II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mardi 19 novembre 1996 sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Jean Chérioux sur le projet de loi de finances pour 1997 (affaires sociales).
Evoquant tout d'abord les crédits relatifs à la lutte contre l'exclusion, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a constaté que le ralentissement observé de l'augmentation des effectifs en 1995 avait permis de fixer la dotation du revenu minimum d'insertion à 24,2 milliards de francs pour 1997, en hausse de 5,65 %.
Il a indiqué ensuite que la dotation relative aux centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) faisait l'objet d'une mesure nouvelle de 84 millions de francs, destinée à assurer la transformation de 1.000 places d'asile de nuit en places de CHRS.
Puis, il a évoqué l'augmentation des crédits des programmes d'action sociale de l'État destinée à améliorer les structures d'accueil de jour pour les sans domicile fixe.
Concernant la formation des travailleurs sociaux, il a souligné que la mesure nouvelle de 34 millions de francs permettrait d'augmenter la capacité d'accueil dans les établissements de formation dès la rentrée de 1997, tout en s'interrogeant sur les conséquences de la baisse pour les collectivités territoriales des crédits de formation dans le secteur de l'aide à domicile.
Abordant ensuite l'effort budgétaire en faveur des personnes handicapées, il a évoqué la création de 2.000 places nouvelles en centres d'aide par le travail (CAT) destinées à résorber les effets de l'amendement Creton, la forte revalorisation, d'un montant de 2 milliards de francs, des crédits finançant l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et le financement par le budget du travail de 500 places nouvelles en ateliers protégés.
Concernant l'article 97 du projet de loi de finances, il a souligné que le transfert à l'association de gestion du fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) de la charge du complément de rémunération versé au titre de la garantie de ressources des handicapés travaillant en milieu ordinaire, soulevait à terme la question du maintien du statut d'association à l'AGEFIPH.
Puis, il a évoqué l'évolution des effectifs et des moyens de fonctionnement du ministère en soulignant que celui-ci participait à l'effort de maîtrise de la dépense publique.
Il s'est interrogé, en particulier, sur l'opportunité de la revalorisation des moyens de fonctionnement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) décidée dans le projet de budget.
Evoquant ensuite l'évolution des dépenses d'aide sociale des collectivités locales, il a présenté les résultats des travaux de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) sur le montant de la dépense nette d'aide sociale en 1995 et la répartition de ces dépenses en fonction des différents secteurs d'intervention de l'action sociale.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a souligné qu'au sein de la progression générale des dépenses d'aide sociale décentralisée l'effet dû à l'augmentation du coût des prestations expliquait à lui seul les deux tiers de l'accroissement constaté des dépenses.
Il a abordé enfin les facteurs spontanés de la hausse des coûts de l'action sociale au cours de ces dernières années.
Il a évoqué en premier lieu la hausse des rémunérations du personnel du secteur des institutions sociales et médico-sociales résultant notamment de l'extension du protocole « Durafour » à ces personnels.
Il a souligné par ailleurs l'incidence du glissement vieillesse technicité (GVT) et les contraintes qui en résultaient pour les budgets des établissements.
Il a évoqué ensuite la question des modalités de financement et de tarification des établissements sociaux et médico-sociaux.
A cet égard, il a proposé de rétablir l'article 98 du projet de loi de finances pour 1997, supprimé par l'Assemblée nationale en première lecture, en prévoyant toutefois de reporter sa date d'application au 1er janvier 1998 au lieu du 1er janvier 1997.
Il a souligné qu'il était important d'inciter les gestionnaires d'institutions sociales et médico-sociales à se doter le plus rapidement possible d'instruments d'évaluation quantitative et qualitative de leur action.
Il a abordé enfin les contrôles qui pourraient utilement être effectués sur les ressources et les droits des bénéficiaires de l'aide sociale ou de leur famille.
