N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1997. ADOPTE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

Par M. Alain LAMBERT.

Sénateur. Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 8

COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Rapporteur spécial : M. Jean CLUZEL

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Philippe Marini, vice-présidents ; MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; M. Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0 ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A.590.

Sénat : 85 (1996-1997).

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Lois de finances.

OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

- trois réserves à formuler

- trois propositions de clarification

- trois bombes à désamorcer

- trois pièges à éviter

I - Trois réserves

1 - Les perspectives de ressources publicitaires paraissaient - dans ce projet de budget - bien optimistes pour 1997

Rappelons que leur progression est inscrite pour près de 290 millions francs pour France 2 (+ 14,5 %) et pour près de 560 millions de francs pour France 3 (+ 54,6 %). Les calculs de la tutelle ont pris en compte une stabilisation (en 1997) par rapport aux prévisions (faites à mi 1996) de recettes réelles des chaînes, mais non l'évolution de la conjoncture économique générale. Au contraire, si le contexte économique de fin 1996 se poursuivait en 1997, les ressources publicitaires des chaînes seraient en baisse : les budgets de communication, les plus flexibles, sont en effet les premiers touchés. Si le premier semestre (1996) a vu une progression de 11 % (par rapport à 1995), les trois premiers mois du second semestre (août, septembre, octobre) ont connu une nette diminution de cette progression.

C'est pourquoi France Espace a communiqué un tarif moyen d'écrans publicitaires en baisse de 15 % pour mars 1997 par rapport à octobre 1996.

Dans un tel contexte, on peut légitimement craindre que les annonceurs ne sacrifient, au sein de leurs « plans médias », les supports qui ont le plus faible GRP ( ( * )2) , surtout France 3, dont l'audience est plus faible que France2 ou TF1.

2. La participation financière de France Télévision au sein de TPS

Votre rapporteur est convaincu que la télévision du secteur public ne doit pas manquer la révolution du numérique. Mais encore faut-il le faire dans de bonnes conditions. La participation de France Télévision au bouquet Télévision Par Satellite (TPS) appelle deux réserves.


• La première est juridique. Le secteur public peut-il accorder l'exclusivité de la diffusion, même gratuite, de ses programmes à l'un des opérateurs plutôt qu'à un autre ? La décision du conseil de la concurrence du 19 novembre 1991, relative au marché des programmes de télévision réservés à la diffusion sur les réseaux câblés, par laquelle le conseil a enjoint aux câblo-opérateurs de supprimer les clauses d'exclusivité figurant dans les contrats de diffusion des programmes, ne doit-elle pas s'appliquer au marché numérique ?


• La seconde est financière. Le coût total du bouquet est évalue à 4 milliards de francs d'ici l'an 2000, selon le calcul suivant : la première tranche de financement est de 1,5 milliard. Si, 18 mois après son lancement, le bouquet compte au moins 200 000 abonnés, une seconde tranche de 1 milliard de francs sera appelée. Le coût d'un tel investissement est justifié par la nécessité de mettre en oeuvre quatre services :

- politique d'achat de droits de diffusion.

- système de gestion des abonnés.

- exploitation d'un système d'accès conditionnel,

- acquisition et entretien d'un parc de décodeurs.

La seule acquisition du catalogue Paramount s'élève à 100 millions de francs par an pendant cinq ans. La participation de France Télévision au capital de TPS est de 8,5 %. Le financement de la première tranche repose à moitié sur l'emprunt et à moitié sur l'appel de fonds aux actionnaires. France Télévision devra donc apporter 63,75 millions de francs en 1996 et autant en 1997. Un montant de 55 millions de francs a été provisionné en 1996 et de 40 millions en 1997 ; ce qui est donc insuffisant, car l'appel de fonds se situera entre 55 et 65 millions de francs.

Le "ticket d'entrée" de France Télévision dans TPS pourrait ainsi s'élever à 340 millions de francs d'ici l'an 2000, le pôle public ne pouvant envisager un retour sur investissements avant de longues années.

Votre rapporteur estime que cette somme pourrait être mieux utilisée par France Télévision pour financer de nouveaux programmes et pour créer des chaînes thématiques plutôt que :

- s'engager dans un rôle de multiplexeur,

- co-gérer des bouquets de services,

- assurer leur commercialisation,

- gérer le système de contrôle d'accès,

Tout ceci n'entre manifestement pas dans les missions de France Télévision.

