Rapport général n° 86 (1996-1997) de M. François TRUCY , fait au nom de la commission des finances, déposé le 2 décembre 1996

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N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 45

DÉFENSE :

DÉPENSES ORDINAIRES

Rapporteur spécial : M. François TRUCY

(1)Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A. 590.

Sénat : 85 (1996-1997).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Place et évolution du titre III dans le budget de la Défense

L'année 1997 première annuité de la programmation va être une année capitale pour le personnel de la Défense. Outre le budget, celui-ci sera concerné par trois lois : sur la professionnalisation (en cours d'examen au Parlement), sur la conscription, sur les réserves.

Le changement qualitatif et quantitatif dans les effectifs entraînera, évidemment, des conséquences importantes :


• pour les intéressés, leur emploi, leur carrière, leur résidence et, partant, leur vie non seulement professionnelle mais familiale ;


• pour le fonctionnement des armées, des unités et des services dont une partie sera supprimée et dont l'autre connaîtra un nouvel équilibre entre personnel militaire, recentré sur ses tâches proprement opérationnelles et personnel civil appelé à remplacer une partie du personnel militaire "non opérationnel".

C'est donc essentiellement à travers les moyens financiers destinés à assurer ces changements, dans les meilleures conditions pour l'institution militaire comme pour son personnel, que doit être examiné le budget en projet. Il faut souligner, en effet, qu'aussi bien les départs que les recrutements dépendront du seul volontariat : d'où l'importance des incitations financières.

Plusieurs constats doivent être faits qui nourrissent certaines interrogations, le budget en projet accentuant les évolutions déjà constatées les années précédentes et signalées dans mon précédent rapport :


• le poids croissant des crédits de rémunérations ;


• l'amoindrissement corrélatif des crédits de fonctionnement ;


• l'inconnue des dépenses dues aux opérations extérieures.

2. Le poids croissant des crédits de rémunérations et de charges sociales (RCS)

De 1990 à 1996, les dépenses de RCS de la Défense ont augmenté en francs constants de 3 milliards de francs soit + 4 % ; dans la même période la valeur de l'indice de la fonction publique n'a augmenté que de 0,3 % et les effectifs ont diminué de 10 %. Mais la diminution des effectifs, qui a surtout porté sur les appelés (- 50.000) et qui est appelée à se poursuivre, a servi, en fait, à "gager" financièrement les mesures catégorielles et indiciaires.

Dans le projet de budget pour 1997 cette progression des RCS se poursuit : pour la première fois elles représentent plus des trois quarts du titre III (près de 78 milliards de francs). Sera-t-elle suffisante pour assurer un recrutement correspondant aux besoins, en nombre et en qualité ? En sens inverse, l'attrait financier sera-t-il suffisamment incitatif aux départs ?

3. L'amoindrissement corrélatif des crédits de fonctionnement

De 1990 à 1996, la part des crédits de fonctionnement dans le titre III (crédits hors RCS) est passée de 30 à 25 %. En 6 ans, ils ont chuté de 14 % en francs constants. Leur décroissance est donc beaucoup plus sensible que celle des effectifs. Certes des "seuils" de fonctionnement interdisent d'établir un parallélisme strict entre l'évolution des effectifs et celle des crédits de fonctionnement.

Pour 1997 il convient en tout état de cause de noter :

- que la diminution des effectifs va provoquer des fermetures d'unités des forces et d'établissements de services et, partant, un allégement des dépenses de fonctionnement, fermetures qui seront cependant étalées tout au long de l'année ;

- mais qu'en sens inverse :


• la déflation des effectifs provoque un recours accru à la sous-traitance ce qui obère les crédits de fonctionnement (hors RCS),


• de nouvelles charges (+ 1 milliard de francs) doivent être financées : frais d'affranchissement, cotisations d'assurances maladie des personnels civils,


• les bases de calcul des crédits de carburants apparaissent sous-évaluées : baril à 16,5 dollars et dollar à 5 francs soit 1 010 francs le m 3 de carburant alors qu'il coûte, actuellement, 1 350 francs ; or l'activité opérationnelle est étroitement dépendante des dotations en carburants.

Les dotations prévues se situent-elles au niveau d'équilibre entre ces facteurs aux effets contraires ?

4. L'inconnue des dépenses dues aux opérations extérieures

Désormais, et conformément à la loi de programmation, les opérations extérieures dites "courantes" doivent être financées sous enveloppe budgétaire, seules les opérations qui ne le sont pas - ainsi reconnues comme telles par décision du chef de l'État - donnent lieu à un supplément de ressources.

Or toutes ces dernières années, le surcoût des opérations extérieures a oscillé entre 4 et 5 milliards de francs ; il est évalué pour 1996 à plus de 5 milliards de francs (dont 3,5 milliards de francs pour l'ex-Yougoslavie).

Une double inconnue pèse donc sur ces opérations :


• quel en sera le coût en 1997 ?


• quelles seront celles considérées comme opérations "courantes" financées sous enveloppe ?

*

Au total la gestion des crédits du titre III s'annonce comme devant être particulièrement rigoureuse pour 1997 et cela même si aucun report de charges ne vient d'emblée l'obérer.

Peut-être ne serait-il pas inutile, au demeurant, d'engager une réflexion sur le niveau de nos opérations extérieures dont le surcoût est passé de 1,75 milliard de francs 1992 à plus de 5,5 milliards de francs en 1996 ?

Tout dépassement sur le titre III devra, en effet, être pallié :


• soit par des prélèvements sur le titre V (qui jusqu'à présent a été systématiquement mis à contribution pour financer le surcoût des opérations extérieures), prélèvements provoquant de nouveaux retards et de nouveaux étalements dans le déroulement des programmes d'équipement ;


• soit par une diminution du nombre des recrutements avec les conséquences inévitables sur les implantations en France, ou (et) le prépositionnement en Afrique et sur la capacité de projection des forces.

L'expérience de l'année 1997 sera donc capitale pour la poursuite de l'ambitieuse réforme de nos armées. Elle permettra, en particulier, de tester la validité de l'estimation des dotations financières destinées à inciter certains au départ et d'autres à l'engagement.

Elle devra être suivie avec une particulière attention tout au long de l'année.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Finances a procédé le jeudi 7 novembre 1996 à l'examen des crédits de la défense : dépenses ordinaires (titre III), sur le rapport de M. François Trucy, rapporteur spécial.

M. François Trucy, rapporteur spécial a tout d'abord indiqué que le projet de budget de la défense pour 1997 s'élevait à 243,3 milliards de francs.

Il a précisé que le titre III représentait 53,5 % du budget et que l'augmentation de ses crédits était conforme au montant prévu par la loi de programmation (+ 1,6 % en francs courants).

Il a ensuite souligné le poids des dépenses de rémunération (76 % du titre III) et a constaté qu'elles augmentaient de 3,9 % malgré la suppression de 26.600 emplois liée à la forte diminution du nombre des appelés.

M. François Trucy, rapporteur spécial a ensuite décrit les mesures d'accompagnement de la professionnalisation des armées qui s'élèveront à 1,5 milliard de francs en 1997.

Il a souligné que les autres crédits de fonctionnement représentaient 24 % des crédits du titre III et s'élevaient à 24,5 milliards de francs, en diminution de 5,3 % par rapport à ceux de 1996.

En conclusion, M. François Trucy, rapporteur spécial, a fait part de ses observations.

Il a déclaré que l'année 1997 serait capitale, à la fois pour le personnel de la défense et pour l'avenir de ce secteur que trois lois sur la professionnalisation, sur la conscription et sur les réserves allaient bouleverser profondément.

M. François Trucy, rapporteur spécial, a également évoqué le poids croissant des crédits de rémunération et des charges sociales dans le budget, tout en se demandant si ces crédits seraient suffisants pour assurer un recrutement correspondant aux besoins, en nombre et en qualité, d'une armée moderne.

Enfin, il s'est inquiété de l'évolution des opérations extérieures. Rappelant que selon la loi de programmation, elles devaient être financées sous enveloppe budgétaire, il a fait remarquer que ces dernières années, le surcoût de ces opérations avait oscillé entre 4 et 5 milliards de francs et a fait part de sa crainte que des prélèvements soient réalisés sur le titre V afin d'assurer leur financement.

Un large débat s'est alors ouvert dans lequel sont intervenus M. Alain Lambert, rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Hubert Haenel, M. Guy Cabanel et M. Christian Poncelet, président.

En réponse aux intervenants, M. François Trucy, rapporteur spécial, a déclaré qu'il serait très attentif à l'évolution de l'appareil de défense de la France et a proposé la rédaction d'un rapport d'étape sur l'application de la loi de programmation.

Il a aussi souligné que l'État devra consentir un effort financier important pour assurer un recrutement de qualité de la future armée professionnelle française.

Par ailleurs, il a regretté que les contraintes de calendrier obligent de voter les crédits du budget de la défense avant l'examen des trois lois sur la professionnalisation, sur la conscription et sur la réserve qui sont amenées à influencer ce budget en profondeur.

Enfin, évoquant les inquiétudes des parlementaires sur la capacité de la France à augmenter rapidement son potentiel militaire en cas de crise grave, M. François Trucy, rapporteur spécial, a estimé que le débat sur le projet de loi relatif aux réserves devra avoir pour objectif d'obtenir des garanties suffisantes du Gouvernement sur l'efficacité de la nouvelle organisation des réserves.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la défense (dépenses ordinaires) ainsi que les articles 37 et 39 du projet de loi de finances.

INTRODUCTION

Dans le projet de budget de la Défense pour 1997, première annuité de la programmation, le titre III doit apporter les moyens financiers nécessaires pour mener à bien l'importante réforme de notre dispositif de défense dont tout un volet concerne les effectifs.

Dans un budget globalement en régression, le titre III progresse en francs courants et reste stable en francs constants. Mais l'interrogation majeure est celle de savoir si ces moyens - qui dépassent 100 milliards de francs - répondront aux besoins d'une professionnalisation accrue qui doit s'accompagner corrélativement d'une incitation aux départs, incitation essentiellement financière puisque tout dégagement autoritaire a été écarté.

Cette interrogation se place dans un contexte d'ensemble marqué par la poursuite de l'accroissement de la part relative du titre III qui, depuis 1996, représente plus de la moitié du budget total de la Défense, accroissement qui ne peut cependant se poursuivre sans mettre en cause l'équilibre général entre le fonctionnement et l'équipement, gage de la réussite de la programmation.

PREMIÈRE PARTIE - PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DU TITRE III

CHAPITRE I - LE TITRE III ET LE BUDGET DE LA DÉFENSE

I. MONTANT DU BUDGET DE LA DÉFENSE

Le budget de la Défense s'élève à 243 338 millions de francs, pensions comprises, ou 190 922 millions de francs hors pensions.

Les ressources dont disposera le ministère de la Défense résultent pour 1997 uniquement de dotations budgétaires. Le calcul en crédits disponibles, c'est-à-dire en ressources dont l'expérience a montré qu'elles étaient le plus souvent hypothétiques, se trouve donc abandonné.

La part dans le budget général des moyens disponibles pour la Défense est de 12,3 % et dans le produit intérieur brut de 2,3 %.

Hors pensions le budget en projet recule de 4,3 %. Le titre III quant à lui progresse de 1,6 %, soit un maintien en francs constants.

II. MONTANT DU TITRE III

Le montant du titre III atteint 102 223 millions de francs.

Le tableau ci-dessous retrace son évolution par rapport à 1996.

En francs constants les crédits du titre III ont évolué comme suit :

À cette somme de 102,2 milliards de francs, il convient d'ajouter 52,4 milliards de francs correspondant à la charge des pensions (43,8 milliards de francs pour les pensions militaires, 8,6 milliards de francs pour les pensions civiles.

III. PART DU TITRE III DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE

Le tableau ci-contre retrace l'évolution des deux titres au sein du budget de la Défense.

La part relative du titre III qui s'était maintenue au-dessous de 50 % du budget total à partir de 1987 et jusqu'en 1995, dépasse maintenant 50 % du fait de l'accroissement du titre III dans un budget en diminution globale.

TITRE III ET V DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE DEPUIS 1986

1 ( * )

CHAPITRE II - LES CRÉDITS DU TITRE III

La progression des crédits du titre III en francs courants (+ 1,6 %) est due essentiellement à l'accroissement des crédits de rémunérations (+ 3,9 %). Elle stabilise les crédits du titre en francs constants.

I. VENTILATION DES CRÉDITS PAR SECTION

L'évolution de 1996 à 1997 est retracée par le tableau ci-dessous.

VENTILATION PAR SECTION

(En millions de francs)

La réduction des crédits des sections d'armées est due essentiellement à la diminution des effectifs, alors que les crédits de la Gendarmerie progressent, tout comme progressent ses effectifs.

La forte augmentation des crédits de la section commune tient notamment à de nouvelles charges (cotisations d'assurance-maladie des personnels civils, notamment).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES

L'évolution quelque peu discordante des crédits de rémunérations et de charges sociales appelle les commentaires particuliers qui suivent.

II. ANALYSE DES DÉPENSES PAR NATURE

Dans le tableau ci-dessous figurent les crédits du titre III ventilés par nature de dépenses.

ANALYSE DES DÉPENSES PAR NATURE

A. LES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES

Ils s'élèvent à 77,7 milliards de francs et représentent 76 % du titre III. Ils augmentent de 4 %.

Cette évolution résulte, malgré la suppression de 34 304 emplois, du financement des mesures d'accompagnement de la professionnalisation :


• incitation au départ ;


• et surtout, hausses concernant l'ensemble de la fonction publique intervenues au cours de l'année 1996.

B. LES AUTRES CRÉDITS

Ils représentent, au total, 24 % des crédits du titre III et s'élèveront à 24,5 milliards de francs, en diminution (- 5,3 %) par rapport à ceux de 1996 (25,8 milliards de francs).

Cette évolution résulte d'évolutions négatives surtout marquées pour les crédits d'entretien programmé des matériels dont un milliard de francs a été transféré sur le titre V.

III. L'AVENIR DU TITRE III

La réforme de notre dispositif de défense provoquera d'importants changements à la fois quantitatifs et qualitatifs dans les effectifs. Les moyens financiers affectés à ces changements appellent constats et interrogations. Le budget en projet accentue, en effet, les évolutions déjà constatées dans notre rapport budgétaire pour 1996.

A. L'INERTIE GRANDISSANTE DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES

Pour 1997, la part des rémunérations et charges sociales dépasse les trois quarts du titre III. Mais ces moyens financiers, même accrus en volume, seront-ils suffisants pour engager la professionnalisation, assurer les recrutements, inciter aux départs ? La suppression de la conscription va entraîner le remplacement d'une ressource abondante et peu onéreuse par une ressource moins nombreuse mais beaucoup plus coûteuse.

B. L'AMOINDRISSEMENT CORRÉLATIF DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT

De 1990 à 1996 la part des crédits de fonctionnement dans le titre III (crédits hors R.C.S.) est passée de 30 à 25 %.

Ces crédits seront de 24 503 M.F. en 1997 ; ils étaient de 25 811 M.F. en 1990. En 7 ans, et en francs constants, ils ont ainsi chuté de 14 %. Ils ont donc décru beaucoup plus sensiblement que les effectifs.

L'allégement des dépenses de fonctionnement dû à la fermeture d'unités et d'établissements, imposée par la diminution des effectifs, suffira-t-il à compenser l'accroissement des charges (recours accru à la sous-traitance, coût des carburants qui paraît d'ores et déjà sous-évalué, nouvelles charges : frais d'affranchissement, cotisations d'assurance-maladie des personnels civils) ?

