II. LE "COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE" DU 3 OCTOBRE DERNIER
Le Gouvernement a pris l'initiative de réactiver le Comité interministériel de la recherche scientifique et technique créé en 1958 par le Général de Gaulle.
A l'issue des travaux, le Premier ministre a fait diffuser le communiqué suivant :
"Convaincu que la France a aujourd'hui le plus urgent besoin d'une politique de recherche forte et volontariste, le Premier ministre a pris la décision de réactiver le Comité interministériel de la recherche scientifique et technique créé en 1958 par le Général de Gaulle et mis en sommeil depuis 1982.
Présidant personnellement les travaux du Comité interministériel, le Premier ministre a affirmé qu'il convenait de donner une nouvelle ambition et un nouveau souffle à la recherche française en créant une dynamique de valorisation de ses activités et de ses résultats, et de promotion de ses acteurs.
A cet effet, le Comité interministériel a proposé de renforcer la cohérence des activités des grands organismes de recherche et des universités, et de favoriser les synergies entre la recherche publique et la recherche privée pour répondre aux attentes sociales et aux besoins des entreprises. Il s'est employé à créer les conditions de nature à faciliter le recrutement de jeunes chercheurs, à garantir aux chercheurs la juste rémunération morale et matérielle de leurs découvertes et à valoriser plus largement la recherche publique en facilitant les transferts de technologie.
En conclusion, le Premier ministre a fortement insisté sur la nécessité qui s'impose aujourd'hui dans un contexte international marqué par une compétition acharnée, d'un large consensus sur une grande ambition nationale de recherche. Il y attache d'autant plus de prix que cette ambition trouvera obligatoirement sa traduction dans le développement économique et la création d'emplois nouveaux".
Le Comité a constaté la nécessité d'effort soutenu de recherche fondamentale. Les avances scientifiques majeures se sont produites à la frontière des disciplines, par des ruptures souvent profondes des principes de raisonnement scientifique, et sont par nature imprévisibles. Soutenir une recherche fondamentale de qualité sur le maximum des fronts de la connaissance lui est apparu comme l'unique moyen de permettre l'éclosion de grandes découvertes dans notre pays et également faciliter l'accès à l'ensemble des progrès scientifiques mondiaux. C'est aussi construire la base solide d'un "continuum de recherche" qui s'étend de la recherche fondamentale aux applications technologiques.
Trois thèmes prioritaires de recherche ont été retenus par le BCRD 1996 : la construction aéronautique et spatiale, les industries électroniques et des technologies de l'information et la fabrication de machines et équipements.
Pour 1997, il s'agit de maintenir l'effort dans les domaines créateurs d'emplois et plus particulièrement ceux où le potentiel de compétitivité par l'innovation technologique est fort.
Une analyse des demandes socio-économiques, traduite en thématiques de recherche conduit à concentrer l'effort sur :
les industries agro-alimentaires (sécurité alimentaire) ;
les transports terrestres et les transports aéronautiques en ce qui concerne la sécurité, l'environnement et les services ;
les industries électroniques et des technologies de l'information ;
la chimie de formulation.
Par ailleurs, trois priorités horizontales seront favorisées, pour lesquelles la France doit consolider son potentiel scientifique et technologique, afin de mieux répondre à une demande socio-économique forte :
la recherche médicale. Dans ce domaine, il importe en priorité :
- de poursuivre l'effort dans les cinq domaines de la lutte contre le cancer, les maladies infectieuses, notamment le SIDA, les maladies cardio-vasculaires, les maladies dégénératives et les maladies neuro-sensorielles portant en particulier sur la vue et l'audition ;
- d'encourager des recherches dans des secteurs plus horizontaux comme la génétique, la microbiologie et les biothérapies.
La recherche dans les domaines liés à l'environnement et au cadre de vie (en particulier les technologies de l'environnement), en se concentrant :
- sur leur application à des milieux particulièrement sensibles : les villes, les sols et les zones littorales,
- sur la préservation de la biodiversité.
