnalité apparaît peu formaliste et varie selon les procédures de constitution de l'association dans le pays dont elle est originaire. Dans les Etats où la création d'une ONG est subordonnée à un enregistrement, une publicité ou une autorisation, la production des pièces liées à ces procédures aura valeur de preuve dans le ou les pays signataires de la convention où cette ONG souhaite s'établir. Dans les pays où un simple accord entre les membres fondateurs suffit, la convention requiert une certification établie par une autorité -dont l'identité sera communiquée par chaque Etat signataire concerné, au secrétariat du Conseil de l'Europe au moment du dépôt de l'instrument de ratification.
L'accord ouvre également pour chaque partie la faculté d'organiser un système de publicité afin de dispenser l'association qui a fait une première fois la preuve de son existence juridique l'obligation de fournir de nouvelles attestations à l'occasion des actes juridiques suivants (art. 3).
B. LES INCERTITUDES LIÉES AUX GARANTIES ACCORDÉES AUX POUVOIRS PUBLICS
Soucieux de ménager les prérogatives des Etats, les négociateurs ont toutefois entouré la reconnaissance de la personnalité juridique des OING de plusieurs garanties. La rédaction du texte présente cependant des insuffisances. Dans ces conditions, la décision prise par le gouvernement français de compléter la convention par une déclaration interprétative pour apporter les précisions nécessaires s'imposait même si, à terme, la négociation d'un protocole additionnel apparaît hautement souhaitable.
1. Les garanties prévues par la convention
La convention prévoit des garanties de deux ordres . En premier lieu l'accord admet que les restrictions ou procédures prévues pour les associations nationales s'appliquent également aux ONG étrangères quand un " intérêt public essentiel " le justifie (art. 2.2).
Telle est du moins l'interprétation donnée par le rapport explicatif du Conseil de l'Europe à un article dont la rédaction apparaît pour le moins ambiguë, pour ne pas dire obscure.
Du reste, ces restrictions portent non pas sur la capacité juridique elle-même mais sur l'"exercice" des droits lié à la capacité juridique. Par exemple, certains Etats peuvent sous les conditions fixées par l'article 2.2 continuer de conditionner l'autorisation d'une ONG à l'acquisition de biens immeubles.
En second lieu, une partie peut écarter l'application de la convention pour des motifs d'ordre public . Deux types d'impératifs peuvent être invoqués :
- la sécurité nationale, la sûreté publique, la défense de l'ordre et la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale, la protection des droits et libertés d'autrui ;
- les relations avec un autre Etat ou le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Justifiées par un intérêt public essentiel ou par des motifs d'ordre public, les garanties apportées par la convention sont-elles suffisantes au regard de la nécessaire sauvegarde des prérogatives de l'Etat ? Il est permis d'en douter.
2. Les imprécisions du dispositif
La convention permettra en France aux ONG étrangères de conserver leur personnalité juridique initiale contrairement à la situation actuelle où le droit français requiert des associations qu'elles se recréent selon les procédures de droit interne.
La convention présente cependant deux difficultés principales pour notre droit.
D'une part, elle ne détermine pas de façon suffisamment précise les associations appelées à bénéficier du dispositif de la convention. Cette lacune pourrait conduire la France à reconnaître en vertu des obligations contractées dans le cadre de cet accord des organisations qui, sous couvert d'objectifs humanitaires, conduiraient des activités douteuses. Votre rapporteur songe en particulier aux sectes passées maîtres dans la dissimulation de leurs véritables mobiles sous une apparence honorable.
D'autre part, l'accord du Conseil de l'Europe pourrait avoir pour effet de dispenser les ONG concernées des obligations ou procédures requises pour les associations nationales. Ainsi l'autorisation administrative préalable simple pour toute association désireuse de recevoir une libéralité (art. 910 du code civil). Les ONG étrangères pourraient-elles se trouver ainsi, de façon paradoxale, dans une situation plus favorable que les associations constituées conformément à la législation intérieure ?
Afin de prévenir ce double risque le gouvernement français accompagnera le dépôt des instruments de ratification de la convention, si le présent projet de loi est adopté, d'une déclaration interprétative . Ce texte précisera notamment le sens donné par les autorités françaises au double critère requis par la convention pour les OING visées par la convention (le " but non lucratif d'utilité internationale ", l'exercice d'une " activité effective dans au moins deux Etats "). Il relève à cet égard deux types d'OING :
- les OING bénéficiant d'un statut consultatif auprès des institutions internationales du système des Nations unies et du Conseil de l'Europe ou d'un statut d'observateur auprès des Comités directeurs de la coopération intergouvernementale du Conseil de l'Europe ;
- les OING dont l'"utilité internationale " a été reconnue selon le droit national du pays du siège ou de l'un des Etats signataires de la convention où elles exercent une activité.