Précisons enfin que le secteur public agit en ordre dispersé puisque Radio-France est diffusée par CanalSatellite, RFI. actuellement diffusée sur Astra IC en sous-porteuse d'une chaîne de dessins animés, envisage d'être diffusée à la fois sur TPS et sur CanalSatellite, et ARTE négocie sa reprise sur des bouquets numériques scandinave et italien !

3 - Des choix contestables d'économies dans le budget de l'audiovisuel public pour 1997

Au moment où les chaînes publiques doivent opérer des choix de développement pour leur avenir, compte tenu de l'émergence des technologies numériques, la réduction des financements publics constitue un lourd handicap. Certes, le secteur audiovisuel public doit participer à l'effort de réduction des dépenses publiques. Certes, votre rapporteur a réclamé, l'an dernier, que le secteur public puisse dégager des économies pour assurer les redéploiements nécessaires. Cet appel a été entendu puisque 500 millions de francs d'économies ont été réalisés, en 1996, par le secteur public de l'audiovisuel.

Les économies imposées dans le budget de 1997 ne semblent pas toutes judicieuses. Pour la seule et simple raison que ces économies sont tirées d'un rapport d'audit (au demeurant excellent), mais qu'elles ne font pas partie d'un plan de gestion d'entreprise. Et l'on retrouve là une conséquence de la véritable catastrophe nationale qu'est le système français de gestion de l'audiovisuel public : ce ne sont pas de véritables sociétés anonymes, qui n'en ont que le nom ; ce ne sont pas de véritables conseils d'administration qui n'en ont que le nom ; et, enfin, les relations avec l'État appelé l'actionnaire unique sont équivoques.


S'agissant du rapprochement entre la SEPT - ARTE et La Cinquième,
votre rapporteur s'est prononcé, dès décembre 1995, en faveur d'une « structure commune ». Dès l'origine, il a préconisé la création d'une holding créée avec des apports à 50/50 et non la fusion d'une chaîne avec l'autre, voire l'absorption de l'une par l'autre. Plus fondamentalement, il importe d'aligner la politique de diffusion de la SEPT sur ARTE-Deutschland et de mettre fin à l'isolement actuel de la chaîne vis-à-vis du secteur public comme en témoigne son récent refus -incompréhensible- d'adopter la signalétique des diffuseurs concernant le degré de violence dans les émissions de télévision. En tout état de cause, votre rapporteur a toujours souligné que ce rapprochement était subordonné à la concertation avec notre partenaire allemand, en prenant exemple sur les méthodes germaniques : la SudWestFunke la Süddeutsche Rundfunk n'ont-elles pas décidé de démarrer un processus de fusion qui durera... deux ans ? Mais en Allemagne, les pouvoirs publics tiennent peut-être compte des analyses et des suggestions faites par les élus ?

Les économies demandées ne sont donc pas toutes pertinentes, parce que la spécificité du mode de fonctionnement des deux chaînes n'a pas été suffisamment prise en compte.

Pour la SEPT - ARTE, c'est le GEIE qui a compétence pour la conception générale et la définition de la grille alimentée sur la base du principe de parité entre les deux pôles d'édition ; c'est lui qui en fin de compte choisit le programme mis à l'antenne. Pour La Cinquième, la production est intégralement sous-traitée. Pour votre rapporteur, le rapprochement entre les deux chaînes passe par l'alignement de la politique de programmation de la SEPT sur celle de La Cinquième : la SEPT devrait donc sous-traiter sa production aux autres chaînes publiques françaises, comme ARTE-Deutschland le fait en Allemagne.


S'agissant de Radio-France, votre rapporteur souhaiterait que les économies, dégagées par mesures internes de redéploiement budgétaire, viennent au secours du développement de nouveaux supports technologiques comme le DAB. digital audio broadcasting, davantage que vers la création d'une « radio jeunes » dont le secteur public pourrait faire l'économie, tant sa viabilité est incertaine sur une bande FM où la concurrence est agressive... En outre, on ne crée pas une nouvelle radio avec 15 millions de francs. De plus, les crédits nécessaires à son démarrage devront être gagés par de nouvelles économies qui alourdiront d'autant le plan d'économie interne de la radio publique.


Les décisions d'économies liées à la diffusion posent une question de principe et une question de cohérence.

