VII.
ARTICLE 6 -
ENDETTEMENT DE R.F.N. VIS-À-VIS DE LA SNCF
L'article 6 du projet qui nous est soumis constitue, avec l'article 4 relatif au sort des biens, l'une des dispositions clés du projet de loi qui nous est soumis.
L'article 6 prévoit, en effet, que dès sa création, R.F.N. verra inscrit au passif de son bilan une dette d'un montant de 125 milliards de francs vis-à-vis de la SNCF à compter du 1er janvier 1997.
Telle est la solution retenue pour alléger le poids de la dette accumulée par la SNCF.
Tentons de mesurer le problème. L'endettement global de la SNCF, à la fin de 1995, atteignait quelque 208,5 milliards de francs, si l'on y incluait le service annexe de la dette constitué depuis 1991, soit un montant de 30,7 milliards de francs. Rapporté au chiffre d'affaires de la SNCF, qui a atteint quelque 51,9 milliards de francs en 1995, le ratio d'endettement est considérable. Rapporté à l'excédent brut d'exploitation qui n'a représenté que 5,4 milliards de francs, le ratio d'endettement est encore plus défavorable (38,6 %).
Pour donner une image réelle des engagements de la SNCF, l'ensemble des tableaux qui suivent intègrent l'effet des opérations d'échange de devises et de taux d'intérêt.
Le tableau ci-après donne le montant et la structure de l'endettement à long terme à fin 1995.
Au 31 décembre 1995 |
Entreprise + Service annexe
en MF en % |
dont entreprise
en MF |
||
Emprunts en France | 116.690 | 56,3 | 94.430 | |
Emprunts à l'étranger (y compris eurofrancs) | 69.790 | 33,6 | 61.300 | |
Opérations Eurofima | 20.960 | 10,1 | 20.960 | |
Total de l'endettement | 207.440 | 100,0 | 176.690 | |
Endettement après prise en compte des contrats d'échange | 208.490 | 100,0 | 177.580 |
La contre-valeur des engagements en devises a été calculée sur la base des cours de change du dernier jour ouvrable de l'année considérée.
Le tableau ci-dessous indique la répartition de la dette par devises à fin 1995.
Endettement au 31 décembre 1995 |
Entreprise + Service annexe
en G.F. en % |
||
Franc français
Ecu Franc suisse Deutschemark Franc belge/lux Autres |
179,43
9,59 17,72 1,46 0,21 0,08 |
86,1
4,6 8,5 0,7 0,1 n.s. |
|
TOTAL | 208,49 | 100,0 |
La poursuite de la politique de réduction du risque devises a entraîné, comme pour les exercices précédents, un accroissement de la part du franc français dans l'endettement total. Ainsi, avec plus de 86 %, la part de la dette libellée en franc français a enregistré une augmentation en volume de 12,2 % par rapport à la fin de l'année 1994.
S'agissant des autres devises, on observe une diminution sensible de la part de l'écu due à la fois, et comme lors des années précédentes depuis 1992, à l'absence de nouvelles émissions libellées en cette devise, mais aussi aux contrats d'échange d'écu contre franc français réalisés en 1995.
Enfin on note également, que la part de la dette libellée en franc suisse est en hausse sensible, passant de 6,7 % à 8,5 %, reflétant le volume important d'émissions réalisées par la SNCF en 1995 dans cette monnaie, ce qui lui a permis de bénéficier à la fois d'un différentiel de taux d'intérêt très favorable par rapport au franc français, et de la forte appréciation du cours de change de la devise suisse intervenue en 1995.
La répartition par taux de la dette de la SNCF est la suivante :
Au 31 décembre 1995 |
Entreprise + Service annexe
dette totale dette en FRF |
||
Endettement à :
- Taux fixe - Taux variable |
77,6 % 22,4 % |
74,8 % 25,2 % |
|
Total en % | 100,0 % | 100,0 % | |
Total en GF | 208,5 | 182,4 |
La SNCF a poursuivi sa politique de gestion basée sur une adaptation permanente de la répartition taux fixe/taux variable en fonction du niveau du marché. Appliquée principalement à la partie de sa dette libellée en francs français, cette gestion a été très active en 1995. Elle s'est notamment traduite par l'annulation ou l'assignation de contrats d'échange de taux noués en 1994 et au début de 1995, et portant sur une assiette totale de 11,2 GF. Ces opérations ont permis à la SNCF de recevoir 948 millions de francs de soultes.
Cette même politique d'adaptation a par ailleurs été suivie pour toutes les émissions, tant directes qu'indirectes, réalisées en 1995 en franc français.
Le tableau ci-après donne le montant et la structure de l'endettement à long terme projetés à fin 1996.
Au 31 décembre 1996 |
Entreprise + Service annexe
en MF en % |
dont entreprise
en MF |
||
Emprunts en France | 128.870 | 56,3 | 107.670 | |
Emprunts à l'étranger
(y compris eurofrancs) |
77.490 | 33,9 | 69.590 | |
Opérations Eurofima | 22.470 | 9,8 | 22.470 | |
Total de l'endettement | 228.830 | 100,0 | 199.730 | |
Endettement après prise en compte des contrats d'échange | 228.090 | 100,0 | 199.370 |
NB : La contre-valeur des engagements en devises a été calculée sur la base des cours de change budgétaires pour l'année 1996.
