2. Les relations entre la France et les îles anglo-normandes : des négociations en cours
a) Les données du problème
Les relations de pêche avec les îles anglo-normandes ont de longue date posé problème, d'une part en raison de leur statut particulier vis à vis du Royaume Uni, d'autre part en raison de leur position géographique.
Ces problèmes sont rendus plus complexes encore par la non-appartenance de ces territoires à l'Union européenne, sauf sur le plan de l'accès au marché, dont elles bénéficient en vertu d'un protocole annexé à l'acte d'adhésion du Royaume-Uni.
Jersey et Guernesey sont enfin dans une situation juridique différente vis à vis de la France. Nos liens avec Jersey sont régis par une convention franco-britannique, dite du régime de la baie de Granville de 1843, qui est toujours en vigueur. Nos relations avec la seconde relèvent d'une convention multilatérale de 1964, la convention de Londres sur les pêches, qui avait défini les droits de pêche entre États européens. Celle-ci n'est plus d'actualité depuis l'instauration d'une politique commune de la pêche (1977) sauf en ce qui concerne les îles anglo-normandes.
b) Les relations avec Jersey
Le problème réside dans le désir exprimé par les autorités de Jersey de modifier profondément le régime de la baie de Granville. Ce régime, instauré en 1843, périodiquement consolidé et confirmé par divers accords postérieurs (1951, 1964), règle clairement les droits de pêche des deux parties : droits exclusifs aux britanniques dans une zone de 3 milles autour de Jersey, droits exclusifs aux français à l'intérieur d'une ligne brisée « A-K » le long de la côte du Cotentin, égal accès à la ressource pour les navires des deux pays dans la zone intermédiaire appelée « mer commune ».
Au Royaume-Uni qui, en 1989, avait proposé un projet d'accord qui abrogeait le régime de la baie de Granville en se fondant sur la volonté d'autonomie de Jersey et sur la volonté de cette île d'élargir ses eaux territoriales en vertu des nouvelles dispositions du droit de la mer, la France a répondu, en 1992, par un projet d'accord de coopération pour une gestion commune de la ressource, qui ne remettrait pas en cause le régime de la mer commune. Une telle évolution ne peut résulter que de l'accord des parties ainsi que l'a reconnu explicitement la délégation britannique au cours d'une rencontre.
Les négociations en cours avec Jersey recouvrent, d'une part, le tracé d'une ligne de délimitation maritime, et d'autre part, l'élaboration d'un régime commun de gestion.
c) Les relations avec Guernesey
La convention de Londres dispose explicitement que le droit de pêche et de juridiction est exclusivement réservé aux navires de l'État riverain jusqu'aux 6 milles de la ligne de base de sa mer territoriale, et que le droit de pêche est exercé, dans la zone de 6 à 12 milles, par l'État riverain et par les navires des autres États contractants s'ils prouvent qu'ils y ont exercé la pêche entre 1953 et 1962 (notion de droits historiques).
C'est sur cette base qu'un décret britannique de 1965 a accordé des droits de pêche à certains de nos pêcheurs à l'ouest de Guernesey pour certaines espèces seulement.
Les discussions, dont l'ouverture a été demandée par le Royaume-Uni en 1988 pour préciser les limites des eaux territoriales de Guernesey, n'ont abouti qu'en 1992, se traduisant par la fermeture à la pêche française d'une zone de pêche située entre Guernesey et la côte du Cotentin, à l'intérieur des eaux territoriales de Guernesey, et dite du « haricot ».
L'accord a, cependant, permis de limiter très partiellement les conséquences économiques néfastes de cette évolution en autorisant 37 pêcheurs français à venir travailler dans une partie du « haricot » appelée « banc de la Schole » jusqu'en 2010.
Des discussions sont en cours sur la consolidation des droits des pêcheurs et l'élaboration d'un régime commun de gestion des zones de pêche.