II- LES EFFORTS D'ÉCONOMIES ONT EMPÊCHÉ L'INDISPENSABLE RECONSTRUCTION DU BUDGET 1997 DE L'AUDIOVTSUEL PUBLIC
A- LES PROPOSITIONS D'ÉCONOMIES DU RAPPORT DE LA MISSION D'AUDIT DU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
Les gisements d'économies sont chiffrés par le rapport entre 275 et 690 millions de francs. Cet écart important résulte de la prise en compte, ou non, du transfert de l'entretien des réémetteurs des chaînes hertziennes vers les collectivités locales, d'un montant de 400 millions de francs, et dont le principe est très contestable.
L'ampleur de ce transfert, au moment où les ressources des collectivités locales ont tendance à diminuer, a conduit le Gouvernement à ne pas retenir cette mesure, ce que votre rapporteur ne peut qu'approuver.
• La renégociation des contrats avec les
animateurs producteurs : 140 millions de francs.
• La modification de la politique d'abandon de droits
à France 2 : environ 60 millions de francs.
• La rationalisation des unités
régionales de production de France 3 : entre 5 et 15 millions de
francs.
• La limitation des frais de structure pour les
présidences et les services de communication : 20 millions de
francs.
• Les économies de diffusion sur TDF :
entre 50 et 400 millions de francs.
Si l'on excepte le transfert des frais d'exploitation et de maintenance de TDF vers les collectivités locales, les économies réalisables préconisées par le rapport de la mission d'audit s'élèvent entre 275 et 290 millions de francs.
L'effort d'économies demandé au secteur public audiovisuel, chiffré par le Gouvernement à 616,6 millions de francs, est donc sans précédent.
B. LES ÉCONOMIES PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997
Elles retiennent, sur une année, les propositions de la mission d'audit, destinées à s'appliquer sur plusieurs années.
1. Des économies ambitieuses...
Le niveau des budgets des sociétés du secteur audiovisuel public est fixé à 17 milliard de francs, soit un montant supérieur de 200,1 million de francs à celui prévu en loi de finances pour 1996 (16 799,9 millions de francs). |
Les budgets ont été établis selon la procédure suivante : après identification des besoins d'ajustements nécessaires à la stricte reconduction de l'activité, un volant important d'économies est demandé, ainsi qu'une enveloppe de mesures nouvelles limitées pour 1997 à quelques actions particulièrement sélectionnées.
a) Les ajustements nécessaires à la couverture des besoins à activité inchangée
Estimés dans un premier temps à 318,4 millions de francs, ils s'élèveront, en 1997, à 420,2 millions de francs, répartis comme suit :
•
Les dépenses de personnel
représentent la part la plus importante des ajustements
nécessaires en sus des budgets votés par les conseils
d'administration (139,3 millions de francs).
Il s'agit d'une part, du glissement de 2,5 % sur les salaires et, d'autre part, de diverses mesures de mise à niveau liées à l'évolution réelle des charges et cotisations sociales, aux conséquences des accords sociaux passés au profit des journalistes à l'automne 1994 et à la montée en charge de la banque de programmes de Radio France.
• L'actualisation des programmes et des versements
à prévoir pour les
sociétés d'auteurs
et le compte de soutien à l'industrie des programmes
audiovisuels
(COSIP)
est prise en compte pour 60,5 millions de
francs.
•
Les charges de diffusion
entraînent un ajustement de 52,6 millions de francs.
• Les
impôts et taxes
une
charge supplémentaire de 39,3 millions
de
francs.
• Les autres charges faisant l'objet d'un ajustement
s'élèvent à 26,7 millions de francs et sont
constituées de
diverses opérations
dont les plus
importantes concernent la réévaluation de la contribution de la
SEPT/ARTE au profit du GEIE, l'augmentation des dotations aux amortissements et
le projet immobilier de RFO à Tahiti.
• Un ajustement de 109 millions de francs a
été ajouté. Il correspond à des
charges
inéluctables
pour France 2 et France 3 qui ne pourront
être financées en 1996 : ces opérations seront par
conséquent différées en 1997.
b) Les économies du secteur public en 1997
Les économies sont fixées à 616,6 millions de francs.
Sur ce montant, une fraction (72,2 millions de francs) a été proposée dès le début de la procédure budgétaire par certains organismes.
Il s'agit pour RFO de l'effet, en 1997, du plan social intervenu en 1996, pour France 3 d'une diminution des dotations aux amortissements et des frais financiers et pour France 2 et France 3 de la renégociation des contrats avec les sociétés d'auteurs et d'un ajustement négatif sur des événements sportifs intervenus en 1996 sans suite en 1997.
Toutefois, l'essentiel des économies (544,4 millions de francs) relève de décisions gouvernementales prises à la suite du rapport de la mission d'audit du secteur public de la communication audiovisuelle remis en juillet 1996.
Compte tenu de leur ampleur, elles ne peuvent se réaliser qu'au prix de réformes de structure importantes, au nombre de neuf :
La fusion de la SEPT/ARTE et de La Cinquième devrait permettre une économie de 142,2 millions de francs.