Pour les autres OING, le gouvernement français se réserve le droit d'apprécier leur caractère privé non lucratif, leur utilité internationale et leur activité effective dans deux Etats au moins.
En second lieu, le gouvernement français interprète l'article 2 de la convention " comme n'ayant aucune conséquence autre que celle relative à la reconnaissance de la personnalité juridique et de la capacité qui en découle en droit français ".
Cette rédaction a été finalement préférée à la formulation d'abord retenue suivant laquelle les lois de police, de sécurité et de procédure applicables aux associations de droit national présentaient le caractère d'" intérêt public essentiel " visé à l'article 2-2. Toutefois la modification des termes n'a en rien changé le sens et la portée des intentions du gouvernement français. Celui-ci se conforme d'ailleurs, dans son interprétation, à une tradition juridique bien établie dans notre pays.
En d'autres termes, d'après les services du ministère des Affaires étrangères, la reconnaissance d'une éventuelle capacité juridique à une organisation qui se prévaut du bénéfice de la convention préserve le pouvoir d'appréciation des pouvoirs publics. Ainsi, toute ONG désireuse de bénéficier de libéralités, d'ester en justice ou de solliciter des subventions devra s'adresser à l'autorité compétente (préfecture, tribunal ou ministère) qui approuvera notamment le caractère d'" utilité internationale " de l'organisation. Quand les ONG se verront refuser le bénéfice de la convention, elles seront également privées de la capacité juridique.
Les Etats qui ont déjà ratifié la convention ont également adopté, il faut le souligner, des interprétations restrictives de la convention. Aussi, compte tenu des imprécisions du texte, conviendrait-il d'envisager la rédaction d'un protocole additionnel appelé à compléter le dispositif actuel.
CONCLUSION
La convention du Conseil de l'Europe souffre de nombreuses imprécisions. A l'instar d'autres Etats signataires, le gouvernement français a apporté les correctifs indispensables dans sa déclaration interprétative. Même si, d'une certaine façon, le texte de l'accord laisse une large marge d'appréciation aux autorités nationales et leur permet dès lors de maintenir les contrôles nécessaires, plusieurs pays, dont la France, soutenus d'ailleurs par les instances du Conseil de l'Europe, plaident pour la négociation d'un protocole additionnel destiné à clarifier certaines des dispositions de la convention.
Malgré les réserves qu'il inspire sur le plan du droit, l'accord traduit un véritable souci d'encourager la présence des ONG dans certains pays membres du Conseil de l'Europe -l'Europe centrale et orientale, la Russie- où leur action n'a en rien perdu sa pertinence. A cet égard, la convention mérite une appréciation positive.
La France a donné naissance à quelques-unes des ONG les plus actives à travers le monde. Ainsi au prix de grands sacrifices, au péril de leur vie parfois, les " médecins français " contribuent à sauver des milliers de vies humaines. Ils font l'honneur de notre pays et doivent pouvoir bénéficier des dispositions de la présente convention. C'est dans cet esprit que votre rapporteur vous invite à adopter le présent projet de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de ses réunions du 25 juin et du 2 juillet 1997.
Le mercredi 25 juin 1997, à la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'indépendance des ONG par rapport aux autorités du pays où elles ont leur siège principal. Il s'est interrogé sur les ressources et les modalités de financement des ONG. M. Bernard Plasait a rappelé que le service de l'action humanitaire du ministère des affaires étrangères consacrait près de 50 millions de francs aux actions conduites en partenariat avec les ONG tandis que la direction des relations culturelles, scientifiques et techniques ainsi que le secrétariat d'Etat chargé de la coopération assuraient des opérations de cofinancements avec les ONG pour un montant de 11 millions de francs pour la première, et de 100 millions de francs pour le second.
M. Michel Caldaguès a exprimé ses vives préoccupations à l'égard de la convention proposée. Il s'est dit inquiet devant le risque de conférer des avantages juridiques nouveaux à des organisations dont la définition lui semblait imprécise. Il s'est demandé si la convention n'aurait pas pour effet de placer les OING étrangères dans une situation plus favorable que les associations constituées selon les procédures de droit interne. Il a enfin évoqué les prises de position politiques adoptées par certaines organisations.