Sur le plan des principes, est-il admissible, au regard de l'autonomie des entreprises publiques, que l'État s'immisce dans les relations commerciales entre les sociétés du secteur public ? C'est ainsi que l'État a décidé des économies de diffusion de façon autoritaire, sans concertation, au mépris des relations commerciales et des contrats privés (lesquels font la loi entre les parties) conclus entre IDF et les diffuseurs, ce qui a conduit et conduira TDF à réclamer des dédits importants.

Les décisions relatives aux économies de diffusion ont, bien évidemment, des répercussions sur le chiffre d'affaires de TDF, ce qui semble avoir été oublié lorsque ces décisions ont été prises.

Sur le plan de la cohérence, rappelons que l'une des mesures nouvelles importantes du budget 1996 était l'extension de la diffusion du cinquième canal sur le satellite et sur le réseau hertzien pour un montant total, concernant les deux chaînes, de 63,4 millions de francs.

- Afin d'étendre la diffusion hertzienne du cinquième réseau, approuvée par le Parlement, des contrats ont été conclus, en juillet 1996, avec TDF portant sur une commande de 400 émetteurs, pour un montant de 10 millions de francs. Trois mois après, ces contrats, auxquels participaient de nombreuses collectivités locales, furent remis en cause.

- La diffusion en analogique à partir du premier semestre 1996 de la SEPT - ARTF sur EU'TELSAT, puis, de même que la Cinquième, en numérique, à compter du deuxième semestre 1996, est également remise en cause, alors qu'il s'agissait d'une mesure nouvelle présentée par le Gouvernement dans le précédent budget et approuvée par le Parlement.

- De même. Radio-France avait demandé à TDF, au mois de juillet 1996, d'investir dans le réseau OM et de le rénover...


Les économies imposées à France Télévision ne pourront être réalisées sans dommages

Les économies proposées paraissent difficile à atteindre. Côté dépenses, les conséquences de l'accord avec l'USPA (qui porte la contribution de la chaîne à l'effort d'investissement dans la production audiovisuelle à 17 % de son chiffre d'affaires), ce qui représente un montant d'environ 50 à 60 millions de francs pour chaque chaîne, n'ont pas été prises en compte. De même l'inflation des achats de droits sportifs et de films, conséquence de la bataille que se livrent les diffuseurs sur le marché numérique, se répercute sur les droits de diffusion des chaînes en clair, ce qui n'a pas non plus été pris en compte.

Pour France 2, les 205 millions de francs d'économies imposées au budget de programmes vont dépasser nettement les seuls postes de la renégociation des contrats avec les animateurs-producteurs (dont l'économie nette attendue est estimée à 140 millions en 1997) et la meilleure gestion des stocks de programmes et de droits par l'entreprise (60 millions d'économies attendues).

Si la renégociation des contrats des animateurs-producteurs a bien permis de faire 347 millions de francs d'économies, le coût des émissions de remplacement (251 millions de francs) n'a pas été pris en compte. L'économie nette réelle ne sera donc que de 69,6 millions de francs en 1997. Les évolutions à conduire dans la politique de dépréciation de France Télévision nécessiteront plus d'un exercice budgétaire pour être mises en oeuvre. Les économies ont donc été surestimées, En outre, elles sous-entendent une stabilité des coûts et du chiffre d'affaires de France 2, sans tenir aucun compte du budget rectificatif de 1996.

Pour France 3, ni le retournement du marché publicitaire depuis l'été 1996, ni l'effet du rallongement des écrans publicitaires de TF1 n'ont été pris en compte. Les recettes publicitaires pour 1997 ont donc été surestimées. Il peut paraître également curieux d'exiger des économies de la part de France 3 sur ce qui fait la spécificité de sa ligne éditoriale, à savoir l'activité de production régionale.

Les vraies économies ne sont-elles pas ailleurs ? Mais il y a des tabous difficiles à dénoncer publiquement. Votre rapporteur en citera néanmoins deux :

- la diffusion sur RFI en Ondes courtes . Elle est justifiée par des motifs de défense nationale et de "missions de souveraineté" : la métropole doit pouvoir joindre à tout moment ses ressortissants et ses réseaux diplomatiques. A l'heure des transmissions téléphoniques par satellite et d'Internet, ces motifs peuvent paraître technologiquement dépassés. Un audit technique pourrait donc être utilement réalisé à condition qu'il soit rapide et qu'il soit rapidement suivi de décisions !

