CHAPITRE DEUX UN BUDGET DÉFORMÉ
Entre le budget des services financiers tel qu'il apparaît dans le projet de loi de finances initial et le budget réellement disponible, il existe un écart considérable qui tient à deux phénomènes exposés dans le rapport de la Cour des Comptes annexé au projet de loi de règlement du budget pour 1995 :
- le rattachement de fonds de concours :
- l'existence de comptes hors budget.
I. L'AMPLEUR DE L'ÉCART
1. Les "fonds de concours"
Comparaison des mouvements budgétaires sur quatre années
Entre 1992 et 1995, le montant des fonds de concours a constamment dépassé 10 milliards de francs.
À leur sujet, la Cour relève :
« Soixante-quinze fonds de concours alimentent les services financiers en 1995 ». Ce chiffre est relativement constant depuis 1991 (de soixante-douze à soixante-quinze).
Ces rattachements correspondaient, en 1995, à 16,4 % des rattachements du budget général. Si Ton ne retient que la dotation « fonds de concours » des autres ministères civils (hors charges communes et services financiers), soit 26 milliards de francs, ce pourcentage passe à 41,1 %.
Évolution des rattachements de "fonds de concours" sur les quatre derniers exercices
(en millions de francs)
Source Rapport de la Cour des Comptes annexé au projet de loi de règlement du budget de 1995
La Cour des Comptes évalue la proportion des dépenses des services financiers financées sur fonds de concours.
« En masse, les fonds de concours rattachés à l'exercice 1995 représentent 22,8 % des crédits nets ». Ils représentent par ailleurs 23,9 % en dépenses réelles.
Elle souligne en outre la nature des rattachements opérés.
"Fonds de concours" ouverts,
pour l'année
1995,
en fonction des parties du budget auxquelles ils sont
rattachés
Les fonds de concours ouverts en 1995 se sont répartis comme suit :
- 56 % au titre des rémunérations d'activité des personnels :
- 2 % au titre des charges sociales :
- 31.2 % pour des dépenses de matériel et de fonctionnement :
- 10.8 % pour des dépenses diverses dont 5.4 % pour financer des investissements exécutés par l'État.
La comparaison des dotations initiales et des rattachements de fonds de concours permet de juger de la contribution des fonds de concours au financement des différents moyens mobilisés.
Comparaison des dotations initiales
et des
rattachements de fonds de concours
Les phénomènes les plus significatifs sont les suivants :
- les fonds de concours permettent d'abonder les rémunérations des personnels en activité à hauteur de près du quart des crédits initiaux.
- ils permettent d'accroître les moyens consacrés au financement du matériel et des dépenses de fonctionnement des services d'environ 50 % par rapport aux crédits figurant en loi de finances initiale.
La Cour des comptes relève que les fonds de concours "assimilés" avec 9.3 milliards de francs représentent l'essentiel des rattachements de fonds de concours.
La comparaison entre les chiffres évoqués par la Cour et ceux figurant dans le document jaune "État récapitulatif des crédits de fonds de concours" laissait traditionnellement apparaître un écart important. Par exemple, pour 1994, la Cour faisait état d'un total de 10.6 milliards de francs et le "jaune" de 6.4 milliards de francs.
Cette différence s'expliquait par l'omission dans le "jaune" des crédits dits "d'articles".
Les articles en question sont :
> l'article 5 de la loi n° 48-1268 du 17 août 1948 qui autorisait l'ouverture de crédits aux services fiscaux dans la limite du l/10ème des recouvrements attendus des redressements.
> l'article 6 de la loi n° 49-1034 du 31 juillet 1949 -aujourd'hui article 1641-11 du code général des impôts- aux termes duquel les sommes "retenues" aux collectivités locales au titre des frais d'assiette et de perception sont affectés au remboursement des dépenses de matériel et à la rémunération des travaux spéciaux accomplis par les agents chargés de l'assiette, du contrôle et du recouvrement des taxes locales.
> et l'article 55 qui organise un prélèvement sur le produit de la vignette et des hypothèques.
L'évolution des crédits "d'articles 5 et 6" est retracée dans le tableau ci-après :
Dotations reçues pour les crédits d'articles 5 et
6
1992- 1995
En y ajoutant les crédits de l'article 55, le montant total de ces ressources s'est élevé en 1995 à 9.500.6 millions de francs.
2. Les comptes non budgétisés
Une série de comptes extrabudgétaires sont traditionnellement rattachés à la Direction de la Comptabilité publique, à la Direction générale des impôts ou encore à la Direction générale des douanes et des droits indirects.
Les différents comptes concernés sont rappelés dans le tableau qui suit :
Comptes rattachés à la Direction de la Comptabilité publique
Comptes rattachés à la Direction générale des impôts
Comptes rattachés à la Direction générale des douanes et des droits indirects
Il faut y ajouter le compte 451 "Fonds particuliers" destiné à retracer les mouvements enregistrés sur les comptes de dépôt de fonds des particuliers tenus sous la responsabilité des trésoriers-payeurs-généraux et qui comporte également en ressources une série de versements correspondant aux activités exercées par les comptables comme préposés de la Caisse des dépôts et consignations (V infra)
Le tableau qui suit retrace l'évolution des dépenses de ces comptes hors "masse des douanes" et "crédits du compte 451".
Évolution des dépenses extra-budgétaires 1992-1994
Les sommes recensées représentaient, en 1994, 0.6 % des dépenses de personnel et 3 % de celles de fonctionnement.
Elles n'épuisent pas le montant des dépenses extrabudgétaires. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution du budget pour 1995 :
"Une partie non négligeable des indemnités versées à certains personnels des services financiers n'est pas comptabilisée comme dépense, hormis une centralisation statistique annuelle. En 1994, elles concernaient un montant de 724 millions environ, soit 10 % des indemnités totales. Il s'agit de sommes encaissées directement par les agents, pour environ 560 millions au titre de remises et commissions de la collecte de l'épargne, pour environ 140 millions au titre de conseil aux collectivités locales et pour une somme d'environ 30 millions (apparaissant avec d'autres recettes aux Charges Communes) au titre des indemnités versées aux agents-huissiers du Trésor au prorata des actes exécutés".
Au total, le montant des dépenses extrabudgétaires des services Financiers se serait élevé, en 1994, hors masse des douanes et "compte 451" à 1.184,7 millions de francs, se répartissant entre des dépenses indemnitaires pour 900,2 millions de francs et des crédits affectés au fonctionnement des services pour 284,5 millions de francs.
Pour 1994, le cumul des fonds de concours et des crédits extrabudgétaires ayant fait l'objet d'un recensement se serait élevé à près de 11,8 milliards de francs, soit 26.8 % de l'autorisation budgétaire initiale.