Après que MM. Jean Clouet et Jacques Habert se soient à leur tour inquiétés des imprécisions relatives à la définition des OING visées par la convention et de la capacité pour la France de garder un contrôle sur les OING étrangères installées sur le territoire national, M. Bernard Plasait a rappelé les termes de la déclaration interprétative qui donnaient une définition précise des OING d'une part, et de " l'intérêt public essentiel " mentionné à l'article 2 de la convention d'autre part. Il a cité le texte de la déclaration interprétative : " Le Gouvernement français interprète l'article 2 de la convention comme n'ayant aucune conséquence autre que celle relative à la reconnaissance de la personnalité juridique et de la capacité qui en découle en droit interne français. Il considère que cet article n'emporte aucun autre effet, notamment au plan fiscal ". Le rapporteur a précisé à l'intention de M. Jacques Habert qu'une déclaration interprétative constituait une procédure classique du droit international par laquelle l'Etat partie pouvait préciser la portée qu'il attribuait à telle ou telle disposition d'un accord international.
MM. Xavier de Villepin, président, Philippe de Gaulle et Michel Caldaguès se sont interrogés sur la part qui revenait aux subventions publiques dans les ressources dont disposaient les OING et rappelé la nécessité de contrôler l'usage de ces fonds.
Après que MM. Maurice Lombard et Alain Peyrefitte eurent souhaité des éclaircissements sur les effets de la déclaration interprétative, la commission, à l'initiative de MM. Xavier de Villepin, président, et Bernard Plasait, rapporteur, a décidé de reporter sa décision sur le présent projet de loi dans l'attente de précisions complémentaires que pourrait fournir le Gouvernement sur le financement des OING et sur la portée de certaines dispositions de la convention.
La commission a, le mercredi 2 juillet 1997, procédé à la suite de l'examen du rapport de M. Bernard Plasait sur le projet de loi n° 338 (1996-1997) autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales.
M. Bernard Plasait a souhaité apporter des éclaircissements sur les quatre sujets de préoccupation qui avaient conduit la commission, lors de sa réunion du 25 juin dernier, à différer sa décision sur la convention relative à la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales.
En premier lieu, il a précisé que la convention s'appliquerait aux seules associations poursuivant "un but non lucratif d'utilité internationale" et ajouté que la déclaration interprétative apportée par le Gouvernement français fixait un verrou supplémentaire en limitant la notion d'utilité internationale à deux types d'ONG : celles bénéficiant d'un statut consultatif auprès de certaines institutions internationales et celles dont l'utilité internationale a été reconnue selon les procédures propres à leur pays d'origine. Le rapporteur a relevé que le Gouvernement français se réservait un pouvoir discrétionnaire d'appréciation pour les autres ONG.
En second lieu, M. Bernard Plasait a souligné que les ONG étrangères installées sur le sol français ne devraient pas bénéficier, en vertu de la nouvelle convention, d'une situation plus favorable que celle où se trouvaient les associations françaises. En effet, comme l'a observé le rapporteur, si l'article 2 de la convention devait permettre aux ONG de bénéficier de la reconnaissance de la personnalité et de la capacité juridique dans les Etats signataires du texte, le pays où s'installait une ONG pouvait, en vertu d'un "intérêt public essentiel", limiter les droits liés à la capacité juridique. Or, d'après les explications qui ont été fournies au rapporteur par le ministère des affaires étrangères, la France entendait de façon très large la "notion d'intérêt public essentiel" et incluait notamment dans cette formule les lois de police, de sécurité et de procédure applicables aux associations de droit français. Ainsi, selon le rapporteur, la convention aurait pour seul effet d'éviter aux ONG d'avoir à se recréer en France selon les formalités d'acquisition de la personnalité juridique mais ne les dispenserait pas, notamment au regard du droit d'ester en justice ou de la possibilité de recevoir des libéralités, des contrôles habituels exercés par les pouvoirs publics.
M. Bernard Plasait a rappelé ensuite que la déclaration interprétative, acte unilatéral par lequel un Etat précise la portée qu'il attribue à telle ou telle disposition d'un accord international, s'imposait à toutes les autorités publiques nationales et, en particulier, aux autorités judiciaires.