Les recherches technologiques de base dans le domaine des sciences de l'innovation des produits et des procédés, en particulier les procédés et les méthodes industrielles. Dans ce domaine, le Comité a constaté que notre potentiel de recherche était de bonne qualité, mais insuffisamment coordonné.
En revanche, le Comité interministériel de la recherche scientifique et technique a fait valoir trois observations :
- le domaine de l'énergie n'apparaissait plus en croissance et relevait plutôt de technologies bien maîtrisées,
- le secteur aéronautique était plutôt dans une phase de stabilisation,
- le secteur de l'espace demanderait peut-être à être reconsidéré en tenant compte du fait que c'est la partie rattachée aux technologies de l'information qui devrait connaître la plus forte croissance.
Après avoir dégagé les priorités nouvelles, le Comité interministériel a formulé un certain nombre d'orientations. Il a notamment recommandé :
de renforcer la cohérence des activités des grands organismes de recherche et des universités,
de favoriser les synergies entre la recherche publique et la recherche privée pour répondre aux attentes sociales et aux besoins des entreprises,
de créer les conditions de nature à faciliter le recrutement de jeunes chercheurs,
de garantir aux chercheurs la juste rémunération morale et matérielle de leurs découvertes,
enfin, de valoriser plus largement la recherche publique en facilitant les transferts de technologies.
Votre rapporteur spécial constate que les conclusions du Comité interministériel rejoignent très largement les orientations et remarques qu'il avait lui-même formulées lors du précédent débat budgétaire.
Les travaux du Comité ont, par ailleurs, été à l'origine de deux réformes que votre rapporteur spécial tient tout particulièrement à saluer.
L'une a trait à l'intéressement des chercheurs publics. Elle est d'ores et déjà entrée dans les faits avec le décret n°96-857 du 2 octobre 1996 modifiant le code de la propriété intellectuelle et relatif à l'intéressement de certains fonctionnaires et agents de l'Etat et de ses établissements publics auteurs d'une invention.
La seconde, avec la création de "fonds communs de placements pour l'innovation", a pour objectif la mobilisation des capitaux privés pour financer l'innovation. Elle figure dans le projet de loi de finances pour 1997.
Pour votre rapporteur spécial, le dispositif proposé peut encore être amélioré. Il s'y emploiera lors de la discussion budgétaire.
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L'intéressement des chercheurs
publics
Le Comité a constaté que le dépôt et l'exploitation de brevets résultant des travaux des organismes de recherche publique étaient très insuffisants en France et manifestaient la préférence des chercheurs pour la publication de leurs résultats ou de leur désintérêt pour collaborer au développement d'un nouveau produit ou procédé sur le marché.
Afin d'encourager la contribution à la compétitivité que peut apporter une invention valorisée dans l'industrie, grâce à la créativité et aux effets de développement démontrés par les chercheurs, il est apparu qu'il importait de mieux valoriser le potentiel de recherche national.
Il a donc été réfléchi sur une mesure permettant d'instituer un intéressement financier des équipes de recherche publique à l'exploitation économique des inventions, des logiciels, des obtentions végétales et des travaux valorisés, auxquels elles ont directement participé.
Il convenait de mettre en oeuvre les modalités d'application du code de la propriété intellectuelle concernant le partage des redevances liées à (exploitation des brevets couvrant les inventions ou découvertes de personnels de la recherche publique et instituer le même dispositif pour les logiciels, les obtentions végétales et les travaux valorisés.
Cet intéressement correspondra ainsi à 25 % du produit hors taxe des redevances perçues par les établissements au titre de l'invention considère, une fois déduite la totalité des frais directs encours par la personne publique.
Exempt de tout plafonnement, l'intéressement versé à ce titre sera maintenu pendant le temps d'exploitation de l'invention aux agents ayant quitté leurs fonctions ou fait valoir leurs droits à la retraite ; il est prévu qu'il ne pas de problème de cumul de rémunération.