De plus, le budget consacré à la diffusion en Ondes courtes devrait être réduit, pour deux raisons :

- d'une part, les habitudes d'écoute se modifient dans les pays développés et l'écoute de la FM ou du satellite se substitue à celle de l'Onde courte, qui a tendance à disparaître dans ces pays ;

- d'autre part, les dépenses de diffusion ont trop vite progressé depuis 1995 sans que le volume des heures diffusées ait progressé de manière équivalente.

- les budgets de certaines stations de RFO paraissent exorbitants Est-il raisonnable que la France - au nom de la continuité du service - consacre presque 70 millions de francs pour financer une soixantaine d'emplois à la station RFO de Saint-Pierre-et-Miquelon (6 400 habitants), alors que cet archipel est situé à quelques kilomètres du plus grand marché audiovisuel du monde et du Canada francophone ?... Les mêmes interrogations valent pour Wallis-et-Futuna (36,4 millions de francs. pour desservir 13 700 habitants), ou Mayotte (32,3 millions de francs, pour 100 000 habitants). A l'heure du numérique, cette situation paraît anachronique.

Au delà, c'est bien le devenir de RFO qui doit être réexaminé à l'aube de la révolution numérique. Ces budgets pourraient être utilisés plus rationnellement, en louant des capacités satellitaires qui permettraient de transporter directement les programmes des diffuseurs nationaux, pour un coût certainement inférieur et en rapprochant les programmes de RFO ceux de la métropole, ce qui devrait être un objectif prioritaire.

II - Trois propositions de clarification

I - Pour une amélioration de la présentation des budgets prévisionnels

La présentation des budgets prévisionnels d'exploitation des sociétés du secteur public de l'audiovisuel dans le jaune budgétaire est traditionnellement biaisée par deux corrections qui n'en facilitent ni l'analyse, ni la comparaison d'une année sur l'autre.

Tout d'abord, le montant indiqué de la redevance inclut les versements au Compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP). Or, les ressources réelles des sociétés devraient être évaluées, déduction faite de ce versement.

Ensuite, le montant indiqué des recettes commerciales ne comprend ni les frais d e régie, ni les sommes correspondant au prélèvement pour le COSIP qu'il convient d'ajouter, pour apprécier correctement la ressource publicitaire réellement collectée par les sociétés.

En conclusion, la présentation traditionnelle faite par la tutelle minore les recettes publicitaires et majore la redevance.

Il conviendra donc à l'avenir de mettre fin à cette anomalie de présentation afin d'en améliorer la transparence.

Si l'on analyse le budget d'exploitation prévisionnel de France 2 et de France 3 pour les années 1996 et 1997 en « supprimant » ces corrections, et si l'on tient compte du fait que la totalité de la part prévue de remboursement des exonérations de redevance destinée à ces deux chaînes ne sera vraisemblablement pas versée en 1996, on aboutit aux résultats suivants :

Les ressources publicitaires et le parrainage vont représenter

52 % des ressources de France 2 en 1997 contre 47 % en 1996, et 33 % des ressources de France 3 en 1997 contre 23,8 % en 1996.

Pour la première fois depuis 1990, la part des ressources propres de France 2 repasse la barre symbolique des 50 % : les ressources publiques (redevance et subvention) qui s'élevaient, en 1996, à 51 %, ne seront plus, en 1997, que de 46,5 %.

2 - Pour un « jaune budgétaire » consacré

à l'action audiovisuelle extérieure

La dispersion actuelle des crédits sur plusieurs chapitres budgétaires ne permet pas au Parlement d'avoir une bonne connaissance de la politique audiovisuelle extérieure, comme l'a constaté votre rapporteur et comme l'a relevé M. Francis Balle dans son rapport consacré à « La politique audiovisuelle extérieure de la France ».

Il paraît donc opportun de publier, lors de l'examen de chaque projet de loi de finances, un "jaune budgétaire" explicitant l'utilisation des crédits budgétaires affectés à l'action audiovisuelle extérieure, quel que soit le ministère d'imputation, et présentant les financements complémentaires (redevance, ressources propres de chaque opérateur public), ainsi que le comptes des opérateurs concernés.

Ce document permettrait une meilleure information financière du Parlement pour les crédits de l'action audiovisuelle extérieure, dont les dotations budgétaires atteignent environ 1 milliard de francs.

