C. VERS UNE MEILLEURE ADÉQUATION DES HOMMES ET DES STRUCTURES À LEURS MISSIONS
L'exercice 1996 a vu se poursuivre le remodelage des structures et des modes de gestion de la police nationale, avec notamment :
- La création de sûretés départementales dans les directions de la sécurité publique des départements suivants : Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Nord, Rhône, Seine-et-Marne et Réunion (décret n° 96-48 du 22 janvier 1996).
- La création des "attachés de police" au sein du Service de coopération technique internationale de police (instruction du directeur général de la police nationale de 30 avril 1996 relative à l'organisation des services de la police nationale à l'étranger).
- La réorganisation de l'École nationale supérieure de la police (décret n° 96-295 du 1er avril 1996).
- La création de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre, l'OCRIEST, au sein de la DICCILEC (décret du 6 août 1996).
Votre rapporteur spécial souhaite mettre en exergue deux autres séries de mesures, qui devraient produire leur plein effet à compter de l'an prochain et qui touchent de plus près la vie des citoyens.
1. Les personnels : une démarche convaincante qui doit être menée à son terme
La réforme des corps et des carrières, qui a fait l'objet de cinq décrets en date du 9 mai 1995, a été mise en application le 1er septembre 1995. M. Jean-Louis Debré avait indiqué qu'il procéderait à un deuxième train de réformes, après les élections professionnelles du mois de janvier 1996. Il s'agissait de mettre en oeuvre les règlements d'emploi, c'est-à-dire de repenser les métiers et de réaménager les horaires de travail.
Cette phrase est actuellement en cours avec la publication de l' arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général d'emploi de la police nationale et celle de l'instruction du 26 juillet 1996 présentant les nouveaux cycles de travail qui pourront être appliqués aux fonctionnaires de police travaillant en roulement.
Le premier de ces deux textes se substitue à une série de règlements intérieurs d'emploi de portée limitée aux personnels en tenue, à certaines directions et services (polices urbaines, CRS, ex-Police de l'air et des frontières), et aujourd'hui largement frappés d'obsolescence. Il remplace également de multiples textes réglementaires ou interprétatifs qui présentaient le double inconvénient d'être éclatés et parfois contradictoires.
Le nouveau règlement d'emploi a vocation à fixer le cadre général, les conditions et les modalités d'exercice des fonctions et des missions dévolues aux personnels de la Police nationale.
Des règlements d'emplois particuliers, en cours de préparation, aménageront, par direction et par service, les principes édictés par le règlement général.
Votre rapporteur spécial salue également la volonté du ministre de l'Intérieur d' améliorer le régime horaire applicable aux fonctionnaires de la police active , conformément d'ailleurs aux engagements figurant dans la loi d'orientation et de programmation.
Depuis janvier 1984, un nouveau système de travail cyclique pour les personnels en tenue des services de sécurité publique de province avait été mis en place. Toujours en vigueur, il est basé sur un cycle de 5 jours, avec cinq brigades de roulement et une durée hebdomadaire théorique du travail de 39 heures.
Ce cycle de cinq jours se décompose en une vacation d'après-midi le premier jour, une vacation du matin le deuxième jour, une vacation de nuit à cheval sur le deuxième et le troisième jours, et une vacation d'après-midi le troisième jour. Ces trois jours de travail sont suivis de deux jours de repos (d'où le nom de "cycle 3/2").
Les unités spécialisées (brigades de surveillances nocturnes, brigades de jour, brigades canines, unités motocyclistes...) travaillent, soit suivant un régime cyclique de quatre jours de travail suivis de deux jours de repos, soit suivant le principe de la semaine civile (cinq jours de travail suivis de deux jours de repos dont obligatoirement un dimanche) basés sur un temps de travail hebdomadaire de 39 heures.
Les fonctionnaires en civil travaillent tous suivant le principe de la semaine civile avec des systèmes de permanence pour les nuits et les jours non ouvrables.
Pour la région parisienne (les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne en ce qui concerne la sécurité publique), le régime de travail est resté le même que celui de la préfecture de police de Paris.
Les fonctionnaires en tenue sont soumis à un régime cyclique avec quatre brigades de roulement, trois brigades assurant un service de journée de 6 h 30 à 23 h 30 avec une vacation du matin, une d'après-midi et une de soirée. Ils bénéficient d'un jour de repos fixe par cycle et d'un dimanche, alternativement.
La quatrième brigade n'assure que les nuits avec un cycle de huit jours (six jours de travail suivis de deux jours de repos).
Les unités spécialisées travaillent :
- soit suivant ce système,
- soit suivant les horaires de province.
Les fonctionnaires en civil ont un régime identique à ceux de province.
Même s'il assure la continuité du service public, tous les jours, y compris les dimanche et jours fériés, le système mis en place en province, à titre expérimental, présente deux séries d'inconvénients majeurs :
- Le rapport du Médecin-chef de la Police nationale, achevé au mois de mars dernier, souligne en particulier le pourcentage élevé des policiers en longue maladie et victimes de syndromes dépressifs parmi les fonctionnaires travaillant suivant le cycle 3/2.
D'une façon générale, la concentration excessive des vacations dans le temps induit une importante fatigue qui réduit la capacité d'action des effectifs en fin de cycle.