Il a souhaité, en particulier, le respect des règles actuellement applicables en matière d'obligation alimentaire pour les titulaires du RMI et l'examen approfondi des droits à prestations en nature au régime d'assurance maladie pour les bénéficiaires du RMI inscrits à l'assurance personnelle.
En conclusion, il a proposé d'émettre un avis favorable à ce projet de budget, en soulignant que le projet de loi relatif à la cohésion sociale et la réforme à venir des institutions sociales et médico-sociales modifieraient sensiblement le régime de l'action sociale.
M. Charles Descours s'est félicité de la réflexion engagée sur une meilleure maîtrise des dépenses de l'action sociale et médico-sociale et s'est interrogé sur les raisons de la baisse des crédits consacrés au service national des objecteurs de conscience.
M. Alain Vasselle a souligné que la baisse de 16 millions de francs des crédits consacrés à la formation des intervenants à domicile était d'autant plus regrettable que la réforme de la prestation dépendance des personnes âgées nécessitait d'améliorer la formation de ces intervenants. Il a évoqué les surcoûts résultant pour les foyers « occupationnels » gérés par les départements de la mise en oeuvre de l'amendement « Creton ». Il a souhaité que les COTOREP respectent un délai rapide pour l'examen de tous les dossiers qui leur sont soumis. Il s'est interrogé sur la possibilité de mettre en oeuvre pour les personnels des instituts sociaux et médico-sociaux un dispositif de congé de fin d'activité analogue à celui mis en place pour les fonctionnaires d'État, territoriaux et hospitaliers. Enfin, il a souhaité que les maires disposent de pouvoirs plus importants en matière d'attribution du RMI.
M. Jacques Machet s'est interrogé sur l'opportunité de l'augmentation des crédits relatifs aux COTOREP et a regretté la baisse des crédits relatifs à la formation des intervenants à domicile.
M. Bernard Seillier a rappelé les compétences attribuées aux collectivités territoriales en matière de formation des intervenants à domicile.
Mme Annick Bocandé a envisagé la possibilité d'instaurer un taux directeur opposable pour les établissements sociaux et médico-sociaux dépendants des départements.
M. Pierre Lagourgue, évoquant la situation du département de La Réunion, a souhaité la transformation du RMI en un « revenu minimum d'activité ».
Mme Joëlle Dusseau s'est demandé si la mise en oeuvre systématique de l'obligation alimentaire auprès des parents des bénéficiaires de RMI ne risquait pas de faire peser des charges trop lourdes sur des ménages âgés au revenu moyen qui ont parfois déjà leurs parents à leur charge. Elle s'est interrogée sur la situation des conjoints de titulaires de RMI en matière d'assurance personnelle. Elle a regretté la baisse des crédits relatifs à la formation de l'aide à domicile.
M. Alain Gournac a estimé que les mesures nouvelles envisagées pour le fonctionnement des COTOREP pourraient servir plus utilement à la formation de l'aide à domicile.
M. François Autain s'est interrogé sur les conséquences financières de l'article 97 de la loi de finances pour l'AGEFIPH.
Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur la notion de revenu élevé.
M. Georges Mazars s'est demandé si le transfert à l'AGEFIPH de la charge liée à la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ordinaire était compatible avec le statut d'association de cet organisme.
En réponse, M. Jean Chérioux a souligné, s'agissant de l'AGEFIPH, que le transfert des obligations relatives à la garantie de ressources était conforme à la mission de cet organisme et a estimé qu'il semblait logique de regrouper l'exercice de cette compétence auprès de cet établissement à la condition toutefois d'en adapter le statut.
M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est demandé si le maintien du statut d'association pour l'AGEFIPH ne serait pas désormais susceptible de critique de la part des juges des comptes.
S'agissant de l'obligation alimentaire en matière de RMI, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a souligné que celle-ci ne pourrait jouer utilement qu'auprès des parents dont les revenus sont largement supérieurs à la moyenne en estimant qu'en tout état de cause, il conviendrait de tenir compte des charges de famille éventuelles pesant sur les ménages.
