C. LES MODIFICATIONS RELATIVES AUX JURÉS
1. Les modifications concernant les conditions d'aptitude aux fonctions de juré
Le projet de loi prévoit plusieurs aménagements concernant le recrutement des jurés. Certains, relatifs au mode de recrutement, constituent de simples mises à jour et seront donc présentés dans le cadre de l'examen des articles. D'autres apportent en revanche d'importantes modifications de fond : il s'agit des dispositions touchant aux conditions d'aptitude. D'un côté, le projet de loi procède à un élargissement des personnes pouvant exercer les fonction de juré en ramenant de vingt-trois à dix-huit ans l'âge minimal requis ; d'un autre côté, il étend quelque peu la liste des incapacités et des incompatibilités.
a) L'abaissement à dix-huit ans de l'âge minimum des jurés
Le projet de loi ramène de vingt-trois à dix-huit ans l'âge minimum requis pour exercer les fonctions de jurés.
Cette modification fut, avec la motivation et l'entrée en vigueur de la loi, l'une des dispositions les plus débattues à l'Assemblée nationale.
Le garde des Sceaux a justifié cette modification par le souci d'associer la jeunesse à une justice qu'elle ne comprend pas toujours et dont elle se sent parfois ignorée.
Il a par ailleurs considéré qu'il n'y avait aucune raison de conserver des âges différents pour la majorité civique ou civile et pour la participation à un jury criminel.
La commission des Lois de l'Assemblée nationale n'avait pas été convaincue par cette argumentation et avait adopté un amendement tendant au maintien du droit actuel. Selon son rapporteur, M. Pascal Clément, il peut " paraître paradoxal, à un moment où une majorité se dessine en faveur d'une expérience minimum préalable à l'exercice des fonctions de juge d'instruction, d'abaisser ainsi l'âge des jurés : ceux-ci remplissent des fonctions juridictionnelles qui exigent une certaine maturité que n'ont pas forcément tous les citoyens de dix-huit ans. En outre, comme l'ont souligné différentes personnes auditionnées par la Commission, cette diminution de l'âge minimum requis rompt le parallélisme établi avec les magistrats qui, en raison des diplômes exigés et de la durée de la scolarité à l'Ecole nationale de la magistrature, auront, eux, largement plus de dix-huit ans (...). Les fonctions de juré demandent en outre une maturité que n'ont pas forcément des jeunes gens entre dix-huit et vingt-trois ans qui, souvent, ne sont pas encore entrés dans la vie professionnelle ; le maintien de l'âge minimum actuel protège les jeunes adultes de la réalité souvent sordide évoquée au cours des débats des cours d'assises . "
Cette position fut notamment partagée par MM. Raoul Béteille et Daniel Picotin.
En revanche, Mme Frédérique Bredin et MM. Jean-Pierre Philibert, Jacques Brunhes, Patrick Devedjian et Dominique Bussereau ont considéré que la citoyenneté ne pouvait se diviser et que des personnes disposant du droit de vote devaient, quel que soit leur âge, pouvoir exercer les fonctions de juré.
C'est cette position qui a été retenue par la majorité de nos collègues députés qui, rejetant l'amendement de leur commission des Lois, ont décider d'abaisser à dix-huit ans l'âge minimal requis pour ces fonctions.