Le rapporteur a, enfin, observé que le financement des associations de solidarité internationales reposait principalement sur des ressources privées, la part de financement public émanant de l'Etat et des collectivités locales ne dépassant pas 10 % des ressources des ONG dont le budget global était estimé à 5 milliards de francs par an.
M. Bernard Plasait a conclu son propos en soulignant d'abord que les imprécisions de la convention laissaient une large marge d'appréciation aux gouvernements nationaux et permettaient ainsi de maintenir les contrôles nécessaires. Il a estimé, par ailleurs, que la portée de l'accord apparaissait doublement limitée : d'une part, il ne couvrait que les pays membres du Conseil de l'Europe, d'autre part, il ne visait pas la plupart des grandes associations, dont la majorité disposaient déjà d'une antenne en France. Selon le rapporteur, le principal intérêt de la convention était de favoriser l'installation des ONG françaises dans les pays d'Europe centrale et orientale où elles ne bénéficiaient pas toujours d'une reconnaissance juridique. Relevant que le choix d'approuver la ratification de la convention apparaissait avant tout politique et avait valeur d'encouragement pour le mouvement associatif français, M. Bernard Plasait a souhaité que la commission donne un avis favorable au projet de loi qui lui était soumis.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Michel Caldaguès a renouvelé les réserves très sérieuses que lui inspirait le texte proposé. Il a d'abord relevé que, si les ONG pouvaient être confrontées sur le terrain aux difficultés que représentait l'absence de cadre juridique satisfaisant dans de nombreux pays, la convention ne s'appliquait qu'aux pays du Conseil de l'Europe qui, dans l'ensemble, respectaient l'état de droit. En outre, il a estimé que si la convention avait limité le bénéfice de ses dispositions aux seules organisations humanitaires, elle ne soulèverait pas d'objection particulière -encore que, selon M. Michel Caldaguès, certaines de ces organisations se livraient à des activités politiques qui sortent de leur champ de compétences- mais le critère d'"utilité internationale" retenu par l'accord lui semblait beaucoup trop imprécis.
M. Michel Caldaguès a ensuite estimé que les clauses de sauvegarde prévues par la convention apparaissaient excessivement limitées ; il a cité à cet égard la formule restrictive mentionnée à l'article 4 de la convention : "l'application de la présente convention ne peut être écartée que lorsque l'ONG qui invoque la présente convention" poursuit un objectif contraire à l'ordre public.
Puis, M. Michel Caldaguès a estimé que les ONG étrangères se trouveraient ainsi, en fait, dans une situation plus favorable que les associations nationales dans la mesure où elles se trouveraient exemptées des procédures de déclaration requises en droit français. Il a conclu en observant que le dispositif de la convention restait imprécis et qu'il s'opposerait, pour sa part, à l'adoption de ce texte dans la mesure où il ne s'appliquait pas aux seules associations à vocation humanitaire.
M. Bernard Plasait a précisé que les clauses de sauvegarde prévues par la convention ne se réduisaient pas aux seuls motifs d'ordre public mais reposaient également sur la notion d'"intérêt public essentiel" citée à l'article 2. Il a indiqué, à l'intention de M. Philippe de Gaulle, que l'administration française, juge de "l'intérêt public essentiel", disposerait de tout son pouvoir d'appréciation pour retirer à une ONG étrangère installée en France la qualité d'organisme d"'utilité internationale" et la priver ainsi des éléments liés à sa capacité juridique.
M. Nicolas About, après avoir constaté que l'ensemble des ONG accréditées auprès du Conseil de l'Europe formaient une nébuleuse dont l'activité inspirait parfois la perplexité, a souligné que l'Assemblée du Conseil de l'Europe avait approuvé l'entrée de la Russie au sein de cette instance à la suite, notamment, de l'intervention des ONG russes soucieuses d'obtenir, par le moyen de cette adhésion, des droits qui ne leur étaient pas reconnus dans le système juridique russe. Il a estimé, à cet égard, que la présente convention pouvait favoriser la construction d'un Etat de droit à l'échelle européenne.
A l'issue de ce débat, la commission a approuvé, à la majorité, le projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales, faite à Strasbourg le 24 avril 1986 et signée par la France le 4 juillet 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi [2] .