Il a souligné que la mise en oeuvre plus rigoureuse de l'obligation alimentaire devrait viser à mettre fin aux anomalies les plus flagrantes en matière de distribution du RMI.
S'agissant du RMI, il a estimé que le dispositif pourrait être amélioré à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale, tant en ce qui concerne le rôle des commissions locales d'attribution que l'obligation d'accomplir une activité par le bénéficiaire.
Il a souligné toutefois que le rôle du maire en matière d'attribution du RMI pouvait être abordé sous un angle différent en milieu rural et en milieu urbain.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a rappelé que les moyens de fonctionnement supplémentaires des COTOREP étaient destinés à rattraper des retards de paiement de vacations médicales.
Concernant les COTOREP, il a souligné qu'il demanderait au ministre que les délais d'examen des dossiers soient accélérés.
Après un débat au cours duquel sont intervenus MM. Jean-Pierre Fourcade, président, MM. Alain Vasselle, Jean Chérioux, rapporteur pour avis, la commission a finalement décidé de ne pas déposer un amendement de réduction des crédits des COTOREP.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux affaires sociales dans le projet de budget pour 1997 et a adopté un amendement rétablissant l'article 98 du projet de loi de finances pour 1997, en prévoyant de reporter son application à compter du 1er janvier 1998.
Mesdames, Messieurs,
Issu de la réorganisation des avis budgétaires décidée par votre commission des Affaires sociales pour tenir compte de la mise en place de la loi de financement de la sécurité sociale, cet avis est totalement nouveau, puisqu'il porte sur les crédits des « affaires sociales » entendus au sens large, c'est-à-dire sur les moyens inscrits au titre de l'action sociale et de la solidarité et sur les moyens en personnel et de fonctionnement du ministère.
Cet avis commente certains des chapitres budgétaires auxquels nos excellents collègues, MM. Jacques Machet pour les handicapés, et Paul Blanc pour la lutte contre l'exclusion, avaient consacré de riches développements dans leurs rapports de l'année dernière, tout en s'inscrivant dans une approche plus générale. Votre rapporteur a souhaité évoquer en particulier l'évolution des dépenses de l'action sociale décentralisée et les facteurs d'évolution de la dépense sociale.
Votre commission s'est félicitée de la priorité accordée dans ce projet de budget à la lutte contre l'exclusion et de l'accent mis sur l'aide aux travailleurs handicapés.
En particulier, elle a considéré comme positives les mesures prises pour assurer la transformation de 1.000 places de centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) supplémentaires, ainsi que pour ouvrir 2.000 places nouvelles en centres d'aide par le travail (CAT) pour les handicapés.
Ce budget a appelé néanmoins de la part de votre commission trois observations :
- la baisse des crédits relative à la formation des intervenants à domicile paraît de nature à induire des dépenses supplémentaires difficilement maîtrisables par les collectivités territoriales dans un secteur en plein expansion ;
- l'activité des COTOREP qui devrait être sensiblement allégée par la mise en oeuvre de la prestation spécifique dépendance, ne s'effectue pas aujourd'hui dans des conditions de délai satisfaisantes et des efforts devraient être engagés en ce domaine ;
- le transfert de la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ordinaire à l'AGEFIPH, prévue à l'article 87 du projet de loi de finances, permet d'assurer une meilleure allocation de ressources issues de prélèvements obligatoires sur les entreprises mais nécessite vraisemblablement une réflexion sur l'adaptation du statut de l'AGEFIPH.
Après avoir retracé les évolutions des dépenses de l'action sociale décentralisée, votre commission s'est interrogée sur les facteurs internes d'évolution de ces dépenses, en mettant l'accent en particulier cette année :
- sur l'effet des évolutions des rémunérations dans le secteur de l'action sociale ;
- sur l'incidence du glissement vieillesse-technicité au cours des prochaines années ;
- et sur les modalités de financement des établissements sociaux.