Tout a été dit sur les causes de l'endettement inexorable de la SNCF. L'endettement accumulé résulte de la conjonction de plusieurs facteurs défavorables :
- un programme d'investissement au cours de la période du contrat de plan 1989-1994 de l'ordre de 100 milliards de francs, dont 40 % pour le programme TGV comprenant notamment la construction des lignes nouvelles Paris-Lille-Tunnel, la jonction des lignes nouvelles en Ile-de-France et le prolongement de la ligne à grande vitesse Sud-Est jusqu'à Valence ;
- des déficits croissants depuis 1991, dernière année en équilibre en dépit de cessions d'actifs importantes : 3 milliards de francs en 1992, 7,7 milliards de francs en 1993, 8,2 milliards de francs en 1994, 16,6 milliards de francs en 1995, entraînant des marges brutes d'autofinancement négatives ;
La séparation des comptes du transporteur et du Gérant de l'infrastructure a conduit pour ce dernier à des résultats négatifs de - 11,9 et - 8,6 milliards de francs en 1995 et 1994, alors que le transporteur n'était en déficit qu'en 1995 (- 4,7 milliards de francs contre + 0,4 en 1994).
Il faut toutefois rappeler l'excellente notation (AAA) dont bénéficie paradoxalement la SNCF sur les marchés financiers, ce qui lui permet de continuer à emprunter malgré ses résultats.
L'heure n'est plus au diagnostic : elle est au remède.
• Dans sa sobriété, qui confine au laconisme, l'article 6 laisse, en apparence, de côté la solution de quelques difficultés.
La première de ces difficultés tient à l'absence de toute précision concernant les termes de paiement de la dette ainsi mise au passif de RFN. Dans quel délai cette dette est-elle supposée remboursable ? A quelles échéances le capital doit-il être remboursé ? A quelles échéances des intérêts doivent-ils être acquittés ? Quelles peuvent être les modalités de calcul de ces intérêts ? Autant de questions auxquelles il n'est pas apporté de réponse claire et qui sont renvoyées au pouvoir réglementaire.
Le flou est tel que certains commentateurs n'hésitaient pas à avancer que la définition de ces conditions pourrait être un moyen discret pour la SNCF de s'assurer un remboursement de la dette qui, quoiqu'il arrive grève ses comptes.
Dans le cadre de la convention conclue entre SNCF et RFN qui comportera un volet consacré à ce sujet, votre commission suggère de prendre en compte les conditions moyennes d'endettement de la SNCF comme référence.
• L'autre question posée par l'article 6 tient au montant de dette fixé : 125 milliards de francs . On observera que ce montant -dont les experts ne cachent pas le caractère désormais arbitraire- a été une des données connues le plus tôt au cours du débat national auquel a donné lieu l'élaboration du projet de loi. Dès le mois de juin, les deux assemblées composant le Parlement en avaient été informées.
Certains ont fait le reproche au Gouvernement de ne pas permettre une reprise intégrale de la dette de la SNCF. Trois points méritent d'être clarifiés à cet égard.
Le premier tient aux 30,7 milliards de francs déjà inscrits au service annexe de la dette qui ne causent aucune charge de remboursement à la SNCF et sont à la charge de l'État, encore qu'ils soient comptabilisés dans la dette de la SNCF. Pour être parfaitement équitable, il aurait mieux valu parler d'une dette de 177,8 milliards de francs en 1995. C'est ce dernier chiffre qui doit être rapproché des 125 milliards de francs inscrits au passif de RFN. Il faut souligner que, compte tenu de l'existence du service annexe, c'est en effet une somme de 177,8 - 125 = 52,8 milliards de francs qui, par référence à l'exercice 1995, reste donc en endettement non pris en charge dans les comptes de la SNCF.
En revanche, les analystes les plus attentifs n'auront pas manqué de remarquer que l'on n'a pas fait le choix d'imputer à RFN la dette qui subsiste actuellement au service annexe. Une telle imputation aurait, selon eux par le jeu savant des " reports à nouveau négatifs " permis de faire venir 2,4 milliards de francs en remboursement du capital alors que, facialement, pour les créanciers rien n'était changé.
Enfin, d'autres commentateurs n'ont pas manqué de relever que l'endettement supplémentaire intervenu en 1996 ne faisait l'objet d'aucune compensation. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, la dette de la SNCF se situerait, fin 1996, à quelque 198,5 milliards de francs dont 145 milliards de francs au titre des infrastructures.
Pouvait-on faire mieux ? Pourquoi n'a-t-on pas fait mieux ?
C'est à ce stade de la réflexion qu'il convient d'évoquer les connexions éventuelles du problème précis de reprise de dette qui nous est soumis avec un problème beaucoup plus général qui est celui des critères de convergence pour l'accès à la monnaie unique .
Une reprise intégrale et directe à la charge de l'Etat comportait le risque de lui faire franchir le seuil maximal des 60 % du produit intérieur brut toléré pour l'endettement public. La solution de l'institution d'un établissement public industriel et commercial, qui a pour effet de mettre les 125 milliards hors du périmètre de prise en compte de l'endettement au regard des critères de convergence, apparaît donc comme bienvenue.
Au terme d'un échange de vues approfondi, votre rapporteur a obtenu de M. le Ministre de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme, l'engagement que le Gouvernement déposerait, au cours de la discussion du projet de loi au Sénat, un amendement portant de 125 à 134,5 milliards de francs le montant de dette inscrit au bilan de R.F.N.
Cet engagement constitue une avancée considérable et significative. A l'initiative de M. Philippe François, votre commission a souhaité la consacrer par voie d'amendement.
Elle vous propose d'adopter l'article 6 sous réserve d'un amendement portant à 134,2 milliards de francs le montant repris de la dette.