2. Les relations du Trésor Public avec les collectivités et établissements publics locaux
a) Des missions variées
Les missions du réseau à destination des collectivités et établissements publics locaux s'exercent dans les domaines suivants :
• Le recouvrement
Répartition des recouvrements en 1994
La part des recettes recouvrées pour l'Etat est, en produit, sensiblement supérieure à celle des recettes perçues par les collectivités locales.
• Les paiements
Le Trésor Public assure le paiement des dépenses de l'Etat, des collectivités et établissements publics locaux.
En 1994, les comptables publics ont ainsi payé 2.336 milliards de francs au titre des dépenses de l'Etat et 1.400 milliards de francs de "dépenses locales" (dont 1.000 milliards de francs pour les collectivités locales).
• Le Conseil
En ce qui concerne la mission de conseil du Trésor Public, entendue au sens large, elle recouvre des activités d'assistance technique et d'ingénierie financière et juridique.
b) Eléments d'appréciation du coût de la mission exercée à destination des collectivités et établissements publics locaux
La direction de la comptabilité publique apprécie la charge induite par chacune de ses missions à travers un recensement quinquennal des opérations effectuées par les postes comptables.
Elle prétend que le coût de la gestion des collectivités locales assuré par les services déconcentrés du Trésor s'est élevé à 4.124,5 millions de francs en 1995, soit 37,15 % du total des crédits budgétaires des services déconcentrés du Trésor.
Le rapport de M. François Delafosse, remis au Premier ministre au cours du second semestre 1993, comportait une évaluation globale du coût des tâches de gestion liées aux relations du ministère des finances avec les collectivités locales.
Estimation du coût des tâches de gestion en 1992
(en millions de francs)
- Gestion de l'assiette des impôts locaux (DGI) - Recouvrement des impôts locaux (direction de la comptabilité publique) - Gestion financière et comptable des collectivités locales |
4.454 2.630 3.726 |
Total |
10.810 |
- Produit du prélèvement au titre des frais d'assiette et de recouvrement acquitté par le contribuable local (y compris le prélèvement de 0,4 % opéré au titre de la révision des bases) |
10.762 |
Source : Budget de programme - service financer, annexé au PLF pour 1994
Une discordance forte existe entre l'évaluation du budget de programme -4.124,5 millions de francs- et celle mentionnée dans le rapport précité - 6.356 millions de francs pour le réseau du Trésor public - .
Cet écart témoigne de l'importance de la marge d'erreur supposée par l'exercice d'évaluation des coûts pour l'Etat de ses relations avec les collectivités locales.
Celle-ci s'explique en particulier par des problèmes de méthode. L'absence d'une véritable comptabilité analytique en est un. Les difficultés d'évaluation des crédits réels consacrés au Trésor public en sont un autre.
Mais, au-delà, des questions de principe se posent :
• Il n'est pas entièrement légitime
d'attribuer aux collectivités locales la responsabilité d'une
fraction du coût du réseau du Trésor public.
Même à supposer que les coûts du réseau seraient moins élevés si celui-ci ne prenait pas en charge les tâches actuellement assurées au profit des collectivités locales, il faut considérer que cette prise en charge ne résulte pas d'une sollicitation des collectivités locales pour bénéficier de prestations suivies, mais bien, pour l'Etat, d'assurer une de ses missions essentielles.
Il y a lieu au demeurant d'indiquer que les collectivités locales n'ont pas le choix de leur comptable.
• Le prélèvement présenté
comme une contrepartie des frais d'assiette et de recouvrement des impôts
locaux ne doit pas être considéré comme tel.
Le prélèvement en question n'étant pas demandé aux collectivités locales mais directement aux contribuables locaux doit être considéré comme une taxe pure et simple à propose de laquelle il n'y a pas réellement lieu de se poser la question d'une quelconque contrepartie directe.
Dans ces conditions, les modalités actuelles de perception de la taxe prélevée en même temps que les impôts locaux doivent être vues comme une pure commodité. Elles ont cependant pour effet d'exagérer optiquement les impositions locales et d'atténuer à due concurrence la charge ressentie des impôts d'Etat.
c) Un service public au coeur de logiques disparates
Dans leurs relations avec les collectivités locales, les services du Trésor public sont soumis à des logiques disparates sinon contraires : les comptables publics sont avant tout des agents de l'Etat mais leur mission est partiellement conçue comme une mission d'assistance aux collectivités locales ; les relations des comptables publics avec ces dernières sont à la fois des relations de contrôleurs à contrôlés et des relations de conseilleurs à conseillers.