Il s'ajouterait aux documents de ce type qui regroupent les dépenses relatives à l'action culturelle extérieure d'une part, les financements du secteur public de la communication audiovisuelle d'autre part.

Votre rapporteur déposera donc un amendement dans ce sens, co-signé par le rapporteur spécial des crédits du ministère des Affaires étrangères, notre collègue M. Jacques Chaumont.

3 - Pour redonner un sens aux relations entre les téléspectateurs et les

chaînes publiques, et entre celles-ci et l'État

Les relations entre les téléspectateurs et les chaînes doivent être clarifiées. La redevance n'est pas une taxe inutile, désuète et trop élevée. C'est une contribution citoyenne à l'expression de notre identité culturelle qui s'inscrit concrètement dans l'expression de la francophonie et son rayonnement international. C'est donc une taxe moderne, bien gérée et dont le coût de perception est l'un des plus faibles qui soit. Le niveau de la redevance représente, enfin, 60 % de celle qui est perçue en Allemagne (700 francs en France contre 1150 francs en Allemagne).

Cette redevance citoyenne aurait pour vertu de rendre égaux les téléspectateurs devant la taxe, ce qui n'est pas le cas actuellement avec le décret télécide (pris en 1982 et jamais remis en cause par les Gouvernements successifs). Se trouvent ainsi automatiquement exonérés quatre millions de foyers du paiement de la redevance, qui, seule, peut assurer une sécurité de financement pour le secteur public.

Les relations entre l'État et les chaînes doivent être clarifié. Il n'est pas normal que, pour reprendre l'expression du rapport de M. Jacques Rigaud sur la refondation de la politique culturelle de l'État, « la véritable tutelle sur l'audiovisuel public soit celle du ministère des Finances ». La tutelle exercée par l'État sur les chaînes doit être rénovée selon trois modalités d'action :

1/ fixer le cap : les cahiers des charges devraient être centrés sur l'énoncé des missions essentielles du secteur public ; l'exploitation des indicateurs de gestion des chaînes, qui ne sont pas suffisamment pris en compte par la tutelle, permettrait à l'État de fixer de véritables objectifs aux chaînes et de dépasser la seule logique budgétaire qui anime son contrôle.

Votre rapporteur réitère son regret de ne pas voir définis des contrats pluriannuels avec l'État en faisant référence aux contrats d'objectifs, prévus par la loi du 17 janvier 1989, négociés avec les sociétés du secteur public, qui pourraient alléger les cahiers des charges en fixant aussi bien les objectifs à moyen terme, que les concours financiers pour parvenir aux objectifs assignés. Un seul contrat de ce type fut conclu, avec RFI.

2/ maintenir le capitaine à la barre plus de dix-huit mois : alors que la durée théorique du mandat des dirigeants du secteur audiovisuel public est de trois ans, sa durée réelle est plus proche de dix-huit mois, surtout pour les directeurs généraux de France 2. Une proposition de loi a été présentée par votre rapporteur. Elle porterait la durée de ce mandat à cinq ans. Elle a été votée par le Sénat au scrutin public à l'unanimité moins une voix, le 15 novembre 1995. Elle attend le bon vouloir de l'Assemblée nationale pour son inscription à l'ordre du jour complémentaire - en application de la révision constitutionnelle du 4 août 1995...

3/ renforcer le rôle de l'encadrement de l'équipage, c'est-à-dire renforcer les pouvoirs du conseil d'administration. S'il faut tirer une leçon de la crise du printemps en 1996 (qui a frappé France 2), c'est bien celle de l'inefficacité du contrôle exercé par les conseils d'administration, qui sont, plus exactement, des chambres d'enregistrement. Une proposition de loi, déposée par les présidents des groupes parlementaires de la majorité sénatoriale le 27 juin 1996, propose de rebâtir l'organisation de France Télévision en dotant la présidence commune de la personnalité juridique, tout en établissant à ses côtés un véritable conseil d'administration.

La création de cette holding aurait pour avantage de donner une base de départ pour assurer le regroupement de l'ensemble du secteur public, a fin d'accélérer la circulation des programmes entre les chaînes mais aussi de gérer les nouvelles initiatives, telle la création de chaînes thématiques ou la diffusion numérique des programmes.

