Article
89
Ordonnance de mise en accusation
Cet article a pour objet de réécrire l'article 181 du code de procédure pénale, relatif à la procédure à suivre par le juge d'instruction lorsqu'il est estime que les faits dont il a été saisi constituent un crime.
En l'état actuel du droit, ce magistrat doit alors rendre une ordonnance de transmission de pièces afin que le procureur de la République adresse le dossier au procureur général pour saisine de la chambre d'accusation. Ainsi qu'il a été rappelé dans l'exposé général du présent rapport, l'intervention de cette juridiction est en effet obligatoire en matière criminelle : la saisine de la cour d'assises est effectuée par un arrêt de mise en accusation.
L'article 89 du projet de loi modifie substantiellement cette procédure.
Le texte proposé pour le nouvel article 181 du code de procédure pénale dispose en effet que si le juge d'instruction estime que les faits retenus à la charge des personnes mises en examen constituent un crime, il ordonne leur mise en accusation devant le tribunal d'assises.
L'ordonnance de mise en accusation se substitue donc à l'ordonnance de transmission de pièces.
Le projet de loi définit le contenu et les effets de l'ordonnance de mise en accusation sur le modèle du dispositif prévu aujourd'hui à propos de l'arrêt de mise en accusation :
- comme le prévoit l'article 215 à propos de celui-ci, le nouvel article 181 du code de procédure pénale énonce que l'ordonnance de mise en accusation ordonne la prise de corps contre les personnes renvoyées devant le tribunal d'assises.
On observera toutefois que cette prise de corps concerne non plus seulement les personnes renvoyées pour crime mais également celles renvoyées pour délit. Cette innovation a pour objectif de remédier à une difficulté pratique tenant à l'impossibilité de contraindre des personnes renvoyées pour délit connexe à se présenter devant la cour d'assises (sauf à décerner à leur encontre mandat de dépôt, ce qui, dans certaines hypothèses, comme en cas de renvoi pour non assistance à personne en danger, est une mesure manifestement disproportionnée). Dans ces conditions, il est fréquent que ces personnes ne soient pas jugées. L'ordonnance de prise de corps permettrait de s'assurer de leur présence sans avoir à les incarcérer. En effet, à la différence du mandat de dépôt, cette ordonnance n'entraîne pas l'incarcération de la personne concernée : elle permet seulement la contrainte (et notamment l'incarcération) à l'égard de celle qui, demeurée libre, ne respecte pas ses obligations et en particulier ne se présente pas la veille de l'audience du tribunal d'assises (ce qu'exige le futur article 231-37 étant précisé que le futur article 231-51 permet au président de dispenser de cette obligation la personne renvoyée pour délit connexe).
On rappellera que, selon la chambre criminelle, l'ordonnance de prise de corps demeure valable jusqu'au jugement définitif des faits, sans qu'il soit besoin d'en maintenir les effets en cas de disjonction de la cause de l'accusé et de son renvoi à une session ultérieure. Dans le même esprit, le projet de loi précise -futur article 231-139 du code de procédure pénale- que, en cas de condamnation, et tant que le jugement n'est pas définitif, l'ordonnance de prise de corps continue de produire ses effets jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée ;
- comme le fait l'article 215 du code de procédure pénale à propos de l'arrêt de renvoi, le texte proposé pour l'article 181 dispose que l'ordonnance de mise en accusation définitive couvre, s'il en existe, les vices de la procédure. Le même effet est d'ailleurs déjà conféré à l'ordonnance de règlement du juge d'instruction en matière contraventionnelle -article 178 du code de procédure pénale- et délictuelle -article 179-.
Certaines personnes entendues par votre rapporteur ont contesté cette " purge " de la procédure par l'ordonnance de mise en accusation dans la mesure où celle-ci ne peut faire l'objet d'un appel à l'initiative de l'accusé. Mais les dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale, imposant au juge d'instruction d'informer les parties et leurs avocats avant de rendre son ordonnance de règlement, seront applicables. Il s'agit d'un dispositif bien plus favorable pour les intéressés que la seule faculté de faire appel de l'ordonnance de mise en accusation puisqu'ils peuvent non seulement demander l'annulation des procédures irrégulières mais aussi formuler des requêtes auprès de la chambre d'accusation pour des actes (expertise, audition, confrontation, transport sur les lieux...) que le juge d'instruction aurait refusé d'effectuer.
On observera que, à la différence de l'actuel article 594, le texte proposé pour l'article 181 ne précise pas que l'ordonnance de mise en accusation fixe la compétence de la juridiction de jugement ; tel devrait être le cas, en vertu de la plénitude de juridiction du tribunal d'assises pour juger les personnes renvoyées devant lui et de l'impossibilité de connaître d'autre accusation-futur article 231 du code de procédure pénale tel qu'il résulterait de l'article 2 du projet de loi-. Votre commission vous propose néanmoins, pour éviter toute ambiguïté, un amendement reprenant expressément le principe de l'effet attributif de la décision de mise en accusation.
- le présent article 89 permet également au juge d'instruction de saisir le tribunal d'assises d'infractions connexes, de la même manière que le code de procédure pénale le permet aujourd'hui à la chambre d'accusation -article 214-.
Comme l'actuelle ordonnance de transmission de pièces, l'ordonnance de mise en accusation sera sans conséquence sur le contrôle judiciaire d'une personne renvoyée pour crime, qui continuera à produire ses effets. En revanche, le contrôle judiciaire ou la détention provisoire d'une personne renvoyée pour délit connexe prendra fin, sauf si le juge d'instruction en décide autrement par une ordonnance spécialement motivée.
Enfin, une fois rendue l'ordonnance de mise en accusation, le juge d'instruction transmet immédiatement le dossier avec l'ordonnance de mise en accusation au procureur de la République, lequel est tenu de l'envoyer sans retard au greffe du tribunal d'assises ; les pièces à conviction dont il est dressé état sont transmises au greffe du tribunal d'assises si celui-ci siège dans un autre tribunal que le juge d'instruction.
Votre commission vous propose d'adopter cet article modifié par l' amendement présenté ci-dessus ainsi que par un amendement purement rédactionnel.