De cela peuvent naître un certain nombre d'ambiguïtés.
La fonction de conseil assurée par les comptables en fournit une illustration exemplaire.
Il entre, semble-t-il, dans les priorités du ministre de la développer, ce qui justifie les projets qui sont les siens portant sur la réorganisation du réseau et la conduite d'actions de formation au conseil.
Cette mission ne paraît guère susceptible d'être encadrée par des modes d'emploi précis tant dans sa définition de principe que du point de vue des modalités de son exercice.
Le champ du conseil est a priori vaste puisqu'il va des indications données en matière d'imputation comptable des opérations des collectivités jusqu'à des suggestions sur leur gestion financière.
A une activité de conseil portant sur des données formelles s'ajoute donc une activité aux limites du conseil d'opportunité.
L'ambiguïté de cette deuxième forme de conseil doit être soulignée.
Elle provient avant tout de ce que la responsabilité ultime des choix pèse sur l'ordonnateur et non pas sur le comptable 12 ( * ) .
Elle résulte aussi des éventuelles frictions que pourraient avoir à supporter les comptables du fait de la juxtaposition de leurs activités de contrôle et de conseil.
Elle pourrait enfin venir de ce que le comptable est aussi le représentant des intérêts financiers de l'Etat qui ne concordent pas nécessairement avec les intérêts financiers des collectivités locales.
Il est, dans ces conditions, nécessaire de dissiper ces ambiguïtés - auxquelles s'ajoutent les questions posées par la concurrence exercée par le réseau à l'égard des autres conseilleurs naturels des collectivités et par l'existence d'un lien entre la rémunération des comptables et l'exercice de leur fonction de conseil - afin que l'offre du réseau en ce domaine repose sur un engagement de service public clarifié.
d) Un service public soumis aux contraintes de tâches en perpétuelles expansion et évolution
L'environnement financier et comptable des collectivités locales a connu des modifications substantielles au cours de la période récente. Les règles applicables aux opérations des collectivités locales évoluent elles aussi rapidement, en particulier celles qui concernent les marchés publics.
La capacité des services à répondre à ces changements, bonne dans certaines hypothèses, apparaît assez inégale.
De ce point de vue, le réseau du Trésor Public a manifesté une adaptation convenable à la nouvelle réglementation budgétaire et comptable des communes issue de la loi du 22 juin 1994.
La mobilisation du réseau autour d'un projet bien individualisé doit être saluée. Elle s'est accompagnée d'efforts incontestables et de la mise en place d'instruments, parfois peut-être trop sophistiqués pour les besoins actuels, dont l'efficacité semble, au vu des expérimentations, réelle.
Mais, l'activité de contrôle des comptables semble se ressentir des modifications nombreuses de l'encadrement législatif et réglementaire de l'activité des collectivités locales dans le domaine des marchés publics en particulier qui la compliquent beaucoup.
Le train législatif, que d'ailleurs n'arrive pas toujours à suivre le train réglementaire - ainsi la loi sur la maîtrise d'ouvrage et de travail publics n'a, semble-t-il, pas encore été suivie des décrets nécessaires à son application -impose une adaptation constante des services.
La complexification des règles pose par ailleurs le problème de la capacité d'agents généralistes à en contrôler le respect.
Des contrôles sur place exercés par votre rapporteur se dégage incontestablement l'impression d'un certain débordement des services.
Enfin, les conditions d'exercice de l'activité de conseil sont difficiles.
La sophistication des conditions de gestion financière des collectivités locales suscite de leur part une demande accrue de conseil et la dépendance des collectivités locales par rapport aux comptables publics est, dans ce domaine, très variable, les petites collectivités se reposant davantage sur les comptables que les collectivités plus importantes.
Or, la capacité des petits postes comptables à exercer des missions allant au-delà des tâches d'administration des recettes et des paiements locaux ne va pas de soi.
L'idée de créer des structures locales de soutien de l'activité des comptables dans ce domaine doit être mise à l'étude dans le cadre plus général d'une réflexion sur le sens de cette activité.
* 12 A cet égard, en cas de difficultés, il pourrait être tentant pour certains ordonnateurs de s'exonérer et leur responsabilité en imputant aux comptables la responsabilité réelle des choix effectués.