III - Trois bombes à désamorcer

1 - Le siège commun

Votre rapporteur a toujours approuvé l'initiative de regrouper, dans un souci d'économie et d'efficacité, les sites de France Télévision, disséminés à travers Paris. La gestion financière de ce dossier est, selon l'audit du secteur public, saine. En revanche, on doit regretter que le projet ait été conçue sur la base d'une reconduction des surfaces existantes, sans réexamen de l'ensemble des besoins, notamment pour ce qui concerne les studios : France 2 dispose actuellement de trois studios et France 3, de deux studios, Additionner ces chiffres au sein du nouvel immeuble ne relève pas d'un grand souci de bonne gestion, ni d'un bon esprit d'économies... Et c'est pourtant ce qui s'est fait. Qui en porte la responsabilité ?

Certains estiment même que le siège commun va manquer de place (pour 3 000 m 2 , soit 10 % de la surface) alors que l'immeuble est en cours de construction. C'est ce qui fait apparaître une insuffisance de préparation : ne pouvait-on prévoir que « le bâtiment n'a pas la rentabilité de surface attendue, certains compartiments de l'immeuble, de forme triangulaire, posant des difficultés d'aménagement » ? ... Ne faudrait-il pas éviter une nouvelle affaire de LA VILLETTE !

2 - La convention nationale collective et unique

des personnels de l'audiovisuel

Datant de 1984, à l'époque où les trois chaînes du secteur public se trouvaient en position de monopole, elle devrait être renégociée. En effet, elle handicape l'ensemble du secteur public. D'ailleurs les structures les plus dynamiques. La Cinquième, les opérateurs de l'audiovisuel extérieur, sont en dehors de son champ d'application.

Si la convention nationale unique doit être révisée et adaptée, c'est parce qu'elle ankylose le secteur public et lui fait perdre la souplesse nécessaire dans une branche qui connaît une profonde révolution technologique liée à la numérisation et qui fait entrer l'audiovisuel français dans une ère nouvelle. Sa rigidité impose le recours à des accommodations qui ont atteint un niveau peu compatible avec les règles de gestion d'une entreprise publique dans un secteur soumis à des bouleversements constants.

Mais peut-elle être renégociée ? La question mérite d'être posée !

3 - Maintenir la garde pour défendre l'indispensable exception culturelle

Pour mériter l'exception culturelle, la France doit construire une industrie forte de programmes audiovisuels. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas baisser la garde. Au Parlement européen au cours de la renégociation de la directive Télévision Sans Frontières, la perspective du renforcement des quotas européens semble bien s'éloigner à tout jamais... Raison de plus pour renforcer l'industrie française de programmes audiovisuels avant que cette ligne Maginot, ainsi affaiblie, ne soit contournée par les satellites...


• Le financement de la production audiovisuelle et cinématographique ne doit pas être perturbé, à la merci de mesures fiscales inspirées par une recherche d'économies apparentes.
Si votre rapporteur Partage le souci de ceux qui souhaitent plafonner certains avantages fiscaux manifestement excessifs, il estime que le maintien de l'outil de production audiovisuelle est prioritaire au nom de la défense des intérêts culturels de notre pays. Ainsi, la modification du régime fiscal des SOFICA ne doit-elle pas conduire à l'assèchement du marché. C'est pourquoi, votre rapporteur a proposé, avec M. le rapporteur général de votre commission, un amendement aménageant le dispositif de l'article 2 bis adopté par l'Assemblée nationale, amendement qui a été adopté par le Sénat.


De même, des projets de négociations de directives communautaires font apparaître que la commission européenne est trop perméable à certaines idées favorables aux intérêts américains.

Votre rapporteur fait part de ses préoccupations face à plusieurs projets de textes en discussion au sein des instances européennes dans le domaine des nouveaux services de la communication audiovisuelle qui se développent dans le cadre des autoroutes de l'information.

Au travers des différents textes de droit positif ou en cours d'élaboration dans le secteur audiovisuel, dans le secteur des télécommunications ou encore celui de la propriété intellectuelle, il est frappant de constater que les deux principes fondamentaux du droit français ne se retrouvent pas en droit communautaire : la distinction entre communication audiovisuelle et télécommunication n'a nulle part été précisée et le traitement juridique des services audiovisuels est lié à l'approche technique de leur prestation. Le traitement des nouveaux services qui en découle logiquement est donc inquiétant.

