III. LA DIRECTIVE ET SA TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE
1. La genèse de la directive
Les associations de consommateurs ont saisi, dès 1990, le Parlement européen et le Conseil d'un certain nombre de plaintes relatives à des acquisitions d'immeubles à temps partiel effectuées, pour la plupart, en Espagne, pays dépourvu de législation protectrice du consommateur.
En septembre 1991, un symposium a réuni consommateurs et professionnels. Il fut suivi d'une conférence d'experts puis, le 19 avril 1993, d'un avis du Comité économique et social.
Le 5 novembre 1993, le Journal Officiel des Communautés européennes (JOCE) publiait le texte proposé par la Commission et le 25 octobre 1994, le conseil des ministres, après un débat d'une durée de quatre heures, adoptait à la majorité qualifiée le texte définitif de la directive [11] .
2. Le contenu de la directive
La directive 94/47 CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers a vocation à constituer un " socle commun " pour aménager une meilleure protection du consommateur, en amont et lors de la conclusion du contrat, dans les différents Etats membres de la Communauté européenne.
Cette directive relève donc du droit de la consommation et tend à réagir contre les pratiques douteuses constatées ainsi que les pratiques dilatoires, tout en réduisant la disparité des législations nationales et par là-même les risques de distorsions de concurrence. Cette dernière préoccupation tend à remédier aux déséquilibres constatés : ainsi l'étude comparative des situations française et espagnole révèle-t-elle qu'entre 1992 et 1994, l'Espagne, qui ne dispose d'aucune réglementation régissant les transactions ou la protection du consommateur et n'a reçu pendant cette période que 45 millions de touristes, a réalisé un chiffre d'affaires lié à des ventes de semaines vingt fois supérieur à celui enregistré par la France qui dans le même temps a reçu plus de 60 millions de touristes. [12]
La directive fixe un cadre contractuel, le contrat d'acquisition de droits d'utilisation de biens immobiliers à temps partagé, passé entre un professionnel (vendeur agissant dans le cadre de son activité professionnelle) et un consommateur, étant défini de façon suffisamment large pour englober toutes les formes juridiques utilisées. L'objectif est de protéger le consommateur en lui assurant en amont, au moment de l'offre, une information détaillée et un délai de réflexion nécessaires à l'expression d'un consentement éclairé [13] .
Est ainsi créé un " document complémentaire " qui doit être mis à la disposition de toute personne qui le demande, contenant des renseignements devant être intégrés au contrat en cas d'acceptation de l'offre.
Toute publicité doit en outre indiquer la possibilité d'obtenir ce document et l'endroit où se le procurer.
Le contrat doit contenir encore d'autres informations que celles portées dans le document précité.
Le droit à l'information est sanctionné par un droit de résiliation dans un délai de trois mois.
Si les informations légales font défaut dans le contrat :
- soit le vendeur transmet les informations manquantes et, dès lors, le consommateur bénéficie d'un délai de rétractation de dix jours ;
- soit, les informations manquantes ne sont pas transmises et le délai de rétractation court à compter de l'expiration du délai de trois mois pendant lequel est ouvert au consommateur le droit de résilier.
La directive instaure donc une faculté de rétractation, sans motif. L'exigence d'avances de paiement avant l'expiration de ce délai est interdite.
En cas de résiliation ou de rétractation, pour tout contrat dont le prix est entièrement ou partiellement couvert par un crédit accordé par le vendeur ou par un tiers sur la base d'un accord conclu entre ce tiers et le vendeur, la résiliation du crédit est automatique et aucune pénalité n'est applicable.
En outre, la directive régit la langue du contrat et contient une disposition de droit international privé afin d'assurer son application, quelle que soit la loi régissant le contrat, dès lors que le bien concerné est situé sur le territoire d'un État membre.
Elle renvoie aux États le soin de définir les sanctions applicables en cas de non respect des règles impératives qu'ils édicteront pour sa transposition et leur laisse la possibilité de prévoir des règles de protection de l'acquéreur plus contraignantes.
Conformément au principe de subsidiarité, la directive rappelle la compétence des États pour réglementer les autres aspects du contrat, en particulier la nature juridique du droit donnant vocation à la jouissance du bien.
In fine, elle accorde aux Etats-membres un délai de trente mois à compter de sa publication au JOCE pour adopter les dispositions législatives et réglementaires nécessaires à sa transposition. Il apparaît d'ores et déjà que la France ne sera pas en mesure de respecter ce délai.
Selon les informations communiquées à votre rapporteur, quatre Etats ont à ce jour procédé à la transposition : l'Allemagne (loi du 20 décembre 1996), les Pays-Bas (loi du 26 mars 1997), le Danemark (loi du 15 avril 1997) et la Grande-Bretagne. Dans la plupart des autres Etats membres, l'examen par le Parlement est en cours pour une entrée en vigueur des nouvelles dispositions pendant l'été ou à l'automne : il s'agit de l'Autriche, de la Belgique, de l'Espagne, de la Finlande, de la Grèce et de la Suède. La législation en vigueur au Portugal depuis 1993 répondant aux principales exigences définies par la directive, les pouvoirs publics envisagent un projet de loi pour procéder à quelques adaptations. Deux Etats membres enregistrent un retard plus important : l'Italie et le Luxembourg n'ont en effet pas encore adopté de projet de loi pour assurer la transposition de la directive.