Les économies à dégager sur le budget de programmes de France 2 constituent une somme importante avec 205 millions de francs, compte tenu de la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs et de la nécessité d'une meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise.
La réduction des effectifs des présidences et des services de communication devrait s'élever à 20 millions de francs.
L'abandon par Radio France de la diffusion en ondes moyennes de France Inter dégagera 40 millions de francs.
La réduction de l'activité de production régionale de France 3 est estimée à 15 millions de francs d'économies.
La non poursuite de la diffusion, à titre expérimental, d'ARTE et de La Cinquième en analogique sur Eutelsat économisera 14,2 millions de francs.
Le gel de l'extension du cinquième réseau est évalué à 10 millions de francs.
De façon forfaitaire, 50,6 millions de francs sont imputés à France 3, l'INA, RFO, Radio France et RFI.
L'économie globale des coûts de diffusion apporte une marge de manoeuvre supplémentaire de 47,4 millions de francs.
c) Les mesures nouvelles
Elles sont limitées à 65,1 millions de francs.
Les projets retenus concernent :
1- le lancement d'une radio pour la jeunesse par Radio France (15 millions de francs)
2- le financement de la dernière tranche du plan de développement des émetteurs à ondes courtes d'Allouis Issoudun pour RFI (10,1 millions de francs).
3- Enfin, et sous réserve de la réalisation des économies inscrites par ailleurs, France 2 et France 3 pourraient disposer de 20 millions de francs chacune dans le cadre de leurs politiques de développement.
Deux de ces mesures appellent certaines observations.
• la budgétisation d'une somme de
15 millions de francs pour le lancement d'une radio semble d'ores et
déjà insuffisante :
le projet nécessite
en réalité de 30 à 35 millions de francs. Le solde devrait
être finance par Radio France par des redéploiements internes. Or,
ces derniers financent déjà les ajustements automatiques, pour
lesquels la radio publique n'a reçu aucun financement
supplémentaire en 1997.
Quinze millions de francs, c'est à la fois trop pour pouvoir abandonner le projet et pas assez pour le lancer sans avoir besoin des ressources propres de Radio-France. Ce financement risque donc de susciter des tensions internes dans les autres radios du groupe public.
•
la budgétisation d'une somme de
40 millions de francs pour France 2 et France 3 « afin de financer
leurs politiques de développement » risque d'être
entièrement absorbée par le financement du bouquet TPS.
Il est dommage de résumer au seul secteur du
numérique le développement des chaînes de la
télévision publique.
En outre, comme on le verra ultérieurement, le financement du bouquet TPS n'est pas exempt d'interrogations.
2. ...Qu'il sera nécessaire de préciser...
a) Les économies de structure
Le rapprochement entre la SEPT/ARTE et de La Cinquième () devrait permettre une économie de 142,2 millions de francs.
•
Les économies demandées
à La Cinquième : 76,4 millions de francs.
Les économies seront en réalité supérieures. En effet, la structure de financement du budget de la chaîne a changé : alors qu'en 1996, la redevance (384,2 millions) et les exonérations de redevance (341,5 millions) étaient relativement équilibrées, les ressources publiques de la chaîne proviendront, en 1997, massivement de la redevance (588 millions) et relativement peu des remboursements d'exonération (50 millions).
Or, le versement de la redevance est taxé par un prélèvement au bénéfice du COSIP, d'un montant évalué à 12 millions de francs, ce qui diminuera d'autant les ressources publiques.
Les économies de fonctionnement représenteront 35 millions de francs, et les économies sur les programmes, 40 millions de francs. Si l'on enlève les coûts de diffusion (qui représentent 125 millions de francs en 1996), les économies demandées s'élèveront à 25 % des dépenses de programmes, ce qui conduira la chaîne à recourir davantage à la multidiffusion, à augmenter ses achats et à réduire l'acquisition de programmes inédits.
Il serait regrettable que ces économies portent sur la troisième fenêtre qui est enfin en train de s'ouvrir timidement, avec la banque de programmes et de services.
•
Les économies demandées
à la SEPT ARTE : 65,8 millions de francs.
Si les économies demandées apparaissent proportionnellement moins importantes, c'est que la grille de programme de la SEPT a un coût structurellement plus élevé que La Cinquième, pour deux raisons : d'une part, elle diffuse en Allemagne et en Europe centrale et orientale, ce qui renchérit les droits de diffusion : d'autre part, elle diffuse des fictions, et non des documentaires, qui ont un coût plus élevé.
b) Les économies de fonctionnement
La réduction des effectifs des présidences et des services de communication () devrait s'élever à 20 millions de francs.
Bien que ce poste d'économies soit commun à l'ensemble des sociétés du secteur public, on imagine que les deux chaînes les plus concernées sont celles dont la fusion est annoncée.
Les économies à dégager sur le budget de programmes de France 2 ( ) constituent une somme importante avec 205 millions de francs décomposant en :
- renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs estimée à 140 millions de francs ;
- une meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise : évaluée à 65 millions de francs.