C. LE « GRIGNOTAGE » DU TITRE III PAR LA GENDARMERIE

En 1980, les dotations de la Gendarmerie représentaient 15 % des crédits du titre III, en 1997, 19 %.

La Gendarmerie comptait pour 13 % des effectifs militaires en 1980 ; en 1997 près de 20 % des militaires seront des gendarmes. Or on sait que l'essentiel des activités de la Gendarmerie - dont l'activité n'est certes pas en cause - n'est cependant pas militaire.

Mais la réforme des armées provoquera un nouvel équilibre dans les missions : c'est à la Gendarmerie qu'incombera, pour l'essentiel, la charge de la défense du territoire.

D. L'INCONNUE DU COÛT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Le nouveau mode de financement de ces opérations conduit à les répartir en deux catégories :


• les opérations dites « courantes », financées sous enveloppe budgétaire ;


• les opérations « extraordinaires », qualifiées comme telles sur décision Gouvernementale entérinée par le chef de l'État, et donnant lieu à financement spécial.

Les dépenses supplémentaires générées par les opérations extérieures dépassent, en 1996, 5 milliards de francs.

Pour 1997 ni le coût, ni la qualification des opérations ne sont encore connus.

DEUXIÈME PARTIE - LES PERSONNELS

La loi de programmation militaire votée par le Parlement au mois de juin porte à la fois sur les effectifs et les équipements.

Elle a d'importantes conséquences sur les effectifs qui doivent être réduits et s'agissant des militaires, professionnalisés.

Le projet de budget, première annuité de la programmation, entame donc les importantes inflexions retracées par la loi de programmation. Mais avant d'examiner l'évolution des effectifs civils et militaires de la Défense prévue pour 1997, il nous a paru nécessaire de replacer celle-ci dans l'architecture d'ensemble visant à construire :


• la réorganisation des forces ;


• le nouveau dispositif de formation et de soutien ;


• la réorganisation du commandement et des structures territoriales.

Il s'agit là, en fait, de trois étapes dont la deuxième et la troisième ne prendront place qu'à partir de l'an 2000.

Pour la période ouverte à partir de 1997 et qui se prolongera jusqu'à l'an 2000, les adaptations porteront surtout sur les unités des forces. Ce sont donc ces mesures d'adaptation qui seront d'abord examinées. Elles donnent toute leur signification aux mouvements des effectifs budgétaires prévus pour 1997.

CHAPITRE I - LA RÉORGANISATION DES FORCES

Le cas des trois armées et de la Gendarmerie sera tour à tour examiné, l'armée de Terre supportant les transformations les plus importantes.

I. L'ARMÉE DE TERRE

Elle passera de 1997 à 2002 de 268 000 à 172 000 hommes (138 000 militaires et 34 000 civils).

Aux neuf divisions actuelles se substitueront à terme, quatre groupements de forces d'environ 15 000 hommes chacun :


• une force blindée,


• une force mécanisée,


• une force d'intervention blindée rapide,


• une force d'infanterie d'assaut.

Cela entraînera une réduction du nombre de régiments et la dissolution ou la transformation de plusieurs états-majors qui interviendront au cours de la période 1997-1999. Corrélativement les organismes de formation seront remaniés.

A. LA RÉDUCTION DU NOMBRE DE RÉGIMENTS

Cette réduction traduit la réduction du format de l'armée de Terre et, en particulier, la diminution de l'effectif des appelés, substance essentielle, à l'heure actuelle, des régiments des forces.

Pour la période 1997-1999, 38 régiments des forces seront dissous. Onze régiments des forces françaises stationnées en Allemagne seront disparus et l'un, le 42 ème régiment de transmissions d'Achern sera transféré à Laval.

Resteront stationnées en Allemagne du Sud, les trois unités appartenant à la Brigade franco-allemande :


• l'état-major de la Brigade et son bataillon de soutien à Mülheim ;


• le 3 ème régiment de hussards, transféré de Pforzheim à Immendingen ;


• le 110 ème régiment d'infanterie à Donaueschingen.

Le 16 ème groupe de chasseurs sera, en outre, maintenu à Saarburg.

B. LA DISSOLUTION OU LA TRANSFORMATION D'ÉTATS-MAJORS

Seront dissous, les états-majors des forces françaises stationnées en Allemagne (Baden), de la force HADÈS (Lunéville), de la brigade d'Alsace (Strasbourg), de la force d'action rapide (Maisons-Laffitte) et ceux des l ère et 2 eme divisions blindées (Baden et Versailles).

Seront transformés, un état-major de brigade de l'Aviation légère de l'armée de Terre, l'état-major de la 4 ème division aéromobile et un état-major du Commandement opérationnel des forces terrestres, l'état-major du 3 ème Corps d'armée à Lille.

C. L'ADAPTATION DES ORGANISMES DE FORMATION

Cette adaptation est, évidemment, dictée par le volume des effectifs à instruire. Elle se manifestera par :

- le regroupement de plusieurs écoles :


• l'école nationale technique des sous-officiers d'active d'Issoire au sein de l'école nationale des sous-officiers d'active de Saint-Maixent ;


• l'école nationale des sous-officiers du Commissariat de l'armée de Terre d'Auch au sein de l'école nationale du Commissariat de l'armée de Terre de Montpellier ;

La fermeture de l'école de spécialisation du matériel de Châteauroux entraînera le transfert d'une partie des missions de cette école vers l'école supérieure d'application du matériel de Bourges.

- la transformation ou la dissolution de régiments-écoles :


• le 3 ème régiment de chasseurs et le 507 eme régiment de chars de combat de Fontrevaud seront transformés en un régiment unique des forces ; le 3 ème régiment d'artillerie de marine de Canjuers deviendra également régiment des forces ;


• le 401 ème régiment d'artillerie de Draguignan, le 3 ème régiment d'infanterie du camp de Nîmes-les-Garrigues, le 38 ème régiment de transmissions de Laval et le 3 ème régiment de chasseurs parachutistes de Pau seront dissous.

- la fermeture d'unités d'instruction :


• le 4 ème régiment d'infanterie de marine de Fréjus ;


• le centre d'entraînement commando des Rousses.

II. LA MARINE

Ses effectifs passeront de 69 000 à 56 000 au cours des 6 années de la loi de programmation. Ils serviront les trois missions essentielles :


• dissuasion,
assurée par quatre SNLE et leur environnement (sous-marins d'attaque, frégates de lutte sous-marine, frégates de 2 ème rang, bâtiments de guerre de mines et avions de patrouille maritime) ;


• protection
des approches maritimes, et prévention des crises (frégates de surveillance, aéronefs de patrouille ;


• projection
de puissance (groupe aéronaval et groupe amphibie).

La Marine connaîtra à missions pratiquement inchangées :

- une réduction du nombre des bâtiments par treize désarmements anticipés dont, en 1997, le désarmement du porte-avions CLÉMENCEAU, de deux bâtiments de soutien logistique, d'une frégate de premier rang, d'une frégate de deuxième rang et d'un sous-marin ;

- une réorganisation de l'aéronautique navale :


• réduction de 28 à 22 appareils du parc d'ATLANTIQUE et dissolution de la flottille de CRUSADER de Landivisiau ;


• transfert à Lann-Bihoué et à Hyères d'aéronefs venant de Dugny-le-Bourget ;


• transformation de la base d'Hyères en base de déploiement des moyens aériens de la force d'action navale.

- une rationalisation des plates-formes de soutien :


• transformation de la base d'aéronautique navale de Cuers-Pierrefeu en établissement destiné à assurer le soutien de l'atelier industriel et des organismes logistiques de la Marine ;


• transfert des activités de l'Établissement principal de l'aéronautique navale de Quimper vers Lann-Bihoué.

III. L'ARMÉE DE L'AIR

Ses effectifs seront ramenés à de 93 500 à 71 000 au cours de la période de programmation. Elle disposera en fin de programmation d'une flotte de combat de 360 appareils (380 actuellement).

L'armée de l'Air continuera de mettre en oeuvre la composante aéroportée de la dissuasion (MIRAGE 2000 N/missile ASMP) ; elle participera à la prévention (appareils de reconnaissance, avions de recueil de renseignement, moyens d'exploitation du système d'observation satellitaire) ; elle assurera la surveillance de l'espace national ; elle concourra à la fonction de projection notamment par les capacités de transport aérien qui seront conservées à leur niveau actuel.

L'adaptation au resserrement des effectifs se traduira par :

- la transformation de la base aérienne de Toul-Rosières et de la base radar de Contrexéville en simples détachements air ;

- la dissolution du régiment du génie de l'air de Toul-Thouvenot.

La décision d'abandon de la composante nucléaire balistique sol-sol entraînera la dissolution de la base aérienne d'Apt après l'achèvement du démantèlement du 1 er groupement de missiles stratégiques du plateau d'Albion.

CHAPITRE II - LES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT DE LA PROFESSIONNALISATION

La professionnalisation des armées, prévue et organisée par la loi de programmation militaire, se traduira, dès 1997, par d'importants mouvements de recrutement et de départ de personnels militaires et civils au sein du ministère de la Défense. Mouvements purement volontaires, leurs motivations peuvent être diverses mais nécessitent la prise en compte des facteurs financiers.

Des mesures d'ordre législatif et réglementaire ont été en outre élaborées ou sont en cours d'adoption, elles visent à :

- favoriser le départ de cadres militaires et d'ouvriers ;

- permettre le recrutement d'un nombre plus important d'engagés ;

- compenser la mobilité liée à la mise en oeuvre des mesures d'adaptation du format des armées.

A. LE CONTENU DES MESURES

1. L'incitation au départ des cadres militaires et des ouvriers

L'évolution des effectifs ne sera pas provoquée de façon autoritaire par une loi de dégagement des cadres, mais reposera sur des mesures incitatives.

Certaines concernent uniquement les militaires et ont un caractère législatif :


• le pécule, qui pourra, en fonction de critères qui seront précisés par une directive d'application, être accordé aux officiers et sous-officiers désirant quitter le service et disposant de l'ancienneté requise pour bénéficier d'une retraite à jouissance immédiate (respectivement 25 ans et 15 ans de service) ;


• le congé de reconversion et le congé complémentaire de reconversion, chacun d'une durée maximale de six mois, qui permettront aux cadres militaires de préparer leur retour à la vie civile dans des conditions de statut et de rémunération identiques ou voisines (perte de l'indemnité pour charges militaires pendant le congé complémentaire) de celles du service actif ;


• la reconduction de la loi N° 75-1000 qui permet, sous conditions, à un officier de partir avec la retraite du grade supérieur à celui qu'il détient ;


• la reconduction de la loi N° 70-2 qui ouvre aux officiers et aux sous-officiers la possibilité d'accéder à des emplois dans une grande variété de corps de la fonction publique, le nombre des postes ainsi proposés étant en forte augmentation.

Telles sont les mesures figurant dans le projet de loi relative « aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées » en cours d'examen par le Parlement.

D'autres mesures, d'ordre réglementaire, s'adressent aux militaires et aux civils du ministère de la Défense.


• Pour les
militaires : revalorisation de l'indemnité de départ des sous-officiers subalternes et des caporaux chefs ;


• pour les civils :
augmentation du niveau de l'indemnité de départ volontaire et du nombre de départs à la retraite des ouvriers à 55 ans.

L'incitation au départ doit permettre à la fois d'adapter le niveau des effectifs et pour les personnels restant dans les armées, de maintenir des perspectives de carrière convenables.

2. L'incitation au recrutement d'un plus grand nombre de militaires du rang engagés

Le nombre de militaires du rang engagés doit doubler entre 1996 et 2002 et passer de 44 552 actuellement à 52 216 dès 1997.

La rémunération proposée aux militaires du rang engagés sera placée au niveau de l'indice 226, ce qui équivaut à une solde mensuelle nette de 5 595 F.

Cette mesure est conforme à la loi de programmation militaire qui prévoit que tout engagé percevra une solde d'un montant comparable au SMIC. Ce niveau de rémunération suppose le remplacement du régime de solde actuel (solde spéciale progressive et solde forfaitaire) par le régime de la solde mensuelle. Pour assurer le financement de cette mesure, qui bénéficiera à tous les engagés et qui prendra effet à compter du 1 er juin 1997, le projet de budget inclut une provision de 396 M.F.

3. La compensation du surcroît de mobilité

Les contraintes supplémentaires liées au surcroît de mobilité engendré par les mesures de restructuration des armées seront compensées par une amélioration des conditions de reconnaissance de la nouvelle affectation et d'indemnisation du déménagement.

Pour l'ensemble des militaires, le nombre de jours accordés pour la reconnaissance du nouveau lieu d'affectation sera porté de trois à six. En outre, les militaires des grades les moins élevés bénéficieront d'un relèvement du volume du transport de mobilier ouvrant droit à indemnisation et d'une revalorisation de leurs indemnités de déménagement.

Pour les civils, les indemnités d'accompagnement des mutations seront uniformisées entre les fonctionnaires et les ouvriers, leur montant étant sensiblement revalorisé.

B. LE FINANCEMENT DES MESURES

La mise en oeuvre rapide du dispositif destiné à inciter aux départs, à favoriser les recrutements et compenser les effets de la mobilité dépend largement de son financement.

Ce dispositif repose sur :

- la loi de programmation militaire qui a créé, on le sait, un « fonds d'accompagnement de la professionnalisation » doté de 9,1 milliards de francs 1995 ;

- les dispositions du projet de loi relative « aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées » en cours d'examen par le Parlement ;

- diverses mesures d'ordre réglementaire qui ont été arrêtées.

Au total, les crédits nouveaux prévus par le projet de budget s'élèvent à 1 460 M.F. et se répartissent de la manière suivante :


• 670 M.F. au titre des aides au départ des militaires, qui viendront s'ajouter aux crédits déjà ouverts en 1996 (160 M.F.) ;


• 67 M.F. au titre de l'aide à la mobilité des militaires, en plus des 820 M.F. prévus cette année ;


• 396 M.F. au titre de la revalorisation de la solde des militaires du rang engagés qui interviendra à compter du 1 er juin 1997 ;


• 327 M.F. au titre des aides au départ et à la mobilité des personnels civils, qui compléteront les 395 M.F. actuellement affectés au plan « formation mobilité ».

CHAPITRE III - LES EFFECTIFS MILITAIRES ET CIVILS

Globalement, les effectifs du ministère de la Défense diminueront de 4,4 % en 1997, passant de 600 508 à 574 116 (- 26 392), essentiellement en raison de la réduction du nombre des appelés.

Malgré la diminution du nombre des sous-officiers (- 1 459), les forces armées compteront cependant, l'année prochaine, davantage de militaires d'activé qu'aujourd'hui. De 297 836 en 1996, leur nombre s'élèvera en effet à 304 108 en 1997 (+ 6 272), l'objectif étant d'atteindre 330 012 en 2002.

Le projet de budget du ministère de la Défense pour 1997 marque, en effet, une étape essentielle dans la mise sur pied de l'armée professionnelle.

Pour les personnels civils, qui passeront d'un effectif de 99 855 à un effectif de 98 969, les créations et les suppressions d'emplois conduisent à un solde net négatif de 886 emplois.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Pour 1997 la répartition des effectifs sera la suivante

L'évolution des effectifs par armée ou par catégorie de personnels sera la suivante :

I. LES EFFECTIFS MILITAIRES

Les effectifs militaires passeront de 500 653 à 475 147. Le solde net s'établit à - 25 506.