- Le cycle 3/2 contraint, ensuite, à répartir les personnels en cinq brigades au lieu de trois ou quatre. En d'autres termes, sa mise en oeuvre diminue la disponibilité des forces de police, à effectifs identiques.
Le premier rapport sur l'exécution de la loi d'orientation et de programmation révèle ainsi que ce régime a fait perdre environ 10.000 hommes, en équivalence de forces disponibles.
L'instruction du 26 juillet 1996 présente les nouveaux cycles de travail qui pourront être appliqués, à compter du 1er janvier 1997, aux fonctionnaires de police travaillant en roulement :
- L'administration privilégie très clairement la mise en place de cycles en 4/2 (quatre vacations suivies de deux jours de repos) qui présentent l'avantage de pouvoir fonctionner avec trois brigades de trois groupes ou trois brigades de jour et une brigade de nuit.
À titres d'exemples donnés par le directeur général de la police nationale, les effectifs supplémentaires disponibles au terme de cette évolution des cycles seraient de 77 hommes à Marseille, 31 hommes à Nantes et 4 hommes dans la plus petite circonscription de police.
Un cycle en 6/2 (six jours de travail suivis de deux jours de repos) est cependant plutôt envisagé pour Paris et le ressort de la Préfecture de police.
- L'avis des comités techniques paritaires départementaux est requis. Cette procédure "déconcentrée", particulièrement bienvenue au cas d'espèce, permet d'associer les personnels et garantit l'adaptation des règles en matière d'aménagement du temps de travail aux besoins locaux.
Dans le contexte dramatique créé par le suicide de plusieurs membres des forces actives de police, votre rapporteur spécial se félicite, une nouvelle fois, de ce nouveau pas en avant dans la direction d'une plus grande souplesse de gestion et d'une meilleure adéquation aux besoins du mode de fonctionnement de la police.
2. Les structures : une meilleure articulation des dispositifs de la gendarmerie et de la police nationale ?
Ce second volet d'une meilleure adéquation de la police à ses missions emporte moins la conviction de votre rapporteur spécial que celui relatif à la nouvelle organisation des cycles de travail.
L'article 8 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité avait prévu de nouvelles modalités d'établissement ou de retrait du régime de la police d'État dans les communes.
Le décret d'application n° 96-827 du 19 novembre 1996 dispose que toutes les communes chefs-lieux de département, aujourd'hui placées sous le régime de la police d'État, le demeureront, et que, pour les autres communes, ce régime peut être établi si la population, appréciée en tenant compte de l'importance de la population saisonnière, est supérieure à 20.000 habitants et si les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones urbaines. Inversement, le régime de police d'État peut être supprimé si ces conditions ne sont pas, ou plus, remplies . La modification par arrêté du régime de police, dans quelque sens qu'il s'opère, suppose toutefois une demande ou un accord du conseil municipal. Dans le cas contraire, cette modification ne peut s'opérer que par décret en Conseil d'État.
De l'aveu même des hauts fonctionnaires rencontrés par votre rapporteur spécial, ce texte n'est pas de nature à modifier la carte des implantations respectives de la Police et de la Gendarmerie et consacre, en fait le statu quo.
Le seul effet direct du décret précité ne concerne dans l'immédiat que le département de la Haute-Corse, où il est proposé de fermer le commissariat de Corte et d'étendre la circonscription de Bastia aux communes de Furiani et de Pietro Bugno.
Parallèlement, le décret n° 96-828 du 19 septembre 1996 relatif à la répartition des attributions et à l'organisation de la coopération entre la Police nationale et la Gendarmerie nationale, consacre le principe de l'exclusivité de la responsabilité de l'exécution des missions de sécurité et de paix publiques par la Police nationale dans les communes sous le régime de la police d'État, et par la Gendarmerie nationale dans les autres.
Ce texte précise que "d ans les communes placées sous le régime de la police d'État, la police nationale assure seule la responsabilité de l'exécution des missions de sécurité et de paix publiques ". Dans les autres communes, la gendarmerie nationale assure seule cette responsabilité. Ce n'est qu'en cas d'événements graves ou d'urgence que le représentant de l'État peut " mettre en place des concours réciproques entre la police nationale et la gendarmerie nationale ". Selon le décret, " dans chaque département, le représentant de l'État, et, à Paris, le préfet de police, ont la responsabilité de la coordination des actions de la police nationale et de la gendarmerie en matière de paix et de sécurité publique ".
Il est par ailleurs créé u n conseil de l'équipement et de la logistique , composé de six représentants de la direction générale de la police nationale désignés par le ministre de l'Intérieur et de six représentants de la direction générale de la gendarmerie nationale désignés par le ministre de la Défense. Son président, désigné par arrêté conjoint du ministre de l'Intérieur et du ministre de la Défense, est choisi alternativement parmi les représentants de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale. C'est "l'organe de réflexion et de proposition en matière de coordination des recherches sur les équipements et les matériels de la police nationale et de la gendarmerie nationale".
Le seul véritable apport de ce second décret semble devoir résider dans la création de ce conseil de l'équipement et de la logistique, gage d'une meilleure synergie entre la police et la gendarmerie nationales.