Le décret précité du 2 octobre 1996 prévoit ainsi que pour les fonctionnaires ou agents publics de l'Etat et de ses établissements publics régis par les dispositifs applicables aux corps et emplois figurant sur la liste annexée au présent chapitre et qui sont les auteurs d'une invention visée au code de la propriété intellectuelle, la rémunération supplémentaire est constituée par une prime d'intéressement aux produits tirés de l'invention par la personne publique qui en est bénéficiaire.
Le complément de rémunération dû au titre de l'intéressement est versé annuellement. Les sommes qui lui sont affectées sont égales à 25 % du produit hors taxes des redevances perçues au titre de l'invention, après déduction de la totalité des frais directs supportés par la personne publique bénéficiaire.
Lorsque plusieurs agents sont auteurs d'une même invention, les sommes mentionnées au II du présent article sont réparties selon l'importance de la contribution de chaque agent à l'invention. Les modalités de la répartition sont définitivement arrêtées, avant le premier versement annuel, par le ministre ayant autorisé sur le service ou par l'ordonnateur principal de l'établissement.
Si l'invention résulte d'une collaboration entre agents relevant de plusieurs personnes publiques différentes, les modalités de répartition et de paiement de la prime d'intéressement sont arrêtées de concert par les personnes publiques concernées.
Lorsque l'invention a été réalisée par l'agent dans le cadre de son activité principale, la rémunération due au titre de l'intéressement est versée à 1 intéressé, en complément de sa rémunération d'activité, sans autre limitation que celle prévue par le présent décret.
Le cas échéant, elle continue d'être versée à l'agent pendant le temps d'exploitation de l'invention, s'il quitte ses fonctions pour quelque cause que ce soit ou est admis à faire valoir ses droits à pension de retraite.
Les fonds communs déplacement dans l'innovation (FCPI)
Le Comité interministériel de la recherche scientifique et technique a relevé que la croissance économique passait par la découverte de nouveaux marchés et que la création d'emplois résultait de ce processus d'innovation dans lequel il convenait de faciliter la prise de risques :
par l'entrepreneur qui sait que l'innovation est source d'incertitude pour la rentabilité financière de ses activités,
par l'investisseur qui hésite à miser sur l'entreprise de petite taille dont le portefeuille d'activités n'est pas suffisamment diversifié.
Le Comité a estimé que le levier en termes d'emplois pouvait être significatif dans ces deux domaines. 40.000 F injectés au stade de l'innovation peuvent suffire parfois à entraîner la création d'un emploi, une fois réalisé l'amorçage du processus qui conduira au lancement du produit sur le marché, le financement des phases de développement du produit, de son industrialisation, et de sa commercialisation.
En France, aujourd'hui, le financement de l'innovation est assuré par l'Etat à hauteur de 1.200 millions de francs par an environ, essentiellement par l'intermédiaire des aides de l'association nationale pour le financement de la recherche.
Les sociétés spécialisées dans le financement du capital-risque interviennent au moment où la rentabilité du projet ou de l'entreprise deviennent mesurables. L'investissement correspondant est de 400 millions de francs par an environ. Les Fonds Communs de Placement à Risque (FCPR) et les Sociétés de Capital Risque (SCR) sont des véhicules parfaitement adaptés à ces besoins de financement.
Le financement peut également être assuré par les marchés spécialisés, tel le Nouveau Marché créé depuis le début de l'année en France, sur lequel 2 à 3 milliards de francs seront levés en 1996. Toutefois, notons cependant que la liquidité de ce marché pourrait être améliorée si les règles régissant la gestion des assurances vies et des fonds de pension les autorisant à y acquérir.
Les financements externes (hors autofinancement) de l'innovation/création aux Etats-Unis mobilisent chaque année 1 milliard de dollars pour les crédits publics et pour les flux privés, à mettre en regard des 120 millions de francs de financement public et 400 millions de francs de financement privé français.