Cette diminution des effectifs frappera essentiellement l'armée de Terre (- 21 300), mais n'épargnera ni l'armée de l'Air (- 6 300), ni la Marine (- 3 200), ni le service de santé des armées (- 900).

La Gendarmerie, pour sa part, disposera de près de 200 gendarmes auxiliaires supplémentaires et bénéficiera de la création de 230 emplois d'officiers.

Cette diminution globale couvre deux mouvements de sens contraire : une diminution du nombre des appelés (- 31 973), un accroissement du nombre des militaires d'activé (+ 6 271) résultant lui-même de la suppression de près de 1 500 emplois de sous-officiers et de la création de 7 664 emplois d'engagés et de 67 emplois d'officiers.

A. LA SUPPRESSION DE 1 459 EMPLOIS DE SOUS-OFFICIERS

Elle est liée à la réduction du nombre des appelés et, partant, de leur encadrement. 1 145 emplois seront donc supprimés dans l'armée de Terre, 270 dans l'armée de l'Air et 176 dans la Marine ; 3 emplois seront également supprimés à la Délégation générale pour l'armement.

En sens inverse, le service de santé des armées sera renforcé par l'ouverture de 135 postes supplémentaires, dont 80 infirmiers (MITHA).

Pour ce qui est de la Gendarmerie, la loi de programmation prévoit le maintien du nombre de ses sous-officiers en 1997 (77 728). La requalification des emplois de l'arme se traduira notamment, entre 1996 et 2002, par la création de près de 1 400 postes d'officiers supplémentaires, de 230 en 1997. Elle s'accompagne de la montée en puissance d'un nouveau corps de sous-officiers spécialisés dans les tâches administratives et techniques. En 1997, 565 emplois créés par transformation d'emplois de sous-officiers de gendarmerie rejoindront ce corps de soutien.

La Gendarmerie se verra, par ailleurs, pour la surveillance du réseau autoroutier, dotée de 74 emplois de sous-officiers supplémentaires dont le financement sera assuré par le fonds de concours mis en place à cet effet.

B. LA CRÉATION DE 7 731 EMPLOIS NOUVEAUX DE MILITAIRES D'ACTIVE


• Recrutement de 7 664 engagés supplémentaires

Aux termes de la loi de programmation, le nombre des engagés doit plus que doubler entre 1997 et 2002, passant de 45 000 environ à près de 92 000. Le projet de budget pour 1997 prévoit le recrutement de 7 664 engagés :

- 5 879 engagés volontaires (EVAT) pour l'armée de Terre ;

- 1 338 emplois nouveaux de militaires techniciens de l'air (MTA) ;

- et l'ouverture de 241 postes supplémentaires pour la Marine.


Création de 67 emplois d'officiers

Le sous-encadrement relatif des armées françaises par rapport aux armées occidentales comparables, ainsi que le besoin de présence de nos officiers dans les organismes de coopération internationale, expliquent que la loi de programmation ait prévu que le nombre des officiers diminuera relativement peu entre 1996 et 2002 (- 267), et en tout cas pas avant 1999.

En solde net, 67 emplois nouveaux seront créés en 1997. Cette évolution recouvre cependant des situations très différenciées selon les armées ou services. L'armée de Terre et la Délégation générale pour l'armement perdront en effet respectivement 231 et 7 postes d'officiers. En sens inverse, la requalification des emplois de la Gendarmerie conduira à la création de 230 postes. La Marine sera autorisée à pourvoir 70 emplois supplémentaires. Quant aux services communs, ils bénéficieront de la création de 5 emplois.


Progression continue des effectifs de la Gendarmerie

Au total les crédits du titre III - 15 534 millions de francs - affectés à la Gendarmerie s'accroissent de 3,5 %, soit 2 % en francs constants. Aux ressources budgétaires s'ajoutent les apports du fonds de concours autoroutier s'élevant à 554 millions de francs.

- 32 -

À cet accroissement des crédits répond une progression des effectifs : 765 emplois seront créés :


• 194 gendarmes auxiliaires,


• 74 sous-officiers,


• 226 officiers,


• 271 personnels civils.

Les ressources apportées par les fonds de concours permettront, en outre, de financer 74 postes de sous-officiers destinés à renforcer la sécurité du réseau des autoroutes.

II. LES EFFECTIFS CIVILS

A. ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES


• Par catégorie


• Par organisme de rattachement

2 ( * )

B. LES CRÉATIONS, SUPPRESSIONS ET TRANSFORMATIONS D'EMPLOIS PRÉVUES POUR 1997

Le recentrage des forces sur leur finalité première conduit à affecter prioritairement les personnels militaires à des emplois opérationnels. Pour permettre ce recentrage, 1 589 emplois nouveaux seront ouverts au personnel civil en 1997, essentiellement dans la Marine (+ 761), mais aussi dans l'armée de Terre (+ 364), dans la Gendarmerie (+ 207), dans l'armée de l'Air (+ 192) et à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

Dans le même temps, 2 254 emplois seront supprimés à la Délégation générale pour l'armement du fait de la réforme de ses structures et de ses modes de gestion et 207 dans les services communs.

Au total, la diminution des effectifs civils du ministère concernera 872 emplois en 1997 et sera donc, du fait de la professionnalisation, très inférieure à celle mise en oeuvre en 1993 (- 4 400), 1994 (- 3 000), 1995 (-2 255) et 1996 (-3 635).

III. L'ADMINISTRATION CENTRALE : UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE

À la professionnalisation doit nécessairement être associée une rénovation de l'organisation et des structures de l'ensemble des éléments constitutifs de la Défense.

Or l'évolution sur les six années couvertes par la loi de programmation prévoit trois étapes de réorganisation :


• celle des forces de 1997 à 1999 ;


• celle du dispositif de formation et de soutien en 2000-2001 ;


• celle du commandement et des structures territoriales en fin de période.

Elle laisse de côté toute réorganisation de l' administration centrale.

Il serait, évidemment, impensable de faire porter l'effort de réorganisation et de resserrement des effectifs sur les seules forces, unités et services ; mais les précédents n'incitent guère à l'optimisme en ce domaine. C'est là une raison supplémentaire pour rompre avec les pratiques antérieures.

Ce d'autant plus que la professionnalisation pèsera inévitablement sur le fonctionnement de l'administration centrale, grosse consommatrice en appelés de haut niveau. Or, on ne peut admettre qu'ils soient remplacés, nombre pour nombre, par des militaires de carrière, des fonctionnaires ou des agents contractuels.

Les circonstances imposent donc un réexamen des structures datant maintenant de plus de trois décennies, puisque mises en place en 1964 à la fin de la guerre d'Algérie ; et, depuis lors, elles n'ont cessé d'être alourdies par de nouvelles structures et compliquées par de nouvelles procédures.

Ce qu'il est convenu d'appeler la « réforme » de la Délégation générale pour l'armement constitue certes une étape sur une voie que doivent suivre tous les organismes centraux.

Le réexamen de leurs conditions de fonctionnement doit conduire entre autres :


• à modifier certaines structures et certaines habitudes internes au ministère par une « interarmisation » accrue ;


• à déplacer vers un niveau interministériel la charge de certaines missions.

- L' « interarmisation »

Elle passe d'abord, par l'affirmation de la place et du rôle de l'État-major des armées (E.M.A.), garant d'une unité de doctrine et d'action au sein des trois armées, qui doit être renforcé dans ses rapports avec les entités très structurées que sont le Secrétariat général pour l'administration (S.G.A.) et la Délégation générale pour l'armement (D.G.A.).

Deux exemples sont, à cet égard, très parlants :


• la Direction du renseignement militaire (D.R.M.) dont les missions sont définies par l'État-major des armées mais qui ne peut être contrôlée par celui-ci ;


• la Délégation aux affaires stratégiques (D.A.S.) qui, conceptuellement révèle une anomalie dans le rôle diminué laissé à l'État-major des armées (et aux autres états-majors), organiquement occupe une place tout à fait hybride et fonctionnellement se démultiplie en sous-traitances coûteuses à certains organismes extérieurs financés par l'attribution de « contrats d'études » ;

L'interarmisation par ailleurs n'implique pas nécessairement la création de nouvelles structures. Elle peut passer par la définition d'une armée ou d'un service « pilote » dans un domaine : infrastructure, restauration, habillement, approvisionnements pétroliers etc. L'exemple est déjà donné par les comités de coordination de l'infrastructure ou des commissariats ;

Enfin, les spécificités dans l'approvisionnement de produits voisins doivent être réexaminées pour éliminer toutes celles résultant simplement d'habitudes ou de facilités. Ainsi peuvent être définis des produits uniques communs aux trois armées. D'ores et déjà du reste le Service des essences des armées fournit un carburant unique.

- L' « interministérialisation »

Le nouveau service national qui reste à préciser, serait orienté, surtout, vers des formes non militaires. Certes, seules les armées peuvent, actuellement, accueillir, encadrer et sélectionner les masses de jeunes gens issus de la conscription.

Pour autant il importe de ne pas céder à la tentation de continuer, sans contrepartie financière, à faire appel aux installations et aux personnels militaires. Rappelons, au demeurant, que l'amendement parlementaire voté lors de l'examen de la loi de programmation exclut de l'enveloppe financière accordée à la Défense le financement des formes non militaires du volontariat. Or le « rendez-vous citoyen » dont la consistance est encore à définir supposera le maintien en activité de nombreux centres que la professionnalisation paraissait voué à la disparition. Quel en sera le coût ? Cette institution nouvelle concerne la plupart des ministères. Elle a un caractère interministériel et il n'apparaît pas que les missions actuellement confiées à la Direction du service national doivent continuer à être placées sous l'autorité et, surtout, le financement du ministère de la Défense. Quel sera, s'agissant de l'administration centrale, le sort et le rattachement de la Direction centrale du service national ?

*

Ces deux points particuliers ainsi évoqués : « l'interarmisation » et « l'interministérialisation » ne doivent toutefois pas faire oublier que l'administration centrale du ministère de la Défense appelle un réexamen d'ensemble. Notre rapport pour 1996 en avait exposé la nécessité et les modalités, compte tenu notamment des directives énoncées par le Premier ministre. Ce rapport avait souligné les difficultés pour le Parlement faute d'une information suffisante, d'arriver à une vue claire et complète de la situation, les documents budgétaires étant incomplets voire incohérents. On ne peut que regretter que sur ce point aucun progrès n'ait été fait.

CHAPITRE IV - LES PERSONNELS MILITAIRES D'ACTIVE

I. LES MESURES FINANCIERES

Outre la poursuite des mesures Durafour - à hauteur de 195 millions de francs - le budget en projet permettra de financer la revalorisation de la solde des engagés pour un total de près de 600 millions de francs ; mais aucune mesure n'est prévue pour les autres catégories de militaires d'activer.

REVALORISATION DE LA CONDITION MILITAIRE

(En millions de francs)

II. L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE VIE

Dans la perspective d'une professionnalisation accrue, les conditions de la vie quotidienne sont un facteur particulièrement important à la fois d'amélioration du recrutement et de stabilisation du lien au service des personnels. Elle exige, à l'évidence, des dotations financières appropriées.

A. CONDITIONS DE TRAVAIL

Leur amélioration a été recherchée par la réduction et la rémunération des astreintes.

1. Réduction des astreintes

L'application des mesures prises pour alléger les charges de service des unités et du personnel a permis depuis 1990 une réduction des contraintes globalement évaluée à 50 %.

Ce plan qui demeure évolutif concerne six domaines dans lesquels des efforts particuliers ont été faits ces dernières années.


• La disponibilité des unités :
initialement imposée à toutes les garnisons de l'armée de Terre, la disponibilité opérationnelle des unités est maintenant assurée au niveau de la circonscription militaire de défense à raison de trois à quatre sections par circonscription (34 hommes environ par section) placées en astreinte les fins de semaine et les jours fériés uniquement. Cette disponibilité permet à l'autorité militaire de disposer de moyens d'intervention rapide pour satisfaire aux demandes d'aides urgentes qui pourraient être formulées en cas de catastrophe naturelle ou accidentelle.


• La sécurité des installations :
une étude visant à développer l'utilisation des systèmes modernes de protection a abouti à l'élaboration d'un plan pluriannuel d'équipement. Depuis 1993 l'armée de Terre consacre annuellement environ 12 M.F. à la mise en place de moyens de télésurveillance.


• Les visites, les inspections, les contrôles :
l'action dans ce domaine consiste, par une meilleure coordination entre les organismes concernés et par une planification rigoureuse des visites et contrôles de même niveau (revues groupées), à éviter qu'ils n'entraînent une succession, rapide dans le temps, de charges répétitives pour les unités et à limiter au maximum les contraintes imposées au personnel.


• Les prestations :
afin de limiter progressivement les prestations ne relevant pas des missions spécifiques de l'armée de Terre, ne sont désormais accordées que les prestations ne concurrençant pas le secteur civil.


• Les servitudes :
la suppression des redondances est recherchée à tous les niveaux. Des mesures sont prescrites dont l'application se développe dans les formations. Elles comportent notamment l'emploi d'équipements permettant d'alerter les cadres de service et la limitation des activités le samedi et le dimanche.


• Les cérémonies militaires :
l'organisation des prises d'armes est limitée :

* aux fêtes nationales ;

* aux passations de commandement ;

* aux présentations des recrues aux emblèmes ;

* aux remises des insignes de la Légion d'Honneur, de la Médaille militaire ou de l'Ordre National du Mérite.

Les gardes d'honneur en place auprès des palais, résidences et hôtels de commandement ont été supprimées.


L'amélioration constante et régulière des équipements et notamment des effets d'habillement en métropole comme pour les missions extérieures.

2. Rémunération des astreintes

Depuis le 15 octobre 1990, les gardes ou permanences assurées pendant 24 heures consécutives, les dimanches ou jours fériés, ouvrent droit à un complément spécial pour charges militaires de sécurité, dont les montants sont en 1994 de :

* 268 F. pour les officiers ;

* 214 F. pour les sous-officiers ;

* 161F. pour les M.D.R. engagés.

Ces taux ont été revalorisés de 2,2 % en 1994 et 1 % en 1995. Actuellement, ils sont donc de :

* 276,6 F. pour les officiers ;

* 220,9 F pour les sous-officiers ;

*166,2 F. pour les M.D.R. engagés.

B. ALIMENTATION-LOISIRS

Dans le secteur de l'alimentation et des loisirs, l'objectif est de créer des mess fonctionnels et accueillants, avec des infrastructures susceptibles de s'adapter aux variations de charge en cours d'année ou d'une année sur l'autre.

Dans le cas encore fréquent où il existe plusieurs points de cuisson ou de réchauffage dans une formation, le regroupement en un point de cuisson unique est recherché pour obtenir des gains en personnel.

Actuellement deux « unités centrales de production » avec livraison par « liaison froide » sont expérimentées à Lyon et à Coëtquidan.

C. LOGEMENT

1. Mesures en faveur du logement et du casernement

a) Casernement

La mise aux normes des chambres, par intégration des lavabos et des douches et par augmentation des surfaces, se poursuit. Le montant total de la dotation est actuellement d'environ 300 M.F. par an. Les normes retenues sont les suivantes :


• pour les EVAT :

9 m 2 par personne, un lavabo et une douche pour deux, un W.C. pour dix ;


• pour les sous-officiers d'active :

une chambre individuelle de 24 m 2 comprenant au minimum un lavabo, une douche et un coin cuisine ;

En métropole, d'importants travaux sont achevés ou en cours à Rueil, Vannes, Phalsbourg, Noyon, Angers, Laudun, Bayonne, Souge, La Courtine, Satory, Valence et prévus à Maisons-Laffitte, Saint-Aubin du Cormier, La Rochelle, Canjuers, Compiègne.