ANNEXE I :
ETUDE D'IMPACT [3 ]Les organisations non gouvernementales à vocation internationale sont apparues sur la scène internationale à la fin du 19ème siècle. L'article 71 de la charte des Nations unies prévoyant leur consultation par le Conseil économique et social a donné une impulsion décisive au mouvement qui a connu ensuite un essor considérable à la fin des années 60. Au nombre de 213 en 1909, elles étaient 1 422 en 1960, 2 806 en 1968, 10 437 en 1981 pour atteindre en 1995 le nombre de 16 053 dont 7 401 sont situées en Europe (statistiques de l'Union des associations internationales). L'importance de leur contribution aux activités des organisations internationales et à la communauté internationale en général a été unanimement reconnue par les Etats.
Cependant leur développement ne peut se réaliser que dans un contexte démocratique et juridique favorable qui prend en compte les spécificités liées à leurs activités transnationales. En effet, les OING, qui restent des organismes nationaux, sont régies par des législations nationales très variables. En particulier, les disparités sont très marquées en ce qui concerne les formalités administratives requises pour la création d'une association et l'acquisition de la personnalité et de la capacité juridiques : certains pays conditionnent la personnalité juridique de l'association à des formalités administratives préalables, comme la France, la Belgique, la Grèce ... tandis que dans les pays nordiques et en Suisse, les associations peuvent se former et jouir de la personnalité juridique dès la manifestation de leur volonté. De même, certains pays peuvent avoir des législations discriminatoires envers les associations étrangères, tandis que d'autres vont reconnaître de plein droit toute OING étrangère selon le droit étranger qui lui est applicable. Les OING connaissent même dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe des freins à l'expansion de leurs activités, lorsqu'elles veulent par exemple, comme le prévoient leurs statuts, transférer leur siège réel dans un autre Etat à l'occasion de l'élection d'un nouveau président ou d'un changement de secrétaire général. Sans reconnaissance d'une continuité juridique de leur existence, elles devront se soumettre aux formalités administratives préalables prévues par le pays d'accueil avant de pouvoir accomplir des actes juridiques.
C'est pourquoi la convention du Conseil de l'Europe, ouverte à la signature le 24 avril 1986, entrée en vigueur le 1er janvier 1991 et s'appliquant actuellement à 7 Etats parties (Royaume-Uni, Grèce, Belgique, Suisse, Portugal, Autriche et Slovénie) a pour but d'assurer la reconnaissance de plein droit -c'est-à-dire sans modalités d'établissement particulières) dans les autres Etats contractants, de la personnalité et de la capacité juridiques qu'une OING définie par l'article 1 a obtenues dans l'Etat de son siège statutaire.
La convention s'applique aux associations, aux fondations et aux autres institutions privées (congrégations religieuses, syndicats ...) sans but lucratif et d'utilité internationale qui exercent une activité transnationale effective dans au moins deux Etats. Pour bénéficier de la convention, ces OING doivent avoir été créées selon le droit interne d'un Etat contractant et avoir leur siège statutaire sur le territoire d'une Partie et leur siège réel sur le territoire de cette Partie ou d'une autre Partie.
1. L'état du droit français et la situation de fait existants :
Depuis 1981, le droit français n'a plus de régime discriminatoire envers les associations étrangères (celles qui ont leur siège à l'étranger). Elles doivent simplement se conformer aux mêmes exigences que les associations françaises lorsqu'elles veulent développer des activités régulières en France. La capacité à recevoir des dons et legs dépend d'une reconnaissance ultérieure de leur caractère d'utilité publique ou d'un arrêté préfectoral pour les associations ayant pour objet exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale.
La personnalité des fondations dépend d'une autorisation préfectorale pouvant être tacite (fondation d'entreprise) ou d'un décret en Conseil d'Etat de reconnaissance d'utilité publique pour les fondations habilitées à recevoir des dons et legs.
En France, les associations et les fondations ayant leur siège à l'étranger sont actuellement régies :
- soit par le droit français lorsqu'elles désirent développer une activité permanente en France . En pratique, elles doivent créer une association (ou une fondation) ou un établissement autonome qui sont assimilés à des organismes français déclarés ou reconnus d'utilité publique. Certains auteurs considèrent que les établissement simplement " rattachés " à des organismes étrangers ont leur capacité doublement limitée par le droit français et la loi étrangère ;
- soit par la loi du pays où elles ont leur siège social lorsqu'elles ne font que des actes juridiques isolés sur le territoire français . Ainsi, les tribunaux français appliquent-ils la loi d'origine pour savoir si elles sont dotées de la personnalité juridique ou pour apprécier leur capacité à recueillir une libéralité, à agir en justice ou à acquérir. Ils admettent donc déjà qu'une association étrangère ait en France, en vertu de sa loi nationale, une capacité plus étendue que celle d'une association française.