Ainsi dans les textes en cours d'élaboration, la commission européenne tente-t-elle d'élaborer une différence de traitement entre "nouveaux services" et « services traditionnels ».

Pour la commission, en effet, mais aussi pour la plupart des États membres, l'ensemble des services fournis sur appel individuel échapperaient ainsi à l'application de la réglementation audiovisuelle traditionnelle. Les conséquences de ce raisonnement peuvent être extrêmement préjudiciables. En effet, la frontière entre communication audiovisuelle et télécommunication n'étant pas précisée, de nombreux services communication audiovisuelle pourraient de fait être assimilés à des services de télécommunications. Or, la réglementation audiovisuelle traditionnelle a, par nature, vocation à s'appliquer à l'ensemble des services de communication audiovisuelle. Tel est d'ailleurs le choix logiquement opéré dans le cadre de la loi du 10 avril 1996.

Par ailleurs, assimiler juridiquement la vidéo à la demande ou l'ensemble des services en ligne à Internet est tout à fait contestable. Les problèmes juridiques posés par Internet, qui se réduisent essentiellement à des questions d'une part de droit de la propriété intellectuelle et de droit pénal international d'autre part, sont sans commune mesure avec ceux d'un service de vidéo à la demande d'oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques.

Ces dérives pourraient avoir de graves conséquences et vider de sa substance l'exception culturelle qui protège, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, le secteur audiovisuel, et fonde la légitimité des obligations imposées aux opérateurs en protégeant les cultures européenne et nationales.

En effet, si les nouveaux services entraient dans le champ de compétence des télécommunications, ils échapperaient ainsi à toute préoccupation culturelle.

IV - Trois pièges à éviter

1 - Un risque de déficit artificiel pour France Télévision

Votre rapporteur s'inquiète des résultats financiers prévisibles pour France Télévision : les chaînes publiques pourraient connaître, en 1997, un déficit artificiel dû aux erreurs de prévision qui pourraient venir de ce projet de budget et fondées sur une double surestimation : des recettes publicitaires et du montant des économies projetées.

Il faut éviter que le secteur public fasse le remake d'un mauvais film, celui de l'année 1990 : « A la fin de l'année 1990 [le président de France Télévision et le directeur d'Antenne 2] s'aperçoivent d'un dérapage budgétaire d'environ 250 millions de francs qui, ajouté aux 400 millions de francs de manque à gagner publicitaire prévu, mène la chaîne droit à un déficit record ». (« La télévision, dix ans d'histoires secrètes ». M.-E. Chamard et P. Kieffer, Flammarion, 1992). Une telle erreur sur la fixation administrative du montant de recettes publicitaires avait, à l'époque, été dénoncée par votre rapporteur ( ( * )3) , mais sans résultat...

Au terme de cette étude, la construction du budget pour 1997 de France Télévision suscite donc les plus vives réserves de votre rapporteur Le risque d'étranglement budgétaire existe bel et bien.

Le déficit de France Télévision pourrait atteindre 350 à 390 millions de francs en 1997 (150 pour France 2 et 200 à 240 pour France 3).

2 - Une trop grande dépendance à l'égard

de la variable d'ajustement publicitaire

On a tiré des conséquences inverses à la suite de la crise que France Télévision a connue au printemps 1996. La vérité était que le montant élevé des contrats des animateurs-producteurs résulterait d'une trop grande dépendance de France 2 à l'égard du marché publicitaire. Il aurait donc fallu augmenter le montant des ressources publiques et diminuer la part des ressources publicitaires. Le Gouvernement a, au contraire, augmenté cette part, au motif que l'argent des contribuables ne devait pas financer de tels contrats. Il s'agit d'un grave contresens puisqu'on a fait le contraire de ce qu'il aurait fallu faire.

Une fois de plus - et pour un niveau jamais atteint jusqu'à ce jour - la tutelle utilise les ressources publicitaires comme variable d'ajustement du budget du secteur public de l'audiovisuel, selon le principe des vases communicants. Mais la tutelle n'a aucune prise sur le montant de cette variable, sinon la responsabilité de mettre un chiffre sur le papier : précisément le chiffre qui permet de présenter un budget en équilibre...

Pour savoir si les budgets des chaînes publiques pouvaient être en équilibre, il faut désormais consulter les résultats du marché publicitaire.