Par ailleurs, l'armée de Terre doit faire face aux besoins croissants exprimés par les cadres « célibataires géographiques », qui sont de plus en plus nombreux.

b) Logement des familles

Les sujétions liées à la mobilité pèsent particulièrement sur les militaires. Le ministère de la Défense conduit une politique d'aide au logement des familles qui se caractérise par la complémentarité de l'aide à la pierre et de l'aide à la personne.

L'aide à la pierre conduit à pratiquer le recours aux constructions neuves et aux réservations dans les programmes civils.

Le financement est assuré par une participation de la Défense, qui est fonction des aides de l'État à la construction :


• prêts locatifs aidés (PLA) : 10 à 15 % ;


• prêts locatifs intermédiaires (PLI) et prêts locatifs sociaux (PLS) : 30 à 40 %.

L'aide à la personne consiste en une aide au paiement des loyers auquel répond le versement mensuel de la majoration de l'indemnité pour charges militaires (MICM). Son montant est une partie de la différence entre un loyer plancher et le loyer payé qui, pour le calcul de la majoration, ne peut être supérieur à un plafond.

Ce versement qui est imposable et décroît en fonction de la durée dans l'affectation pour disparaître lors de la dixième année dans la même garnison, ne concerne pas les célibataires, ni les accédants à la propriété.

c) Accès à la propriété

Le dispositif de l'action sociale des armées, réaménagé en 1994 et en 1996, permet l'obtention de prêts aux conditions suivantes :


• prêt social au logement d'un montant moyen de 45 000 F. sans intérêt, remboursable en 6 ans ;


• prêt à intérêt bonifié d'un montant de 100 000 F sur 10 ans à 5,15 % (assurance comprise).

2. Progression des indemnités

a) Progression de l'ICM

Inscrite dans les mesures du « plan du ministre » (1989), la revalorisation de l'ICM a été de 10 %, hors inflation, pendant cinq ans (1989 à 1993).

En 1994 sa revalorisation a été de 1,73 %, en 1995 elle a été de 1,14 % et en 1996 de 1,36 %.

b) Protocole DURAFOUR

Dans son aspect indemnitaire le protocole concerne le personnel de l'armée de Terre dans trois domaines :


• nouvelle bonification indiciaire (NBI) : seules les trois premières tranches sont mises en oeuvre et un retard important est enregistré dans ce domaine ;


• les aides à la mobilité.

Depuis 1995, les officiers bénéficient des compléments et des suppléments de 1'ICM dès la sixième mutation au lieu de la septième. La règle s'applique pour les sous-officiers lors de leur troisième mutation au lieu de la quatrième.

*

Au total, l'orientation des mesures prévues paraît satisfaisante.

Reste à assurer la réalisation de celles-ci par des crédits suffisants répartis sur plusieurs années.

III. L'AMORCE DE LA PROFESSIONNALISATION

Elle s'exprime par l'évolution des crédits et le mouvement des effectifs qui ont déjà été précédemment signalés. Elle s'accompagne notamment, de diverses dispositions en faveur du personnel militaire, objet du projet de loi récemment adopté par votre Assemblée.

L'objet de ce développement est d'englober ces mesures concernant les dotations, les effectifs et les incitations au départ dans un commentaire d'ordre général générateur de quelques interrogations.

La tâche, en effet, est considérable. Il faudra assurer un passage sans heurt, de l'armée de conscription ou plus exactement de l'armée mixte, à l'armée professionnelle ce qui implique une diminution des effectifs et, en même temps, le doublement du nombre des engagés et le départ d'une partie de l'encadrement (officiers et surtout, sous-officiers). Il faudra aussi assurer le caractère attractif du métier militaire. Et, en outre, tout ce profond remaniement touchant aux personnels, doit être accompli sur la seule base du volontariat.

L'incitation financière, même si elle n'est pas, à l'évidence, la seule motivation, prend dans ces conditions une importance considérable.

D'où une première interrogation portant sur la validité des estimations financières. Sont-elles réalistes ? Seront-elles suffisamment incitatives à la fois aux départs et aux recrutements ?

Le SMIC ne pourra en tout cas attirer une ressource de bonne qualité vers un service beaucoup plus exigeant que celui requis pour la plupart des métiers civils. Il faudra donc envisager une progression relativement rapide de la rémunération. Il faudra, en outre, offrir des perspectives de carrière attrayantes. Quelle sera, dans cette optique, la durée de cette carrière ? Quels types de contrats seront proposés ? Des carrières longues conduisant à 15 années de service engendreront de lourdes charges de pensions. Mais les carrières plus courtes ne seront attractives que si les conditions de vie et de travail sont convenables : la compression des crédits de fonctionnement sous le poids des rémunérations le permettra-t-elle ? Seront également nécessaires des mesures efficaces permettant le retour à la vie civile.

Tout cela doit être pensé, prévu, organisé et, bien entendu, connu des intéressés, c'est-à-dire de la population potentielle constituant « le vivier » des recrutements ».

Par ailleurs, le nouveau dispositif repose sur un partage des effectifs entre engagés et volontaires. L'équilibre prévu, à la fin de la programmation, en 2002, repose sur 92 000 engagés et 27 000 volontaires.

Il était prévu de s'inspirer, quant à la rémunération des volontaires, sur celle des volontaires pour un service long de façon à assurer une durée de service satisfaisante. Il est maintenant prévu de ne consentir aux volontaires pour tous types de services - militaires ou civils - qu'une somme de 2 000 francs par mois. Or compte tenu de la différence profonde des formes civiles et militaires de service, celles-ci étant beaucoup plus exigeantes, on crée le risque quasi certain pour les armées de ne pouvoir recruter un volume de volontaires suffisant. D'ores et déjà la Gendarmerie envisage une modification de la répartition de ses effectifs entre engagés et volontaires, telle qu'elle est prévue par la programmation, en recrutant davantage d'engagés et moins de volontaires. Faute d'accorder une solde de VSL, sera-t-on obligé de payer une solde d'engager beaucoup plus élevée ? Poser la question, c'est y répondre. Il nous paraît indispensable de maintenir le régime de rémunération initialement prévu pour les volontaires. On s'exposerait, sinon, à de graves mécomptes

La marche vers l'armée professionnelle n'ira pas, en outre, sans profondes conséquences sur les conditions de travail et les conditions de vie, sur la vie même des personnels, civils et militaires, concernés et pratiquement tous le seront plus ou moins. Votre Rapporteur a jugé utile sur ce point de reproduire à la fin de ce rapport le point de vue, à la fois ferme et mesuré, d'un sous-officier (1 500 postes de sous-officiers disparaîtront en 1997 et la diminution des effectifs risque d'amputer les perspectives des sous-officiers restant en service).

Intitulé « Plaidoyer pour une carrière menacée », et publié dans la Revue « Armées d'aujourd'hui » ce point de vue insiste, à juste titre, d'une part sur la précarité du métier militaire (près de la moitié des effectifs militaires seront sous contrat à durée déterminée) et sur la continuelle « course au mérite » (réussite aux examens militaires et techniques, résultats sportifs, manière de servir) sur laquelle repose la poursuite du métier, d'autre part sur les nécessaires mesures de reconversion.

C'est dire que la réussite de cette profonde transformation de nos armées nécessite, pour répondre aux interrogations et calmer les appréhensions, la poursuite indispensable de l'information, de la concertation, du dialogue au sein des armées.

Votre Rapporteur a déjà eu l'occasion de le dire au cours du débat, récent, sur la Défense : toutes les structures de concertation doivent être utilisées - et au premier rang - le Conseil supérieur de la fonction militaire - et, le cas échéant revitalisées.

IV. UNE CONDITION MILITAIRE TOUJOURS ET INUTILEMENT DIMINUÉE

La liberté est la règle, la restriction l'exception. Ce principe fondamental de notre droit public n'a pas semble-t-il entièrement gagné la condition militaire.

Certes, l'approche générale du statut général des militaires est conforme à ce principe : les limitations ne sont énoncées qu'après l'affirmation du principe de liberté.

La situation, en réalité, n'est pas vraiment conforme à ce schéma, de prime abord libéral, ni pour ce qui concerne la liberté d'expression ni pour ce qui relève de la liberté d'aller et venir, deux libertés fondamentales de tout citoyen.

A. LA LIBERTÉ D'EXPRESSION : LE GRAND MUTISME DE LA GRANDE MUETTE

Au mois de mars dernier, le ministre de la Défense avait demandé aux militaires de participer aux débats ouverts, dans toute la France, sur l'avenir du service national. L'initiative était louable, le résultat a été tout à fait décevant : silence profond ou plat conformisme.

Un tel échec est préoccupant car révélateur d'une situation d'ensemble qui ne rencontre pas, du reste, l'adhésion des intéressés 3 ( * ) . D'autant plus préoccupant que, outre les raisons de principe rappelées au début de ces propos, d'autres facteurs poussent à une libéralisation du régime de l'expression des militaires.

Au moment même où notre dispositif de défense est appelé à subir de profondes transformations, où l'on modifie leur format, leurs missions, leurs moyens il serait, en effet, particulièrement nécessaire que les militaires puissent s'exprimer publiquement et avec le minimum de contraintes sans avoir à tenir compte d'« éléments de langage » sur des orientations qui les touchent directement. Est-il acceptable que tout le monde, ou presque, donne son avis sur ces évolutions, sauf les militaires eux-mêmes ?

L'évolution générale de la société, dont les armées ne peuvent être coupées, pousse également à cette libéralisation : la société moderne est une société de communication et de médias, et dans la société européenne vers laquelle nos armées sont de plus en plus tournées la plupart des pays se montrent beaucoup plus tolérants et accueillants à l'expression des militaires.

Un troisième facteur mérite, en outre, une attention particulière : l'abandon programmé de la conscription et la marche vers la professionnalisation de nos armées.

Peut-être, en effet, n'a-t-on pas porté assez attention au fait suivant. L'armée de conscription accueillant tous les jeunes Français se devait d'observer dans son encadrement une réserve stricte de façon à ne choquer aucune conviction, aucune opinion des jeunes Français qui passaient obligatoirement par elle. La « Grande Muette » est l'armée de conscription qui trouvait, en quelque sorte, dans son mutisme le pendant - un peu abrupt et radical - de l'obligation de neutralité, de l'Éducation laïque et obligatoire, qui, elle aussi, accueillait les jeunes - les plus jeunes - Français et dont il importait - et dont il importe toujours au demeurant - que leurs familles, tout comme eux-mêmes ne puissent être heurtés par des propos froissant leurs consciences.

Or la professionnalisation va, désormais, apporter une nouvelle donne. Le mutisme de l'encadrement n'a plus sa raison d'être antérieure. Bien au contraire alors que cette professionnalisation peut faire craindre une coupure entre l'armée et la nation le silence des militaires les tiendrait à l'écart de la vie nationale. Faut-il ajouter que la liberté d'expression des militaires est sûrement le meilleur des moyens de dissuader les procès d'intention qui risquent d'être nourris demain, contre une armée professionnelle ?

Tout pousse, au demeurant, à une expression à visage découvert. Qui souhaite le retour de la campagne de lettres anonymes qui a secoué la Gendarmerie au cours de l'été 1989 ?

Qui ne voit que le recours au pseudonyme, « la plume avec le masque » pour reprendre la formule d'un officier, conduit aux pires outrances verbales ?

Les militaires ont d'abord droit - nous le rappelions dans un précédent rapport - à ce que la loi soit appliquée, sans que des instructions, directives, décisions, viennent en limiter la portée, comme c'est la pratique à peu près constante : ils doivent s'exprimer librement sous leur seule responsabilité, sur toutes questions militaires non couvertes par le secret.

Mais il convient maintenant d'aller plus loin et de s'interroger sur l'assouplissement de la loi elle-même. Le maintien du système de l'autorisation préalable à toute évocation publique de sujets autres que les sujets militaires nous paraît, en effet, non seulement inutile mais dangereux : inutile car il fait bon marché du sens des responsabilités et de la capacité de discernement des intéressés, dangereux car il conduit à la stérilisation de la pensée militaire ; le Général Beaufre rappelait ainsi que « la faillite intellectuelle française en 1940 a été le fait d'un conformisme complaisant d'une armée qui avait été victorieuse en 1918 » .

Récemment, le directeur du Centre d'études en sciences sociales de la Défense (C2SD) a, du reste, souligné que « La Grande Muette a étiolé son potentiel de réflexion et sa capacité à s'exprimer avec pertinence, sur le fond et sur la forme » et signalait que « le risque le plus grand serait que le silence des militaires demeure, quand bien même la libéralisation du régime juridique serait effectuée » 4 ( * ) .

Au-delà même d'une modification des dispositions législatives et réglementaires, c'est, en effet, un climat général qu'il convient d'établir, climat de tolérance, d'usage, reconnu normal, du droit à l'expression et d'incitation aux initiatives. C'est là sans doute, il ne faut pas le dissimuler, que se trouve la plus grande difficulté. Les périodes de restriction d'effectifs, de ralentissement dans l'avancement ne sont guère propices à l'expression et au débat d'idées « incorrectes »... Mais la difficulté ne doit-elle pas être un stimulant ?

B. LA LIBERTÉ D'ALLER ET VENIR : LE MUR DE BERLIN S'EST-IL ÉCROULÉ EN 1989 ?

Le règlement de discipline générale - décret du 28 juillet 1975 -consacre un article 18 à « la liberté de circulation » et dispose que les militaires :

« en dehors du service et lorsqu'ils ne sont pas soumis à une astreinte liée à l'exécution du service ou à la disponibilité de leur unité, sont libres de circuler :


• dans l'ensemble constitué par le territoire métropolitain, les pays de la Communauté économique européenne et ceux figurant sur une liste fixée par le ministre de la Défense ;


• dans le territoire de stationnement s'ils sont affectés dans un autre pays étranger ou outre-mer.

Lorsque les circonstances l'exigent, le commandement peut restreindre l'exercice de la liberté de circulation » .

La liberté est donc le principe, la restriction l'exception.

Qu'en est-il en fait ?

Les militaires ne sont libres de circuler que dans 24 pays uniquement européens et de l'Europe « de l'Ouest », Andorre, Lichtenstein, Saint-Marin, État du Vatican et Principauté de Monaco compris.

Pour tous les autres pays soit 161 une autorisation préalable est exigée et un refus d'autorisation est donc possible. Cette autorisation suppose des formalités, des procédures, des délais, au minimum 30 jours avant la date du départ en permission et une incertitude finale sur la suite donnée à l'autorisation après intervention de la « Direction de la protection et de la sécurité de la défense », nouveau nom donné en 1981 à la Sécurité militaire.

À quoi correspond un tel régime répressif et tatillon ? En quoi est-il justifié ? En quoi est-il vraiment conforme à l'esprit du statut des militaires ? Pourquoi cette suspicion a priori à l'égard de déplacements privés dans près des neuf dixièmes des pays de la planète ? Faut-il rappeler que, depuis la chute du mur, les ex- »pays de l'Est » - sur lesquels le rideau de l'autorisation préalable est toujours tiré - accèdent ou sont sur le point d'accéder aux institutions européennes, à l'OTAN ou à son « partenariat pour la paix » ?