Sur ce dernier point, votre commission a souhaité rétablir l'article 98 du projet de loi de finances visant à instaurer un encadrement des dépenses des établissements sociaux financés par l'État en prévoyant toutefois de reporter sa mise en oeuvre au 1er janvier 1998.
Par ailleurs, votre commission a reconnu l'utilité d'une amélioration de la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire auprès des parents de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion disposant de revenus élevés.
Telles sont les principales conclusions de l'avis rendu par votre commission sur le projet de budget des affaires sociales pour 1997 et qui l'ont conduit à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ce budget.
I. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU BUDGET DES AFFAIRES SOCIALES POUR 1997
L'enveloppe budgétaire du bleu « action sociale et solidarité » s'élève à 61,4 milliards de francs dans le présent projet de budget. Elle augmente de 3,7 %, alors que les dépenses de l'État demeurent stables.
Deux priorités fortes animent le budget de l'action sociale et de la solidarité en 1997 : la lutte contre l'exclusion, d'une part, et l'accroissement des efforts en faveur des handicapés, d'autre part.
A. UNE PRIORITÉ EN FAVEUR DE LA LUTTE CONTRE L'ÉXCLUSION
Quatre points méritent d'être soulignés en ce domaine.
1. Une évolution plus modérée des crédits relatifs au revenu minimum d'insertion (RMI)
En premier lieu, les crédits relatifs au revenu minimum d'insertion (RMI) qui représentent, avec 24,23 milliards de francs, le premier poste de dépenses de ce budget en 1997, connaissent une évolution plus modérée que les années précédentes.
Au 30 juin 1996, le nombre de foyers percevant le RMI était de 993.964 dont 108.903 dans les DOM et, compte tenu des conjoints et des enfants à charge, ce sont actuellement plus de 1,8 million de personnes qui sont couvertes par la prestation.
Le nombre d'allocataires a plus que doublé depuis la création de la prestation et le montant de la dotation budgétaire de l'État a quadruplé, passant de 6 milliards de francs en 1989, à 24 milliards de francs aujourd'hui.
Evolution des effectifs et des crédits au titre du RMI
Effectifs des titulaires au 31 décembre |
Crédits budgétaires de l'État en LFI et LFR (en millions de francs) |
% de progression des crédits budgétaires |
|
1989 |
405.000 |
6.000 |
|
1990 |
510.146 |
8.668 |
+ 44,5 % |
1991 |
582.361 |
14.325 |
+ 65,3 % |
1992 |
671.243 |
13.168 |
- 8,1 % |
1993 |
792.947 |
16.631 |
+ 26,3 % |
1994 |
908.336 |
19.217 |
+ 15,5 % |
1995 |
946.010 |
22.022 |
+ 14,6 % |
1996 |
989.000 |
23.000 |
+ 4,4 % |
1997 |
24.230 |
+ 5,35 % |
Sur l'année, la rotation entre les flux d'entrée et de sortie du dispositif représente environ 33 % des allocataires.
Parmi les allocataires payés par les CAF (caisses d'allocations familiales), les moins de 30 ans représentent 30 %. Les allocataires de moins de 25 ans représentaient, au 31 décembre 1995, un quart (25 %) des allocataires.
L'allocation de RMI est de 2.374,50 F par mois pour une personne seule et de 3.561,75 F pour un couple. Ce montant est majoré pour chaque enfant à charge.
La hausse des effectifs du RMI s'est sensiblement ralentie à partir de 1995. Entre juin 1995 et juin 1996, la hausse a été de 5,26 % en métropole contre 9,2 % l'année dernière. En valeur absolue, il est à noter que le RMI a compté 47.200 bénéficiaires de plus sur les douze derniers mois alors que, sur la même période de l'année précédente, l'augmentation était de 74.000 allocataires.
Ce ralentissement permet une certaine modération dans l'évolution de la dotation prévue pour 1997, égale à 24,2 milliards de francs, en hausse de 5,65 %, pour tenir compte de l'augmentation prévisible du nombre de bénéficiaires et de la revalorisation de la prestation.