Toutefois l'application de la loi étrangère connaît deux limites dans le cadre de l'exercice des droits en France :
a). une limite tendant au respect des règles de procédure. Ainsi une association étrangère ne pourra agir en justice devant une juridiction française que si ce droit lui est reconnu par sa loi nationale et s'il est conforme aux règles régissant l'organisation judiciaire française.
b). une limite tendant au respect des lois de police et de sûreté (article 3 du code civil), c'est-à-dire les lois nécessaires à la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de la France. Est qualifiée comme loi de police, l'autorisation administrative préalable que doit obtenir toute association pour recevoir une libéralité (article 910 du code civil). Cette loi de police est donc applicable aux associations étrangères si les biens donnés ou légués sont situés en France. L'acceptation des dons et legs faits à des Etats ou établissements étrangers doit être autorisée par arrêté du ministre de l'Intérieur après avis du ministre des Affaires étrangères (décret n° 94-1119 du 20/12/94).
2. Les effets de la convention sur le droit français :
- L'impact juridique de la signature et de la ratification par la France de la convention sera essentiellement de permettre aux OING concernées de garder leur personnalité juridique initiale contrairement à la situation interne actuelle qui les oblige à se recréer selon les formalités d'acquisition de la personnalité juridique et à attendre un minimum de trois ans sauf capacité financière suffisante avant d'obtenir la capacité de recevoir des libéralités ou bien d'ouvrir des établissements autonomes placés sous la loi française si elles souhaitent exercer continûment des activités en France.
Cependant le principe de reconnaissance de la personnalité et de la capacité juridiques d'une OING telles qu'elles ont été acquises dans l'Etat de son siège statutaire comporte des limites. La convention adopte un système très poussé de sauvegardes prévoyant des limitations à l'exercice des droits découlant de la capacité juridique dictées par un intérêt public essentiel (article 2, alinéa 2).
La jurisprudence antérieure relative aux OING faisant des actes isolés en France a admis que des procédures spéciales correspondant à un intérêt public essentiel pour la France puissent leur être opposées. Ainsi la déclaration interprétative précisera que l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires prévues pour l'exercice des droits découlant de la capacité juridique des OING est dicté dans un intérêt public essentiel au sein de l'article 2, paragraphe 2, de la convention.
Par ailleurs, la convention a contrebalancé les effets de la reconnaissance automatique de la personnalité en prévoyant d'écarter la reconnaissance (article 4) pour des motifs précis tenant à l'ordre public interne (sécurité nationale, sûreté publique, défense de l'ordre et prévention du crime, protection de la santé ou de la morale, protection des droits et libertés d'autrui) et internationa l (si par son but ou par son activité, l'OING compromet les relations avec un autre Etat ou le maintien de la paix et de la sécurité internationales) même si l'OING entre dans le champ de la convention. L'OING doit s'y conformer durant toute la durée de ses activités sur le territoire français.
De plus, la convention a une portée restreinte : elle ne modifie pas le statut fiscal des OING et les règles applicables en droit interne leur sont opposables. Le principe de territorialité du droit fiscal a notamment pour conséquence, d'une part, que seuls les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier de la déductibilité des dons et, d'autre part, que les dons à des oeuvres ou organismes étrangers n'exerçant aucune activité éligible en France n'ouvrent pas droit au bénéfice de cette mesure. Pour plus de clarté, la déclaration interprétative le précisera.
Quant aux formalités administratives et à l'impact sur la complexité de l'ordonnancement juridique , aucune procédure déclarative n'est à envisager puisque les Etats s'engagent à reconnaître automatiquement la personnalité et la capacité juridiques existantes de l'organisation qui en fera la demande.