Sans doute est-il bon de mettre en garde les militaires sur tel ou tel aléa du tourisme dans tel ou tel pays. Mais une autorisation n'est pas nécessaire pour cela, une information suffit. Sans doute faut-il que le militaire rende compte à sa hiérarchie de tel ou tel incident survenu au cours de son voyage, voire de tel ou tel renseignement qu'il a pu recueillir. Mais là aussi, l'autorisation est inutile.

CHAPITRE V - LES PERSONNELS CIVILS

La réforme des structures de la Délégation générale pour l'armement et l'allégement des services de soutien ne manqueront pas d'avoir des conséquences sensibles sur les personnels civils : 2 461 emplois civils seront, en effet, supprimés.

I. LES MESURES FINANCIÈRES

A. MESURES EN FAVEUR DU PERSONNEL INSCRITES AU BUDGET 1997 DE L'ADMINISTRATION CENTRALE

(En millions de francs)

B. MESURES EN FAVEUR DU PERSONNEL INSCRITES AU BUDGET 1997 DES PERSONNELS CIVILS EXTÉRIEURS

II. MESURES SOCIALES D'ACCOMPAGNEMENT DES RESTRUCTURATIONS

Des instances de concertation ont été mises en place localement : commissions locales de restructurations, antennes mobilité-reclassement et cellules d'accueil. Diverses mesures d'accompagnement social et d'incitation à la mobilité sont mises en oeuvre :

A. MESURES DESTINÉES À FAVORISER LES DÉPARTS


• Possibilité, pour ceux qui sont âgés de plus de 55 ans et qui justifient de plus de 15 ans de service, de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de leur pension et bonification d'ancienneté de services validables pour la retraite (décret N° 96-394 du 7 mai 1996 en vigueur jusqu'au 31 décembre 1998).


• Possibilité, pour ceux qui justifient d'au moins 6 ans de service, à condition qu'ils ne soient pas susceptibles, dans un délai de deux ans, de prétendre à une radiation des contrôles avec pension à jouissance immédiate, de bénéficier d'une indemnité de départ volontaire (IDV) dont le montant s'élève à :

- 60 000 F pour les ouvriers justifiant de 6 ans à moins de 10 ans de services ;

- 100 000 F pour les ouvriers justifiant de 10 ans à moins de 15 ans de services ;

- 150 000 F pour ceux qui justifient d'au moins 15 ans de service ;

- 5.000 F par année au-delà de la quinzième année, le montant total étant plafonné à 200 000 F.

(Le montant plafond de cette IDV sera augmenté dans le cadre du nouveau plan d'accord social applicable à compter du 1er janvier 1997 et porté à 240 000 F).


• Possibilité pour ceux qui quitteront définitivement le ministère de la Défense pour créer ou reprendre une entreprise de bénéficier d'une aide spécifique de 50 000 F.


• Possibilité d'obtenir un congé sans salaire aux ouvriers qui désirent créer ou reprendre une entreprise. Ce congé, ouvert aux ouvriers justifiant de 3 ans de services effectifs, peut atteindre deux ans et être suivi, le cas échéant, par un congé pour convenances personnelles.

B. MESURES D'INCITATION À LA MOBILITÉ

Les ouvriers qui, par suite des réorganisations, sont mutés dans un autre établissement de la Défense situé à au moins 50 kilomètres du précédent lieu d'emploi, perçoivent une indemnité de conversion d'un montant de :

- 50 000 F pour un célibataire ou marié sans enfant ;

- 55 000 F pour un ouvrier ayant un enfant à charge ;

- 60 000 F pour un ouvrier ayant deux enfants à charge ;

- 70 000 F pour un ouvrier ayant 3 enfants ou plus à charge.

Les ouvriers bénéficiant de l'indemnité de conversion perçoivent un complément exceptionnel de restructuration d'un montant de 10 000 F.

(Le futur dispositif d'accompagnement social prévoit une harmonisation du dispositif indemnitaire sur la base de celui applicable aux fonctionnaires ainsi qu'une nette réévaluation des montants).

C. FORMATION

Des formations « lourdes » de reconversion ainsi que des stages d'aide à la mobilité fonctionnelle sont organisés pour faciliter l'adaptation au nouvel emploi.

Un congé de restructuration rémunéré d'une durée maximale de douze mois pour suivre une formation ayant reçu l'agrément de l'État est créé. Il donne la possibilité de préparer l'accès à un autre corps, cadre d'emplois des trois fonctions publiques, ou à une autre profession des secteurs publics ou privés.

D. MESURES DIVERSES

* une priorité est accordée aux agents touchés par les réorganisations pour toute mutation sur poste vacant, la connaissance des vacances de postes étant facilitée par la mise en place d'une bourse télématique des emplois vacants : 36.14 DEFEMPLOI ;

* la mutation définitive hors de la place d'origine n'est prononcée qu'à l'issue d'une période de deux mois pendant laquelle l'agent dispose d'un droit au retour sur la place d'origine ; pendant cette période l'agent est considéré comme étant en mission ;

* trois jours de déplacement en frais de mission sont accordés aux agents mutés hors de leur place d'origine pour connaître leur nouvelle affectation et accomplir les formalités nécessaires à leur installation ; est également accordé un congé de quatre jours pour effectuer le déménagement ;

* un secours est accordé aux agents qui, propriétaires de leur logement, le vendent pour acquérir une nouvelle résidence principale sur le lieu de leur nouvelle affectation ; ce secours représente 10 % de la valeur du logement à acquérir, plafonné à 40 000 F ;

* pour aider le conjoint de l'agent civil à retrouver un emploi sur le lieu de la nouvelle affectation, il est fait appel aux structures qui ont été mises en place au profit des conjoints de militaires.

NOMBRE DE MESURES ACCORDÉES OU PRÉVUES (ARMÉES ET DGA)

CHAPITRE VI - LES APPELÉS ET L'AVENIR DU SERVICE NATIONAL

I. L'ORIENTATION TRACÉE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION

Quelques rappels, tout d'abord.

Exposé des motifs : « Le passage à l'armée professionnelle sera réalisé au cours de la période de six ans que couvre le projet de loi de programmation »

Rapport annexé : « Le modèle d'armée professionnelle exposé dans la présente loi suppose, en tout état de cause, qu'un certain nombre de jeunes Français effectuent un service dans les forces armées, à titre volontaire ou dans le cadre d'un nouveau service national obligatoire. Cependant, le service militaire ne constituera plus une ressource majeure pour les effectifs de nos armées » .

...............

« Le dispositif législatif nécessaire à la conduite d'ensemble de la réforme comportera donc, outre la présente loi de programmation, une loi sur le service national, une loi portant organisation générale de la réserve, ainsi qu'une loi fixant les mesures propres à faciliter l'exécution de la présente loi de programmation en matière de personnel »

...............

« La professionnalisation des forces armées implique la fin du service national obligatoire dans sa forme actuelle, mais laisse ouvert le débat sur la forme que pourrait revêtir un nouveau service. Le choix qui a été proposé aux Français se situe entre un service national volontaire qui pourrait être d'une durée de douze à vingt-quatre mois et un service national obligatoire effectué principalement dans des formes civiles, qui pourrait être d'une durée de base de six mois et jusqu'à douze mois pour un certain nombre d'emplois. Quelle que soit la solution retenue à l'issue du débat, la possibilité pour les jeunes Français d'effectuer une forme de service dans les armées est ouverte » .

Selon les tableaux d'effectifs figurant dans le rapport annexé l'évolution des effectifs est la suivante :

II. LES PRÉVISIONS DU PROJET DE BUDGET POUR 1997

Les effectifs globaux - 548 508 - correspondent à la seule hypothèse du volontariat telle qu'elle est prévue par la loi de programmation. C'est également le cas des effectifs d'appelés, en diminution de 31 973 postes, qui doivent passer de 201 498 à 169 525. Il s'agit donc d'une réduction de plus de 15 %.

La répartition des appelés sera la suivante :

Si l'armée de Terre et la Marine se situent, à peu près dans la moyenne des diminutions, l'armée de l'Air perdra sur une seule année près d'un cinquième de ses appelés ; la Gendarmerie, quant à elle, verra ses effectifs croître légèrement en harmonie avec la croissance globale de ses effectifs.

Cette diminution des effectifs appelés s'intègre, bien entendu dans la restructuration des armées marquée surtout par la dissolution de nombreuses unités.

L'armée de Terre sera la plus touchée par la suppression de la forme actuelle de service national puisque la proportion d'appelés dans ses effectifs militaires atteint 56 %. Dès 1997, on le rappelle, 20 régiments des forces, dont 4 en Allemagne, seront dissous ainsi que 34 autres organismes (états-majors, établissements du matériel, du commissariat, centres mobilisateurs, cercles de garnison).

La Marine désarmera, dès 1997, le porte-avions « Clemenceau », deux frégates, deux bâtiments de soutien logistique et de service armé et dissoudra une escadrille de l'aéronautique navale.

Quant à l'armée de l'Air, en même temps qu'elle dissoudra deux bases aériennes, elle professionnalisera entièrement trois bases. Cette expérience de professionnalisation anticipée sera certainement riche en enseignements. Elle devrait, dans la mesure du possible, être étendue à d'autres unités des autres armées.

Il faut par ailleurs noter que les besoins des écoles et des états-majors et organismes de direction, relativement moins touchés par les restructurations impliquent le maintien d'une ressource en appelés de haut niveau (informaticiens, scientifiques du contingent etc.).

III. CONSTATS ET INTERROGATIONS

Annoncé, par la loi de programmation, comme devant être débattu à la session d'automne du Parlement, le projet de loi sur l'avenir du service national est actuellement renvoyé après le vote du budget.

A. LA PÉRIODE DE TRANSITION

Tout annonce qu' elle sera difficile.

Nous avions déjà, dans notre rapport sur la loi de programmation, exposé ces difficultés.

Elles tiennent d'abord à l'état d'esprit des appelés dès lors que l'on présente la conscription comme inadaptée et dépassée. Et si l'on doit, comme il est prévu, appeler les jeunes gens nés jusqu'au 31 décembre 1978, l'on aura une ressource nettement supérieure aux besoins, ce qui nécessitera des choix dont les critères seront malaisés.

Elles naissent aussi de la nécessité de maintenir une capacité opérationnelle suffisante tout au long d'une période qui doit voir partir 15 000 sous-officiers, disparaître la ressource en appelés tout en attirant plus de 50 000 engagés de bonne qualité ?

Elles sont, aussi, liées à la durée de cette période de transition. La première source de difficultés pousserait sans doute à l'abréger le plus possible. Mais si pour une raison ou une autre, on envisageait de la raccourcir, à 1998 par exemple, comment en l'espace de deux ans faire disparaître la ressource en appelés qui est de plus de 200 000 jeunes en 1996 et de 170 000 en 1997 sans contrepartie d'engagés et sans risque de désorganisation profonde et durable de tout notre dispositif de défense ? L'expérience belge nous rappellerait, si besoin en était, le chaos qu'entraîne, en ce domaine, les anticipations hâtives sur le calendrier prévu.

B. LE « RENDEZ-VOUS CITOYEN »

Absent du projet de loi de programmation primitif, le « rendez-vous citoyen » a été introduit au cours du débat parlementaire par un amendement du Gouvernement. Il s'agit donc là d'une idée qui n'avait pas été prise en compte lors de l'élaboration de la programmation mais qui s'est peu à peu dégagée notamment au cours des travaux parlementaires et de la consultation organisée dans chaque commune.

L'idée paraît bonne. Il importe toutefois qu'elle soit autre chose qu'un simple compromis entre tenants du maintien de l'obligation de service et partisans de sa suppression. C'est dire qu'elle doit avoir une signification, un contenu, et, bien entendu, un financement :

La rencontre civique entre la Nation et le jeune citoyen paraît d'autant plus indispensable que l'état d'esprit de toute une partie de la jeunesse, à l'arrivée du service militaire actuel, montre un manque de repères préoccupant. Et l'on doit souligner que si beaucoup déjeunes ont une attitude neutre et parfois teintée de réticence sinon d'hostilité à l'égard du service militaire, ce sont aujourd'hui les appelés enfin de service qui fournissent la moitié des engagés recrutés par l'armée de Terre.

Outre un recensement et un bilan médical, social et culturel de toute une classe d'âge, le rendez-vous citoyen doit donc, de ce point de vue, être l'occasion, entre autres, d'une information sur les armées, source éventuelle d'engagement et de volontariat. Se pose alors le problème de sa durée, de son organisation, de ses modalités et de son financement.

Problèmes de taille. En effet, fondé sur le maintien de certaines contraintes (celles du recensement et de la sélection), le rendez-vous citoyen doit au contraire susciter une attitude positive des intéressés sollicités pour un service volontaire. Mais le maintien même des contraintes est problématique ; dans le système actuel, un jeune Français sur six ne se fait pas recenser, cette moyenne laissant apparaître dans les zones les plus urbanisées une attitude de refus encore plus nette. Quelles sanctions prévoir à l'égard des jeunes ne répondant pas à leur convocation ? Quels seront les moyens de maintenir dans les centres de sélection un minimum de discipline alors que les jeunes qui y séjourneront (24 heures sur 24 ? une semaine ou plus ?) n'auront pas un statut militaire ? Enfin le coût d'un rendez-vous citoyen même réduit à une semaine se situera vraisemblablement entre 1 et 2 milliards de francs, requerra un encadrement de qualité et un dispositif médical fiable. Qui supportera cette charge ?

C. LES RÉSERVISTES

Sur ce point, aussi, l'abandon de la conscription risque d'apporter des bouleversements profonds.

Certes la programmation n'a pas manqué d'aborder la question de l'avenir des réserves. Et dans le projet de budget, conformément à la programmation, les crédits consacrés aux réserves s'accroîtront de 10 millions de francs (+ 4 %).

Annoncé comme devant être, tout comme le projet concernant le service national, présenté au Parlement avant la fin de l'année, le projet concernant les réserves ne le sera, en l'état actuel des choses, qu'au début de l'année prochaine, c'est-à-dire, lui aussi, après le vote du budget pour 1997.

La nouvelle réserve sera constituée de citoyens volontaires et d'anciens militaires de carrière ou sous contrat.

Au total les réservistes, selon les prévisions de la programmation, seront de 100 000 hommes se répartissant pour moitié dans la Gendarmerie, pour moitié dans les trois autres armées.

S'agissant des armées, le niveau qualitatif de la réserve paraît très insuffisant et peut-être est-il excessif pour la Gendarmerie. L'expérience britannique ou américaine a conduit à une réserve dont les effectifs sont équivalents à ceux des effectifs d'active. Compte tenu des missions que l'on compte confier aux réservistes : complément de capacités aux forces d'active, substitution aux personnels d'active pour accomplir des missions sur le territoire national - pour parer à une menace extérieure ou pour assurer la sécurité intérieure ? - et pour accroître la disponibilité des forces, entretien du lien entre les armées et la nation, c'est donc vers un accroissement sensible du chiffre actuellement prévu des réservistes qu'il faudrait tendre.

Cela implique bien entendu un coût : coût d'une instruction convenable et actualisée des réservistes, coût des garanties (à l'égard des employeurs), coût des incitations (à l'égard des intéressés).

Au total, le problème des réserves nous paraît appeler un réexamen d'ensemble. Le rapport présenté tout récemment par notre collègue de l'Assemblée nationale, Guy Tessier, y contribuera certainement.