Pour le budget 1997, la tutelle aurait dû se montrer plus prudente, en consultant le rapport de la mission d'audit qui estimait que rien n'assurait « que le gisement de recettes publicitaires disponibles pour l'audiovisuel traditionnel (...) continue de croître au rythme de 10 % par an, ni même qu'il demeure stable ». Mais - dans la masse des rapports demandés en 95-96 par le Gouvernement - ce rapport d'audit a-t-il été lu ?

L'erreur de prévision est particulièrement inquiétante pour France 3 . En effet, alors que les prévisions de recettes publicitaires pour 1996 ont été estimées à 1 500 millions de francs, elles n'atteindront vraisemblablement que 1 385 millions de francs compte tenu du retournement du marché publicitaire intervenu cet été. Or, la tutelle a calculé une progression de 5,5 % sur une base erronée, et le chiffre de 1 585 millions de francs semble inaccessible : il supposerait une progression de 14 % des ressources publicitaires en 1997. Si France 3 réalise 1450 millions de francs de recettes publicitaires, le déficit de ressources pourrait être l'an prochain de 135 millions de francs. Si le chiffre d'affaires publicitaire atteint 1 400 millions de francs, le déficit sera mécaniquement porté à 185 millions de francs etc...etc...

3 - Restructurer l'action audiovisuelle extérieure

sans la rationaliser

Le rapport Balle eut pour mérite de poser les jalons d'une stratégie audiovisuelle extérieure. La restructuration de cette politique autour de priorités nettement définies clarifierait une action jusque là brouillonne. Les réformes de structure proposées, comme le holding TéléFi, s'inspirant des propositions de votre rapporteur, relatives à l'agence mondiale de l'audiovisuel français, celui-ci ne peut que les approuver.

Mais rationaliser cette action n'a pas encore été fait.

A quoi a servi le Conseil de l'Audiovisuel Extérieur de la Franc de décembre 1995 qui avait finalement réaffirmé l'ambitieux plan de développement quinquennal 1994-1998, puisque sa mise en oeuvre a été reportée de 1997 à plus tard ?...

Pourquoi avoir travaillé du mois de décembre 1995 au mois de septembre 1996 sur un schéma de rapprochement par métier ? Pourquoi, après avoir prévu que les opérateurs de télévision extérieure, TV5 CFI, devraient être adossés à France Télévision, comme l'annonçait à Hourtin le ministre de la Culture chargé de la communication, au mois d'août 1996, et procéder ensuite à une volte-face aussi subite que mystérieuse ?

On parle, en effet, maintenant d'un rapprochement par action. TV5 et CFI devant être pris en charge par RFI. par l'interposition d'un holding. Le rapprochement avec France Télévision aurait toutefois permis d'insuffler le vent du large dans les programmes trop franco-français de nos opérateurs nationaux et d'envisager la création de modules de programmes d'informations télévisées destinées spécifiquement à l'international.

Enfin, qui veut rationaliser doit d'abord raisonner. Le rapprochement entre LCI et CFI paraît de prime abord séduisant pour créer une chaîne internationale d'information en continu. Mais il ne faut pas oublier que les images dont dispose LCI ne sont mises à sa disposition qu'à la condition expresse qu'elles soient diffusées uniquement en France. Ensuite, on ne comprend pas pourquoi le secteur public devrait rechercher dans le secteur privé ce dont il dispose déjà ! En effet. Euronews et l'Agence internationale d'images de télévision, respectivement diffuseur d'informations européen et prestataire de service, sont alimentées par des fonds publics qu'il serait sans doute plus judicieux de rentabiliser plutôt que de créer une nouvelle structure.

Au demeurant, la création d'une chaîne spécifique, le troisième opérateur avec LCI et TV5, ne s'impose pas. Il vaudrait mieux créer des modules d'information destinés à la diffusion internationale au sein des structures existantes, pour atteindre le même objectif, et à un moindre coût.

« La véritable tutelle sur l'audiovisuel public est celle du ministère des Finances » .

Rapport de la commission d'étude de la politique culturelle de l'État. « Pour une refondation de la politique culturelle », octobre 1996

* (2) Great rating point : coût nécessaire pour diffuser un message susceptible de toucher 1 % de la cible choisie.

* (3) Projet de loi de finances pour 1991, rapport général tome III, annexe 10, du 19 novembre 1991, p. 154 notamment.

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