Selon l'article 3 de la convention, la preuve de la personnalité juridique est apportée par l'OING. Dans les Etats où un simple accord de volonté entre les fondateurs suffit, cet accord doit être complété par un acte additionnel prouvant que l'accord a effectivement été conclu à une date donnée. Quant aux critères que les OING doivent remplir pour bénéficier de la convention, le préambule et le rapport explicatif serviront de base d'interprétation commune. Seront présumées remplir les critères relatifs au caractère privé à but non lucratif d'utilité internationale et à l'activité effective dans au moins deux Etats, d'une part les OING bénéficiant d'un statut consultatif auprès des institutions internationales du système des Nations unies, ou d'un statut d'observateur auprès des Comités directeurs de la Coopération intergouvernementale du Conseil de l'Europe et d'autre part les OING ayant bénéficié d'une procédure de reconnaissance de leur utilité internationale, selon le droit national du pays du siège ou de l'un des pays où elles exercent une activité.
Aucune incidence budgétaire ne devrait résulter de ce texte.
L'impact sur l'emploi ne pourra qu'être positif puisque la ratification de la convention facilitera l'installation sur le territoire national des OING sans toutefois modifier la législation concernant l'entrée, le séjour et l'emploi des étrangers. Leur développement futur en raison de l'importance qu'elles ont acquise depuis les deux dernières décennies ne fait aucun doute. Si aucune étude n'a été menée sur les seules OING, l'impact économique du secteur de l'économie sociale est bien établi. Parmi les autres effets positifs attendus de la signature de la convention peuvent être mentionnées les facilités plus grandes des OING françaises à oeuvrer à l'étranger où la législation peut être discriminatoire envers les étrangers, leur action favorisant ainsi l'utilisation de la langue française.
L'impact psychologique n'est pas non plus à négliger sur le monde associatif, la France se trouvant être le dernier Etat possédant un grand nombre de sièges d'OING à n'avoir pas encore signé la convention. En effet la France avec 1 057 sièges, est au deuxième rang des pays européens abritant les sièges d'OING après la Belgique (1 376) et devant le Royaume-Uni (1 057) et la Suisse (499).
ANNEXE II :
DÉCLARATION INTERPRÉTATIVEDÉCLARATION QUI ACCOMPAGNERA LE DÉPÔT DES INSTRUMENTS DE RATIFICATION PAR LA FRANCE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA RECONNAISSANCE DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DES OING
Le gouvernement français constate, après enquête, que la Convention du Conseil de l'Europe du 24 avril 1986 sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales fait l'objet de modalités d'application différentes sur plusieurs points de la part des sept premiers pays qui ont procédé à sa ratification.
Il préconise la négociation d'un avenant à cette convention qui préciserait la marge d'interprétation concédée aux Etats parties sur ces différents points, le risque existant, à défaut, que des recours juridictionnels ne viennent remettre en cause les pratiques mises en oeuvre par chaque Etat.
Compte tenu de sa propre tradition juridique qui reconnaît déjà aux personnes morales de droit privé étranger à but non lucratif la possibilité d'exercer certains actes sur son territoire, le gouvernement français tient, dans l'immédiat, et dans l'attente des harmonisations qu'il préconise, à expliciter trois points :
1. Le gouvernement français considère que seront présumées remplir les conditions donnant accès au bénéfice de la convention, c`est-à-dire la poursuite d'un " but non lucratif d'utilité internationale " et l'exercice d'une " activité effective dans au moins deux Etats " (article 1-a) :
- les OING bénéficiant d'un statut consultatif auprès des institutions internationales du système des Nations unies et du Conseil de l'Europe ou d'un statut d'observateur auprès des Comités directeurs de la Coopération intergouvernementale du Conseil de l'Europe dans la mesure où les autorités compétentes seront à même de produire au gouvernement français des listes régulièrement mises à jour des OING qu'elles agréent ainsi,
- les OING ayant bénéficié d'une procédure de reconnaissance de leur utilité internationale selon le droit national du pays du siège ou de l'un des pays adhérant à l'accord où elles exercent une activité.
Pour les OING ne pouvant se prévaloir de ces reconnaissances antérieures, le gouvernement français appréciera leur caractère privé non lucratif, leur utilité internationale et leur activité effective dans au moins deux Etats.
2. Le gouvernement français interprète l'article 2 de la convention comme n'ayant aucune conséquence autre que celle relative à la reconnaissance de la personnalité juridique et de la capacité qui en découle en droit interne français. Il considère que cet article n'emporte aucun autre effet, notamment au plan fiscal.
3. Le gouvernement français déclare que la convention s'applique à l'ensemble du territoire de la République française.
1 P. Ryfman, l'Action internationale des associations de solidarité et les Etats in Relations internationales et Stratégiques, décembre 1991.
2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 338 (1996-1997)
3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.