D. LA CONSCRIPTION OUTRE-MER

Outre-mer, la conscription revêt une signification sans doute encore plus forte qu'en métropole. Elle est le lien tangible avec celle-ci, permettant d'envoyer des recrues de nos DOM et TOM en métropole et d'envoyer dans ceux-ci des recrues de la métropole, de tempérer une situation d'éloignement et d'isolement dans des ensembles - américains, africains - pratiquant d'autres langues et appartenant à d'autres civilisations ; elle contribue au brassage des communautés à la formation générale, à l'insertion sociale et professionnelle, plus particulièrement à travers le service militaire adapté.

Il nous a été donné, à l'occasion d'une mission en Nouvelle-Calédonie, de vérifier ce rôle de la conscription. Nous lui consacrons des développements particuliers dans le chapitre où nous rendons compte de cette mission (cf. infra chapitre II-5-B).

Soulignons, d'ores et déjà, la nécessité de prendre en compte, au cours de la période de transition, la spécificité de cet aspect de la conscription, s'agissant de nos provinces d'outre-mer.

TROISIÈME PARTIE - LE FONCTIONNEMENT

Titre de « fonctionnement », le titre III est celui dont les dotations ont des répercussions immédiates sur la situation des personnels qu'il s'agisse de leur vie courante, de leur entraînement ou de leurs activités opérationnelles.

De ce dernier point de vue, il convient de noter que le financement des « opérations extérieures » relève désormais d'une distinction entre opérations « courantes » financées sur le budget de la Défense et opérations non qualifiées comme telles, sur décision du chef de l'État, donnant lieu à financement complémentaire. En l'absence de toute dotation provisionnelle dans le budget en projet, une inconnue pèse donc sur le titre III : le coût des opérations extérieures pour 1997 et leur imputation selon la qualification qui leur sera donnée.

Notons, en outre, que le titre III du projet de budget va se trouver allégé d'un milliard de francs de crédits d'entretien transféré au titre V et alourdi d'un milliard de francs de charges supplémentaires résultant des frais d'affranchissement (suppression de la franchise postale) et des nouvelles cotisations d'assurance maladie des personnels civils.

Pour compléter ces remarques liminaires, il convient de rappeler que les crédits de fonctionnement risquent de plus en plus d'apparaître comme les crédits résiduels du titre III une fois payée la charge inéluctable et proportionnellement de plus en plus lourde des rémunérations et charges sociales (plus des trois quarts du titre III en 1997).

Enfin, votre Rapporteur ayant accompli une mission en Nouvelle-Calédonie, a jugé bon en rendant compte de cette mission de la replacer dans un contexte plus général : celui de notre dispositif militaire d'outre-mer.

CHAPITRE I - LES CRÉDITS DE VIE COURANTE

Divers quant à leur objet : alimentation, instruction, entretien courant des matériels et des immeubles, transport, chauffage, éclairage, informatique, fonctionnement courant, ces crédits peuvent toutefois être regroupés car ils présentent la caractéristique commune de concerner les conditions de vie et de travail des militaires, toutes catégories confondues.

Ils méritent d'autant plus l'attention que la professionnalisation vise à remplacer progressivement une population vite renouvelée d'appelés par des effectifs plus stables et, partant, nécessairement plus sensibles au cadre de vie qui sera, plus longtemps, le leur.

Par ailleurs, comme les années précédentes, et pour permettre la continuité du fonctionnement des unités, il est demandé au Parlement l'autorisation d'engager par anticipation sur les crédits de fonctionnement pour 1997, jusqu'à un montant de 130 millions de francs destinés à la vie courante des corps de troupe, bases, bâtiments etc. (art. 39 du projet de loi de finances).

I. LES CRÉDITS D'ALIMENTATION

Leur régression (- 7,6 %) par rapport à 1996 résulte de la réduction des effectifs d'appelés ; elle frappe donc surtout l'armée de Terre.

(En millions de francs)

II. LES AUTRES CRÉDITS DE VIE COURANTE

Globalement en baisse (- 1,5 %), leur évolution n'est toutefois pas homogène d'une partie prenante à l'autre.

CRÉDITS VIE COURANTE

(hors alimentation et entretien programmé des matériels)

5 ( * )6 ( * )

Pour les trois armées, la régression des crédits est de - 1,7 % soit plus de 3 % en francs constants.

Mais, en fort constraste, les crédits de l'administration centrale seront accrus de 11 %. Une telle progression n'est pas sans susciter des interrogations et ne paraît pas, à première vue, très saine. Les crédits des services (Délégation générale pour l'armement, service de santé) vont également bénéficier d'une évolution positive. Dans la période de profonde réorganisation des armées, il importe, en effet, que la transition qui va surtout peser sur les unités des trois armées puisse être menée avec des moyens suffisants et en tout cas équilibrés entre les forces d'une part, les services et l'administration centrale de l'autre. La diminution des effectifs qui devrait frapper d'ailleurs également l'administration centrale et les services n'explique pas entièrement ces évolutions ; ce d'autant moins que la qualité du cadre de vie et de travail est un facteur non négligeable d'attrait pour un corps voué à une professionnalisation accrue.

En outre, la diminution des effectifs, conduira à sous-traiter certaines activités (support médical, gardiennage, entretien courant des véhicules, restauration, nettoyage des locaux etc..) de soutien, la professionnalisation devrait recentrer les militaires sur des activités opérationnelles.

Or le recours accru à la sous-traitance pèsera sur les crédits de fonctionnement, en même temps qu'il alourdira la gestion administrative (lancement des marchés, gestion et suivi des contrats etc.).

C'est là, évidemment, un facteur à prendre en compte pour évaluer le solde net du bilan financier des suppressions d'effectifs.

On touche là, au demeurant, à un débat de fond. Le remplacement des militaires, dont bon nombre d'appelés, dans certaines tâches, par du personnel civil doit-il se faire par du personnel civil de la Défense ou en recourant davantage au personnel extérieur, celui fourni par la sous-traitance ?

Il n'est pas certain que l'option retenue par la loi de programmation, celle du remplacement par du personnel civil de la Défense soit, dans tous les cas, la meilleure. Ce personnel doit, en effet, être employé en tant que tel pour des tâches civiles auxquelles le préparent sa compétence et sa formation, non en se substituant du personnel militaire.

Quelles que soient ses aptitudes et sa bonne volonté, il n'obéit pas aux mêmes règles d'emploi que le personnel militaire : sa mobilité et sa disponibilité sont moins grandes et son coût, dans l'ensemble, plus cher que celui des salaires privés. Dans ces conditions « l'externalité » des tâches paraît préférable, ou pourrait, en tout cas, être pratiquée sur une plus grande échelle. Et c'est sur les budgets de fonctionnement des unités et des établissements, mieux dotés en conséquence, que devrait se pratiquer cette « externalité » : l'action du chef de corps et d'établissement permettrait, en effet, d'optimiser au mieux l'emploi des crédits.

Il est vrai que les postes de personnel civil de la Défense sont destinés au reclassement du personnel en excédent de la Délégation générale pour l'armement et du GIAT, notamment. Mais ce reclassement va se heurter, inéluctablement, à des contraintes géographiques et professionnelles. Et il n'est pas certain que la coexistence, dans les unités et établissements, de deux catégories de personnel appartenant toutes deux à la Défense, personnel sédentaire et personnel opérationnel, dès lors que ceux-ci n'ont pas un traitement équivalent, risque d'être difficile.

CHAPITRE II - L'ACTIVITÉ DES FORCES

Le rapport annexé à la loi de programmation souligne que « sur la période, l'effort global des armées porte en priorité sur le financement et la mise en oeuvre des mesures de réorganisation et de restructuration. Ceci conduit à accepter une réduction temporaire des activités et de l'entraînement des forces au cours des prochaines années et limite pendant quelque temps certaines de nos capacités d'engagement extérieur » .

Le budget en projet ne dément pas cette orientation délibérée.

I. LES CRÉDITS DE CARBURANTS

Ils conditionnent directement l'activité des forces. Leur évolution est retracée dans le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE CARBURANTS OPÉRATIONNELS

(En millions de francs)

Les bases d'évaluation de ces crédits appellent certains commentaires.

En effet, les dotations pour 1997 ont été calculées sur un dollar à 5,05 F. et sur un baril à 19 dollars, alors qu'aujourd'hui le dollar cote 5,20 F. et le prix du baril est de 30 dollars, soit un décalage de plus de 60 % !

Cette évaluation est-elle vraiment réaliste ?

Permettra-t-elle de répondre aux besoins de l'entraînement ou d'éventuelles opérations ? Il est permis d'en douter. D'ores et déjà l'armée de l'Air a dû réduire les heures de vol de ses pilotes de combat de 180 heures à 170 heures par an (Recommandation OTAN : 200 heures).

II. LES DOTATIONS POUR LES MUNITIONS

CRÉDITS DE MUNITIONS

Même si l'on considère que les crédits de reports seront intégralement consommés, on constate que le secteur des munitions continue à être l'un des plus touchés par les réductions de crédits.

III. L'ENTRETIEN DES MATÉRIELS

Les crédits accusent une baisse sensible. Toutefois un transfert vers le titre V de 1 074 millions de francs rétablit le niveau des crédits, en francs courants, à celui de 1996.

La répartition des crédits de l'espèce entre le titre III et le titre V conduit donc à une récapitulation globale.

L'accroissement assez sensible des crédits destinés à l'armée de Terre corrige, quelque peu, les fortes diminutions des années précédentes en même temps qu'il traduit les coûts générés par les opérations extérieures (priorité donnée à l'entretien des matériels ainsi déployés, suractivité de ceux-ci par rapport aux normes habituelles).

Pour la Marine la priorité donnée à l'entretien des aéronefs et des sous-marins absorbe l'augmentation constatée. L'entretien des bâtiments de surface souffrira donc, comme à l'accoutumée, de glissements dans le temps au risque d'un accroissement du taux d'indisponibilité.

IV. LES PRÉVISIONS D'ACTIVITÉ

Elles subiront, sauf révisions peu probables des dotations, le contrecoup du niveau des crédits.

C'est déjà, on l'a noté (cf. supra II) le cas de l ' armée de l'Air.

Pour la Marine, les activités sont également orientées à la baisse : 95 jours de mer pour les bâtiments en 1995 (la norme étant de 100 jours), 45 jours pour le premier semestre de 1996 ; pour l'aéronautique navale, l'activité mesurée en total d'heures de vol pour tous les aéronefs, accuse également une diminution due, en partie, au rétrécissement du format de l'aviation de patrouille maritime.

En ce qui concerne l' armée de Terre, le nombre de jours passés sur le terrain a été de 97 dont 47 avec les matériels organiques. L'armée de Terre prévoit cependant pour 1997 un total de 100 jours d'entraînement sur le terrain dont 50 avec les matériels organiques.

*

Les mesures de réorganisation et de restructuration ont un coût. Elles ne peuvent toutefois s'accompagner d'une désorganisation des activités car celles-ci sont non seulement indispensables à l'entraînement, elles sont également un facteur d'attractivité pour le recrutement dont dépendra la réussite de la professionnalisation. Le niveau des crédits réservés à l'activité des forces prend-il suffisamment en compte ce facteur ?

V. LE DISPOSITIF MILITAIRE OUTRE-MER

L'exécution du titre III sera pour les raisons précédemment mentionnées dans ce rapport particulièrement tendue. La pression sur les dépenses de fonctionnement sera donc forte. Et d'autant plus forte que les rémunérations, dépenses inéluctables, ne peuvent se prêter à un réajustement pour un effectif donné. En revanche, parmi les dépenses pouvant être réexaminées figurent celles liées à notre présence militaire outre-mer.

Votre Rapporteur apportera à cet examen le fruit des observations qu'il a pu recueillir lors d'une mission en Nouvelle-Calédonie et des réflexions suscitées par celle-ci.

Il convient toutefois de distinguer entre les forces dites « de souveraineté » stationnées dans nos départements et territoires d'outre-mer et celles prépositionnées dans les États indépendants d'Afrique en vertu d'accords spécifiques.

A. LES FORCES PRÉPOSITIONNÉES EN AFRIQUE

Leur présence est, en règle générale, liée aux accords de défense conclus avec certains États, accords destinés à préserver la souveraineté de ceux-ci et à protéger leur intégrité territoriale.

Sept accords nous lient à la République centrafricaine, aux Comores, à la Côte d'Ivoire, à Djibouti, au Gabon, au Sénégal et au Togo.

Selon ces accords, les États concernés peuvent faire appel à nos forces armées en cas d'agression ; notre engagement reste toutefois subordonné à la décision du Gouvernement français.

Outre des forces des trois armées et de la Gendarmerie, des éléments de soutien peuvent être prépositionnés et des manoeuvres organisées sur le territoire de ces pays.

Les implantations actuelles s'articulent autour de trois régions ; elles répondent à des vocations différentes mais complémentaires :


• en Afrique occidentale, les implantations correspondent à des bases à caractère spécial qui sont autant d'escales maritimes et aériennes destinées à l'acheminement et au soutien de nos forces dans les pays avec lesquels des accords de défense ont été conclus (Côte d'Ivoire, Sénégal) ;


• en Afrique centrale, les implantations constituent un réservoir de forces pouvant être projetées à partir de plates-formes aériennes (République centrafricaine, Gabon, Tchad) ;


• en Afrique orientale, la base interarmées de Djibouti occupe une place-pivot permettant la projection vers l'Afrique de l'Est, le Proche-Orient (elle a montré son utilité au moment de la guerre du Golfe) et l'océan Indien ; elle est également une escale indispensable vers nos DOM et TOM.

Au total les effectifs stationnés en Afrique s'élèvent à environ 8 000 hommes dont 5 500 pour l'armée de Terre, 1 700 pour l'armée de l'Air, 600 pour la Marine et 270 pour la Gendarmerie.

Cette présence provoque certes, quelques surcoûts par rapport au stationnement en métropole (transports, solde, en particulier) mais elle n'est pas numériquement exagérée puisqu'elle représente à peine 1,6 % des effectifs totaux.

Son rôle est, en effet, essentiel : mission de veille et de renseignement, effet de stabilisation dans les pays d'accueil et sur le continent dans son ensemble, position exceptionnelle donnée à notre pays dans la prévention et la gestion des crises. En outre, la projection des forces outre-mer peut constituer une forte incitation à l'engagement.

Sans doute convient-il de ne pas négliger les moyens permettant d'alléger les coûts, mais faut-il aussi ne pas céder à la facilité d'une réduction trop sensible de cette présence, même si elle peut être génératrice d'économies à court terme.

Or si l'on peut souscrire aux moyens d'ores et déjà envisagés pour entretenir au moindre coût notre dispositif outre-mer : abandon de quelques emprises, regroupements, interarmisation accrue, meilleure intégration du soutien aux forces, recours plus systématique au secteur civil etc., on ne peut manquer d'être frappé par l'ampleur de la réduction du volume global des forces : 30 % à l'horizon 2002 alors que les effectifs globaux ne diminueront que de 25 %.

En termes de coût/efficacité cette présence outre-mer paraît, en tout cas, plus productive que le niveau de notre participation aux opérations extérieures sous égide onusienne et elle est nettement moins coûteuse ; son coût est, en effet, de 2 800 millions de francs alors que le seul surcoût des opérations extérieures dépassera, en 1996, 5 000 millions de francs.