Les économies proposées sur le budget de France Télévision paraissent toutefois difficiles à atteindre. Côté dépenses, les conséquences de l'accord avec l'USPA (qui porte la contribution de la chaîne à l'effort d'investissement dans la production audiovisuelle à 17% de son chiffre d'affaires), pour un montant d'environ 50 à 60 millions de francs pour chaque chaîne, n'ont pas été prises en compte. De même l'inflation des achats de droits sportifs et de films, conséquence de la bataille que se livrent les diffuseurs sur le marché numérique, se répercute sur les droits de diffusion des chaînes en clair, ce qui n'a pas non plus été pris en compte.
Pour France 2, les 205 millions de francs d'économies imposées « au budget de programme de France 2 » vont dépasser nettement les seuls postes de la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs (dont l'économie nette est estimée à 140 millions en 1997) et la meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise (60 millions d'économies attendues).
Si la renégociation des contrats des animateurs-producteurs a bien permis de réaliser 347 millions de francs d'économies, le coût des émissions de remplacement (251 millions de francs) n'a pas été pris en compte.
L'économie nette ne sera donc que de 69,6 millions de francs en 1997. Les évolutions à conduire dans la politique de dépréciation de France Télévision nécessiteront plus d'un exercice budgétaire pour être mises en oeuvre. Les économies ont donc été surestimées. En outre, elles sous-entendent une stabilité des coûts et du chiffre d'affaires de France 2, et mettent entre parenthèses le budget rectificatif de 1996.
Pour France 3, ni le retournement du marché publicitaire depuis l'été 1996 -sans doute peu prévisible-, ni l'effet du rallongement des écrans publicitaires de TF1 n'ont été pris en compte. Les recettes publicitaires pour 1997 ont été surestimées. Il peut paraître également curieux d'exiger des économies de la part de France 3 sur ce qui fait la spécificité de sa ligne éditoriale, à savoir l'activité de production régionale ( réduction de 15 millions de francs).
Les économies sur la diffusion sont également déroutantes.
Les décisions (abandon par Radio France de la diffusion en ondes moyennes de France Inter - 40 millions de francs), (non poursuite de la diffusion, à titre expérimental. d'ARTE et de La Cinquième en analogique sur Eutelsat - 14,2 millions de francs). (gel de l'extension du cinquième réseau - 10 millions de francs), et (économie globale des coûts de diffusion - 47,4 de francs) posent une question de principe et une question de cohérence.
Sur le plan des principes, est-il admissible, au regard de l'autonomie des entreprises publiques, que l'État s'immisce dans les relations commerciales entre les sociétés du secteur public ? L'État a décidé des économies de diffusion de façon autoritaire, sans concertation, au mépris des relations commerciales et des contrats privés (lesquels font la loi des parties) conclus entre TDF et les diffuseurs, ce qui conduit TDF à réclamer des dédits importants.
Les décisions relatives aux économies de diffusion ont, bien évidemment, des répercussions sur le chiffre d'affaires de TDF, ce qui semble avoir été oublié par la tutelle lorsqu'elle a pris cette décision.
Sur le plan de la cohérence , rappelons que l'une des mesures nouvelles importantes du précédent budget était l'extension de la diffusion du cinquième canal sur le satellite et sur le réseau hertzien pour un montant total, pour les deux chaînes, de 63,4 millions de francs.
Afin d'étendre la diffusion hertzienne du cinquième réseau, approuvée par le Parlement, des contrats ont été conclus, en juillet 1996, avec TDF portant sur une commande de 400 émetteurs, pour un montant de 10 millions de francs. Trois mois après, ces contrats, auxquels participaient de nombreuses collectivités locales, se sont vu remis en cause.
La diffusion en analogique à partir du premier semestre 1996 de la SEPT - ARTE sur EUTELSAT, puis, de même que la Cinquième, en numérique, à compter du deuxième semestre 1996 se voit également remise en cause, alors qu'il s'agissait d'une mesure nouvelle présentée par le Gouvernement dans le précédent budget et approuvée par le Parlement.
De même, Radio-France a demandé à TDF, au mois de juillet 1996, d'investir dans le réseau OM et de le rénover, alors que la tutelle demande son abandon en 1997... Ajoutons que ce réseau représente 7 % de l'audience de Radio-France sur les ondes OM-OL, qui représentent 50 % de l'audience totale de la radio publique, les 50 % restants de l'audience étant effectués sur la FM, ce qui représente une audience non négligeable.
Enfin, les économies forfaitaires ( : 50,6 millions de francs imputés à France 3, l'INA, RFO, Radio France et RFI) imposeront un effort de rigueur accru aux opérateurs.
Ces économies directes pourraient être aggravées par des économies indirectes. Par exemple, France 2 et France 3 pourraient être conduits à diminuer unilatéralement le chiffre d'affaires qu'ils assurent à l'INA pour les prestations d'archivage.