C'est donc par un coefficient 20 qu'il faut multiplier la mobilisation de l'argent privé vers l'innovation/création en France (8.000 millions de francs par an à terme, au lieu de 400 millions de francs), afin de créer un tissu d'entreprises innovantes alimenté par un capital-risque ambitieux.
Il est donc apparu indispensable d'instituer un dispositif d'incitation fiscale permettant d'obtenir un taux de rendement interne pour les sociétés "innovantes" se rapprochant des 15 %. Les calculs montrent que pour obtenir un supplément de rendement de l'ordre de 5 % au bout de six ans, il faut un avantage fiscal à l'entrée de 25 %.
Le Comité a donc proposé la création des Fonds Communs de Placement dans l'Innovation (FCPI) régis par les règles de "l'avantage Madelin" (article 25 de la loi de finances rectificative du 4 août 1995) qui accordent aux particuliers une réduction d'impôts sur le revenu égale à 25 % des sommes investies dans la limite d'un montant fixé à 37.500 F et 75.000 F (célibataires ou couples).
Il a été jugé préférable de recourir à l'agrément donné par un établissement public constitué par des experts qui apportent au système le poids de leur expérience en statuant en fonction de critères fixés par la loi, plutôt que de se reposer sur une définition liée aux brevets inscrits au bilan et exploités par l'entreprise, solution trop complexe à évaluer sur le plan comptable.
Le dispositif retenu a donc été le suivant :
"Le Fonds Commun de Placement dans l'Innovation doit investir à hauteur de 60 % au moins dans des sociétés innovantes non cotées qui emploient moins de 500 salariés, dont la majorité du capital n'est pas détenue directement ou indirectement par une ou plusieurs sociétés et qui remplissent l'une des conditions suivantes :
elles réalisent au cours des trois exercices précédents des dépenses cumulées de recherche et de développement au moins égales au tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours de ces trois exercices ;
ou justifier de la création de produits dont le caractère innovant et les perspectives de développement économique sont reconnus par un établissement publie compétent en matière de valorisation de la recherche. "
Le dernier critère fera l'objet d'un examen par l'Agence nationale pour la valorisation et la recherche.
La réforme devrait faciliter le passage progressif d'une économie encore très dépendante des aides par l'ANVAR à un système faisant plus appel à l'initiative et au financement privé.
Le Comité interministériel de la recherche scientifique et technique a fait valoir que "l'avantage Madelin" correspondant pour 1995, à "un manque à payer fiscal" de 450 millions de francs, la mobilisation d'un supplément de 500 millions de francs de financement privé était envisageable dès 1998 pour un coût fiscal 1999 de l'ordre de 125 millions de francs.
Le nombre d'emplois générés par ces mesures pourrait alors s'élever à 3.000 environ en année pleine.
Très intéressé par les perspectives ouvertes par le nouveau dispositif, votre rapporteur spécial n'en déplore pas moins son caractère "minimaliste" en ce qui concerne les plafonds de réduction d'impôt qu'il juge insuffisants.
Il estime que l'innovation dans la petite et moyenne industrie mériterait que lui soit consacré un effort au moins aussi important que celui qui est consenti à la création cinématographique dans le cadre des sociétés pour le financement des industries du cinéma et de l'audiovisuel (SOF1CA).
En conséquence, il proposera au Sénat soit d'aligner l'avantage fiscal accordé sur celui qui aura été finalement retenu pour les SOFICA (on sait qu'une discussion parlementaire est en cours sur le sujet), soit de relever de façon significative les limites des réductions d'impôts accordées aux souscripteurs. Votre rapporteur spécial pense qu'un plafond de 50.000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et un plafond de 100.000 F pour les contribuables mariés soumis à imposition commune ("l'avantage Madelin" ne prévoyant que 35.500 F et 75.000 F) constitueraient un minimum.