B. LES FORCES DE SOUVERAINETÉ : LE CAS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Forte de 3 800 hommes les forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC) sont composées pour les trois quarts de personnels affectés et pour un quart de personnel tournant, renforts des trois armées et de la Gendarmerie.

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Les forces armées sont placées sous les ordres du général de division commandant supérieur (COMSUP) assisté d'un état-major interarmées comprenant deux divisions (division opérations-renseignements regroupant les 2 ème et 3 eme bureaux, et division organisation-logistique regroupant les 1 er et 4 ème bureaux) ; le général COMSUP dispose d'un commandant des forces terrestres, d'un commandant de la Marine (capitaine de vaisseau) et d'un commandant des forces aériennes.

La mission générale des FANC est de défendre la souveraineté et les contrats liés au territoire de la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna (prévention-protection et sécurité du territoire) et le cas échéant d'assurer des actions de projection pour assurer la sécurité de nos ressortissants.

L'armée de Terre comprend :

- le 42 ème bataillon de commandement et de soutien (500 hommes environ) stationné à Nouméa et comprenant :


• 1 compagnie de commandement et de soutien logistique,


• 1 compagnie de soutien technique,


• 1 compagnie de quartier général.

Sa mission essentielle est de soutenir tous les organismes de commandement et les services de l'armée de Terre ; il peut participer aux missions de sécurité des FANC et constituer, le cas échéant, une base logistique arrière pour les opérations.

- le régiment d'infanterie de Marine du Pacifique-Nouvelle-Calédonie (850 hommes) stationné à Nouméa et réparti entre Nouméa, Plum à proximité de Nouméa et Nandai au centre de l'île et composé de :


• 2 compagnies d'infanterie motorisée,


• 1 compagnie parachutiste (compagnie tournante),


• 1 compagnie de reconnaissance et d'appui,


• 1 escadron blindé AML,


• 1 compagnie de commandement et de service,


• 1 compagnie d'instruction.

Dans ce régiment se trouve la « force vive » des FANC pour l'action terrestre ; il dispose de plus de 250 véhicules dont 10 blindés AML, de plus de 1 200 armes dont 4 mortiers de 120 mm et de près de 150 moyens radio.

Il trouve sa raison d'être essentielle dans l'affirmation de la souveraineté française dans le Pacifique ; il assure, en outre, la formation et l'instruction des recrues de l'armée de Terre et des stagiaires des trois armées et de la Gendarmerie.

- Le groupement du service militaire adapté (SMA) est réparti en deux compagnies stationnées au nord de l'île.

Sa mission est celle confiée à toutes les unités de SMA :


• dispenser la formation militaire aux appelés locaux ;


• préparer les stagiaires à une meilleure insertion lors du retour à la vie civile, par une formation professionnelle adaptée ;


• les faire participer à la mise en valeur du territoire ainsi qu'à l'exécution des plans de défense, de protection et de recours.

La Marine compte un peu moins de 700 personnes.

Elle dispose d'un bâtiment de transport (BATMAL « Jacques Cartier »), de deux patrouilleurs P400 (« La Glorieuse » et « La moqueuse »), d'une vedette de gendarmerie maritime, d'une batellerie portuaire (2 chalands, 2 vedettes, 1 remorqueur) ; en outre une frégate de surveillance, « le Nivôse » ; est détachée par l'amiral commandant les forces du Pacifique, et un bâtiment hydrographique, le « Laplace », est mis en oeuvre par la Mission hydrographique du Pacifique.

Tous ces bâtiments sont abrités à la base navale de Chalery à Nouméa. La base aéronautique de Tontouta, à proximité de Nouméa, accueille l'escadrille 9S (biréacteurs de surveillance maritime GARDIANS). Les centres à terre rassemblent l'« unité marine », un service de transmission, un groupement de fusiliers-marins et un centre administratif.

La Marine assure la défense maritime du territoire, la surveillance des eaux nationales (zone économique exclusive notamment) et, sous l'autorité du Haut-commissaire, les diverses actions de l'État en mer.

L'armée de l'Air (150 personnes) dispose de 2 appareils de transport TRANSALL C 160, 6 hélicoptères PUMA SA 330 et 2 hélicoptères de liaison FENNEC.

Elle est chargée de la défense aérienne du territoire, de l'aéromobilité des forces armées et de missions de service public spécifiques (évacuations sanitaires notamment).

La Gendarmerie est organisée en un groupement d'environ 450 hommes, répartis entre :


• 31 brigades territoriales réparties sur tout le territoire,


• 1 brigade de recherche,


• 1 brigade de transport aérien,


• 1 brigade motorisée,


• 1 peloton d'intervention à cheval,


• 1 groupe de pelotons mobiles équipé de VBRG et comprenant une brigade nautique,


• 1 détachement à 2 brigades (Wallis-et-Futuna),


• 1 section aérienne à 2 hélicoptères ÉCUREUIL.

La Gendarmerie est renforcée, en permanence, par 6 escadrons de gendarmerie mobile, soit 600 hommes environ, s'ajoutant aux 600 hommes de la gendarmerie territoriale.

Elle assure des missions de sécurité publique générale, de police judiciaire, de secours, de maintien de l'ordre et de défense militaire (dans le cadre de la DOT).

Les services, réorganisés en 1992, comprennent :


• une direction mixte
des travaux chargée de l'infrastructure pour l'ensemble des armées ;


• une
direction du matériel de l'armée de Terre ;


• une direction du Commissariat de l'armée de Terre
dont certaines missions (ordonnateur et contentieux) sont interarmées ;


la Direction interarmées du service de santé ;


et le Centre du service national, ces deux derniers organismes étant interarmées depuis longtemps.

*

Ce tableau dressé, quelles sont les principales caractéristiques et les principaux problèmes du stationnement en Nouvelle-Calédonie ?

Ces caractéristiques et ces problèmes peuvent être examinés à partir de trois constatations :


• la Nouvelle-Calédonie est un territoire français, partie intégrante de la République ;


• la Nouvelle-Calédonie est une île très éloignée de la métropole ;


• la présence militaire en Nouvelle-Calédonie est répartie entre les trois armées et la Gendarmerie mais sous un commandement unique.

1. La Nouvelle-Calédonie, est un territoire français, partie intégrante de la République

Les lois de la République s'y appliquent. Les répercussions de deux d'entre elles seront examinées ici : les lois sur le service national et sur la zone économique exclusive. Service public essentiel, les Armées contribuent, en outre, au nom de l'État, aux missions d'intérêt général.

a) Le service national

Le système dit du « congé budgétaire » propre aux recrues d'outre-mer a été abandonné. Il consistait à renvoyer la plupart des recrues dans leurs foyers aussitôt incorporées ; les autres n'accomplissaient qu'un service de durée réduite (6 mois au lieu de 24 à la veille de la deuxième guerre mondiale).

Mais, compte tenu des capacités d'accueil des formations militaires locales, l'absorption du contingent nécessite l'acheminement de recrues vers la métropole et, pour contribuer au développement du territoire, une forme spécifique de service militaire, le « service militaire adapté » (SMA), a été créée.

L'abandon de la conscription aura toutefois des effets dont il convient, dès maintenant, de mesurer l'ampleur. Avec elle, en effet, disparaîtra un facteur essentiel de brassage des communautés, d'insertion sociale et professionnelle des jeunes, toutes ethnies confondues et, partant, de cohésion territoriale et nationale, de rattachement à la République ; une autorité civile du territoire, est allée jusqu'à évoquer les « effets cataclysmiques » de cet abandon. Celui-ci a surpris la population de l'île et il est parfois interprété comme un abandon de la contribution à la défense de la République demandée à la population du territoire, un désengagement de la métropole, n'envoyant plus de jeunes appelés outre-mer, n'accueillant plus de jeunes venant du territoire, territoire de surcroît lointain et isolé, rendu ainsi à son isolement et à son éloignement de la métropole.

Pour éviter que les forces armées apparaissent uniquement comme une armée métropolitaine « exportée » dans l'île, sinon l'« occupant », il sera, à l'évidence, indispensable de recruter des engagés d'origine locale.

Les critères de choix ne pourront cependant être fondés sur la seule qualification de l'intéressé mais devraient tenir compte de l'origine territoriale. Le caractère pluri-ethnique des forces armées, assuré sans peine par la conscription, devra en tout cas perdurer ; il contribue grandement au climat de confiance et de sécurité.

D'ores et déjà, du reste, une partie des volontaires pour un service long outre-mer (VSLOM) doit être remplacée progressivement par des recrutés du territoire d'outre-mer (RTOM), l'objectif étant de un tiers VSLOM et deux tiers RTOM. Mais, en fait, ce remplacement se révèle difficile ; les VSLOM arrivent, en effet, avec un contrat d'au moins 16 mois, prolongé pour au moins un cinquième d'entre eux ; ils sont dotés d'un bon niveau général et de bonnes capacités professionnelles et servent, pour la majorité d'entre eux, immédiatement dans des emplois de spécialistes. Le niveau des RTOM - général, scolaire et professionnel - est nettement inférieur et ne permet pas d'honorer les postes avec la qualification voulue ; en outre les charges de formation se trouvent accrues (formation toutes armes et spécialisation), la capacité opérationnelle amoindrie du fait de la durée de la formation (2 à 3 mois), du taux d'échec et de la durée, par conséquent limitée, de service utile.

À ces considérations, valables du reste pour l'ensemble des territoires et départements d'outre-mer s'ajoute, en outre, pour la Nouvelle-Calédonie, la contribution qu'apportent les forces armées à la réussite des accords de Matignon pour la formation des jeunes appelés du territoire qu'il s'agisse du service militaire traditionnel ou de la forme de service, plus récente et élargie à d'autres finalités qu'est le service militaire adapté (SMA) dont nous avons pu nous rendre compte, sur place, de la parfaite réussite.

Mais l' avenir du SMA constitue une interrogation majeure. Si la pérennité semble assurée compte tenu des déclarations du chef de l'État, le contenu et les modalités du « nouveau SMA » restent encore à définir. Il importe qu'ils le soient rapidement.

b) La zone économique exclusive

La loi du 16 juillet 1976 affirme l'unité de régime juridique de la zone économique exclusive. C'est la République - et elle seule - qui y exerce « les droits souverains en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles biologiques ou non biologiques du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes » .

Ces droits imposent un devoir : celui de surveiller et de protéger cette vaste zone - s'étendant jusqu'à 200 milles marins (soit 360 Km) des côtes - où la Nouvelle-Calédonie tire, et peut tirer à l'avenir, d'importantes ressources. L'insularité et l'isolement du territoire donnent, de surcroît, un effet maximum à l'extension de cette zone.

La Marine en Nouvelle-Calédonie joue, à cet égard, un rôle essentiel dans la surveillance de la zone économique exclusive. Elle leur consacre une partie appréciable des missions des bâtiments affectés à Nouméa (ainsi que des moyens aériens). Cette surveillance ne constitue du reste qu'une partie des actions de l'État en mer assurées par la Marine, placée, en ce domaine sous l'autorité du Haut-commissaire.

c) Les missions dites de service public

Les FANC assurent, d'abord, un premier et essentiel service public, celui de la Défense. Mais une partie non négligeable de leurs moyens et de leur temps va à d'autres missions d'intérêt général. La Nouvelle-Calédonie, en effet, est démunie de toute organisation de protection civile et la plupart des incidents provoquent une demande d'assistance qu'il est difficile aux FANC de refuser, des vies humaines étant souvent en cause.

Les FANC sont ainsi sollicitées, notamment, pour l'application du plan ORSEC (cyclones en particulier), pour les secours en mer, pour les évacuations sanitaires (EVASAN), pour la lutte contre l'incendie (en dehors de Nouméa), pour les transports et la logistique des centres de SMA.

Le remboursement, ou le non-remboursement, de ces missions relève de pratiques diverses. Quoi qu'il en soit, elles sont remplies avec dévouement, célérité et efficacité. Elles contribuent certainement, au maintien d'un climat de sécurité et de confiance auprès des populations et à la bonne insertion du dispositif militaire. Sont-elles toutefois suffisamment reconnues et appréciées, notamment de la part des autorités locales ? À cette contribution essentielle apportée ainsi par les FANC y a-t-il vraiment lieu, en particulier, d'ajouter une application systématique et sans grand souci de souplesse, de la lourde contribution douanière imposée aux armées ?

2. La Nouvelle-Calédonie est une île très éloignée de la métropole

Cette double caractéristique physique d'insularité et d'éloignement entraîne des conséquences inévitables.

L' éloignement - 20000 km de Paris, 5000 km de Papeete - impose des délais d'acheminement du personnel et du matériel - une journée au moins de Papeete, quatre jours de Paris (par avion), 45 jours de la métropole, 15 jours de Papeete (par bateau). D'où la nécessité d'une autonomie suffisante en personnel et en ravitaillement pour faire face, le cas échéant, à des situations extrêmes.

L'insularité - le territoire comprend six groupes d'îles principales, certaines (îles Belep, île des Pins, l'ensemble Ouvea, Lifou, Mare) à proximité de la plus grande, la Grande Terre, d'autres sensiblement éloignées (Matthew Hunter à 500 km, Wallis-et-Futuna à 2300 km). Cette situation dicte la nécessité de disposer de moyens aériens suffisants (TRANSALL) pour sauvegarder la liberté et la rapidité de manoeuvre. Seule la Grande Terre dispose d'un port en eau profonde pouvant accueillir tout type de navires ; mais les communications par voie terrestre y sont difficiles, du fait, notamment de l'existence d'une chaîne montagneuse parcourant l'île longitudinalement et érigeant une véritable barrière entre la côte Est et la côte Ouest.

L'insularité est encore accrue par :


• l'existence de structures économiques quasi monopolistiques, les produits et les marchés étant dans les mains de quelques grandes entreprises, ce qui fausse le jeu de la concurrence et limite les possibilités d'approvisionnement alors que la Nouvelle-Calédonie est très dépendante de l'extérieur.


• un système douanier très strict, assurant d'importantes ressources au territoire, et s'agissant des FANC parfois trop strict (pas d'exonérations douanières pour les produits pharmaceutiques destinés au Service de santé, par ex.).

Toutes ces contraintes créent un allongement de la chaîne d'approvisionnement, dans le temps comme dans l'espace, qui fait peser en alternance une double hypothèque sur la gestion des stocks : leur rupture par insuffisance ou leur excès par précaution exagérée.

3. Les forces armées en Nouvelle-Calédonie sont placées sous un commandement interarmées

Les FANC, dépendant pour emploi du chef d'État-major des armées, sont placées, on l'a noté, sous les ordres d'un général commandant supérieur assisté d'un état-major interarmées et dispose d'un commandant des éléments de chacune des trois armées et des services ; le colonel commandant la Gendarmerie dépend, pour emploi, des autorités administratives.

Nous avons pu constater que l' interarmisation du commandement et des soutiens, particularité forte du stationnement outre-mer, était conduite de façon résolue mais pragmatique. Les principes inspirant cette démarche nous ont paru tout à fait judicieux : mélanger les représentants des différentes armées, pour qu'ils puissent mieux se connaître, préserver la capacité de réaction de chaque armée, vérifier concrètement si le regroupement génère des économies, ne pas rechercher systématiquement les réformes structurelles mais confier globalement, le cas échéant, une fonction à une armée.

Ces principes ont, jusqu'à présent, conduit à constituer un état-major entièrement interarmées composé, après regroupement de bureaux générateur de gains de secrétariat, de deux divisions - l'une personnel-logistique, l'autre renseignement-emploi-instruction.

Pour les services, ont été recherchés, et le plus souvent obtenus, un resserrement des emprises, une rationalisation des soutiens en réduisant la duplication des fonctions (maintenance, élimination) pour les matériels communs d'usage courant, des infrastructures et des stocks (pièces de rechange en particulier). Une étape ultérieure doit porter sur l'homogénéisation, sinon l'uniformité, du parc de matériels communs et l'établissement d'un budget interarmées du commandant supérieur.

*

Notre mission, qui nous a amené à parcourir l'île, à visiter de nombreuses installations des trois armées, de la Gendarmerie et du SMA, à nouer de nombreux contacts, à tous les échelons de la hiérarchie militaire, tout comme avec les autorités civiles, représentants de l'État ou du territoire, nous a ancré dans la conviction que le réajustement des effectifs, envisagé pour l'ensemble de notre dispositif outre-mer, appelait une grande circonspection s'agissant de la Nouvelle-Calédonie : la redéfinition des missions, la modification de l'implantation sur le terrain s'intègrent, en effet, dans un contexte qui ajoute aux contraintes ci-dessus exposées celle de la réussite des accords de Matignon auxquels participent de façon évidente les FANC. La suppression progressive du service militaire appellera, en outre, la réunion de conditions indispensables pour assurer le recrutement d'engagés locaux, préserver ainsi le caractère pluri-ethnique des forces armées, maintenir la connaissance du milieu et compenser l'instabilité des personnels en provenance de la métropole (personnels tournants).

Nous avons pu, en tout cas, constater l'excellente tenue de nos détachements sur ce territoire lointain, leur parfaite insertion et la lucidité du commandement dans l'appréciation des enjeux de la présence militaire compte tenu à la fois de la situation locale et des importantes réformes appelées à transformer nos armées.

VI. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Notre niveau d'engagement reste élevé et, par conséquent coûteux (A). Cela alors que le coût de ces opérations risque de peser encore davantage sur le budget, compte tenu autant du passage d'un mandat onusien à un dispositif OTAN, et que ces opérations, en principe, devront maintenant, sauf exception, être financées « sous enveloppe » (B). Il est permis dans ces conditions de s'interroger sur le maintien d'un niveau d'engagement aussi élevé au regard des « retombées » de divers ordres qu'elles nous apportent réellement.

A. UN COÛT QUI DÉPASSE CINQ MILLIARDS DE FRANCS EN 1996

Les effectifs déployés dépassent 15 000 hommes, en augmentation de 2 000 par rapport aux deux années précédentes :

EFFECTIFS MOYENS DÉPLOYÉS SUR LES DIFFERENTS THÉATRES D'OPÉRATIONS

Le coût estimé dépasse 5 milliards de francs, en augmentation de plus d'un milliard par rapport à 1995 :

SURCOÛT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN 1994, 1995 ET 1996

La répartition de ce surcoût par nature des dépenses montre le poids prédominant des dépenses de rémunérations qui comptent pour près de la moitié des dépenses totales et pour plus de la moitié des dépenses du titre III Il serait sans doute souhaitable de procéder à un réexamen du système de solde permettant d'alléger les conséquences d'un envoi à l'extérieur, sans pénaliser, toutefois, les militaires quant au niveau global de leurs rémunérations.

Par armée et compte tenu des effectifs engagés, c'est l'armée de Terre qui supporte l'essentiel des dépenses - 3 233 millions de francs - suivie par l'armée de l'Air - 1 171 millions de francs - la Gendarmerie - 340 millions de francs - et la Marine - 268 millions de francs :

RÉPARTITION ENTRE LES TROIS ARMÉES ET LA GENDARMERIE DES DÉPENSES LIÉES AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURS EN 1996

Par théâtre d'opérations, le plus coûteux continue d'être l'ex-Yougoslavie :

RÉPARTITION DES DÉPENSES LIÉES AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN 1995 ET 1996

B. UN COÛT DONT LES MODALITÉS DE FINANCEMENT ONT ÉTÉ REVUES ET QUI VA PESER ENCORE DAVANTAGE SUR LE BUDGET DE LA DÉFENSE

Jusqu'à présent les dépenses engendrées par les opérations extérieures, financées directement sur le budget de la Défense, faisaient l'objet :

- de remboursements par l'ONU, remboursements partiels, aléatoires, et en tout état de cause, lents ; nous en avons exposé, en détail, le mécanisme, dans notre précédent rapport :

REMBOURSEMENTS EFFECTUÉS PAR L'ONU À LA FRANCE (SOLDES ET INDEMNITÉS)

- de compensations par voie de collectif, qui couvraient une partie des dépenses, et encore uniquement celles du titre III, cet apport de crédits étant, du reste, largement gagé par des annulations sur le titre V :

COUVERTURE PAR LFR DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES ENGENDRÉES PAR LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Désormais ces possibilités de remboursements et de compensations vont se trouver considérablement amoindries.

- Les opérations en ex-Yougoslavie, les plus coûteuses, ne sont plus, en effet, menées sous mandat onusien. Ce sont des opérations menées sous l'égide de l'OTAN ne donnant plus lieu à remboursement. En outre alors que le barème de contribution aux dépenses des OMP onusiennes fixe notre part à 7,6 % de ces dépenses, l'assiette de notre contribution aux dépenses de l'OTAN nous est plus défavorable (13 - 18 %). À noter que pour les États-Unis la situation est inverse. De surcroît dans le cadre de l'IFOR nous assurons le soutien de détachements étrangers - dans des conditions qui seraient du reste à préciser - placés sous notre responsabilité ce qui accroît encore ces dépenses.

- Le « collectif » n'apportera plus, en principe, de crédits destinés à la couverture des opérations extérieures. En effet, les opérations extérieures dites « courantes » doivent désormais être financées sous enveloppe budgétaire. Seules les opérations qui ne le sont pas - ainsi reconnues comme telles par une décision du chef de l'État - peuvent donner lieu à couverture. Mais le financement sous enveloppe pose la question de l'inscription de dotations provisionnelles dans le budget initial. Celles-ci paraissent tout à fait évaluables, au moins pour certaines opérations : nous sommes au Liban depuis 19 ans et notre engagement en ex-Yougoslavie va perdurer en 1997 comme nous nous y sommes engagés.

C. UN COÛT QUI APPELLE UN RÉEXAMEN D'ENSEMBLE DE NOS CONDITIONS D'ENGAGEMENT

Pour 1996, le surcoût des opérations extérieures, 5,3 milliards de francs, représente le tiers du total du budget du ministère des Affaires étrangères. Or les opérations extérieures si réussies soient-elles sur le moment - on songe en particulier à la Somalie - ne laissent que peu de traces durables après notre retrait. Il ne s'agit pas vraiment d'un investissement durable et productif. Sans doute servent-elles à préserver notre statut de membre permanent du Conseil de Sécurité. Mais l'amélioration de notre position à l'ONU devrait certainement relever davantage d'efforts diplomatiques que de la participation systématique à des opérations extérieures. Il existe, en effet, rappelons-le des moyens moins coûteux qu'une participation continuelle et substantielle à ces opérations pour conforter notre présence à l'ONU.

Quant aux « retombées » de notre participation, elles paraissent également, faute d'un suivi suffisant, sans commune mesure avec le volume humain et financier de celles-ci : on songe en particulier à notre participation à la reconstruction de Beyrouth et Sarajevo.

C'est, en définitive, l'articulation diplomatico-militaire de nos interventions qui appelle des améliorations de façon à les rendre à la fois moins coûteuses et plus efficaces.

CONCLUSION

L'organisation, les effectifs, les modes de fonctionnement de nos armées vont subir des transformations considérables dont les grands axes ont été tracés par la nouvelle loi de programmation adoptée cette année par le Parlement.

L'impact de ces transformations sur le titre III sera, lui-aussi, considérable. Il s'agira, en effet, à la fois d'accomplir la réduction des effectifs des cadres militaires, d'assurer l'amorce de la professionnalisation par le recrutement d'engagés et de financer l'ensemble des mesures sociales de restructuration. Il conviendra également d'éviter que la logique de ces transformations ne conduise à écraser les crédits de fonctionnement sous le poids des rémunérations.

Les difficultés ne sont certes pas insurmontables. Elles appellent, pour les résoudre, à la fois une grande volonté politique, et sa traduction financière, volonté dont l'expression au plus haut niveau se trouve dans rengagement public du chef de l'État, chef des armées, de veiller personnellement à ce que la loi de programmation soit intégralement respectée, une grande conviction et un grand discernement de la part des personnels des armées et leur traduction dans l'emploi des ressources.

Nous ne doutons ni de cette volonté, ni de cette conviction, ni de ce discernement. Ils sont indispensables pour adapter notre dispositif de défense au XXI ème siècle.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1997 - EXTRAITS

Article 37
Texte de l'article

Mesures nouvelles : Dépenses ordinaires des services militaires

I. - Il est ouvert au ministre de la Défense, pour 1997, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 2 182 338 000 F. applicables au titre III « Moyens des armes et services ».

IL - Pour 1997, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III « Moyens des armes et services » s'élèvent au total à la somme de 1 392 021 000 F.

Exposé des motifs

La comparaison des crédits ouverts en 1996 et de ceux prévus pour 1997 au titre des dépenses ordinaires militaires (mesures nouvelles) figure au IV de l'exposé général des motifs du présent projet de loi.

Les justifications par chapitre sont présentées dans l'annexe « Services votés - Mesures nouvelles » du budget de la Défense.

Article 39
Autorisation d'engagement par anticipation

Le ministre de la Défense est autorisé à engager en 1997, par anticipation, sur les crédits alloués pour 1998, des dépenses se montant à la somme totale de 130 000 000 F. conformément à l'état D annexé à la présente loi.

Exposé des motifs

L'article 11 de l'ordonnance N° 59-2 portant loi organique relative aux lois de finances subordonne les engagements par anticipation sur les crédits de l'année suivante à des dispositions spéciales qui font l'objet du présent projet d'article.

ÉTAT D

(article 39 du projet de loi)

TABLEAU PAR CHAPITRE, DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT ACCORDÉES PAR ANTICIPATION SUR LES CRÉDITS À OUVRIR EN 1998

MODIFICATIONS ADOPTEES PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE

Amendement N° 54

« Au titre de l'article 37, majorer les crédits de paiement du titre III de 20 000 francs ».

Cette majoration concerne les locations immobilières pour la Gendarmerie.

ANNEXE - EXTRAIT DE « ARMÉES D'AUJOURD'HUI » N° 211

(JUIN 1996)

LE SPLEEN DES SOUS-OFFICIERS

La nécessaire évolution de l'armée pose un casse-tête arithmétique qui anime actuellement les discussions de cercles. Nous savons qu'il y a trop d'adjudants-chefs et d'adjudants, et qu'il n'y aura pas de loi de dégagement de cadres. Aussi, espérons-nous des incitations au départ dignes d'un pays qui a fait face aux grandes crises sociales de l'après-guerre et les a résolues.

PLAIDOYER POUR UNE CARRIÈRE MENACÉE

Adjudant-chef Magriorini

Notre propos n'est pas d'énumérer, ni d'expliquer ces périodes de réformes. Il tentera de situer des sous-officiers qui, dès la fin de la guerre d'Algérie, ont su être à leur place, face à la menace soviétique, dans les actions extérieures, mais aussi sur le territoire métropolitain. Ils ont exécuté les réformes nécessaires à l'instruction. Ils se sont toujours adaptés aux nouvelles structures et aux nouveaux matériels. Avec les appelés de toutes origines, ils ont vu réduire leur temps de formation.

Dans cette nouvelle réforme, nous redoutons des incitations au départ insidieuses. Cependant, une mise au point s'avère importante dans ce contexte de changement. L'appelé apparaît aujourd'hui comme un citoyen inefficace et de peu de relief. C'est faire injure à une jeunesse formidable. C'est oublier que derrière le mot « appelé » il y a un homme, en devenir certes, mais capable, si le temps nous est donné, d'en faire un soldat apte à se battre pour défendre son pays : « Le vainqueur de Verdun, c'est le soldat ».

La peur de l'avenir

Pendant trente années, des sous-officiers ont vu leur carrière évoluer. Pour résumer, nous pouvons dire que chaque grade a une durée de vie, que la carrière se construit sur la réussite aux examens militaires et techniques, la manière de servir et les résultats sportifs. Ce défi permanent permet, heureusement, de maintenir du personnel performant. En France, peu de catégories professionnelles vivent cette insécurité. Beaucoup d'adjudants-chefs et d'adjudants ont rempli ce contrat.

Que craignent-ils donc ?

Ils craignent que leurs problèmes personnels ne soient plus pris en compte avec attention.

Que la raréfaction logique des affectations futures débouche sur des mutations qui forceront leur départ.

Ils craignent, pour les adjudants, que le barreau qu'ils ne recevront pas signifie : « Tu es un mauvais sous-officier », alors qu'ils ont réussi leurs examens, qu'ils accomplissent leur travail correctement et qu'ils n'ont jamais été punis.

Rappelons que la majorité de ces personnes entretiennent une famille. Souvenez-vous du dicton : « Petits enfants, petits soucis, grands enfants, grands soucis ».

Favoriser la reconversion

Des mesures de reconversion existent. Elles satisferont aux exigences de la vie civile. La direction du personnel militaire de l'armée de Terre est à l'écoute des problèmes particuliers. Pour notre régiment, elle répond toujours favorablement à nos sollicitations. Mais ces mesures ne s'avèrent efficaces que pour les personnes de moins de 45 ans. Regardez les offres d'emploi : après cet âge, vous n'existez plus.

Silencieusement, beaucoup de cadres sont partis. Nous redoutons ce silence. Nous suggérons plusieurs mesures de départ pour les personnes de 46 à 53 ans.

Il existe, de manière limitative pour les adjudants, le passage au grade supérieur, conditionnel à un départ. Étendons cette faveur au plus grand nombre. De même, appliquons-la aux adjudants-chefs pour le grade de major conditionnel.

Un pécule, représentant trois ans de solde de base plus la pension normale relative aux années de service, pourra intéresser beaucoup d'adjudants-chefs.

Ces dispositions, additionnées à la reconversion classique des militaires, aideront sûrement cette réforme vitale de l'armée. Conscient de la partialité de notre plaidoyer et de posséder une information incomplète, nous désirons rappeler que les hommes modestes et obscurs ont transmis, dans une situation de non-guerre, le savoir-faire de leurs anciens. Qu'ils auraient aimé accomplir leur vraie mission : le combat. Leur parcours a subi des à-coups, des coups durs et des coups tordus. Mais la grande majorité de ces sous-officiers s'est toujours montrée fidèle, disciplinée et disponible.

* 1 Hors pensions

* 2 Y compris comptes de commerce.

* 3 Selon une enquête auprès de ses lecteurs publiée en 1994 par le « Casoar », revue de l'Association « la Saint-Cyrienne », ceux-ci demandaient que les textes sur la liberté d'expression soient rendus plus clairs et trois sur quatre d'entre eux estimaient qu'« ils devaient parler » .

* 4 « Liberté d'expression et mutations de l'institution militaire- ». Entretien avec le Contrôleur général des armées Hoffmann, directeur du C2SD. Relations internationales et stratégiques N° 22. Eté 1996. pp. 19-24.

* 5 Direction des centres d'expérimentation nucléaire.

* 6 SIRPA, Contrôle général des armées, DRM, Affaires pénales, personnels civils extérieurs, Forces françaises en Allemagne, postes permanents à l'étranger, entretien des immeubles.

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